La création visuelle au Maroc depuis l`indépendance
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1. 1 Le festival d Asilah a t toujours confondu avec ses cr ateurs qui ont beaucoup uvr par passion et par int r t politique pour leur ville natale 142 autour de l art dialogues avec les artistes internationaux publications de catalogues th matiques et mono graphiques ont contribu aider les artistes arabes et marocains diffuser leurs uvres en dehors de leurs pays Depuis cing ans le contexte politique et culturel marocain est en mutation M me si les r formes sont lentes un vent de libert souffle sur le pays dont la culture et l art profitent amplement Depuis la fin des ann es 80 nombreux sont les jeunes talents a tre parvenus apr s avoir endur l preuve de l inertie des institutions et de l absence du march s imposer au Maroc voire l tranger Citons Mahi Binebine le pho tographe Touhami Ennnadre Abderrahim Yamou Amina Benbouchta Ikram Kabbaj Mohammed Abdeloua kar Hicham Benohoud Khalil El Ghrib Safaa Erruas Mounir Fatmi Youn s Rahmoun les sculpteurs Abdelhaq Sijelmassi et Abdelkrim Ouazzani parmi bien d autres encore 4 3 Styles et tendances Styles et tendances se sont tant diversifi s qu il serait difficile de dresser ici un inventaire pr cis de toutes les d marches engag es par les peintres marocains depuis un demi si cle et de d terminer leur g n alogie et leurs emprunts stylistiques dans le d tail Br lant les tapes ces artistes2. 134 tique et de plus en plus en mesure de lib rer leur imagination et les produits de leur cr ation de toute exigence fonctionnelle et sociale La formation de l art en tant que tel est le r sultat d un nouveau rapport que les artistes entretiennent avec la soci t et d une nouvelle d finition de la fonction de l artiste et de son art La cr ation picturale qui ob it d sormais des crit res plastiques pr tend isoler rigoureusement le beau de l utile et cr er ainsi une nouvelle relation entre l esth tique et le fonctionnel L uvre picturale sollicite d sormais un mode de r ception purement esth tique La conception m me de l uvre d art moderne se distingue de simples objets ouvr s en ce qu elle requiert du regard une disposition particuli re et une certaine comp tence artistique acquise par un apprentissage explicite ou par la fr quentation des uvres Erwin Panofsky observe judicieusement qu une uvre d art poss de toujours une signification sp cifique et demande tre per ue selon une intention esth tique qui fait pr valoir la forme sur la fonction C est une diff rence remarquable entre l uvre picturale autonome qui n existe comme telle que pour le d tenteur des moyens de perception ad quate et l objet artisanal dont la finalit pratique f t ce celle du signe ne sollicite qu une perception non sp cifique La notion de beaut formelle charg e de sa propre
3. ue comme une affaire esth tique et intellectuelle parvenant essentiellement de l tranger L artiste s de cr er l uvre singuli re ex nihilo dans son intimit d artiste libre et indivi san pour r pondre directement aux besoins de la soci t Il in s des expositions galeries mus e etc pour aller la rencontre du int rieur de la soci t laquelle il appartenait exposer la vue de tous les l Exposition Manifeste organis e sur la place Jamaa al Fna par le groupe de Casablanca L exp rience n a pas t renouvel e Action politique ou provocation intellec tuelle D marche naive ou repr sentation id ologique qui nie les conditions sociales rendant possi l acc s la culture ou enti rement les chances de salut cu dons Comme si ceux qui parlent de culture pour eux et pour les a ne pouvaient penser le salut culturel que dans la logique de la pr destination com l amour de l art turel aux hasards insondables de la gr ce o bles Les anciens et les modernes s accordent pour abandonner u mieux l arbitraire des dire les hommes cultiv s me si leurs vertus se trou utres c est vaient d valoris es d avoir t acquises comme si toute leur repr sentation de la culture avait pour fin de les autoriser se convaincre que selon le mot d une vieille personne fort cultiv e Quant au contenu le choix de ce gro upe fut de r investir de
4. la modernit visuelle au Maroc une histoire sociale culturelle et conomique de l art moderne de ce pays reste faire La peinture de chevalet est arriv e au Maroc charg e d une histoire complexe l image de la multitude de courants philosophiques politiques conomiques et esth tiques qui agit rent l Europe depuis la Renais sance Impr gn de ces innombrables courants l artiste moderne europ en est en outre l h ritier d un ques tionnement qui a travers les si cles celui de son statut au sein de la soci t et travers celui ci de son mode de r mun ration Questionner douter critiquer les dogmatismes les acad mismes et les entraves la cr ation et revendi quer en permanence la libert afin de pouvoir encore et toujours innover et prospecter de nouvelles formes tels sont les fondements de l art moderne aujourd hui L artiste est un rebelle permanent un contestataire par essence des valeurs admises par la soci t de son poque Cette mancipation s est constitu e progres sivement au fil d une longue histoire o le cr ateur s est lib r des coutumes et des lois contraignantes des organisations traditionnelles et de toute domination ext rieure dictant les r gles de l art Actuellement dans la cr ation occidentale tout est possible L artiste se doit d tre absolument authentique et libre Spontan parfois impulsif il s aventure tente entreprend barbouille badigeonne explore des domaines inconnus
5. se pr occupant peu de reproduire les habitudes visuelles s curisantes La normativit et la conformit au go t du plus grand nombre sont des principes antinomiques avec la prospection et l incertitude qui le hante Les plus talentueux des artistes se soucient fort peu de la demande du march du moins n est ce pas l leur aspiration primordiale et n entendent ils pas y souscrire de n importe quelle mani re Gustave Courbet dans une lettre de 1854 disait son espoir de toujours gagner sa vie par son art sans jamais d vier d un cheveu de ses principes sans jamais un seul instant mentir sa conscience et de ne jamais peindre f t ce grand comme la main dans le seul but de plaire quelqu un ou de vendre plus facilement II n existe pas de technique neutre et la peinture de chevalet ne fait pas exception qui porte en soi les conditions sociales et mentales qui l ont engendr e tout en impliquant in luctablement un savoir et une pra tique L art en g n ral comme le dit Pierre Francastel est une formation sociale qui engage la fois la pen s e et l action humaine L av nement de l artiste en tant que cr ateur singulier par opposition l artisan est corr latif l adoption de cet art et la constitution d une cat gorie socialement distincte de professionnels de la production artis tique de plus en plus enclins ne conna tre d autres r gles que celles de la tradition proprement artis
6. techniciens de l audiovisuel etc dans le cadre de parte nariats avec les grandes coles europ ennes d art r organisation des coles des beaux arts et d art plastique cr ation de d partements d histoire de l art et d esth tique dans les facult s de lettres 3 formation des futurs cadres marocains en Europe aux Etats Unis ou au Maroc m me avec des ensei gnants marocains ou des experts trangers 1 Permettre aux bacheliers en arts plastiques d int grer l cole d architecure pour am liorer l esth tique de nos villes car nos architectes ne savent pas dessiner II ne faut pas oublier que l art de b tir fait partie prioritairement en Europe de la discipline des beaux arts 2 Actuellement les beaux arts sont d pendants du MAC alors que les arts plastiques font partie de MEN II faudrait les r unir sous un m me minist re et r fl chir sur leur mission 3 Le Maroc est le seul pays du Maghreb ne pas s tre encore dot d un enseignement sup rieur des arts Enfin il serait important de tisser des liens au travers de l enseignement dans toutes ses formes entre artisanat et cr ation contemporaine 3 Mettre sur pied des infrastructures susceptibles d aider la cr ation par la fondation d un mus e national des Arts contemporains et de mus es r gionaux dans les grandes villes du royaume l dification dans chaque province municipalit et pr fecture d un complexe culturel s
