Home

L`inflexion patrimoniale - Institut d`histoire du temps présent

1. une historicisation du ph nom ne religieux sa s cularisation sous la forme patrimoniale Enfin ce th me est r dit sans cet article Bruxelles Complexe 1988 12 Ren Girault Rapport op cit n 1 p 76 5 Philippe Joutard Rapport op cit n 2 p 90 14 Soulign par nous m Philippe Joutard Rapport op cit n 2 p 91 16 idem Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 5 correspond aux nouveaux chantiers explor s par les historiens dans le sillage de Phistoire des mentalit s et rencontre un int r t croissant de la part de la communaut historienne qui n envisage plus seulement le ph nom ne religieux comme un processus d inculcation mais insiste d sormais sur sa dimension de repr sentation partag e du monde C est dans cette perspective que l aborde le rapport Pour combler une grave lacune culturelle de notre soci t et pour permettre aux l ves de mieux comprendre les r alit s historiques pass es et pr sentes il est indispensable d accorder Phistoire des religions une place importante Mais on ne doit pas en faire un enseignement autonome dans le premier et le second degr 17 4 Le quatri me th me est celui de la place qu il faut accorder l histoire contemporaine voire Phistoire du temps pr sent 18 Afin d assumer l ambition que l histoire introduise la compr hension du mon
2. 13 Il est pos dans ces premi res formulations en quivalence avec celui d h ritage culturel employ d ailleurs quelques lignes plus loin 3 La troisi me pr occupation qui merge au fil de ces rapports est celle du culturel et du religieux Elle est fortement d velopp e par les recommandations du Rapport Joutard On peut l interpr ter pour une part comme une r ponse la forte mobilisation des partisans de l cole libre en 1984 et aux demandes r it r es de l piscopat fran ais de voir instituer un enseignement des religions m me si le rapport Joutard a soin de pr ciser que plusieurs organisations la ques dont la Ligue de l Enseignement d s 1982 14 et la F E N se sont d clar es favorable au projet d enseignement d une histoire des religions 15 Cette lecture est cependant loin d puiser la question En effet il faut pr ter attention la nature m me de lPargumentation d ploy e par la hi rarchie catholique qui insiste sur le caract re patrimonial de la connaissance du christianisme et se situe elle m me dans une probl matique de la transmission d une culture autant sinon plus que d une foi ce que le rapport Joutard traduit en ces termes L Eglise catholique a pris conscience de la distance qui s accentue entre la culture religieuse et la culture commune surtout chez les jeunes 16 Les demandes pressantes adress es de toutes parts l cole traduisent aussi
3. il faut analyser les multiples significations d un m me document comme les lectures successives des historiens Cette ouverture herm neutique offre aux enseignants une possibilit de pratiquer une lecture plurielle des documents et des rep res La pratique enseignante du pluralisme interpr tatif existait bien s r avant les nouveaux programmes mais sous la forme restreinte de l tude de dossier du type Les interpr tations de la R volution fran aise Elle n en constituait pas moins une premi re approche du relativisme critique historien Le choix de la th matique du sens comme argumentaire ultime de la s lection des contenus d passe toutefois largement cette pratique de la confrontation des interpr tations il assigne comme but de l enseignement de l histoire la r appropriation des significations d pos es dans les documents retenus De ce point de vue il y a une coh rence entre le choix du probl matique et le choix herm neutique qui le compl te Mais premi re remarque il y a aussi une pratique relativiste possible du pluralisme interpr tatif l espace des interpr tations ne saurait tre libre il est un espace contraint par le v to des sources Rheinhart Koselleck Deuxi me remarque linsistance sur le sens signale une conception selon laquelle lintelligibilit de l histoire r side dans le sens qui s labore en elle L histoire est alors pens e pour Delacroix amp Ga
4. duite la seule prise en compte des d boires du G T D pr c dent qui avait rencontr l hostilit de plusieurs associations professionnelles au premier rang desquelles PA P H G Association des professeurs d histoire et de g ographie Mais elle t moigne de la force des clivages et attentes comme de la complexit red finir un programme aujourd hui C est autour de l affirmation de Pabsolue n cessit de terminer les programmes 33 et au nom d un certain r alisme p dagogique que s organise une s rie d arguments qui justifient un all gement des contenus et une nouvelle pr sentation des programmes Cette s quence argumentative est aussi l occasion de traiter une opposition classique en mati re de conception de l enseignement l opposition factuel conceptuel Ni factuel ni conceptuel probl matique La lecture des programmes permet tout d abord de rep rer une premi re innovation La s lection pour le coll ge d un nombre restreint de rep res chronologiques et spatiaux et de documents qui sont mentionn s en tant que tels et aussi bien au coll ge qu au lyc e l indication pr cise du nombre d heures consacrer chacune des questions retenues 34 Il y a l une importante mutation m me si les projets du G T D Martin comportaient des listes de notions et de savoir faire C est la marque d un air du temps pr occup d efficacit et d valuation qui veut aussi 51 Les c
5. tend absolutiser la dimension prescriptive bien entendu rdispensable des propositions Or la discussion critique scientifique ne peut porter que sur des analyses positives empiriques les propositions normatives elles rel vent du domaine des valeurs et des jugements pratiques o l thique de la discussion n ob it pas aux m mes r gles Toute proposition pour pouvoir tre discut e doit garder une vuln rabilit empirique Jean Claude Passeron la strat gie de d contextualisation est souvent une strat gie d immunisation Elle revient poser ce qui est le produit d une analyse situ e comme une vidence apodictique La n cessaire contextualisation des propositions qui est une modalit de la r flexivit historienne prend en effet une importance particuli re pour juger de la pertinence des propositions des programmes pour construire une culture citoyenne qui est la fois une m moire et un projet Nous terminerons l analyse de ce trajet d argumentation des r dacteurs des nouveaux programmes par l exploration des enjeux de la patrimonalisation de la culture historique propos e aux l ves par les programmes Culture patrimoniale vs culture historique La liste des grands rep res retenus dessinent les contours d une culture sociale citoyenne et donc celle de choix proprement politiques De ce point de vue le choix et l tude dans une d marche d histoire r gressive de moments histori
6. tre pris dans Pantiquit 77 eJean Cl ment Martin L enseignement de l histoire au lyc e Vingti me si cle janvier 1996 p 126 2 Thidem p 123 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 8 Trois types de textes composent le corpus que nous avons analys Les programmes eux m mes c est dire des textes officiels nationaux obligatoires qui ont force de loi Ils sont du reste sign s par le ministre Outre les intitul s proprement dits et leur commentaire ils comprennent aussi des chapeaux introductifs pour chaque niveau d enseignement qui pr cisent les finalit s les approches et les m thodes Les Documents d accompagnement constituent le deuxi me type de textes Contrairement aux programmes ils n ont pas un statut d obligation Ils sont destin s aider les enseignants dans la mise en uvre des nouveaux programmes et ont t labor s partir des travaux de stages r unissant des enseignants de toutes les acad mies mais ils sont r dig s sous la responsabilit conjointe du G T D et de Inspection g n rale Ces textes ont un caract re n cessairement plus composite Ils r sultent en partie de la confrontation et du compromis entre les cultures historiographiques pist mologiques et p dagogiques des participants ces stages S il est important de rappeler cette caract ristique pour ne pas c der aux risques de la s
7. P r dition de 1994 p 91 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 13 Les Documents d accompagnement des nouveaux programmes ne veulent pas livrer des actualisations cl en main il s agit plut t d aider les enseignants comprendre le mode demploi du programme Dominique Borne Mais dans tous les cas les choix op r s le sont bien en fonction de probl matiques implicites qui sont elles m mes des aductions de probl matiques de recherche ces traductions ob issent aussi d autres logiques que celles de la recherche Si les crit res d laboration de ces traductions c est dire les modalit s de traitement de la contradiction ni trop coller la recherche ni s en couper restent opaques les r dacteurs laissent ils d autres choix aux enseignants que celui de se conformer aux choix explicites ou implicites des programmes Ce qui contredit la double volont r elle des r dacteurs de sortir de lPencadrement trop strict des probl matiques d enseignement et de suivre les grandes orientations de la recherche 4 On peut plus largement s interroger sur les limites de la revendication de non explicitation et sur la possibilit m me de s y tenir Si l on prend l exemple de la notion de r gime totalitaire les Documents d accompagnement du cycle terminal lyc es expose ce qu il faut bien appeler une mise au point histori
8. changements de contenus Ils ne livrent pas les cl s de leur propre inscription dans un contexte d termin qui est scientifique historiographique mais aussi social alors que leurs r dacteurs sont eux m mes persuad s de l historicit de ces textes et soulignent d ailleurs que les nouveaux programmes sont le reflet la fois d un certain tat de la soci t et de la recherche historique 47 Il n y a certes pas de solution miracle au probl me mais par exemple et sans vouloir tout expliciter des choix op r s l expos contextualis c est dire produit dans une perspective historique d un cas de traitement p dagogique d un th me entr progressivement en rupture avec la recherche comme l tude de PU R S S ou celle du nazisme aurait peut tre t tr s utile aux enseignants pour prendre la mesure des enjeux de la question plus g n rale de la compatibilit n cessaire et prioritaire entre savoirs enseign s et recherche mais aussi des limites d une approche strictement actualisante Ce type d expos n est pas une mise au point historiographique du type de celle faite propos des r gimes totalitaires c est une histoire 4 Le programme de terminale propose dans sa partie II Le monde de 1945 nos jours l tude de cinq grands mod les id ologiques sovi tique chinois am ricain et europ en lib ral E eDominique Borne et Serge Berstein Les nouveaux
