Les usages du chat chez les jeunes des classes populaires
Contents
1. La prise en main d Internet La notion de d mocratisation est au centre des politiques d acc s public Internet en France depuis que le Programme d Action Gouvernemental pour la Soci t de l Information id ologiquement les politiques publiques en la mati re 4 Notons toutefois que les auteurs qui stigmatisent avec emphase cette notion se gardent bien d en expliciter le sens qu ils lui attribuent et contribuent de cette mani re r introduire dans le d bat scientifique les principes id ologiques qu ils se sont vertu s vacuer De plus les auteurs vis s comme appartenant ce courant en r futent l appartenance C est le cas par exemple de Marshall Mc Luhan qui repr sente dans la litt rature de la sociologie des usages la figure de proue de cet adversaire conceptuel abattre 5 Les ECM sont des lieux publics d acc s Internet Ils ont t cr s en 1998 et sont soutenus par le Minist re de la Culture et de la Communication 6 Cette situation de voisinage a une incidence non n gligeable sur les modalit s de fr quentation du lieu et sur l intensit des usages qu ils font d Internet La proximit g ographique entre les lieux d habitation et ECM a en effet favoris une plus grande libert dans les allers et venues la salle multim dia Ces visites fr quentes ne sont pas pr c d es de la r servation d un poste informatique telle que le pr voit la gestion administra2. Paris 23 Ou ripp s Cette terminologie d signe les actes de piratage informatique qui consistent d verrouiller les protections num riques des logiciels 24 On peut nommer attitude technologique celle qui fait qu un homme ne se pr occupe pas seulement de l usage d un tre technique mais de la corr lation des tres techniques les uns par rapport aux autres 1989 p 145 11 BOULLIER Dominique amp AKRICH Madeleine 1991 Le mode d emploi gen se forme et usage in D Chevalier dir Savoir faire et pouvoir transmettre Editions de la Maison des sciences de l homme Paris p 113 131 BOURDIEU Pierre 2002 1984 Ce que parler veut dire in Questions de sociologie Editions de Minuit Paris p 95 112 CONEIN Bernard 1997 L action avec les objets Un autre visage de l action situ e in Cognition et information en soci t s dir B Conein amp L Th venot Ed EHESS Raisons Pratiques n 8 Paris p 25 46 DODIER Nicolas 1993 Les ar nes des habilet s techniques in Les objets dans l action De la maison au laboratoire s dir B Conein N Dodier L Th venot Ed EHESS Raisons Pratiques n 4 Paris p 115 139 GRANJON Fabien 1999 De l appropriation militante d Internet en contexte associatif Engagement distanci et sociabilit s digitales Communication n 2 vol 19 HERT Philippe 1999 Quasi oralit de l criture
3. ECM Elles sont en grande partie court circuit es par les logiques et les valeurs communes qui les rassemblent d brouillardise sens de l humour de l honneur et de l amiti valorisation de la virilit etc Les effets de groupe observables dans PECM orientent notamment les usages du chat vers l invention d un jeu d une toute autre nature que celui qui a t envisag pr c demment Il consiste se r unir dans ECM entres copains du quartier annexer le plus grand nombre d ordinateurs se connecter sur un chat se concerter sur une cible et fondre plusieurs sur elle afin de la couvrir d insultes en tout genre Cet usage agressif du chat ne doit pas tre envisag simplement comme une prolongation de la longue liste des incivilit s attribu es commun ment ces jeunes Il s inscrit aussi dans le 21 Cette th matique du mensonge est convoqu e de mani re r currente par les jeunes qui chattent depuis un certain temps Elle est oppos e leur d sir d authenticit des rapports humains Ces suppos s mensonges rel vent en fait de la manipulation de son identit telle que la pratique aussi ces jeunes en modifiant leurs ges leurs qualit s physiques etc 22 La cible est en g n ral un internaute qui a r pondu aux propos volontairement provocateurs tenus par un des jeunes au sein d un salon c est dire de l espace commun de discussion d un chat cadre
4. valuer ses propres potentialit s Ces preuves proc dent donc d un mode agonistique dont l issue d bouche fatalement sur l appr ciation d un succ s ou d un chec Les chats rel vent pour les jeunes de l ECM d un usage essentiellement ludique qui n chappe pas aux op rations d auto valuation et aux commentaires des autres C est dans ces preuves et ces jugements que les jeunes puisent des marques d estime de soi qui vont infl chir leurs pratiques internautes ici dans le sens d une d saffection pour les chats 2 1 Le chat ar ne de la drague La drague est le premier motif invoqu par nos interview s pour justifier l usage des chats Dans la p riode pr adolescente cette occupation ne peut tre entreprise qu en se pr servant autant que faire se peut dans un lieu public du regard des autres usagers et surtout de celui des pairs La drague est en effet per ue ce moment l comme une activit d couvrir seul au risque de devenir en cas de d couverte la ris e des membres du groupe Si les tentatives de drague sur les chats r pondent bien au besoin d explorer les identit s sexu es en commen ant par la sienne elles sont aussi l occasion pour nos enqu t s de confronter la valeur de leurs identit s sociales et culturelles sur le march des identit s virtuelles L nonciation r flexive des pr adolescents repose ici sur la mise l preuve de ce que Ricoeur
