Écritures médiatiques
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1. CRITURES HYPERM DIATIQUES REMARQUES SUR DEUX CD ROM D AUTEURS Jean Cl ment Universit de Paris 8 jclement magic fr Texte publi dans les Cahiers du fran ais contemporain Multim dia les mutations du texte ENS ditions n 6 Mai 2000 R sum L av nement du livre num rique fait appara tre de nouvelles formes d criture Dans le domaine de la fiction en particulier on assiste la naissance d un nouveau genre la crois e des jeux vid os de l hypertexte et de la litt ra ture exp rimentale travers deux exemples ce sont quelques unes des caract ristiques du genre qui sont tudi es ici refondation du pacte de lecture diss mination des nonc s nouvelles modalit s narratives d construction du r cit interactivit INTRODUCTION Nous sommes entr s depuis quelques ann es dans une p riode de mutation des supports de l crit Apr s une belle carri re de plusieurs si cles le livre traditionnel est d sormais concurrenc par ce que l on appelle faute de n olo gisme ad quat le livre num rique Ce changement de support n est pas sans cons quence sur les contenus sur Inter net ou sur CD Rom se d veloppent de nouvelles formes d criture L tude qui suit propose des l ments de r flexion sur un genre r cemment apparu qui est le produit de cette m tamorphose la fiction interactive ou hyperfiction N aux Etats Unis dans les ann es 80 de la rencontre entre jeux d2. sont toutefois peu nombreux La navigation en effet constitue la principale difficult de la lecture de l hyperfiction Pour viter les d couragements l auteur doit pr ciser l enjeu du parcours hasardeux que s appr te en faire le lecteur la fin du g n rique de d but de Sale Temps un panneau l affiche clairement Vendredi 13 septembre 1996 21 heures Jan a t tu au pied de l immeuble de Blocksberg Rendu la vie par une voix myst rieuse il dispose de 12 heures pour tenter d viter la mort Comment utiliser ce temps Vers qui se tour ner Comment chapper au destin qui semble inscrit depuis si longtemps Que faire des traces d un pass qui le condamne Comment assembler les l ments de sa m moire sans reconstituer le drame que fut sa vie Le lecteur sait ainsi ce qui l attend il ne se laissera pas d router par les m andres de la fiction Et pour celui qui aurait chou remplir le programme de lecture ainsi propos l auteur a r serv un fichier particulier consulter en cas de difficult qui donne la solution au lecteur inattentif Les enjeux de la narration Au del des modes d emplois et des r gles du jeu le nouveau pacte g n rique refonde les relations entre auteur lecteur narrateur narrataire et personnage Dans la fiction interactive en effet le dispositif tend placer le lecteur en position centrale Puisque le d roulement de la fiction d pend
3. aventures litt rature exp rimentale et techniques hypertextuelles ce genre s est rapidement diversifi D abord purement textuel il s est empar assez t t des possibi lit s du multim dia m lant images textes et sons puisant son inspiration dans la bande dessin e et le cin ma J ai choisi de l aborder ici travers deux CD Roms d auteurs parus en 1997 20 d amour en plus de Fran ois Coulon et Fabrice Le Minier et Sale Temps de Franck Dufour Jacky Chiffot et Gilles Armanetti Le premier qualifi de roman par son auteur voque les aventures de L o jeune c libataire en qu te d une nouvelle existence Il est constitu d un ensemble de sc nes illustr es et parfois sonoris es dans lesquelles le lecteur se d place au gr de ses humeurs en faisant surgir textes et illustrations tra ant un parcours de vie qui aboutira l une des 80 fins possibles Dans le second annonc comme drame interactif c est une version moderne du mythe de Faust qui est propos e au lecteur Jan vient d tre assassin un M phisto moderne lui redonne douze heures pour revivre sa derni re journ e et chapper peut tre son destin Sur fond de citations de Goethe et d extraits de l op ra de Berlioz c est un drame en noir et blanc un roman photo onirique et tragique 1 L hypertexte de fiction naissance d un nouveau genre in VUILLEMIN Alain amp LENOBLE Michel sous la direction de Litt rat
