Si par une nuit d`hiver un voyageur : quand la fiction
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1. 5 Il n est pas exclu que celui qui suit mon r cit se sente un peu frustr en voyant que le courant se disperse en nombre de petits ruisseaux et qu il ne lui parvient des faits essentiels que des chos et reflets ultimes mais il n est pas exclu non plus que j aie justement cherch cet effet l SPU p 117 28 TANGENCE la mise en abyme que renferme le journal de l auteur Flannery alter ego de Calvino qui expose un projet d criture correspon dant au roman Si par une nuit d hiver L id e m est venue d crire un roman tout entier fait de d buts de romans Le protagoniste pourrait en tre un Lecteur qui se trouve sans cesse interrompu Le Lecteur ach te le nouveau roman A de l auteur Z Mais l exemplaire est d fectueux et ne contient que le d but Le Lecteur retourne la librairie pour changer son exemplaire Je pourrais l crire tout entier la seconde personne toi Lecteur Je pourrais faire intervenir une Lectrice un traducteur faussaire un vieil crivain qui tient un journal comme celui ci SPU p 211 Dans cet extrait v ritable plaque tournante du roman l effet amorc atteint son point culminant Par cette mise en abyme explicite non seulement la barri re existant entre la r alit et la fic tion nous semble t elle abolie mais ces informations font en sorte de d multiplier les paliers narratifs ainsi que les niveaux de r alit Narr la premi re personne contraire2. cette logique de perm abi lit est bien s r l interpellation du lecteur travers le pronom tu Cette interpellation litt rarise le lecteur pour en faire une instance flottant entre un monde fictif et son monde r el un partici pant qui sent qu il est la fois en dehors et en dedans en dedans en tant que personnage fictif parmi d autres d autant plus que le pro tagoniste anonyme demeure un repr sentant abstrait de son r le et en dehors dans la mesure o le personnage du Lecteur lu renvoie au lecteur r el et en ce sens engendre une r f rence par del le livre L interpellation est ce point forte qu elle continue de cr er Pillu sion au moment m me o l identification du lecteur est sournoise ment d nonc e Fais attention c est s rement une technique pour timpliquer petit petit dans l histoire et t y entra ner sans que tu t en rendes compte Un pi ge L auteur est encore ind cis comme du reste toi m me SPU p 17 En r fl chissant son rapport au lec teur le roman tente de faire clater les fronti res de la fiction mais par des moyens qui rel vent de la fiction Des indices calcul s Au fur et mesure que le r cit progresse le narrateur nous d voile de plus en plus explicitement les strat gies narratives qui cr ent l effet de simultan it De la simple remarque sur la confu sion du lecteur on en arrive une plus grande transparence avec
3. en quelque sorte la valeur de centre s mique attribu e au chapitre huit Si les donn es du texte semblent s ordonner selon un mod le circulaire il est l gitime de se demander si celui ci tend se refer mer sur lui m me c est dire boucler la boucle ou bien s il montre plut t une propension poursuivre le processus selon une structure spiral e Le dernier chapitre semble de prime abord vouloir corroborer la premi re hypoth se Lecteur et Lectrice vous tes pr sent mari et femme Un grand lit conjugal accueille vos lectures parall les Ludmilla ferme son livre teint sa lampe abandonne sa t te sur loreiller et dit teins toi aussi Tu n es pas fatigu de lire Et toi Encore un moment Je suis juste en train de finir Si par une nuit d hiver un voyageur d Italo Calvino SPU p 279 De plus le ton proph tique du narrateur qui nous annonce une fin de plus en plus proche Lecteur il est temps que cette navigation agit e trouve enfin un point o aborder SPU p 271 ainsi que la sortie m taphoris e du personnage de Ludmilla du monde de la fiction nous m nent tout droit l id e d un m ca nisme qui tel un pi ge se refermerait sur lui m me Toutefois si la concat nation des titres formant une phrase compl te permet de valider la premi re hypoth se elle ouvre une br che vers une interpr tation oppos e Si par une nuit d hiver un voyageur en s