5. 1990 appelle des op rateurs d individualisation pseudonymes description de soi et indicateurs divers Les pseudonymes qu ils choisissent pour se faire admettre sur les chats font souvent allusion leur capital de s duction Charmeur S ducteur etc ou leur appartenance marseillaise ZizoudeMars OM etc Bien qu Internet soit un m dia d territorialis ce sont pr cis ment les indices de contextualisation g ographiques qui sont les plus fr quemment cit s dans les pr sentations de soi confirmant ainsi que la ville de Marseille et plus encore son quipe de football constituent une r f rence identifiante de valeur s re quand bien m me elle conduit des chauffour es virtuelles avec ceux qui ont choisi celle du PSG Au del les actes de langage nonc s sur les chats trahissent tant sur le fond que sur la forme le degr de comp tence linguistique de ces jeunes Si le chat garantit bien leur anonymat il ne leur permet pas de masquer les marqueurs stylistiques de leurs identit s langagi res D j peu l gitime sur le plan scolaire le parler vernaculaire de ces jeunes marseillais est doublement mis en ins curit sur les chats o la souplesse communicative apparente du parler crit d gag de toute norme litt raire n en demeure pas moins conventionnel Ainsi la mani re dont sont utilis es les abr viations rituelles de salutation les styles t l
6. graphiques ou quasi phon tiques les phras s syncop s l usage des onomatop es tir es de la culture BD et celui des smileys constitue autant d indices qui autorisent les participants d un chat faire des inf rences sur l identit vraisemblable des locuteurs en pr sence La comp tence linguistique d un chatteur repose ainsi sur la performance par laquelle il affiche la ma trise de son propos gr ce des figures de mot ou de pens e altern es subtilement entre ce que Bourdieu 1984 nomme l hypercorrection et l hypocorrection La pertinence avec laquelle s accomplit cette performance est d cisive pour qu une forme de coop ration puisse avoir lieu sur un chat Les jeunes de l ECM 17 C est ce que met en avant D Pasquier 2002 en prolongeant ses travaux sur les s ries t l vis es 1999 sur le terrain des chats adolescents afin d interroger les modalit s et les strat gies par lesquelles filles et gar ons s interpellent virtuellement 18 La comp tence linguistique d signe la connaissance tacite de la structure de la langue qui permet un locuteur de produire une s rie infinie de phrases 19 Par exemple ASV pour la question Age Sexe Ville 20 Ou moticons Il s agit de petites figures graphiques construites partir des lettres de ponctuation Lues en format italien elles indiquent l tat d esprit du chatteur par exemple pour n chappent
7. lectronique et lien social la construction du vraisemblable dans les communaut s scientifiques R seaux vol 17 n 97 p 211 259 JOSEPH Isaac 1998 Erving Goffman et la microsociologie PUF Paris JEANNERET Yves 2000 Y a t il vraiment des Technologies de l Information Presses Universitaires du Septentrion Paris LABOV William 1978 Le parler ordinaire La langue des ghettos noirs des Etats Unis Editions de Minuit Paris LATOUR Bruno 2000 La fin des moyens R seaux vol 18 n 100 p 39 58 LELONG Beno t 2002 savoir faire technique et lien social L apprentissage d internet comme incorporation et autonomisation in La r gularit Habitude disposition et savoir faire dans l explication de l action s dir C Chauvir amp A Ogien Ed EHESS Raisons Pratiques n 13 Paris p 265 292 LEPOUTRE David 1997 C ur de Banlieue Codes rites et langages Editions Odile Jacob Paris NORMAN Donald A 1993 Les artefacts cognitifs in Les objets dans l action De la maison au laboratoire s dir B Conein N Dodier L Th venot Ed EHESS Raisons Pratiques n 4 Paris p 15 34 PASQUIER Dominique 2002 Pratiques du chat par les adolescents usages et formes de sociabilit Communication aux Rencontres des Espaces Culture Multim dia Auditorium du Conservatoire d Issy les Moulineaux PASQUIER Dominique 1999 La culture des sentiments L exp rience t l visuel
8. une trentaine d ann es habitant un quartier populaire du nord de Marseille L ECM tant g n ralement anim par deux personnes un recrutement devrait prochainement avoir lieu 11 Voir en particulier le guide intitul Internet dans les quartiers dit par le ministre d l gu la ville dans le gouvernement Jospin Claude Bartelone http www ville souv fr pdf editions internet quartiers pdf Chez les adolescents le dialogue est presque toujours une drague gar on fille Pouts Lajus amp Ti vant 1999 p 11 Ces observations parce qu elles confinent au domaine du sensible conduisent les auteurs supposer que par le chat les filles apprennent quelque chose ce qui est sans doute moins vrai des gar ons ibid p 12 La raison avanc e serait que les simulations de drague qui s op rent sur les chats seraient mieux mises profit par les filles que par les gar ons dans la tentative d exploration de l alt rit sexuelle Nos observations et nos entretiens ne permettent pas de v rifier ce point l ECM o nous avons men notre enqu te tant essentiellement fr quent par des groupes de gar ons adolescents Cependant les donn es recueillies laissent appara tre comme nous le d velopperons plus loin que la drague ou du moins la possibilit d interagir virtuellement avec des filles constitue une des premi res motivations pour se rendre sur un chat indiquant par l que la d cou