4. des gens sans talents En tant que dispositif informatique l hyperm dia peut tre consid r comme un ensemble de n uds textes images sons reli s entre eux par des liens activables Du point de vue de l hyperfiction ce dispositif est essentiel Sur l cran les liens peuvent tre ancr s de fa on visible ou cach e Leur ancrage est visible quand par exemple le curseur change de forme en le survolant il est invisible quand rien n indique o cliquer Cette seule diff rence implique des r gimes narratifs diff rents Dans Sale Temps le manque de visibilit des ancrages contribue cr er une atmosph re de myst re et d enqu te tandis que dans 20 d amour en plus le curseur par ses changements de forme rend les choix propos s plus explicites point d interrogation pour satisfaire une curiosit loupe pour zoomer sur une partie de l image etc Il existe ainsi une v ritable s mantique des liens dont la forme du curseur n est qu un aspect Ainsi dans Sale Temps la technique dite du roll over permet de d clencher au passage de la souris des informations sur la nature du lien propos qui peuvent prendre la forme d un bouton d ascenseur qui s enfonce d une voix off qui se fait enten dre d un visage qui appara t dans les arbres d une vue panoramique qui se d ploie etc Par ailleurs en dehors de leur s mantique les liens peuvent tre analys s selon leurs fonctions Sans les citer t
5. int ressantes Dans 20 d amour en plus l auteur annonce quatre vingts fins diff rentes tandis que Sale temps offre seulement trois issues possibles au personnage Cependant ces libert s prises avec l incipit et la cl ture sont bien timides par rapport aux audaces de certaines fictions am ricaines plus radicales dans lesquelles il n y a v ritablement ni d but ni fin Le choix de nos auteurs t moigne sans doute de leur attachement la lin arit des r cits qui se trouve seulement multipli e par le jeu de l hypertexte Dans les deux cas le lecteur affaire des r cits arborescents multilin aires Ces limites tant pos es nous pouvons nous int resser aux deux figures majeures auxquelles se ram nent toute l interactivit de l hyperfiction la bifurcation et l incise La bifurcation correspond un embranchement au niveau du r cit Dans nos deux hyperfictions ce choix est offert au lecteur chaque tape et parfois chaque page cran Il s agit en g n ral d un choix binaire entre deux suites possibles rarement d un choix ternaire Ce choix est le plus souvent motiv par l image ou par un texte Dans 20 d amour en plus il y a toujours un texte pour annoncer les diff rentes suites offertes Quant l incise elle est comme une digression qui n est pas indispensable au r cit mais qui contribue en construire l arri re plan Elle n entra ne pas le lecteur comme le fait la bifu
6. non seulement le temps du r cit mais celui de l histoire elle m me La question se pose de mani re particuli rement cruciale dans Sale Temps puisque l histoire est cens e se d rouler sur une dur e de douze heures Pour que l ordre de l histoire ne soit pas perturb par la naviga tion les auteurs ont utilis deux techniques La premi re consiste rappeler aussi souvent que n cessaire quelle heure correspond la page cran que le lecteur est en train de lire Ces rep res peuvent prendre la forme d une indica tion en bas de page de la pr sence d une horloge dans le paysage ou encore de rendez vous not s sur un agenda La deuxi me technique utilise les liens conditionnels Si Jan se rend en avance son rendez vous avec Marguerite au Jardin des plantes il ne la trouvera pas Revenant sur les m mes lieux apr s un d tour il la d couvrira attabl e la terrasse d une buvette Mais la grande force de Sale Temps c est d tre une m ditation sur les rapports entre le temps chronologique et celui de la m moire Tandis que d un c t les douze heures qui lui sont redonn es se d roulent de mani re in luctable ce caract re tant renforc pour le lecteur par l impossibilit technique de revenir en arri re le temps de la m moire est un temps fragment soumis aux al as du souvenir Le temps pour moi a cess d exister dit Jan il ne s agit que d instants face au temps Cette r flexion s