4. jusqu P atteinte d un plateau pour ensuite redescendre au nombre initial De l implication du lecteur Au del des principes formels d criture et des contraintes impos es la v ritable innovation du roman r side dans la demande pressante faite chaque lecteur le vrai c est dire nous tous et 4 Italo Calvino Comment j ai crit un de mes livres dans OULIPO La biblioth que oulipienne vol 2 Paris Ramsay 1987 SINDY LANGLOIS 27 non le personnage des chapitres de coop rer l laboration de l uvre pour ainsi virtuellement l int grer la fiction En r alit nous savons que cette strat gie demeure un effet cr par le disposi tif Pauteur r el restera toujours celui qui tire les ficelles de l ext rieur Toutefois pour accro tre cet effet de capture du lecteur le texte d voile sans cesse les proc d s qui sous tendent le r cit de sorte que Si par une nuit d hiver devient une m tanarration une nar ration qui n en finit pas de parler d elle m me qui r v le ses m ca nismes et analyse son proc s cr atif en m lant sciemment les plans de la r alit et de la fiction dans le fantasme avou de brouiller la fronti re cens e les s parer D entr e de jeu en effet l instance nar rative extrait le lecteur r el de sa position ext rieure dans la cha ne de la communication narrative pour l introduire au c ur de l espace et du temps fictifs Un l ment crucial de
5. loignant de Malbork pench au bord de la c te escarp e sans craindre le vertige et le vent regarde en bas dans l paisseur des ombres dans un r seau de lignes entrelac es dans un r seau de lignes entrecrois es sur le tapis de feuilles clair es par la lune autour d une fosse vide Quelle histoire attend l bas sa fin SPU p 15 39 61 85 111 143 173 213 237 et 261 Sugg rant une conclusion imminente cette phrase compl te ouvre la voie une lecture diff rente o l histoire qui attend sa 8 Au sens que Douglas Hofstadter donne cette expression dans G del Escher Bach An Eternal Golden Braid New York Vintage 1979 32 TANGENCE fin serait celle que nous avons sous les yeux et qui se r p terait linfini laissant lattente vaine En effet cette ambigu t suppl mentaire comme si le roman n tait pas encore assez complexe se pr sente au lecteur attentif Est il possible que le texte coinc dans l engrenage de la fiction g n r e ne puisse s affranchir du proces sus mis en place Il suffit en effet d imaginer que le texte projet par Flannery est bien celui que nous lisons et donc qu il rec le un second Flannery en abyme puis un troisi me etc Nous nous enfon ons alors dans des niveaux de fiction ench ss s les uns dans les autres de plus en plus loign s de la r alit sans possibilit de sortir de la fiction mesure que le narrateur nous d
6. o nous sommes amen conclure que la fiction est g n r e par la fiction elle m me Niveaux de r alit et effet de circularit dans Si par une nuit d hiver un voyageur Moi l auteur j cris que Ed i N l id e mest venue Toi Lecteur d crire un tu lis que roman VI II 1 Je suis l homme qui va et vient entre le bar et la cabine V Un crivain dans son journal crit que II N 70 Attention Lecteur tu commences un roman qui dit que IV Lorsque l on analyse ces diff rentes strates nonciatives et fic tionnelles c est bien l id e d un fonctionnement circulaire qui se d gage de l uvre Le niveau I constituerait le point de d part du processus L op ration qui s y effectue engendre le niveau II moteur fictif de la m tafiction qui son tour permet l appari tion des niveaux III et IV Concr tement le r sultat de ce proces sus narratif complexe appara t sous la forme des niveaux V et VI c est dire du r cit cadre et des incipits Seuls ces deux niveaux de r alit sont rendus visibles dans le roman du moins jusqu ce SINDY LANGLOIS 31 qu on parvienne au chapitre huit qui vient modifier la donne en transformant une structure d ench ssement en boucle trange Par ailleurs le sch ma permet de distinguer la position sym trique entre I et IV qui ent rine
7. Article Si par une nuit d hiver un voyageur quand la fiction d passe la fiction Sindy Langlois Tangence n 68 2002 p 23 32 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 008245ar DOI 10 7202 008245ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al II a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 09 03 Si par une nuit d hiver un voyageur quand la fiction d passe la fiction Sindy Langlois Universit Laval Dans Si par une nuit d hiver un voyageur Italo Calvino a de son propre aveu int gr des contraintes oulipiennes assez com plexes Cet article entend montrer que l usage spectaculaire de l autor f rence dans ce roman ob it une structure d enc
