1 Art -c0ntemporain :` créaü0n,
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1. 1997 une enqu te d Olivier Donnat sur les pratiques cultu relles des Fran ais 1 Pour comprendre ce d calage entre une population majoritairement int ress e par l art et l herm tisme de la production artis tique contemporaine pourtant l gitim e par les professionnels et le march internatio nal on peut se tourner vers deux types d analyses celles des historiens critiques ou philosophes de l art d une part celles des sociologues de l autre Les premiers sont peu pr s unanimes 16 N 117 Juin 2001 om MIMCENT TROGER situer la naissance de l art contemporain au d but du xx si cle 14 Deux artistes sont particuli rement cit s Marcel Duchamp d abord qui expose partir de 1913 des objets usuels qu il appelle des ready made dont le plus c l bre est un urinoir pos l envers Casimir Malevitch ensuite qui expose successivement un carr noir en 1915 et un carr blanc sur fond blanc en 1918 Ces nouvelles d marches artis tiques synth tisent selon les sp cialistes les trois ruptures fondamentales que l art contemporain a op r avec les pratiques artistiques ant rieures Trois ruptures fondamentales La premi re est celle du refus de la pein ture figurative Impos e depuis le xvit si cle par les autorit s acad miques contr l es par l Etat Acad mie et coles des Beaux Arts i la figuration est rejet e au profit de la recherche d un la2. Sciences Humaines Enjeux Art contemporain cr ation elitisme ou sp culation Les deux tiers des Fran ais estiment que l art est quelque chose d universel et d essentiel pour l humanit Entre d bats de sp cialistes et logique de march les analyses sociologiques peuvent elles expliquer l art contemporain L art contemporain expos aux rejets ce titre d un livre de la sociologue Nathalie Hei nich publi en 1981 in pose la question qui est depuis une dizaine d ann es au c ur de tous les d bats sur la production artistique contemporaine La derni re enqu te publi e sur le sujet celles du magazine Beaux Arts de janvier 2001 voir l encadr p 18 confirme que moins de 15 des Fran ais s int ressent aux uvres produites par les artistes contemporains et reconnues par les critiques les mus es les marchands et les principales galeries L artiste pr f r des Fran ais demeure selon cette enqu te comme selon toutes celles qui Pont pr c d e t2 Vincent van Gogh 1853 1890 Pourtant 67 des personnes interrog es par Beaux Arts pensent aussi que l art est quelque chose d universel et d essentiel pour l humanit et 62 estiment qu il devrait tre enseign d s l cole primaire Autre paradoxe plus de 40 des Fran ais se revendiquent selon la m me enqu te praticiens amateurs photo dessin peinture sculpture proportion quivalente celle qu avait mesur e en
3. acteurs dominants dans ce champ des rap ports de pouvoir Ces jeux de pouvoir abou tissent la s lection de produits d excel lence l gitim s par les sp cialistes et dont Les Fran ais et l art QU EST CE QUI VOUS INT RESSE LE PLUS EN MATI RE D ART LAQUELLE DES DISCIPLINES SUIVANTES PRATIQUEZ VOUS EN TANT QU AMATEUR 14 La musique 3 Le dessin 8 L criture 7 La peinture 7 Le chant QUEL EST SELON VOUS LE R LE PRINCIPAL D UN ARTISTE AUJOURD HUI Cr er du beau Source Enqu te de l institut de sondage BVA pour le magazine Beaux Arts n 200 janvier 2001 18 N 117 juin 2001 Fart ancien c est dire j jusqu au xx si de inclus 20 L art moderne c est ire entre le d but du si ce et 1960 a 14 L art d aujourd hui c est dire depuis la fin des ann es 60 9 L art dit primitif ou premier c est dire l art ancien non occidental par nl les soulphres africaines 13 Ne savent pas La photographie 52 23 inventer de nouvelles formes de pens e 15 Etre un observateur de la soci t 14 Donner du sens la soci t 4 Etre un rebelle 7 Ne savent pas les crit res de qualit peuvent chapper au sens commun et n tre reconnaissables que par une lite inform e Dans le cas de l art contemporain les deux th ories celle de la distinction et celle du champ s articulent parfaitement La consomination des produ
