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1. s extasia de notre bonne mine Maman Tika l arri re grand m re retrouv e ici chez sa s ur nous avait gav s de tartines de beurre saupoudr es de cacao Puis papa arriva avec une bande de copains dans un autobus r quisitionn pour les archives militaires et un contingent de vins vieux de Bourgogne J ai vu les bouteilles pas les archives sans doute comme eux d mobilis es en cours de route Sans attaches particuli res avec les chiens du canton qui ne comprenaient que le patois auvergnat nous retrouv mes avec joie Orthe et Mickey ma s ur et moi de retour Bar sur Aube pour y subir les restrictions Ces derni res affubl es de tickets de rationnement boulevers rent notre existence y comprises celles de Orthe et 13 Mikey aucune carte de rationnement n ayant t pr vue pour les animaux domestiques alors que les abattoirs passaient sous le contr le de l occupant Orthe Ss efflanqua tandis que Mickey ayant appris faire sauter la chevillette du garde manger de la m re Birkley garda son poil noir lustr La maison dut s ouvrir deux occupants sous officiers et instituteurs dans le civil qui nous gav rent ma s ur et moi de bonbons acidul s Mamy leur fit les gros yeux offusqu e de ce fait de collaboration mais du jour o ils descendirent la salle manger couter radio Londres avec papa et d placer les pingles sur le front russe repr sent par un lastique sur une carte de l Eur2. une libert totale sans parler des loquentes le ons de nature apport es par la copulation du taureau et du b lier et par le v lement des vaches Nous comparions nos zigounettes 17 et prenions conscience de leur menu vis vis de celles des animaux de la ferme et puis nous n avions pas de femelle tant donn l isolement de la ferme Au battage il en vint bien quelques unes un peu grandes et puis nous n avions pas le mode d emploi Plus tard je m en ouvris ma s ur qui se gaussa de moi au bourg elle avait progress bien plus vite Un triste v nement troubla ce s jour idyllique Maman Tika s teignit discr te ment et l on m habilla de noir pour descendre l embrasser une derni re fois Tandis qu on l emmenait reposer au nouveau cimeti re du bourg on nous remonta la ferme ma s ur et moi pour ne pas nous traumatiser avec ce deuil de famille scind e par la ligne Manou non plus que maman ne furent pas autoris es passer en zone libre pour enterrer l une sa m re l autre celle de sa belle m re En montagne nous p mes nous rem morer Orthe et comparer ses m rites ceux des chiens de la ferme Noiraud et Blanchette admirables corniots gardiens de vaches grands chasseurs d cureuils Ils font brancher l animal le parrain pose sa veste que l cureuil s obstine surveiller de derri re sa branche il contourne l arbre et le fusille dans le dos Rien de cela ne nous offusquait la gue
3. ORTHE Orthe fut une robuste pagneul breton s dentaris e Bar sur Aube sous le vaste toit familial de mon p re avou plaidant en cette jolie bourgade Nous sommes la fin des ann es trente et j ai six ans Garnement de l cole primaire du village de Proverville plus proche de nous que celle de la ville de l autre cot de la rivi re je courais la retrouver la maison sous l il agac et s v re de ma m re et celui admiratif de ma petite s ur qui s chappait pour nous retrouver dans le jardin Nous y vivions tous deux en autarcie avec Orthe partageant sa gamelle quand nous ne la t tions pas lorsque sa nature g n reuse ne lui faisait pas compter ses chiots Ce dernier fait nous valut une magistrale fess e lorsque notre m re nous surprit nous disputant ma petite s ur et moi les t tons de Orthe haletant voluptueusement entre nos bras Orthe aussi fut punie envoy e chez un dresseur pour la pr parer louverture de la chasse Elle ne dut sa d livrance qu l arriv e de mon grand p re qui rit beaucoup lorsque ses enfants lui racont rent l affaire et demanda Orthe pour la former sa main Il entreprit cette formation avec tant de brio que chassant avant l ouverture il fut le premier client de mon p re dans un proc s pour braconnage Cette familiale initiation valut par la suite l absolue fid lit de la client le braconni re du canton mon avocat de p re Pour Orthe la vie s c