8. circulaire Une lecture orient e permet de d gager six niveaux de r alit qui tout en balisant le r cit nous entra nent la fois dans un mou vement circulaire et dans un espace labyrinthique s articulant ainsi I Moi l Auteur j cris que II Toi Lecteur tu lis que II Un crivain dans son journal crit que IV r cit cadre Toi Lecteur tu es sur le point de commencer un nouveau roman qui s intitule Si par une nuit d hiver un voyageur V incipit et qui d bute ainsi Je suis l homme qui entre en gare avec le mandat d changer une valise Les niveaux I II et III forment en quelque sorte l encadrement silencieux du texte lequel engendrera les niveaux IV et V c est dire l entrelacement du r cit cadre et des incipits et ce jusqu au chapitre huit o la mise en abyme qui tente de prendre en charge le roman dans sa totalit mat rialise le niveau I appelons le P lequel appelle logiquement son tour les niveaux II MI et ainsi de suite Selon toute apparence nous avons atteint le 6 Aurore Frasson Marin Italo Calvino et imaginaire Gen ve Paris Slatkine 1986 p 398 7 L auteur interne la fiction il va sans dire Pour parfaire la co ncidence avec la r alit l auteur interne fictif du roman se nomme Calvino Cependant pour la clart de notre analyse nous avons pr f r lui attribuer une appella tion plus large 30 TANGENCE c ur du syst me et le point
9. croit que la valeur po tique peut et doit na tre l int rieur de formes extr mement contraignantes Tandis que dans certains ouvrages oulipiens le processus cr ateur devient le d clencheur de la fiction l organisation interne de Si par une nuit d hiver semble r gl e par la volont de r inventer pour ainsi dire le monde romanesque dans sa forme en abolissant la fronti re fictionnelle Tentons donc d exposer le mode d emploi de ce roman machine On peut d abord noter que les dix incipits repr sentent autant de tendances du roman contemporain Alliant principe combina toire et id e de totalit les fictions inachev es illustrent galement une attitude borg sienne face au monde et aux livres Calvino aspi rait depuis longtemps un ouvrage qui renfermerait tous les livres embrasserait les savoirs et les possibles en litt rature On ne s tonne gu re par cons quent de constater que Si par une nuit d hiver r unit des fragments narratifs qui calquent les caract risti ques de genres relevant d espaces culturels fort divers le r alisme merveilleux popularis en Am rique latine et dans les Cara bes la prose rotique japonaise les romans policiers am ricains etc Dans cette optique le roman se pr sente comme le v ritable microcosme d une biblioth que universelle comme un fascinant chantillon de possibilit s romanesques En r ponse une n bu leuse de commentaires et de questions conc
10. des chapitres a t construit partir d un certain nombre de rela tions entre quatre termes ce qui donne une repr sentation forma lis e des divers l ments appel s intervenir dans le roman En d composant l uvre partir de propositions qui s inspirent du raisonnement math matique Calvino nous propose un r cit qui est de l ordre d une combinatoire proc dant partir d une organi sation d l ments discrets Ainsi ce qui constituait chez Greimas un instrument d analyse devient entre les mains de Calvino un outil de cr ation Nous reproduisons ici le carr et les explications qui correspondent au premier chapitre L 1 r L Le lecteur qui est l L lit le livre qui est l 1 Le livre qui est l conte l histoire du lecteur qui est dans le livre L Le lecteur qui est dans le livre m arrive pas lire le livre qui est dans le livre P Le livre qui est dans le livre ne conte pas l histoire du lecteur qui est l Le lecteur qui est dans le livre pr tend tre le lecteur qui est l Le livre qui est l voudrait tre le livre qui est dans le livre Et pour complexifier encore davantage cette architecture il adjoint une contrainte suppl mentaire de deuxi me degr l ensemble des carr s doit lui m me respecter la structure de ce que les oulipiens appellent la boule de neige fondante de sorte que le nombre de carr s utilis s cro t
11. ernant ce proc d Cal vino a tent de justifier la pratique syst matique de l interruption qui caract rise chacune de ces dix tendances du r cit contempo rain l issue de quelques dizaines de pages Ma th se est que la force de tout roman se concentre en son d but Et je crois que dans la plupart de mes dix d buts il y a tout Alors 20 100 ou 200 pages suppl mentaires tout cela ne nous apprendrait pas grand chose de plus Et donc quoi bon continuer En ce qui concerne le r cit cadre c est dire le r cit qui sert de tremplin vers les niveaux de narration ench ss s Calvino con trairement certains oulipiens qui refusent de d voiler les con traintes l uvre derri re leurs textes a fait para tre un petit 3 Propos de Calvino cit s par Phillipe Daros dans Italo Calvino Paris Hachette 1994 partir d un entretien accord Carlo Bo pour l Europeo juillet 1979 L encore l attitude de Calvino se rapproche de celle de Borges qui dans le prologue de Fictions d clarait Mieux vaut feindre que ces livres existent d j et en offrir un r sum un commentaire traduit de l espagnol par P Verdevoye Paris Gallimard coll Folio 1957 p 33 26 TANGENCE opuscule Comment j ai crit un de mes livres o il fait exclusive ment appel au carr s miotique greimassien afin de rendre compte de l organisation interne de son roman On y d couvre que chacun