9. comme coup d arr t provisoire On a l un exemple qui d borde une simple mise niveau On ne peut en effet que remarquer que cette relativisation co ncide avec la mont e en puissance des doctrines lib rales partir des ann es 1980 Le choix du changement de perspective sur ce point rel ve aussi d une culture sociale historiquement situ e Cette mise en conformit avec les volutions de la recherche scientifique rel ve aussi de choix historiographiques non explicit s Ainsi pour la classe de seconde il semble difficile de ne pas rattacher aux travaux de Fran ois Furet l approche globale qui privil gie les dimensions politiques et vacue la dimension sociale constitutive de la lecture classique de la R volution qui au passage devient la p riode r volutionnaire La question notre sens n est pas que ce choix soit op r les programmes ne sont pas en apesanteur historiographique et les r dacteurs en sont tout fait conscients mais plut t que cette r f rence ne soit pas explicit e Cette non explicitation est une constante des programmes Elle est revendiqu e en tant que telle Il py a pas de probl matiques dans ce programme sinon implicites mais certainement pas explicites et c est volontaire Elle vise non seulement au nom de la libert p dagogique des approches rompre avec la pratique ant rieure dirigiste des Instructions officielles et des Compl ments qui donnaie
10. est certes pas nouvelle dans les programmes voir les programmes de 1981 elle trouve ses lettres de noblesse pist mologiques mais aussi p dagogiques chez Fran ois Simiand et chez de nombreux historiens comme Marc Bloch pour ne citer que lui Mais il ne s agit pas justement comme dans les programmes de 1981 les r dacteurs y insistent d une histoire th matique les moments sont bien des moments historiques Ce qui devrait limiter les d rives d instrumentalisation id ologique nettement d nonc es dans les Documents d accompagnement de seconde Les moments historiques propos s ne sont pas des mod les ou encore tout moment historique s explique dans son temps et n est jamais lu de mani re univoque il faut se d fier de toute approche t l ologique ou anachronique Dans les m mes passages il est recommand de d velopper Tesprit critique la tol rance et la reconnaissance de l autre Ces passages sont des points d appui pour un enseignement qui prennent en compte l alt rit Mais la promotion de l alt rit percute la logique consensuelle de l identit Les r dacteurs affrontent ici une autre contradiction qui concerne bien les contenus de la culture sociale transmettre comment articuler la transmission d un h ritage fondateur d une identit et qui valorise donc les l ments de convergence irr ductibles au sein d une soci t Introduction des programmes des lyc
11. et participer ainsi d une plus juste appr ciation du roman national fran ais Il s agit plut t de juger de l impulsion d ensemble sur la question de la m moire commune transmettre aux l ves Voir Jean Fran ois Chanet L cole r publicaine et les petites patries Paris Aubier 1996 et Anne Marie Thiesse IZ apprenaient la France Paris Editions de la M S H 1997 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 25 Le tournant m moriel des ann es 70 est marqu par l affirmation des m moires particuli res de celles ayant trait aux pisodes sombres de notre pass notamment Comment l institution scolaire doit elle r pondre aux diverses injonctions de m moire qui manent du corps social L exemple de l enseignement de Vichy depuis 1945 c est dire celui de l occultation de la collaboration d tat de Vichy et de sa complicit dans la mise en uvre de la Solution finale peut nous servir de guide pour d finir un nouveau rapport aux pass s qui ne passent pas Ce pr c dent doit faire r fl chir les enseignants sur les effets en retour pas toujours positifs des silences de l cole il ne faut en particulier pas laisser l inventaire et la gestion de la m moire de ces pisodes aux seules communaut s concern es mais au contraire les r int grer par l histoire dans la m moire commune Il y a d autres enjeux de m moir
12. faille moins compter aujourd hui sur la prestance des professeurs que sur leur formation et la pr cision du cahier des charges pour que soit possible une valuation des comp tences et des savoirs et que des convergences entre les disciplines soient clairement identifi es Cette s lection traduit surtout le souci d all gement et de lutte contre la surcharge m morielle qui est tr s souvent mis en avant par les r dacteurs L habitude de ne pas traiter l ensemble du programme sert de constat de d part le cas du sacrifice bien connu de l tude du XIX si cle suffirait illustrer ce point Mais elle vise surtout la plaie de l enseignement actuel de l Histoire la juxtaposition factuelle La d nonciation de toute approche micro v nementielle participe du m me souci L enseignement du programme de terminale souvent r duit une histoire v nementielle des crises successives est cit comme exemple de d rive factuelle Si le th me de la lutte contre l encyclop disme et celui de la n cessit p dagogique de faire des choix sont une constante du genre en revanche le type d identification des contenus transmettre est nouveau dans le secondaire Cet encadrement peut tre interpr t comme un contr le renforc sur les contenus enseign s dans la mesure o les rep res retenus sont consid r s comme des passages oblig s 36 Il s agit tr s majoritairement de rep res d ordre politique religieux
13. jamais d fini par les r dacteurs On ne peut que remarquer que les I P R charg s d expliciter les programmes et d aider leur mise en uvre semblent regretter ce manque d explicitation On demande d aborder les contenus enseign s sous un angle probl matique que l on s interdit de sugg rer La t che des enseignants ne s en trouve pas facilit e Jacqueline Le Pellec R flexions sur le document de pr sentation g n rale des programmes de lyc e IREGH Pr parer le Capes d histoire et de g ographie n 5 janvier 1998 p 19 45 Fran ois Furet Le pass d une illusion Paris Robert Laffont 1995 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 14 On trouve au fil de ces textes toute une palette de solutions pour mettre en rapport les contenus enseigner et les acquis de la recherche de la transposition directe comme l int gration des camps fran ais pour l tude de Vichy Paccommodement p dagogique sp cifique Par exemple quelle est la justification scientifique par la recherche de l adoption de la notion de mod le id ologique en terminale et de la d limitation de ces mod les Il s agit l d une innovation certes expos e dans les Documents d accompagnement mais dont cette fois le rapport avec les travaux historiens qui la fondent sont loin d tre vidents voir les discussions sur ce point entre
14. la part accord e l histoire nationale au nom de son r le dans la formation du citoyen r publicain et une remise en honneur de la notion d ancrage chronologique Ces d bats sont repris explicitement d s les premi res phrases du Rapport Girault Ils se traduisent aussi par le rejet de toute forme de transposition syst matique de la nouvelle histoire dans les programmes scolaires avec l approbation des principales figures de ce courant historiographique notamment de Jacques Le Goff 6 mais aussi de Fernand Braudel lui m me qui rappelle en 1983 que l initiation l histoire nouvelle ne pourrait concerner que la classe terminale 7 2 Le second th me qui s affirme travers ces rapports d bats et consultations est celui de la m moire collective directement li la question du national et dont Fran ois Mitterrand affiche ouvertement le souci 8 Il est remarquable que cette notion centrale d s le Rapport Girault 1983 soit en d finitive tr s r cente dans l historiographie si l on met part les travaux pionniers de Maurice Halbwachs Ainsi la m moire collective n est pas retenue dans les approches objets et probl mes de la nouvelle histoire 1 En 1978 sa place est encore r duite un bref article de Pierre Nora dans le dictionnaire de la Nouvelle histoire t On a donc affaire une laboration quasi simultan e dans le domaine scolaire et dans celui de Intervent
15. les professeurs d histoire sont aussi et doivent demeurer des historiens
16. non plus voqu Nous pensons que 5 Voir en particulier Pierre Nora Comment crire l histoire de France in Pierre Nora dir Les lieux de m moire tome II vol 1 et Pierre Nora L re de la comm moration hidem vol 3 Paris Gallimard 1992 58 Sur la notion de r gime d historicit voir Fran ois Hartog et G rard Lenclud R gimes d historicit in L tat des lieux en sciences sociales textes r unis par Alexandre Dutu et Norbert Dodille Paris L Harmattan 1993 p 18 38 Voir l analyse qu en donne Bernard Lepetit dans Bernard Lepetit Le pr sent de l histoire op cit n 49 p 297 298 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 22 la connaissance des enjeux de ce d bat social est pourtant indispensable pour comprendre le r le de enseignement de l histoire dans la soci t fran aise de la fin des ann es 90 Ce type de mises au point ne devraient elles pas tre expos es dans les textes destin es aider la lecture des programmes et leur mise en uvre Ne constituent elles pas pr cis ment des l ments du mode d emploi des programmes dont la divulgation aupr s des enseignants est revendiqu e par les r dacteurs L absence d ancrage dans des analyses empiriques de la logique patrimoniale des programmes l affaiblit consid rablement car cette absence qui est proprement parler une d shistorisation
17. que toute connaissance est d embl e sociale vieux d bat certes mais auquel le contexte historiographique donne sa sp cificit Le d veloppement en France mais pas seulement pensons l H storikerstreit en Allemagne partir notamment des enjeux de m moire tr s vifs de l histoire du temps pr sent dont l exemple de r f rence reste le syndrome de Vichy conduit une r flexion renouvel e sur la fonction sociale de l histoire sur Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 20 les rapports entre histoire et identit nationale et sur les limites d une socialisation trop pouss e de la connaissance historique L affirmation des finalit s civiques de l enseignement de l histoire n est videmment pas nouvelle elle est m me partie int grante de la sp cificit de cet enseignement depuis sa cr ation Compte tenu de cette tradition civique de l enseignement de l histoire l articulation des finalit s de connaissance et des finalit s civiques est souvent pos e en France en fonction d un mod le celui de l enseignement sous la Me R publique L efficacit sociale de ce mod le m me s il est surestim 55 reste pour beaucoup comme un id al retrouver On a pu ainsi l gitimement demander Pierre Nora si l enseignement de Phistoire n avait pas besoin de nouveaux Lavisse 56 Cette fonction civique est donc elle m me
