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1. propre gloire posthume en faisant de sa maison un mus e sa m moire et en r glant ses comptes avec le parti qui ne l avait pas conserv comme chef Mais la plupart du temps le testament demeure un docu ment priv Pourtant les moyens manifestaires demeurent les m mes que dans le testament public soit une certaine utili sation des avoirs et le texte manifeste Le premier moyen est int ressant en ce sens qu il est propre au testament C est un manifeste que de laisser ses biens une collectivit religieuse un parti politique ou une soci t savante C en est un galement de ne pas laisser ses biens des personnes qui nous sont alli es par le sang ou le mariage Ainsi la menace classique du p re d sh ritant et L ULTIME MANIFESTE 123 maudissant son fils devient un manifeste si elle est appliqu e dans le testament Un exemple tr s c l bre de manifeste testamentaire utilisant le moyen financier pour influencer les autres est le cas Nobel Nobel a fait fortune en inventant et en perfectionnant la dynamite puis en devenant un industriel de la guerre Amou reux d une pacifiste qui refusa toujours de l pouser il mourut millionnaire et c libataire Ses biens servirent cr er les prix Nobel dont le prix Nobel de la paix L tude des testaments priv s peut aussi permettre de retracer des vengeances posthumes ou encore des recon naissances tardives tel enfant inconnu du conjoint se vo2. que l individu a tabli avec son groupe Ainsi l opposition n est pas alors celle de l individu et de la soci t mais plut t celle d une minorit et d une majorit Plus la pression de la majorit sera forte sur la minorit plus les individus qui participent de cette derni re seront oblig s de s identifier leur groupe dans l espoir de survivre par le nombre Le but de la majorit sera donc mieux atteint en suivant les conseils de Machiavel et en divisant la minorit pour mieux l absorber ou l liminer comme le fait actuellement le gouvernement italien l gard de la Maffia sicilienne Autrement dit il faut d abord fractionner ramener le groupe ses dimensions individuelles puis collectiviser amener chaque individu aux dimensions de l ensemble social Les fa ons de fractionner sont nombreuses et nous ne nous y attarderons pas qu il suffise de mentionner l int r t indivi duel et la confusion deux moyens amplement utilis s au Qu bec par les tenants du Non lors de la campagne r f ren daire Par contre les fa ons de collectiviser l individu sont pour nous beaucoup plus int ressantes En effet elles sont les m mes qu il s agisse d assimiler une minorit ou simple ment d liminer les oppositions individuelles Pourtant l on pourrait penser qu il existe des domaines ce point individuels comme la sexualit ou la mort qu ils ne seraient pas r cup rables par la soci t Mais dans le
3. Article L ultime manifeste Bernard Demers tudes litt raires vol 19 n 2 1986 p 119 126 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 500760ar DOI 10 7202 500760ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 58 TUDES LITT RAIRES VOL 19 N 2 AUTOMNE 1986 pp 119 126 L ULTIME MANIFESTE bernard demers Abstract Every death is by its uniqueness and importance a potential manifesto that society seeks to conceal by giving promi nence to certain socially acceptable visions of death Yet whether through the act of writing a testament or through their particular mode of dying individuals
4. anifeste surtout quand il est effectu en public Ainsi en ce qui concerne les suicides dans le m tro de Montr al on peut constater qu ils sont plus nombreux la 124 TUDES LITT RAIRES AUTOMNE 1986 station Berri de Montigny l heure de pointe autrement dit ces suicides sont r alis s dans les conditions de plus grande visibilit possible II en va de m me pour certains lieux publics comme la Place Desjardins toujours Montr al o lexis tence d une grande place centrale garantit au suicidaire un bon nombre de t moins au moment de sa chute Le fait par ailleurs que des missions de t l vision y soient enregistr es certaines heures influence videmment le choix du moment du suicide Le suicide public est tr s souvent pr c d d une d clara tion verbale c est assez c urants gt r sumant les motifs de la mort Mais parfois le suicidaire choisit un moyen qui par son impact direct rend inutile toute d claration Ainsi ce bonze s immolant par le feu pour protester contre la guerre ou cet Am ricain se jetant dans la fosse des ours blancs pour y tre d vor vivant En fait quel que soit le proc d utilis le suicid laisse dans la majorit des cas un document expliquant son geste Il s agit l ind niablement d une forme importante de manifeste dont la force est d autant plus grande que l on est proche de l auteur Malheureusement ce corpus es
