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1. droits de l homme constituent la n gation du p ch originel L affirmation identitaire si souvent invoqu e comme un droit part enti re ne va pas non plus sans ambigu t Vaut elle pour les indi vidus ou pour les groupes humains Si l identit personnelle est une construction relevant du libre arbitre elle ne peut se r sorber dans la simple all geance une communaut particuli re En l occurrence le droit de l individu prime sur celui que l on serait tent de reconna tre pi La cit les 100 ans d une id e neuve Il Culture s religion s et politique 13 14 la communaut laquelle il est dit appartenir Ce dernier terme la r flexion se r v le tr s contestable Nul tre humain n appartient au sens strict un groupe sauf fonder le principe d une all geance non consentie qui peut aller loin dans l ali nation La jeune femme qui refuse de porter le voile doit elle y tre contrainte au nom du pr tendu droit de sa communaut La femme malienne qui s insurge contre la mutilation traditionnelle du clitoris sera t elle consid r e comme trahissant sa culture La femme chr tienne qui refuse de r duire la sexualit la procr ation sera t elle stigmatis e par l autorit cl ricale homosexuel qui entend vivre librement sa sexualit devra t il subir les avanies d une tradition homophobe Ces exemples soulignent le danger que comporte l attribution2. une question mal pos e qui est celle du respect de toutes les cultures en rappelant que tout n est pas respectable dans les coutumes et que nulle civilisation ne doit chapper l esprit cri tique qui doit distinguer ce qui se donne comme culturel pour mieux s imposer savoir des rapports de domination et des normes contes N 1259 Janvier f vrier 2006 se tables et ce qui r ellement peut valoir comme patrimoine culturel L excision du clitoris les mutilations corporelles rig es en ch timent les r pudiations unilat rales d une femme par un homme sont autant d exemples de pratiques irrecevables Cette remarque est aussi vraie pour l Occident chr tien que pour les autres contr es du monde L galit des sexes la libert de conscience la reconnaissance des droits n y advinrent en effet que par des luttes qui bien des gards prenaient le contre pied des usages et des traditions Il n y a pas si long temps la notion machiste de chef de famille r gissait le mariage en France dans le plus pur sillage du christianisme traditionnel Le mari est le chef de famille il choisit le domicile conjugal et sa femme est tenue de le suivre Texte du livret de mariage jusqu en 1984 Une conqu te contre les traditions cl ricales chr tiennes La r alisation des id aux d mancipation n est que partielle dans les pays qui se disent les plus avanc s en la mati re on ne peut donc que r
3. rences lesquelles ils se reconnaissent L ouverture PERT l universel exclut l enfermement dans la ne peut aller Jusqu a incliner diff rence Mais l universel lui m me n est devant toute norme ou toute coutume l authentique partage de ce qui est ou peut tre commun tous les hommes que s il se con oit de fa on critique par d passement des particularismes et lib ra tion des r f rences culturelles par rapport aux relations d assujettisse ment Encore une fois cette lib ration n a rien d une n gation Elle s ef fectue partir du donn que constitue une certaine tradition s diment e comprise la fois dans sa valeur et dans ses limites Dans une telle perspective la la cit d finit le cadre le plus ad quat qui soit pour accueillir les diff rences culturelles sans conc der quoi que ce soit aux pouvoirs de domination et aux all geances qui pr tendraient s en autoriser Libert de conscience galit stricte des divers croyants et des humanistes ath es ou agnostiques autonomie de jugement cultiv e en chacun gr ce une cole la que d positaire de la culture universelle constituent en effet les valeurs majeures de la la cit La s paration de l tat et des glises wa pas pour fin de lutter contre les religions mais de mettre en avant ce qui unit ou peut unir tous les hommes croyants de religions diverses ou croyants et ath es L effort que chacun accomplit pour distinguer en l
