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1. du daat torah dans des domaines non halakhiques Daat toah b inyan sh no halakha Th oumin V 12 p 171 177 20 s estompa compl tement Grand leader religieux mais aussi grand leader politique il eut une influence d cisive sur l volution de l ultra orthodoxie en Isra l l oppos du Rav Kook qui consid rait que la y ridate hadorote ne concernait que les sages le monde ultra orthodoxe semble consid rer que le peuple tombe toujours plus bas et doit par cons quent suivre aveugl ment ses dirigeants apparemment pargn s par ce d clin g n rationnel Conclusion Le concept de y ridate hadorote est il juif L analyse des sources bibliques et talmudiques ne suffit pas l affirmer ni le rejeter Toutefois il parait clair que ce concept si tant est qu il existe occupe une place tr s peu importante dans la th ologie talmudique Place si peu importante qu il a t possible pour l cole juive aristot licienne de d velopper toute une th ologie anti y ridate hadorote sans m me avoir besoin de se confronter directement aux textes probl matiques Cependant d s le Moyen ge ce principe commence se faire entendre notamment en terre chr tienne o il correspond galement aux id es des th ologiens catholiques Il me semble que ce n est qu apr s le traumatisme de l exil d Espagne qu il commence occuper une place importante dans la pens e juive notamment gr ce l expans2. crit son l ve Ce haut degr celui de Mosh un homme comme moi ne peut pas avoir la pr tention de guider les hommes pour l atteindre mais le degr dont j ai parl plus haut celui du proph te normal on peut chercher y arriver au moyen de l exercice dont nous avons parl ibid De son propre t moignage Ma monide se d finit comme inapte pour guider les hommes vers la proph tie de Mosh mais comme apte les guider vers un niveau de perfection inf rieur celui du proph te biblique Sur la base de ce que nous venons de voir je pense pouvoir affirmer que le courant rationaliste s farade en g n ral et Ma monide en particulier rejettent le concept de y ridate hadorote qui s oppose frontalement l essence m me de leur philosophie Ma monide va jusqu affirmer qu il est possible d atteindre les perfections morales et intellectuelles qu taient celle des proph tes de la Bible Selon cette approche tout homme aspirant avec sinc rit la connaissance de Dieu peut s lever des niveaux consid rables qui n ont rien envier aux g n rations pass es Rien ne r sume mieux cette philosophie que le distique qui cl ture le Guide des gar s Dieu est proche de tous ceux qui l invoquent avec sinc rit sans se d tourner 27 Dans le m me tat d esprit Ma monide crit dans son introduction au Guide Il faut savoir que lorsqu un homme parfait d sire selon le degr de sa perfection
3. se prononcer soit verbalement ou par crit sur quelque chose qu il a compris en fait de ces myst res il ne lui est pas possible d exposer m me ce qu il en a saisi avec une clart parfaite et par ordre comme il le ferait pour les autres sciences dont l enseignement est r pandu Ma monide fait clairement allusion lui m me en se consid rant comme ayant atteint un certain degr de perfection 12 Il se laisse trouver par tous ceux qui le cherchent et qui marchent droit devant eux sans s garer B Le pass comme id al inaccessible En parall le au mouvement rationaliste qui domine une bonne partie du juda sme s farade se d veloppe galement un courant rejetant l approche philosophique au profit d une approche mystique Ce courant se divise en une multitude de sous courants pr sents tant dans le monde ashk naze que dans le monde s farade On peut dire que globalement l approche mystique adh re au concept de y ridate hadorote qu elle interpr te comme une baisse de niveaux intellectuel et spirituel titre d exemple nous tudierons l approche du Maharal telle qu elle figure dans son introduction son ouvrage Beer Hagola Le Maharal commence imm diatement par poser ce concept comme axiome indiscutable Certains se comparent aux anciens et pensent avoir galement de l esprit et que les jours anciens n taient pas mieux que ceux d aujourd hui Que la sagesse provient d une seule source et q
4. Mosh vint trouver Dieu et lui dit H y a un tel homme Rabbi Akiva et c est par moi que tu donnes la Torah La r ponse divine reste tr s nigmatique Reste silencieux car tel est mon d cret 8 Cette comparaison est d autant plus importante qu elle se base sur un verset Mosh et Aaron taient parmi ses pr tres Chemouel parmi ceux qui invoquaient son nom ils criaient vers l Eternel et Il leur r pondait Ps 99 6 A 7 o 9 si ce ma tre a une sagesse gale ou inf rieure la sienne Conclusion de la premi re partie Comme nous l avons vu les textes semblant faire allusion au concept de y ridate hadorote sont relativement rares dans le Talmud De plus nous pouvons objecter chacun de ces passages un ou plusieurs textes contradictoires Existe t il un d clin intellectuel des g n rations Si certains passages font tat d un tel d clin celui ci ne peut tre extrapol pour devenir un principe g n ral il s agit tout au plus d un d clin ponctuel voire d une fa on apolog tique d exprimer un fort respect vis vis des g n rations pass es Une autre facette int ressante du concept de y ridate hadorote serait l impossibilit pour les nouvelles g n rations de contredire les anciennes Nombreuses sont les personnes penser qu un amora ne peut contredire un tana cause du d clin des g n rations En r alit il n existe pas ma connaissance de sources talmudiques d fe
5. a fleuri sur son front nous n avons pas le droit de parler Il num re alors sept cat gories de personnes m prisant les paroles des sages et il d finit la sixi me comme tant celle de ceux qui disent que les sages ne connaissaient pas certaines sagesses comme l astronomie et la Nature Cette cat gorie aussi est jug e comme erron e L encore la contradiction avec Ma monide est flagrante Il ne faut pas exiger que tout ce qu ils les rabbins ont dit au sujet de l astronomie soit en accord avec la r alit Car les sciences math matiques taient imparfaites dans ces temps l et lorsqu ils parlaient de ces choses ce n est pas qu ils aient re u l dessus une tradition venant des proph tes mais plut t parce qu eux m me poss daient les connaissances scientifiques de leurs poques ou parce qu ils les avaient entendus des savants de ces poques32 31 Mishn Torah hilkhote yessodei haTorah fin du quatri me chapitre 32 Ma monide Guide des gar s 3 14 14 C Des nains sur des paules de g ants Au Moyen Age merge galement une troisi me tendance qu on peut qualifier de synth se des deux courants pr c dents D un c t on admet qu il est possible de remettre en question les paroles des anciens de l autre la sup riorit des g n rations ant rieures est galement admise R Isa e de Trani Italie 13e si cle r sout ainsi ce dilemme J ai entendu que les philosophes o
