PRÉSENTATION - Religiologiques
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1. constamment eu recours cette logique contradictorielle du paradoxe l exp rience de l indistinction et de la fusion un absolu semble avoir trouv dans l effet de paradoxe la voie naturelle de son expression Par contre nous avertit Marcaurelle la th ologie chr tienne ne peut accepter une telle formulation et d fend l id e selon laquelle l me reste une entit distincte et ternellement active Or le sentiment de fusion propre au mysticisme implique au contraire la possibilit fut elle temporaire d un non agir et l abolition de tout dualisme L usage du paradoxe nous confronterait donc un impensable de la raison que seule l exp rience viendrait confirmer Pierre Fontanier Les figures du discours Paris Flammarion coll Champs 1977 1827 Sur cette id e de logique contradictorielle voir galement le num ro 3 de Religiologiques printemps 1991 consacr la pens e de M Maffesoli Pr sentation Dans un tout autre registre chromatique Guy Gibeau nous fait d couvrir la mise en discours d un itin raire travers les espaces du sacr et du profane Dans sa lecture de la mythologie et de la trag die grecques aussi bien que dans celle des r cits des Tsimshians de la c te Nord Ouest du Pacifique il met en vidence la fonction r g n ratrice accomplie par certains rites de passage Ces rituels se d ploient dans une g ographie o le h ros c toie le monstre et dans laquelle la2. par la rationalit Cette r flexion d di e aux effets rh toriques du croire se poursuit dans le texte de Roger Marcaurelle o il est question de la notion de paradoxe dans la mystique occidentale et orientale La mystique selon Marcaurelle peut se d finir comme une Louise Fournel forme de contact direct ou d union de la conscience individuelle avec un absolu Il y aurait une coexistence consciente et simultan e entre le relatif et le fini de la vie humaine d une part et d autre part l exp rience d un absolu et d un infini divins L affirmation caract re paradoxal se pr sente donc comme le mode de communication privil gi pour transmettre le v cu contradictoire de cette proposition La construction du paradoxe ou alliance de mots nous dit Fontanier2 suppose que des id es et des mots ordinairement oppos s et contradictoires entre eux se trouvent rapproch s et combin s de mani re que tout en semblant se combattre et s exclure r ciproquement ils frappent l intelligence par le plus tonnant accord et produisent le sens le plus vrai comme le plus profond et le plus nergique Le paradoxe ne serait donc paradoxal qu en apparence Son but v ritable consisterait nous donner acc s un ordre de r alit s difficiles saisir par la seule rationalit d une plus vidente logique Les grands textes mystiques aussi bien ceux de Th r se d Avila que ceux des mystiques orientaux ont
3. PR SENTATION Louise Fournel Religiologiques en mai 1992 on s en souviendra a d j consacr un num ro th matique aux rapports de la litt rature et du sacr Compte tenu de l int r t suscit par ce th me de son importance et de sa richesse aussi bien que du grand nombre de contributions alors propos es la revue il est apparu opportun de poursuivre dans une deuxi me livraison l exploration d j amorc e de cette probl matique Si la litt rature et le sacr se font cho c est toujours dans l inscription des traces de l exp rience humaine Les signes crits auraient cette propri t de garder la m moire d une parole qui s y trouverait r v l e grav e dans un texte dont il faudrait d chiffrer le secret Au bout du compte la litt rature ne serait peut tre ainsi que cette n cessit de dire le non dit de la relation l Autre dans toute l tendue de ses modes de pr sentation Le roman y c toierait l hagiographie le r cit difiant y voisinerait avec le t l roman dans un m me d sir de partager cette part cach e de la configuration humaine qui n avait pas encore t mise en mots Religiologiques dans ce num ro de printemps propose donc un m lange contrast des tons et des couleurs Une incursion sera tent e en d but de parcours dans la compr hension de certaines strat gies rh toriques du discours Louise Fournel est tudiante au doctorat en sciences
