les liaisons difficiles baron roberts-jones - Académie des Beaux
Contents
1. e du Louvre en novembre prochain Kiefer d clarait r cemment la presse je le cite Il y a aujourd hui une telle prolif ration d uvres de musiques de messages qu il n y a plus de fronti res abolir Je ne veux pas dire par l que Duchamp a eu tort d exposer son urinoir dans une galerie Quand il la fait la premi re fois c tait extraordinaire mais la deuxi me fois ce ne l tait plus Peut tre cela gardait il une signification mais la troisi me fois lurinoir n tait plus qu un urinoir L art et la vie sont deux choses tr s diff rentes La liaison entre identit et universalit est ici rompue Si l universalit demeure lidentit n existe plus celle ci n est plus nationale elle devient personnelle et se veut sans fronti res puisque l objet en question est au service d une moiti au moins de la population mondiale Le surr alisme qui est post rieur on le sait cette r volution artistique incarn e par Marcel Duchamp et par les suiveurs qui ont phagocyt l h ritage le surr alisme allie encore les origines inh rentes l individu et les effets inattendus qui s expriment Prenons deux exemples sans point commun au d part le belge Ren Magritte et Wilfredo Lam l Am ricain du Sud Par sa technique le plus souvent pr cise et sage pour cr er des repr sentations surprenantes Magritte est davantage un imagier qu un peintre et il s inscrit plastiquement d2. es par les vagues se retrouvent dans les tableaux d Yves Tanguy quelquefois nomm le Breton L identit et l universalit demeurent ainsi nou es L expression contemporaine s est enrichie de moyens nouveaux la photographie et le film font d j et il tait temps partie de l Acad mie Dans la classe des beaux arts de PAcad mie royale de Belgique la section concern e se nomme Peinture et arts apparent s ce qui permet la pr sence de tous et toutes les confusions mais la porte demeure ouverte L espace mus al d aujourd hui ne se r duit plus des cimaises recouvertes de rectangles de toile peinte il pourrait la limite tre un espace vide o chaque visiteur aurait l occasion d accrocher ses fantasmes personnels Si la cr ation est proche de la psychanalyse son langage devrait tre audible accessible et ne pas tre qu un mode d emploi au risque de se transformer en jeu de soci t Le manifeste la mise en garde se r v leront utiles pour annoncer au spectateur le sens de lobjet qui lui est propos une recherche sur la mobilit la lumi re les mati res la r p tition chaque aspect de l uvre chaque gramme est sujet questionnement pes e investigation Les autostrades mais aussi les voies secondaires et les chemins de terre et de cailloux sont inventori s dans la qu te perdue d une d couverte Au del d une uvre originale trouver la qualit fonc
3. mais peut resurgir Ainsi le symboliste Fernand Khnopff fut il rejet d s 1920 environ pour tre red couvert la fin du si cle et rang parmi les peintres importants parce qu un certain acad misme figuratif et le go t de l insolite auquel le surr alisme n est pas tranger lui ont donn de nouvelles r sonances Le monde est aujourd hui assailli par un grand nombre d apports qui s accumulent par globalisation ou se diversifient par r gionalisme Ces l ments proviennent de lieux distincts d autres civilisations des arts premiers aux pierres de r ve L attention est donc requise pour viter tout jugement h tif tout r flexe hostile Dans ce monde press haletant l art ne serait il pas dou de lenteur Les racines ne sont plus arracher elles peuvent induire de nouveaux surgeons elles ont fusionn en de plus grands ensembles les croisements peuvent tre porteurs L adversaire premier de l art est la valeur v nale qui n est qu un mobile une fuite en avant jamais une fin en soi L individualisme de notre temps permettra t il de concevoir une r elle universalit de l esprit La question se pose devant la confusion qui est celle des arts comme elle est aussi celle du monde comme elle le fut sans doute toujours Dans le noyau vivant de l homme g t l intuition qui favorise la possible naissance d un individu ouvert ce qui l entoure Nature et culture ne sont pas antagonistes