12. h sse ment circulaire qui referme le m canisme sur lui m me Si nous connaissons les r gles du jeu romanes que nous pourrons construire des romans arti ficiels n s en laboratoire nous pourrons jouer au roman comme on joue aux checs avec une absolue loyaut en r tablissant une communica tion entre l crivain pleinement conscient des m canismes dont il est en train de faire usage et le lecteur qui accepte le jeu parce qu il en conna t les r gles et sait qu il ne peut plus tre pris au pi ge ITALO CALVINO Tout comme celle des Villes invisibles et du Ch teau des destins crois s l conomie de la fiction de Si par une nuit d hiver un voya geur est r gl e par la pr sence d une organisation rigoureuse mais surtout par la volont de combiner une intrigue et un suspense romanesques avec une r flexion audacieuse sur le cadre fictionnel 1 Italo Calvino Le roman comme spectacle dans La machine litt rature Paris Seuil 1984 p 156 2 Italo Calvino Les villes invisibles 1972 traduit de Pitalien par Jean Thibau deau Paris Seuil 1974 Le ch teau des destins crois s 1973 traduit de Pita lien par Jean Thibaudeau et l auteur Paris Seuil 1976 Si par une nuit d hiver un voyageur 1979 traduit de l italien par Dani le Sallenave et Fran ois Wahl Paris Seuil 1981 Nous abr gerons le titre en Si par une nuit d hiver et d sormais les r f rences cet ouvrage sero
13. m le Lecteur s engage dans une qu te celle de la suite Cette recherche aiguillonne le d sir du protagoniste en le mettant en pr sence de manuscrits qui ne seront jamais la continuation de celui qui vient de s interrom pre Deux paliers di g tiques alors s entrecroisent d une part le r cit cadre sur le plan di g tique qui correspond aux tribulations du Lecteur la recherche de la suite du manuscrit d autre part au niveau m tadi g tique les incipits les d buts d histoires avort es ce sujet comme le pr cise l auteur lui m me les bribes de romans que l on retrouve l int rieur de l uvre sont ache v es interrompues dans le sens o chacune d bute par la mise en place d une intrigue qui malgr l interruption se resserre suffi samment sur elle m me pour admettre une certaine forme de con clusion voire de chute dans quelques cas Mais avant d entrer plus avant dans la m canique interne de Si par une nuit d hiver exami nons jusqu quel point ce roman de Calvino en s imposant des contraintes formelles s inscrit dans la d marche oulipienne L influence oulipienne Dans les ann es 1970 alors qu il vit Paris Italo Calvino par ticipe de fa on assidue aux r unions de l Oulipo groupe dont il partage les id es et les pr dilections Comme ses coll gues de SINDY LANGLOIS 25 l Oulipo il accorde une tr s grande importance la structure du r cit et
14. ment aux chapitres pr c dents le chapitre huit celui de la mise en abyme contient et justifie tout la fois les donn es romanesques et formelles de l uvre D une part l utilisation du je contribue situer le tu qui dans la premi re partie du roman assure la fonction de prota goniste principal Puisque le tu pr suppose un je qui l identi fie et le rend op rant et que dans le cas qui nous int resse cette instance premi re interpelle et manipule le Lecteur la seule iden tit qu il soit possible d attribuer ce je est celle d un crivain que son nom soit Flannery Marana ou bien Calvino importe peu lorsque l on sait que l auteur d un livre n est jamais qu un per sonnage fictif que l auteur r el invente pour en faire l auteur de ses fictions SPU p 192 Rappelons qu l int rieur de son journal Flannery expose un projet d criture qui tout en tant une mise en abyme du roman repr sente un crivain lequel serait anim du m me d sir d criture que lui et tiendrait un journal qui serait en fait l exposition d un projet d criture dans lequel un crivain tiendrait un journal De mise en abyme en mise en abyme de niveau de fiction en niveau de fiction le vertige gagne rapidement le lecteur qui tente d analyser cette structure tourbillonnaire car plus il s interroge plus son questionnement prend la forme d un cercle vicieux D autre part la pa