18. res qu ils sont porteurs de sens mais c est dans les autres textes du corpus Documents d accompagnement et articles de commentaire qu il faut chercher l argumentation compl te Les documents patrimoniaux ont un statut scientifiquement sup rieur parce qu ils font sens Nous retrouvons au niveau m thodologique et pist mologique la question de la justification du choix ici celui des documents patrimoniaux par la th matique du sens bri vement voqu e plus haut Il faut aller directement au sens crivent encore les r dacteurs des Documents d accompagnement la recherche du sens en r sonance avec la r f rence croissante la d marche herm neutique en sciences sociales est l alternative au positivisme de la preuve par les documents et les faits L encore les textes affrontent une des contradictions constitutives de la discipline et de son enseignement la contradiction entre la vis e de v rit de l histoire et l in vitable relativit des connaissances historiques Cette relativit des connaissances historiques est voqu e quand les textes rappellent que l enseignant ne transmet pas une v rit tablie Le d passement de la contradiction se fait en revendiquant la n cessit d une pluralit des interpr tations et des lectures des documents y compris des documents patrimoniaux Les Documents d accompagnement de seconde insistent sur ce point tout document est polys mique
19. sent de l hitoire ibid p 298 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 24 parce que pratiquement et localement cet enseignement savait s accommoder des particularismes qu il a pu s imposer comme le lieu de r f rence de la socialisation 61 Ce mod le subi des am nagements et notamment l adjonction d une m moire sociale la m moire transmise mais il a bien r sist dans son dispositif d ensemble jusqu une date r cente fin des ann es 60 d but des ann es 70 L enseignement de l histoire contemporaine ne peut plus s arranger de ce type de rapport au pass Le premier l ment qui bouscule ce rapport est le long processus d affaiblissement des cadres traditionnels de solidarit qui aboutit l av nement d une soci t des individus Norbert Elias Les conditions et les possibilit s de la construction de l identit individuelle et sociale ont radicalement chang Quelle est la culture historique propre au temps de la soci t des individus Face la tentation m morielle la d fense du vouloir vivre ensemble ne passe t elle pas aujourd hui par le droit et le devoir d inventaire lucide par le choix comme objectif prioritaire pour l enseignement de l histoire de se passer de finalit s civiques pr d termin es pour fonder une conscience civique dans laquelle l adh sion ne va pas sans la distance le regard critique l anal
20. un objet historique c est dire inscrite dans des conjonctures historiographiques sociales et politiques Chacune des red finitions de programme r affirme l ensemble des finalit s de l enseignement de l histoire mais leur articulation leur hi rarchisation expriment lajustement sp cifique op r par leurs r dacteurs aux contraintes d une situation qu ils interpr tent En choisissant de justifier leurs choix de contenus par le patrimonial les r dacteurs n ont ils pas aussi choisi de surd terminer par l identitaire les finalit s civiques N ont ils pas pris le risque d affaiblir les finalit s scientifiques 7 e de ma trise des savoirs historiques et dans le m me mouvement d affaiblir la fonction critique de d construction des mythes nationaux et sociaux de l histoire La pr sentation des programmes de coll ge retient quatre type de finalit s les finalit s intellectuelles civiques patrimoniales et culturelles Or ces trois derniers termes sont interchangeables la surd termination civique est l implicitement revendiqu e En revanche cette surd termination n est pas rep rable dans celle des programmes des lyc es Permettre l insertion des l ves dans la cit ne constitue qu une des quatre finalit s retenues les trois autres rappellant les objectifs cognitifs et m thodologiques habituels dont la formation des l ves Pesprit critique D autre part les Documen
21. 6 7 pr sidence d un universitaire influent Serge Berstein professeur Sciences Politiques et pr sident du Conseil national universitaire et de Dominique Borne doyen du groupe histoire et g ographie de PInspection g n rale Sans entrer dans les p rip ties du G T D Martin il importe pour notre propos de voir que le projet de programme qui en manait enregistrait les traits saillants pr c demment voqu s En proposant d achever le parcours chronologique commenc au coll ge la fin de la classe de seconde il reprenait la probl matique d j d velopp e par le programme de seconde de 1981 et introduisait au lyc e des p riodes ant rieures au XVIII si cle 26 Il n est pas raisonnable pour l quilibre des savoirs comme pour la qualit des raisonnements des futurs adultes que nous formons assurait son pr sident de conna tre les p riodes recul es de l histoire travers des notations simplistes voir carr ment mythiques 27 La religion et la culture constituaient deux des th mes diachroniques qui devaient tre abord s en classe de premi re L ambition tait ouvertement europ enne et la volont clairement affich e de promouvoir une nouvelle identit collective articul e avec une citoyennet dont la dimension critique aurait t aiguis e par la mise distance au moyen de l tude historique des questions de l heure volont de promouvoir une histoire r flexive et r gre
22. 962 et d nonc e par la suite comme une volont d am ricanisation au profit de la r activation du triptyque traditionnel histoire g ographie ducation civique Le Rapport Joutard prend acte des craintes des historiens et g ographes qui redoutent que leur domaine ne soit dilu dans celui plus vaste et ind termin moins rigoureux donc des sciences sociales et que la coh rence de leur enseignement n en soit compromise 1 Il op re un repli prudent sur la notion de vecteur ajoutant On disait jadis une initiation condition de bien concevoir le caract re limite de cette notion 22 Au del des d clarations d intention l conomie g n rale des programmes de 1985 enregistre un compromis avec les pr c dents Dans la lign e ant rieure mais avec un souci plus fort de la chronologie et de la contextualisation les deux premi res classes du coll ge s articulent autour du concept braud lien de civilisation partir de la classe de quatri me et de fa on significative lorsque la R volution fran aise est abord e une perspective plus classique s impose La volont de marier nation et Europe se traduit par un renouvellement du d coupage chronologique au profit de dates moins charg es de m moire nationale la borne de 1880 en seconde celle de 1945 en premi re m me s il faut noter que 1880 correspond aussi Padoption du Quatorze Juillet comme f te nationale Les programmes de 1995 qui
23. Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 1 L inflexion patrimoniale l enseignement de Phistoire au risque de l identit Christian Delacroix amp Patrick Garcia R sum L affirmation d une finalit patrimoniale repr sente l originalit principale des nouveaux programmes d histoire B n ficiant de la popularit des th matiques de la m moire et du patrimoine dans lPhistoriographie et la soci t fran aise contemporaine et mis en place au terme d une proc dure renouvel e ceux ci n ont soulev aucune r serve majeure Pourtant cette inflexion qui est en fait une actualisation de la finalisation civique traditionnelle de l enseignement de l histoire n est pas sans poser probl me y compris au regard de ce que peut et doit tre aujourd hui la citoyennet et son apprentissage Article Quelle histoire enseigner dans la soci t fran aise contemporaine et pourquoi Cette question qui est celle des finalit s de l enseignement de l histoire est revenue sur le devant de la sc ne publique depuis les pol miques de la fin des ann es 70 sur la crise de l enseignement de l histoire Elle se traduit dans les programmes de 1995 par une insistance particuli re sur les finalit s patrimoniales que les r dacteurs ajoutent aux autres finalit s plus traditionnelles intellectuelles civiques et culturelles elles m mes
24. Dominique Borne et des universitaires rapport es dans L information historique de septembre 1996 Il faut peut tre sur ce point raisonner en termes de pertinence diff rentielle il peut tre admis que les propositions sur les r gimes totalitaires ou autre exemple les d nominations tr s pr cises qui distinguent g nocide des Juifs tentative d ann antissement des tziganes et massacres programm s en Pologne et en Russie doivent explicitement tre l gitim es par la conformit aux volutions historiographiques Mais il faudrait faire intervenir pour cela d autres l ments de justification comme les enjeux de m moire ou thiques De la m me fa on il est bien s r possible de justifier certains des choix en invoquant l inverse la sp cificit des contenus enseigner mais on retrouve alors la contradiction pr c dente Il faut donc prendre en compte d autres types d arguments pour essayer de reconstituer la coh rence et aussi les contradictions des choix op r s qui ne rel vent bien videmment pas seulement du rapport de conformit la recherche Nous faisons l hypoth se que cette incertitude et cette sorte d aporie tiennent au d ficit de r flexivit des textes de commentaire et d accompagnement Ces textes destin s clairer les enseignants sur les programmes ne disent rien sur l entrecroisement du scientifique du social et de l thique dans l adoption de certains arguments fondant les
25. ces Temps n 66 67 1998 p 111 136 4 la recherche et de la production historiographique qui n est pas sans liens avec le succ s que ce th me rencontre dans la soci t ce que Pierre Nora a qualifi de mar e m morielle devoir de m moire vogue du patrimoine et des comm morations Dans les premi res formulations celles du Rapport Girault ce th me est associ la pr occupation chronologique En un moment o les racines des individus sont si difficiles retrouver ne convient il pas d insister d s le plus jeune ge sur les fondements de la culture par une tude solide avec un ancrage chronologique faisant appel l utilisation manifeste de la m moire 12 De fa on tr s claire l apprentissage des rep res chronologiques la revalorisation de la m morisation est con ue comme une proc dure d enracinement un contre point aux ph nom nes de d territorialisation et d alt ration des syst mes d appartenance h rit s qui marquent la soci t contemporaine Il faut toutefois noter que le terme de patrimoine n est utilis qu une seule fois au fil des deux rapports lorsqu il est question du religieux L ignorance du religieux risque d emp cher les esprits contemporains sp cialement ceux qui n appartiennent aucune communaut religieuse d acc der aux uvres majeures de notre patrimoine artistique litt raire et philosophique jusqu au XTX si cle au moins