5. ble 122 TUDES LITT RAIRES AUTOMNE 1986 Ceci nous am ne la publicisation de la mort Car autant la mort vraie dans sa douleur sa sueur et sa puanteur est cach e autant la mort fausse est expos e C est la mort fait divers la mort t l vis e en direct depuis Mexico la mort ketchup de la mini s rie C est une mort qui ne nous concerne pas qui ne nous ressemble pas Ou bien encore la mort devient chiffre on fait le bilan d un week end d une maladie d une catastrophe Mourir 300 en avion n est pas comme mourir seul la possibilit du manifeste individuel est abolie par la collectivit du drame Ainsi com bien de soldats sont morts en maudissant la guerre et leurs chefs alors que leur nom sont aujourd hui inscrits dans la pierre dun monument leur imposant un discours qu ils ne voulaient pas tenir La mort manifeste Malgr toutes les tentatives de r cup ration de la mort il existe encore des morts manifestes des morts subversives Ces morts donnent lieu trois types de corpus dont deux sont essentiellement priv s et un surtout public mais dont tous rel vent du manifeste Le testament d abord Souvent difficile d acc s parfois carr ment d truit par les h ritiers le testament est l ultime moyen dont dispose l individu pour influencer les autres de rares occasions comme le d c s d une personnalit politique le testament sera publi ainsi John Diefenbaker a veill sa
6. continue to make telling and subversive statements by their deaths In consequence there exists a hidden and little understood body of documents which either extol or attack particular theories faiths social groups etc L individuel m me s il participe du collectif pour l labo ration de ses moyens d agir en est une opposition virtuelle La soci t en formant l individu tente de lui imposer un contrat de r ciprocit des services mais si la plupart s y plient certains en rejettent un ou plusieurs aspects D s lors il devient n cessaire de r cup rer ces rouages en les isolant en les tuant ou en les collectivant Or les proc d s d isolation et de meurtre se r v lent tout au long de l histoire de l humanit relativement peu efficaces Qu il s agisse des empereurs romains et des premiers chr tiens de Hitler et des Juifs de Staline et de ses opposants des Turcs et des Arm niens de Pinochet et des syndicalistes ou plus simplement de nos 120 TUDES LITT RAIRES AUTOMNE 1986 soci t s et des criminels l limination des contradicteurs n a presque jamais r ussi tre totale la survie de quelques uns permet la transmission et bien souvent la transfiguration par laur ole du martyr des valeurs du groupe En fait que l on consid re les cathares ou quelqu autre groupe religieux social ou politique il faut admettre que les proc d s d isolation et de meurtre sont contr s par le contrat
7. hoques Ici l image de la mort d animaux a t si bien utilis e dans un but manifestaire que le public en a oubli du moins l tranger de se soucier des humains La boucle boucl e Nous arrivons la phase ultime du processus de r cup ration du manifeste individuel par le groupe social L individu est d abord seul face la mort la soci t cr e alors une conception sociale de la mort Mais certains individus r us sissent s affirmer en faisant de leur mort un manifeste la soci t r git alors par la bonne conscience La bonne conscience est utilis e comme un outil de collec tivisation de l individu et permet donc de nier l individualit et de r duire le manifeste un signal d alarme socialement acceptable Par exemple comment r agit la soci t qu b coise vis vis des milliers de suicides chez les jeunes On fait des commis sions d enqu te on engage des th rapeutes on examine les chiffres du ch mage Mais en aucune mani re il n est ques tion de consid rer un suicide en tant que fait individuel II faut g n raliser traiter les cas de suicide comme ceux d accidents d automobiles on vise la s curit par la s curisation Et dans la majorit des livres traitant du suicide ce ph nom ne est vu comme une aberration une maladie mentale un constat d chec une peur de vivre On ne veut pas admettre le suicide affirmation de soi le suicide en faveur de la vie et refus de l ex