6. e d une baisse de niveau des Des i a 5 Fa 5 g n rations Je me contenterai de citer les trois textes qui me paraissent les plus explicites 1 Le premier texte qui est probablement le plus connu revient dans les deux Talmuds ainsi que dans le Midrash Abba Bar Zimna enseigne au nom de Rabbi Zeira si les premi res g n rations sont comme des anges nous sommes comme des hommes Si les premi res g n rations sont comme des hommes nous sommes comme des nes T B Shabat 112b T J Dma 1 3 B R 60 8 Rabbi Zeira un amora vante la grandeur des g n rations l ayant pr c d Pourtant il ne nous pr cise pas quelle est la nature du foss qui s pare les jeunes g n rations de leurs a n es S agit il d une diff rence intellectuelle Spirituelle Morale L enjeu est important car une diff rence intellectuelle soulignerait l incapacit des jeunes g n rations interpr ter de fa on autonome les textes Si nous supposons qu il existe une certaine harmonie entre les diff rentes sources talmudiques il semble que nous ne pouvons pas retenir l hypoth se d une diminution intellectuelle En effet plusieurs textes la nient explicitement Le Talmud nous rapporte le dialogue suivant Rav Papa dit Abay Quelle est la diff rence entre les premi res g n rations qui profit rent de miracles et notre g n ration qui n a plus de miracles Si c est par le m rite de leurs enseignements
7. le Talmud T B Souka 52a Ce qui surprend c est que le Talmud parle bien d un penchant plus grand mais non pas de p ch s plus grands A nsi le juste semble tirer son m rite de sa perp tuelle confrontation avec son mauvais penchant confrontation qu il est sens 19 Cependant Rav Desler limite l apologie au niveau spirituel et va m me jusqu s opposer frontalement l affirmation de l auteur du Shiour Koma selon laquelle la descente est galement intellectuelle Les idiots demandent comment se fait il que Salomon malgr toute sa sagesse n ait trouv ni l imprimerie ni l avion ni la radio etc Or il est vident que le concept de y ridate hadorote n est dit qu en ce qui concerne le niveau spirituel Et au contraire plus le niveau spirituel est bas plus le niveau mat riel augmente Car plus l homme se concentre sur les sujets de ce monde ci plus diminuent les valeurs spirituelles ne Aae fuaa 44 Et lorsque ces valeurs diminuent la mat rialit se renforce malheureusement Y ridate hadorote est devenu un axiome indiscutable il n est d j plus question de prouver son existence mais uniquement de r ussir le concilier avec les nombreux textes contradictoires commencer par la Bible elle m me et ses descriptions parfois peu logieuses l gard des premiers h breux On peut se demander quelles sont les causes historiques et sociales qui conduisirent le monde lituanien adopter une
8. nous n avons pas les capacit s pour comprendre leur idol trie eux qui vivaient dans des mondes bien plus lev s et connaissaient des forces incroyables Ils connaissaient les forces qui activent la cr ation le fonctionnement de chacune d entre elles et ils savaient galement les utiliser En d couvrant les forces qui gouvernent le monde ils commirent l erreur de les consid rer comme des forces ind pendantes et se mirent 2 Re 42 les servir Mais nous nous ne pouvons pas commettre la m me erreur Car nous ne comprenons rien CES choses Ainsi leurs fautes taient dues leur haut niveau intellectuel et spirituel Les anciens poss daient des connaissances que nous n avons plus et nos fautes ne sont plus qu la hauteur de notre g n ration Dans le m me ordre d id e Rav Eliyahou Desler 20 si cle peut tre le dernier grand ma tre de l cole du Moussar crit Comment tait il possible que les premi res g n rations fautaient Car il existe une r gle en ce qui concerne le as y i 43 mauvais penchant Tout celui qui est plus grand que son ami son mauvais penchant l est aussi 42 Shiour Koma Volume 1 p 96 Il est probable qu il s appuie sur une lecture personnelle d un texte du Talmud de Babylone Sanhedrin 102b o M nash le roi impie et idol tre reproche Rav Ashi sa condescendance son gard 43 Michtav M eliyahou Volume 1 p 164 Rav Dessler dans sa r ponse cite en fait
9. ressant qu il existe a priori un interdit explicite de contredire son ma tre ce sujet voir T B Kidoushine 31b 11 T B Nidda 31a Brakhote 19b 12 Selon Ma monide Hilkhote Mamrim 2 1 il apparait clairement qu un amora peut s opposer un tana Le kessef mishn ibid propose de limiter cette r gle aux sages d avant la cl ture du Talmud Cependant Ma monide ne semble pas imposer une telle limitation 13 Pour plus d approfondissements au sujet de cette r gle voir Menachem Elon Hamishpat Ha vri Tome 1 p 263 7 indignes est une cons quence in vitable du d clin des g n rations Les l ves ne sont plus capables de transmettre avec pr cision les enseignements des ma tres Pourtant Rav Shrira Gaon OT si cle nous livre un point de vue radicalement diff rent C est cause des r volutions des massacres et des perturbations de cette poque que les l ves ne purent apprendre suffisamment de leurs ma tres et que se multipli rent les opinions Ainsi le d clin des g n rations n y est pour rien contrairement aux perturbations g opolitiques qui marqu rent la vie des sages de l poque Tous ces l ments nous poussent conclure que le Talmud ne prend pas en compte le principe de y ridate hadorote et que celui ci n influe en rien l tablissement de la Halakha Ce qui n emp che videmment pas les nouvelles g n rations de faire preuve d une admiration sans borne envers les anciens ma tres pilie
10. 39 Orot issourim memrakim p 126 Mossad Ha Rav Kook 2005 17 Cependant l ensemble du peuple se contentait de suivre ses dirigeants par besoin sans v ritablement r fl chir au sens de leur religion Plus la soci t volue plus elle ressent un besoin de compr hension et ne se contente plus d une adh sion pratique Le peuple a soif de compr hension et refuse alors d agir m caniquement Selon Rav Kook les mouvements populaires juifs du d but du vingti me si cle sionisme en t te sont la preuve de l volution positive de la soci t juive Mais plus la soci t avance plus ses t tes pensantes se font rares puisque leur pr sence est de moins en moins n cessaire Ce mouvement g n ral agissant dans tous les aspects de la vie est galement pr sent au sein du juda sme le nombre d tres uniques de g ants de saints hommes va en diminuant En contrepartie l assembl e toute enti re va progresse et volue L assembl e d Isra l se trouve aujourd hui dans une situation passag re d une vie instinctive une vie consciente Pour Rav Kook la chute des g n rations existe v ritablement mais ne concerne que les dirigeants La soci t elle ne fait que s lever et progresser Ainsi le mouvement sioniste tout entier et le sionisme religieux en particulier agit certes en opposition avec le monde rabbinique mais cela ne saurait prouver son erreur l inverse le sionisme t moigne de l l vati