7. Meliani Rahoule Qotbi Ils entre prirent le prolongement des recherches pr c dentes et l approfondissement des acquis tant techniques et formels que th matiques Leur closion rajeunit et enrichit le langage plastique Chacun sa mani re con ut une uvre f conde et essentielle r pondant aux interrogations de la pratique picturale de son temps participant la formation de l histoire de la peinture au Maroc Une histoire o la toute puissance de la forme et l intensit du signe furent pr sentes en une pers v rante recherche d expressions singuli res et de compositions harmonieuses Sans jamais renoncer la symbolique de leur culture et de leur langage signes et traces jeux de miroir et jeux de langage ils tent rent diff rentes d marches questionn rent diverses sources explor rent de nouveaux espaces exprim rent et invent rent des discours esth tiques contempo rains singuliers L ouvert ure de galeries d art publiques comme la galerie nationale de B b Rouah fond e vers le d but 1 Expression de Jacques Berque 2 L histoi 140 e du champ artistique de cette poque reste faire des ann es 60 ou priv es comme L Atelier Structure BS Marsam et La D couverte Rabat ou Nadar et Le Savoureux Casablanca permit de faire d couvrir et appr cier des artistes investis dans la cr ation contem poraine Ces espaces jou rent un r le important dans la synergie des l me
8. arabesque la calligraphie ou l ornementation inscrite sur l architecture et les objets de la vie quotidienne m me si certains artistes marocains revendiquent cette filiation par l utilisation plus ou moins libre de leurs motifs de leurs mati res et de leurs formes Dire que le savoir visuel traditionnel est le germe de l expression contem poraine c est construire une histoire lin aire qui confond les pratiques les mots et les choses La quasi continuit des formes chez certains peintres n est sans doute qu un effet de surface Au niveau arch o logique le savoir visuel a radicalement chang L closion de la pratique de la peinture de chevalet s inscrit dans un proc s multidimensionnel tr s large de mutations culturelles consistant notamment inclure des expressions artistiques europ ennes modernes dans un contexte culturel traditionnel 3 Les balbutiements D s le xv si cle les voyageurs marocains ont rencontr les sublimes uvres plastiques con ues par les artistes europ ens l inverse de l enchantement provoqu par les inventions techniques et architecturales 1 Pierre Bourdieu disposition esth tique et comp tence artistique Revue Les Temps modernes Paris les arts visuels choquaient leur conscience et leurs habitudes mentales ob issant la proscription reli gieuse de l image Consid r e comme une manifestation diabolique la repr se
9. des peintres de l Ecole de Paris C est la puissance d motions qui se manifeste sur la toile par la n cessit int rieure de la composition serait impossible de mentionner ici tous les peintres marocains de l abstraction lyrique connus ou moins connus du grand public car la liste est longue chacun d eux s tant en outre essay au cours de sa carri re plusieurs formes de cette m me d marche D s les ann es 60 Cherkaoui et Gharbaoui les deux fondateurs de la peinture contemporaine au Maroc s engagent imm diatement dans cette voie Con ue autour de formes puis es principalement sa m moire visuelle la peinture de Cherkaoui manifeste une ma trise gestuelle exemplaire et une qu te lyrique et po tique Se jouant du signe et de la trace le peintre s empare de leur richesse plastique et visuelle au point de renoncer leur dimension symbolique Son uvre constitue une expression originale dans le champ culturel marocain Belkahia propose une autre approche plastique de ce r pertoire ancestral et travaille inlassablement dif f rents mat riaux surtout le bois le cuivre et la peau sur lesquels il inscrit des signes r els et chim riques caract ristiques de son uvre en une m tamorphose de la graphie imm moriale Extraite de ses racines avec ses dimensions symboliques et visuelles elle est d crypt e et r interpr t e dans la seule finalit plas 147 tique L artiste ent
10. ont quasiment parcouru en moins de trois d cennies toute l histoire de la peinture de chevalet occidentale moderne Dou s d une grande r ceptivit aux courants nouveaux ils se caract risent par leur aptitude s approprier les innovations internationales pour les mettre au service de leur propre cr ation plastique Ayant toujours v cu aux confins du champ artistique occidental en accompagnant le rythme de son histoire et la multiplicit de ses parcours ils ont pu effectuer des choix de style qui concor daient autant avec leur besoin de prospection et leurs interrogations individuelles et collectives qu avec les imp rieuses n cessit s de la modernit Nombre d entre eux ont v cu en Europe et ont pu s engager au centre de probl matiques plastiques donn es II est probable cependant que l exil tant int rieur qu ext rieur g n re une certaine distance culturelle et que l exclusion relative du march de l art tant int rieur qu ext rieur permet certains d entre eux de concevoir des uvres lib r es de toute ali nation Dans leur itin raire personnel chacun a pu explorer diff rents territoires de l art et opter pour un style ou un autre De ce fait une classification rigoureuse est tr s difficile car chaque artiste peut s identifier dif f rentes expressions au fil de sa trajectoire Sch matiquement les principaux courants esth tiques de la peinture marocaine contemporaine balancent entre abstraction et figur
11. rature po sie musique cin ma th tre architecture afin de contribuer fonder des styles uni versels et participer au fa onnement et l innovation de nouvelles valeurs sociales et culturelles et d entrer insi dans la modernit L ind pendance permit d abord l closion d une g n ration d artistes n s entre 1930 et 1940 qui se forma aux techniques et aux d bats picturaux agitant l Europe des ann es 50 et 60 en y s journant gr ce des bourses d tude Dans le cadre d changes euro marocains J Gharbaoui A Cherkaoui F Belkahia M Melehi M Meghara S Cheffaj M Chebaa et d autres encore partirent ainsi pour la France l Espagne ou Italie forts de leur d sir d vasion de leur volont de connaissance de la culture occidentale et d une n ces sit de la qu te de soi travers la compr hension de l Autre Pendant leurs tudes en Europe ils furent t moins d une effervescence politique id ologique culturelle et artistique d envergure ainsi que de la libert d expression dont jouissaient leurs confr res d outre diterran e Au terme de cette aventure intellectuelle ils connurent des itin raires singuliers et des exp riences esth tiques diverses C est pr cis ment cette diversit qui d terminera les pratiques artistiques et notamment cette multiplicit d influences dotant le champ pictural marocain d une vari t remarquable d expressions ce champ qu il fallait inventer et qu il devait b t
12. riorisation d une subjectivit tourment e d une exp rience tragique la recherche d une expression po tique absolue Chez lui le tableau s estompe au profit de l impulsion d une gestuelle libre impulsive et extravagante Aucune qu te du sens nul cho d une trace d une arch ologie de la m moire mais une nouvelle page crite un palimpseste par la diligence du geste l empreinte du pinceau et un v ritable automatisme Cette d marche a t suivie par des peintres marocains illustres Bellamine et Kacimi ont pouss loin l exp rience Le tableau de Bellamine est une recherche incessante de la spatialit Espace dans l espace univers mental et subjectif dans lequel s abr gent des clats de formes symboliques individuelles et soci oire il r ussit par le geste pictural libre la mati re lumineuse ses nuances blanches et grises ses harmonies sourdes et chaudes terres gris et noirs que perce souvent une empreinte concevoir une uvre d pouill e de toute fioriture Rien que l essentiel une expression plas tales des fragments de m m tique conceptuelle et minimali ann es il transcrit sur sa toile tre Cheb a investi d abord dans le g om trism ormes plates color es un peu fantaisistes composent l espace de sa toile en une action ascendante et ste qui exprime des silhouettes c es harmonies et les d chirements existentiels Pour Kacimi la pratique
13. solitaire En 1989 la fondation Wafabank inau gura un lieu d di aux arts En 1998 la Banque commerciale du Maroc se pourvut de la fondation Actua L ONA fit de m me avec la mise sur pied d une Villa des arts La fondation d Omar Benjelloun investit un ancien palais dans la m dina de Marrakech pour le d dier sa collection personnelle d art islamique et y r server un espace pour les expositions d art contemporain Toutes ces fondations ont redonn une bouff e d air la cr ation aidant les artistes par l octroi des prix et la publication de catalogues et de brochures Mais ce travail certes m ritant mais parfois teint d amateurisme ne r pond aucune m thode professionnelle d acquisition ni aucun crit re visible de s lection entionnons toutefois l exp rience men e depuis 1978 par deux artistes de la premi re g n ration le photographe Mohamed Ben A ssa devenu quelques ann es plus tard ministre des Affaires culturelles et le peintre Mohamed Melehi II s agit du festival d Asilah une manifestation annuelle qui convie un nombre important d artistes et d intellectuels pr senter leurs uvres et se rencontrer l occasion de tables rondes et de d bats Si les d bats ont longtemps t affadis pour cause de censure politique ils ont toute fois gagn en libert ces derni res ann es le plus important et le plus visible de cette d marche est le r investissement de l id e des ann es 60 selon laquelle le
