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1. conomie La voie tradition nelle du dipl me apparemment insuffisante devrait tre compl t e par une voie plus moderne moins formelle qui augmente les potentialit s de chacun en r pondant plus troitement aux besoins des individus et des entreprises une approche qui encourage la formation tout au long de la vie et l acquisition continue de comp tences Commission europ enne 1995 Le dispositif de mise en quivalence des dipl mes et des cat gories d emploi est ensuite directement vis Presque partout la classification du travailleur dans son emploi est largement d finie par le niveau du dipl me qu il poss de Cette correspon dance entre grille des dipl mes et grille statutaire aussi logique qu elle soit accen tue la rigidit interne du march du travail En cons quence il s agirait d aller vers une plus grande flexibilit de l ducation et de la formation permettant de prendre en compte la diversit des publics et des demandes Commission europ enne 1995 A chaque individu reviendrait finalement la charge de d velopper son potentiel d actualiser sa formation et de faire valoir ses comp tences Tel est donc le sens du sujet acteur et responsable de la construction de sa qualification L ducation permanente n appara t donc plus comme un droit mais comme un imp ratif au service de la com p titivit Ainsi donc les rep res collectifs2. la science de r f rence qui s est modernis e recombinant les normes de l ing nieur et les techniques d valuation psychologiques Est ce dire encore une fois que rien n a chang A la diff rence de la qualification qui ne dissimule pas son caract re conven tionnel et relatif la comp tence assimil e un attribut personnel tend naturaliser aussi les diff rences de traitement entre les actifs L individualisation de la relation salariale Eymard Duvernay et Marchal ont propos une typologie des quatre r gimes de recrutement fond e sur deux oppositions un jugement n goci ou planifi d une part une relation collective ou individualis e d autre part Eymard Duvernay et Marchal 1997 Le r gime de la qualification prend place l intersection de la planification et des r f rences collectives par opposition aux trois autres qui misent sur la s lection des aptitudes ou bien sur le rep rage de comp tences r put es ou suscit es Originale cette approche r v le d embl e l effet de naturalisation des comp tences Mais le r gime de la qualification est ici d gag de la n gociation en l occurrence collective qui se situe en amont du recrutement les classifications Comment en effet mettre en quivalence des capacit s apparemment requises et acquises Sur quelle base telle activit est elle jug e plus complexe qu une autre Et enfin qu est ce qui permet finalement de justifi
3. 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 15 des textes o ces termes se combinent sont encore plus clairantes C est l imp ratif et la voie active que les comp tences se mobilisent avec un traitement personnalis des acteurs d sormais responsables et autonomes Les comp tences en formation La promotion de comp tences g n riques et transf rables est l origine de r formes du syst me ducatif am ricain dans les ann es soixante dix Au cours de la d cennie suivante le mouvement atteint le Canada et d bouche sur une reformulation des programmes de formation professionnelle en termes de comp tences La comp tence y est d finie par opposition la d monstration de connaissances comme capa cit faire prouv e par le biais d valuations transparentes Tremblay 1990 Une philosophie analogue inspire la r forme entreprise au Royaume Uni dans les ann es quatre vingt Wolf 1994 Des NVQ National Vocational Qualifications sont labor es sous contr le patronal en vue de remplacer les traditions de m tier par un syst me formel et national de certification Un travail consid rable est alors entre pris pour parvenir d finir des l ments de comp tence d compos s en perfor mances valuer L op ration a t ressentie comme une lourde tentative de rationa lisation taylorienne finalement peu op rationnelle Malgr leur affaiblissement les s