26. ciaux concrets notamment par un enracinement culturel une stabilisation des segments les plus fragiles de la soci t fran aise un contrepoids la pr carisation sociale un substitut de temps de crise au d ficit de l int gration par le travail et par les perspectives d ascension sociale que le ch mage de masse a rendu largement al atoire pour une fraction croissante de la population L affirmation de cinq th mes dans les d bats autour des programmes comme dans les rapports command s 3 apr s 1981 illustre cette pr occupation 1 Le premier th me est r actif Il fait cho aux inqui tudes mises par une large partie de la classe politique des gaullistes aux communistes et qui ont rencontr l audience de l opinion publique face aux r formes de l enseignement de l histoire introduites pendant le septennat de Val ry Giscard d Estaing L affrontement se cristallise alors autour du th me national et donne lieu de nombreux expos s de ce Le rapport Girault n h site pas parler d me L histoire en France se porte bien puisqu elle donne une me notre pays o religions traditions m urs sont bouscul es boulevers es depuis un demi si cle Ren Girault L histoire et la g ographie en question Rapport an Ministre de l ducation nationale Paris Minist re de l ducation nationale Service information 1983 p 103 Le rapport Girault est command en 1982 e Collo
27. de contemporain dans le prolongement de la tradition inaugur e par Victor Duruy et qui n a t rompue qu aux lendemains de la Deuxi me guerre mondiale et de Vichy le principe de son enseignement est r affirm En revanche la volont de ne pas limiter l enseignement de l histoire au lyc e cette seule p riode se manifeste fortement Elle trouve sa premi re expression avec le programme de seconde Fondements de la civilisation occidentale entr en vigueur en 1981 Les deux termes sont articul s dans une proposition du Rapport Joutard Le programme des lyc es en histoire devra tre revu en int grant une part beaucoup plus importante d histoire ant rieure au XX si cle la fois pour elle m me et comme l ment d explication du monde actuel Les difficult s de compr hension de l histoire r cente justifient cette inflexion 1 C est aussi de fa on implicite tenter de refonder dans les programmes la sp cificit d une approche historienne du pr sent par rapport celles des autres sciences sociales 5 Enfin un cinqui me th me majeur traverse ces r flexions celui de l Europe Absente du rapport de Ren Girault cette derni re fait l objet d une des seize recommandations du Rapport Joutard 1989 qui sugg re la tenue d un s minaire international sur l enseignement de l histoire et de la g ographie en Europe pr alable indispensable pour d finir les bases communes d u
28. e dormants dont il est n cessaire que l enseignement prenne la mesure ce sont notamment ceux qui touchent au pass colonial de la France Il y a un devoir d histoire de la part de l institution scolaire qui ne doit pas attendre la fermentation communautaire d un devoir de m moire pour engager une r flexion sur l enseignement des pisodes coloniaux Le choix parmi les rep res du programme de troisi me des dates de la guerre d Alg rie offre le cadre d une telle r flexion et l occasion d int grer la culture historique transmise aux l ves un de ces pass s qui ne veulent pas passer On pourrait faire les m mes remarques sur le devoir d histoire vis vis de la r alit de l immigration qui n a jamais t prise en compte dans l histoire du mod le fran ais de construction nationale Ce travail de reconnaissance et de th rapie des blessures de m moire est de la responsabilit de l enseignement de l histoire pas de lui seulement bien s r Encore une fois un expos clair de l histoire de l occultation de la Shoah de la non reconnaissance de sa singularit ou des silences sur Vichy dans l enseignement de l histoire en France aurait une efficacit pratique bien plus grande que toutes les actualisations ou r affirmations de finalit s civiques Ce type de travail ne peut pas relever de limplicite ni de la formation personnelle des enseignants Il y a un risque que la volont de patrimonal
29. e que les r dacteurs des programmes nomment justement l exigence de v rit c est dire aux finalit s scientifiques de transmission des savoirs historiques et que l efficacit civique est ce prix La strat gie d lib r e de l implicite adopt e par les r dacteurs marque ici ses limites aucun l ment n est fourni dans les textes de commentaire ou d accompagnement sur ce qui justifierait le choix d une certaine surd termination civique Cette strat gie qui se traduit par un refus de la contextualisation et de l auto historisation para t plut t paradoxal dans un moment de l histoire qu on a pu juste titre qualifier pour insister sur sa dimension r flexive de discontinuit historiographique Pierre Nora L absence de toute r f rence Pierre Nora qui a produit les analyses les plus pouss es sur le moment m moriel de la soci t fran aise sur la patrimonalisation du sentiment national sur l ajustement n cessaire de l histoire aux transformations de ce sentiment national dans la logique m me de ces programmes nous semble ruineuse pour rompre pr cis ment avec le dirigisme p dagogique Si ces travaux constituent bien la r f rence implicite de linflexion patrimoniale des programmes et de leur lecture on voit mal l avantage que l on trouve ne pas l expliciter les analyses de Pierre Nora tant elles minemment r flexives et auto historisantes La p dagogisation implic
30. entaire 3 Voir Jacqueline Le Pellec et Violette Marcos Alvarez Enseigner l histoire un m tier qui s apprend Paris Hachette 1991 36 Les notions de passages oblig s et de points forts apparaissent d s le Rapport Joutard op cit n 2 p 7 3 On parlait alors volontiers sous l impulsion des travaux effectu s autour de PI N R P de notions et de concepts Ainsi le concept de civilisation tait il appel devenir un concept op ratoire Compl ments aux Instructions de coll ge de 1985 a Dominique Borne bid p 119 3 Dominique Borne et Serge Berstein Les nouveaux programmes des lyc es op cit n 29 p 140 q 8 gt prog y Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 11 Que ce soit au coll ge ou au lyc e la n cessit de choisir les contenus ne saurait videmment tre remise en cause c est plut t sur le type de choix op r s c est dire sur les justifications avanc es que doit potter l analyse Celles ci sont de plusieurs ordres scientifique p dagogique m thodologique pist mologique et social Ces arguments sont interd pendants mais ils sont aussi en tension les uns par rapport aux autres leur distinction tient donc aux n cessit s de l analyse La question du choix des contenus nous servira de fil conducteur pour analyser les diff rentes contraintes qui p sent sur le travail de r daction des programme
31. envoyons cet ouvrage pour nos d veloppements sur la conception herm neutique de l histoire 50 Bernard Lepetit Le pr sent de lhitoire 7 Bernard Lepetit dir Les formes de l exp rience Paris Albin Michel 1995 p 297 51 Voir les d bats autour du livre de Karel Bartosek L aveu des archives sur l affaire Aubrac ou encore sur Le livre noir du COMMUNISME Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 18 type de questions que celles que nous voquions propos du rapport la recherche quoi sert une actualisation pist mologique Il y a bien entendu des analyses diff rentes de la conjoncture pist mologique en histoire dans la France des ann es 1990 52 Mais le mouvement qui depuis les ann es 1970 loignait toujours plus les productions historiennes du r f rent que constitue ce qu il faut bien appeler pour paraphraser Pierre Vidal Naquet le r el historique et qui a culmin avec le nguistic turn am ricain conna t un temps d arr t Les th mes du renouvellement pist mologique en histoire comme le retour du r cit ou celui de l identit narrative de l histoire Paul Ric ur ne contredisent pas ce coup d arr t c est Paul Ric ur lui m me qui rappelle nergiquement le projet d objectivit constitutif de Phistoire qui emp che toute assimilation de celle ci la fiction 5 On peut aussi se r f rer Bernard Lepetit
32. es et cette ouverture revendiqu e l autre L encore il faut faire un d tour par l histoire de l enseignement de l alt rit dans notre syst me d enseignement alt rit culturelle mais aussi alt rit sociale conflictualit politique et alt rit m morielle qui sont d autres figures de l alt rit Dans quelle mesure ces l ments d alt rit et de conflictualit ont ils t pris en compte dans l enseignement de l histoire Et comment sont ils pris en compte dans les nouveaux programmes Le rapport de l histoire enseign e telle que la d finissent les programmes ce qui divise la communaut nationale et le corps social a longtemps pu tre d occultation de disqualification ou encore de simple contournement il a toujours proc d de la volont gitime de valoriser ce qui rassemble Dans le cas du mod le d enseignement de l histoire sous la III R publique d j voqu son efficacit sociale tenait certes l unit troite entre histoire et m moire transmise mais aussi la vision tr s unitaire de la communaut nationale qui avait dans cette optique toujours su se rassembler dans les temps difficiles comme la vision continuiste de l histoire nationale Ce mod le pouvait d autre part tre relay par des cultures sociales qui reconnaissaient encore aux liens traditionnels de sociabilit un r le important Mais c est aussi 6 Bernard Lepetit Le pr