4. a population du Qu bec et pour 63 en 1941 11 Louise Fournel traits explicatifs de leur originalit Chacun y a en quelque sorte sa religion qui le distingue et le d termine Le religieux pour Victor L vy Beaulieu devient une variable de la personnalit il fonctionne la fois comme une marque de distinction et comme un signe d appartenance un groupe fut il virtuel dans le contexte de Trois Pistoles La consonnance mythique du t l roman note par ailleurs Lewis recr e pour le Qu bec le drame fondateur de la nation qu b coise La mort du patriarche les luttes fratricides autour de l h ritage l inceste commis quatorze ans plus t t par le p re le sacrifice infernal de l h tel qui cl t cette saga sur une immolation tragique toutes ces p rip ties ne se donnent elles pas aussi lire comme la m taphore du corps paternel d membr morcel et nouveau recompos permettant ainsi au pays de na tre et de s affirmer comme nation Toujours lancinante et incontournable cette in puisable puissance de la m taphore apparemment aussi efficace aujourd hui encore pour dire quelque chose de ce Qu bec post r f rendaire et postmoderne qu elle pouvait l tre au temps exotique et lointain du moine Nagasena qui essayait d inculquer un roi h r tique les complexes enseignements du Bouddha Tout en se voulant d abord une revue th matique Religiologiques accueille n anm
5. ait remarquer Dunn Lardeau l enfant doit devenir autant un bon catholique qu un bon patriote ce quoi se sont ardemment employ s les p dagogues si l on se fie au seul succ s en librairie remport par l ouvrage du fr re Ernest Beatrix De cette intrication du profane et du sacr plusieurs conclusions s imposent dont celle de voir dans cet tonnant alliage une volont de valoriser les fondateurs de la nation et de signifier par l m me que l aventure spirituelle v cue en Am rique fran aise est aussi difiante que celle dont peut se r clamer l Europe Cette Am rique est pourtant v cue sur le mode d une certaine ambivalence si l on en croit Antoine Sirois dont l article retrace dans la litt rature qu b coise des origines nos jours la position antinomique des espaces imaginaires de la ville et de la campagne Deux mondes pourrait on dire celui du pur associ la terre et au travail des champs et celui du vici r sultant de l ambiance pollu e des usines et des cit s Dans son analyse de la production romanesque qu b coise de 1846 1990 Sirois constate que cette bipolarit qui oppose la ville d gradante et avilissante la nature r g n ratrice va en s att nuant au fur et mesure que les crivains se d gagent de l id ologie du retour la terre qui inspira on le sait d importants mouvements de colonisation du territoire Jusqu au milieu du XX si cle la
6. cit ou le village fixe les limites du chaos Dans ces espaces de rencontre avec le surnaturel se creusent les fronti res du franchissable qui ne peuvent tre travers es qu la condition que soient effectu s certains rites fix s par des r gles sociales apparemment immuables Le cycle narratif du rite de passage s amorce avec le d part du h ros hors de sa communaut Cette exclusion et l errance qui s ensuit dans les lieux interdits du sacr ouvrent aux proches de l initi un canal par lequel les domaines du sacr et du profane sont mis en contact De ce s jour le h ros reviendra charg d une nouvelle signification et riche d un nouveau statut social Tant chez les Grecs que chez les Tsimshians Gibeau retrouve la m me structure narrative la m me n cessit pour le h ros de quitter physiquement l univers connu des siens et de parcourir seul les tapes d acquisition de certains pouvoirs qui lors de sa r insertion dans la collectivit viendront r g n rer sa communaut Cet aller retour du profane au sacr dont Gibeau trace la cartographie Brigitte Purkhardt le pourchasse dans un tonnant roman du XIX si cle crit par Bram Stoker Dracula Ce mythe moderne on le sait n a cess de hanter l imaginaire contemporain y compris encore tout r cemment sous l clairage cin matographique hallucin d un Francis Ford Coppola Le th me du monstre d chu vaincu au b n fice d une humanit p