4. En l occurrence la fata lit de cette mutation s appuie sur des applications diverses du m me mot flexibilit des technologies programmation variable une production fluctuante et des emplois flexibles Tandis que d autres chercheurs s interrogent sur les formes hybrides de modernisation des entreprises combinant les signes de post ou de n otaylorisme for disme ici l affaire semble conclue Automatisation informatisation crise du travail de l emploi et de l ancien syst me industriel sont amalgam es Cette mutation aurait pour effet de transformer la nature des comp tences mises en uvre dans l activit de travail d une mani re litt ralement inqualifiable Les plus neuves poursuit Ginsbourger sont des comp tences que Pon ne sait pas pas encore prescrire transposer dans une formation valuer Il s agit de com p tences sociales cognitives et d autres que l on ne sait pas m me nommer Ginsbourger 1992 L auteur fait remarquer juste titre que l ergonomie fournit la base conceptuelle de cette d monstration En effet les recherches d abord centr es sur les savoir faire puis sur les comp tences se r f rent abondamment l ergonomie Cette discipline qui reconna t son h ritage taylorien a de longue date fait valoir les multiples d calages entre travail prescrit et travail effectif invoquant les strat gies cognitives com plexes mises en uvr
5. Italie Paris Armand Colin REY B 1996 Les comp tences transversales en question Paris ESF ROP F TANGUY L dir publ 1994 Savoirs et comp tences De l usage de ces notions dans l cole et l entreprise Paris L Harmattan SIMONDON G 1964 L individu et sa gen se physicobiologique Paris PUF STROOBANTS M 1993 Savoir faire et comp tences au travail Une sociologie de la fabrication des aptitudes Bruxelles ditions de l Universit de Bruxelles EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 STROOBANTS M 1994 De nouveaux socles l cole Lettre d information TEF travail emploi formation N 4 pp 3 6 TREMBLAY G 1990 propos des 21 comp tences comme principe d organisation d une formation El ments de r flexion th orique et perspectives historiques Fonds pour l implantation de la reconnaissance des acquis au coll gial Montr al Bulletin d information vol 6 9 pp 1 31 VERRET M 1975 Le temps des tudes Paris H Champion WOLF A 1994 La mesure des comp tences l exp rience du Royaume Uni Revue europ enne de formation professionnelle N 1 pp 31 38
6. d j en vigueur sous le r gne de la qualification Les qualit s relationnelles sont parfois d sign es par le terme de qualification sociale Benoit Guilbot 1990 comme le faisait d j Touraine d s les ann es cin quante Dubar 1996 A ce titre les comp tences sociales seraient des qualifications sociales au carr Mais quel seraient des comp tences ou des qualifications non sociales En changeant d tiquette n a t on rien chang On a perdu toutes les conno tations de label de n gociation et de distinctions collectives que supposait la qualifica tion Etre comp tent d signe aussi tout simplement l employabilit l aptitude du si cle dernier celle qui remarquait Naville signifie tout simplement bon pour le service EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 18 EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 18 L aptitude sociale voil tout ce que conna t le d but du XIXe si cle et ce qu il conna t encore Naville 1972 Tel est aussi l enjeu des bilans de comp tences ris quant de faire miroiter la possibilit de valoriser des qualit s si sociales qu elles sont commun ment partag es La gestion par les comp tences Comme son nom l indique la gestion pr visionnelle des emplois et des com p tences vise adapter la qualit et la quantit de main d uvre aux besoins antici p s des entreprises Les difficu
7. le dipl me l ge ou l anciennet traditions en vigueur dans les services publics par exemple et sur ceux qui renvoient des attributs subjectifs Ainsi le sys t me salarial japonais tout au moins celui qui a t adopt dans les grandes entreprises repose sur cette combinaison un salaire de base d termin par le niveau du dipl me initial progressant en fonction de l ge et de l anciennet mais aussi et de plus en plus en fonction de l valuation du m rite et des performances Or cet usage d un mar ch interne a pu tre n goci en contrepartie d une stabilit d emploi Aujourd hui le EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 20 EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 20 mod le de la comp tence a ceci de contradictoire qu il table sur l valuation d acquis individuels sans forc ment stabiliser son collectif L enjeu cumule alors celui d un rap port salarial individualis et de l emploi pr caire Un discours offensif Tous les ingr dients align s jusqu ici se mettent finalement en place dans une exhortation la formation incessante et diversifi e Le Livre blanc de la Commission europ enne plaidant pour une soci t cognitive et comp titive illustre cette strat gie offensive Ce rapport reprend d abord l argument maintes fois r fut de l inad quation de la formation initiale aux besoins de l