33. gt fortement r affirm es Or loin d tre une vidence cette inflexion patrimoniale comme lexpos appuy des missions civiques qui justifient l enseignement de l histoire g ographie correspondent un choix qui doit tre interrog Ces nouveaux programmes repr sentent d abord la r ponse qui se veut coh rente et adapt e d une institution en charge d une responsabilit d action changer terme les pratiques p dagogiques dans un contexte souvent per u et analys comme celui d une crise identitaire Ils s enracinent dans une r flexion engag e d s la fin des ann es 70 Le temps des rapports Du fait de la mission traditionnelle assign e au couple scolaire histoire g ographie dans la construction et Paffirmation de l Etat nation il est tentant d avancer l hypoth se d un lien de causalit entre ce qui Texte publi in Espaces Temps n 66 67 1998 Histoire g ographie 1 L arrangement p 111 136 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 2 constituerait une mutation majeure de l tat nation construction europ enne rel gation de la France au rang de puissance moyenne remises en cause du roman national et la crise de l enseignement de lhistoire g ographie de la fin des ann es 70 Les sympt mes les plus vidents en seraient l affaiblissement de la place de l histoire nationale l
34. ion de Michel Debr l assembl e nationale le 30 mai 1980 5 Ce n est pas ce faux ge d or de la chronologie poss d e par c ur que nous faisons r f rence On vise plut t ce que nous qualifierons par commodit d quipement minimal en chronologie c est dire de rep res chronologiques importants pour la compr hension du pass Ren Girault Rapport op cit n 1 p 30 Voir notamment la conclusion pr sent e par cet historien au colloque de Montpellier op cit n 2 p 161 171 Jacques Le Goff a en outre dirig de 1983 1985 une commission de r flexion sur l enseignement de Phistoire Voir le bilan qu il en tire dans Historiens G ographes n 304 mai juin 1985 p 923 931 7 Fernand Braudel Grammaire des civilisations En guise de pr face Paris Champs Flammarion 1993 p 21 8 Voir dans ce num ro l article de Suzanne Citron Maurice Halbwachs Les cadres sociaux de la m moire Paris Alcan 1925 derni re r dition Paris Albin Michel 1994 et du m me auteur La m moire collective Paris PUF 1949 derni re dition Paris Albin Michel 1997 10 Jacques Le Goff et Pierre Nora dir Faire de l histoire Paris Gallimard 1974 r dition Gallimard Folio 1986 Pierre Nora La m moire collective ir Jacques Le Goff dir La Nouvelle histoire Paris Retz 1978 p 398 401 L ouvrage Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espa
35. isation des savoirs historiques transmis puisse tre interpr t e de mani re restrictive comme un repli sur ce qui fait consensus ce sont les l ments de convergence d j cit s Le terme m me patrimonial peut y inviter Nous r cusons bien videmment cette interpr tation il faut au contraire largir la m moire commune transmise par le travail critique de Phistoire par l int gration des pisodes du pass national refoul s ou occult s mais dont la m moire sans tre reconnue institutionnellement reste vivante Il faut r fl chir l enseignement d une histoire nationale commune qui puisse int grer des m moires particuli res comme les m moires familiales de l immigration Ne pas aborder explicitement ce probl me revient bien l occulter Nous ne sommes pas convaincus que l adjectif patrimonial subsitu celui d historique convienne pour caract riser la culture d une recomposition de l tre ensemble aujourd hui en France Bref nous ne sommes pas convaincus d tre entr s dans le temps du patrimonial entendu comme une mutation de lhistorique Ce qui caract rise plus s rement et plus simplement notre pr sent est le besoin d histoire dont la demande venant de la soci t s est consid rablement diversifi e Aux historiens de transformer cette demande en Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 26 histoire sans c der au
36. it ce sont exactement par ces termes que Pierre Nora a caract ris la conscience historique contemporaine Il y a pour paraphraser encore cet auteur une circularit naturelle entre eux chacun de ces termes peut tre pos dans une relation de quasi quivalence avec chacun des autres Il s agit d une synonymie non interrog e que l on retrouve tout au long des diff rents textes du corpus On peut ajouter la culture ce tryptique celle ci est en effet pr sent e comme op rateur privil gi de la recomposition de l identit de l tre ensemble L identit du citoyen clair repose sur l appropriation d une culture Introduction aux programmes de coll ge La place attribu e la culture pourrait s expliquer par celle prise par l histoire culturelle au sein de lhistoriographie r cente Mais sa fonction exc de amplement une simple mise niveau des probl matiques scolaires avec l volution de la recherche Elle sert en relation avec l identitaire et le civique boucler Pargumentation patrimoniale Avec la probl matique m me implicite patrimonial identitaire les r dacteurs sont confront s la gestion de la tension entre fonction scientifique et fonction sociale de l histoire y compris de Phistoire enseign e Les deux termes de lalternative sont cette fois de ne pas subordonner la fonction de connaissance l utilit sociale mais en m me temps de ne pas ignorer
37. ite d une probl matique de recherche ici celle des Lieux de m moire a un prix le silence sur l analyse empirique qui rend compte du proc s de patrimonalisation d crit par Pierre Nora 5 La description du processus qui conduit selon celui ci du national au patrimonial repose sur une analyse fine de l volution des sch mas d intelligibilit qui organisaient la vision dominante des rapports entre pass pr sent et avenir 4e les r gimes d historicit 58 Il y a certes dans les analyses de Pierre Nora une forte dimension prescriptive Les historiens crit il par exemple sont somm s de s adapter au remaniement contemporain du sentiment national mais celle ci est fond e sur des analyses empiriques du changement de mod le de la nation et fortement contextualis e Plus g n ralement insistance sur la n cessit de renouer avec le sens n est pas tay e par une analyse du r gime d historicit comtemporain marqu par la rupture entre exp rience et horizon d attente et par la perte de sens du pr sent et qui donc fonderait empiriquement la n cessit d une recontruction de ce sens perdu De la m me fa on dans tous ces textes il n y a pas d analyse de ce qui constituerait une mutation voire une crise de l identit nationale et sociale dans la France des ann es 80 90 Le d bat tr s vif de ces derni res ann es sur le mod le d int gration r publicaine n est pas
38. lairement cern dans les passages des Documents d accompagnement qui tentent de restituer l tat des volutions pist mologiques de la discipline parce qu ils sont avant tout mobilis s pour justifier le statut scientifique sup rieur des rep res patrimoniaux D autre part et surtout le fondement du choix du patrimonial lui m me est report sur les crit res de ce qui fait sens La th matique fondatrice et l gitimante du sens n a elle m me aucune autonomie elle renvoie elle aussi un ailleurs Cet ailleurs pour 5 Parmi les r r rences r centes sur cette conjoncture pist mologique on peut retenir Awrrement Pass s recompos s Champs et chantiers de l histoire n 150 151 janvier 1995 EspacesT emps Le temps r fl chi n 59 60 61 1995 Fran ois B darida dir L histoire et le m tier d historien en France Paris ditions de la MSH 1995 Antoine Prost Douze le ons sur l histoire Paris Points Seuil 1996 G rard Noiriel Sur l crise de l histoire Paris Belin 1996 Roger Chartier Au bord de la falaise L histoire entre certitudes et inqui tudes Paris Albin Michel 1998 5 Voir par exemple Paul Ric ur Histoire et rh torique Diog ne n 168 1994 54 Carlo Ginzburg Le juge et l historien Paris Verdier 1997 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 19 les r dacteurs des progra
39. miter aux modalit s d interpr tation des traditions textuelles orales ou crites 50 Cette r duction au sens n est elle pas un affaiblissement de l histoire con ue comme science objectivante au sens de Max Weber vocation compr hensive ef explicative C est bien cette vis e objectivante qui peut tre remise en cause par ce type de r duction herm neutique de l histoire et par sa traduction p dagogique la r duction patrimoniale L enjeu du relativisme Avant de continuer le trajet d argumentation des r dacteurs sur cette question du sens il faut marquer un temps d arr t sur le moment pist mologique de ce trajet en essayant de le contextualiser l encore la mise en conformit expos e ne propose pratiquement aucune r f rence ext rieure elle m me pour en d gager les enjeux Car ce qui est en cause la sortie d un positivisme du document ne peut tre isol e des discussions r centes parmi les historiens autour du danger relativiste et des doutes port s sur la vis e de v rit de l histoire dans un contexte historiographique marqu par la multiplication des pol miques 5t Ces d bats sur la question de la v rit en histoire ne sont pas seulement d ordre th orique ils concernent tout autant les enseignants d histoire dans leurs pratiques professionnelles On peut sur ce point poser le m me Catherine Colliot Th l ne Max Weber et l histoire Paris PUF 1990 Nous r
40. mmes c est l identit sociale et nationale La dynamique de l argumentation se d place ainsi des enjeux relatifs aux choix des contenus du p dagogique factuel conceptuel l pist mologique puis au social Avec le couple patrimonial identitaire c est la tension entre fonction de connaissance et fonction sociale de l histoire et de son enseignement qui devient la grille d analyse la plus pertinente de ces programmes Les contraintes de la logique patrimoniale identitaire En effet la d finition des documents patrimoniaux par les Documents d accompagnement du cycle central des coll ges pr cise qu il s agit de traces et d uvres que les g n rations pr c dentes ont d j lues qu elles ont gratifi es d un sens et qu elles ont distingu es au point d en faire des r f rences pour chacun et pour tous C est bien le sens d pos dans une tradition que l enseignement de l histoire doit transmettre et dont il doit aider la r appropriation Avec les objectifs patrimoniaux il s agit d inscrire le citoyen dans un h ritage et une culture de donner l l ve une m moire raisonn e lui permettant de forger son identit Permettre aux l ves de s approprier librement une identit culturelle est indispensable la construction d une communaut nationale lit on encore dans les Documents d accompagnement de seconde Patrimoine m moire ident