9. d tournement de son usage Ceci est peut tre particuli rement saillant dans le cas de ces jeunes pour qui l objet Internet agit de part le statut institutionnel de l ECM comme un r v lateur du rapport qu ils entretiennent aux normes dominantes de la culture Ainsi m me si PECM de la Friche la Belle de Mai bute sur la transmission d une attitude culturelle au sens institutionnel du terme vis vis des nouvelles technologies il favorise l adoption de ce que Gilbert Simondon nomme une attitude technologique C est donc par l interm diaire de logiques souterraines que paradoxalement l ECM renoue avec ses ambitions premi res BIBLIOGRAPHIE ARNAUD Michel amp Jacques PERRIAULT 2002 Les espaces publics d acc s Internet Presses Universitaire de France collection Education et Formation Paris BEAUDOIN Val rie amp Julia VELKOVSKA 1999 Constitution d un espace de communication sur Internet forums pages personnelles courrier lectronique R seaux vol 17 n 97 p 121 178 BECKER Howard S 1985 Outsiders Etudes de sociologie de la d viance Editions M taili Paris BECKER Howard S 1988 Les mondes de l art Flammarion Paris BESSY Christian amp Francis CHATEAUREYNAUD 1995 Experts et Faussaires Pour une sociologie de la perception Editions M taili Paris BOLTANSKI Luc amp Laurent THEVENOT 1990 L amour et la justice comme comp tences Editions M taili
10. donc pas aux jugements port s sur les inf rences conversationnelles et sur leurs capacit s jouer de la commutation de code Joseph 1988 p 93 la cons quence en est qu ils sont parfois exclus des chats par les mod rateurs voient leur interlocuteur couper court la conversation se trouvent eux m mes court d inspiration etc M me lorsque certaines de ces conventions sont acquises dans le temps au cours des fr quentations assidues du chat le travail de figuration consistant interpeller des participant e s tout en maintenant les modes d nonciation jug s efficaces pour y parvenir repose encore sur un hiatus entre attentes convenues et convenances attendues qui d borde de loin le cadre restrictif des chats Certains des plus aguerris de nos interview s font tat d une exp rience g n ralement d cevante lorsqu une rencontre effective avec une jeune fille a bien lieu suite un rendez vous pris sur un chat L chec de cette exp rience reposerait selon les jeunes sur la d couverte de mensonges prof r s par ces jeunes filles lors du dialogue en ligne Il s inscrit plus certainement dans l conomie g n rale du rapport au genre f minin qu ils entretiennent dans leurs modes de sociabilit Les effets de r el de ces exp riences peuvent conduire une rectification progressive des modes d nonciation employ s respect humour ironie etc Mais l exp rience de
11. la notion de prise dont la saisie favorise le processus de routinisation de l usage partir des plis log s dans la mati re des objets Bessy amp Chateaureynaud 1985 Pour autant il faut veiller ne pas r habiliter clandestinement les explications causalistes na ves ou du moins insuffisamment complexifi es qualifi es de d terminismes technologiques Cet cueil peut tre vit en embo tant modestement les pas de Bruno Latour dans son projet qui vise r tablir la sym trie entre les moyens techniques utilis s et les fins sociales vis es Bruno Latour 1999 et ce dans l esprit de tol rance envers la technique auquel engageait avant lui Gilbert Simondon La culture se conduit envers l objet technique comme l homme envers l tranger quand il se laisse emporter par la x nophobie primitive Le mison isme orient contre les machines n est pas tant haine du nouveau que refus de la r alit trang re Simondon 1989 p 1 Le terrain sur lequel nous avons relev l essentiel de nos donn es empiriques au cours des trois derni res ann es observations in situ et entretiens semi directifs est un Espace Culture Multim dia ECM situ dans l enceinte de la Friche la Belle de Mai structure socioculturelle implant e la lisi re des quartiers nord de Marseille Les publics qui fr quentent cet ECM sont en majorit des adolescents issus de l immigration peu dot s en
12. la rencontre produit aussi une m fiance accrue envers les propos tenus par les interlocuteurs sur les chats Ainsi pour les interview s les plus g s 16 18 ans la drague sur les chats est per ue comme une pratique juv nile et pu rile La d ception face l chec de la drague comme plus largement leurs difficult s entrer en relation sur les chats conduit les jeunes d sinvestir peu peu cette pratique 2 2 PECM ar ne de la vanne Nous avons vu que dans la p riode pr adolescente l usage des chats pouvait tre mis l preuve des modes d nonciation de soi cette phase pouvant conduire l arr t de la pratique ou du moins adopter un principe de pr caution bas sur la m fiance Toutefois les difficult s prouv es pour d finir les bons marqueurs stylistiques de son identit langagi re ne se vivent pas uniquement dans un rapport individualis au chat Il faut aussi prendre en compte dans l analyse la dimension collective qui fa onne les appropriations et les rejets individuels de cet outil Or la singularit des dispositifs tels que les ECM repose pr cis ment sur leur dimension collective L encadrement des usages d Internet selon les modalit s que nous avons voqu es ci avant contr le surveillance n gociation est de nature lui aussi incliner ou d cliner les pratiques du chat Mais ces mesures n agissent pas directement sur les jeunes qui viennent l
13. objets informationnels qu il appelle artefacts cognitifs Dans les deux cas ces objets n cessitent une interface qui contraint l usage travers la conscience diffuse de ce que l on veut faire et de ce que l on peut faire avec l objet appr hend Nous pensons alors que le chat parce qu il est mobilis dans les activit s quotidiennes de nos jeunes enqu t s constitue une interface de ce type la mani re du cd rom dans les biblioth ques Pedler amp Zerbib 2001 le chat dans l ECM peut tre vu comme un support d acquisition de comp tences techniques qui tend vers nos usagers des passerelles susceptibles de diminuer l appr hension face la complexit de l univers sociotechnique d Internet La dimension ordinaire et routini re des chats ne doit donc pas conduire l effacement des asp rit s par lesquelles cet outil se laisse saisir par les jeunes au cours de leurs apprentissages Ces prises la mani re d un grimpeur face un rocher constituent des rep res visuels et manuels qui facilitent la progression et l autonomie Les styles d usage qui attestent de P incorporation Lelong 2002 de sch mes interm diaires de perception savoir faire tacites sont utiles en retour pour conforter les intuitions de l usager dans la d couverte progressive des sch mes de fonctionnement d Internet habilet s techniques Les observations montrent que la plupart du temps les usages d I