14. syst me ducatif relatif au ter d une d marche embarrassante devaient assumer dans la soci t marocaine D autres artistes issus de villes hi arrakech T touan se ralli engag rent x mais rent eux ains de r flexion es la soci t et p ci jo Is d siraient ren des lieux con eliers 969 par secret des at s e en ucides et responsables i sur tout ce que l art e us pr cis ment au domaine de Ce groupe de pens e entendait partir de artistes afin que ceux membres dirig rent leurs vers les arts appliqu s directement li s aux dif la r alisation des ouvrages uent un r le d terminant dans la modernisation de ves non seulement vers la p d Hamidi Cheffaj etc en furent les ient le manque de structures d di es bo berb re ils organisaient des exposi fonction de l art dans la ssait l n en pas dou s concevaient pleinement le r le qu ils storiques telles que Rabat i que certains crivains po tes architectes etc s inscrivant t notamment la peinture pouvait transmettre en thique et de la politique ent duquer et former efficacement des jeunes la soci t marocaine Ses einture la sculpture la photographie mais aussi rents m tiers d art et encourag rent le travail collectif dans ouer les liens avec la pratique artisanale la cr ation artistique beaux arts et aux arts plastiques s agi enseignem E
15. tiers d art et plus pr cis ment l enseignement des arts plastiques Ces coles ont jou un r le d cisif dans l volution des arts au Maroc puisque presque tous les peintres marocains actuels sont dipl m s de l une d elles 4 La peinture de l ind pendance Au moment de la cr ation de ces coles le Maroc tait d j engag dans son combat national pour l ind pendance Celle ci devait cr er des conditions historiques nouvelles pour l panouissement d une expression picturale enracin e dans un champ social culturel et artistique moderne d mocratique et libre Or un tel champ ne peut fonctionner que si existent et interagissent un certain nombre d l ments artistes critiques d art po tes philosophes historiens d art magazines sp cialis s ou non public m c nes march d art 1 Cette cole qui n a jamais t cit e par les observateurs des arts plastiques au Maroc a form cependant des artistes de talent Citons quelques une parmi les plus importants Slaoui Bellamine Ben as Meliani Abdrrahmane et Abdellah Bendahmane El Hayani Nabili Moussik M rabet El Barrak Khammal etc 2 Voir les travaux de Bourdieu sur la notion du champ national et international enseignement artistique Mais surtout la cr ation a besoin pour se faire jour de libert politique et d un d bat multidisciplinaire g n ralis entre ses diff rents modes d expression pein ture litt
16. valeur particuli re digne d tre admir e pour soi et non plus seulement pour ce dont elle sert et pour ce qu elle signifie est la caract ristique essentielle de l art pictural L artiste par opposition l artisan qui se trouvait encadr par des associations corporatives se d tache relativement du cadre social et traditionnel et affirme son droit l gif rer dans son domaine celui de la forme et du style autrefois directement soumis la demande et aux int r ts autres que ceux du champ artis tique Le tableau de chevalet qui a largement contribu cette autonomie ne se con oit pas sans cet enclos de la bordure qui force l il concentrer son effort sur le pur jeu des couleurs de lumi re et la composition des formes Chaque uvre est l manation d un moment unique d intervention du sujet moment privil gi de la cr a tion qui renverse le rapport de l homme au monde Souvent sanctionn e par la signature l uvre picturale rev t une singularit plus grande et devient par l un objet culturel diff rentiel N a t on pas dit que le propre du cr ateur individuel par essence singulier par d finition est d tre un g nie unique En somme le nouveau fait pictural implique la rupture sociale et intellectuelle rupture entre l artiste et l artisan et plus g n ralement entre l intellectuel et le lettr Au Maroc le tableau de chevalet ne remonte nullement la pratique artistique traditionnelle l
17. Cherkaoui m ritent une mention sp ciale lls sont consid r s par les critiques et les commentateurs comme des artistes fondateurs de la peinture contempo raine au Maroc deux cr ateurs formidables deux figures embl matiques du Maroc ayant eu une longue exp rience de l Europe Malgr leur disparition pr coce l univers tr s riche l gu par ces deux artistes et leur r flexion permanente font d eux les r f rences majeures de la peinture marocaine du xx si cle Simultan ment le milieu des ann es 60 vit la formation d un groupe d enseignants des Beaux Arts de Casablanca pr sentant des revendications l gitimes pour l panouissement de l art dans leur pays Ils exi 1 Au Maroc il n existe pas v ritablement d historien d art 138 geaient que l art contemporain contribue la construction et au d veloppement du Maroc ind pendant Bel tions ind pendantes et dans cette dynamique termes d id es nouvel tant perc peintre se devait galement sortir peuple uvres cr es dans le Cette r flexion fut concr ti devait tout la foi duel et de travailler en groupe comme un art et se pla ant ahia Cheb a Melehi rejoints par d autres tels que Ataallah Hafi initiateurs Contestant la politique culturelle de l poque ils d nonca art D couvrant la richesse de certaines formes h rit es de l art ara e d bat sur la pratique des arts au Maroc sur la soci t et sur le
18. La cr ation visuelle au Maroc depuis l ind pendance 1 L univers visuel traditionnel 133 2 La peinture de chevalet une rupture culturel le radicale 134 SALES DalbULEMENtS A en 135 4 La peinture de l ind pendance eeeseesseeesseecseecseeeseeeeseesneeeseeeeeteeseeeenees 137 4 1 Les peintures fondateurs sesssseessssssrsssrsrsssrsrssrsssssrssrarnrr rr 138 4 2 L aventure des arts plastiques au Maroc sseemsssssmsmrn 140 ALSES VIE SEE TON ANC ESP APR O 143 AAS ENE ONEEN E A eee ritas aan eee eee 143 AHA DS tra CON EE nn 145 4 GAP ETS PE ClIMOS SR me nn men nn ne 149 MOHAMED METALSI 131 22 12 05 14 18 40 132 somgt9 7 132 22 12 05 14 18 40 l ind pendance du Maroc 1956 la cr ation plastique cessa d tre une activit confidentielle pour deve nir un art part enti re voire un m tier II aura fallu plus d un demi si cle a la soci t marocaine pour que m risse cette nouvelle venue et que se d veloppe une expression artistique en phase avec son temps A l instar du roman du cin ma du th tre et de la chanson elle a fait entrer d embl e la culture du pays dans l aire de la modernit De toutes les techniques d art c est la peinture de chevalet qui a jusqu pr sent pr domin sur la sculpture la gravure le design etc emportant dans son sillage toutes les autres formes d expression pour leur imprimer son histoire ses th mes ses formes et ses in
19. alle d exposi tion biblioth que ou m diath que petit auditorium etc o les artistes pourraient exposer ou s expri mer une meilleure coordination des diff rents partenariats priv s finan ant certains secteurs de la vie culturelle recours au m c nat d entreprise et encouragement du parrainage cr ation d une biennale internationale des arts plastiques d centralisation des grands v nements artistiques par la cr ation d v nements culturels annuels ou bisannuels dans les provinces etc 1 Actuellement le minist re des Affaires culturelle est entrain d difier un mus e Rabat 2 II faut viter les b timents d apparat Un difice simple beau et efficace peut tre g r par des experts d sign s par les institutions locales 150
20. ation Mais dans chacune de ces cat gories il existe une infinit de variantes et de nuances qui cohabitent ou s interf rent 4 4 La figuration Ce style pr dominant pendant le protectorat a suivi son chemin jusqu nos jours parfois sans clat Chez les jeunes on constate un certain refus du figuratif exotique ou naif et rares sont les artistes importants a opter actuellement pour cette d marche N anmoins nombre de peintres marocains ont d but leur carri re dans une veine figurative Ce fut le cas des plus illustres d entre eux tels Gharbaoui Belkahia Meghara Miloud Bennani etc Fallait il commencer par imiter le r el repr senter les tres et les choses dessiner leur contour leur donner une mati re une sensualit pour d passer ensuite cette phase d initiation Probable ment Quoi qu il en soit dans les coles acad miques d art on enseignait d abord aux l ves le sens de 143 l observation du r el le maniement des outils et les diff rentes techniques Ce n est qu apr s cette phase initiale que certains peintres se sont engag s dans la voie de l abstraction Depuis l ind pendance de nombreux peintres ont choisi tout au long de leur carri re diff rents aspects de la figuration comme style principal de leur cr ation Au Maroc les critiques d art d finissaient souvent la r a lit figurative comme une imitation objective de la nature alors que l histoire de l art nous enseig
