Mes quatorze ans comme travailleuse sociale (1970-1984)
Contents
1. Article Mes quatorze ans comme travailleuse sociale 1970 1984 Diane Champagne Nouvelles pratiques sociales vol 5 n 1 1992 p 135 145 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 301163ar DOI 10 7202 301163ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 09 14 Les pratiques sociales d hier Mes quatorze ans comme travailleuse sociale 1970 1984 Diane CHAMPAGNE Universit du Qu bec en Abitibi T miscamingue Cet article retrace le parcours professionnel de l auteure Celle ci nous fait part de l esprit qui l animait au cours de ses tudes et comme jeune intervenante de l effet des diff ren2. re de d veloppement professionnel Nous avons donc pr sent ce rapport au conseil d administration du CSS Il a t d cid de former un nouveau comit plus gros et plus officiel c est dire avec quelques gestionnaires en plus dont le mandat consisterait approfondir notre tude en l largissant tous les niveaux du CSS On n aurait pu trouver plus belle tactique pour noyer le poisson Les recomman dations les plus importantes ont t ignor es et les travaux du comit on tra n en longueur les employ es se sont d sint ress es et ont laiss tomber Un an plus tard nous n en entendions plus parler Au CCPC a brassait de plus en plus Mis sur pied pour participer la d finition des programmes et des politiques d intervention le CCPC produi sait des tudes et des recommandations toutefois au fur et mesure que le fruit de notre travail grimpait les chelons de la hi rarchie les recommanda tions s amenuisaient et s envolaient en fum e La surprise pass e un senti ment d incompr hension surgit qui d g n ra rapidement en col re un conflit de type guerre froide provoqua la dissolution du CCPC Entre temps nous tions bombard s de nouvelles politiques de nou veaux modes d intervention conformes aux grandes lignes directrices du minist re des Affaires sociales MAS mais parfois fort loign s de nos propres suggestions quand ils ne s y opposaient pas carr ment La r forme do
3. arr t le cours des v nements dans les services sociaux Mise en vigueur en 1979 la Loi sur la protection de la Jeunesse est venue durcir davantage l organisation des services sociaux et la NPS vol 5 n 1 1992 142 Les pratiques sociales d hier pratique professionnelle Non seulement durcir mais modifier une fois de plus la structure m me du CSS la Loi 24 devint la doctrine du CSS et nous obligea une pratique de peur d autant plus que nous n tions peu pr s pas pr par s cette nouvelle fa on d intervenir Comme pour les autres mon travail s est r sum valuer une grande quantit de cas signal s et r gler les crises sur le champ tel que la loi le sp cifiait Je me sentais oblig e d agir en fonctionnaire en polici re ou en r cup ratrice dans un tel contexte je me suis d sengag e et j ai perdu mon dynamisme au profit d automatismes de commis de l tat Je vivais un v ritable paradoxe NOUVEAUX RAPPORTS DE FORCE L ann e 1980 fut celle du durcissement des relations entre cadres et prati ciens et de l augmentation du contr le sur la pratique professionnelle En ef fet dans un document intitul Perspectives et orientations du CSS le comit de gestion proposait de d finir les besoins de la client le de cr er des ressources ad quates de choisir des solutions r ponses et une nouvelle cat gorisation des clients L atteinte de ces objectifs relevait d un encadrement ax s
4. avouer nous discutions des personnes avec lesquelles nous tions en profonde sympathie Cela m est arriv avec une femme de 53 ans veuve depuis quelque temps et qui se retrouvait sans le sou et sans aucune ressource pour survivre Elle d si rait former un groupe de femmes dans la m me situation qu elle afin de re trouver les moyens de briser l isolement qui les entoure Cette femme d gageait une telle volont de mieux vivre que je n ai pas pu r sister Alors j ai pris de mon temps pour l aider r aliser son projet videm ment je gardais mes agissements secrets mais je me sentais moins seule gr ce mon groupe j avais de nouveau la possibilit d changer et de parta ger mes exp riences mes modes d intervention et mes id es sur ce que pou vait tre le service social De plus ma pratique parall le prenait un sens plus pr cis du fait qu elle tait le lot de quelques confr res et cons urs Il ne fau drait pas croire que travailler ainsi tait un jeu d enfant je vivais parfois des heures de grande tension imputable la crainte de me faire pincer utiliser les ressources du CSS pour aider des personnes qui n avaient pas droit en principe mes services Car les employ es disposent de ressources impor tantes boycottage des demandes administratives conf rence de presse tra vail b n vole strat gies Malgr tout cette pratique parall le a dur presque cinq ans la fin j tais devenue une