7. des religions de l Universit du Qu bec Montr al et charg e de cours en histoire de l art galement l UQAM Louise Fournel observ es dans des textes de traditions spirituelles diverses Cette amorce sera suivie de l analyse du r cit litt raire de plusieurs rites de passage d crits comme autant de possibilit s de transformation aussi bien individuelle que collective Puis viendront des auteurs qui ont essay de r pondre l ternelle nigme de cette terra incognita que constitue la question du sujet et de sa qu te d identit En fin de parcours se dessineront notre regard quelques traits distinctifs de la soci t qu b coise qui ont marqu quelques unes des multiples transactions reli es aux formes manifestes du sacr La litt rature nous fait remarquer Louis Vincent Thomas est d abord une parole qui se dit une parole qui prend l autre t moin comme le lieu de son discours Cette litt rature dans son oralit incarne le sacr et permet la fusion au corps social elle fait acte de socialit bien avant de s crire et de devenir le jeu en miroir d une individualit qui se r fl chit En Afrique noire pr cise l africaniste renomm aussi connu pour ses travaux sur l anthropologie de la mort la parole charg e de force se donne la fois comme sens et comme puissance I y a un pouvoir efficient du langage que vient investir le religieux ou peut tre serait ce l inverse et dev
8. du Moyen ge plus pr cis ment travers ses adaptations fran aises pour les enfants Le Canada fran ais a aussi connu un engouement pour cet ouvrage d dification qui nous rappelle cette poque si proche de nous dans le temps et pourtant d j si lointaine o le nom des saints et des h ros se c toyaient dans les manuels d di s la jeunesse C est pourquoi Religiologiques a cru int ressant et utile d offrir ses lecteurs la traduction d un article de Mad Dunn Lardeau d abord paru en anglais dans une publication de litt rature am ricaine et consacr ce prolongement canadien fran ais de la L gende dor e m di vale Cette uvre d dification on la doit l initiative d un religieux enseignant le fr re Ernest Beatrix qui publia en 1923 le premier volume de ce qui allait devenir une r f rence oblig e dans les ouvrages ducationnels de son temps S inspirant de la Legenda Aurea de Jacques de Voragine au XIII si cle le fr re ducateur innove par l ajout de figures appartenant l histoire de la fondation du pays s effor ant particuli rement de tisser les traits de l histoire nationale la m me toffe que celle de la Voir le num ro 5 de Religiologiques printemps 1992 pp 93 114 Louise Fournel grande tradition de l hagiographie m di vale Cette alliance du patriotisme et du sacr est vraiment caract ristique du nationalisme ambiant de ces ann es Dans cette perspective f
9. e l closion de l identit qui nous est livr e et analys e Le processus d individuation crit Charron ne peut s accomplir que par la rupture qui seule permet la diff rentiation Pour Bernard de Clairvaux cette rupture se joue sous un double rapport comme condition de possibilit de d finir les lieux qui fonde son identit mais aussi comme passage oblig dans la mise en uvre de sa qu te spirituelle Cette mise distance du d sir maternel jamais tout fait vraiment r alis e marque n anmoins l acc s son propre d sir et permet son accomplissement M me l enceinte du monast re o il se retire pourtant en rupture avec le monde prend la figure d une symbolique du f minin et ne fait que le ramener dans les limites du projet maternel Pour s en lib rer l abb de Clairvaux devra parcourir les routes seul espace d sormais ouvert ses plus profondes aspirations Et c est dans cette itin rance que pourra s op rer cette ultime rupture qui lui donnera enfin acc s dans cet loignement m me du monast re la r alisation psycho spirituelle tant recherch e Louise Fournel L inqui tude identitaire si l on en croit la psychanalyse n appartient pas il s en faut une poque donn e pas plus qu elle n est l apanage d une soci t particuli re C est avant tout la r sonnance qui vient encore assourdir une attitude plus archa que li e aux grandes figures parentales qui on
10. e provoqua dans la conscience du souverain une compr hension intuitive des concepts bouddhiques que Nagasena n aurait pu faire partager autrement au monarque La m taphore c est dire le fait de comparer entre elles deux choses en leur reconnaissant une qualit commune s av re moyen didactique fort efficace Ainsi la tradition bouddhique dont se r clame Nagasena enseigne t elle que chacune de nos pens es s accompagne d une sensation qui son tour g n re une autre pens e laquelle est attach e aussi une sensation Ce mouvement entra ne un processus comparatif des concepts qui trouve son fondement dans l exp rience sensorielle Le processus m taphorique tel que l utilise Nagasena tire alors sa force de persuasion du fait qu il adopte ce d placement naturel la pens e On doit ainsi au g nie de cet obscur moine rh toricien une puissante d fense et illustration de l efficacit didactique et cognitive de la m taphore Mais il faut galement souligner l importance esth tique de cette m taphorisation qui rend compr hensibles sous une forme agr able et attrayante des concepts qui sans elle auraient peut tre t moins convaincants La valeur esth tique peut on affirmer d s lors contribue la fonction cognitive ces deux modes se conjugant au service d un m me objectif dans la p dagogie propos e par un tr s ancien texte bouddhiste saisir les r alit s du sacr autant par la sensibilit que