21. boles des tres tranges chim riques peuplent des univers fantasmatiques xpressions de la recherche du d sir Andr Breton n crivait l pas que le surr alisme repose sur la royance la r alit sup rieure de certaines formes d association n glig es jusqu lui la toute puissance u r ve au jeu d sint ress de la pens e La repr sentation surr aliste reste chez les peintres marocains un lieu de cr ation et d investigation de l tre La repr sentation spontan e ou na ve fut tr s t t l expression primordiale de peintres autodidactes tels que Mohamed Ben Ali Rbati Cette veine longtemps m pris e en Europe n y avait t v ritablement l gitim e qu la fin du xx si cle lorsque diff rents courants dont celui des impressionnistes taient entr s en contestation avec l acad misme r gnant et son absolu conformisme ao D OM 1 Pour approfondir cette id e il faut tablir une enqu te aupr s de ces peintres afin de conna tre les pr suppos s th orique de leur pratique picturale 2 Je pr f re la qualification de spontan e l appellation de na f qui renferme une connotation p jorative 144 Au Maroc la repr sentation spontan e tr s riche puise ses racines dans les formidables strates de la m moire populaire Peinture instinctive elle ne fut point la reproduction du r el ou du v cu mais plut t une transfiguration d
22. chevalet ils donn rent la preuve de cette tentative de m diation des deux univers culturels en essayant d exprimer leur vision du monde et de reproduire des l ments des codes de repr sentation qui pr valaient dans leur culture au moyen d un outil d importation Leurs uvres dont on ne per oit de prime abord que le mim tisme plus ou moins habile de techniques et de th mes d voile l assimilation d un nouveau rapport au visible et l invisible qui ne tarda pas affaiblir leur relation aux mod les visuels ancestraux Ils cherch rent une expression plastique moderne originale et universelle qu ils ne parvenaient pas encore concevoir une expression qui rompe avec le savoir artistique traditionnel et un certain mode de repr sentation L uvre de ces pr curseurs ne pr sente pas d int r t particulier du point de vue pictural sinon celui d avoir inaugur une pratique nouvelle la peinture de chevalet dans une soci t qui ne la connaissait pas Malgr tout ce que pouvaient dire les critiques leur principale valeur fut de s loigner d embl e de l acad misme D ailleurs le r gime du protectorat n installera pas aussit t d cole des Beaux Arts au Maroc afin de permettre au peintre d incorporer les codes de ma triser les connaissances de la nouvelle esth tique et de se hisser en sujet cr ateur en individu distinct de la masse des artisans signant ses uvres voire en intellectuel galit avec le lettr l ho
23. cientifique et technique alors m me Ce qu on peut en dire c est que les grandes ruptures et les innovations se font depuis la Renaissance en Occident qui a le monopole de la cr ation des concepts des courants et des styles Nos artistes les plus vai monde llants sont l aff t des innovations et l coute du Pour faciliter cette coute et diffuser l art dans la soci t marocaine tout enti re des r formes semblent indispensables de m me que la mise en place d infrastructures n cessaires la pratique des arts dans le pays 1 Pour voluer la cr ation a besoin avant tout de libert d expression celle l m me qui doit se construire dans le cadre des institutions du pays En cinquante ans le Maroc n a pas su se doter d un champ artis tique autonome qu il faut constituer d velopper et promouvoir revues d art films documentaires sur les artistes formation de critiques d art d veloppement de la relation des v nements artistiques dans les journaux etc 2 R former le syst me ducatif mise en place d un enseignement performant des arts plastiques d s les petites classes r forme de l enseignement du second degr en arts plastiques et beaux arts id alement coupl avec celui de l cole nationale de l architecture cr ation d un enseignement sup rieur appel former les cr ateurs de demain graphistes info graphistes stylistes designers d corateurs
24. concilier le particulier c est dire I authentique et le g n ral c est dire l universel C est un dilemme encore d actualit Ces peintres visaient l acquisi tion d un langage plastique singulier langage du pr se ouvert aux innovations venues d ailleurs mais sans mod les impos s 4 2 L aventure des arts plastiques au Maroc Ce d bat tait soutenu par certains crivains ou critiques d art europ ens tels que Pierre Restany Pierre Gaudibert veillement Gaston Diehl Clarence Lambert Tony Maraini etc qui t moignaient de l int r t voire de l mer prouv devant les uvres des peintres marocains II largit le champ d action d autres facettes de la culture marocaine et investit des domaines d licats pour le r gime politique La question de la place et de la fonction de l intellectuel et de l artiste dans la soci t fut pos e Un tel mouvement ambitionnait de faire partic champ cu iper les intellectuels au devenir de la culture marocaine et de mettre en place les fondements d un Iturel et artistique relativement autonome Certains artistes taient conscients de la rupture consomm e qui s tait op r e dans les arts visuels la soci t marocaine restait globalement loign e des pr occupations intellectuelles de l art moderne et de la compr hension de l uvre contemporaine Elle n avait pas int gr les sch mes de perception de la nouvelle esth tique et du discours th ori
25. d marche picturale mais aussi un acte symbolique puisqu elle leur permet d tablir un lien entre l abstraction arabo berb re el l art abstrait d aujourd hui partir d un vocabulaire g om trique simple ou complexe ils laborent un lan gage toujours renouvel et impr vu Le g om trisme a s duit plusieurs artistes illustres au premier chef desquels Melehi qui a d velopp une cr ation plastique peinture et scuplture r put e pour ses structures ondulatoires Ayant marqu d une mani re ind l bile l art contemporain du Maroc il n a cess depuis les ann es 60 de concevoir une uvre ax e autour de l onde souple et chatoyante et de ses m tamorphoses les plus surprenantes Entre les surfaces lisses de couleurs vives contrast es ou compl mentaires claires ou fonc es s tablit un dialogue bas sur l quilibre forme sonore forme picturale inh rente l onde on a pu dire que sa peinture se d ploie non seulement dans l espace mais aussi dans le temps Cette variation pour inventive qu elle soit sur un m me th me a pu tre per ue comme un enfermement mais d autres peintres 146 se sont engag s dans cette voie s y cantonner Miloud Labied a privil gi un temps la g om trie des formes et la structuration de l espace de l uvre autour de la ligne verticale Les surfaces organisant son espace pic tural traduisent une virtuosit ne livrant que l essentiel de son art une construction r
26. diff rents supports exprime fortement les n cessit s symboliques les r ves et les d sirs du groupe social On peut le consid rer comme une forme privil gi e de la culture et comme un syst me fa onn par un habitus permettant l individu de concevoir le pensable et l impensable de voir et ne pas voir Parler de cet univers de formes c est n cessairement voquer la totalit du social et particuli rement les exigences de la religion et peut tre de la mythologie parce que sans leur fonction et leur mode d emploi nombre de ces formes auraient t inconcevables Solidement arrim l expression de la vie quotidienne l univers sym bolique engage profond ment la sensualit de la personne du groupe et sollicite une perception non sp ci fique dont la lisibilit suppose le sens pratique qui d tient le code implicite du regard La production artistique traditionnelle ne peut s expliquer sans faire mention de ses agents producteurs de leur mode de travail et de leur rapport l ouvrage Or l uvre cr e singuli re et sign e selon la conception de notre poque n existe pas dans ce contexte et le nombre d artisans ayant sign leurs ouvrages est insi gnifiant l art traditionnel n est pas individualis Les artisans r pondent chacun dans sa sp cialit aux n cessit s sociales et symboliques du groupe et reproduisent ainsi les formes objectives et subjectives incorpor es L anonymat est un l ment de l unifor