11. 5 si cle par Ravina et Rav Ashi Cependant nous savons que des rajouts post rieurs cette poque y ont t inclus Ces rajouts appel s savora m s tendent jusqu au 8 si cle Selon le Professeur D Weiss Halivni il existe encore une autre couche r dactionnelle les stamayim Ces diff rentes couches r dactionnelles cr ent un texte dont le contenu n est pas homog ne Pour plus d approfondissements voir Mekorot Umassorot Weiss Halivni Notons galement que de nombreux commentateurs traditionnels admettent aussi le principe de plusieurs couches r dactionnelles Voir Jgeret Shrira Gaon La lettre est disponible en ligne l adresse http www daat ac il daat vl shrira shriraO1 pdf Aussi l cole s farade utilise t elle r guli rement le principe de souguyote mith alfote pour r soudre des contradictions entre diff rents morceaux du Talmud Selon ce principe les contradictions seraient dues l existence de plusieurs coles tendues sur plusieurs g n rations l inverse les rossafistes ashk nazes cherchent en permanence r soudre les contradictions co te que co te Pour un exemple d une telle analyse voir T B Shevouot 40b et la fa on dont les Tossefot cherchent r soudre la contradiction avec T B Ketoubot 108b alors que les commentateurs s farades se contentent de noter qu il s agit l de sources contradictoires Ramban Rashba Ritva rapetissent Pourtant certains textes semblent promouvoir l id
12. Hamesh Drashot Vayah alom yossef h alom yossef v h h av p 19 Editions Peer Jerusalem 1974 18 B L cole du Moussar L cole du Moussar apparait au 19 si cle sous l impulsion de Rav Mosh Salanter en alternative lituanienne au mouvement hassidique Ces derniers accusaient le juda sme lituanien de ne pas se pr occuper de la construction spirituelle de chaque juif et juive pr f rant une approche extr me totalement tourn e autour de l tude du Talmud et de ses commentaires Le mouvement du Moussar vient r pondre ce probl me en introduisant l enseignement de la foi et de la morale Quelques textes de cette poque expriment de fa on assez radicale la petitesse de nos g n rations face l immensit des anciens Pourtant le texte biblique abonde en descriptions effrayantes au sujet des anciens Meurtres idol trie sacrifices humains et autres horreurs taient monnaie courante Pour concilier ce fait avec le concept de y ridate hadorote les ma tres du Moussar utilisent l apologie sans restriction Rav Yossef Yehouda Leib Bloch 1860 1929 dirigeant de la Yeshiva de Telz grand centre du Moussar crira par exemple Qu elle est grande la b tise de ceux qui affirment que nous allons de l avant tant au niveau intellectuel que spirituel Ils disent que notre niveau culturel est plus lev que celui des g n rations pr c dentes qui taient idol tres et faibles d esprits Cette erreur provient du fait que
13. I 25 Albalag franchira la ligne rouge trac e par le Rambam en acceptant la vision aristot licienne d un monde ternel vision que m me Ma monide trouvait impensable C est sans doute ce point particulier qui provoqua les foudres de beaucoup d autres autorit s rabbiniques de son poque et qui explique galement sa maigre popularit 24 Voir Guide des gar s 2 32 33 Trait des huit chapitres chapitre 7 Hilkhot yessod haTorah chapitre 7 10 Le proph te ma monidien ne ressemble en rien au proph te populaire il ne s agit pas d un homme solitaire et errant poss d par Dieu Selon Ma monide l homme doit atteindre les perfections morale intellectuelle et mat rielle pour pouvoir pr tendre au rang de proph te Une fois ce niveau atteint le voil pr proph te ben navi pr t recevoir le message divin ce moment Dieu peut choisir de bloquer le processus naturel de la proph tie condamnant l homme rester un ben navi sinon le candidat serait fait automatiquement proph te La tradition juive consid re que l poque de Mordekha et Esther marque la fin de l poque proph tique Les raisons invoqu es pour le justifier sont diverses et vari es certains y voient une cons quence directe du d clin des g n rations dont nous traitons d autres supposent qu il ne peut y avoir de proph tie qu en terre d Isra l etc Ma monide nous livre une explication surprenante Voil la cau
14. Les jours pass s taient ils meilleurs que ceux d aujourd hui L volution du concept de y ridate hadorote au fil des g n rations Gabriel Abensour Cet article n aurait pas vu le jour sans les pr cieux changes et conseils que m a donn s Emmanuel Bloch depuis d j plus de deux ans qui sont source quotidienne d inspiration et d id es Il n aurait pas non plus vu le jour sans l excellent projet de Yona Ghertman son investissement et sa rigueur Qu ils en soient tous deux chaleureusement remerci s Introduction Le terme de yeridate hadorote litt ralement le d clin des g n rations est un concept exprimant de nos jours en tout cas la croyance en une diminution spirituelle et ou intellectuelle constante des nouvelles g n rations par rapport aux anciennes Si ce terme n est pas explicitement nomm dans les litt ratures midrashique et talmudique certains textes semblent y faire allusion Mais ce n est qu aux alentours du Moyen Age que commence se forger une v ritable doctrine autour de ce concept Rashi est peut tre l un des premiers la formuler dans son commentaire sur le Talmud Les premi res g n rations taient meilleures et plus justes que les derni res C est pourquoi les temps pass s taient meilleurs que les n tres car les derniers ne peuvent tre comme les premiers Cette affirmation est en r alit un commentaire du verset Ne dis pas pourquoi les jours pass s taient ils
15. Rav Kook le peuple s l ve mais les grands disparaissent Rav Kook fut probablement le penseur juif le plus prolifique du 20 si cle Son engagement en faveur du mouvement sioniste reste sans aucun doute sa position la plus c l bre car l poque du r veil national juif Rav Kook tait l un des rares rabbins europ ens se montrer favorable l entreprise sioniste pourtant dirig e par des individus la cs Le faible mouvement sioniste religieux d alors r uni sous la banni re du Mizra hi se trouvait dans une position d licate bien que convaincu du bien fond du sionisme il tait bien oblig d admettre que les repr sentants de la religion les rabbins n taient pas de son c t Un groupe d individus peut il encore se pr tendre religieux si son action ne re oit pas l aval des dirigeants religieux Convaincu de la justesse de son choix le Mizra hi avait d j appel les juifs de l exil une sainte r volte envers l establishment antisioniste il devait maintenant trouver une formulation th ologique pour justifier sa position Sans surprise c est Rav Kook sans doute le plus c l bre rabbin n avoir jamais t membre du Mizra hi qui prendra la d fense des pionniers sionistes Il ira jusqu d fendre le sionisme la c en affirmant que face la religion scl ros e il devient n cessaire de reconstruire sur de nouvelles bases L h r sie a une justification temporaire car e
16. ah ar dite p 106 111 50 C est par exemple sur cette base que Rav Yehezkel Landau Prague 18e si cle conclura que les pouces des tanayim taient plus volumineux que les n tres Tslah Pessahim 116b Cette conclusion entraine de multiples cons quences dans la Halakha commencer par une modification totale des volumes n cessaires selon la Halakha Notons que son avis est devenu l avis le plus g n ralement suivi par le monde lituanien 21 seraient dus qu leur faible niveau spirituel et en fin de compte le peuple finira par tomber si bas que Dieu sera bien oblig de le sauver Si l hypoth se est exacte elle explique aussi pourquoi chaque crise frappant le juda sme est imm diatement suivie par une surexploitation du concept de y ridate hadorote qui vient affirmer que face au d clin du peuple juif le Messie sera bien oblig d arriver De m me on comprend pourquoi une poque glorieuse comme celle de l ge d or espagnol le concept semble totalement absent Comme soulign dans l introduction le v ritable enjeu soulev par le concept de y ridate hadorote est celui de l autonomie religieuse de chaque g n ration Ceux qui l image de Ma monide s opposent ce concept jouent un r le actif dans le d veloppement de la Halakha Le grand Ma monide aurait il os s immiscer dans le d bat talmudique et trancher en faveur d une opinion s il avait t convaincu de son incapacit comprendre correct
