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L`ambivalence de la femme dans l`&oelig;uvre de Marie Susini

1. 7 3 3 Entre temps v cu et temps rem mor Vie ou souvenir de vie Pr sent d aujourd hui ou d alors on ne sait plus tr s bien s ils sont vous ces souvenirs si ce sont vraiment des souvenirs tous ces moments la constate la narratrice dans C tait cela notre amour 161 Chez Susini le temps ne contient pas n cessairement d l ments gu risseurs car il est soit consum d avance soit regrett apr s coup Il est rarement au rendez vous d une r habilitation du sujet Peut tre une telle r habilitation n est elle tout compte fait pas recherch e dans un monde fictif o le tragique ventuel devient enchantement certain ce par un tour de magie op r par un discours cliv dont la strat gie inh rente est finalement de brouiller la piste des r ponses possibles d sir es ou non Le jeu des temporalit s de l criture met en vidence l inconsistance du temps v cu qui nest peut tre pas en premier lieu celui de la chronologie uniforme du calendrier ou de la r gularit de l horloge mais qui respecte les d tours que prend la m moire en reconstruisant r trospectivement le parcours individuel relativement caboss Les yeux ferm s nous procure une autre version d un discours jailli d un espace o l nonciation d vide l acte de signifier au moyen d une r ponse scind e mettant en question le dit Apr s avoir pass du temps en compagnie de son fr re la terrasse d un h tel voquer d
2. Pinterroge Serge Alors qu il souligne davantage l aspect sexuel de la notion Manuela consid re le d vouement au premier chef comme un questionnement identitaire cette fid lit tait pourtant moins une fid lit Serge qu elle m me PH 94 Chez Manuela la notion de fid lit est teint e de clivage Elle est scind e entre la loyaut et la fid lit car son mari incarne pour elle l essence de la vie Une dissolution du couple est inconcevable car union matrimoniale repr sente pour elle l absolu irr vocable Or sous les apparences du dialogue entre les protagonistes le lecteur d c le les incongruit s de Manuela dont l intellect est en constant 164 5 Femmes en rupture de couple dialogue et en contradiction avec ses motions et qui progressivement s carte de la fid lit envers elle m me comme envers ses valeurs Elle semble surtout nourrir un attachement la notion de fid lit tout en se sacrifiant Sa fid lit envers le couple n est pas davantage sans f lures car elle envisage avec une relative aisance la possibilit de prendre un amant C est ce qu il aurait fallu faire pour tre intelligente prendre un amant Serge aurait tenu elle parce qu il n tait vraiment attach qu ce qui lui chappait il ne donnait une valeur durable et comme d ternit qu ce qu il pouvait perdre Et il ne voulait rien perdre PH 97 Elle consid re l option d une relation extraconjug
3. C Corvara ou la mal diction Seuil 1955 PH Un Pas d homme Seuil 1957 PR Le Premier regard Seuil 1960 YF Les Yeux ferm s Seuil 1964 NA C tait cela notre amour Seuil 1970 AL Je m appelle Anna Livia Grasset 1979 RC La Renferm e la Corse Seuil 1981 ISR Ile sans rivages Seuil 1989 La litt rature est d abord une histoire personnelle une histoire priv e avant de devenir une aventure partag e et ceci dans un double sens L auteur crit ses exp riences du monde qu il tient transmettre ses contemporains et a la post rit Le lecteur d couvre dans l intimit un auteur dont nombre de lecteurs ont d j fait connaissance Pourtant aussi bien l auteur que le lecteur et surtout celui qui tient se prononcer sur sa lecture ont souvent un sentiment de pionnier l auteur s est crit et a t publi gr ce l originalit de sa pens e et sa mani re de la transformer en forme textuelle l analyste est port par la d couverte d un nouveau monde et la passion du texte dans toute sa complexit qu il complexifie son tour Dans l entrelacement des subjectivit s entre auteur et lecteur se tisse une refiguration de structures d ordre spatial et temporel dans une filiation incontr lable voire interminable Il a t dit que Phistoire est une suite plus ou moins fortuite d v nements Peut tre cette attitude ne d nonce t elle qu une forme de renoncement devant la qu te