8. ient pas publi s De telles restrictions dans la diffusion des documents illustrent bien leur valeur de manifeste E Becker The Denial of Death New York Free Press 1978 M F CHARRON Le suicide au Qu bec analyse statistique Qu bec Minist re des affaires sociales 1981 C GuUILLON et Y Le Bonniec Suicide mode d emploi histoire technique actualit Paris A Moreau 1982 E Kuguer Ross Les derniers instants de la vie Gen ve ditions Labor et Fides 1969 M MONESTIER Le suicide Paris Jean Claude Simoen 1976 Note Un suicide na cependant que tr s peu de chances d tre t l vis car m me lors d une mission en direct il y a un d lai de 5 secondes entre la prise d image et la mise en ondes Ce d lai permet au r alisateur de couper si n cessaire la mise en ondes Le t lespectateur ne verra l cran que lavis de difficult technique Par ailleurs les suicides sont ce point courants dans certains lieux publics que ceux ci sont quip s en cons quence des tentes sp ciales permettent de couvrir le corps et d en rendre la forme invisible II suffit de quelques minutes pour effacer toutes traces d un suicide
9. istence Quant aux morts manifestaires utilisant le testament il en r sulte nous l avons dit des proc s Que les clauses soient perturbantes inhabituelles et la famille peut les contester Au d c d difficilement pr sent devant le juge la charge de pr voir l avance les oppositions qui seront faites On exami nera sa sant mentale on contestera sa libre volont on s interrogera sur le respect des formules l gales la moindre 126 TUDES LITT RAIRES AUTOMNE 1986 faille permettra aux h ritiers logiquement pr vus par la loi de toucher l h ritage Enfin dans tous les cas on se d culpabilisera des images de mort en les noyant dans le collectif et en participant des actes sociaux signer des p titions envoyer de l argent en thiopie boycotter les manteaux de fourrure ou encore crire des articles cat gorisant les morts manifestaires Et ce faisant l individu boucle la boucle de la r cup ration sociale en fuyant sa propre peur de son destin Centre de recherches appliqu es en sciences humaines La bibliographie qui suit n indique que quelques ouvrages de base que le lecteur pourra consulter avec profit surtout s il s int resse au suicide Malheureusement il n est pas possible ici de donner une bibliographie compl te Les photos choc sont prot g es par des copyrights alors que les manuscrits et les testaments sont g n ralement pr t s par les familles condition qu ils ne so
10. it soudain attribuer une part de l h ritage Quand ce n est pas un conjoint inconnu qui h rite Il en r sulte des proc s lesquels ont l avantage de faciliter l acc s au corpus testamentaire Cependant le proc s ne portant que sur les aspects financiers l autre partie du testa ment soit le texte manifeste n est pas toujours rendue accessible II s agit l autant de textes affirmant la foi reli gieuse le plaisir de vivre ou l amour prouv pour ceux que l on quitte que de textes haineux crits dans le but de blesser des proches ou d attaquer un syst me de valeurs Il y a aussi le texte aveu dans lequel un crime d ordre intime ou d ordre social est expliqu comme dans les Dix petits n gres d Agatha Christie En effet les auteur e s de fictions ne se sont jamais priv e s d utiliser le testament comme ressort de l action reconnaissant par l l influence que ce type de document a sur les survivants On peut noter par ailleurs que l utilisation litt raire du testament semble plus rare dans l criture qu b coise un peu comme si cette notion nous tait moins famili re qu elle ne l est aux Europ ens Cela est peut tre li au fait que nous n avions jusqu ici que peu de biens laisser en h ritage ou trop d h ritiers dans chaque famille pour que les legs soient importants Le second genre de mort manifeste donnant lieu un corpus int ressant est le suicide Tout suicide est en soi un m