17. aremment pour donner plus de poids aux paroles des sages 19 Introduction au trait des huit chapitres 20 Phrase crite son fils dans son testament Tsvaot gu onei israel Tome 1 Israel Ben Baroukh p 152 9 n est pas qu ils aient re u l dessus une tradition venant des proph tes mais plut t parce qu eux m me poss daient les connaissances scientifiques de leurs poques ou parce qu ils les avaient entendues de savants de ces poques 21 En ce qui concerne les contradictions apparentes entre le texte talmudique et biblique d un c t et leurs croyances scientifiques et philosophiques de l autre la plupart des penseurs de ce courant choisissent la voie de la r interpr tation L exemple le plus c l bre est sans doute celui de Ma monide rejetant tout anthropomorphisme divin malgr les innombrables textes bibliques explicites d crivant le corps de Dieu l absence d affirmation claire allant dans ce sens dans la litt rature talmudique et le fait que cette croyance tait alors relativement r pandue y compris chez les sages juifs Dans le m me ordre d id e Ma monide va jusqu affirmer qu il pourrait th oriquement concilier la vision platonicienne sur l ternit du monde avec la Torah Sache que si nous avons r fut l id e que le monde puisse tre ternel ce n est pas cause de ce qui est crit dans la Torah Car il y a moins de versets qui parlent de la cr ation du monde que de versets qui parlent d
18. bbi Yossi disait la diff rence qu il y a entre l or et la poussi re est comparable celle qui s pare notre g n ration de la g n ration de mon p re Ce texte tr s explicite semble confirmer l existence d un foss g n rationnel Rabbi rappelait aux autres tudiants la grandeur de Rabbi Yossi son ma tre et rejetait ainsi toute tentative visant remettre en question ses paroles Pourtant le Talmud de Babylone Houlin 6b nous livre un enseignement contradictoire au nom du m me Rabbi Yehouda Hanassi Rabbi Yehoshoua t moigna devant Rabbi que Rabbi Meir mangea un l gume Beit Sh an Se basant sur ce t moignage Rabbi autorisa la consommation de tous les produits de Beit Sh an Ses fr res et sa maison paternelle se r unirent et lui dirent Permettrais tu ce que tes anc tres ont interdit Rabbi leur r pondit Mes anc tres m ont laiss une place pour me distinguer Selon ce texte Rabbi permet ce que ses anc tres avaient interdit et justifie un tel comportement en affirmant que chaque g n ration laisse la suivante une place une possibilit de renouveler et d approfondir l tude de la Torah D ailleurs Rabbi n h site pas s opposer aux paroles de ses pr d cesseurs lorsqu il juge cela n cessaire Notons galement qu il utilise l expression X NXN il me semble pour exprimer son opposition Une telle formulation ne laisse aucun doute si Rabbi s op
19. e Ma monide crit son l ve Maintenant je vais t indiquer la mani re de t exercer pour arriver ce but important Guide 3 52 but qu il vient de d finir comme tant d occuper constamment la pens e et l intelligence par l amour qu on lui doit qui correspondait au niveau proph tique qu il venait de d crire S en suit une liste de 25 cf note pr c dente 26 Guide des gar s 2 36 11 recommandations qu il conclut ainsi Selon moi tout homme de science s tant pr par convenablement selon la mani re que nous venons d expliquer peut arriver ce niveau le niveau proph tique Cependant si quelqu un arrivait percevoir les hautes v rit s et jouir de ce qu il a per u au point de pouvoir s entretenir avec les hommes et s occuper de ses besoins corporels tandis que son intelligence tout enti re ainsi que son c ur seraient tourn s vers Dieu ce serait un degr de perfection que je n attribuerai pas tous les proph tes mais uniquement Mosh Guide 3 52 Ma monide se lance alors dans la description de la proph tie de Mosh sup rieure toutes les autres proph ties n ayant jamais exist Niveau qu il estime quasiment inatteignable l inverse du niveau proph tique normal que tout homme de science peut atteindre Il me semble d ailleurs que Ma monide lui m me se consid rait comme ayant atteint un niveau de perfection quasi proph tique En effet il
20. e la corporalit de Dieu Les portes de l interpr tation ne nous sont pas ferm es et nous aurions pu r interpr ter ces versets comme nous l avons fait pour ceux qui parlent de la corporalit de Dieu Il serait m me bien plus simple de r interpr ter les versets sur la cr ation du monde que de r interpr ter ceux qui parlent du corps de Dieu ce 23 que nous avons fait Cependant il me semble que c est travers sa compr hension de la proph tie qui occupe une place centrale dans sa philosophie que Ma monide nous livre une approche th ologique compl te du concept de y ridate hadorote Il lui consacre de nombreux chapitres dans son Guide un chapitre complet dans ses Lois fondamentales de la Torah et en parle encore dans son Trait des huit chapitres cens expliquer au profane comment atteindre la perfection morale condition pr alable pour proph tiser 21 Ma monide Guide des gar s 3 14 22 Le Raavad n h site d ailleurs pas s offusquer du fait que Rambam qualifie d h r tiques les personnes croyant en la corporalit de Dieu Comme il le note de meilleurs et plus grandes personnes que lui pensaient ainsi Hilkhot teshouva 3 7 Ma monide lui m me t moigne avoir rencontr plusieurs sages convaincus de la corporalit de Dieu Lettre sur la r surrection des morts Voir galement Shapiro The Limits of the orthodox theology et Slifkin Was rashi a corporealist Hakira vol 7 23 Guide des gar s I
21. e v rit s l ve donc au dessus de toutes les autres valeurs Ma monide r sumera cet imp ratif en une c l bre phrase Entends la v rit de celui qui la formule Ibn Caspi rajoutera Il ne sied pas la v rit d tre peureuse ou honteuse Par cons quent ce courant n h site pas remettre en question l autorit des anciens lorsqu une de leurs affirmations semble tre erron e Ainsi Ma monide rejettera sans h sitation les erreurs scientifiques pr sentes dans le Talmud ce sujet il crit Il ne faut pas exiger que tout ce qu ils les rabbins ont dit au sujet de l astronomie soit en accord avec la r alit Car les sciences math matiques taient imparfaites dans ces temps l et lorsqu ils parlaient de ces choses ce 16 Ma monide Lettre sur la r surrection des morts Ma monide admet toutefois l existence du miracle qu il concilie avec la philosophie aristot licienne en affirmant que les miracles pr c dent la cr ation du monde ils pr c dent donc la cr ation d un ordre naturel Voir galement Guide des gar s II 28 29 17 Commentaire Ecl 7 10 Au sujet des miracles Gersonide est d un avis encore plus extr me que celui de Ma monide et cherche rationaliser la plupart des miracles d crits dans la Torah Voir par exemple son explication sur Josu 10 13 18 Hilkhot Mamrim 2 1 Rambam met toutefois une limitation en ce qui concerne les d crets rabbiniques ibid 2 3 app
