J`en ai déjà parlé précédemment, mais il n`est pas inutile de
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1. plus et que notre vie serait jamais peupl e d araign es et de d c s et de moments d inconscience ou de semi conscience Nous pressentions qu il y avait bien peu de chances d un jour conna tre l aube ou le r veil Les attentats contre la lune ne nous apaisaient pas ils ne contrariaient pas notre tendance sombrer fous Mais nous qui n avions plus de ressort plus de rigueur id ologique plus d intelligence et plus d espoir ils donnaient l impression qu l envers du d cor peut tre l existence avait gard une bauche de sens Antoine Volodine Songes de Mevlido 20072. sa destruction en tant que lune Peut tre nous souvenions nous des avertissements que nous avions re us alors que nous tions encore en tat de veille Peut tre entendions nous m me au fond du sommeil les hurlements des vieilles de Poulailler Quatre qui nuit apr s nuit appelaient une insurrection populaire contre la nuit En tout cas quelque chose toujours intervenait qui nous conseillait son meurtre e UN ATTENTAT MILLE ATTENTATS CONTRE LA LUNE e SI QUELQU UN COURT VERS LA LUNE LAVE TOI TUE LE e SI LA LUNE APPROCHE TUE LA Dans nos discours devant les masses c est dire devant les agonisants qui tra nent dans Poulailler Quatre sans vivre ni mourir nous accusions la lune d une multitude de d vastations criminelles et nous insistions sur son arrogance sur sa pr sence monstrueuse au dessus de notre naufrage sans oublier sa beaut d ivoire si insultante si d courageante si obsc ne Nous d noncions les sarcasmes que contenait son silence Nous qualifiions de moquerie cruelle sa mani re d envahir les endroits o nous somnolions hors de tout espoir ou vautr s sur les r sidus de l absence d espoir Souvent son sujet nous disions n importe quoi emport s par une fureur verbale dont la grandiloquence ne s apaisait pas m me lorsque notre dernier auditeur avait fui Pour donner de l ampleur notre propos nous ne r pugnions pas citer les vocif rations des mendiantes leurs slogans venus d ailleurs et allant
3. J en ai d j parl pr c demment mais il n est pas inutile de souligner nouveau son r le dans notre histoire La lune Son r le dans notre histoire Tant t elle clairait nos mondes de t n bres tant t elle les noircissait Je parle ici au nom des Untermenschen et de tous Elle pourrissait nos r ves d insanes Elle pourrissait nos r ves d insanes et elle s en fichait Sous ses reflets on nous voyait souvent nous allonger sans pudeur hallucin s fr tillant du museau et du r ble comme des chats malades d amour et tandis que derri re nos paupi res closes nos globes oculaires tressautaient nous la recevions en nous la sueur sourdant par tous les pores et incisives ou crocs claquant sans cesse l un contre l autre L ivresse nous gagnait la lune se fondait en nous Elle se substituait nous D autres fois nous nous languissions de la rejoindre co te que co te Nous gravissions l interminable escalier noir qui nous s parait d elle et m me si nous tions loin encore de l avoir atteinte nous d lirions sur les d lices que bient t elle nous offrirait l avance nous entamions sur ses chairs froides de vastes promenades ou bien nous allions g sir sur ses immensit s qu on nous disait vierges et poudreuses Pendant un instant les plus motifs d entre nous mettaient des r les de bonheur mais la fin une force toujours agissait sous nos consciences nous poussant la rejeter nous carter d elle et m me d sirer
4. t des millionnaires plut t que d autres plut t que nous autres et les n tres Nous calculions les trajectoires au plus pr s et m me si nos notions de balistique comportaient des lacunes m me si nos artificiers avaient des th ories et des physionomies qui d non aient un fort d rangement mental nous ne bombardions pas au petit bonheur Les obus de mortier qui filaient hors de nos tubes allaient finir leur course sur des immeubles tr s loign s de Poulailler Quatre tr s l cart des ghettos et camps annexes o se regroupaient r fugi s laiss s pour compte et laiss s pour morts Ils n clataient pas sur la lune mais ils frappaient des cibles secondes et r ussissaient du moins gratigner l ennemi et l effrayer Ils causaient de brefs ravages dans l univers des ternels vainqueurs ils d truisaient ici une paire d appartements somptueux l quelques bunkers priv s des gar onni res des nids de gentilhommes des clubs pour anciens g nocideurs et l affaire en restait ce stade souvent avec peu de victimes Nous ne revendiquions jamais nos actes par humilit et par prudence et aussi parce que de l organisation qui nous employait nous ne connaissions ni le programme minimum ni le nom L absence de signature interdisait aux id ologues de qualifier nos crimes qui d s lors chappaient la publicit La police peina it sur des impasses et apr s avoir vainement explor des voies de garage les limiers jetaien
5. t l ponge La police n attrapait pas les coupables Non sans duplicit car en son sein nous comptions des alli s elle ouvrait les dossiers et les laissait vides sans les clore pendant longtemps puis elle les archivait Les attentats contre la lune n avaient pas lieu avec une grande r gularit mais ils faisaient partie de la nuit au m me titre que les criailleries des manifestantes bolcheviques ou la puanteur des mouettes ou les c r monies magiques d vocation des morts ou la chaleur touffante Ils appartenaient notre nuit et nous les approuvions m me si au fond nous n tions plus gu re capables de r fl chir dessus intelligible voix ou m me de croire aveugl ment en leur pertinence Car m me les moins d courag s d entre nous m me les plus battants d j cette poque ne pr tendaient pas pouvoir infl chir le cours des choses La pleine lune clairait le dernier tat de la barbarie humaine avant la fin avant notre fin et quoi que nous eussions pu entreprendre elle continuera it baigner de sa lumi re ensorcelante le final naufrage Elle continuerait illuminer les ghettos les camps les ruines le capitalisme absolu la mort notre mort la mort des n tres M me les plus d cid s d entre nous d sormais flairaient dans toute action la vanit d agir Nous savions que l puisante modification du climat se poursuivait que l t bient t s largirait encore atteindrait douze mois par an et m me
6. vers l ailleurs Nous divaguions avec brio voquant les cons quences catastrophiques de l irradiation lunaire sur l environnement social pass et venir Couch s sur des cartons d emballage les mourants nous coutaient sans r torquer Ils taient distraits il est vrai par le spectacle des vautours qui dansaient non loin d une patte sur l autre et qui guignaient leurs yeux pour plus tard Parfois se glissait de la po sie dans nos appels au soul vement et parfois nous nous contentions d mettre des directives sanglantes Parfois aussi nous raisonnions voix basse pr s de l oreille des ali n s un peu d confits de devoir mentir pour les convaincre Nous parlions de vengeance d en d coudre avec le mauvais sort en infligeant la lune des dommages irr versibles Certains et j en connais ne se contentaient pas de mouvements de glotte Ils lan aient en direction de la lune des projectiles destin s la craqueler des fus es incendiaires qui d apr s ce que promettait leur mode d emploi auraient d la r tr cir et souiller sa clart d une suie graisseuse La lune toutefois se r v lait imblessable La plupart du temps les projectiles la fr laient sans l atteindre Ils retombaient sur la ville sur des quartiers endormis ou plong s dans une insomnie sans perspective Quand nous mettions sur pied de telles op rations nous nous arrangions pour que les d g ts qu il tait ais de pr voir touchent des ennemis du peuple e
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