27. e et sentimentale Ben Yessef reste attach une transcription expressive du visible tra vers ses nombreux portraits et paysages il met en uvre un r alisme classique r fl chi qui s exprime avec s rieux et minutie Le courant surr aliste Au Maroc l engagement de certains peintres dans ce courant n en Europe la fin de la Premi re Guerre mondiale ne va pas n cessairement de pair avec leur adh sion aux id es du surr a lisme qui d passant largement l expression plastique est une philosophie une v ritable conception de l Homme et de la vie caract ris e par sa critique de toutes conventions sociales logiques et morales un cou rant artistique guid par l expression du r ve de l instinct du d sir et de la r volte mais constitue probable ment simplement un choix esth tique personnel Dans la diversit de leurs d marches les artistes Aherdane Boutaleb Saladi Abouelouakar Bendahmane Lakhdar et bien d autres nous livrent chacun sa mani re un monde trange une r alit imaginaire transfigur e une subjectivit po tique et une expres sion plastique r gie par une pens e non dirig e Rien que l expression du d sir enfoui sublim la mani festation d un r ve les peintres associant librement les l ments du puzzle afin de recomposer des figures extravagantes et de recr er un r el surr el un invisible devenu visible Des images d form es des inver ions d l ments et de sym
28. e par les structures plastiques invisibles les impressions color es et l organisa tion de l espace du tableau La couleur est forme et sujet dira Delaunay Depuis presque un si cle l art abstrait est devenu un ph nom ne historique part enti re II s est impos diversifi enrichi et frott d autres formes et a largement contribu renforcer l id e de l autonomie de l uvre c est dire de l art dans la soci t Au Maroc les artistes s engag rent dans cette voie vers le d but des ann es 60 Ils pass rent avec aisance de l univers de l abstraction celui de l art abstrait Sans tre comme leurs confr res europ ens enracin s dans le contexte des r volutions culturelles et scientifiques ils surent se tenir l coute de la cr a tion internationale Leurs uvres par del leur diversit ont en commun leur propre autonomie par rapport la r alit M me quand ils ins rent certains l ments du r el dans une composition picturale globale ils leur donnent un nouveau sens esth tique et quand l abstraction touche la figuration elle reste parfaitement inscrite dans la logique de l art abstrait Au sein de la vari t de la cr ation abstraite marocaine on peut distinguer deux tendances principales celle qui favorise des formes g om triques et celle qui d ploie des formes organiques gestuelles et sponta n es L abstraction g om trique est pour certains peintres marocains non seulement une
29. end approfondir l lasticit des formes purer son langage formel et cr er ainsi un univers esth tique autonome Hassan Slaoui interroge non seulement les formes la mati re mais galement le support de la peinture le tableau C est un exp rimentateur un artiste artisan contemporain II conjugue dext rit manuelle et recherche intellectuelle pour cr er une uvre originale Faisant ressurgir des traces du pass astrolabe manuscrit etc restituant les souvenirs des signes d laiss s ou oubli s il parvient transmettre comme Hariri Miloudi Malika Agzenay Boujem a Lakhdar Nabili Aissa Ikken Moussik Ahmed Barrak Qotbi et d autres encore une expression picturale contemporaine et une reformulation de la m moire Cheffaj et Meg hara sont plus savoureux dans la pate ordonnant avec ampleur l tagement des masses un moment inspi r s par les ormes vanescentes de la m moire Bien qu il soit difficile de parler d une cole du signe l on peut n anmoins affirmer que le r pertoire visuel traditionnel a constitu et constitue encore avec plus ou moins d intensit et de fortune une source intarissable pour les plasticiens marocains Une autre forme d abstraction lyrique expressive et pr pond rante au Maroc a t adopt e par une pl iade d artistes Mais c est Jilali Gharbaoui qui incarne mieux que quiconque cette d marche avec une uvre puis sante sensible et nergique Sa cr ation est l ext
30. es r cits et des contes fabuleux impr gnant l imaginaire collectif Fascin s par les l ments f eriques de leur enfance Ben Allal El Ya qoubi Drissi Ben Driss Hamri conteurs avant tout peignirent des visions conf rant leurs uvres une dimension fantastique Les travaux de Fatima Hassan Hassan El Farouj Louardighi Lagzouli laissent sourdre l innocence et la sinc rit du regard Les couleurs flam boyantes et l absence de la perspective ou l utilisation d une perspective non scientifique pourraient faire taxer d enfantines certaines de ces uvres Mais sous la l g ret cette cr ation plastique dissimule des ordonnances techniques et optiques tr s subtiles une stylisation graphique harmonieuse et une exi gence d organisation et d quilibre visuel La simplification est aussi une mani re d exub rance qu utilisent ces artistes pour doter leurs uvres d un pouvoir signifiant imm diat Quant la c l bre Cha bia elle ne racontait pas vraiment d histoire Elle ext riorisait naturellement instinc tivement des impressions personnelles et des sentiments travers le chatoiement des couleurs brutes pri maires Le visage et les mains reviennent avec une grande constance dans ses uvres Comme chez la plupart des autodidactes son style all gre et d sinvolte se caract rise par des couleurs vives qui trans figurent et po tisent le plus banal des spectacles 4 5 L abstraction Abs
31. esancenot A Sur da J H Derche H Rousseau Lepage ou M Bertuchi auteurs d une peinture figurative exotique Leurs portraits et leurs paysages leur graphisme d pouill et leur palette somptueuse influenc rent les premi res exp riences picturales marocaines Adoptant tableau et pinceaux cette premi re g n ration de peintres concourut involontairement la gen se de l art moderne au Maroc ils sont de ce fait consid r s comme les pr curseurs de la rupture avec la tradition Citons El Menebhi et Rbati de Tanger Ben Larbi El Fassi Jilali Ben Chelam de Rabat qualifi s de n o impressionnistes les premiers peindre la gouache des tableaux figuratifs anecdotiques Les pay sages et les sc nes de genre sont leurs th mes de pr dilection sur le mod le de leurs ma tres europ ens Ce regard quasi ethnographique sur leur monde social fut la premi re tentative picturale rompant avec la tra dition des peintres miniaturistes de la culture arabo islamique ainsi que celle des peintres imagiers populaires contemporains L appropriation de ce nouvel outil d expression r sulte des mutations sociales politiques et culturelles pro fondes qui ont marqu la sc ne marocaine entre les deux guerres et se sont intensifi es apr s l ind pen dance Nourris des valeurs des deux cultures ces peintres exprim rent la double aspiration fond e sur la modernit occidentale et la tradition arabo berb re Tout en optant pour la peinture de
32. formel imperceptible que chaque cr ateur con oit sa mani re selon sa sensibilit son parcours sa culture et ses th ories L av nement de la photographie vers 1838 reproduisant le r el mieux que n importe quel autre mode d expression artistique avait contraint la peinture red finir sa fonction Elle affirma sa sp cificit en d ve loppant les aspects qui la diff rencient des autres modes de repr sentation la couleur la gestualit l expressivit et la spatialit En atteste la fameuse formule prononc e en 1890 par le peintre francais Mau rice Denis Un tableau avant d tre un cheval de bataille une femme nue ou une quelconque anecdote est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assembl es Les artistes de l art abstrait propos rent une nouvelle d marche en concordance avec le contexte culturel et scientifique de leur poque marqu notamment par les progr s de l optique et la compr hension des m canismes de la vision de la nature ondulatoire de la lumi re et du son puis par la remise en question de la perception du temps avec la th orie de la relativit ou encore par la r volution psychanalytique freu dienne Les diff rentes manifestations de cette esth tique pourraient tre r parties en deux cat gories La pre mi re partirait d un aspect quelconque de la r alit pour aboutir un univers visuel d pouill essentiel la seconde ne serait anim e qu
33. iguoureuse et ma tris e adoucie par une palette simple mais tr s subtile C est un jeu musical cr sur la gamme chromatique tout en transparences en d grad s et en nuances en habile r partition des couleurs et en harmonies d licates Bien d autres encore ont pratiqu ou pratiquent encore cette abstraction g om trique Cheb a le premier l avoir abord e Boujemaaoui dans ses derniers travaux ou encore Rahoul Mellakh Sadouk Moussik Nabili Ataallah Nadjia Mehadji Chacun b tit son uvre sa mani re sur une gamme originale constitu e de lignes points tirets bandes de couleur formes g om triques travaill s en couches successives o super pos es verticales ou horizontales en associant la couleur et la forme Certains op rent un croisement de formes symboliques pr gnantes telles que la calligraphie la silhouette architecturale ou ornementale le tatouage etc avec la g om trie Cette migration de signes dans l univers g om trique leur offre des possi bilit s infinies de ressourcement et d inspiration Ici les plasticiens partent d un fragment de la r alit pour aboutir une image m taphorique invent e une v ritable forme picturale Leurs tableaux s ordonnent en figures abstraites pour d crypter le monde autant ext rieur qu int rieur travers le filtre des formes g o m triques Cette tentative est elle une imitation du r el Evidemment non car les peintres partent d une r alit