22. ement le d bat et les enjeux soulev s par les sages du Talmud J en doute fort Le fait est qu une poque domin e par la doctrine du d clin g n rationnel on ne trouve quasiment plus de grande cr ation halakhique Bien au contraire face la grandeur des g n rations pass es le d cisionnaire se r soudra souvent pr ner l approche la plus stricte puisqu elle est la plus inclusive l instar de Gersonide qui mettait en garde contre les dangers de cette doctrine nous remarquons que bien souvent ce concept permet aux rudits de se d douaner de toute prise de position honn te dans la Halakha L tude devient abstraite th orique et la Halakha devient dogmatique et incomprise Ironiquement c est justement notre poque que la cr ation halakhique s est fig e alors que les enjeux ne font qu augmenter amplifi s par les changements universels que traverse l humanit mais aussi par les changements nationaux que subit le peuple juif qui vient peine de retrouver son ind pendance politique On peut esp rer que bient t le juda sme retrouvera la stabilit n cessaire qui lui permettra nouveau d entrer dans une phase cr atrice Phase qui pourrait bien tre encore plus passionnante et intense que l ge d or espagnol tant les enjeux sont nombreux 22
23. ent aux th ories d Aristote et font leur possible pour les relier la Torah concilier juda sme et rationalisme philosophique Le plus c l bre penseur issu de ce courant est sans nul doute le grand Ma monide Espagne 12e si cle On peut galement citer d autres noms connus comme Ibn Gabirol Espagne 11e si cle Albalag Espagne 13e si cle Shem Tov Espagne 13e si cle Gersonide France 13e si cle Narboni Espagne 14e si cle et Ibn Caspi France 14e si cle Tous les penseurs s inscrivant dans la lign e aristot licienne ne peuvent admettre le concept de y ridate hadorote qui contredit l affirmation d Aristote selon laquelle l ordre naturel est constant Comme l exprime Ma monide les choses naturelles continuent l infini selon leur habitude Gersonide va dans le m me sens Les facult s de l homme ne changent pas et ce sujet on explique que les capacit s des g n rations pass es sont gales aux tiennes ai C est donc sans surprise que Ma monide ne tient pas compte du concept de y ridate hadorote en estimant par exemple qu un Beit Din peut changer la loi en interpr tant un texte diff remment de ses 4 18 pr d cesseurs Le courant juif rationaliste s inscrivant encore une fois dans les traces des philosophes grecs place galement la v rit en valeur supr me La v rit est un but en soi Elle est accessible qui s en donne la peine L imp ratif d
24. ion du mouvement mystique et la disparition progressive de la philosophie juive chaque crise que traversera le peuple juif ce concept se renforcera et s imposera un peu plus Ainsi apr s les pogromes ravageurs du 17 si cle il fera son entr e en force dans le monde ashk naze allant m me jusqu s immiscer dans la Halakha D s lors le ph nom ne ne fait qu augmenter amplifi par la mont e de l assimilation et enfin cristallis par la Shoah On peut mettre l hypoth se qu apr s chaque crise les juifs ressentent le besoin de se raccrocher quelque chose de solide pour survivre Admettre le principe de y ridate hadorote c est la fois se raccrocher aux g n rations pass es et justifier son triste destin Ainsi les malheurs des juifs ne 48 Concernant l influence du Rav Shakh et la cristallisation du concept daat torah voir Brown likrat d mokratizats ya b yahadout hah ar dite p 24 70 49 Notons toutefois que depuis le d c s du Rav Shakh le monde har di peine se trouver un leader de cette envergure Le r cent d c s du Rav Elyashiv n a fait qu accentuer ce manque important En parall le se d veloppe une ultra orthodoxie plus mod r e et contest e dont l influence va en augmentant Certains voudraient voir en Rav Steiman le nouveau leader du monde h ar di une ouverture essentielle menant une d mocratisation de la classe dirigeante Voir Brown likrat d mokratizatsya b yahadout h
25. lle doit dig rer l immondice qui s est coll la foi Sur les ruines que l h r sie cr e se b tira ss 39 une connaissance divine pleine et compl te Si le sionisme la c est une n cessit ponctuelle le sionisme religieux repr sente un id al Comment justifier le foss qui se creuse peu peu entre le peuple et ses dirigeants Pour Rav Kook il existe deux types d hommes religieux le premier choisit la foi apr s une r flexion approfondie qui le m ne accepter le bienfond de la religion Le deuxi me ne choisit pas la foi mais y adh re pouss par le besoin primaire et instinctif de cr er une soci t l aidant mieux survivre La plupart des religions d butent donc au sein d une lite intellectuelle dirigeante avant de s tendre l ensemble du peuple qui y voit une fa on comme une autre de vivre en soci t Il en va de m me pour le juda sme Selon Rav Kook ses grands dirigeants ont toujours agi en parfaite conscience de leurs actes profond ment convaincus par la v rit du message divin 38 videmment de nombreux rabbins adh r rent l entreprise sioniste et particuli rement au sein du monde s farade Cependant la plupart des premiers pionniers taient issus de milieux polonais ou lituanien o les rabbins favorables au sionisme taient extr mement rares Pour plus d informations sur les rabbins importants favorables au sionisme voir Dadoun ath alta hi Jerusalem 2008
26. meilleurs que ceux d aujourd hui Ce n est pas une r flexion inspir e par la sagesse Eccl siaste 7 10 Pourtant l interpr tation qu en fait Rashi est loin d tre vidente A priori le verset semble justement rejeter l affirmation selon laquelle les anciennes g n rations vivaient mieux que les nouvelles C est d ailleurs ainsi que de nombreux autres ex g tes interpr tent ce texte Gersonide va jusqu crire Ne pr tends pas que les jours pass s taient mieux que ceux d aujourd hui et que la possibilit d atteindre la perfection intellectuelle tait plus grande que la tienne car c est sans sagesse que tu demandes cela Car les facult s de l homme ne changent pas et ce sujet on explique que leur force est gale la tienne si tu t y appliques de fa on appropri e Rashi commentaire sur T B Rosh Hashanna 25b 2 Ce sont surtout les ex g tes s farades qui s opposent le plus frontalement cette interpr tation Voir par exemple les commentaires d Ibn Yehya R Mosh Alshikh dvarim tovim et Ralbag 3 Commentaire Ecl 7 10 De nos jours ce concept est per u comme v rit r v l e dans beaucoup de cercles juifs fait qui n est pas sans cons quence Ainsi si les anciennes g n rations taient plus accomplies dans quelle mesure sommes nous en droit de remettre en cause leurs paroles L autonomie de la pens e doit elle se soumettre au dogme du pass Une telle lecture ris