4. d une quel conque pr s ance en mati re d affirmation identitaire aux groupes comme tels voire leurs repr sentants Le droit la diff rence c est aussi le droit pour un tre humain d tre diff rent de sa diff rence si l on entend par cette derni re la r ification de traditions de normes et de coutumes dans ce qui est appel ordinairement et non sans ambi guit une identit culturelle Octroyer des droits des communau t s comme telles cela peut donc tre courir le risque de leur ali ner les individus qui ne se reconnaissent en elles que de fa on mesur e et distanci e c est dire libre C est du m me coup se risquer consa crer une instance de mise en tutelle La philosophie de la la cit porte en elle une conception radicale de la libert qu a toute personne de se d finir libert thique impliquant le droit et le pouvoir de choisir son mode d accomplissement libert ontologique signifiant que chacun se choisit en son tre singulier et peut toujours se red finir Seule la mort transforme la vie en destin Disposer librement de ses r f rences culturelles Il faut donc identifier le point aveugle du communautarisme auquel tourdiment on croit devoir consentir par tol rance alors qu on risque ainsi de consacrer la mise en tutelle des individus Ici se pose malgr tout la difficile question du statut des r f rences culturelles communau taires consid r es
5. Culture cultures et la cit Si la culture fonde l autonomie de jugement et de la r flexion critique le fait d appartenir des cultures particuli res n autorise pas que l individu soit soumis des traditions oppressives La la cit est une conqu te des droits de l homme pour la libert individuelle Elle constitue le meilleur cadre pour accueillir par Henri Pena Ruiz philosophe ma tre de conf rences l IEP Paris membre de la commission Stasi sur l application du principe de la la cit dans la R publique Derniers ouvrages parus Grandes l gendes de la pens e Flammarion 2005 Le ons sur le bonheur Flammarion 2004 Qu est ce que la la cit Folio actuel Gallimard 2003 les diff rences culturelles sans rien conc der un quelconque pouvoir qui tendrait remettre en cause cette libert Dans la mise en cause de l id al la que l invocation de plus en plus fr quente des cultures voire des droits culturels joue un r le qu on ne saurait n gliger Parmi les reproches adress s la la cit par ses adver saires d clar s ou masqu s qui se disent adeptes d une la cit ouverte figure celui de son abstraction suppos e par rapport aux don n es culturelles et aux h ritages historiques Or un tel reproche devenu courant dans une certaine critique des id aux r publicains conjugue une confusion et deux m prises qu il conviendrait de dissiper La confus
6. ance avec un relativisme qui disqualifie tout rep re et tout principe de Affiche annon ant la c l bration du cinquantenaire de l cole la que le 14 juin 1931 litho en couleur pi La cit les 100 ans d une id e neuve Il Culture s religion s et politique 11 12 r f rence La seconde rend peu cr dible la perspective d int gration en confondant les traits particuliers d une civilisation et les principes universels capables de fonder la concorde entre les hommes Le negro spiritual sans l esclavage L impasse laquelle conduit chacune de ces voies est manifeste La ghetto sation et la mosa que des communaut s juxtapos es dont les fronti res sont souvent conflictuelles dessinent la figure d une d mo cratie qui se prive de toute r f rence un bien commun Figure cor respondant la premi re attitude et rep rable aujourd hui dans cer taines d rives communautaristes du monde anglo saxon Dans son film Just a kiss r alis en 2004 Ken Loach cin aste britannique engag qui n a cess de d noncer les injustices de la soci t de son pays ndlr raconte une histoire d amour qui transcende les clivages communau taristes de la Grande Bretagne Un jeune Pakistanais immigr tombe amoureux d une jeune femme anglaise Sa famille qui l a d j promis une cousine qu il ne conna t pas multiplie les obstacles Tradition Quant la jeune Anglaise sa liaison amoureuse sans ma