4. La r f rence des sentiments d Angnola est mise en jeu comme acte et comme puissance la r f rence est aussi vacillante que les motions d Angnola d marquant de ce fait tout lien entre l amour la rationalit et une nonciation intellectuelle de son tat La langue m taphorique qui sert a d crire l amour naissant permet ainsi une distanciation par rapport au dit La m taphorisation du theme de l amour est une mani re de dire que l amour ne se laisse pas saisir d une fa on rationnelle mais qu il se d finit par la tension entre la r f rence des mots et le d tour du sens que la m taphore permet 35 Martha C Nussbaum Love s Knowledge Essays on Philosophy and Literature op cit p 279 3 Paul Ricoeur La m taphore vive Paris Seuil 1975 p 388 151 Deuxi me partie L ambivalence de la femme 4 3 4 Le social g n rateur de solitude On na t seul on vit seul et on meurt seul la solitude est la r gle clame Andr Comte Sponville Les femmes dans la fiction de Susini quoique impr gn es par le social de tous c t s sont des individus minemment solitaires La relation travers laquelle Susini oppose de la mani re la plus frappante au niveau individuel l ordre traditionnel et l ordre moderne est celle de Nunzia et de sa m re Francesca Il s agit de deux femmes mur es chacune de leur c t dans une profonde solitude o la plus jeune tend la main la plus g e sans que cel
5. Non formul un niveau conscient il frappe de plein fouet l tre dans son innocence voire son ignorance C est le cas de Vanina dans Plein soleil personnage sur lequel nous nous pencherons dans les sous chapitres suivants 29 Ibid p 25 77 Marie Susini France Culture 1964 rediffus dans l mission t l vis e Comme a s crit 1996 114 4 De la jeune fille la jeune femme Dans ce roman l espace clos du couvent destination de l acheminement de Vanina contraste fortement avec l espace ouvert qu est la nature Nous pourrions dire que dans Plein soleil le th me qui court est celui du sacrifice de la libert en change de la claustration au nom de la socialisation de la jeune fille Si dans Plein soleil la nature quivaut l enfance la libert absolue et la joie de vivre la s questration dans le couvent op re un hiatus non seulement sur le plan concret mais aussi sur les plans motionnel intellectuel et social car le couvent est un lieu o Vanina re oit l instruction qui la s parera intellectuellement des villageois dont la majorit accusent un degr plus ou moins lev d illettrisme alors que sur le plan affectif Vanina est tr s proche de certains d entre eux et de la vie communautaire villageoise Dans les deux premiers sous chapitres nous allons par cons quent nous pencher sur deux espaces oppos s en contradiction la nature espace ouvert et le couvent espace clo
6. PH 50 et une rage impuissante PH 50 attendant la fois l irr m diable et le miracle Son attente s inscrit dans une oscillation constante alors qu elle souhaite n avoir jamais flotter entre le doute absolu et la certitude absolue l espace o semble tre confin e son existence L attente sert d oxymoron cette figure de style qui condense deux notions contradictoires et galement le caract re transitionnel de l ambivalence une distance plus ou moins grande l attente permet le va et vient des motions par rapport un m me objet Parfois l objet attendu est plus confus ment ressenti et cr e un espace de projections d analepses ou de prolepses comme dans le passage suivant De nouveau il y eut le ressac sans bruit du temps qui ne peut cesser d tre et ne peut se ressaisir et l attente par del les mots de quelque chose qui ne serait jamais dit qui ne pourrait pas tre dit quand le c ur se retranche se ferme en un cri et voudrait figer une parcelle d ternit dans la solitude qui vient r sonner sur le fil t nu de l tre PH 86 L attente est un moment charni re car il est le point de conjoncture du pass du pr sent et du futur Elle fixe un objet pr cis ou ind cis selon les circonstances mais elle est toujours projet e vers une carence positive ou n gative qui demande tre combl e Rest e trop longuement sur sa faim elle risque de devenir navrante ce qu
7. en associant le rejet de l individu directement avec ce qui le d signe En n acceptant pas le pr nom de Sylvie Barbara repr sentante dans la sph re priv e de la soci t enti re minimise l existence de Sylvie jusqu remettre en question son droit d exister ne pas avoir un nom chr tien revient a ne pas tre chr tien ce qui a son tour lui te le droit d tre sur une terre chr tienne parmi ses semblables Le postulat de la r flexion de Barbara est qu ici le lieu d ictique du discours est le c ur de la chr tient tant donn la pi t des gens et leur adh sion la norme morale et religieuse L ostracisme social et culturel se traduit par l exclusion morale de l individu Simultan ment Susini met l accent sur un aspect artificiel de la d votion et de la foi biblique mise en pratique celles qui n acceptent pas l autre et qui de ce fait ne sont pas fid les au canon du livre sacr tout en pensant dans leurs actes tre guid es par lui Pierrette Jeoffroy Faggianelli L image de la Corse dans la litt rature romantique fran aise op cit p 163 43 Ibid Nouvelles publi es dans le recueil Chroniques italiennes en 1865 43 Soi m me comme un autre op cit p 42 286 9 Ambivalences identitaires Corvara dans Corvara ou la mal diction n a pas elle non plus un nom chr tien C 234 alors que son origine sociale et culturelle n est pas mise en question Dans son cas il ne s a