27. ndant cette hypoth se l inverse il arrive effectivement que des sages contredisent leurs pr d cesseurs comme nous l avons vu au sujet de Rabbi Yehouda Hanassi de rares occasions il arrive m me qu un amora contredise un tana Abay s oppose au moins deux reprises des bra tote Rav Houna s oppose Rabbi T B Houlin 45b Rabbi Eliezer s oppose une bra ta T B Houlin 9a Rav Yts haq s oppose Rabbi T B Pessachim 48a etc De fa on g n rale la r gle est m me invers e et la Halakha suit toujours l avis le plus tardif halakha k batra Cependant la Tossefta Haguiga 2 9 nous livre un t moignage historique int ressant Lorsque se sont multipli s les l ves de Shama et Hillel qui n avaient pas suffisamment appris de leurs ma tres les avis diff rents se sont galement multipli s au point d en arriver deux lois diff rentes A premi re vue les mauvais l ves de Shama et Hillel sont tenus pour responsables de la multiplication des opinions apparemment cause des enseignements erron s qu ils transmettaient au nom de leur ma tre On pourrait facilement en d duire que l apparition soudaine de ces l ves 9 Ma monide commentaire de la Mishna Avot 1 6 10 Rabbi Yehouda Hanassi n est pas un cas part le Min hate Elazar 4 6 cite de tr s nombreux cas de tanayim et d amorayim s opposant leurs ma tres et p res Notons que ce cas est d autant plus int
28. nous savons qu l poque de Rav Yehouda l enseignement ne tournait qu autour du trait Nezikin alors que nous connaissons les six parties de la Mishna Il lui r pondit les anciens faisaient don d eux m mes pour la saintet du nom kidoush hashem nous ne faisons plus don de nous m mes pour la saintet du nom T B Berakhote 20a Ce texte affirme explicitement que certaines g n rations poss daient plus de connaissances que les anciennes Cependant seules les anciennes m ritaient des miracles du fait de leur foi ardente L encore une diff rence est tablie entre les anciens et leurs descendants mais c est une diff rence exclusivement spirituelle Un autre texte va dans le m me sens 5 Ces textes sont toutefois tr s peu nombreux Pour une liste exhaustive voir Menachem Marc Kellner Maimonides on the Decline of the Generations and the Nature of Rabbinic authority chapitre 1 Rabba d cr ta un jour de jeune Il pria mais la pluie ne vint pas On lui dit Lorsque Rav Yehouda d cr tait un jeune la pluie tombait Il leur dit Qu y puis je Si cela concerne les enseignements nous sommes mieux qu eux car l poque de Rav Yehouda l enseignement ne tournait qu autour du trait Nezikin alors que nous connaissons les six parties de la Mishna et si cela concerne mes actes si quelqu un m a vu mal agir qu il parle Que peuvent faire les grands de la g n ration si leu
29. nt demand au plus sage d entre eux Nous reconnaissons que les anciens taient plus sages que nous et nous reconnaissons galement que nous les contredisons de nombreuses reprises et que la v rit est de notre c t comment est ce possible Il leur r pondit Qui peut voir le plus loin le nain ou le g ant Le g ant car ses yeux se tiennent plus haut que ceux du nain Si tu places le nain au cou du g ant qui verra le plus loin Le nain car ses yeux sont d sormais plus lev s que ceux du g ant Il en va de m me pour nous qui sommes des nains sur des paules de g ants Toute notre sagesse provient de leur sagesse et tout ce que nous disons d coule de leur sagesse malgr les nombreuses fois o nous les contredisons nous ne sommes pas plus grand qu eux Les derniers ne se sont jamais emp ch s de discuter les dires des premiers de contredire leurs paroles et de trancher entre eux plusieurs reprises les amora m se sont oppos s des mishnayot car la sagesse est plus RE grande que le sage Il n existe pas de sage n ayant commis d erreur car la sagesse parfaite n est qu Dieu Cette parabole a pour m rite de permettre aux nouvelles g n rations de remettre en question la parole des anciens sans pour autant remettre en question leur sup riorit Il me semble que c est la position de l auteur du Tossefot Rid qui pr vaut jusqu aujourd hui dans la plupart des cercles juif
30. on du peuple soucieux de reprendre en main son destin laiss l abandon et de revenir un juda sme plein et vivant un juda sme biblique le juda sme originel s exprimant galement dans sa dimension nationale sur sa terre historique la terre d Isra l La position du Rav Kook me semble la plus adapt e l histoire juive Le texte biblique d crit les g ants des temps pass s les Patriarches Mosh David et Salomon grands dont le niveau spirituel semble sans gal D un autre c t le peuple de la Bible est d crit comme profond ment idol tre allant parfois jusqu au sacrifice humain en proie des guerres fratricides etc l poque du deuxi me temple la situation semble d j moins extr me Les grands dirigeants n ont plus la proph tie mais le peuple est devenu bien plus civilis et lettr Dans une certaine mesure c est galement sous cet angle que nous pouvons observer la lente progression de l humanit vers un monde plus moral 40 Maamarei Ha reaya litkoufat ha maavar p 30 41 noter l approche alternative propos e par Rav Soloveitchik pour r soudre le m me probl me Pour lui le sionisme religieux est le Joseph des temps modernes Victime d un r ve qu il ne peut oublier il est rejet par ses fr res qui prennent sa vision pour de l h r sie Mais malgr le rejet Joseph s accroche sa v rit jusqu ce que l histoire lui donne raison et que ses fr res rejoignent sa position Voir
31. pose ses pr d cesseurs c est uniquement pour des raisons intellectuelles ses propres arguments lui semblent plus pertinents 3 Le troisi me et dernier extrait du Talmud que je citerai se trouve dans le Talmud de Babylone Erouvin 53a Rabbi Yohanan disait Le c ur des anciens tait comme la porte du Oulam celui des g n rations d apr s tait comme la porte du Heikhal et le n tre est comme le trou d une fine aiguille La comparaison est vidente nous ne sommes plus que le maigre trou d une aiguille face l tendue de l intelligence des anciens Pourtant comme nous l avons d j vu plus haut d autres textes t moignent des capacit s intellectuelles sup rieures de certaines g n rations par rapport aux anciens Notons galement que la Mishna Edouyot 1 5 statue qu on se doit de rappeler l avis minoritaire afin de permettre un autre tribunal plus grand en nombre et en sagesse de se baser sur cet avis minoritaire pour modifier la loi Ce principe revient galement de nombreuses fois dans le Talmud sans que quiconque ne ressente le besoin d objecter qu une telle configuration est impossible selon le principe de y ridate hadorote il serait inconcevable d imaginer un tribunal plus grand en sagesse que son pr d cesseur 6 Voir par exemple T B Erouvin 32a o Rabbi s oppose Raban Shimon Ben Gamliel son p re Voir galement T J Shkalim 11b T B Baba Batra 124a Baba Batra 109b Yevamot 64b Ke
32. position si extr me On peut supposer que la confrontation brutale du juda sme europ en avec les lumi res et l assimilation qui en d coula y est pour quelque chose Bien que les positions du monde ultra orthodoxe concernant le concept de y ridate hadorot aient t plus nuanc es par le pass on assiste aujourd hui une uniformisation de cette doctrine et son acceptation dans sa forme la plus extr me Il est int ressant de remarquer que ce monde a d sormais tendance relier y ridate hadorote et daat torah Ce second principe consid re qu il existe chaque g n ration des Grands qui d tiendraient l avis de la Torah et feraient donc office d autorit supr me et quasi indiscutable tant dans le domaine religieux que dans le domaine profane Ainsi le r le occup par le rabbin a pris de s rieuses proportions ces derni res ann es en s immis ant galement dans des domaines non religieux Historiquement c est sous l influence du Rav Eliezer Menah em Shakh 1898 2001 que la fronti re qui s parait le profane du religieux remport 44 Michtav M eliyahou Volume 5 p 273 45 Voir par exemple la position du Hazon Ish cit e plus haut 46 Voir mon Introduction au daat torah sur mon blog Voir galement Brown likrat d mokratizatsya b vahadout hah ar dite et Kaplan Daas Torah a modern conception of rabbinic authority 47 Voir l analyse de Rav Shlomo Shaanan en ce qui concerne la validit