5. temps calculer la dur e moyenne par entrevue C tait stressant En mars 1981 avec le soutien du syndicat et le support des m dias nous nous sommes r unis en journ e d tude Nous avons alors d cid de NPS vol 5 n 1 1992 Mes quatorze ans comme travailleuse sociale 1970 1984 143 nous opposer au projet de contr le en boycottant toute formule ou toute pro c dure manant de ce projet et ce dans le but de forcer notre employeur s asseoir avec nous et n gocier nos conditions de travail Nous voulions aussi que notre pratique professionnelle nous soit rendue Cette n gociation a d abord t refus e par l employeur puis accept e par la suite C est alors que s est enclench le rituel des comit s servant offrir des p riodes d accalmie Par contre l employeur r duisit ses demandes principalement en ce qui tou chait la gestion du temps pass en entrevue C tait un sursis quatre ou cinq ans plus tard l employeur revenait la charge et tentait d imposer des mesu res de contr le du m me ordre UNE PRATIQUE PARALL LE Comme il devenait de plus en plus difficile d avoir une pratique valorisante et satisfaisante thiquement parlant un petit nombre d entre nous avons d ve lopp une pratique parall le Dans ce petit groupe nous discutions des diver ses situations que nous aurions d logiquement selon les directives du CSS refuser ou traiter inad quatement ou encore il faut bien se l
6. v ritable professionnelle under ground Malheureusement l accumulation des heures suppl mentaires pose un jour ou l autre un probl me de sant NPS vol 5 n 1 1992 144 Les pratiques sociales d hier Un jour j en ai eu marre de cette double vie plus exactement je n arrivais plus effectuer mon travail au CSS avec conviction J avais l impression que je traitais mal mes clients et qu en respectant les politiques du CSS je ne les servais pas toujours comme j aurais d le faire Ensuite le stress au travail ne cessait d augmenter il y avait de plus en plus de cong s de mala die de cong sans solde et de d missions Trop souvent les victimes taient les praticiens les plus comp tents ceux que j ai qualifi s plus t t de r sistants C est dans ce climat d insatisfaction qu en 1983 j ai d cid de demander un cong sans solde d un an J tais bout et je ne voulais pas ajouter mon nom la liste des victimes d puisement professionnel J ai profit de mon ann e sabbatique pour me refaire une sant et pour me questionner sur ce que je d sirais faire et refusais de continuer faire Gr ce au recul que ce cong m a permis de prendre jai pu me rendre compte de l exactitude des quatre hypoth ses sur lesquelles reposait mon m moire de ma trise Champagne 1984 Le CSS ne d finit pas ses objectifs organisationnels partir de l analyse de son environnement social ou politique m
7. ais il se con forme plut t l analyse faite par le minist re des Affaires sociales MAS Les cadres sup rieurs et interm diaires du CSS se posent comme les gardiens des finalit s du CSS telles que formul es par le MAS et en cons quence ils privil gient une structure de pouvoir hi rarchique leur permettant d imposer ces finalit s aux praticiens Les praticiens sociaux de par leurs ressources et leur marge de man uvre poss dent tout de m me un certain pouvoir dans l organisation hi rarchique du CSS et tentent d imposer une structure organisationnelle plus galitaire Dans leurs luttes de pouvoir les praticiens sociaux ne remettent pas en question cette reproduction de la logique technocratique de l Etat Ils tentent plut t d largir leur marge de man uvre en se soustravant au contr le des cadres sup rieurs et interm diaires sans remettre en question la structure et les objectifs du CSS et sans entrer en coalition avec les usagers la fin de l ann e c est dire en f vrier 1984 j avais acquis la certi tude que je ne pourrais plus retoumer au CSS J ai quitt la pratique directe en 1985 NPS vol 5 n 1 1992 Mes quatorze ans comme travailleuse sociale 1970 1984 145 CONCLUSION Aujourd hui avec le recul et la r flexion je me rends compte que la pratique du travail social a suivi les nombreuses et rapides transformations de la soci t qu b coise comme tout le monde n