8. galement et essentiellement inh rente Pamour Comme l absence d un consensus social ne favorise pas une possibilit id alisatrice de l amour poursuit Kristeva la d r alisation sous jacente l id alisme amoureux appara t de toute puissance C est cette d r alisation de l amour que Susini illustre de fa on exemplaire dans Un pas d homme Elle met en avant l impossibilit d une aspiration fusionnelle et l id alisation de l autre une des caract ristiques de l amour v ritable est mise en sc ne dans son imperfection aucun moment Susini n voque lamour entre Manuela et Serge sur le plan sentimental ou intime D ailleurs le mot amour est employ de tr s rares endroits dans le texte Dans le passage o Susini l labore le plus amplement il se trouve ins r dans une m taphore comparative l assimilant a la fugacit du temps l inassouvissement de l me agit e et l incontournable finitude de la vie Le temps se h te va vite une vitesse d enfer C est comme lamour Cette h te lente ce d sir violent fr n tique d aller vite den tre sorti de lavoir d pass et la fois ce besoin fatal vital de retenir de contenir l instant qui se d robe qui fuit et se perd la rage furieuse de le consumer et d en avoir raison la terreur panique qu il ne s arr te Cette hate et cette lenteur c est comme la mort pense t elle PH 140 141 La m taphore autour de
9. la Corse sa dignit litt raire 3 2 3 Un style sobre et direct Comme nous avons vu plus haut de nombreux critiques se sont prononc s sur son style Ils ont voqu l art de Susini en l appelant tout naturellement tant t insulaire corse et m diterran en tant t grec et tragique Nombreux sont en effet les pith tes que l on peut relever son gard toutes l inscrivant dans un certain imaginaire g ographique D s les premiers ouvrages sur la Corse elle a t inscrite et s est inscrite dans une criture m taphysique Savigneau parle d une passion du bref du tenu de l allusif De son c t Angelo Rinaldi ouvre encore plus grand l ventail des attributs En voquant le style parcimonieux de Susini il constate qu elle est comme un jardinier japonais quelques cailloux une poign e de sable une plante et la perfection vient sans peine la caract risant par ailleurs d crivain aguerri parvenu ce stade o l on demande d abord aux mots le silence Jean Blanzani crit son sujet Il faut beaucoup de richesse int rieure a Marie Susini pour nous faire accepter ce romantisme de l impuissance humaine Son art y r side consid rablement Dans chacune de ses phrases simples directes elle semble se tenir l coute de ses h ros attentive ce qu ils ont de plus vrai c est dire selon elle de plus fixe et de plus sombre Sans doute y a t il dans ce ton
10. ma directrice de th se le professeur Meri Larjavaara pour le bienveillant soutien qu elle m a accord et pour l ind fectible disponibilit dont elle a toujours fait preuve Je salue galement sa souplesse et son ouverture d esprit qui m ont laiss une tr s grande marge de libert pour mener bien ce travail Je suis galement tr s reconnaissante au professeur Mary Jean Green et C cile Oumhani ma tre de conf rences d avoir accept la charge d tre les rapporteurs de ma th se et je les remercie vivement pour le temps qu elles ont accord la lecture du pr sent texte et pour leurs commentaires Ma gratitude s adresse aussi aux diff rents directeurs de recherche au D partement de langue et de litt rature fran aises d Abo Akademi et lesquels chacun sa mani re a eu une influence positive voire d cisive sur mon parcours Hans Lindb ck ma tre de conf rences et le professeur Lars G ran Sundell sans lesquels je ne serais vraisemblablement pas retourn e au sein de l universit pour enseigner et faire des recherches alors que ma carri re professionnelle se faisait ailleurs Je remercie Lars G ran notamment pour l enthousiasme qu il a apport en tant que directeur de recherche mon m moire de ma trise et mon D E A portant sur un sujet aussi insolite que la production d une femme crivaine originaire de Corse Son soutien et ses conseils g n reux m ont encourag e poursuivre mes recher
11. s en porter garant Le locuteur cite un absent qui prot ge l assertion Il s efface devant un Locuteur superlatif qui garantit la validit de l nonciation D une part les proverbes sont une formulation populaire de la foi D autre part en tout cas pour ce qui concerne laire culturelle corse la dignit sur minente des proverbes ne se laisse pas discuter ce dont manifestent une pl thore de proverbes I pruverbi venenu appressu u Vangelu Les proverbes viennent apr s l vangile Certains proverbes les l vent au m me rang que les Ecritures d inspiration divine I pruverbi so sciuti di a bocca di u Spiritu Santu Les proverbes sont sortis de la bouche du saint Esprit Le discours th tral pour sa part est ambivalent dans la mesure o le discours y est sans sujet d fini et que l nonciation y est double il s agit d un c t du discours rapporteur d un metteur auteur le discours de Critique adress e Susini dans le journal Le Monde voir le chap 3 2 1 38 Nouvelles tendances en analyse du discours Paris Hachette 1987 p 72 382 Fran ois Joseph Casta La religion populaire A la recherche de ses formes d expressions Pieve et paesi Communaut s rurales corses Paris 1978 p 171 178 3 Ibid 276 8 Ambivalences socioculturelles Susini dans Corvara de l autre le discours est un discours rapport d un metteur personnage dont le sujet de l nonciat