33. querait d emp cher tout changement ou toute volution de la loi De plus comme le fait remarquer Gersonide l homme risquerait de se complaire dans la paresse intellectuelle sous pr texte de sa petitesse ce qui conduirait une d cadence certaine de la g n ration qui s interdirait une r flexion autonome et libre Dans cet article je proposerai une analyse du concept de y ridate hadorote d o vient il Que signifie t 1l Plut t qu une analyse th matique je proposerai une analyse historique qui se concentrera sur trois p riodes principales l poque talmudique l poque des Rishonim du Moyen ge la Renaissance et l poque des A haronim de la renaissance jusqu nos jours Partie 1 L poque talmudique Plus de cinq si cles s parent la r daction de la Mishna de la cl ture du Talmud Cet ouvrage monumental recueille donc une multitude d avis rabbiniques d poques et de lieux diff rents c est pourquoi le Talmud ne doit pas tre vu comme un texte uniforme mais comme la compilation d une multitude d enseignements Cependant il me semble qu on peut d gager une approche commune aux diff rents sages en ce qui concerne le concept de y ridate hadorote Notons tout d abord que cette notion n apparait pas clairement dans le Talmud ni sous cette formulation ni sous un de ses d riv s par exemple nitkatnou hadorote litt les g n rations 4 La tradition juive consid re que le texte fut cl tur au
34. r g n ration n est pas bonne T B Taanit 24a b Rabba souligne la sup riorit intellectuelle de sa g n ration sur celle de Rav Yehouda qui pourtant voyait ses pri res exauc es Il rajoute que lui m me n est pas moins int gre que son pr d cesseur le d clin n est m me pas spirituel Alors pourquoi ses pri res restent elles sans r ponse A cause du niveau moral de sa g n ration Du fait de la proximit de lieu et d poque entre Rabbi Zeira Rav Papa Abay et Rabba il me semble l gitime de supposer que ces diff rentes histoires sont repr sentatives de la vision qu avaient les amora m de Babylone du concept de y ridate hadorote On peut donc conclure que Rabbi Zeira fait probablement allusion une diminution spirituelle et non intellectuelle De plus cette chute religieuse ne peut tre g n ralis e Comme Rabba l affirme lui m me sa conduite n est pas moins droite que celle de son ma tre Rav Yehouda 2 Un autre texte tir du Talmud de J rusalem Guitin 6 7 semble d fendre le concept de y ridate hadorote Lorsque quelqu un voulait s opposer aux paroles de Rabbi Yossi Rabbi Yehouda Hanassi disait Comment des malheureux comme nous peuvent ils s opposer ce que dit Rabbi Yossi De m me qu il y a une diff rence entre les choses les plus saintes et les choses les plus profanes il y a une diff rence identique entre notre g n ration et celle de Rabbi Yossi Rabbi Yshmael fils de Ra
35. rs de la tradition orale Partie 2 Du Moyen ge la Renaissance M me apr s la cl ture du Talmud les juifs de l exil continuent vivre sous l influence des sages de Babylone appel s Gu onim H ritiers directs des derniers amora m on ne trouve pas dans leurs crits ma connaissance d allusion claire au concept de y ridate hadorote la fin du 10e si cle leur influence faiblit et d autres centres juifs commencent se d velopper en Europe et au Moyen Orient Apparaissent alors plusieurs grandes coles de pens e A Le courant rationaliste s farade Une bonne partie du juda sme m diterran en du moyen ge se trouve en terre arabe Le monde musulman de cette poque bien plus clair que son voisin chr tien abonde en penseurs et philosophes On traduit alors les grandes uvres philosophiques grecques en arabe et les philosophes musulmans cherchent synth tiser l enseignement du Coran avec celui de Platon et d Aristote En parall le un courant philosophique juif commence aussi merger et cherche 14 Igeret Shrira Gaon page 2 La lettre est disponible en ligne l adresse http www daat ac il daat vl shrira shrira01 pdf Rashi nous livre galement un avis proche T B Baba Metsia 33b 15 L exemple le plus marquant nous est sans doute fourni par Ma monide qui ne tarit pas d loges envers le grand philosophe La majorit des chapitres de la seconde partie du Guide des gar s se confront
36. s orthodoxes Dans le m me ordre d id e R Avraham Isa e Karelitz 20 si cle crit Je me suis engag chercher dans le Talmud autant que possible m me si mes paroles contredisent celles des rishonim et bien que je sache que les paroles de nos sages sont plus importantes et que nous sommes des orphelins fils d orphelins il ne faut pas refuser d claircir et d expliquer ce qu il nous est possible d expliquer malgr notre petitesse et de trancher ainsi la loi condition qu il n y ait pas de d cision explicitement contraire di r ai ik 4 34 chez les anciens Si je n agissais pas ainsi mon tude de la Torah ne serait pas compl te 33 Teshouvot Ha Tossefot RID 62 34 Iguerot Ha hazon Ish 3 22 15 D un c t nous sommes des orphelins fils d orphelins si petits face aux g n rations pass es de l autre nous devons galement fournir un v ritable effort intellectuel allant jusqu contredire si besoin est les paroles des anciens M me s il ne le cite pas explicitement il parait probable que le H azon Ish accepte galement l opinion rapport e par R Isa e de Trani Il faut toutefois pr ciser que la parabole rapport e plus haut ne tire pas son origine d une source ant rieure juive Comme l a pr cis le Tossefot Rid il l a entendu au nom des philosophes Le g me premier l avoir formul semble tre le philosophe chr tien fran ais Bernard De Chartres 1 si cle qui aurait di
37. s il est vident que nul ne peut pr tendre comprendre dans leurs totalit s les enseignements des anciens Par cons quent lorsqu un texte parait faux ou incomplet il convient d en conclure que c est notre petitesse d esprit qui nous emp che de le comprendre C est pour cette raison que si un homme trouve dans les paroles des anciens des choses loign es de la connaissance et de l esprit que nous poss dons et qu il en vient avoir des pens es trang res sur les anciens cela n est d qu la b tise de cet homme qui est double Il est d j sot de ne pas comprendre les paroles des sages et il l est galement de se prendre pour un rudit Si ce n tait pas le cas il reconnaitrait que son incompr hension d coule de son poque Encore une fois cette affirmation s oppose celles des aristot liciens Ma monide au sujet des textes du Talmud avait affirm Il est possible que tout le monde les connaisse enfant ou adulte homme ou femme vif d esprit ou pas alors qu l inverse le Maharal estime que m me si nous comprenons quelque chose de leurs paroles nous ne devons pas penser tre arriv s jusqu au bout de leur pens e ou m me la moiti Le Maharal va encore plus loin en affirmant Les paroles des anciens sont le Sina celui qui y touche sera tu lapid S il y touche de fa on inconsciente il devra demander le pardon de son me Mais de celui dont la l pre de l h r sie