11. le et la campagne voire la banlieue de Morial Mort il faut faire une place particuli re au prolifique Victor L vy Beaulieu dont l uvre symboliquement relie Montr al Trois Pistoles dessinant entre le haut et le bas du Fleuve un itin raire parcouru par une nu e de personnages en qu te d une identit ou d un destin R solument modernes ou mieux peut tre postmodernes ces lieux sont le th tre de la complexit culturelle et sont habit s par une mosa que de traditions et de courants religieux aussi divers que le vaudou le bouddhisme zen l animisme et le paganisme sans oublier le protestantisme et les mythologies am rindienne grecque et germanique Manon Lewis a su rep rer toutes ces influences nomm es et agissantes l int rieur des pisodes du t l roman de Beaulieu L H ritage Le genre litt raire t l romanesque dans lequel cette saga s incarne n en pas douter b n ficie d un impact consid rable sur la population en procurant ses fid les des mod les de comportement qui nous clairent sur l tat actuel des mentalit s Dans cette fiction de L H ritage une multiplicit des croyances s entrecroisent en un m me lieu On peut y d celer un d ploiement du religieux maints gards caract ristique de cette tonnante fin de si cle qui identifie les personnages et aide les comprendre en sugg rant autant de D j en 1921 Montr al comptait pour 56 de l
12. me m tissage et 13 Louise Fournel bricolage des formes culturelles qui s investit dans un retour simultan toutes les traditions De peur sans doute que la v rit d une seule lui chappe En dernier regard la litt rature ne serait elle pas ce qui du sacr s incarne dans la lettre et poursuit son chemin dans l imaginaire de chacun 14
13. oil de quoi rassurer ceux qui n y voyaient que narcissisme et repliement sur soi La psychologie humaniste insiste Lebeau est beaucoup plus qu un mode d emploi pour se sentir bien dans sa peau Elle est d abord une r flexion sur cette volont de sens qui traverse et transporte l tre humain au del de lui m me hors des limites vite franchies de l individualit On pourrait conclure si tant est que cela soit possible en refaisant rapidement le chemin parcouru On y constate que la litt rature se construit souvent par l effet d un d placement de sens la mani re de la m taphore et du paradoxe Ce sens en outre semble toujours devoir tre cherch ailleurs comme l tude des rituels de passage le font bien voir eux qui propulsent l initi loin des gestes r p t s du quotidien vid s pour une grande part de leur substance signifiante La modernit d j devenue post radicaliserait encore davantage cette attitude en proposant une forme de nomadisme textuel qui t moignerait de l clatement des univers traditionnels en une multitude de discours et de croyances tous aussi importants les uns que les autres et qui marquerait l poque contemporaine d un tonnant m tissage des lieux de r f rence Religiologiques dans son prochain num ro s appr te d ailleurs aborder une caract ristique possiblement d cisive de cette probl matique postmodernit c est dire ce syncr tis
14. oins volontiers des contributions libres comme celle qu douard Charles Lebeau consacre dans ce num ro la psychologie humaniste Les textes qu il tudie ne peuvent videmment pas strictement parler s int grer un corpus proprement litt raire mais il n en demeure pas moins que ceux ci soul vent leur mani re la question du sacr dans sa manifestation d un d sir de d passement de soi C est en bonne partie des pionniers am ricains et europ ens tels Maslow Rogers Nuttin et Frankl que nous devons comme nous le rappelle Lebeau la panoplie de th rapies que l on conna t actuellement Les diff rentes approches th rapeutiques 12 Pr sentation d velopp es par ces auteurs et ax es principalement sur le d veloppement de la conscience personnelle ont souvent t accus es d tre une forme d encouragement au narcissisme sans toutefois que l on ait r ellement tenu compte de l autre dimension inh rente ces th ories soit l exp rience de la transcendance et de l exaltation hors des contraintes normatives Ce qui caract rise en effet la pens e de ces psychologues soutient l auteur c est la conviction profonde que l tre humain a tendance au d ploiement de soi m me et que sa conscience est participative d une r alit plus large qui le d passe L actualisation de soi crit ainsi Frankl n est possible que comme effet secondaire de la transcendance de soi V