8. arques sur mes modes d intervention trop de temps pass l ext rieur trop de temps par ren NPS vol 5 n 1 1992 Mes quatorze ans comme travailleuse sociale 1970 1984 139 contre des analyses trop pouss es Toutes ces remarques me signalaient que j en faisais trop et surtout que je ne faisais pas assez ce qu on attendait de moi On ne voulait plus de ces analyses centr es sur l action sociale entre prendre pour rem dier on voulait plut t que je donne un service court terme que je foumisse une r ponse une demande ponctuelle sans prendre en consid ration l environnement du client La participation par objectifs se r v lait tre un placebo J avais l impression qu on m enlevait de la latitude dans ma pratique et je me sentais surveill e Nous tions alors en 1974 et mes espoirs de 1971 me paraissaient d j bien loin M me si l atmosph re tait la d sillusion nous ne nous sommes pas laiss s abattre Par exemple nous avons form un comit d tudes sur la pertinence de l implantation de la direction participative par objectifs notre comit produisit un rapport contenant une analyse de la situation une liste de nos insatisfactions et une vingtaine de recommandations Ces recomman dations constituaient autant de revendications ax es sur la pratique profes sionnelle et les conditions de travail Pendant une couple d ann e j ai milit dans le syndicat qui devint notre porte parole en mati
9. ce qui se tramait On se demandait si on allait chan ger de fonction en raison de la sp cialisation ou tre mut s si l agence fermerait si la pratique serait modifi e mais personne ne d tenait d informations pr cises Puis un beau matin tous les employ s de l agence furent convoqu s et mis au courant de ce qui arrivait dans les services sociaux travers le Qu bec Grosso modo l agence ferait place au Centre des ser vices sociaux CSS et sa mission serait de promouvoir la socialit par la pro duction de services sociaux sp cialis s En tant que praticienne j ai travaill l implantation du CSS dans ma ville avec norm ment d intensit car je croyais fermement cette r forme J ai pass des semaines fi vreuses partag e entre mes clients et les multiples r unions en pr vision de l implantation du CSS L argument de la partici pation tait mon bastion d ailleurs l implantation de la direction participative par objectifs DPO et du Conseil consultatif du personnel clinique CCPO le prouvait bien J ai cru comme tant d autres ces deux structures ax es sur la participation aux orientations et aux objectifs g n raux et sp cifiques du service social que devait offrir notre propre CSS Que j tais na ve Avec le temps je me suis mise ressentir un petit malaise aussi tenace que d rangeant Au d but il se manifestait lorsque mon chef de secteur me glissait gentiment mais fermement quelques rem
10. cial apr s huit ans de pratique je sentais le besoin de plus en plus pressant de faire le point de pousser plus avant mon analyse des probl mes sociaux de la soci t des institutions mandat es par l Etat pour distribuer des services de sant et des services sociaux L investissement dans la formation fut pour moi l alternative au burn out les tudes de ma trise me permirent de me resituer comme intervenante dans ce syst me qui n en finissait plus de changer Si j value ma formation la lumi re de mes objectifs personnels de d part j ai obtenu ce que je voulais une r flexion th orique et critique sur le syst me qu b cois des services sociaux et sur les principaux modes d intervention qui caract risent les pratiques sociales dans ce syst me C est sans doute au cours de ces tudes que j ai appris articuler mes opinions et mes r flexions et manier un vocabulaire plus th orique Une fois mes tu des termin es et mon dipl me en poche il me restait tout de m me transi ger avec le quotidien o l cart entre le discours et l agir demeurait si pr sent Par contre ce fut moins dramatique que je ne le pensais la compr hension plus sereine de la r alit a facilit la poursuite de mes actions journali res L investissement dans ma formation m aura donn l occasion de conserver mon quilibre tout en d veloppant une meilleure compr hension de ma situation Mes tudes n ont cependant pas