34. ir dans toutes ses composantes Pour ce faire il tait n cessaire de cr er ou du moins de renouveler en profondeur structures sociales et culturelles id es et projets Un demi si cle plus tard la question reste pos e la soci t marocaine a t elle men bien ce renouvellement er 4 1 Les peintres fondateurs Les peintres fondateurs s lev rent rapidement contre les structures archa ques et le go t ambiant de l poque La pratique picturale alors connue et appr ci e tait nous l avons vu celle des peintres auto didactes figuratifs parfois dits na fs Le sens et les formes abstraites de l art moderne restaient encore trangers la soci t Mais pendant qu on discutait sur cette soi disant marocanit de la peinture autodidacte une autre expression picturale universelle figurative ou abstraite naissait progressivement dans des ateliers d artistes encore inconnus Des uvres taient pr sent es dans de rares expositions individuelles ou collectives organis es au Maroc et l tranger On soutint alors la th se qu une jeune peinture marocaine tait en train d clore au contact de l cole de Paris Lors de la biennale des jeunes de Paris de 1959 par exemple le renomm critique d art Lionello Venturi affirma qu une grande surprise nous vient du Maroc o est n e une peinture moderne occidentale s duisante Deux grands peintres de cette g n ration Gharbaoui et
35. l int ri ducation c est inn eur le patrimoine visuel arabo berb re d interroger et de saisir ses formes et ses couleurs ses th mes et ses significations afin d en extraire l essentiel comme le firent des peintres europ ens comme Matisse Picasso Klee pour inve moderne et universelle De la calligraphie o exemple les cr ateurs signifi Rien que la fig dimensions de l uvre indispensable de ne pa la travers e des fronti ner la soci t tout enti 1 Voir les travaux de Pier entendaient extraire ure rien que la beau t cu s renoncer ses raci res culturelles leurs nter une uvre u du d cor g om trique hispano mauresque ou berb re par e nectar c est dire le signe et sa gestuelle libre de tout t des formes l intention esth tique pr valant sur les autres Ainsi les arts plastiques pouvaient contribuer d apr s ces artistes l affermisse ment et l panouissement de l identi turelle marocaine lls avaient en somme compris qu il tait nes et de ne pas renier sa culture et son propre tre Situ es interrogations d passent la dimension plastique pour question e Bourdieu re faut il admettre une dissolution de soi dans une culture Autre occidentale 2 Pierre Bourdieu et Alain Darbel l Amour de l art dition de Minuit Paris 1969 p 17 triomphante et plan taire ou insister sur la n cessit de
36. misation essentielle de la stabilit et la permanence 133 des grandes figures de cette production artistique L univers visuel traditionnel est en somme fond sur une continuit de l art et de la vie qui implique une autre relation d quivalence entre la forme et la fonction 2 La peinture de chevalet une rupture culturelle radicale Contrairement aux pays ayant connu la domination ottomane le Maroc n a pas de tradition picturale alors qu en Alg rie par exemple l art de la miniature certes moins riche que celui des Empires perse et turc a constitu une m diation progressive entre la feuille dessin e et la toile peinte Les grands miniaturistes alg riens que sont Racim et Temmam furent les passeurs par excellence de l univers de la miniature celui de la peinture Au Maroc o le contr le rigoureux exerc par la doctrine mal kite est probablement l origine de cette carence le passage l re de l image transitera directement par l expression de l image dans sa forme primordiale le tableau de chevalet ll est encore malais d tablir aujourd hui quel moment cette technique s implanta pr cis ment au Maroc Rassembler les biographies des peintres les r cits de leurs voyages les modalit s de leurs contacts avec l Europe et les Europ ens leur niveau de connaissance des arts et des lettres leur statut conomique et social etc serait n cessaire pour comprendre la gen se du passage
37. mme de l crit ou de parole de la culture th ologique traditionnelle 136 Malgr une folklorisation progressive de l univers visuel traditionnel des peintres toujours plus nom breux allaient suivre apr s les ann es 40 l exemple de ces pr curseurs les surpasser et engager plus loin encore un proc s de restructuration du champ artistique marocain D s le d but styles et tendances sont assez vari s Moulay Ahmed Drissi Omar Mechmacha Mohamed Ben Allal El Hamri Ahmed Ben Driss El Yaqoubi ainsi que Tayeb Lahlou Hadj el Moznino et d autres encore surgirent sur la sc ne culturelle maro caine lls organis rent des expositions individuelles et collectives II s agissait l encore d une g n ration d autodidactes qui tout en ayant acquis une ma trise satisfaisante des techniques et des mat riaux igno raient relativement le sens de leur pratique et m connaissaient la gen se de l histoire de l art europ en depuis la Renaissance Certains suivirent des cours d art par correspondance d autres comme Drissi et El Ya qoubi apprirent leur m tier en voyageant et furent parfois rapidement qualifi s de peintres naifs sans qu on ait pu examiner ce qui dans leurs tableaux d coulait d une tradition visuelle du fantastique El Ya qoubi produisit par exemple une uvre frisant la non figuration abstraction encore ind cise mais annon cant les balbutiements d une investigation lucide et profo
38. municipales de maisons de la culture etc tait flagrante chacun promouvait ses uvres et assurait sa subsistance comme il le pouvait L Association marocaine des arts plastiques fond e par des artistes en 1972 se donna pour but de f d rer ces initiatives individuelles et de cr er des conditions favorables au montage d expositions l organisation de d bats et la diffusion de l art contemporain au Maroc et l tranger C est ainsi que des artistes maro cains purent participer diff rentes expositions panarabes et internationales comme les biennales de Bag dad de Tunis de Rabat etc et y gagner une reconnaissance et une place privil gi e dans le monde arabe Dans les ann es 90 de nouveaux artistes vinrent grossir les rangs des plasticiens II tait surprenant de voir surgir une nouvelle g n ration toujours plus nombreuse anim e d une volont et d une t nacit aussi grandes que celles de leurs pr d cesseurs alors m me que les structures propres l panouissement de art continuaient de faire cruellement d faut Vivre de son seul m tier de plasticien tait presque impossible une des rares possibilit s offertes ces artistes tant de se tourner vers l enseignement des arts pour conci ler cr ation et subsistance En d pit de cette situation difficile la d termination individuelle permit bon gr mal gr la cr ation artis tique au Maroc de se maintenir de se consolider et m me de se d veloppe
39. nde qui caract risera l expression plastique au Maroc Louardighi con ut ses tableaux comme un r ve Composant des uvres exub rantes o l homme est associ des animaux extravagants et des v g taux r els et imaginaires il cr a un monde f erique de formes et de couleurs Son langage visuel tant d cri par les ex g tes de l art n est soumis ni aux modalit s acad miques ni aux facilit s mim tiques Quoi qu il en soit les uvres de ces peintres des ann es 40 et 50 positivement re ues par leurs confr res et par les critiques europ ens assument la fonction primordiale de confirmer une rupture dans le champ artistique du Maroc Ils surent sans d chirements ni h sitations faire de leur art le creuset de deux cultures frayant la voie une g n ration qui elle affirma son entr e de plain pied dans la modernit et contribuera au rayonnement des arts plastiques au Maroc Devant cette floraison d artistes autodidactes et l afflux de nouveaux talents le protectorat espagnol d cida en 1945 de la fondation de l cole des beaux arts de T touan son exemple fut suivi par le protectorat fran ais qui cr a son tour en 1950 une cole des beaux arts Casablanca II convient de mentionner outre ces deux tablissements la section arts appliqu s du lyc e al Khansa de Casablanca au sein de laquelle est dispens depuis plus d un demi si cle un enseignement artistique acad mique formant aux diff rents m