15. rions nous comprendre que le langage ne tire sa force que de la proximit du sacr La parole dit on au Mali est l expression de l tre Force Elle est le tissu du monde dont elle voile et d voile les propri t s ontologiques Mais la parole est aussi rythme et silence Elle donne forme et r tablit l harmonie elle est souffle et architecture du sacr Cette puissance incantatoire des mots plonge le langage au c ur du numineux source de tous les possibles La tradition orale engage la sensualit avec la rationalit et fait acc der au sens profond du monde Comprendre est une activit qui implique l tre dans sa totalit corps et me li s dans une m me recherche de participation aux forces de l univers Le verbe cr e l espace d exp rimentation et de communication du sacr Transmis et codifi il assure aux hommes la garantie d une relation troite avec l ineffable Pr sentation Cette triple alliance des sens de l entendement et de l esprit ou de l me nous la retrouvons dans l tude que Mathieu Boivert consacre au r le de la m taphore dans un texte ancien du bouddhisme le Milindapa ha Celui ci explique comment le moine Nagasena vivant dans le nord ouest de l Inde au d but de l re chr tienne fut charg par les dieux de r futer les opinions h r tiques du roi M nandre et r ussit convaincre celui ci en usant de la m taphore La puissance vocatrice du proc d m taphoriqu
16. s deux textes suivants se confrontent cette nigme que posent cet gard la fonction du f minin et celle de la paternit dans la constitution du sujet Le litt raire emprunte parfois des chemins inattendus pour se faire entendre C est sur les pas de l hagiographie que le lecteur est convi l examen de ce fr missement inquiet de soi Jean Marc Charron y convoque saint Bernard de Clairvaux dans les crits biographiques de sa Vita prima et rel ve la lumi re de la psychanalyse l ambigu t de ce qu Alice Miller nomme le drame de l enfant dou c est dire cette difficult de s accomplir soi m me tout en r pondant totalement aux attentes parentales Le rapport la m re dans cette conjoncture se pr sente comme un l ment fondateur dans l laboration de l identit La relation maternelle est la premi re terre d accueil pour le nouveau n qui devra en apprendre la langue et les coutumes Terra cognita L enfant grandit dans le d sir de sa 4 Alice Miller Le drame de l enfant dou Paris PUF 1983 Pr sentation m re qu il essaie de satisfaire au mieux La Vita prima t moigne cependant de l effort d affranchissement de cet enfant qui choy par une m re plus qu attentive elle voyait en lui l lu d un grand destin dut assumer une s paration d autant plus probl matique que son engagement religieux correspondait aux v ux de sa m re C est l histoire de cette s paration essentiell
17. s par le rituel de l autonomination dans le Livre Sphinx simple pierre trouv e sur la plage que se d couvre le d sir de faire entrer un nom dans l histoire sur le mode de la trace comm morative Il y aurait donc l uvre une polys mie fondamentale entre le nom re u qui identifie une origine le nom r v qui r v le un d sir d identification un id al et le nom secret celui qui rec le l invariant de l me et l appel un d passement Ce vertige onomastique ne pourra se rompre que par l inscription du nom Pr sentation dans l histoire et par l autorisation donn e l autre de poser le regard sur soi Prendre tous les noms c est n en avoir aucun et se mettre hors de port e du jugement d autrui Mais accepter la marque identitaire c est endosser son pass et assumer ce qui sera fait et dit au nom de cette signature Cette n cessit de reconna tre sa propre histoire pour exister s impose aussi aux peuples Le Qu bec ce titre n a pas fini mais y parvient on jamais de retrouver les traces qui le constituent Cette m moire qui se souvient d elle m me ne pourrait oublier non plus les pr occupations religieuses qui l ont fa onn e Les lecteurs se rappelleront que Brenda Dunn Lardeau dans le premier volet de ce dossier consacr aux rapports de la litt rature et du sacr avait d j abord le th me de la L gende dor e cette uvre hagiographique c l bre