7. ans leur dimension authentiquement culturelle au sens dynamique l exclusion de toute norme oppressive qu elle peut avoir valeur universelle sans nier pour autant les r alit s particuli res L id al la que unit tous les hommes par ce qui les l ve au dessus de tout enfermement Il n exige aucun sacrifice des particularismes mais seulement le minimum de recul qui permet de les vivre comme tels sans leur tre ali n Le reproche qui lui est adress d en faire abstraction est un loge indirect il peut signifier que l mancipation la que ne r duit aucune personne la quintessence des influences qui se sont exerc es sur elle c est dire cr dite chacun de libert L mancipation par la culture universelle La la cit ne requiert pas des sujets humains abstraits d sincarn s elle refuse seulement de tenir pour culturels et respectables des rap ports de pouvoir fussent ils envelopp s dans des coutumes qui la longue les font para tre solidaires de toute une identit collective Difficile question des rapports entre droit politique et culture N 1259 Janvier f vrier 2006 B Contester une tradition r trograde ce n est pas renier ses racines mais distinguer les registres d existence en vitant de confondre la fid lit une culture et l asservissement un pouvoir La personne concr te se d couvre alors sujet de droit capable de vivre en m me temps sans les confondre la m moire viv
8. comme l ments de construction de l identit per sonnelle mais non comme facteurs oblig s d all geance Une culture qui pr tend s imposer n est plus une culture mais une politique Elle rel ve donc d un traitement politique avec droit de regard sur le sort qu elle r serve aux libert s D s lors tout individu doit pouvoir disposer libre ment de ses r f rences culturelles et non tre contraint par elles Il en est ainsi bien s r pour la religion qui ne peut sans bafouer les droits de la personne prendre la forme d un credo oblig C est dire que la libert l encore doit rester un principe intan gible L individu qui assume sa culture ne consent pas n cessairement toutes les traditions en lesquelles nagu re elle a pu s exprimer Il N 1259 Janvier f vrier 2006 B apprend la vivre comme telle c est dire comme une culture parti culi re que d autres hommes ne partagent peut tre pas Il apprend galement distinguer ce qui peut tre accept de ce qui est contes table il vit ainsi son appartenance de fa on suffisamment distanci e pour ne pas se fermer aux autres hommes pour viter tout fanatisme Or c est tr s exactement cette exigence qui conjugue affirmation et distanciation que relaye l int gration r pu blicaine pour faire advenir un monde com mun tous les hommes quelles que soient Le respect des cultures par ailleurs les r f rences culturelles dans et des diff
9. de en sym trie inverse exalte la diff rence en un communautarisme crisp repli sur des normes particuli res et ce au risque de compromettre la coexistence avec les membres des autres communaut s tout en niant les droits individuels Cette exaltation a parfois le sens d une affirmation pol mique contre une int gration qui se confondrait avec une assimilation n gatrice Les deux attitudes en ce cas s alimentent r ciproquement D o la n cessaire d finition d un quilibre ou plut t d une conception juste des principes de l int gration comme de l affirmation identitaire Une logique d int gration soucieuse de l gitimit aura pour principe de dis tinguer rigoureusement les exigences qui ont valeur universelle dans la fondation sociale et les traits particuliers d une fa on d tre collective d un h ritage culturel de coutumes sp cifiques Un tel partage n est pas toujours ais effectuer mais il est n cessaire lorsqu il s agit de d finir ce qui est l gitimement exigible au titre de l int gration Un exemple simpliste mais qui permettra d indiquer sommairement le sens de ce partage peut tre propos Dans une constitution r publi caine o les droits de l homme ont un r le fondateur la libert indivi duelle et l galit des sexes par exemple sont des principes qu aucune pratique culturelle f t elle coutumi re ou ancestrale ne saurait battre en br che Sur ce point rien n e