8. 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 11 La production flexible des aptitudes L e succ s de la notion de comp tence dans les milieux du travail et de la for mation peut tre assez pr cis ment dat du milieu des ann es quatre vingt Le mot pourtant n est pas nouveau et les controverses qu il entretient sont aussi anciennes que les pratiques qu il inspire D envergure interdisciplinaire les com p tences ont pu conqu rir un vaste champ d applications de la formation l emploi o la principale activit consiste apparemment les d finir Et cette activit de red finition permanente des comp tences voit se rencontrer chercheurs praticiens consultants et professeurs Si les comp tences sont ce qu une soci t tient pour telles la sociologie n a ni moyens ni raisons de participer ce jugement sauf pr ciser sa propre comp tence Cette d finition l int resse en tant que mati re analyser Il lui reste alors d crire cette production sociale la mani re dont une soci t s accorde d finir et red finir tant bien que mal les qualit s qu elle tiquette de la sorte saisir quelles exigences r pondent ces d finitions comment elles sont mises en pratique et avec quels enjeux Nous tenterons donc d prouver la port e novatrice de ce grand mouvement des com p tences en le repla ant d abord dans la continuit Ensuite nous r capitulerons les enjeux renouvel s
9. Ainsi donc les comp tences m existent que par leurs repr sentations dans les dis positifs destin s les valuer Ces preuves formalisent en m me temps les cat gories de connaissances associ es qui en deviennent l embl me savoirs scolaires r gles du m tier modes op ratoires Transpos s dans l apprentissage ces rep res contribuent alors cr er des diff renciations manifestes Autrement dit les comp tences n ont d existence que dans la mesure o elles sont valu es et c est cette valuation qui contri bue les produire EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 14 EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 14 La signification actuelle des comp tences Le champ s mantique et le champ lexical de la notion de comp tence m rite raient sans doute une investigation syst matique La terminologie qui encadre cette notion a t si rapidement codifi e en une d cennie qu elle nous livre d embl e ses significations actuelles Les comp tences apparaissent actuellement comme un poten tiel comme des ressources individuelles cach es susceptibles de se d velopper par la formation ou de se transf rer d une situation l autre Ces qualit s implicites incer taines demandent tre valu es de l ext rieur sous forme d un bilan d une recon naissance d une validation d une certification Les comp tences font d sormais l objet de formalisat
10. ar une mutation Trente ans de recherches sur la variabilit des organisations des choix techniques et des conventions de qualification n auraient donc pas suffi D sormais les organisations m mes seraient qualifiantes valorisant l autonomie la res ponsabilit les comp tences des ressources humaines La synth se par Francis Ginsbourger du programme de recherche qu il a contribu g rer la fin des ann es quatre vingt est de ce point de vue exemplaire La mutation du travail que nous vivons sous l effet notamment de l introduction des technologies de l information implique la mise en valeur d une part croissante de comp tences qui n taient pas codi fi es dans le syst me industriel taylorien de la qualification Elle remet en cause un mod le de gestion des emplois fond sur le niveau scolaire talon de mesure d une quan tit de connaissances explicites formelles g n rales mesurables et testables Ginsbourger 1992 Ce message qui rejoint celui des gestionnaires des ressources humaines sera ensuite largement r percut dans les m dias et dans la presse de vulgari sation voir par exemple Lebaube 1997 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 17 L id e d une mutation comp titive s accommode bien de la comp tence Souvenons nous du sch ma n odarwinien et de ses deux op rateurs les mutations qui arrivent par hasard et la n cessit d une s lection des plus aptes