41. ne culture historique et g ographique pour les Europ ens 20 De fa on explicite la discipline historique apr s avoir t l un des vecteurs de la diffusion d une conscience nationale s interroge sur l articulation de cette mission traditionnelle avec la perspective europ enne C est autour de ces axes progressivement d finis que s articulent les propositions programmatiques de la seconde partie des ann es 80 Les programmes de 1985 promulgu s alors que Jean Pierre Chev nement j Philippe Joutard Rapport op cit n 2 p 9 L Institut d histoire du temps pr sent est cr en 1978 Rappelons que Pexistence de t moins vivants constitue la borne amont de Phistoire du temps pr sent ce qui inclut une large partie du programme de 3 me et de 1 re ainsi que la totalit de celui de terminale 12 Philippe Joutard Rapport op cit n 2 p 8 7 Philippe Joutard Rapport op cit n 2 p 9 Voir dans ce num ro l article de Jean Leduc Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 6 est Ministre de l ducation nationale sont d abord marqu s par un retour en force de Phistoire nationale et le rappel ferme des finalit s civiques de l enseignement de l histoire g ographie et plus g n ralement de la fonction de socialisation de P cole Ils se traduisent par l abandon progressif de l ouverture aux sciences sociales amorc e en 1
42. nstruction critique et individualis e de Pidentit C est cet quilibre entre engagement et distanciation par rapport l offre de valeurs sociales que l enseignement de l histoire doit Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 27 respecter Pour cela un rapport de distance et d explicitation vis vis des ph nom nes tudi s doit constituer la logique prioritaire des programmes Cette culture p dagogique nouvelle passe en particulier par la mise en vidence des enjeux des chemins de l laboration de l histoire destination des enseignants sans pour autant s enfermer dans un jeu de miroirs sans fin dans le labyrinthe des repr sentations et des interpr tations successives et risquer de conduire au relativisme D une certaine mani re il s agit de transformer les lectures critiques de l histoire scolaire telles qu elles se sont d velopp es depuis les ann es 70 en pratiques positives L ambition peut para tre d mesur e inadapt e l enseignement secondaire mais c est justement l et non 2 pas dans exposition r it r e des finalit s civiques que r side lutilit sociale d enseigner l histoire dans notre soci t C est aussi en donnant aux enseignants les moyens d une r flexivit accrue sur leurs pratiques TNT na AEI que les textes de Pinstitution qui oriente ces pratiques peuvent y contribuer N oublions pas que
43. nt toutes les probl matiques mais elle est aussi une mani re de ne pas coller trop la recherche pour reprendre Pexpression de Dominique Borne Rappelons que l exemple des Instructions officielles et Compl ments des programmes pr c dents offraient quelques exemples des risques encourus vouloir suivre de trop pr s la temporalit et la logique de la recherche Le passage des anciens Compl ments de premi re sur Vichy restera de ce point de vue un bon exemple des difficult s traduire de mani re coh rente dans Penseignement les acquis r cents de la recherche Ainsi trop vouloir les int grer m caniquement l affrontement de Gaule P tain sur l analyse de la d faite tait r duit l opposition entre un point de vue mondial et pro guerre incarn par de Gaulle et celui hexagonal et d fensif de P tain exit Popposition entre r sistance et collaboration La caract risation propos e de Vichy restait confuse en insistant sur les continuit s sans prendre en particulier la mesure de l antis mitisme d far Cet chec marque aussi les limites et les impasses d une actualisation des contenus qui en n glige les enjeux sociaux lPenjeu m moriel propre au th me de Vichy ne peut tre ignor e pour la mise en uvre p dagogique ie Dominique Borne bid p 109 43 Minist re de l ducation nationale Histoire G ographie classes de seconde premi re et terminale Paris C N D
44. ographique puisque les travaux historiques contemporains sont explicitement voqu s L adoption de la notion de pratique totalitaire dans les programmes vise bien dans une conformit souhait e avec les volutions historiographiques att nuer la probl matique totalitarienne Bien s r les auteurs n excluent pas de proposer des exemples de probl matiques explicites dans les Documents d accompagnement Mais pourquoi alors certains choix ont ils droit une r f rence l gitimante explicite la recherche et pas d autres Cette strat gie de l implicite est aussi la source de contradictions dans les approches des diff rents programmes Alors que dans le cycle terminal lyc es la valeur matricielle de la Premi re guerre mondiale pour les r gimes totalitaires est rappel e th se reprise r cemment par Fran ois Furet l introduction des programmes de troisi me recommande pour la premi re guerre de mettre en vidence les souffrances des populations civiles et militaires et de ne plus s attarder sur la p riode 1914 1939 Dans ce cas la volont gitime d all gement c est dire une contrainte proprement p dagogique devient de facto une th se historiographique Nous sommes sans doute la limite de la surinterpr tation des textes mais cette question 4 a limite peut nous permettre d aborder le probl me du type de rapport entre choix d enseignement et acquis de la recherche qui n est
45. onsultations s organisent autour de plusieurs axes de r flexion 1 Coh rence verticale dans chaque discipline coh rence de ce programme avec ceux des autres ann es 2 Coh rence horizontale coh rence de chacun de ces programmes avec ceux des autres disciplines 3 Le socle commun ces programmes base du socle commun la fin de la scolarit obligatoire 4 Int r t faisabilit 5 Propositions d all gement de contenus 6 Suggestions ponctuelles de nouvelles formulations afin d am liorer la lisibilit Buletin Officiel 11 d cembre 1997 Consultation des programmes de 3 me 4 Dominique Borne L information historique n 3 septembre 1996 p 102 Serge Berstein L information historique n 3 septembre 1996 p 98 Par exemple la partie du programme de sixi me concernant l Egypte se pr sente de la fa on suivante Intitul g n ral L Egypte le pharaon les dieux et les hommes 4 5 heures Commentaire En vitant une approche chronologique on fait d couvrir les permanences d une civilisation un territoire une soci t agraire un pouvoir et des croyances Carte la vall e du Nil Rep res chronologiques le temps d une civilisation 3 me 1er mill naire av J C Documents le temple la pyramide le mythe d Osiris Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 10 qu enseigner soit un m tier et qu il
46. ou culturel Parmi les documents retenus outre de grands textes on trouve aussi des uvres d art qu il s agisse d difices ou de tableaux Remarquons apr s une certaine mode p dagogique du notionnel 37 qu aucune notion n y figure Ce que refl te le rejet ferme de ce que Dominique Borne qualifie d histoire purement conceptuelle Nous avons fait dispara tre beaucoup de choses pr sentes dans les programmes ant rieurs tout ce qui pouvait ressembler une conceptualisation 38 Les r dacteurs des programmes ont donc choisi de lutter sur deux fronts en rejetant ce qu il leur appara t comme deux d rives p dagogiques galement condamnables la juxtaposition factuelle et le purement conceptuel Pour d passer cette opposition du factuel et du conceptuel ils proposent de caract riser enseignement qu ils souhaitent promouvoir au lyc e de probl matique Ce caract re probl matique de lPenseignement implicite au coll ge devient explicite au lyc e et en constitue l essence Il consiste rompre avec l accumulation de faits dont la masse m me fossilise la signification au profit d l ments signifiants en nombre r duits 39 Le d passement de l opposition factuel conceptuel par le probl matique s effectue donc par le recours la notion de signification La th matique du sens revendiqu e par les responsables des nouveaux programmes fonde leur argum
47. programmes des lyc es op cit n 29 p 142 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 15 du rapport entre enseignement et recherche sur un th me destin e donner aux enseignants des cl s de compr hension d un processus de traduction p dagogique gogiq Contre le foisonnement documentaire les documents patrimoniaux Un deuxi me type d arguments pour justifier le choix des contenus et plus particuli rement celui des grands rep res rel ve des domaines m thodologique et pist mologique Ces arguments s ordonnent autour de la revendication d un nouvel usage du document en particulier au coll ge et d une notion nouvelle dans les programmes et leurs commentaires celle de document patrimonial L encore ce type d argumentation n chappe pas l entrecroisement avec le social plus pr cis ment avec une volont d efficacit sociale pour l enseignement de l histoire La tradition documentaire est solide aussi bien dans l histoire de l histoire que dans l histoire de son enseignement Le travail sur document a t un des th mes du combat p dagogique contre le cours dict ou trop magistral et pour la mise en activit des l ves Les nouveaux programmes reprennent cette tradition m thodologique historienne en avan ant que le document est au centre des programmes mais en pr nent un nouvel usage La nouveau
48. que national sur l histoire et son enseignement Montpellier 19 21 janvier 1984 Paris C N P 1984 Philippe Joutard Rapport de la mission de r flexion sur l enseignement de l histoire la g ographie les sciences sociales septembre 1989 dactylographi Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 3 que doit tre l histoire enseign e l exemple de l intervention de Michel Debr On n enseigne plus Phistoire ni dans les coles ni dans les lyc es L histoire c est d abord la chronologie la chronologie a disparu L histoire ce sont ensuite des r cits il n y a plus de r cits la faveur de l introduction des disciplines dites d veil on a abandonn l histoire et la g ographie dans l enseignement primaire Dans les lyc es et les coll ges les programmes se r sument des conceptions d ordre tr s g n ral et l on a supprim la notion capitale de formation de notre peuple 4 A gauche l accent est mis sur les potentialit s contestatrices de l histoire nationale sa tonalit r volutionnaire et la tradition politique dont elle est porteuse D une mani re g n rale ces pr occupations qui s inscrivent la fois dans des strat gies politiques de d marquage ou de stigmatisation de la d mocratie lib rale avanc e giscardienne et dans un d bat plus proprement historien entra nent une r valuation de