40. ne que chaque culture reproduit sa fa on le monde ext rieur selon ses sch mes de perception et ses structures mentales et sociales d une civilisation l autre l acte de repr senter le monde n a ni la m me fonction ni le m me sens figurer ne signifie pas forc ment imiter L expression plastique figurative au Maroc peut se classer en trois cat gories relativement distinctes La repr sentation r aliste la repr sentation surr aliste et la repr sentation spontan e La repr sentation r aliste est le fait d artistes tels que Hassan El Glaoui Meriem Meziane ou Ben Yessef Au travers de cette d marche chacun labore sa mani re une uvre faisant allusion la r alit v cue selon sa propre perception interpr tative Zola n crivit l pas qu une uvre d art est un morceau de nature vu par un temp rament Aussi faut il voir dans la personnalit de chaque artiste dans son attitude men tale une des raisons de la modification qu il fait subir au sujet H Glaoui met en sc ne des chevaux et des cavaliers marocains rythme et mouvement scandent la struc ture de ses uvres M Meziane quant elle fixe sa repr sentation dans une sc ne fig e po tisant par les formes et les couleurs des fragments de paysages diversifi s du Maroc profond Elle extrait ses sujets de la vie sociale ou familiale traditionnelle travers laquelle elle exprime avec une sensibilit toute f minine une r alit pittoresqu
41. nt cette d marche tels que Miloud Rabi Hafid Kantour Moha 1 C est Alain Macaire qui a le mieux traduit la cr ation de Fouad Bellamine 148 med Bennani Karim Bennani Amina Benbouchta M Binebine etc explorant cette expression plastique par une gestualit nergique ou savoureuse la sobri t ou l exub rance de la mati re et de la couleur le jeu des mouvements et des rythmes l invention de la spatialit et la red couverte de la peinture 4 6 Perspectives Qu en est il de la cr ation plastique d aujourd hui et de demain Est il encore judicieux d essayer de lire les uvres partir de la polarit figuration abstraction Devant les installations m ticuleuses de Safaa Erruas les installations vid ographiques de Mounir Fatmi les photographies de Touhami Ennadre ou Hicham Benou houd il est difficile de recourir ces cat gories Les artistes se permettent tous les moyens d expression de image abstraite l image virtuelle Les tatonnements Aussi n est il pas imprudent de pr voir l avenir de jectivit individuelle et collective dans un monde en p que l volution conomique est difficile conjecturer cale avec les d marches actuelles Devant l uvre c est l observateur de vivre l exp rience d concertante ou s duisante mais toujours exceptionnelle et singuli du pr sent annoncent probablement une rupture radi re l art Comment extrapoler les lendemains de la sub eine r volution s
42. ntation rencontra au d but du xx si cle une opposition obstin e de certains th ologiens musulmans l assimilant une pratique apport e par la civilisation europ enne conqu rante et colonisatrice Ce rejet s appliquait galement aux autres sym boles de la culture triomphante tels que l usage de la photographie le port de l habit et les innovations tech nologiques Si la peinture de chevalet au Maroc na t aux d buts du xx si cle l art pictural contemporain reconnu comme tel n appara t qu la veille de l ind pendance Quoi qu il en soit il est actuellement consid r comme un des ph nom nes majeurs de l histoire de l art du Maroc II concentra les nergies d s les ann es 50 et 60 et quelques ann es plus tard joua un r le d cisif dans l volution des formes Ce fut donc une v ritable r volution qui secoua le monde visuel traditionnel Pendant le protectorat 1912 1956 des peintres marocains autodidactes surgirent ici ou l dans un contexte culturel o l artisan tait encore le seul m me de r pondre aux fonctions symboliques Etrang res au monde social leurs productions artistiques n avaient point d ancrage et de port e sur l imaginaire collectif D pourvus d une formation technique artistique et intellectuelle ouverte sur le monde moderne ces artistes non acad miques s employaient imiter les artistes europ ens install s au Maroc comme J Majorelle J Hainant E Edy Legrand E Daudelot J B
43. nts constitutifs du march de l art en assurant outre la promotion des artistes et la vente de leurs uvres la mise en valeur d une s lec tion et l tablissement de crit res de choix qui allaient fa onner les grandes orientations de l histoire de l art marocain C est gr ce ces initiatives priv es que certains artistes purent tre connus au Maroc dans le monde arabe et en Europe La plupart de ces galeries ont aujourd hui disparu mais elles ont t remplac es par une nouvelle g n ration de lieux d exposition et de vente tels que al Manar Bassamat Alif Ba Maltam Espace al Wacetey Chrofy Art Gallery etc Signalons toutefois que si chacune a ses pr f rences et ses cri t res esth tiques certaines jouent un r le pr judiciable dans l volution des arts plastiques en sombrant dans la facilit commerciale avec le soutien de bourgeois marocains sans culture artistique et sans go t pour gagner de l argent des artistes n h sitent pas s adapter la demande de figuratif de pittoresque ou d exotisme faisant fi des mouvements artistiques internationaux et compromettant ainsi la place de la cr a tion artistique marocaine Quant aux institutions artistiques officielles elles faisaient dans les ann es 60 amplement d faut Ni l Etat ni les collectivit s provinciales ou communales ne soutenaient substantiellement le d veloppement de l art contemporain L absence de mus es de galeries r gionales provinciales ou
44. ornementation mais bien de l usage que l on comptait en faire Souvent l objet imposait son cadre la forme picturale appel e s y appliquer La page manuscrite par exemple poss de d j comme le disait l historien de l art de l islam Papadopoulo un espace propre o viennent se composer librement les formes et les couleurs en un certain ordre assembl es mais notre avis cette composition utilise des formes plus ou moins abstraites pour illustrer le texte et en faciliter la compr hension Dans cette perspective les artistes abandonnaient donc bien l imitation de la nature mais non sans res pect des normes et r alisation d un art l gal La conscience de faire abstrait n existait pas En outre le peintre guid par les n cessit s sociales ne pouvait exprimer son intention qu en rapport avec le licite et 1 Alexandre Papadopoulo L Islam et l art musulman Citadelles Mazenod Paris 1976 l ilicite l utile et l inutile vouloir analyser l expression artistique au fil des si cles et des cultures le p ril d une interpr tation erron e est grand car nous tendons plaquer la notion d esth tique pure l o elle n existait pas La sp cificit de l art abstrait consiste donc concevoir simplement une image abstraite Images auto nomes les uvres abstraites ne reproduisant rien d autres qu elles m mes rompent avec l univers des apparences et d voilent un monde
45. picturale est une interrogation continue de la repr sentation Depuis quelques him riques se composant harmonieusement par le geste la t che les surfaces color es en adoptant le mouvement de la mati re M me s il existe une allusion au r el e seul souci de Kacimi est de d velopper un langage pictural une exp rience questionnant l int riorit de e choisit de passer une expression en mouvement Des convient le regard poursuivre leur errance spatiale Gestualit endigu e laborieuse et ordonn e le peintre que et une expression visuelle profondes El Hayani s inscrit depuis longtemps dans cette gestualit picturale Son uvre actuelle rec le une inten nous offre une ma trise techni sit visuelle satur e de questi onnements scru tant les fondements initiaux de l art abstrait Apr s ses pre mi res exp riences minimalistes El Hayani charge peu peu sa toile et passe ais ment de la sobri t au foisonnement des couleurs superpositions et juxtapositions de couleurs suffisent pour cr er un nouvel espace pictural La recherche de la spatialit de la mati re de la touche mouvement e et la qu te de la sub jectivit conf rent son travai une infinie vari t Constante de son uvre la peinture est une r flexion sur l espace m me de la toile o elle se con oit qui puise sa propre histoire et s labore partir de ses propres avatars D autres artistes marocains pratique
46. que qui la on dait D bats et contestation distinguaient donc une conjoncture culturelle et artistique pourvue d individuali t s artistiq ues et d investigations plastiques singuli res et diversifi es La pr sence de revues telles que Souffle Int gral plus tard Lamalif contribua partiellement cette dyna mique et participation la r flexion sur la pens e esth tique Le d ba la diffusion en langue fran aise d articles relatifs aux arts plastiques au Maroc En langue arabe la fut bien moindre t collectif politis inaugur dans les ann es 60 fl chit progressivement partir du milieu des ann es 70 Faute de libert le d bat disparut et la parole se tarit La revue Souffle fut interdite et ses respon sables emprisonn s les autres cessant spontan ment de para tre Sur le plan culturel le Maroc prit un retard consid rable Mais paradoxalement le manque de libert tout en emp chant la dynamique intellec tuelle et les changes entre cr ateurs favorisa l av nement d un nombre impressionnant d artistes travail lant en lectrons libres dans l intimit de leur atelier Ainsi apparurent pendant les ann es 70 une nouvelle g n ration de peintres autodidactes tels que Kacimi Miloud Cha bia Fatima Hassan Saladi ou form s dans des coles d art au Maroc ou en Europe tels que Bel lamine Slaoui Rabi Hariri El Hayani Bendahmane Boujemaoui Miloudi