4. contempo rain revendique son ind pendance de toute autorit acad mique pour imposer l origi nalit de son regard et le faire partager son public Les historiens de l art soulignent cependant que ces trois ruptures fondatrices n ont pas agi unilat ralement sur la production artis tique Outre la permanence d une produc tion figurative qui a subsist jusqu aujour d hui ils remarquent que la rupture radicale introduite par Duchamp avec la production picturale classique c est dire non seule ment l abandon de la figuration mais aussi celui de la pratique de la peinture sur une toile encadr e ne s est en fait g n ralis e que dans les ann es 1960 Ils distinguent ainsi l art moderne dont les principaux Enjeux Sciences Humaines repr sentants produisent des uvres abs traites Kandinsky Picasso Braque ou surr alistes Ernst Dali Magritte mais qui demeurent des peintures encadr es et l art contemporain dont les repr sentants utilisent une multiplicit de supports et d ob jets supprimant au passage la limite tradi tionnelle entre peinture et sculpture Du corps de l artiste lui m me jusqu la pho tographie et la vid o en passant par des semi remorques des d f cations emball es des d chets ou des plantations de for t tout dans l art contemporain est support possible d une uvre On ne parle d ailleurs plus de peintres ou de sculpt
5. eurs mais d artistes ou de plasticiens Plus que l abandon ou le d tournement de la figuration plus m me que la proclamation narcissique de l irr ductible individualit du cr ateur c est cette explosion des pratiques des supports et des techniques qui explique selon ces sp cialistes l incompr hension dont l art contemporain fait souvent l ob jet Historiens d art et critiques reconnais sent pour la plupart qu un tel clatement des rep res traditionnels justifi par l affirma tion de l originalit de chaque artiste et la n cessit de transgresser toutes les normes ant rieures pour exprimer cette originalit rend d licate l valuation des uvres Il est presque impossible dans un tel contexte L nine Installation de C sar la Fiac Paris d tablir des crit res communs de jugement l uvre devenant selon la critique Cathe rine Millet plus difficile identifier m Difficult encore accentu e par le fait que dans la suite de M Duchamp nombre d ar tistes contemporains ont contest le cadre traditionnel des mus es et des galeries pour exposer des uvres dont la nature et les dimensions chappaient de plus en plus aux normes traditionnelles Sans aller jusqu aux tr s m diatiques emballages de Christo les installations de tailles exceptionnelles l image des normes murs de fer recour b s de Richard Serra qui ont oblig la gale rie Castelli ren
6. forcer son sol exigent des lieux d exposition sp cifique Se sont ainsi d velopp s partout dans le monde des mus es sp cialis s en art contemporain qui ont contribu approfondir le clivage avec Part classique ou moderne D s lors les uvres ne sont accessibles qu condition d en conna tre au pr alable le mode d emploi c est dire de s informer des intentions de l artiste exprim es soit par lui m me soit par des sp cialistes A l image de Duchamp ou de Wassily Kan dinsky ts les artistes contemporains sont d ailleurs souvent leurs propres th oriciens Comme l crit encore C Millet l art se livre au discours le commentaire deve nant indispensable la compr hension des souci de distinction sociale Bour uvres Une responsable du minist re de la Culture a ainsi d velapp une argumen tation visant refuser aux non sp cialistes et notamment aux sociologues le droit d exercer un jugement sur les uvres d art cont mporain 9 La critique n est selon elle possible qu condition d adh rer d abord la d marche cr atrice de l artiste C est logiquement dans cette br che que s est engouffr e la critique sociologique pour proposer une lecture d senchant e de l volution de la production artistique contemporaine Le souci de la distinction sociale n A Les travaux de Pierre Bourdieu sur la fr quentation des mus es ro ont d abord tabli
7. inanciers mais galement symboliques L li tisme de l art contemporain le constitue en investissement de luxe dont la rentabilit s ex prime aussi en termes d image et de prestige L intervention des pouvoirs publics Le march de l art contemporain n ob it cependant pas seulement aux r gles du lib ralisme L intervention des pouvoirs publics y jouc aussi un r le essentiel surtout en France Andr Malraux ministre de la Culture embl matique du g n ral de Gaulle et fon dateur des maisons de la culture a le premier impuls une politique culturelle ouverte sur la cr ation contemporaine poursuivie sous la pr sidence de Georges Pompidou Mais c est surtout Jack Lang qui d s l arriv e de la gauche au pouvoir en 1981 m ne une poli tique culturelle tr s volontariste Favorable au d veloppement de l art contemporain il obtient un d cuplement des cr dits du minis t re de la Culture et cr e une s rie d institu tions charg es de soutenir la cr ation artis tique Au Fonds national d art contemporain Fnac cr en 1975 et qui g re une collec tion de 60000 uvres il ajoute deux ins tances d cisives D une part en 1982 les fonds r gionaux d art contemporain Frac actuellement au nombre de 23 cofinanc s par l Etat et les r gions Ils consacrent 36 de leurs d penses l acquisition des uvres et 64 au fonctionnement et la diffusion D autre part en 1983 le Fo