4. nes ennemies dans les for ts du Temple inconscients ma s ur et moi de leurs implications ma onniques Orthe qui avait pris de l ge devint pour nous une v ritable nounou nous ramenant obligeamment au rendez vous de chasse l heure du casse cro te Une prescience infiniment canine lui en faisait deviner l instant alors m me que nous tions hors de port e du fumet de l andouillette de sanglier ou autre venaison En p riode de fermeture nous nous livrions entre gar ons des activit s sportives hors de port e de ma s ur fut elle gar on manqu Les tours de ville en patin roulettes et surtout le d valement de la c te de Proverville en caisses savon L dans nos chariots constitu s des caisses des laveuses vol es au lavoir municipal quip es de roues en fonte vol es la fonderie de la route de Troyes nous obtenions des formules 1 aptes doubler les rares gazog nes fr quentant notre descente de dix kilom tres surgissant non stop sur la route principale Merveille de cette poque sans ballon ni permis points o l on apprenait l cole dessiner une pomme non un feu rouge Si nous nous cass mes quelques membres et nous fimes nombre de bosses pour clatement de roue en Jonte nous ne v c mes aucun choc frontal ne percut mes aucun v hicule m me au carrefour o les conducteurs du canton nous d clar rent prioritaires Orthe descendit parfois tremblante cette pente vertigi
5. neuse blottie dans mes bras me l chant l arriv e grands coups de langue visage et mains pour me remercier moi son tortionnaire d tre toujours vivante Plus souvent elle se tenait anxieuse au carrefour aupr s de ma petite s ur rancuni re qui attendait de me voir m y clater sur un camion venu d un 16 lointain canton et non au courant de notre pacte de priorit Avec ces activit s extra scolaires dict es et calculs n taient brillants ni pour moi ni pour ma s ur et la guerre pour nous tait la maison la remise des notes par l instituteur Alors comme l avanc e des alli s se pr cisait on nous renvoya en Auvergne avec Maman Tika seuls les enjants et les personnes g es recevaient les laissez passer pour entrer en zone libre Ma s ur fut install e avec notre arri re grand m re chez sa s ur dont le mari aveugle rudit enseignait le latin toute la commune Elle apprit le latin On m envoya moi en montagne dans une Jerme remplacer un lointain cousin prisonnier en Allemagne et j appris le patois Je garde de ce deuxi me exode un frais souvenir champ tre et agreste mon temps s y partagea avec un autre petit cousin marseillais garder les vaches et les moutons faner moissonner et en battre la r colte Le tout assorti de larges tranches de pain empl tr es de beurre onctueux et de d licieux morceaux de lard gras D barrass s des restrictions nous jouissions en plus d
6. oche L abattoir quelques p t s de maisons de l autre cot de la rue en bordure de l Aube n tait connu par cet acc s Encore une affaire avec grand p re qui profitant que l eau y tait bas tiage y nichait ses nasses clandestines les poissons y jourmillaient attir s par le sang et nos prises taient fabuleuses C est d ailleurs en revendant celles ci que grand p re gagna son deuxi me proc s Papa ne savait plus o se mettre et n chappait pas aux r flexions sournoises de ses coll gues lorsqu il allait honteux demander la cl mence du procureur Grand p re fonctionnaire du Tr sor Public ne pouvait tout de m me pas afficher un casier judiciaire de r cidiviste Orthe qui n aimait pas l eau fr quentait les abattoirs par la grande porte et j tais terroris d avoir ly rechercher car les chevillards pour se moquer de moi pr tendaient me faire boire un verre de sang pour me fortifier J tais l poque gringalet et la guerre aidant on parlait de restrictions C est d ailleurs la guerre qui valut Orthe sa d mobilisation Lorsque Papa partit la fleur au fusil g rer les dossiers militaires au tribunal de Dijon et m re l y retrouver sous une cape d infirmi re Orthe fut d gag e de son statut de chien de chasse et charg e de garder la maison tandis que nous tions exp di s ma s ur et moi Ville d Avray Sans formation elle s acquitta fort mal de cette t che A leur re