15. nt indiqu es par le sigle SPU suivi de la page et plac es entre parenth ses dans le corps du texte Tangence n 68 hiver 2002 p 23 32 24 TANGENCE Mise en r cit explicite des r gles structurelles qui le composent cette uvre s ing nie tirer le lecteur r el de sa position ext rieure pour l introduire au c ur de Pespace et du temps fictifs et ce par des proc d s qui rel vent eux m mes de la fiction Afin de percer les r gles du jeu romanesque qui r gissent le roman je propose d examiner deux types de structures qui l articulent et le balisent tout la fois la premi re de l ordre de la combinatoire bas e sur des principes oulipiens de contraintes cr atives et la seconde cir culaire qui appara t comme une cons quence vertigineuse de l autor f rence Construit selon une architecture narrative l vidence sophis tiqu e Si par une nuit d hiver constitue une uvre raffin e une lecture id ale pour lesth te en mal de fouilles architexturales Quoiqu il r siste farouchement au r sum ce roman de Calvino appara t la r flexion comme l histoire m taromanesque de l cri ture d un roman qui au fur et mesure que cette histoire pro gresse semble se d construire devant nous Plus pr cis ment le roman qui oscille constamment entre deux niveaux di g tiques voque la poursuite haletante d un Graal inaccessible dans la mesure o le personnage principal nom
16. rence ce roman de Calvino hypermod lise le rapport entre instance narrative et sujet lisant donnant voir dans une r flexion m taromanesque ce que lire et crire signifient Si par une nuit d hiver un roman pour lecteurs initi s Plut t un roman qui initie ses lecteurs pourvu qu ils acceptent les plaisirs et les ver tiges du jeu romanesque
17. rfaite co ncidence entre la trame v nementielle du roman et la mise en abyme du chapitre huit comporte certaines ambigu t s dans la mesure o il est impossible de savoir quel degr de la fiction correspond notre lecture En SINDY LANGLOIS 29 d autres termes il est l gitime de se demander si l histoire que nous lisons r sulte du travail de Flannery Marana si l on consi d re que Marana a pu transcrire l uvre de Flannery qui nous est donn e lire ou bien s il ne constitue qu un fragment d un projet m taromanesque Niveaux de r alit autor f rence et effet de circularit En 1978 alors que Si par une nuit d hiver tait en pleine gesta tion Calvino propose l id e suivant laquelle la conscience des dif f rents niveaux internes l uvre doit tre compl t e par celle de l uvre en tant que produit dans son rapport avec l ext rieur avec le moment de sa construction 6 C est partir de cette pr misse et de la c l bre formule J cris que Hom re raconte que Ulysse dit J ai cout le chant des sir nes que Calvino th oricien entre prendra une brillante analyse des niveaux de r alit en litt rature Laissant de c t les r flexions concernant les niveaux de r alit je m en tiendrai plut t aux niveaux qui se manifestent l int rieur du roman comme l a d j sugg r Aurore Frasson Marin mais cette fois en proposant l id e d une construction
18. voile ses stra t gies m taromanesques plusieurs indices viennent corroborer cette id e d un deuxi me tour de roue Quand je suis arriv ici a t ma premi re id e peut tre que j ai fait en pens e un effort assez grand pour que le temps accomplisse un tour complet me revoici dans la gare d o je suis parti la premi re fois elle est rest e pareille elle m me rien n a chang SPU p 26 Mais comment d terminer le moment exact o une histoire commence Tout est d j commenc depuis toujours SPU p 164 Chaque fois que je tombe sur un de ces petits grumeaux de sens je dois creuser autour pour voir si la p pite ne s tend pas en un filon Ma lecture n a pour cette raison pas de fin je relis et je relis cherchant chaque fois entre les plis des phrases la preuve d une d couverte nouvelle SPU p 273 Vous croyez que chaque lecture doit avoir un d but et une fin SPU p 276 Concr tisation d un fantasme d auteur crire un roman qui semble s articuler de l int rieur en rendant t nue la fronti re qui existe entre la r alit et la fiction Si par une nuit d hiver en tant qu uvre labyrinthique remplit le second pari litt raire de Cal vino celui de produire un texte qui se remette en question afin de laisser le lecteur dans une perplexit constante Que ce soit par le recours aux contraintes oulipiennes ou par l emploi astucieux de lautor f
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