7. pas gagner la partie qui se joue contre la mort il pourra toujours rejouer ou consulter la solution donn e par l auteur dans un fichier d aide La dimension ludique est galement pr sente dans 20 d amour en plus dont l enjeu pourrait tre comment chap per une vie morne et m diocre comment r ussir s duire Warda la championne du monde des voisines C est la vie elle m me qui est pr sent e comme un jeu Chacun de nos actes chacune de nos d cisions construit une vie dont l issue nous est inconnue Faire les bons choix au bon moment telle est la r gle du jeu de la vie auquel nous invite l auteur Pour autant il n y a pas de fin de partie gagnante ou perdante comme dans Sale Temps Aucun des diff rents d nouements n a vocation tre une fin gagnante ou id ale qui serait l objet d une recherche sp cifique crit l auteur La vie est un jeu l ger semble t il dire n en faisons pas un drame Peut tre m me n est elle qu un r ve comme le sugg re les trois d buts dans lesquels L o s incarne al atoirement en chevalier du Moyen ge en champion de basket ou en astronaute d un lointain futur CONCLUSION L hyperfiction est un genre encore jeune qui cherche ses rep res Chaque auteur doit y inventer ses r gles du jeu et expliciter les attendus du nouveau pacte de lecture qu il propose D une fa on plus imp rative que dans les genres tablis il doit s assurer
8. re personne pourrait tre celui de la vie de l auteur Il y a dans les incises de nombreux l ments autobiographiques dont l humour corrige le caract re narcissique et parfois complaisant Mais l intimit de l auteur se d robe par la multipli cation m me des choix de parcours Je est un autre disait Rimbaud Le r cit autobiographique interactif pourrait illustrer cette formule 20 d amour en plus c est aussi 20 de vie en plus et le plaisir de s en remettre son personnage dans les choix que la vie n offre pas LA DISS MINATION DES NONC S La n cessit de fonder le pacte g n rique entra ne on l a vu une prise en compte de la situation d nonciation l int rieur de la fiction Il en r sulte une diss mination des nonc s qu accro t encore le caract re dynamique et h t rog ne du support num rique multim dia Cette diss mination peut s observer dans trois directions celle du texte lui m me celle qui est produite par la conjonction des diff rents m dias et enfin celle qui r sulte de l interactivit 5 Umberto Eco Lector in fabula Grasset 1985 Les lieux du texte Ce qui frappe dans les deux uvres examin es c est quel point le texte a cess d tre l unique support du r cit Ce n est plus lui seul qui fait avancer l histoire ce n est plus lui qui la raconte ce n est plus lui qui donne voir ou entendre les personnages les d cors les atmos
9. Perspectives on Ergodic Literature John Hopkins University Press Baltimore ANIS J et LEBRAVE J L 1993 Texte et ordinateur les mutations du Lire crire Actes du colloque interdisciplinaire tenu l Universit Paris X Nanterre 6 7 juin 1990 Centre de Recherches Linguistiques Nanterre ANIS J 1998 Texte et ordinateur l criture r invent e Deboeck universit Bruxelles BOLTER J 1991 Writing Space the Computer Hypertext and the History of Writing Lawrence Erlbaum Associates Fair lawn New Jersey CL MENT J 1994 Afternoon a story du narratif au po tique dans l uvre hypertextuelle in AALITT RATURES num ro sp cial des Cahiers du CIRCAV Actes du colloque Nord Po sie et Ordinateur 1994 CIRCAV GERICO Roubaix 1994 CL MENT J 1994 Fiction interactive et modernit in Litt rature n 96 Larousse Paris CL MENT J 1995 Du texte l hypertexte vers une pist mologie de la discursivit hypertextuelle in Hypertextes et hy perm dias R alisations Outils M thodes Herm s Paris CL MENT J 1995 L hypertexte de fiction naissance d un nouveau genre in VUILLEMIN Alain amp LENOBLE Michel sous la direction de Litt rature et informatique la litt rature g n r e par ordinateur Artois Presses Universit Arras GAGGI S 1997 From Text to Hypertext Decentering the Subject in Fiction Film the Visual Arts and Electronic Media University of Pennsyl