38. se essentielle pour laquelle la proph tie a cess l poque de l exil peut il exister pour un homme dans une circonstance quelconque un motif plus grave d abattement ou de tristesse que d tre esclave propri t d un autre et soumis des hommes ignorants et impies qui joignent l absence de v ritable raison aux plaisirs 26 animaux et de ne rien pouvoir contre cela Plus haut dans le m me chapitre Ma monide nous expliquait que la tristesse moussait les facult s corporelles et de ce fait entravait le proph te de fa on temporaire Il conclut en extrapolant son explication la disparition de la proph tie la tristesse et l abattement caus s par l exil emp chent les juifs de proph tiser nouveau Alors qu il aurait t si simple d utiliser le concept de y ridate hadorote Ma monide choisit une explication plus rationnelle un choix qui ne nous semble pas anodin En effet la fin du Guide se pr sente comme un mode d emploi destin expliquer son l ve favori Yossef Ibn Yehouda comment atteindre la proph tie Dans son introduction Ma monide n avait d ailleurs pas dissimul son objectif Je t ai jug digne de te r v ler les myst res des livres proph tiques afin que tu en comprennes ce que doivent comprendre les hommes parfaits Il attribue son l ve les qualit s n cessaires pour atteindre le niveau des hommes aptes recevoir la proph tie C est alors sans surprise qu
39. t Nous sommes des nains assis sur des paules de g ants Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu eux ce n est pas cause de la perspicacit de notre vue ni de notre grandeur c est parce que nous sommes lev s par 35 eux Cette affirmation gagnera en popularit et sera reprise par de nombreux autres philosophes du Moyen Age c est certainement ainsi qu elle arrivera jusqu aux oreilles des sages juifs de Trani Elle restera populaire jusqu l poque moderne et on la retrouvera dans les crits de Newton et Pascal Nietzsche 19 si cle s y opposera frontalement dans son livre Ainsi parlait Zarathoustra Pour lui le nain voit sans comprendre et seul le g ant est capable d interpr ter ce qu il voit Sa vision d passera donc toujours celle du nain Selon Nietzsche les g ants existent chaque poque mais en tant qu tres uniques et solitaires Un g ant appelle l autre travers les intervalles d serts des si cles Un point de vue qui me semble similaire celui des sages juifs aristot liciens dont nous avons trait s plus haut Partie 3 De l poque moderne nos jours 35 The Metalogicon of John Salisbury University of California Press p 167 36 Voir http www aerospaceweb org question history q0162b shtml pour un historique de l utilisation de cette expression 37 Ainsi parlait Zarathustra cit par Lichtenberger dans La philosophie de Nietzsche p 63 16 A
40. toubot 95b Baba Metsia 48b Pour r pondre ces apparentes contradictions il me semble n cessaire d ajouter un l ment si certains sages ont tendance se juger inf rieurs aux sages des g n rations pass es ils n ont en revanche aucun probl me comparer certains ma tres aux plus grands personnages du juda sme Ainsi un texte compare Ezra Mosh T B Sanhedrin 21b un autre texte d crit les l ves d Hillel l ancien comme tant aussi saints et m ritants que Mosh et Yeoshoua T B Soucca 28a Un autre texte va jusqu sous entendre que Rabbi Akiva tait sup rieur Mosh T B Mena hote 29b Le proph te Samuel est compar Mosh et Aharon la fois T B Brakhote 31b et on statue que de l poque de Mosh celle de Rabbi on n avait pas vu la Torah et la grandeur se tenir au m me endroit T B Guitin 59a Notons bien qu aucun sage n affirme que X tait inf rieur Y mais uniquement que sa g n ration ou lui m me est inf rieure aux g n rations pr c dentes On peut r sumer ainsi la situation chaque sage se consid re comme inf rieur aux sages qui l ont pr c d cependant ce d clin g n rationnel ne concerne pas les g n rations pr c dentes Il me semble qu il faut interpr ter ces textes comme tant une marque de modestie de la part de l l ve Celui ci se met en condition d coute et d apprentissage face aux ma tres des g n rations pass es Il est l l
41. ue tous les hommes tant de la m me esp ce peuvent y acc der Or vois comme les g n rations ont chang On explique que les anciens n taient qu intellect pur car l homme est fait d un corps et d un esprit et leur poque l esprit dominait le corps ils taient donc en position lev e jusqu ce que leur c ur soit assez large pour y accueillir la sagesse sans que 2 le corps ne s y oppose Le Maharal rejette donc ce qui nous semblait tre un axiome chez les penseurs du mouvement rationaliste la constance de la Nature et donc de l esp ce humaine Alors que Gersonide se basait sur le verset Ne dis pas pourquoi les jours pass s taient ils meilleurs que ceux d aujourd hui car ce n est pas une r flexion inspir e par la sagesse Eccl siaste 7 10 pour nous expliquer que les facult s de l homme ne changent pas et ce sujet on explique que les capacit s des js Le r 30 k g n rations pass es sont gales aux tiennes le Maharal paraphrase ce m me verset pour 28 Voir par exemple Rav Hayim Vital Shaar ha kavanot 20a cit par Julien Darmon dans sa th se la loi du secret p 149 29 Maharal introduction au Beer Hagola Toutes les citations du Maharal qui suivent sont galement tir es du m me passage 30 Commentaire Ecl 7 10 13 exprimer son rejet le plus total de cette interpr tation Ainsi si nos capacit s intellectuelles ont diminu au cours des si cle
42. ve ils sont les ma tres Cette gradation n est pas toujours objective comme nous l avons vu et certains l ves se permettaient de contredire leurs ma tres de fa on ponctuelle mais elle est la cl qui m ne la connaissance Cette id e semble tre sous entendue dans le titre que la tradition juive conf re au sage Le sage juif est un talmid hakham il est l l ve du sage La loi orale r pond des exigences bien pr cises transmises de ma tre l ve le vrai sage n est donc pas l autodidacte mais celui qui s inscrit dans la continuit de la tradition Nous retrouvons une id e similaire dans l injonction de la Mishna Avot 1 6 fais toi un ma tre Fais toi et non tfrouve toi un ma tre Le point central de l injonction ne r side pas dans l importance d tudier aupr s d un grand rudit mais dans l importance d avoir un ma tre de se placer en position d l ve C est d ailleurs ainsi que Maimonide comprend la Mishna M me s il n est pas apte tre un ma tre fais en un ma tre jusqu consid rer qu il t enseigne et c est ainsi que tu tudieras la sagesse Car un homme n apprend pas seul comme il apprend avec une autre personne m me 7 Dans ce passage on nous raconte que Mosh assista un cours de Torah donn par Rabbi Akiva et qu il n en comprit pas un seul mot bien que Rabbi Akiva affirma que son enseignement esf une loi transmise Mosh au Sina la suite de cela
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