10. e d une culture et la conscience distanci e de certains usages dont elle entend s manciper Comment faire vivre par del les diff rences un espace public o le bien commun prend la forme d une mancipation par la culture uni verselle mais aussi d une r union exemplaire de jeunes tres que rien ne doit diff rencier en principe C est une telle question que r pon dent l id al la que et le dispositif institutionnel d mancipation de la puissance publique par rapport toute tutelle qu elle soit religieuse id ologique conomique ou m me m diatique Citoyen du monde aucun homme n est esclave de son milieu de vie comme l est un animal assign son environnement sp cifique Le milieu dit culturel et les traditions qu il v hicule sont certes influents mais nullement au point de dessaisir l homme de la libert qu il a de se d finir ou de se red finir selon la conscience qu il prend du juste et de l injuste Comment sinon les soci t s pourraient elles progresser Et que signifierait l id e qu aucune servitude n est fatale qu aucune tra dition n est sacr e d s lors qu elle porte atteinte aux fondements de la dignit humaine Assumer librement sa culture cela veut dire d abord la distinguer des rapports de pouvoir qui se m lent elle savoir les mettre distance et les valuer C est donc faire le partage justement entre un patrimoine qui tient c ur et des normes qui r
11. e l histoire et une c cit la g ogra phie Un retour sur l histoire montre l vidence que la la cit n est pas un produit spontan de la culture occidentale mais une conqu te accomplie dans le sang et les larmes contre deux mill naires de tradi tion jud o chr tienne de confusion mortif re du politique et du religieux Quant la g ographie elle nous apprend que l id al la que est d fendu aussi bien au Bangladesh avec Taslima Nasreen qu en Alg rie avec Ali Mecili qui fut assassin Il n est pas vrai que le mot la cit soit si peu r pandu il a son quivalent dans les grandes langues m me s il est peu usit dans certains pays en raison des survi vances du pouvoir religieux qui y r gnent L important d ailleurs n est pas dans le terme mais dans la nature des principes qui s y trouvent reconnus Un m me concept peut s exprimer avec des outils linguis tiques diff rents Certaines langues africaines ne disposent pas du verbe tre mais elles peuvent tout fait en exprimer d une autre fa on les fonctions signifiantes sans aucune perte de sens Dira t on gale ment que la raret s mantique de l expression droits de l homme dans certains pays marque bien la relativit culturelle d une telle r f rence et partant de sa valeur normative C est justement parce que la la cit r sulte d un effort pour mettre distance les traditions et les assumer seulement d
12. ejeter comme mystificateur l ethnocentrisme ou cette r criture de l histoire qui consisterait laisser croire que l Occident chr tien a pro duit naturellement les droits de l homme alors que ceux ci y furent conquis pour l essentiel contre la tradition cl ricale chr tienne Rappelons que l glise catholique a attendu le XXe si cle pour recon na tre la libert de conscience l autonomie de la d marche scienti fique et l galit principielle de tous les hommes croyants ou non toutes choses que le pape anath matisait encore en 1864 Elle a attendu le d but du troisi me mill naire pour demander pardon pour l antis mitisme catholique monstrueuse d rive de l antijuda sme reli gieux qu elle n a pas su emp cher l poque o pourtant elle disposait des leviers de l ducation et de la formation des consciences Ce n est pas sans cons quences que g n ration apr s g n ration les fid les ont appris et r p t la pri re traditionnelle que ponctuait l exhortation suivante prions pour les juifs perfides oremus perfidis judeis La notion de peuple d icide devenue un lieu commun de la culture chr tienne a d ailleurs d bouch r guli rement sur des pogroms de sinistre m moire en Europe En France monseigneur Freppel 1880 1891 v que d Angers et parlementaire apologiste et d fenseur des droits de l glise ndlr farouche adversaire de la la cit affirmait que les