11. cations officielles des Communaut s europ ennes DONNADIEU G DENIMAL P 1994 Classification qualification De l valuation des emplois la gestion des comp tences Paris Editions Liaisons DUBAR C 1996 La sociologie du travail face la qualification et la comp tence Sociologie du travail N 2 pp 179 193 DUGU E 1994 La gestion des comp tences les savoirs d valu s le pouvoir occult Sociologie du travail N 3 pp 273 292 EYMARD DUVERNAY F MARCHAL E 1997 Fa ons de recruter Le jugement des comp tences sur le march du travail Paris M taili GINSBOURGER F 1992 Nouvelles com p tences rigidit s sociales Dans Linhart D Perriault J dir publ Le travail en puces Paris PUF GOLLAC M VOLKOFF S 1996 Citius altius fortius L intensification du travail Actes de la recherche en sciences sociales N 114 pp 54 67 JESSUP G 1991 Outcomes NVQs and the Emerging Model of Education and Training London The Falmer Press LEBAUBE 1997 Le travail Toujours moins ou autrement Paris Le Monde FEditions 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 21 NAVILLE P 1972 Th orie de l orientation professionnelle Paris Gallimard RAINBIRD H 1995 La construction sociale de la qualification Dans Jobert A Marry C Tanguy L dir publ Education et travail en Grande Bretagne Allemagne et
12. de l enseignement sont pr cis s mais les moyens pour les atteindre restent incertains Seuls les crit res de performance tant op rationnels la formation risque de se r duire une animation m thodologique vid e de tout contenu Boillot et Le Du 1993 EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 h O1 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 16 EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 16 Ces r formes ducatives contiennent un s rie de postulats implicites sur le d ve loppement des facult s qui sont loin de faire l unanimit en sciences cognitives Stroobants 1993 et les difficult s pos es par les comp tences suppos es transversales n ont fait que se confirmer depuis Rey 1996 On ne saurait reprocher l enseigne ment de ne pas disposer de th ories la mesure de ses ambitions pratiques Et l nonc explicite des crit res d valuation repr sente le corollaire de l obligation scolaire Mais la confusion entre des normes d valuation et des tapes d un d veloppement de poten tialit s exprimant des proc dures invariantes tend naturaliser savoirs et comp tences Les comp tences au travail Le glissement de la notion de qualification celle de comp tence n a pas produit de renouvellement th orique en sociologie du travail Depuis ses origines cette disci pline pr sente une tendance et non des moindres appr hender les transformations du travail partir du contenu d
13. des usages de la notion de comp tence du point de vue de l ducation et du travail et de leur articulation dans la relation salariale Marcelle Stroobants enseignante l universit libre de Bruxelles est chef de travaux au Centre de socio logie du travail de l emploi et de la formation de cette m me universit 1 Voir par exemple les changes entre P Zarifian et G Le Boterf Le Monde 2 juillet et 8 octobre 1997 EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 ES CS 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 12 EDUCATION PERMANENTE n 135 1998 2 12 La production des comp tences Comment la soci t contribue t elle fabriquer les aptitudes des individus Adam Smith a trait cette question en m me temps que celle de l change Pour lui les diff rences d aptitudes et de talents ne sont pas la cause mais la cons quence de la divi sion du travail L ducation et l exercice d occupations sp cialis es fa onnent les dispa rit s qui avec habitude finissent par diff rencier les individus qui les exercent On voit bien comment les aptitudes sont cat goris es et distribu es mais le processus de fa on nage reste lui m me imperceptible Exactement un si cle plus tard Samuel Butler tente de comprendre ce qui peut bien se produire au cours de cet trange processus que d signe confus ment l habitude Pour qui devient habile en effet la connaissance des ressorts de son habi let sembl