10. de la coop ration des lecteurs et des conditions de r ception de l uvre Pour la premi re fois dans l histoire de la communication litt raire l exception de certaines formes de litt rature orale ou de certaines situations th trales l auteur n est plus le seul producteur de l nonc L activit du lecteur n est plus seulement interpr tative elle g n re une manipulation mat rielle dont d pend l nonc lui m me Le r cit port par le texte les images et l environnement sonore se trouve plac l intersection de ces diff rents m dias Il n est plus fig mais dynamique orchestr par un programme informatique capable de prendre en compte les r actions du lecteur De cette dimension interactive r sulte une certaine primaut du spatial sur le temporel et un d placement du r le du lecteur vers celui d interacteur Ce basculement n est pas sans cons quence sur la narration qui tend s affaiblir au profit du jeu dramatique ou m me du jeu tout court L hyperfiction sera t elle soluble dans le jeu vid o ou bien trouvera t elle sa place comme nouveau genre Il est sans doute trop t t pour le dire mais les deux uvres examin es font plus qu ouvrir la voie de nouvelles formes discursives Elles t moignent que le multim dia est d sormais un support avec lequel une nouvelle g n ration de cr ateurs va pouvoir se mesurer R f rences bibliographiques AARSETH E 1997 Cybertext
11. en partie de lui il partage avec l auteur au moins symboliquement le pouvoir d engendrer ce qu il lit De lui d pend donc que le personnage soit crivain ou vendeur heureux ou malheureux mort ou ressuscit Comme le pr cise Fran ois Coulon Chacune de vos d cisions aurait pu tre la sienne chacune de ses interrogations auraient pu tre la v tre Naturellement on pourra toujours contester ce r le du lecteur et arguer que quel que soit le cheminement suivi celui ci tait pr vu par l auteur Il n emp che il y a bien une forme de d l gation de pouvoir au lecteur qui va au del de la simple coop ration lectorielle invoqu e par Umberto Eco Associ l auteur le lecteur l est aussi au personnage comme le sugg re Fran ois Coulon Le mod le des livres dont vous tes le h ros h ritier des jeux d aventures reste ici tr s pr gnant La fiction fonctionne souvent avec un personnage principal auquel le lecteur est invit s identifier Il en r sulte au plan de l nonc une confusion possible entre lecteur personnage et narrataire Quand dans Sale Temps une voix off sortie d outre tombe apostrophe le h ros le lecteur ne peut s emp cher de l entendre pour lui coute tu ne peux pas partir comme a Je te redonne ces douze derni res heures pour que tu r ussisses enfin Dans 20 d amour en plus enfin se produit la confusion entre auteur narrateur et personnage Le r cit la premi
12. nne culture du livre Ici plus de couverture plus de pages plus de table des mati res plus de notes de bas de page etc Avec l hyperm dia c est tout le dispositif familier de la lecture qui dispara t Le nouvel artefact suppose des modes d emploi Sous forme de fichier informatique ou de livret d accompagnement le lecteur apprend donc confi gurer sa machine installer le logiciel actionner les dispositifs de chargement de sauvegarde de retour en arri re de r glage du son de la couleur et de la vitesse Il apprend aussi utiliser un tableau de bord et se familiarise avec les commandes L auteur prend m me soin dans 20 d amour en plus d indiquer son lecteur que c est la nuit que son uvre sera lue dans les meilleures conditions On songe ici au d but du roman de Calvino Tu vas commencer le nouveau roman d Italo Calvino Si par une nuit d hiver un voyageur D tends toi concentre toi carte de toi toute autre pens e Laisse le monde qui t entoure s estomper dans le vague La porte il vaut mieux la fermer de l autre c t la t l vision est toujours allum e Dis le tout de suite aux autres Non je ne veux pas regar der la t l vision Parle plus fort s ils ne t entendent pas Je lis Je ne veux pas tre d rang Comme le romancier italien les auteurs prouvent le besoin d tablir eux m mes les conditions d nonciation de l uvre faute de pouvoir s en remettre un pac