13. es id es philosophiques du XVIII si cle Louis de Bonald s opposa la th orie du contrat social de Jean Jacques Rousseau D apr s lui les individus n ont aucune possibilit d action sur les lois qui r gissent nos soci t s et en sont encore moins les acteurs Quant Joseph de Maistre il a soutenu la supr matie temporelle du pape et la th ocratie 10 poser dans des ghettos mais les faire participer un monde commun Le geste d accueil a gard l humanit des hommes autant qu la fa on dont elle s est particularis e dans des coutumes Or la cr ation d un monde commun comporte des exigences Tout n est pas compa tible en effet dans les normes et les usages qui proc dent des civilisa tions particuli res ou si l on veut des cultures dans le sens ethno graphique du terme D s lors une tension peut appara tre entre cette vis e d un monde commun pr sente dans l int gration r publicaine et le respect de ce que l on appelle souvent non sans ambigu t les dif f rences culturelles Cette tension peut mettre en jeu deux attitudes extr mes qui souvent se nourrissent l une l autre La premi re attitude relevant d une confusion entre int gration r publicaine et assimilation n gatrice de toute diff rence comporte le risque de disqualifier l id e m me de R publique de bien commun aux hommes aux yeux des personnes victimes de cette confusion La seconde attitu
14. estent justi ciables de jugement critique Bien des chr tiens s insurgent aujourd hui contre l in galit des sexes pourtant affirm e et sanctifi e dans la Bible et pr gnante dans une tradition mill naire de civilisation marqu e par le christianisme Leur objectera t on qu ils trahissent ainsi la culture chr tienne En r alit l id al la que n a rien d abstrait au mauvais sens du terme il ne fait qu inciter ne pas confondre les registres de l existence La culture n est pas le droit m me si parfois les coutumes en se codifiant tendent s imposer comme normes L esprit de libert lors de la R volution fran aise consista mettre en cause ce droit coutumier simple expression de rapports de forces que des penseurs contre r volutionnaires comme Louis de Bonald et Joseph de Maistre voulaient au contraire figer par une sacralisation propre viter toute critique Deux impasses le droit la diff rence et la culture assimilationniste Ces remarques permettent de fixer le cadre d une r flexion sur les rap ports entre la cit et cultures afin de penser la valeur de l id al la que pour l int gration Accueillir des hommes ce n est pas les juxta pi La cit les 100 ans d une id e neuve Il Culture s religion s et politique 3 Louis de Bonald 1754 1840 et Joseph de Maistre 1753 1821 Philosophes et crivains politiques fran ais ils ont tous deux combattu l
15. icale Cet effort est celui l m me qu ont faire les hommes pour apprendre vivre ensemble dans le respect de leurs libert s de penser et d agir N en d plaise ses d tracteurs l id al la que porteur d mancipation concr te a un bel avenir lt F j HAM d Henri Pena Ruiz La la cit ou la diff rence ente le collectif et le public A PUBLI Dossier La cit mode d emploi n 1218 mars avril 1999 16 N 1259 Janvier f vrier 2006 B
16. ion est celle du concept humaniste et dynamique de culture avec sa notion ethnographique et statique La culture au sens tymolo gique c est le processus de transformation de la nature en vue d une fin utile l homme Ainsi de l agriculture qui fait d une friche un champ de bl pour nourrir Ainsi galement de l tude r fl chie et du travail sco laire qui cultivent l humanit pour la rendre plus forte et plus lucide Processus dynamique donc qui d passe la r alit donn e voire la remet en question afin de l am liorer Or les hommes n ont pas seulement affaire au donn d une nature brute la longue ils ont aussi en face d eux le donn d une soci t particuli re qu ils peuvent vouloir changer s il ne les satisfait pas Les ressources de la culture intellectuelle des uvres de la pens e sont alors pr cieuses pour forger l esprit critique et soumettre toute tradition la question de sa l gitimit La culture c est donc la ma trise du savoir et de la pens e qui fonde l autonomie de juge ment et l exercice de la r flexion critique L appartenance un groupe humain une soci t particuli re ne peut d s lors se r duire une sou mission passive aux traditions h rit es elle se conjugue avec la capacit de distance critique leur gard Les esclaves qui refusent l esclavage donn comme naturel les femmes qui r cusent la notion machiste de chef de famille ou le port du voile