18. t nourri notre enfance C est donc sans trop craindre l incongruit que s est propos ici un rapprochement tout de m me peu pr visible entre la Vita prima de Bernard de Clairvaux et La vie en prose de Yolande Villemaire Dans ce roman qu b cois des ann es quatre vingt Jacques Cardinal rel ve une impr cision du nom une difficult se nommer qui prendrait l allure d un sympt me de l incapacit s inscrire dans le temps de l histoire et rejoindre le mythe de la fondation originaire Cette d focalisation du regard sur sa propre histoire personnelle et collective cr e au moment de dire son nom un effet d oscillation qui s empare du sujet et l emp che de livrer l autre le vocable qui stabiliserait la situation et permettrait de poser dans le temps la r f rence de son existence Le refus d tre nomm proc de du d sir de pr server toutes les identit s possibles de multiplier le plaisir de rev tir tous les r les volont Mais ce faisant il y a abolition des rep res et absence de m moire Le d chiffrement du nom dans le texte de Villemaire prend les proportions d un mode de connaissance de soi et invite le personnage auteur acc der au secret sacr de son tre Mais cette feinte du nom peut aussi conduire un vitement de la reconnaissance d une filiation r elle et renouer avec le fantasme d autocr ation cher l univers romanesque C est alor
19. urifi e compose une trame sc narique maintes fois rejou e comme pour s assurer et se r assurer du triomphe de l humanit sur l animalit Le monstre cet hybride qui poss de encore le masque de la b te celui du vampire pour ce qui est de Dracula doit tre sacrifi au profit d une humanit d tentrice Louise Fournel des cl s de l volution et seule digne d accomplir les desseins du Cr ateur Le roman de Stoker paru en 1897 se construit dans un talement de sens dans une plurivocit de la signification o les termes antith tiques s entrechoquent et luttent les uns contre les autres comme le jour domin par le h ros et la nuit d vou e au monstre Vision binaire note Purkhardt qui d double le monde et cherche faire voir simultan ment le recto verso de la r alit Dracula le jumeau noir l inconscient du h ros savant Van Helsing qui le traque et dont il organise la rencontre fatale Entre Dracula l Adam d g n r et le singe perfectionn qu incarne Van Helsing les jeux sont faits la raison ne peut que gagner et l archa que dispara tre le c ur transperc par le pieu de la modernit triomphante Mais peut on tre d finitivement vainqueur dans ce combat singulier o l on convoque la part cach e de soi m me Cette lutte vrai dire a t t fait de se transformer en qu te d identit et de s crire l int rieur d une autre qu te celle l m me du sacr Le
20. ville d vorante et ali nante semble tre per ue par les crivains comme la mauvaise m re celle qui touffe ses enfants la mangeuse d hommes que l on doit fuir pour retrouver la vie bienfaisante de la campagne Les romanciers reprendront sans cesse ce th me de la d perdition morale op r e par les grandes agglom rations urbaines en contraste avec la puissance salvatrice de la nature Dans les ann es soixante cependant apparaissent un nouvel espace et un nouvel imaginaire d limit s par la banlieue Situ e la p riph rie de la s duction citadine celle ci devient un lieu transitionnel entre le labyrinthe de la ville et le 10 Pr sentation paradis d j perdu dont il ne reste que quelques vestiges ruraux pour alimenter le r ve et la r demption Ce n est que dans les ann es quatre vingt avec le Matou de Yves Beauchemin que s accomplira selon Sirois le v ritable m tissage de la r conciliation avec la pluralit urbaine Montr al en particulier constate l auteur est alors accept dans son int grit dans la pleine co ncidence des oppos s La pacification entre la r alit sociale et son acceptation symbolique n a pu s accomplir que par un changement des mentalit s encore bien fragile comme si l me avait d cid ment du mal supporter les contradictions de la diversit humaine Parmi les crivains qui si l on ose dire ont fait la navette entre la vil
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