13. ormant l avant texte de la fiction etc Il ressort de cette accumulation que le texte est omnipr sent dans les deux uvres mais moins comme support de la narration que comme un jeu d l ments permettant au lecteur de construire sa propre histoire ou de reconstituer un univers romanesque Tout se passe comme si l hypertexte d construisait le texte en le diss minant au profit d une collection de fragments h t rog nes de bribes de sens interpr ter comme des indices La conjonction des m dias Dans les deux fictions nous l avons vu plus haut c est l image qui constitue le support majeur de la narration Sous la forme d un dessin ou d une photo elle est toujours affich e en pleine page repr sentant le d cor et les personnages de la fiction Dans certaines sc nes elle est accompagn e de paroles dites ou crites de musique ou de bruits qui contri buent leur mani re faire avancer le r cit Le montage des sc nes permet comme au cin ma de faire chevaucher les diff rents rythmes de chacun des m dias Mais ici le lecteur peut intervenir pour changer d image pendant que la bande son continue faire parler successivement les personnages ou d clencher des sons sur une m me image Car la diff rence de la bande dessin e ou du cin ma l cran est dynamique divis en zones cliquables en fen tres d affichage fixes ou jaillissantes d clench es par le lecteur Cette polyphonie orchestr e pa
14. outes on peut mentionner les liens zoom les liens de retour en arri re les liens multiples d clenchant plusieurs actions simultan es les liens condition nels qui ne s ex cutent que si une condition pr alable a t remplie par l interacteur etc Ce sont ces liens qui caract risent l hyperfiction ce sont eux qui d terminent la construction du r cit eux qui permet tent au lecteur d tre interacteur et co nonciateur de la fiction en construction LA D CONSTRUCTION DU R CIT Figures du r cit Selon les r gles d finies par Aristote dans sa Po tique un bon r cit doit avoir un d but un milieu et une fin Ces principes qui semblent vidents sont pourtant remis en cause dans l hyperfiction de fa on plus ou moins radicale La structure en r seau de l hypertexte s oppose en effet la structure lin aire du r cit classique En ce qui concerne le d but nos auteurs ont fait des choix diff rents Sale Temps commence par un long g n rique lin aire qui se termine sur la mort de Jan v ritable d but de l hypertexte Dans 20 d amour en plus au contraire la fiction s ouvre sur un d but al atoire parmi trois possibles Ce serait une fa on l gante de contrevenir aux principes d Aristote si les trois parcours n aboutissaient la m me sc ne celle du r veil de L o qui marque le commencement de l histoire propre ment dite Le probl me de la cl ture par contre donne lieu des solutions plus
15. ph res Comme au cin ma ou dans la bande dessin e le texte se d charge de la plupart de ses fonctions narratives au profit de l image et du son Mais il ne dispara t pas pour autant il change simplement de fonction Si on laisse de c t les dialogues parl s de Sale Temps on trouve du texte dans toutes sortes de lieux parfois les plus inattendus Le texte est d abord pr sent sous la forme du paratexte et du p ritexte Celui ci peut se trouver sur la bo te d emballage sur la notice d utilisation dans un fichier d aide Celui l s inscrit dans l uvre elle m me o il joue le r le d un commentaire de l action en cours ou d une indication sur la marche suivre Il est souvent la voix de l auteur guidant son lecteur dans l exploration de l uvre Il prend ici la forme d un sous titre dans Sale Temps ou d un sur titre dans 20 d amour en plus Sur ce bandeau qui assure la continuit des pages peuvent galement se trouver des didascalies un r cit la premi re personne des dialogues ou des citations Ces derni res sont particuli rement nom breuses dans Sale Temps o elles constituent une partie de l intertexte goeth en du drame L intertexte ce sont aussi les extraits d ouvrages r els dans Sale Temps ou imaginaires dans 20 d amour en plus les coupures de presse les passages du drame de Goethe les pages d un agenda une nouvelle non publi e des notes pour une conf rence f