4. LES LIAISONS DIFFICILES par le BARON ROBERTS JONES D l gu de l Acad mie des beaux arts associ tranger Secr taire perp tuel honoraire de PAcad mie royale des sciences des lettres et des beaux arts et membre de l Acad mie royale de langue et de litt rature fran aises Bruxelles Le th me intitul Identit s nationales et universalit de l esprit pourrait tre un chemin poursuivre en art mais les rapports entre les deux termes de la proposition sont instables et les liaisons ne sont pas toujours simples tablir Qu est ce que la cr ation C est urgence de la r ponse dans un langage pictural musical ou crit une motion ou un questionnement intime et obs dant Gardons cette relation aussi g n rale et vague que possible Au d part il y a donc une tincelle le vers donn selon Paul Val ry le d marreur pour tre prosa que Le trajet s appuie sur un itin raire plus ou moins connu menant d un point l autre et accompli de mani re harmonieuse ou conome lente ou rapide selon humeur du moment Les cons quences ne pr senteront gu re d innovation formelle puisque litin raire est trac d avance L enracinement de l art offrait par le pass la sp cificit des coles locales et nationales italienne fran aise flamande anglaise parmi d autres et se caract risait par une expression ou un rendu typiques Les sujets quant eux taient iden
5. ans le savoir faire de l art occidental Wilfredo Lam bouleverse ses uvres d l ments afro cubains et d une v g tation luxuriante que son terroir lui offre Magritte par cons quent est Belge par tradition picturale et universel par ce qu il peint Lam est exotique par son exub rance formelle et accessible tous Ils appartiennent tous deux au mouvement surr aliste qui pr conise selon Andr Breton l automatisme psychique pur savoir libre cours donn aux pulsions de linconscient une lib ration totale du moi profond qui ne peut s exprimer que dans un langage conditionn par un v cu personnel Le mouvement vise donc l universalit mais se manifeste selon une originalit qui rel ve d une culture d un enseignement local ou national Ainsi Max Ernst Pun des plus grands acteurs du surr alisme de formation germanique traduit il ses origines par la densit th matique de ses uvres son attachement aux sujets forestiers proches du romantisme allemand d un Novalis et il ajoutera lui m me Mes yeux taient avides non seulement du monde tonnant qui les assaillait du dehors mais aussi de cet autre monde myst rieux et inqui tant qui jaillissait et s vanouissait dans mes r ves d adolescent avec insistance et r gularit Par ailleurs le site de Cadaqu s en Catalogne figure dans plusieurs tableaux majeurs de Salvador Dali de m me souvent la mer le sable et des concr tions dross
6. d rout de ses fonctions et par l m me provocateur cr e forc ment la surprise mais non motion il usurpe en quelque sorte par sa situation inattendue le rang d uvre d art Par contre l motion cr atrice continue d habiter chaque centim tre carr de Paul Klee comme elle ne cesse de briller sur L O seau dans l espace de Brancusi parce que dans ces deux exemples l uvre est le fait de la main et de Pesprit de l homme tandis que lurinoir n est que la cons quence du glissement inattendu d une id e et d une convention Visitant le mus e de Stockholm au d but des ann es quatre vingt dix du si cle pass je retrouvai ladite Fontaine et j crivis Le seul attrait qu elle gardait me semble tre le caract re historique de l objet dans P volution formelle de sa cat gorie c est dire celle de l quipement sanitaire La vertu de transgression tait morte et Duchamp devint un jalon dans la geste artistique tel un signal routier qui indiquerait une voie sans issue L artiste fut il encore un cr ateur de poids apr s ses ready made ses appropriations du r el qui occupent une place importante dans l histoire de Part L acte demeure avant tout C est lavis aussi me semble t il de l artiste allemand Anselm Kiefe qui jouit aujourd hui d une r elle notori t puisqu il fut accueilli en mai dernier ici au Grand Palais et qu il sera nous dit on le grand invit du mus