8. ique Il constitue le segment le plus sp cu latif du march de l art Risque maximum et d lits d initi s y sont la r gle Les jeux de pouvoir et d influence entre les diff rents pro fessionnels y sont d terminants Critiques galeristes conservateurs choisissent d intro niser tel ou tel artiste attirant ainsi sur lui l at tention des investisseurs riches amateurs entreprises ou mus es qui tentent alors des placements risque mais hauts rendements possibles R Moulin met ainsi en vidence le r le des galeries leaders autour desquelles se mobilisent tous les acteurs conomiques et culturels de l art contemporain pour assu rer la starification rapide de jeunes artistes l exemple de Keith Haring Elle cite aussi le cas de ceux qu elle appelle les m gacollec tionneurs qui l image du c l bre publici taire londonien Charles Saatchi ach tent un grand nombre d uvres dont plusieurs du m me artiste un prix relativement faible Hs contr lent ainsi l offre faisant Enjeux Sciences Humaines monter les prix en revendant et en creu sant la diff rence entre les artistes du top niveau dont ils d tiennent les uvres et le reste du march L arriv e r cente et forte ment m diatis e sur ce march sp culatif de dirigeants de l industrie du luxe tels Didier Pineau ou Bernard Arnault indique que les rendements esp r s ne sont pas seulement f
9. its l gitim s par les sp cialistes du champ artistique permet en effet aux milieux favoris s qui fr quentent les mus es et les galeries ach tent les repro ductions ou si leur fortune le leur permet les uvres originales d assouvir leur besoin de distinction sociale en se d marquant la fois de la culture de masse et de la culture clas sique L litisme de l art contemporain trou verait ainsi socialement son sens dans la r ponse au besoin de surdistinction d une partie des classes sociales dominantes Ana lyse qui on le voit constitue en quelque sorte le versant scientifique de l accusation 3 La sculpture 1 Le th tre Aucune 3 Nesavent pas de snobisme que le sens commun porte sou vent sur l art contemporain Plus r cemment N Heinich a propos une nouvelle analyse de l litisme et de l herm tisme de l art contemporain m1 montrant notamment que l art contemporain pouvait relever des m mes grilles d analyse que celles utilis es par la sociologie des religions Lartiste joue le r le du proph te en produi sant une uvre dont le sens existe le statut d artiste l atteste mais n est pas imm diate ment accessible au public Il faut alors des pr tres critiques galeristes conservateurs de mus es pour r v ler au public le sens profond de uvre Comme les fid les l glise ce public doit donc faire acte d coute de foi pour acc der
10. la compr hensi n du message de l artiste proph te Ceux qui ne jouent pas le jeu demeurent des m cr ants Mais N Heinich montre aussi que contrairement ce qui se passe dans les ph nom nes religieux ce processus initia tique ne tend pas se figer en dogmes intan gibles Au contraire le principe de la trans gression syst matique des normes ant rieures au fondement de la cr ation artistique contemporaine produit une cr a tion incessante de nouvelles chapelles Cha cune de ces nouvelles tendances ne peut se comprendre qu en r f rence la tendance pr c dente qu elle transgresse La souverainet du consommateur Ce mouvement perp tuel et autor f renc que N Heinich appelle un jeu de main chaude renforce l herm tisme de Fart contemporain aux yeux de l opinion publique Depuis le d but des ann es 60 la multiplication des mouvements artistiques aux noms myst rieux a effectivement de quoi d concerter action painting body art art conceptuel minimalisme supports sur faces hyperr alisme nouveau r alisme art brut pop art op art art cin tique arte povera land art La n vrose du choix guette l ventuel fid le Mais cette multiplicit des tendances est aussi analys e par d autres sociologues comme la cons quence de la logique de march qui domine d sormais la produc tion artistique Raymonde Moulin n3 dis tingue par exemple trois segments princi paux su