14. e dans les t ches apparemment simples D s lors cette d mons tration reste toujours d actualit mais elle s appliquait d j au pass La mutation n est donc pas dans les faits mais dans la mani re de les consid rer Les nouvelles comp tences ineffables qu il s agirait de prescrire de transposer ou d valuer ne sont effectivement pas sans pr c dent 17 Les comp tences cognitives d signent toute une s rie de capacit s d attention d abstraction de raisonnement d esprit de synth se etc Si personne ne sait comment elles s acqui rent chacun a cependant pu constater que la s lection scolaire porte pr cis ment sur ces capacit s La diff rence notable comme on Pa vu est qu aujourd hui la formation de ces comp tences prendrait le pas sur les contenus de connaissances Le deuxi me type de comp tences voqu es concerne celles qui s acqui rent sur le tas par l exp rience Ce sont toutes les capacit s cr atrices et inventives utiles la r solution de tous les probl mes Celles qui fascinaient tant Butler et celles dont les exp riences cognitivistes ont pu d couvrir qu elles faisaient jusqu nouvel ordre toute la diff rence entre un tre vivant et une intelligence artificielle Quant aux comp tences sociales elles d signent des formes d autonomie d initiative de responsabilit qui font partie du r pertoire des plus classiques m thodes d valuation des fonctions
15. e la t che L intensit de la fragmentation des op rations et l importance des contr les exerc s sur la main d uvre ont t les deux principaux crit res adopt s pour conclure selon le cas des volutions positives ou n gatives Des gestionnaires du personnel sont fond s valuer les capacit s qu ils estiment requises par Les postes de travail Mais de quel instrument de mesure dispose un chercheur pour envisager en toute impartialit une activit analogue D s les ann es soixante les pre mi res formes d automatisation se pr sentaient comme une mancipation de la tech nicit des t ches et faisaient rebondir les d bats autour de la qualification La polyva lence tait elle un retour au m tier int gr Elle repr sente une forme de mobilit accrue mais elle n est ni plus ni moins valorisante 4 priori tout d pend de l estimation sociale de sa valeur relative Or peine remis d une controverse sur l tat du proc s de travail voil l ancien concept de qualification apparemment vinc par les comp tences au cours des ann es quatre vingt Premi re surprise les nouvelles comp tences invoqu es sont dites mobilis es On ne s interroge donc plus sur le fait de savoir si celles ci sont acquises requises reconnues ou pas y regarder de plus pr s on retrouve non sans lassitude la probl matique des capacit s requises plus molles dans leur contenu mais durement encadr es p
16. e s vanouir avec l exp rience Butler explore ce paradoxe suivant lequel le savoir se pratique en ignorance de cause Un bon pianiste dit il a beaucoup de mal reprendre conscience des d tails d un morceau qu il ex cute parfaitement On dirait qu il sait ce morceau trop bien pour savoir qu il le sait et que les seuls passages qu il a conscience de savoir sont ceux qu il ne sait pas aussi bien Un si cle encore apr s lui Michel Verret surench rit Un savoir appris est un savoir qu on ne sait plus qu on sait qu on a sans le savoir Verret 1975 En corollaire l ignorance se pratique en connaissance de cause Le novice tan dis qu il t tonne est celui qui mesure le mieux par d faut la port e d une comp tence Une fois l obstacle surmont le savoir faire est incorpor devenu imperceptible celui qui le ma trise fortiori un savoir bien appris deviendrait donc intransmissible et le novice devrait tre meilleur professeur que l expert Tout se passe comme si la comp tence tait dig r e m tabolis e en cours d acquisition Et cette m tamorphose est si radicale elle produit une transformation si compl te de l individu qu il ne garde aucun souvenir ni de sa phase de novice ni de l preuve surmont e ni de la mani re dont il a r solu le probl me Seuls restent le r sul tat visible de l ext rieur la performance L expertise semble si loign e de sa th orie qu elle s i