7. i re de son intonation reste essentielle cependant Une marge de non dit entre le souhait et l accomplissement sera maintenue car c est dans cette marge que l motion doit exister Ainsi Pauteur de La Strada o de La Dole Vita notre regrett confr re Federico Fellini tait il nourri de tous les sucs de l Italie pour illustrer l universalit du comportement humain L art ne peut jamais d boucher sur une d monstration s il d sire retenir le regard d autrui C est pourquoi la cr ation contemporaine gagne toujours s appuyer sur des notions de m moire et de recherche afin de conna tre critiquer estimer s il y a un approfondissement une r surgence un veil nouveau ou simplement un effet Si Rubens n a pas invent le baroque il en fait un usage g nial si C zanne ne fut pas cubiste son uvre en a conditionn l closion Tout cela m rite nuance mais a n anmoins la vertu de mettre les choses en perspective Ces constatations sont elles r serv es aux uvres du pass La parole du cr ateur les remarques de l historien les recherches du philosophe du psychologue ou du scientifique sont n cessaires non pour juger glorifier ou exclure mais pour situer l objet tudi dans son contexte et m me en dehors de celui ci dans sa r alit propre et jauger s il s inscrit dans l humain ou s il proc de d un effet de mode La mode existe et a toujours exist elle n a qu un temps
8. la semence ne p n tre qu un sol disponible Notre entendement doit tre tel et s ouvrir aux changes de vues parler couter interpeler discuter Ces changes ne doivent inclure au d part ni esth tique ni thique a priori et ne doivent exclure aucune forme d expression ni lart brut ni le cadrage photographique ni le rythme du film ni le climat de la vid o Ces approches s ouvriront alors une meilleure lecture de notre temps elles permettront l approfondissement des voies esquiss es feront le tri du magma des r v lations de l instant et qu importe si l on passe c t d un nouveau Rimbaud car l motion et la vie seront l
9. tifi s figures portraits paysages natures mortes ils pouvaient m me tre identiques lorsqu ils voquaient des sc nes religieuses dans les limites du monde dit civilis d alors Des modifications sensibles existent n anmoins Si l on compare l glise romane l glise gothique la diff rence est notable la confidence de la premi re est celle du recueillement l espace que l autre voque sera celui de l exaltation Cette divergence est due la cr ativit du ma tre d uvre rendue possible par les progr s techniques et peut r pondre des soucis th ologiques sociologiques ou politiques Tout est en effet explicable a posteriori dans la volont de rendre hommage au spirituel comme au temporel Le mental de ceux qui fr quentent ou subissent de telles architectures peut m me se modifier Le roman par son espace relativement clos prend sous sa garde P me qui se confie le gothique peut craser par sa magnificence et son alti re domination Les rapports entre identit et universalit sont ici respect s La cr ation contemporaine surtout dans le domaine des arts plastiques s oriente de plus en plus vers la recherche de linattendu et du spectacle Cette tendance r pond une volont d actualisation au d sir de cr er du jamais vu une originalit d apparence en lieu et place d une r sonance de n cessit cette d marche s opposent deux attitudes celle de laboration d une
10. uvre qui appelle forc ment une notion de dur e et celle que l on entend par le terme d acad misme au sens p joratif du vocable L acad misme implique une r p tition techniquement exemplaire d une donn e acquise une reproduction parfaite d un d j vu L acte poss de alors la vertu de rassurer celui qui accomplit et le spectateur La notion d laboration quant elle sugg re au del de limage furtive entrevue qui n est pas forc ment r aliste la conqu te ardue d un vocabulaire expressif permettant de construire et de donner vie Il y a l forc ment innovation quel que soit le style choisi Dans l un et l autre cas l objet qui en r sulte sera t il accept comme incarnant lactuel Peut on trancher Tous les n os sont possibles la mode allonge ou raccourcit les jupes ajuste ou amplifie le v tement tout est faisable du figuratif labstrait conceptuel et n o dada sme compris Une bicyclette en rouge vif et or pr sent e dans la salle d un mus e serait peut tre plus tonnante que la Rose de Marcel Duchamp en 1913 mais seconde vue sans doute serait elle d pass e mise distance de ce que le pr sent requiert D j une installation de l an dernier ne subit elle pas aujourd hui le m me sort lorsque l tonnement s teint Avec Marcel Duchamp lart modifie sensiblement son optique La Fontaine de 1917 ce ready made cet urinoir cet objet pr fabriqu
Download Pdf Manuals
Related Search