49. ques significatifs des fondements du monde contemporain en classe de seconde participe d une volont explicite cette fois de privil gier la dimension europ enne des programmes Le th me europ en a l avantage de lier l h ritage transmettre ce qui serait les fondements d une culture europ enne et le projet la construction europ enne conduire son terme On peut lire cette d marche comme une tentative de renouer les fils distendus entre pass pr sent et avenir autour d un projet d termin dont la r alisation est port e de notre pr sent Ce qui est aussi une fa on de renouer avec le r gime d historicit propre la tradition scolaire qui nouait fortement pass pr sent et avenir autour de la cat gorie de progr s Elle peut tre inscrite dans une perspective proche de celle d fendue par Bernard Lepetit contre Pierre Nora qui s inspire d une morale pour l action tir e de Paul Ric ur et qui vise emp cher l horizon d attente de fuir et pour cela se doter de projets d termin s finis modestes pr cis ment chelonn s et dans le m me temps redonner vie aux potentialit s non Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 23 accomplies du pass 6 La plasticit du th me europ en comme le choix d une histoire r gressive autorisent ce type d interpr tation La d marche d histoire r gressive en seconde n
50. qui situe le projet de tournant critique des Annales qu il contribua de mani re d cisive engager en rejetant la fois le positivisme plat et l histoire rh torique ou encore Carlo Ginzburg qui r examine la notion de preuve en histoire 54 C est cette tension essentielle l histoire que l enseignement de l histoire doit aussi g rer le professeur d histoire n est pas celui qui dit la V rit mais il n est pas pour autant un simple metteur en sc ne des interpr tations L ouverture des programmes sur le pluralisme interpr tatif ne peut se passer du rappel ferme du projet d objectivit de l histoire Il faut sur ce point s appuyer sur les formulations les plus claires des Documents d accompagnement qui engagent les enseignants stimuler l exigence de v rit chez les l ves et les faire r fl chir sur la complexit des processus historiques et g ographiques cette condition le pluralisme interpr tatif offre une possibilit r elle de pratiques p dagogiques en rupture avec l inductivisme na f si pr gnant dans la profession et avec toutes les variantes du scientisme spontan Tout le probl me est donc de veiller cette gestion en tension pour ne pas la d s quilibrer du c t d un des p les du couple positivisme relativisme En termes de pertinence diff rentielle c est l enjeu du relativisme qui nous semble aujourd hui prioritaire Or cet enjeu n est pas c
51. rcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 17 reprendre les analyses de Catherine Colliot Th l ne comme la transmission du sens d pos dans les textes mais aussi dans toute r alit socio historique d s lors qu on la consid re comme l analogue d un texte c est dire d essence symbolique 4 De ce point de vue la proposition de mettre le document au centre du programme doit effectivement tre consid r e comme une rupture avec la pratique documentaire classique des enseignants qualifi e de mani re un peu m prisante par les Documents d accompagnement d illustrative Le nouvel usage du document c est la restitution du sens dont il est d positaire La consigne plut t obscure d tudier les documents pour eux m mes ne se comprend qu en r f rence cette promotion du sens comme fondement de l entreprise historienne Certes il ne s agit pas d ignorer la dimension du sens qui est effectivement constitutive de l histoire et des autres sciences sociales mais objectif de l histoire doit rester par la compr hension de ce sens d expliquer causalement les actions humaines L enseignement de l histoire ne peut se r duire transmettre les projets de sens con us comme les fondements authentiques des r alit s sociales historiques Comme le rappelle Bernard Lepetit C est trop restreindre le domaine d application de l herm neutique que de le li
52. rosion du message civique universaliste et les difficult s voire lPincapacit du syst me scolaire fournir des rep res s rs aux l ves pour construire une m moire nationale partag e Elle signalerait aussi et peut tre surtout l entr e de l histoire dans le temps des doutes Roger Chartier La critique multiforme des contenus des finalit s et des d marches p dagogiques la remise en cause des fondements sur lesquels l enseignement de l histoire a longtemps repos propres aux ann es 70 n pargnent pas les enseignants eux m mes qui montrent alors de moins en moins d empressement assumer leur magist re civique Dans ce cadre partir de la fin la d cennie 70 l affirmation progressive d une probl matique de lidentit 2 structure tr s largement les approches de la discipline historique en tant que discipline scolaire En d autres termes la question pos e l histoire g ographie et plus largement l institution scolaire compte tenu de leurs r les civiques traditionnels est de d finir comment peuvent tre assur es dans les conditions de la France contemporaine la p rennit la transmission le partage d une identit nationale ou tout le moins collective et l int gration des jeunes g n rations en particulier de celles issues de Pimmigration Cette question au temps des ruptures sociales des ann es 80 et 90 n a rien de formel On en attend des effets so
53. rt de d pendance autonomie avec la recherche Ce probl me est un grand classique de la didactique de Phistoire Le premier volet du traitement de cette question consiste l gitimer par les volutions de la recherche les changements de contenus que les r dacteurs jugent n cessaires Quelques exemples de d connexion entre les pratiques d enseignement de certains th mes et les acquis de la recherche sont fournis Sans que le d tail de l argumentation d invalidation n est ne soit livr les Documents d accompagnement critiquent la liaison m canique trop souvent tablie dans les cours entre la crise conomique et l arriv e au pouvoir des nazis ou encore les cours st r otyp s sur l U R S S que la recherche invalide en grande partie Mais cette prise en compte des volutions de la recherche n est pas un ajustement automatique entre enseignement et recherche Dans les nouveaux programmes de premi re la place de la crise de 1929 est r Serge Berstein kid p 101 Dominique Borne bid p 112 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 12 secondaire au regard du ph nom ne qui semble majeur Dominique Borne celui de la croissance et les programmes de troisi me confirment cet accent mis sur la croissance Ce qui revient relativiser la crise de 1929 et plus largement peut tre les ph nom nes de rupture comme accident ou
54. s y substituent sont les premiers na tre d un cadre institutionnel r nov le Conseil national des programmes L innovation institutionelle le Conseil national des programmes Institu en 1989 mis en place de fa on effective en mars 1990 sous le minist re Jospin le Conseil national des programmes r pond la volont explicite d harmoniser les formations disciplinaires d all ger les programmes de privil gier des th mes transversaux de faire dialoguer les disciplines entre elles afin de permettre une d finition commune et coh rente des attentes et des objectifs De fa on implicite il s agit aussi de mettre fin au monopole de l Inspection g n rale sans doute per ue comme un frein une volution globale du syst me ducatif du fait de son attachement aux traditions disciplinaires En fait pour l histoire et la g ographie la p riode d mancipation est de courte dur e puisqu apr s le rejet des propositions pr sent es par le Groupe technique disciplinaire pr sid par Jean Cl ment Martin 2 1992 le nouveau Groupe celui dont les propositions ont t retenues est plac sous la double a Philippe Joutard Rapport op cit n 2 p 51 2 Thidem 2 Une inspectrice g n rale si geait dans ce G T D Patrick Garcia a particip ce groupe pendant ses six derniers mois d activit Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 13
55. s Les r ponses apport es par l institution sont envisag es comme des propositions de gestion de la coexistence contradictoire entre ces contraintes C est en fonction du mode de gestion des contradictions elles m mes constitutives de l enseignement de l histoire que doit tre interpr t e la refonte des programmes Ni se couper de la recherche ni proposer de probl matiques explicites La n cessit de ne pas couper l enseignement de la recherche r sume les arguments d ordre scientifique Serge Berstein comme Dominique Borne rappellent la tradition fran aise de liaison entre enseignement et recherche et soulignent qu il y a n cessit de r am nagement p riodique des programmes pour viter la scl rose qui frapperait in vitablement les programmes du secondaire si la coupure tait totale 40 Pourtant ce lien souhait ne peut tre un simple d calque les r dacteurs savent combien il est illusoire de coutir apr s l actualisation incessante des contenus Dominique Borne pointe la difficult quand il crit M me si nous ne collons pas la recherche loin de l nous avons quand m me suivre les grandes orientations de la recherche c est l gitime Il trouve ainsi naturel qu un certain retour du politique qui se manifeste l universit se manifeste aussi dans les programmes 41 C est l une des contradictions constitutives de l enseignement de l histoire son rappo
56. sages sont bien porteurs de nombreuses analyses et somme toute nous n avons fait que les prendre au s rieux Pour d finir notre position plus positivement il nous semble que l enseignement de l histoire aujourd hui dans les conditions d une France en voie d int gration europ enne et d une soci t boulevers e dans ses cadres sociaux appelle une mutation somme toute ordinaire de l enseignement de l histoire Ce constat en lui m me est banal et sans doute tait ce bien le but poursuivi par les auteurs des nouveaux programmes quand ils ont choisi d insister sur les finalit s patrimoniales de l histoire Certes comme nous avons t ch de le d montrer les possibilit s d interpr tations sont nombreuses ce qui au demeurant est constitutif de ce type de texte qui oscille entre le constat et la norme Mais linflexion patrimoniale de l enseignement de l histoire est elle le choix le plus juste pour permettre aux l ves de s approprier une culture historique adapt e aux conditions contemporaines de la construction de l identit sociale en France L histoire aujourd hui doit aider vivre les multiples niveaux d appartenance de l individu contemporain et prendre de la distance avec chacun d eux pour construire son propre horizon de choix A partir de l m me si un enseignement doit assumer la n cessit de susciter des adh sions ne doit il pas aussi prendre en compte la n cessit d une co