17. er qu un travail quivalent m rite un salaire gal Les partenaires sociaux ont apport des solutions conventionnelles et col lectives qui tiennent compte des crit res scolaires En France comme en Belgique cette activit classificatoire a t largement facilit e par l organisation standardis e du travail Q D s le moment o cette division du travail est d clar e p rim e l ancien poste de tra vail ne semble plus pouvoir servir de r f rence Mais le nouveau poste recompos l emploi type ou la fonction peuvent devenir une nouvelle base de classification Si l ancienne grille est p rim e le principe de la grille ne Pest pas pour autant L introduction de crit res de comp tences individualis s dans les classifications secto rielles fran aises a pu modifier ce principe sans forc ment le pervertir Selon Besucco et Tallard il s agit d une red finition plut t que d une remise en question du r le de la branche dont l effet d pend n anmoins de la dynamique des relations collectives Besucco et Tallard 1997 Le r le de la branche se trouve en m me temps d forc par le d placement des n gociations vers les entreprises et par les valuations qui entrent en concurrence avec les proc dures conventionnelles Ainsi le mod le de la comp tence fonde les diff rences salariales sur des carac t ristiques individuelles L enjeu porte d abord sur le dosage de crit res d j objectiv s et collectifs
18. ions graphiques listes cartes portfolios r f rentiels o elles sont retra duites en capacit s d action g n rales ou particuli res Elles ne sont donc pas appr hend es directement mais travers ce qui est suppos tre leur manifestation un acte un comportement une performance Ces actes sont cat goris s en sous rubriques dont les plus courantes la fin des ann es quatre vingt constituaient le fameux trio savoirs savoir faire savoir tre La comp tence tait alors tr s g n ralement d finie comme capacit mobiliser ces trois types de savoirs Au pluriel les comp tences se d cli nent au moins en comp tences cognitives et en comp tences dites sociales ou com p tences du troisi me type Les r f rentiels de comp tences sont cens s servir aussi bien orienter la forma tion et l valuation des acquis individuels qu sp cifier des capacit s requises par des fonctions particuli res ou des profils d emplois Ces deux usages peuvent se combiner dans l entreprise en une gestion ventuellement pr visionnelle des comp tences ou bien en une gestion par les comp tences Des comp tences g n rales peu vent dans le meilleur des cas constituer un atout comp tence transversale ou transf rable source d adaptabilit au minimum elles repr sentent une condition d employabilit susceptible de se banaliser Toutes les comp tences mobilis es ne sont donc
19. lt s d application de la formule sont la mesure de ses objectifs contradictoires pr voir l impr visible formaliser l informel et remplacer le travail en miettes par la fragmentation des emplois La m thode se r clame en effet de trois concepts fondateurs le salari acteur P emploi type et la comp tence Baron 1993 Le salari acteur responsable et autonome ne serait plus l objet d un traite ment de type taylorien Cet apparent revirement d signe aussi les tentatives de pro mouvoir un partenariat avec l employeur et des rapports de type client fournisseur entre salari s Or la pratique d valuations individuelles apparemment objectives accro t la vuln rabilit des salari s isol s face un sup rieur hi rarchique Gollac et Volkoff 1996 Ailleurs le contr le permanent des performances entretient des ten sions contradictoires entre la d pendance du salari et le comportement autonome de l ind pendant qu il lui faut d sormais adopter Balazs et Faguer 1996 L emploi type repr sente un regroupement de postes de travail ou des familles de m tiers pr alablement d compos s en micro t ches Ainsi donc c est par une seg mentation extr me des activit s qu il s agirait d en finir avec la division du travail Donnadieu et Denimal 1994 Les emplois types deviennent en quelque sorte des emplois lastiques valeur variable Quant la comp te
20. nce elle constitue explique Baron cette unit de conversion qui permet de comparer et de mettre en quivalence comme le fait la monnaie sur le march des besoins d finis par les organisations dans l entreprise et des ressources humaines Baron 1993 Autrement dit la comp tence est cens e r aliser indivi duellement l quivalence autrefois construite collectivement entre qualifications et classifications Toute une partie du travail commun d valuation se trouve alors priva tis e professionnalis e confi e des experts Et Baron de conclure Il faut bien se rendre l vidence de l absence de mod le cr dible et r aliste susceptible de prendre le relais de celui l gu par M Taylor Il est aujourd hui beaucoup plus facile de faire le bilan des effets pervers du taylorisme Il est beaucoup moins simple de le remplacer Baron 1993 De fait les nouvelles comp tences semblent s accommoder de consignes et de formalisations tr s strictes Dans le tertiaire l appel aux comp tences a pu contribuer renforcer les processus de domination Dugu 1994 La production flux tendu et le recours aux normes ISO s associent ainsi qu on pouvait s y attendre des prescriptions et un contr le accru des t ches Gollac et Volkoff 1996 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 19 L organisation scientifique du travail ne serait donc pas r volue c est plut t