17. l indignation en affirmant que les droits de l homme reconnus en Occident n avaient pas de valeur pour la Chine compte tenu de sa culture Or c est un raisonnement du m me type qui conduit insi nuer que la la cit est une figure historique et g ographique relative typiquement fran aise dit on en insistant La chose est d autant plus trange qu elle vient de personnes qui d clarent par ailleurs leur pi La cit les 100 ans d une id e neuve Il Culture s religion s et politique 1 M decin de formation l crivaine bangladeshi Taslima Nasreen a d nonc travers ses crits l oppression des femmes par les int gristes musulmans de son pays Accus e de blasph me contre l islam elle a t l objet d une fatwa mise par des mollahs extr mistes et s est exil e en Su de dont elle vient d acqu rir la citoyennet 2 Ali Mecili avocat num ro 2 du FFS Front des forces socialistes parti historique d opposition a t abattu Paris en 1987 L id al la que unit tous les hommes par ce qui les l ve au dessus de tout enfermement attachement la la cit Peut tre les dirigeants chinois voqu s admettraient ils des droits de l homme ouverts comme d autres n ad mettent de la cit qu ouverte c est dire red finie Pr senter la la cit comme une donn e culturelle c est conjuguer une trange amn sie l gard d
18. les m res qui refusent l excision du cli toris pour leur fille ne renient pas leur culture elles manifestent sim plement leur d sir de vivre librement leur rapport elles Cela implique qu elles puissent d noncer et combattre ce qui se donne comme cultu rel pour mieux se soustraire la contestation N 1259 Janvier f vrier 2006 se Le remords de l ethnocentrisme colonial C est ce point pr cis que l ambigu t du mot culture appara t pleine ment et se conjugue la mauvaise conscience de ceux qui croient devoir purger ind finiment un sentiment de culpabilit au regard de l aven ture coloniale Celle ci fut d testable en effet et elle eut pour couver ture id ologique un certain ethnocentrisme occidental qui conduisait d nier les cultures des peuples soumis Mais faut il se rattraper en se prosternant d sormais devant ces cultures sans gard ce qui en elles m rite approche critique ou au contraire loge cibl Le souci de discernement rejette ici le tout ou rien et r cuse toute hi rarchisa tion abstraite des cultures comme celle que propose l id ologue am ri cain Samuel Huntington cf son ouvrage The clash of civilisations 1998 Il faut maintenant voquer le second concept de culture forg par l ethnologie Il recouvre justement la fa on d tre collective d un peuple telle qu elle se configure partir des traditions et des usages qui l orien
19. riage et de surcro t avec un homme d une autre communaut en fait vite une r prouv e Ken Loach d nonce ainsi les risques bien r els de l enfer mement communautariste Quant la deuxi me attitude si elle semble en partie r volue depuis la critique d cisive des id ologies colonialistes et thnocentristes elle peut resurgir sous des formes renouvel es dans les racismes modernes que ne manque pas de nourrir la crise conomique et sociale li e la loi du dieu March et au lib ralisme d brid qui lui correspond Il faut donc adopter une troisi me voie celle de la s paration m thodique du patrimoine culturel et des rapports de pouvoir ou des normes qui leur sont li s Les rapports f odaux de servage ont eu quelque chose voir avec l art des troubadours mais l admiration de ces derniers n implique nul consentement aux rapports d assujettisse ment qui lui ont t associ s Les negro spirituals ne sont pas sans rap port avec l esclavage des Noirs en Am rique mais l vidence le patri moine culturel qu ils repr sentent en est rigoureusement dissociable La culture li e au christianisme v hicula longtemps la soumission de la femme l homme comme le fait aujourd hui aussi une certaine inter pr tation du Coran Mais le respect des cultures et des diff rences ne peut aller jusqu s incliner devant toute norme ou toute coutume ici intervient la s paration voqu e On sortira donc d