14. que le chat participe malgr tout d une amorce bien qu ils le per oivent comme une activit triviale voire superflue Il n emp che celle ci offre une ressource p dagogique inopin e pour les animateurs Ceci se concr tise par l int gration formelle des chats en fin des programmes d initiation Internet de fa on laisser les d butants se faire la main ou en fin d atelier de mani re r compenser les bonnes volont s qui participent aux animations A partir de l il devient possible de r envisager la pratique intensive du chat dans ECM partir des plis que cet outil est potentiellement susceptible d offrir aux jeunes Pour d signer ces propri t s actionnables entre les objets et les individus la psychologie de la perception a longtemps utilis le concept d affordance Pour Gibson les affordances sont avant tout des relations naturelles et qui par l n ont pas vocation tre visibles Ce point ne pouvant par d finition tre empiriquement v rifi la notion de prise semble plus m me de proposer des perspectives m thodologiques op rantes Ceci a d j t soulign par Norman 1993 qui confront la difficult d appr hender la notion dans toute sa complexit op re une distinction entre affordance r elle et affordance per ue Norman identifie alors deux types d objets les objets manipulables qui facilitent le mouvement et les
15. Les usages du chat chez les jeunes des classes populaires de la prise en main la mise l preuve Les tapes d une pratique transitoire Fabien Labarthe R sum L objet de cet article est de d crire la mani re dont les jeunes des classes populaires abordent la pratique du chat et la place que celui ci occupe au sein du processus d initiation Internet Nous voudrions montrer que le chat constitue pour ces jeunes une v ritable entr e en mati re dans l univers sociotechnique de l informatique en r seau Au cours des itin raires d apprentissage ici appr hend s dans le contexte particulier d un Espace Culture Multim dia le chat offre clandestinement des savoir faire tacites qui favorisent le d veloppement de comp tences techniques Cette phase d ajustement que nous qualifions ici de prise en main ne saurait n anmoins tre envisag e en dehors de la mise l preuve qui la fait juger moralement Les appr ciations port es par les pairs et les animateurs multim dia en charge de l acc s public influent sur la fa on dont ces jeunes con oivent et utilisent les chats Les moqueries et autres remarques d sobligeantes ainsi que les difficult s rencontr es par les jeunes pour entrer en relation sur le chat les conduisent d sinvestir peu peu cette pratique et reconvertir leurs savoir faire vers de nouveaux usages Ainsi le chat appara t il chez les jeunes des classes populaire
16. a mise l preuve Les nouvelles approches cognitivistes et pragmatiques ont rendu possible un tel traitement des choses en montrant que les Nouvelles Technologies de l Information et de la Communication constituent avant tout une source d information pour l action et non simplement pour la connaissance Conein 1997 Ces 1 Celles ci posent de fa on cyclique un regard tant t euphorique tant t alarmiste sur les cons quences que font peser ces technologies sur le devenir de la vie en soci t 2 Le chat prononc tchat est un espace virtuel de rencontre Il se distingue des autres outils de communication cit s en ce qu il permet une synchronisation quasi simultan e et r ciproque des changes langagiers Les individus sont identifi s sur les chats par un pseudo de leur choix et peuvent communiquer soit en participant la conversation commune qui appara t sur le canal central soit en engageant une conversation priv e dans un salon cr pour l occasion Tous les grands portails d acc s Internet offrent des chats Parmi ceux qui sont les plus utilis s par les jeunes de l ECM citons caramail com tchache com ou encore skyrock com 3 Ce renversement permet de prendre contre pied les discours utopistes concernant l acc s au savoir qui ont accompagn la diffusion des NTIC dans le corps social et qui impr gnent encore aujourd hui approches sont centr es sur
17. anentes plus ou moins consenties entre des animateurs plus ou moins indulgents et des adolescents plus ou moins obstin s Dans cette configuration le chat peut se r v ler une solution de recours satisfaisante pour ramener le calme dans la salle sans que l animateur ait endosser le r le ingrat de surveillant La t che la plus ardue qui revient aux animateurs consiste en r alit nouer des relations interpersonnelles avec chacun des jeunes qui fr quentent ECM Les discussions informelles les demandes de nouvelles les interpellations ou les mises au point se d roulent toujours en dehors de la salle multim dia afin de pr server l intimit des r cits et parfois m me des confessions concernant les diff rents aspects de la vie quotidienne des jeunes Sans l instauration de ce lien privil gi ils ont des difficult s convaincre certains d entre eux de participer aux divers ateliers qu ils organisent Cette part centrale des activit s des animateurs parce qu elle exc de le cadre formel de leurs pr rogatives est rarement reconnue par l institution qui les recrute elle peut m me parfois lui para tre suspecte en ce qu elle est assimil e de l inactivit Cette tendance la n gociation et les efforts de responsabilisation sont clairement observables dans l volution des consignes du r glement int rieur qui 12 C est ce dont t moignent aussi les d bats r currents sur le chat pr s