21. ni reconnues ni 4 fortiori valorisables Et un acquis valid n est jamais d finiti vement acquis Cette terminologie sugg re d abord qu il existerait une nouvelle science suscep tible de rationaliser conjointement la formation et l emploi des comp tences En m me temps les multiples pratiques d lucidation tendent sugg rer que l application en est imparfaite inachev e ou toujours refaire Il para t d ailleurs plus facile de s accorder sur les crit res de d coupage en cat gories que sur le contenu de ces cat gories D o vient alors cette trange compulsion formaliser l informel L examen des mots oppos s c est dire des faux synonymes dont la comp tence est amen e se d marquer est cet gard instructif Aptitude savoir connaissance savoir faire habilet qualit qualification capacit sont autant de mots qui sans tre interchangeables se sont pr t s d signer les caract ristiques mobilis es par des indivi dus en action Or deux d entre eux vont faire fonction de repoussoirs dans l appel aux comp tences connaissances et qualification C est par opposition la transmission sco laire classique des connaissances et par opposition l ancienne logique de la quali fication que l originalit des comp tences va s affirmer Et c est par r f rence la modernisation des entreprises que la n cessit d innover sera justifi e Les connotations
22. nterrompt avec l analyse tout comme le mille pattes tr buche au moment o il s interroge sur sa fa on de d ambuler Ce type d apprentissage ne proc de donc pas de l application de formules qui puissent servir de rep res ni de la seule immersion Il semble restructurer compl te ment l individu Seul le concept de transduction de Simondon permet de penser pareille op ration au cours de laquelle l individu modifie les formes y compris lui m me qui sont les donn es du probl me qu il se pose Simondon 1964 Ce processus inventif aventureux et apparemment solitaire ne pr sente pas d embl e la trace de la soci t On voit mal par exemple ce qui pourrait susciter cette sorte d apprentissage chez autrui moins d une patiente mise en sc ne qui puisse l habiliter s approprier le probl me qu il ne se poserait pas autrement On mesure ainsi toute la diff rence entre l acquisition et la transmission de savoir faire On entre voit aussi la contradiction que comporte la situation de l enseignant cens g n rer un apprentissage dont il a lui m me oubli les preuves Butler 1922 comme Verret 1975 sont d ailleurs amen s faire la diff rence entre des sciences apparemment 04 STROOBANTS 04 STROOBANTS 27 01 09 Le Page 13 infuses des savoir faire aristocratiques ou initiatiques par exemple et des savoirs scolaires acquis par l instruction De l conclure que ces savoir
23. s implicites sont par nature distincts g n r s par des comp tences intrins quement diff rentes il ny aurait qu un pas Mais les exemples choisis voquent pr cis ment des dispositifs sociaux ici la culture de classe l l apprentissage corporatiste C est l existence d un circuit de trans mission qui rend visibles des comp tences et par l m me contribue les produire Tout comme un art reste insaisissable en dehors des r gles de l art les habi let s ne sont rep rables qu travers des syst mes de repr sentation Dans une structu re artisanale les savoir faire professionnels sont jug s au pied du mur mais le myst re de leur acquisition est soigneusement entretenu Avec l av nement du salariat l identification des comp tences professionnelles devient cruciale d s lors qu elles sont sanctionn es par le march du travail C est l valuation des tarifs des diff rentes op rations selon les calculs de Babbage qui induit ici la force ou l adresse l l inaptitude ou selon l poque l aptitude minimale imput e la main d uvre f minine et enfantine Suivant ce principe la rationalisation taylo rienne a contribu red finir les crit res de s lection et de redistribution ad quate des aptitudes tout en modifiant leur mode de transmission La formalisation des savoir faire constitue non pas une extraction de savoirs substantiels mais une retraduction une reconstruction abstrai