20. st v ritablement n gociable ce qui ne veut pas dire que rien ne doit tre fait pour mettre en vidence le sens et la valeur de tels principes ainsi que les exigences qui en proc dent Les pratiques quotidiennes les usages familiaux et l ensemble du patri moine esth tique et affectif en revanche doivent tre respect s en leur libre affirmation et reconnus si l on veut en leur diff rence Toute la difficult appara t bien s r d s lors que des normes d as sujettissement interpersonnel se trouvent impliqu es dans le patri moine culturel ainsi respect Faut il s abstenir de les juger sous pr texte que le droit la diff rence ne saurait tre relativis Faut il au N 1259 Janvier f vrier 2006 B Bridgeman Giraudon Private Collection Archives Charmet contraire rejeter globalement une culture sous pr texte que des rap ports d assujettissement y sont impliqu s La premi re posture d sarme souvent devant l inacceptable et conduit une sorte de servi tude La seconde renoue avec l ethnocentrisme et s apparente au refus de toute diff rence culturelle sous pr texte de d fendre la justice Il est d ailleurs peu probable qu une telle d fense soit comprise et admise d s lors qu elle se solidarise avec une attitude de rejet global dans laquelle on peut fort bien identifier une posture d intol rance et de refus de l autre La premi re attitude confond bien vite la tol r
21. tent et la r gulent un moment de son histoire En en souli gnant le caract re syst matis les ethnologues ont sans doute voulu marquer la coh rence propre de chaque type de soci t Coupe trans versale reliant tous les aspects du vivre ensemble dans une situation chaque culture constitue un objet d tude que l analyse structurale tend figer Exigence m thodologique Mais par un glissement courant le souci thico politique de substituer le respect des cultures l ethno centrisme colonialiste tend oublier que les cultures ainsi comprises peuvent v hiculer des traditions oppressives Et le refus de d solidari ser certains traits culturels des ensembles o ils prennent place conduit d s lors soup onner toute critique qui les viserait d irrespect l gard des cultures prises comme des totalit s L approche statique des cul tures fait ainsi obstacle la conception de la culture comme approche dynamique et critique La la cit est une conqu te La seconde m prise li e d ailleurs la premi re consiste voir dans la la cit un produit culturel et de ce fait en sugg rer la relati vit Autant dire que la p nicilline invent e par un cossais le docteur Flemming n a de vertu curative que pour les cossais ou que l Habeas corpus reconnu d abord en Angleterre ne doit valoir que pour les Anglais Il n y a pas si longtemps certains politiques chinois avaient soulev
22. ui ce qu il sait et ce qu il croit pour prendre conscience de ce qui peut l unir d autres hommes sans exiger d eux qu ils aient la m me confession ou la m me vision du monde est le corollaire d un tel id al Dans des soci t s sou vent d chir es l id al la que montre la voie d un humanisme critique d un monde v ritablement commun Nul besoin pour cela que les hommes renoncent leurs r f rences culturelles il leur suffit d iden tifier les principes qui fondent le vivre ensemble sans l ser aucun d entre eux Le croyant peut fort bien comprendre qu un marquage confessionnel de la puissance publique blesse l ath e Et celui ci r ci proquement peut fort bien admettre qu un tat qui professerait un ath isme militant serait mal accept par le croyant La la cit de la puissance publique c est l affirmation de ce qui est commun aux hommes la neutralit confessionnelle n est donc que la cons quence du principe positif de pleine galit Ceux qui au nom d une religion ou pi La cit les 100 ans d une id e neuve Il Culture s religion s et politique d une id ologie entendent disposer d emprises publiques usurpent en fait le bien commun comme le fait le cl ricalisme captation du pou voir temporel des fins religieuses ou politiques La la cit requiert un effort d ouverture et de retenue tout la fois puisqu elle entend pr server la sph re publique de toute captation cl r
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