16. r l interacteur engen dre une pluralit de voix narratives C est ainsi que dans Sale Temps nous entendons selon les cas la voix d un narra teur omniscient Blocksberg Mephisto celle du personnage qui se parle lui m me des extraits de l op ra de Ber lioz un ch ur de voix murmur es qui commentent l action des messages laiss s sur un r pondeur etc De la m me mani re les lames d un jeu de tarot le contenu d une mallette des photos anciennes le contenu du disque dur d un ordinateur celui d un tiroir de table de nuit constituent autant d l ments d information l aide desquels le lecteur peut reconstituer le drame ou diriger l histoire L interactivit comme m dia Il est encore un m dia qui singularise l hyperfiction et sans lequel on ne saurait la qualifier d interactive c est le syst me hypertextuel lui m me le dispositif informatique qui autorise ou emp che les passages d un cran l autre qui donne la main l interacteur pour d cider d un choix qui d clenche un son ou une animation sur un clic de souris La fonction d auteur de fiction interactive n cessite la ma trise de l outil informatique et il n est pas tonnant que nos auteurs soient aussi informaticiens Fran ois Coulon fait ainsi dire son personnage non sans humour Les progr s de l informatique m aident beaucoup ils ont totalement lev les contraintes qui pesaient sur la cr ativit
17. rcation dans une voie nouvelle elle ne fait pas toujours changer de page cran elle prend souvent la forme d une fen tre jaillissante qui se referme apr s lecture pour revenir au r cit principal Chaque page cran peut en comporter jusqu une demi douzaine La fonction de l incise est tr s diff rente selon les uvres Dans 20 d amour en plus elle joue le r le de commentaire psycholo gique donne de la consistance au personnage en d voilant ses lectures ses disques favoris ses r flexions intimes Dans la mesure o il faut cliquer sur des objets pour d clencher l incise elle tend placer le lecteur en situation de voyeur plus que dans un roman classique o l auteur se livre sans avoir solliciter ce mouvement de curiosit Dans Sale Temps les incises peuvent aussi jouer ce r le de d voilement des pens es secr tes du personnage mais elles font par ailleurs partie de l enqu te qui ne peut progresser que gr ce aux indices qu elles r v lent Le temps et l espace La non lin arit du r cit pose l hypertexte de fiction le probl me de l ordre temporel en remettant en cause la dis tinction classique entre le temps du r cit et celui de l histoire Dans le roman traditionnel il est rare que ces deux temps co ncident une bonne partie des man uvres narratives du romancier reposant sur leur savant d calage En laissant au lecteur le choix de l ordre des s quences l hypertexte perturbe
18. rcourir la recherche de Marguerite Les rues de la ville les all es d un jardin les tages d un immeuble sont encore quelques unes des figures de l errance du lecteur dans l espace de la fiction De ce point de vue il ne manque que la technique 3D des jeux vid o pour restituer la troisi me dimension qui fait encore d faut ici Sans aller aussi loin dans la repr sentation de l espace nos deux fictions ne sont pourtant pas tr s loign es de l univers des jeux auquel elles peuvent tre rattach es par quelques unes de leurs caract ristiques Le passage de la 6 Alan Lightman Quand Einstein r vait Robert Laffont 1992 narration l exploration la construction de l histoire travers les d placements des personnages la pr sence du lecteur dans le r cit travers un personnage avatar sont quelques uns des proc d s qui rel vent autant du jeu vid o que de l hyperfiction Dans Sale Temps il s agit d un jeu dramatique La fiction d bute par la fin de l histoire le h ros vient de mourir Le jeu consistera le sauver d une deuxi me mort lutter contre le sort et prendre sa destin e en main Il me suffirait d assembler mes souvenirs pour tout reconstruire tout refaire Tout est ici dit Jan Le lecteur a tous les l ments toutes les cartes en main celles du tarot en l occurrence pour y parvenir Tous les indices sont dans la mallette du personnage Et si le lecteur ne parvient