24. servant construire les comp tences sont tan t t d clar s anachroniques tant t vid s de leur contenu Si Pon peut parler d un affai blissement de l ancien dispositif taylorien de qualification cette faiblesse n est pas la cause mais la cons quence de la mobilisation offensive des comp tences Bibliographie BALAZS G FAGUER J P 1996 Une nouvelle forme de management l valuation Actes de la recherche en sciences sociales N 114 pp 68 78 BARON X 1993 La gestion sociale Sociologie du travail N 4 pp 491 506 BESUCO N TALLARD M 1997 La reconnaissance des comp tences individuelles dans les classifications de pr visionnelle des emplois et des comp tences en entreprise Cahiers fran ais N 262 pp 3 18 BENOIT GUILBOT O 1990 La recherche d emploi strat gies qualification scolaire ou professionnelle et qualification branche vers de nouvelles formes de r gulation collective de l change de travail Communication aux Sixi mes journ es de sociologie du travail Universit libre de Bruxelles Blanckenberge 5 7 novembre 1997 Boror H LE DU M 1993 La p dagogie du vide Critique du discours p dagogique contemporain Paris PUF BUTLER S 1922 La vie et l habitude Paris NRF COMMISSION EUROP ENNE 1995 Enseigner et apprendre Vers la soci t cognitive DG XXII DG V Luxembourg Office des publi
25. te susceptible au demeurant de contribuer la vulgarisation des connaissances industrielles Les prescriptions qui en d coulent d montrent le carac t re la fois normatif hi rarchisant artificiel des tentatives d explicitation des quali t s effectivement mobilis es au travail En m me temps ces normes permettent de l gitimer les raisons pour lesquelles tous les travaux ne m ritent pas le m me salaire En l absence de crit res objectifs de mesure des qualit s il n y a pas de comp tences plus 4 3 r elles que celles repr sent es par des formes construites Dans un rapport salarial com pl tement assujetti au march les normes tayloriennes ne font qu introduire de la transparence dans l arbitraire L enjeu social consiste alors introduire des contr les dans l laboration de ces normes donc transformer des crit res arbitraires en crit res conventionnels C est effectivement la voie emprunt e dans l apr s guerre par les accords collectifs portant sur les quivalences de travaux et de salaires Les classifications sont bel et bien conventionnelles au m me titre que les comp tences qu elles impli quent Dans ce cadre nul n est cens ignorer que la qualification n goci e n puise pas la totalit des comp tences individuelles Et comment d ailleurs entrevoir d autres qualit s si ce n est par comparaison aux cat gories de comp tences jug es qualifiables ailleurs ou auparavant
26. yndicats semblent n anmoins avoir pu utiliser ces normes pour tendre les marges de la n gociation collective Rainbird 1995 Au d but des ann es quatre vingt dix la France entreprend de red finir des pro grammes et des crit res d valuation sous la forme des r f rentiels de l enseignement technique et professionnel et des objectifs et comp tences dans l enseignement secon daire g n ral Rop et Tanguy 1994 A son tour la Belgique francophone amorce en 1993 1994 une r forme de l enseignement secondaire fond e sur des socles de com p tence Stroobants 1994 Malgr la diversit des syst mes ducatifs nationaux ces r formes p dagogiques pr sentent des convergences singuli res une red finition des orientations scolaires non par les mati res premi res les savoirs scolaires mais par les objectifs g n raux vis s des comp tences adaptables transversales et transf rables la traduction de ces objectifs en listes de performances t ches m thodes ou com portements l nonc de crit res d valuation pr cis l insistance sur un apprentissage actif et autonome avec auto valuation et valua tion formative Le rapport entre les comp tences vis es et leur formation n tant pas lucid les r f rentiels de comp tences se sont av r s tre un bel outil sans mode d emploi Rop et Tanguy 1994 Les r sultats escompt s
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