18. capitaux conomique et culturel et pour la plupart en situation familiale monoparentale Nos enqu t s sont des gar ons g s de 12 18 ans qui vivent ou ont v cu dans le quartier de La Belle de Ma Ils sont au coll ge ou au lyc e dans des fili res techniques et quelques uns sont en rupture d tudes L objet de cet article est de d crire la mani re dont ces jeunes abordent le chat et la place que celui ci occupe dans leur initiation Internet Nous voudrions montrer que l usage du chat ne rel ve en rien d une pratique stabilis e mais bien au contraire ouvre la voie vers de nouvelles pratiques exploratoires En repla ant le chat non pas simplement dans la s rie paradigmatique dans lequel son usage s ins re mais aussi dans la s rie syntagmatique qui le relie au processus d appropriation d Internet il devient possible de recomposer les itin raires d apprentissage des jeunes qui fr quentent l ECM L observation longitudinale permet de mettre en vidence travers le prisme des pratiques permanentes mais diff renci es du chat un changement processuel dans les carri res Becker 1985 d internaute de nos jeunes enqu t s Notre id e est que le chat loin d tre sans cons quence constitue pour nos enqu t s une v ritable entr e en mati re au sens propre comme au figur dans l univers du vaste ensemble technologique que constitue un ordinateur connect Internet 1
19. des joutes oratoires bien connues des sociolinguistes par lesquelles les jeunes des classes populaires s changent sur le ton de la plaisanterie des insultes rituelles Labov 1978 Labov op re une distinction clairante entre insulte et vanne en ce qu elles instaurent toutes deux un rapport diff rent au r el et dans ses principes et dans ses cons quences Alors que l insulte consiste en une offense verbale visant atteindre l int grit de celui qui elle est adress e la vanne consiste quant elle sur un mode premi re vue tout aussi virulent accro tre la r putation de celui qui l a nonc e aupr s de ses pairs Les moqueries acerbes sont tr s fr quentes dans les interactions verbales quotidiennes des jeunes qui viennent ECM Ces vannes sont aussi adress es sur un mode ludique comme des clins d il r parateurs ou des mises au d fi symboliques aux autres usagers de ECM ainsi qu aux animateurs sans que l enqu teur ne soit bien s r oubli Sur les chats si ces changes demeurent virtuels la v h mence des propos n en demeure pas moins r elle On pourrait m me consid rer l aune des vannes quotidiennes qui ont cours dans l ECM que les vexations profess es sur les chats s apparentent des insultes De fait les changes verbaux sont particuli rement obsc nes Cette virulence est autoris e par la configuration m me des chats les interactants n ta
20. ents sur les listes de diffusion des espaces publics au sein desquels les animateurs donnent leurs avis t moignent de leurs exp riences ou proposent des solutions 13 Ces conversations tournent autour des situations familiales des v nements scolaires de la vie de quartier ou encore des ennuis ventuels avec la police 14 Les ateliers sont g n ralement organis s en collaboration avec des artistes en r sidence la Friche Par exemple atelier d criture vid o graphisme etc insistaient dans ses premi res versions sur l interdiction de certaines pratiques internautes puis par la suite davantage sur les codes de bonne conduite observer vis vis des individus pr sents dans la salle multim dia comme lors de dialogues sur les chats 1 2 Le chat comme support d acquisition de comp tences techniques Les d veloppements r cents consacr s l usage des objets techniques Akrich Boullier 1991 ont montr que l acquisition de comp tences d pendait davantage d une familiarisation par t tonnements et habituation que d une transmission m diatis e des savoir faire mode d emploi formateur et ici animateur multim dia Outre ses propri t s distrayante et r cr ative la pratique persistante du chat peut contribuer consolider ou inciter la fa on d une rampe de lancement les premiers usages balbutiant d Internet C est ce que rel vent confus ment les animateurs lorsqu ils conc dent
21. fique comme une succession de probl mes que l humanit se pose et r sout alors qu l vidence l humanit agissante ou savante ne cesse d oublier chaque probl me pour penser autre chose si bien que le r alisme serait moins de se dire Comment tout cela finira t il que de se demander Que vont ils bien encore inventer cette fois ci Paul Veyne Les Grecs ont ils cru leurs mythes d Du Seuil Paris 1983 p 49 Un grand nombre des recherches pluridisciplinaires en sciences sociales portant sur les Nouvelles Technologies de l Information et de la Communication NTIC et sur Internet en particulier a pour pr occupation principale la question du lien social socialit sociabilit socialisation En mettant distance avec plus ou moins de succ s les agitations morales qui ont accompagn les premi res diffusions de l Internet grand public elles ont contribu mettre en vidence les logiques d appropriation des individus qui les utilisent Ce prisme d analyse a permis de faire appara tre la pr gnance prot forme de l identit sociale dans la construction des usages Ceci est particuli rement vrai des travaux qui se sont int ress s l art de bavarder sur Internet Verville Lafrance 1999 travers les diff rents supports de communication qu il offre courriers lectroniques forums de discussion listes de diffusion chats Consid rant juste titre que ces