19. te g n rique tabli Au del du dispositif ce sont parfois les codes typographiques qui doivent tre pr cis s Fran ois Coulon par exem ple prend soin de pr ciser que Seules les phrases explicitement pr sent es comme des dialogues ou des paroles sont suppos es avoir t dans le r cit prononc es voix haute Seules les phrases affich es en rouge ou en bleu sont prononc es par d autres personnages que L o qui parle toujours en caract res noirs ou blancs Programmes de lecture Si le mode d emploi d finit les conditions mat rielles de la r ception de l uvre ce sont les r gles de lecture qui en assurent le bon d roulement L hyperfiction ne se lit pas lin airement comme un roman elle suppose que l activit mat rielle et non pas seulement intellectuelle du lecteur d termine ce qui lui est donn lire Il en r sulte pour l auteur la n cessit de guider son lecteur et de pr venir ses embarras comme le fait Fran ois Coulon 4 Italo Calvino Si par une nuit d hiver un voyageur Seuil 1981 Pour des raisons de coh rence il arrive que certaines actions ne puissent tre accomplies qu une seule fois m me si on revient de nouveau sur la m me image d autres restent impossibles ou donnent un r sultat diff rent si une condi tion particuli re n a pas t remplie auparavant Afin de ne pas rendre la navigation trop difficile ces branchements conditionnels
20. ur le temps est pr sente sous une autre forme dans 20 d amour en plus Ici l angoisse du temps qui passe a disparu Le lecteur qui a fait un mauvais choix peut toujours remonter l embranchement pr c dent pour repartir dans une autre direction La journ e commence par le r veil de L o mais chaque fin de parcours offre la possibilit d y revenir et c est alors une nouvelle journ e qui commence Comme dans la nouvelle d Alan Lightman o le temps poss de trois dimensions comme l espace et rec le une infinit de mondes tous les devenirs sont possibles R cit drame jeu Le passage du temps l espace dans la fiction hypertextuelle est une des caract ristiques du genre Ici le lecteur ne d roule pas une histoire il parcourt un espace Cette dimension spatiale est renforc e par l omnipr sence des d cors et leur fonction de support de l interactivit Chaque l ment du paysage chaque partie d un appartement chaque objet est donn non seulement voir mais explorer ou manipuler Dans cette lecture parcours le r le des portes est essentiel Ouvrir une porte condition d avoir la bonne cl c est s ouvrir un cheminement nouveau aller la ren contre de l inconnu faire un choix qui engage la suite de l histoire De ce cheminement al atoire le labyrinthe est un autre symbole attendu Dans Sale temps c est celui du belv d re du Jardin des plantes que le lecteur doit pa
21. ure et informatique la litt rature g n r e par ordinateur Artois Presses Universit 1995 2 Fran ois Coulon 20 d amour en plus illustrations de Fabrice Le Minier Kaona Interactive 1997 3 Gilles Armanetti Jacky Chiffot Franck Dufour Sale Temps Microfolie s Editions 1997 Plut t que d analyser pour elle m me chacune de ces deux uvres je les consid rerai ici comme des instances d un nouveau genre UN NOUVEAU PACTE G N RIQUE Les termes de roman ou de drame utilis s par les auteurs pour d finir leurs uvres sont trompeurs Cette r f rence des genres connus et reconnus sert on le suppose garantir au lecteur le s rieux de l entreprise et se distinguer des auteurs de genres moins nobles comme le jeu vid o par exemple avec lesquels ils ne sauraient tre confondus La nouveaut du genre son caract re mergent n cessite pourtant de refonder le pacte de lecture sur de nouvelles bases de d finir de nouvelles r gles de nouvelles conventions de nouveaux modes d appropriation de l uvre C est quoi s emploient abondamment les auteurs en multipliant les recommandations et les remarques sur les modes d emploi de l uvre les conditions id ales de sa r ception et les r les respectifs de l auteur du lecteur et du personnage Modes d emploi L appellation impropre de livre num rique ne doit pas faire illusion Le support du CD Rom rend caduque notre ancie
22. vania Press Philadelphie JOYCE M 1995 Of two minds Hypertext Pedagogy and Poetics The University of Michigan Press LANDOW G 1997 Hypertext 2 0 The Convergence of Contemporary Critical Theory and Technologie Johns Hopkins Uni versity Press Baltimore and London MURRAY J 1997 Hamlet on the Holodeck The Future of Narrative in Cyberspace The Free Press New York
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