57. ssive Enfin la question de la m moire et de son historicisation tait l un des axes du projet la fin du XX si cle tait ainsi d finie comme le moment de l intrusion de la dimension m morielle dans l histoire 28 Quand le G T D change la plupart des membres du premier groupe suivent leur pr sident dans la d mission c est moins une rupture qu une clarification qui s op re Les programmes de 1995 Les nouveaux programmes se veulent novateurs les responsables du G T D comme les inspecteurs p dagogiques r gionaux 1 P R charg s de les pr senter aux enseignants y insistent Les justifications avanc es ressortissent des niveaux d argumentation d in gale importance mais l ensemble se veut la fois coh rent et soucieux de tenir compte des multiples contraintes qui p sent sur toute entreprise de red finition des programmes Le C N U a notamment pour fonction de valider les candidatures aux postes de ma tres de conf rences et de professeurs universit Voir Jean Cl ment Martin Demandez le programme EspacesTemps n 53 54 1993 p 87 89 et sa contribution P enseignement de l histoire au lyc e Vingti me si cle janvier 1996 p 122 133 Le programme de premi re devait comporter quatre champs les formes politiques le fait religieux la modernit scientifique et culturelle et P conomie de march tudi s travers des exemples dont certains pouvaient
58. t tient au privil ge accord aux documents qualifi s avec 29 cc 2 quelque insistance de patrimoniaux Ces documents prioritaires sont enseign s pour eux m mes ils ne doivent pas tre de simples illustrations Documents d accompagnement du cycle central du coll ge Un premier niveau d argumentation pour justifier cette innovation m thodologique invoque la n cessit de prendre en compte les volutions pist mologiques ce que les Documents d accompagnement appellent une mise en conformit pist mologique minimale scientifiquement n cessaire Il s agit bien de prendre en compte l volution scientifique et pist mologique de la discipline Cette volution attesterait d abord qu il faut se d prendre de la croyance na vement positiviste en la v rit que porteraient en eux m mes les sources et les faits ce qui bien entendu n est pas exactement une nouveaut depuis Fran ois Simiand et Lucien Febvre mais qui vise le fondement pist mologique implicite de nombreuses pratiques p dagogiques Ce rappel n est effectivement pas inutile Il rompt avec la promotion de la m thode inductive et avec l id e que le travail sur documents permettrait aux l ves de se familiariser avec la d marche de l historien voire de la reproduire qui taient d fendues dans les Compl ments des anciens programmes et qui est maintenant qualifi e d illusion De m me l
59. tenue une fois le projet fix qui soumet les programmes labor s par le G T D la consultation des enseignants dont une synth se est publi e au Alors que depuis Charles Seignobos les Compl ments o Commentaires taient le plus souvent anonymes Voir notamment Nouveaux programmes d histoire pistes et r flexions L information historique vol 58 n 3 septembre 1996 Serge Berstein et Dominique Borne L enseignement de l histoire au lyc e Vingti me si cle janvier 1996 p 133 142 et Serge Berstein Les objectifs de formation des nouveaux programmes des lyc es et coll ges n Fran ois Audigier dir Concepts mod les raisonnements Actes du VIIT colloque mars 1996 Paris I N R P 1998 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 9 Bulletin Officiel 31 Cette disposition souhait e par le ministre de l poque Fran ois Bayrou refl te bien s r le souci de mieux prendre en compte les avis des enseignants mais elle est aussi destin e viter les traditionnelles turbulences et oppositions qui se manifestent lors de chaque changement En se r clamant d un large consensus les r dacteurs renforcent aussi leur l gitimit et prennent acte pour lavenir comme le souligne Dominique Borne personne ne songera remettre en cause des programmes qui sont pass s sans douleur 32 Cette d marche ne saurait tre r
60. ts d accompagnement pr cisent nettement que les documents patrimoniaux n chappent pas lPexamen critique L encore les formulations du programme autorisent plusieurs gestions de l articulation entre finalit s intellectuelles et finalit s civiques Mais dans les textes de commentaire et d accompagnement la th matique du sens est revendiqu e avec une insistance particuli re elle est bien dans cette perspective une modalit de la promotion du th me identitaire comme th me cl de la lecture des programmes une modalit encore une fois possible mais non automatique Cette relative ind termination de l articulation entre fonction civique et fonction de connaissance n est pas forc ment une aide pour les enseignants un moment o la demande sociale et politique d efficacit sociale de P cole se fait insistante voire comminatoire Il ne s agit pas de pr ner une quelconque objectivit ou neutralit scientifique d tach e de tout rapport aux valeurs qui reste une tentation illusoire Mais il nous semble 5 Voir Brigitte Dancel L histoire enseign e l cole primaire sous la IT R publique Paris P U F 1996 Voir l entretien accord par Pierre Nora la revue Historiens G ographes n 340 p 360 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 21 qu il faut rappeler nettement que les finalit s civiques de l enseignement sont subordonn es c
61. urinterpr tation il est tout autant utile de remarquer qu ils sont sign s par les deux pr sidents du G T D qui par l m me s engagent 7 M me s ils veulent rompre avec la tradition d encadrement des Instructions officielles et autres Compl ments ces textes fournissent donc la fois le mode d emploi des programmes et leur lecture autoris e Enfin le dernier l ment de ce corpus regroupe des articles ou des interventions de Serge Berstein et Dominique Borne 30 Ceux ci sont peut tre les plus utiles pour rendre compte des justifications apport es par les principaux acteurs de cette refonte des programmes La r ception et l appropriation des programmes par les enseignants chappe ce travail d analyse Si la r ception par les enseignants peut tre analys e partir de leurs r actions aux projets qui leur ont t soumis il est par contre encore trop t t pour analyser l appropriation qui est de toute fa on plus difficile appr hender Nous n aborderons donc pas ici ces questions mais en revanche nous signalerons les possibilit s d appropriation concurrentes voire divergentes de certains points qui nous semblent susceptibles d infl chir de mani re significative l interpr tation g n rale des programmes et leur mise en uvre La premi re nouveaut des programmes adopt s depuis 1995 comme la cr ation du C N P et des G T D rel ve du domaine instutionnel Elle tient la proc dure re
62. utilisation des documents comme preuves qui authentifient la parole du professeur est critiqu e Les Compl ments aux programmes d histoire et de g ographie de 1987 soutenaient L utilisation du document est le moyen privil gi en mettant l l ve en face de la mati re premi re de l histoire de lui faire comprendre et progressivement acqu rir gt le comportement de l historien Minist re de l ducation nationale op cit n 42 p 53 Delacroix amp Garcia L inflexion patrimoniale Espaces Temps n 66 67 1998 p 111 136 16 Au del de ce premier aspect la nouveaut tient d abord la justification de la hi rarchisation des documents Contre le foisonnement documentaire les textes rappellent que tous les documents n ont plus aujourd hui le m me statut scientifique On retrouve dans ce rejet du positivisme la lutte contre la juxtaposition factuelle Le point le plus important est cependant de qualifier de scientifique le patrimonial Car la cha ne des justifications renvoie l ancrage scientifique des choix aux crit res de cette caract risation Le d tour par l pist mologie vise l gitimer la priorit du patrimonial Or ce qui caract rise le document patrimonial selon les r dacteurs des programmes c est d tre signifiant porteur de sens Ce point est pr sent dans le chapeau introductif des programmes de coll ge qui avance propos des rep
63. x logiques identitaires qui le plus souvent portent ces revendications de m moire Or pour que que les professeurs d histoire fassent de l histoire il faut all ger la surcharge civique des finalit s de l enseignement de l histoire C tait d j le sens de l intervention de Michelle Perrot au colloque de Montpellier qui apr s avoir voqu l histoire comme connaissance et comme m moire concluait Enfin cest comme m thode que l histoire peut tre b n fique Instrument d analyse elle peut apprendre d cortiquer un v nement sans n cessairement lui assigner une cause ou lui donner un sens percevoir la complexit d une question enchass e dans le temps et dans l espace Critique elle sugg re les fonctions du mythe ou d un discours la force d une mise en sc ne la relativit des croyances la fragilit des syst mes D marche assur ment difficile au niveau de l enseignement secondaire mais qui transformerait Phistoire en exercice plus qu en doxa Pour une r flexivit accrue des pratiques enseignantes Au terme de cette analyse on pourrait nous objecter que nous avons lu ces textes autrement qu il convient accordant un statut th orique ce qui n est qu un guide d action Ce reproche ne nous semble pas justifi En effet les programmes les Documents d accompagnement leurs explicitations dans la compl mentarit et l entrecroisement de leur statut et de leurs u
64. yse des conjonctures Ce afin d apprendre g rer la tension entre l universalisme des valeurs qui fondent l unit de notre commune humanit et la relativit des codes sociaux et culturels des moments historiques singuliers Elargir la m moire commune Reconnaissons ces programmes le m rite de s attaquer la question cruciale de la fa on dont doit aujourd hui se transmettre une culture et d essayer de r pondre par l m me aux interrogations soulev es la fin des ann es 70 L ambition de l guer une tradition en partage n est pas en cause Mais la culture transmettre aujourd hui peut elle se d finir positivement par un contenu ou seulement comme Papprentissage d une attitude critique et individualis e Les programmes retiennent majoritairement pour nourrir cette culture des rep res de consensus national ou social Ceux choisis pour la p riode r volutionnaire restent pour l essentiel ceux retenus d s 1889 par le calendrier comm mmoratif De m me la Commune de Paris lieu de m moire du mouvement ouvrier le Mur des F d r s n y figure pas Il est certainement trop facile de multiplier les exemples On pourrait linverse remarquer que les programmes de quatri me retiennent le Dos ef Tres de Mayo de Goya parmi leurs rep res trait s comme lieu de m moire ces deux tableaux peuvent tre interpr t s comme embl matique de l oppression arm e fran aise contre une autre nation

L`inflexion patrimoniale - Institut d`histoire du temps présent

Contents

Download Pdf Manuals

Related Search

Related Contents

L`inflexion patrimoniale - Institut d`histoire du temps pr&eacute;sent

Contents

Download Pdf Manuals

Related Search

Related Contents

L`inflexion patrimoniale - Institut d`histoire du temps présent