11. ences de mobilisation sociale de l poque le front d action politique FRAP le Bureau d am nagement de l Est du Qu bec BAEQ la t l vision ducative du Qu bec TEVEQ On savourait encore les retomb es du Mai 1968 fran ais de la contre culture am ricaine et de la mont e d un syndicalisme qu b cois plus radical La libert intellectuelle de nos professeurs tait contagieuse et nous permettait d explorer de nouvelles avenues Je r vais de cet avenir dans lequel je jouerais un r le de premi re importance et o je participerais l av nement d une soci t meilleure plus galitaire plus sensible et plus politis e Je r vais de devenir mon tour un agent de changement LE MARCH DU TRAVAIL En 1970 le march du travail tait plus qu ouvert le domaine des affaires sociales bouillonnait on avait grand besoin de personnel et je pouvais choisir parmi les offres d emploi En ce matin de janvier 1970 dans l autobus qui m emmenait l agence de service social je tentais vainement de calmer la nervosit qui m assaillait C tait ma premi re journ e de travail et je me demandais anxieusement avec qui je travaillerais comment je serais accueillie par les autres employ s comment je m int grerais mon milieu de travail et quoi encore NPS vol 5 n 1 1992 Mes quatorze ans comme travailleuse sociale 1970 1984 137 mon arriv e le directeur m explique le fonctionnement du bureau tout en in
12. ins fort parce que nous nous y attendions Les coupures de tout acabit nous faisaient mal et nous ren daient agressifs et amers mais elles touffaient surtout ce qui nous restait de foi en ce changement tant attendu et tant d sir Certes on ne peut nier qu il y ait eu changement mais il diff rait consid rablement de celui que nous avions esp r et de celui que la Commission Castonguay Nepveu nous avait laiss entrevoir Toutes ces structurations d structurations et restructurations qui nous taient impos es r sultaient d une valuation bas e sur la logique gestionnelle et technocratique Plusieurs politiques d intervention chang rent de look les nouvelles taient qualifi es de rationnelles et plus efficaces En r alit elles n taient que plus sp cifiques comme un mode d emploi En 1976 soucieux de bien r pondre aux exigences du Minist re mon CSS a accept d implanter le syst me informatis GAMMA Nouveau conflit Dans le coin droit les administrateurs mettaient de l avant leur souci de mo dernisation et d efficacit ils avaient un budget de plusieurs millions g rer une quantit fantastique de donn es traiter et ils souhaitaient en acc l rer les processus Dans le coin gauche les travailleurs sociaux brandissaient le droit la confidentialit des dossiers et une certaine autonomie profession nelle cette poque l ensemble des travailleurs sociaux se divisait en trois g
13. nnait lieu des jeux de strat gies dont les enjeux taient la pr servation ou l acquisition du pouvoir de certains acteurs jamais les besoins des usagers ne constituaient les v ritables enjeux NPS vol 5 n 1 1992 140 Les pratiques sociales d hier EN PERTE D AUTONOMIE PROFESSIONNELLE Je constate que les pr occupations que j avais cette poque taient plut t d ordre administratif que professionnel J avais d j t contamin e par la fi vre technocratique de sauver ma pratique et ce en utilisant les m mes tac tiques que mon employeur En perte d autonomie professionnelle et de pouvoir nous les praticiens avons cherch et acquis des ressources dans le but d largir notre marge de man uvre pour chapper au contr le des cadres Ce faisant nous avions d laiss le questionnement des structures et des objectifs du CSS Pendant ce temps ma pratique s effritait je ne parle pas encore de cr ativit an antie ni de qualit perdue au profit d une tenue de livres je fais seulement allusion une diminution consid rable de latitude dans mes interventions et une augmentation de la cadence Le tout entra nait des ana lyses moins compl tes et moins sociales donc plus superficielles et plus indivi duelles Nous avions des r ponses offrir des r ponses toutes faites la r forme Castonguay Nepveu de 1970 1976 succ da la contre r forme Forget ce fut un choc mais le coup a t mo