22. le des adolescents Editions de la MSH Paris PEDLER Emmanuel amp Olivier ZERBIB 2001 Les nouvelles technologies l preuve des biblioth ques Usages d Internet et des c d roms BPI Centre Pompidou Paris POUTS LAJUS Serge amp Sophie TIEVANT 1999 Usages individuels en acc s libre Site du Minist re de la Culture et de la Communication en ligne rubrique Etudes th matiques http www ecm culture gouv fr 12 RICOEUR Paul 1990 La personne et la r f rence identifiante in Soi m me comme un autre Editions du Seuil Paris p 39 53 SIMONDON Gilbert 1989 1958 Du mode d existence des objets techniques Editions Aubier Paris VERVILLE Danielle amp Jean Paul LAFRANCE 1999 L art de bavarder sur Internet R seaux vol 17 n 97 13
23. nos interview s Internet est donc dans un premier temps assimil au chat c est dire un m dia de rencontre et de dialogue en direct et envisag comme une activit essentiellement ludique Les usages du chat par les jeunes qui fr quentent ECM sont bien mis en exergue par une tude th matique r alis e pour le compte du Minist re de la Culture et de la Communication Les auteurs proposent une liste d hypoth ses g n rales articul es autour de l id e centrale que 7 Pour plus de d tails sur ce programme voir le site officiel http www internet gouv fr 8 Tels sont les objectifs qui ont t assign s la Mission Interminist rielle l Acc s Public Internet MAPI cr e le 04 d cembre 2000 En novembre 2003 lui succ de la D l gation aux usages de l Internet DUT qui a deux objectifs suppl mentaires la formation et la recherche d emploi 9 Selon l annonce faite le 10 juillet 2000 par le Comit Interminist riel pour la Soci t de l Information CIST il tait pr vu pour 2003 l ouverture de 7000 lieux publics permettant un acc s Internet alors que 4500 taient recens s ce jour la diversit des lieux susceptibles de r pondre cette fonction rend pour le moins difficile un chiffrage pr cis 10 Depuis son ouverture en 1998 l ECM de la Friche a vu se succ der 7 animateurs diff rents Aujourd hui une seule personne s occupe du lieu Il s agit d un jeune homme d
24. nt pas r ellement en pr sence aucune repr saille physique n est craindre Dans cette configuration les assauts verbaux port s simultan ment par le groupe ne sont pas quitables et conduisent g n ralement la victime d sign e quitter le salon du chat pour un temps m me s il est probable qu elle y revienne dans la seconde qui suit sous un autre pseudonyme Cette finalit semble constituer le premier but atteindre car elle est ressentie par les jeunes de ECM comme une victoire salu e avec enthousiasme Labov souligne bien que l une des diff rences les plus importantes entre l change de vannes et les autres actes de parole est que dans la plupart de cas les vannes se voient aussit t et sont ouvertement valu es par le public Labov 1978 p 255 L exaltation bruyante que cette activit suscite chez les joueurs montre que de la m me mani re les offenses verbales manifest es sur les chats repr sentent des sortes de vannes r f renc es Lepoutre 1997 p 146 qui sont indirectement c est dire par l interm diaire de l individu qui en subit le d sagr ment port es l attention et aux jugements approbateurs des pairs pr sents dans l ECM Fr quemment alert s par l agitation suscit e par cette pratique ou par les plaintes des autres usagers du lieu les animateurs se sont d abord connect s partir de leur propre ordinateur sur les m mes chats que les jeunes afin de s as
25. nternet dans l ECM sont sans cesse marqu s par le contr le et les approbations du collectif Ceci est renforc par la disposition spatiale des ordinateurs l int rieur de la salle multim dia Les postes sont plac s 15 Une exp rimentation de terrain pourrait en attester si elle pouvait se baser sur une pist mologie d enqu te propre satisfaire le cahier des charges contraignants et des th ories de l action et des th ories de la perception Une telle entreprise n est pas de mise ici m me si port par un bel lan positiviste ce projet reste en cours le long des murs et non au centre de la pi ce de sorte que les crans sont visibles par tous en vision panoramique Les ordinateurs sont toujours occup s deux ou trois tandis que la salle est sans cesse arpent e par les jeunes qui vont d un ordinateur l autre Les conversations qui y ont cours concernent essentiellement l informatique et les activit s qui sont en train de se d rouler Toute nouvelle d marche suscite la curiosit et les interrogations des autres de sorte que les jeunes sont incit s op rer des transmissions de savoir faire davantage par monstration directe sur les crans d ordinateur que par des explications orales des proc dures suivre Les sciences de la cognition ont montr que les connaissances proc durales primaient sur les connaissances d claratives dans la ma trise des objets de sorte que nos interview s pr
26. on particuli re a t port e aux publics jeunes habitant les quartiers d favoris s 1 1 Le chat dans les ECM jeux et enjeux Les chats et les jeux sur ordinateur occupent une place importante dans les pratiques internautes des jeunes adolescents qui viennent l ECM de la Friche La Belle de Mai Cependant les jeux sont moins directement disponibles sur Internet et co extensivement au sein de ECM que les chats et n cessitent avant m me de pouvoir y jouer l acquisition de quelques manipulations certes l mentaires mais n anmoins indispensables Ainsi m me lorsque la premi re vell it en venant ECM est de jouer sur un ordinateur les contraintes en mati re de comp tences techniques rabattent cette ambition sur les chats Les chats sont g n ralement d j connus de ceux qui s inscrivent pour la premi re fois PECM m me s ils n ont pas toujours eu l occasion de les manipuler Les m dias et les conversations l cole o l usage des chats est pourtant proscrit ont vite fait de diffuser et de populariser cette utilisation sp cifique d Internet aupr s des jeunes De plus les nouveaux inscrits l ECM sont orient s par les plus anciens directement sur les chats de fa on les laisser se familiariser avec les ordinateurs et les applications d Internet mais aussi pour viter d tre sans cesse interpell s pour r soudre leurs difficult s techniques Pour la grande majorit de