7. ope derri re la tapisserie de Jeanne d Arc elle se d gela Papa de par sa prestation de serment au barreau fut d clar Commissaire au Ravitaillement par les autorit s Il h rita d un contingent d essence pour sa Motob cane et d un laissez passer et s vertua de satisfaire l ennemi tout en avitaillant les maquis locaux la demande de sa loge ma onnique Maman elle m me ma onne tait l h tesse de myst rieux visiteurs qui apr s la lib ration se r v l rent sommit s de la Presse ou artistes il nous en reste d inoubliables portraits et po mes qui bercent notre vieillesse ma s ur et moi Bref gr ce cette situation le bouillon du logis et l cuelle de Orthe s enrichirent de quelques os et nous tinmes tous le coup En outre Orthe l chant son statut de chien arr t pour celui de chien de meute en coop rant avec les officiers allemands qui dans cette zone de chasse au bois r quisitionn rent chiens et piqueux pour ressusciter leur passion des battues ramen e de la For t Noire b n ficia des cur es Cette passion de la chasse connut de tels d bordements que fusils et permis de chasse furent largement redistribu s la bourgeoisie locale et que papa et maman se retrouv rent dans le lot avec la b n diction de leur loge les repas de chasse d liant la langue de l occupant Nous accompagn mes Orthe chass e de la meute pour incomp tence dans de folles randonn es derri re les lig
8. oula tranquille jusqu la mobilisation de saison de chasse en saison de chasse Elle accomplit vaillamment son travail l anticipant parfois durant l t pour reconna tre le terrain ce qui lui valut moulte piq res de vip re Je revois notre terreur lorsqu elle nous revenait avec un norme museau de dogue allemand nous passions la nuit dans le chenil les bras autour de son cou ma s ur et moi Les parents ne pouvant nous d tacher d elle allaient qu rir le v t rinaire qui la d gon lait d une piq re Nous partagions son affection avec un malandrin de matou noir issu d un minuscule chaton que j avais ramen en fraude de chez Papa Elie et Manou nos grands parents paternels du Mamy Ville d Avray Le pavillon de Ville d Avray tait pour nous le havre idyllique de nos vacances d hiver Nous y retrouvions le broussailleux briard de grand p re qui nous snobait dans son chenil un point tel que nous lui pr f rions la compagnie des poules ses voisines Au lieu de crottes de chien nous parsemions le salon de grand m re de jientes de poule Y gagnait elle Nous ne nous posions pas m me la question Nous nous y gagnons nos ufs coque et blas s nos ufs au chocolat aux vacances de P ques Orthe et Mikey entretenaient une relation de guerre froide A chacun son territoire au chat les arbres et goutti res et garde manger de la voisine au chien la pelouse et graviers du jardin et les os de l abattoir pr
9. rre justifiait pire et nous tions d nu s de toute sensibilit l gard des animaux bons manger va sans dire de ceux 18 susceptibles de les manger notre place La guerre tait loin de nous mat rialis e par les uniformes vert de gris et plaques de feldgendarms qui nous terrorisaient pour infractions la d fense passive Bar sur Aube ou Ville d Avray nous ne compr imes que plus tard que les tabl es de maquisards d barrass es pour recevoir plus chichement les miliciens auraient pu tourner au massacre si les uns et les autres s taient rencontr s la Jerme Apr s la lib ration papa vint nous chercher en voiture pour nous ramener Etampes o il avait achet sa nouvelle tude Nous ne vimes plus jamais Orthe qui vieillie avait t donn e la gardienne des abattoirs r int gr e dans ses p nates 19
10. tour en zone occup e les parents trouv rent la maison sens dessus dessous le jardin jonch de bouteilles et vide la cave Orthe grassouillette s tait mise en pension chez la gardienne de l abattoir Pareil pour Mickey d ailleurs Nos b tes avaient mis Jin la guerre froide et opt pour un gouvernement de coalition animali re Pendant ce temps ma s ur et moi assistions au Mamy aux feux d artifice hors 14 juillet que les allemands nous offraient en bombardant les usines Renault de Billancourt Les jambes pendantes dans le vide la lucarne du deuxi me nous applaudissions tout rompre tandis que les clats de la D C A gr sillaient en retombant d au dessus de nos t tes sur le toit D ailleurs me sentant un instant responsable de ma cadette en cette p rilleuse situation je l affublais du masque gaz conscient d avoir ainsi ob i aux irjonctions de la d fense passive A la suite de quoi grand p re am nagea la cave pour son usage personnel et nous exp dia Manou ma s ur et moi sous la houlette de cousin Henri sur les routes de l exode Nous gagn mes ainsi l Auvergne dans une luxueuse limousine cousin Henri louait des voitures de Ma tre pour noces et banquets et nous h rit mes d une Hispano Suiza Sans Orthe ni le briard nous arriv mes en Auvergne profonde o sur les bords pittoresques de l Allier au village natal de maman nous attend imes la d mobilisation Maman nous y rejoignit en premier
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