11. le lien entre consommation culturelle milieu social et ce que le sociologue appelle le souci de distinction Il montre en effet qu la fr quentation des mus es et la connaissance cultiv e des uvres du patri moine artistique international sont des pra tiques propres aux classes sociales les plus favoris es et les plus dipl m es Elles en tirent certes un plaisir authentique mais elles s y adonnent aussi par conformisme de classe pour marquer leurs diff rences culturelles avec les milieux populaires par ENN Juin 2001 N 117 17 Sciences Humaines Enjeux L artiste joue le r le du proph te en produisant une uvre dont le sens existe le statut d artiste l atteste mais n est pas imm diatement accessible au public um dicu montre d ailleurs qu chaque fois qu une pratique culturelle se d mocra tise la photographie par exemple elle est alors abandonn e ou d tourn e de son usage initial par les classes sociales culturellement lavoris es qui continuent ainsi de se distin guer socialement Une seconde th orie de Pierre Bourdieu celle du champ nn s applique galement parfaitement au fonctionnement de l art contemporain Bourdieu montre qu un domaine de production artistique en Foc currence la litt ratur peut constituer un ter ritoire autonome un champ au sein duquel se jouent gr ce aux r gles esth tiques et conomiques tablies par les
12. nds de la com mande publique l un des principaux outils de la D l gation aux arts plastiques du minis t re de la Culture Cet organisme effectue des commandes directes aux artistes parfois en cofinancement avec les collectivit s locales pour un th me et un lieu pr cis Cette politique d investissement de J Etat a t tr s incitative aupr s des collectivit s locales Elle a r un bouillonnement d ac tivit s culturelles dans les villes de province qui ont donn une place importante aux pro ductions artistiques contemporaines Tout un personnel de fonctionnaires de la cul ture municipaux ou d Etat se sont trouv s en mesure de reproduire l chelle locale les pratiques du march national encoura geant et s lectionnant de nouvelles produc tions artistiques Ce syst me a permis d en richir un vivier d artistes subventionn s dans lequel le march national et mi mi m EAP l diteur des Raven des Bonnarae de Holianc Alter Ego des EDEI R du Brunet L zine r vis CATALOGUE 2001 Merci de m adresser le catalogue amp Psychologie clinique Ressources humaines Orthophonie ru Bon photocopier et retourner aux EAP 95 bd de S bastopol 75002 Paris T l 01 55 34 93 13 Fax 01 55 34 93 03 des auestionnaires Orientation amp insertion i i i i t Juin 2001 N 117 19
13. ngage plastique d tach des contraintes de reproduction de la r alit et qui invente ses propres codes La deuxi me rupture concerne le statut de l artiste D ex cutant soumis aux canons de beaut d finis par les autorit s acad miques l artiste devient un individu libre qui ne doit exprimer que sa propre personnalit artis tique et sa propre cr ativit C est ce qui explique la pratique de Duchamp exposant des objets de la vie quotidienne non trans form s mais que le seul regard de l artiste pr tend transfigurer C est bien le sens des ready made que de proclamer ainsi la puissance du regard de l artiste La troisi me rupture fondatrice de l art contemporain est en quelque sorte sym trique de la deuxi me l artiste lib r des contraintes acad miques doit correspondre un public actif capable d exercer un regard participant et cr ateur sur les uvres qui lui sont propos es Marcel Duchamp r cuse le spectateur pour appeler de ses v ux le regardeur Une sp cialiste contempo raine a r cemment propos le vocable de percevant ts Refus de la figuration acad mique affir mation de l irr ductible individualit de lar tiste et appel au regard actif du public tels sont donc les principes qui avaient com menc se construire avec le romantisme et qui s affirment au d but du xx si cle comme le fondement des d marches artis tiques ontemporaines L artiste
14. r le march de l art Le premier celui de la figuration traditionnelle est totalement ignor des critiques grands gale ristes et conservateurs de mus es R gl s par la souverainet du consommateur les prix y demeurent globalement acces sibles au grand nombre C est le march qui correspond au go t majoritaire du grand public celui des jolies aquarelles marines des ternels impressionnistes Extrait de Deux Femmes dans un paysage de Louis Anquetin Raymonde Moulin ingue trois segments principaux sur le march de l art Le premier dont l uvre ci dessus est repr sentative est celui de la figuration traditionnelle R gl s par ta souverai net du consommateur les prix y demeurent glo balement accessibles au grand nombre voire m me d uvres la limite de l abs trait mais vis es d coratives Le deuxi me march celui des uvres clas siques et modernes du patrimoine interna tional est r gl par les experts internatio naux et les grands marchands d art Ses prix exceptionnellement lev s traduisent la fois la s curit des placements qu il offre et la lenteur de son renouvellement N y acc dent que les uvres d artistes tablis et reconnus le plus souvent d c d s et dont la production est g n ralement r pertori e dans sa quasi totalit On devine d s lors la place que peut occuper Part contemporain du point de vue cono m
15. www editionseap fr
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