27. outils sont des auxiliaires technologiques qui agencent la mise en sc ne d actes de discours crits et qui de ce point de vue miment la conversation orale Hert 1999 ils ont mobilis pour tayer leurs interpr tations les concepts tir s de l interactionnisme symbolique et de l ethnom thodologie Il s agit par l d appr hender partir des rituels de pr sentation de soi et de figuration Beaudouin Velkovska 1999 les formes de coop ration et d engagement Granjon 1999 qui se jouent l int rieur de ces espaces de communication techniquement contraignants Cet article propose d investir une autre piste de r flexion sur les usages du chat Il s agit d op rer un d placement des observations du contenu de l cran vers de jeunes chatteurs en action Notre hypoth se est que les dispositifs sociotechniques que les jeunes abordent via le chat sont susceptibles de participer en tant que tels au processus global d appropriation d Internet Cette posture de d part nous astreint un double d veloppement concevoir dans un premier temps l outil informatique et les interfaces qu offrent les chats partir du spectre plus diffus des comp tences techniques qui en autorisent la manipulation ce que nous appellerons ici la prise en main et envisager dans un second temps leurs r gimes de consommation diff renci s par les mondes sociaux Becker 1988 qui s en emparent que nous nommerons l
28. ouvent toutes les peines du monde restituer oralement dans le d tail le processus d apprentissage Internet Toutefois les entretiens laissent appara tre la fa on dont la manipulation des chats a contribu les familiariser avec les p riph riques informatiques cran clavier souris qui pr sident une utilisation coh rente d un ordinateur et se doter d une comp tence dactylographique singuli re D autre part l usage des chats exige un ensemble de comp tences qui outrepassent de loin le simple contenu crit par les participants Il implique a minima la re connaissance des zones fonctionnelles telles que les ic nes d application de logiciel les fen tres de navigateur les fonctions de navigation qui lui sont propres les barres et les cadres qui d limitent les pages web les liens hypertextes etc qui ordonnent la lecture des crits d cran Jeanneret 2000 La pratique intensive des chats au d but de l apprentissage d Internet conduit ainsi l acquisition d une culture textuelle et iconique subordonn e chez l internaute n ophyte l interpr tation et la compr hension des conventions manipulatoire et langagi re multiples et variables qui autorisent le surf Cette phase d ajustement que nous pensons primordiale et que nous qualifions ici de prise en main ne saurait n anmoins tre envisag e en dehors de la mise l preuve qui la fait juger moralement Les jugemen
29. s comme une pratique fonci rement transitoire Abstract This article aims at describing the way young people coming from popular classes deal with the chat and the role played by chating in the web learning process We would like to show how the chat is the real way for these young people to enter the sociotechnical environment of the net Going through learning experiences here taken in the specific context of an ECM chating offers on an unofficial maner secretly keept nowhows alloying eathier technical habilities development of its users This learning phase that we qualifie here as take in hand could not be taught without a moral testing phase Estimations and remarkes from equals or multimedia guardians dealing with public access to the internet do have a strong impact on the way young people deal with chating Mockeries and other offending remarkes as well as difficulties met by young people to get in touch thrue chating can lead them step by step to disinvest its use and convert that knowledge to new multimedia uses In that respect chating appears for young people coming from popular classes as deeply transitory L esprit de s rieux fait que depuis Marx nous nous repr sentons le Fabien Labarthe est ATER dans le D partement des Sciences de l Information et de la Communication de l Universit d Avignon Il est doctorant au Laboratoire E A 3151 Culture amp Communication devenir historique ou scienti
30. ser le r seau en vue de r aliser des conomies en partant la recherche de codes informatiques susceptibles de d bloquer des puces de t l phones portables ou d obtenir le d codage de cha nes de t l vision payante On assiste ainsi en particulier des carri res naissantes de hacker Parall lement les jeunes de ECM s quipent en mat riel informatique en vue de stocker les donn es glan es au cours de leurs explorations Il s agit ensuite pour eux d optimiser ce mat riel ce qui les conduit rechercher nouveau des informations sur le web sous forme de notices explicatives et autres astuces concernant le fonctionnement et la maintenance des ordinateurs Le souci de soi et la vie de quartier des jeunes qui fr quentent ECM de la Friche interf rent grandement avec les intentions poursuivies par les initiateurs des politiques publiques en mati re d acc s Internet Si le premier objectif consistant mettre disposition Internet pour les plus d munis est relativement atteint au regard du taux de fr quentation des jeunes l ECM le bilan du second objectif portant sur l orientation des usages vers l acc s au savoir et la culture est plus mitig Pour autant il ne faudrait pas conclure h tivement un chec Les sciences des techniques de l information et de la communication ne cessent de d montrer que toute appropriation r ussie d un objet proc de d une mani re ou d une autre d un