14. ous avons eu peu de temps pour dig rer le changement et donner un nouveau sens cette pratique En me posant la question Est ce que je referais le m me choix professionnel si c tait refaire aujourd hui je r ponds Oui sans h sitation L exp rience acquise et le rapport avec les gens est extr mement riche en cette p riode o l indivi dualisme a conduit l indiff rence et au d sengagement politique et social Dans un tel contexte la pratique du travail social r affirme que la souffrance a besoin d tre reconnue l gitim e Des fois je me demande comment se vit maintenant cette pratique sociale vue du dedans par les travailleurs sociaux Est ce que a a beaucoup chang Bibliographie CHAMPAGNE Diane 1984 Analyse strat gique des relations de pouvoir au CSS des qua torze soleils m moire de ma trise en service social Sherbrooke Universit de Sherbrooke NPS vol 5 n 1 1992
15. roupes selon leurs r actions face aux modifications qui se vivaient l int rieur du CSS Il y avait les r sistants ceux et celles qui se battaient pour conserver une pratique professionnelle autonome ceux l et celles l NPS vol 5 n 1 1992 Mes quatorze ans comme travailleuse sociale 1970 1984 141 s opposaient de front au comit de gestion Puis venaient les r sign s qui acceptaient pratiquement tout convaincus que de toute fa on la direction gagnerait toujours alors pourquoi s opposer et ne pas s adapter tout de suite Enfin on retrouvait les ind cis qui tant t grossissaient les rangs des r sistants tant t ceux des r sign s ils agissaient en fonction de la victoire anticip e Le plus difficile dans tout a est d identifier la cause profonde de cette d gradation de la situation Je gueule contre l administration parce qu il me faut un bouc missaire mais je sais tr s bien que les administrateurs sont ga lement des ex cutants relevant directement du MAS qui lui m me doit rendre des comptes au gouvernement Le cercle est vicieux et la machine cent fois mille fois trop grosse Alors on se sent impuissant J ai quand m me conti nu pendant quelques ann es encore d noncer les failles d une hi rarchie dont la gestion s apparentait progressivement celle de l industrie priv e LE RETOUR AUX TUDES En 1979 j ai d cid de m inscrire temps partiel la ma trise en service so
16. rtains de leurs b n ficiaires j en ai vu d autres se passer leurs dossiers se rencontrer et organiser une intervention commune Ce fut notamment le cas pour les employ s d une usine qui avaient t licenci s quelques mois avant d avoir droit la retraite Cong di s ils avaient perdu l assurance financi re pour leurs vieux jours Deux intervenants avaient rencontr des travailleurs de cette usine et organis une action collective de concert avec eux Il y eut r u nion des employ s formation d un comit de strat gie animation des rencon tres m diation etc Les employ s se sont pris en main et les travailleurs sociaux s taient content s d agir en conseillers J avais particip tout le d roulement de cette intervention et cette action cadrait bien avec ma vision de la pratique professionnelle d un travailleur social tude globale des situa tions personnelles en fonction du milieu identification des besoins des gens assistance et non prise en charge Cette pratique existait pourtant depuis quelques ann es au Qu bec dans le quartier St Henri Montr al dans le quartier Saint Roch Qu bec dans le quartier Centre Sud Sherbrooke pour ne nommer que ceux l des travailleurs sociaux exp rimentaient avec ferveur l animation sociale Ils taient mes mod les s inspirant beaucoup de certains auteurs am ricains comme Saul Alinsky ils avaient popularis l animation sociale un mod le d interven
17. sistant fortement sur la bonne collaboration entre les membres sur le respect des a n s et sur l esprit de famille qui formaient le pivot de la bonne marche de la bo te Je sentis un vent de paternalisme passer entre les lignes on m a fait comprendre qu tant la benjamine je saurais tr s certaine ment tirer profit de l exp rience de mes coll gues m am liorer et grandir au contact de mes pairs Ce fut ensuite la visite des lieux et la pr sentation offi cielle Ma premi re semaine de travail l agence s est pass e en lectures et discussions Au fur et mesure que je travaillais je me rendais compte que la dyna mique de l agence reposait sur les int r ts et les habilet s de chaque travailleur social l organisation ne pr sentait ni planification globale ni uniformit au plan des interventions ni orientation sp cifique ni aucune division par pro gramme Chacun choisissait la client le avec laquelle il d sirait travailler et l intervention se faisait alors en fonction du milieu cette poque la notion de contr le avec toute la paperasserie de feuilles de temps de feuilles de sortie de ratio de rencontres et de personnes plac es n tait pas encore une r alit Il y avait bien s r les nombreux rapports d activit s fournir aux sup rieurs mais l emploi du temps tait consacr majoritairement la client le J ai entendu des travailleurs sociaux discuter librement de la situation de ce