11. qu avait pu tre la vie de tels individus quoi sert de vivre bien s il faut mal mourir Toutefois ces proc d s demeurent relativement primitifs compar s la r cup ration contemporaine de la mort En effet aujourd hui le manifeste de la mort est magnifiquement contrecarr par deux moyens apparemment contradictoires la n gation de la mort et la publicisation de la mort La mort est ni e en ce sens qu il est devenu presqu impos sible d y assister dans sa r alit On meurt cach et drogu dans un milieu artificiel et hygi nique Tout semble faux depuis l agonie d cente en pr sence de rares t moins adultes jusqu au cadavre maquill et pomponn artificiellement pr sent une foule dans laquelle se noient les r actions affectives fortes M me le cercueil n est plus descendu en terre devant la famille pour viter les larmes Ce n est que dans les semaines qui suivent le d c s d un proche que peu peu on se rend compte de sa disparition travers les gestes de la vie quotidienne La mort devient une absence progressive plut t qu un cri l absurde l injuste il n y a plus de col re Si le mort est un enfant ou s il s agit d un malade en phase terminale des psychologues cliniciens aideront la famille et le mourant traverser les tapes menant l acceptation de l in vitable Au moins dans ce cas on admet l existence de la mort mais on veut toujours la pr senter comme accepta
12. s faits ces domaines sont tout autant soumis aux pressions sociales que le sont des l ments quotidiens comme le travail ou l habitation La mort r cup r e Une des premi res r alit s que doit confronter l enfant est la mort souvent d couverte par le d c s accidentel d un animal partir de cet instant l individu pourra essayer d oublier son destin ce que nous faisons tous jour apr s L ULTIME MANIFESTE 121 jour mais in vitablement il se le fait rappeler de p riode en p riode Devant la menace de l abolition corporelle l individu se retrouve seul la vision personnelle de son destin peut influencer ses comportements et les rendre non conformes aux attentes sociales De plus la mort tant forc ment trou blante pour ceux qui y assistent car elle leur est un rappel il y a dans cet acte une possibilit de manifeste celui qui meurt peut influencer les autres I tait donc naturel que la soci t r cup re la mort pour en faire un acte social plut t qu un acte individuel Ainsi il y eu la bonne mort et la mauvaise mort de l glise catholique La bataille de la conversion in extremis autour des mourants ath s surtout quand ces mourants taient c l bres est un bel exemple de collectivisation d un acte individuel De m me la s pulture non consacr e et la mort non b nite des com diens et autres p cheurs permettaient de tenir un discours collectif annulant le discours individuel
13. t difficile obtenir les familles ne voulant gu re le communiquer Toutefois les pactes de suicide et les suicides collectifs donnent lieu des documents plus faciles d acc s plusieurs familles tant impliqu es et pouvant donc autoriser la consultation des documents II en fut ainsi dans le cas du suicide r cent de deux adolescents du Saguenay Lac Saint Jean qui permit la divulgation d un v ritable r quisitoire contre la soci t actuelle et l goisme des adultes d tenteurs exclusifs des emplois des biens mat riels et des espoirs d avenir Enfin la troisi me mort manifestaire n est pas proprement parler une source de manifeste En effet ce n est pas le sujet qui produit le document ou qui pose le geste mais plut t un t moin De plus le document n est pas un crit mais une photographie comme celle de ce Vietcong abattu d une balle en pleine t te par un officier sud vietnamien ou plus r cem ment les images de ce journaliste am ricain abattu de la m me fa on par un membre de la garde de Somoza Dans les deux cas ces images ont fait le tour du monde et aid la chute des responsables de tels actes Autrement dit l image L ULTIME MANIFESTE 125 d un cas individuel a eu plus de force que tous les chiffres que toutes les informations Dans un autre ordre de valeur mais dans un m me ordre d id es il est possible de rappeler la campagne de Green Peace et de Brigitte Bardot en faveur des b b s p
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