31. surer de temps autre de la bonne tenue des conversations dans les salons Mais devant le d luge des infractions constat es ils ont peu peu t contraints de r valuer leurs modalit s d intervention en convertissant leur politique de r pression initiale en une politique de pr vention bas e sur l ironie et la moquerie Ces correctifs comiques visent d samorcer en douceur l estime que les jeunes accordent cette pratique en tournant en ridicule ceux qui s y adonnent Dans le m me esprit de caricature qui impr gne les joutes verbales ils soulignent par des plaisanteries d sobligeantes le caract re immature de cette utilisation des chats Ces jugements sont int gr s par les jeunes et participent au m me titre que la d ception au renoncement et l abandon progressif de cette occupation Conclusion Les modalit s d appropriation d Internet dont le chat constitue le point de d part s infl chissent au cours du temps et conduisent peu peu les jeunes explorer la plasticit technologique de l informatique Sans entrer dans les d tails de ce qui suit l amorce par le chat on peut rapidement citer quelques unes des pratiques qui mergent progressivement On observe en particulier que le t l chargement se g n ralise Les jeunes vont chercher sur 10 Internet divers types de fichiers logiciels gratuits ou crack s jeux musiques films Ils commencent galement utili
32. tive de l acc s public mais de l instauration sur le long terme et non sans difficult s d un climat de familiarit avec le lieu et de confiance avec les animateurs multim dia PAGSD a t lanc en ao t 1997 par le premier ministre Lionel Jospin lors de l universit d t Hourtin Construite sur le mod le des politiques de promotion et de diffusion de la lecture elle consiste cr er les conditions d une soci t de l information pour tous et peut se traduire grossi rement par un double objectif d une part favoriser le processus d int gration sociale des NTIC au sein des pratiques ordinaires des individus et d autre part orienter les usages vers l acc s au savoir et la culture Internet comme vecteur de connaissance autant que d expression de soi Ainsi l instar des biblioth ques qui tentent de rendre accessible le livre ont t instaur s partir de 1998 de nombreux Espaces Publics d Acc s Internet Arnaud amp Perriault 2002 dont la mission essentielle consiste rendre disponible Internet au plus grand nombre L objectif poursuivi est de r duire la fracture num rique en assurant le maillage g ographique de ces dispositifs sur le territoire fran ais et en proposant un accompagnement individuel ou collectif sous forme d initiations ou d ateliers prodigu s par des animateurs multim dia Conform ment l id al de d mocratisation une attenti
33. ts port s par des tiers reproches d nigrement d fis encouragements moquerie etc sont de nature influencer les mani res de faire des jeunes Corr lativement ce sont les validations ou les r probations symboliques qu en retire l usager plac sous le regard de la critique qui inclinent insidieusement l orientation de ses usages vers une progression plus conforme aux attendus des ar nes des habilet s techniques Dodier 1993 dans laquelle il est plong 2 Les mises l preuve du chat Le souci de soi et la culture de quartier sont pr gnants chez les jeunes adolescents qui fr quentent ECM Il ne faut donc pas perdre de vue le fait que les comp tences techniques acquises lors de la pratique du chat s inscrivent dans le cours des activit s plus large des modes de sociabilit adolescente La drague et la vanne constituent ainsi des preuves au sens o elles sont test es par l interm diaire des chats Il ne s agit pas seulement de v rifier la valeur op rante de ces occupations sur les chats mais aussi de confronter aupr s d une audience ses propres aptitudes individuelles les rendre efficientes De fa on concomitante le 16 Boltanski et Th venot 1991 ont propos de concevoir ce jugement moral partir des preuves d amour et de justice chat et PECM sont des ar nes o les estimations des habilet s techniques offrent des indices pour
34. verte des rapports sexu s suscite un pareil engouement au moins au d but de la pratique Les animateurs multim dia per oivent l usage du chat comme envahissant du fait de son adoption massive par les jeunes Initialement per u avec appr hension le chat est dor navant accept au sein de l ECM avec une sorte de fatalisme confort par le renouvellement continu du flux des chatteurs L engouement pour ces applications semblant in luctable l id e dominante est qu il convient mieux d en accompagner l usage plut t que de tenter vainement de le r fr ner Comme le jugent Pouts Lajus et Ti vant 1999 p 13 l usage de ces outils n est pas contradictoire avec les missions de l ECM la condition que les animateurs et les responsables non seulement prennent les mesures de surveillance et de contr le qui viteront les d bordements mais galement soient capables d inventer autour de ces outils des activit s finalit s ducatives et culturelles Ces deux exigences si elles sont bien partag es par les animateurs ne vont pas sans poser quelques probl mes au moment de leur mise en application Confront s aux effets de groupes constitu s par de jeunes gar ons particuli rement turbulents les mesures de contr le prescrites trop ostensiblement peuvent contribuer mettre en p ril le calme pr caire de la salle multim dia Le fonctionnement implicite de l ECM consiste plut t en des n gociations perm
Download Pdf Manuals
Related Search