18. tes r formes gouvernementales sur sa pratique de sa d cision de retourner aux tudes Il est aussi question de ses tentatives pour r sister l effritement de l autonomie professionnelle 136 Les pratiques sociales d hier Le projet de d crire la vie d une travailleuse sociale travers ses quatorze ans d exp rience remonte 1984 A l origine je voulais r crire dans une forme romanc e mon m moire de ma trise conduit sous l angle d une analyse poli tique portant sur les structures de pouvoir engendr es par l organisation d un Centre de services sociaux CSS Cet article pr sente une synth se de mon exp rience en esp rant que plusieurs lecteurs et lectrices pourront se recon na tre dans mes pr occupations de travailleuse sociale tiraill e entre ma per ception de services sociaux de qualit et les luttes contre le contr le qu ont cherch exercer sur ma pratique les dirigeants de mon CSS LA P RIODE DES TUDES Je me rappelle avec motion de mes ann es d tudes de baccalaur at en travail social J avais vingt ans et nos professeurs clamaient que nous devions tre militants tout autant que sp cialistes Dans les salles de cours les mod les d analyse traditionnels c daient la place toutes sortes de nouvelles appro ches Nos professeurs taient des enfants de la R volution tranquille et la plupart d entre eux venaient de familles modestes qui avaient connu de pr s ou de loin les grandes exp ri
19. tion qui se voulait novateur par rapport aux approches traditionnel les d organisation communautaire mais sans tre trop radical non plus NPS vol 5 n 1 1992 138 Les pratiques sociales d hier Participer faire participer susciter la participation tout au long de ma formation cet objectif tait revenu comme un leitmotiv H las ces id es r volutionnaires n avaient pas encore franchi le seuil de l agence elles in qui taient m me un peu mes coll gues plus g s tout comme les inqui tait le montant de la pension qui leur serait vers e leur retraite qu ils allaient pren dre dans quelques ann es Durant ces premiers mois de travail j ai compris rapidement que le changement social serait beaucoup plus difficile r aliser que me l avaient laiss croire mes cours l Universit On ne m avait pas vraiment assez parl de la r sistance de la m fiance de la peur que suscite le changement LA R FORME CASTONGUAY NEPVEU cette poque l application prochaine des recommandations de la r forme Castonguay Nepveu cr ait l agence une atmosph re la fois inqui te ten due et f brile Mes sup rieurs passaient de nombreuses heures au bureau du grand patron on recevait galement un grand nombre de visiteurs principa lement des administrateurs d autres agences et institutions de services sociaux Comme l information circulait lentement et mal nous les praticiens ne sa vions quasiment rien de
20. ur le contr le et l valuation de la pratique tant qualitativement que quantitativement Cette valuation incombait bien s r aux cadres sup rieurs le comit de gestion s octroyant le droit de regard et de d cision Voici d ailleurs les propos d un membre du comit de gestion qui ne se g nait pas pour parler ouvertement de ce que la direction pensait de nous Quand on a fait Perspectives et orientations en 1980 je pense qu ce moment l on n y croyait plus tellement l autonomie des praticiens et l auto contr le Ce qu on s est dit ce moment l c est qu il y a des praticiens qui travaillent mal qui font des erreurs et que si on ne les contr le pas la client le va en souffrir Donc il faut s assurer que les praticiens travaillent bien parce qu on ne peut plus leur faire confiance Les praticiens veulent avoir de la supervision on s est dit On va leur en donner c est important mais on va y mettre le contr le Champagne 1984 25 mon avis cette nouvelle philosophie niait la capacit des individus des communaut s et des professionnels de d finir les finalit s de leur travail Dor navant l accent tait mis sur la quantit et non sur la qualit Le service social ne faisait plus aucune promotion sociale il se contentait de g rer les probl mes ponctuels Notre frustration tait son comble nous avons t invit s participer quelques exercices afin de mieux g rer notre
Download Pdf Manuals
Related Search