47. r ation plastique riche et diversifi e explorant une infinit de d marches et questionnant les s diments enfouis de la m moire collective Les critiques ont per u les quali t s techniques et esth tiques remarquables d uvres r solument en dialogue avec l art contemporain inter national Citons Dix neuf peintres du Maroc exposition pr sent e par le Centre national d art contemporain de Grenoble en 1985 Les magiciens de la terre exposition mont e Paris qui r v la Bou jem a Lakhdar La peinture contemporaine au Maroc Bruxelles Beyond the Mythe Londres 2003 et d autres encore en Europe ou aux Etats Unis Certaines uvres ont t acquises par de grands mus es europ ens dont des r alisations de Belkahia Kacimi Melehi Bellamine Cha bia N oublions pas les manifes tations organis es dans le cadre du Temps du Maroc en France qui travers des expositions indivi duelles et collectives ont permis la cons cration de talents jeunes ou anciens et ont mis en lumi re une pratique artistique contemporaine fa onn e par une pens e multiple et travers e par les grands courants contemporains Signalons enfin le travail unique de l Institut du monde arabe uvrant au centre de Paris pour la promotion des arts patrimoniaux et contemporains du monde arabe Expositions individuelles et col lectives au si ge ou dans d autres grands mus es europ ens et am ricains rencontres et d bats libres
48. r non sans al as car les arts plastiques ont partout besoin d un soutien de la part de l Etat ou de m c nes priv s Comme presque toutes les activit s humaines crivait Jacques Rigaud la culture a besoin d argent On ne conna t gu re que trois mani res de la financer les fonds publics qu ils proviennent de l tat des collectivit s locales ou d autres institutions publiques le march o nous intervenons tous quand nous achetons un livre ou une place de cin ma o de th tre et enfin le m c nat La proportion de chacune de ces sources dans le finan cement de la culture varie beaucoup d un pays l autre mais elles coexistent peu pr s partout et ce depuis des si cles Or au Maroc le r le des pouvoirs publics reste insignifiant Le mus e d Art contempo rain de Tanger est m connu du grand public Le b timent offert par les autorit s anglaises est dans un tat d ankylose totale La collection pr sent e dans ses espaces ne b n ficie d aucune promotion et le b timent n est gu re fr quent Hormis ce mus e le minist re des Affaires culturelles a de nombreux projets dans ses cartons mais jusqu nouvel ordre aucun n a encore abouti 1 l exception de la galerie nationale Bab Rouah 2 Jacques Rigaud in Farid Britel Le M c nat au Maroc d Sochepress Casablanca 2001 p 7 C est le m c nat priv qui vint au secours d une cr ation
49. s artistes revendiquaient l int gration de l art la ville Car une fois la manifestation achev e les peintures r alis es sur les murs de cette jolie petite ville bal n aire r alis es par des artistes des cinq continents souvent assist s par les habitants d Asilah demeurent comme une sorte de marque d empreinte d une rumeur fugitive mais ineffa able Ces inscriptions picturales ont valu un temps Asilah d incarner le centre primordial de la cr ation maro caine Pour la premi re fois dans ce pays l art tait devenu un outil de communication le moyen de d ve loppement conomique et social d une petite ville engourdie et un instrument politique pour la gestion urbaine Quoiqu en disent les observateurs l exp rience d Asilah est historique Elle a permis une ville d entrer de plain pied dans la modernit et de cr er un lieu de rencontre et de dialogue entre les cultures un espace qui rassemble les artistes les plus talentueux du Maroc et d ailleurs R ve furtif Ce projet culturel est aujourd hui en train de p ricliter II m riterait d tre relanc et instaur dans d autres villes afin de cr er des synergies et d laborer de nouvelles utopies artistiques Entre temps de grandes manifestations individuelles ou collectives d art contemporain marocain ont t organis es travers le monde occidental dans les grands mus es ou les centres culturels particuli rement en France Les publics ont pu y d couvrir une c
50. subjective d une perception et d un cheminement intellectuel qui leurs sont propres L abstraction lyrique expression picturale fond e en 1910 par Kandinsky d signe toutes les formes d abs traction qui n appartiennent pas l abstraction g om trique C est ainsi que des formes aussi diverses que la peinture gestuelle de Mathieu l action painting de Pollock l expressionnisme abstrait am ricain le tachisme etc ont t rang s sous ce m me vocable L abstraction lyrique conna t un succ s consid rable chez les peintres marocains Elle semble convenir au temp rament de ces artistes ayant v cu dans une soci t moins libre que celle des pays occidentaux Une soci t relativement ferm e l art abstrait encore consid r comme le privil ge d une petite lite en ayant assimil les finalit s Cette peinture faite de mouvements descendants de droites et de courbes de traits de t ches et que caract rise surtout le geste spontan ou ma tris exprime admirablement le besoin d expression d une force int rieure contenue d une sensibilit mouvement e Les plasticiens marocains donnent une importance consid rable cette gestualit expressive la mati re malaxant et d naturant la p te avec des subtilit s infinies ou l employant pour concevoir une uvre o les signes culturels calli graphie arabesque tatouage ornement etc viennent s inscrire dans une mixture onirique la mani re
51. terrogations La peinture de chevalet et son support le tableau sont venus d Occident Comment les artistes marocains ont ils en l adoptant accompli cette rupture radicale avec l h ritage visuel arabo berb re 1 L univers visuel traditionnel Bien avant le protectorat une tradition artistique aussi riche que vari e avait cours au Maroc Pendant plus de mille ans les Marocains ont d velopp leur univers visuel produit d un m tissage culturel au sein de la civilisation arabo islamique et notamment hispano mauresque et berb re Cet univers constitue un vaste complexe d activit s artistiques unies par un certain nombre de modalit s reconnues et identifiables qui s expriment travers des techniques vari es mosa que peinture d corative enluminure architecture etc Les m mes motifs y habillent diff rents supports ainsi une calligraphie ou une arabesque peuvent s inscrire sur diff rents mat riaux un m me motif g om trique orner un tapis ou une poterie rurale et m me le corps sous forme de tatouage II n existe pas de fronti res s miotiques entre les diff rentes pratiques sociales tis sage divination magie o vient se d ployer le vocabulaire formel La permutation est remarquable de l ouvrage simple et ordinaire l ouvrage extraordinaire de l objet profane l objet sacr et au corps C est un art qui s inscrit dans un contexte social en fonction duquel il se manifeste Le monde formel qui orne les
52. traction et art abstrait signifient ils la m me chose Cette question complexe m rite pour le moins un rappel historique succinct L art abstrait qui naquit pendant la deuxi me d cennie du xx si cle en Europe suivait la filiation des grands courants de l art moderne alors en pleine effervescence tels que le fauvisme l expressionnisme et le cubisme II int gra certaines de leurs th ories tout comme ces courants l avaient fait avant lui de ceux qui les avaient pr c d s mais un facteur surgit qui rompit cette continuit s culaire de l art avec l art abstrait le lien inh rent entre la r alit et la forme fut bris Les canons esth tiques en vigueur depuis la Renaissance avaient d j t remis en cause depuis l impressionnisme Mais l invention de l art abstrait constitue un tournant fondamental et d cisif dans l histoire des arts plastiques une mutation radicale Des formes non figuratives ont certes t employ es d s la pr histoire mais il s agissait l d ornements d pendants de finalit s ext rieures l art comme l ornement d un difice ou d un objet Dans le Maroc tradi tionnel comme dans d autres cultures le fait pictural ne s exer ait jamais pour lui m me il s accomplissait en vue de cr er par l agencement des signes et des symboles l ornementation d un objet d j fa onn Celui ci pr existait la forme d corative qui venait s y apposer ult rieurement et il tait r alis non en fonction de cette
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