12. tranger lui aussi ou Balthazar dans la cr che des religieuses avec ses grosses l vres ses cheveux tout fris s et ses habits bariol s PS 103 En d crivant le doute 216 6 Une maternit d faillante progressif de Vanina celle ci r it re C tait juste ce que disait ma m re PS 102 alors qu elle met simultan ment en doute ses r ponses La d sillusion la plus radicale du point de vue de Vanina se joue autour de la mort la m re affirme que le d c s de la vieille zia Madalena n est pas imminent alors que tout ce que voit Vanina r fute cette id e et qu en effet contrairement l affirmation de la m re Madalena d c de peu de temps apr s Il serait faux de pr tendre que Vanina serait d pourvue d affection dans son enfance m me si la premi re source de tendresse ne semble pas tre la m re En contraste avec ces moments caract ris s par un certain asc tisme motionnel entre m re et fille sont d crits des moments baign s d motion avec zia Paolella la bonne qui sont r serv es les pens es affectueuses de Vanina elle est la minanna qui la fois veille en Vanina une tendresse et comme une piti qui ne se sont jamais effac es PS 48 Et malgr l absence de la m re et l aridit de certains de ces commentaires sur Vanina celle ci admire et attend de la revoir la fin de l t Malgr son absence physique dans le cadre du r cit la m re de Vanina semble tre u
13. uvre de Marie Susini la m moire de Marie Susini 1997 in Continental Latin American and Francophone Women Writers Volume III op cit p 153 20 Introduction tous les Corses n ont pas r alis qu en voquant le nom de Marie Susini nous parlions d une des leurs Cette impression semble tre confirm e ailleurs En voquant un itin raire partag avec Susini Daniel voque les gards d un chauffeur de taxi corse transportant Daniel et Susini dans les montagnes sans se douter qu il transportait une grande romanci re de son le Lors de la parution en 1989 de L le sans rivage un entretien est publi avec Marie Susini La premi re question de Francine de Martinoir qui en m me temps est un jugement de fait se formule ainsi Marie Susini pourquoi tes vous si discr te Vous tes un crivain c l bre et on ne vous voit nulle part question synth tisant les deux aspects contradictoires de sa c l brit Cette m connaissance son gard se refl te dans les ouvrages survolant la litt rature fran aise contemporaine tout autant que dans les ouvrages sur les auteurs En parcourant les anthologies sur l histoire de la litt rature francaise du vingti me si cle comme La litt rature Textes et documents XXe si cle La litt rature fran aise en France depuis 1968 Dictionnaire universel des litt ratures ou La litt rature francophone pour n en mentionner que quelques
14. 1985 2001 344 Bibliographie CASTELLI Michele La Veuve blanche Ajaccio Albiana 1998 2000 CHARLES Michel Rh torique de la lecture Paris Seuil 1977 CHARLES Michel Introduction l tude des textes Paris Seuil 1995 COMTE SPONVILLE Andr L amour la solitude Paris Albin Michel 2000 CULIOLI Gabriel Xavier Contes et L gendes de l Ile de Corse Ajaccio DCL 1998 CULIOLI Jean Dominique et al Dictionnaire fran ais corse corsu francese Ajaccio DCL Editions 1998 CUSSET Christophe La trag die grecque Paris Seuil 1997 DANIEL Jean Le consentement ironique La Nouvelle Revue Francaise no 221 mai 1971 p 18 21 DERRIDA Jacques L criture et la diff rence Paris Seuil 1967 DHIFAOUI Arbi d Espaces de la fuite dans la litt rature narrative fran aise avant 1800 Actes du XIIe colloque international de la Soci t d Analyse de la Topique Romanesque Kairouan 24 27 novembre 1998 Kairouan Publications de la Facult des Lettres et de Sciences humaines de Kairouan mars 2002 Dictionnaire de critique litt raire GARDES TAMINE Jo lle HERBERT Marie Claude ds Paris Armand Colin 1996 Dictionnaire litt raire des femmes de langue fran aise De Marie de France Marie NDiaye MAKWARD Christiane P COTTENET HAGE Madeleine Paris Karthala 1996 DIDIER B atrice criture femme Paris P U F 1981 Dictionnaire universel des litt ratures DIDIER B atrice d Paris
15. 8 M res et filles Une relation trois Paris Albin Michel 2002 p 379 2 Nathalie Heinich Les ambivalences de l mancipation f minine op cit p 92 93 142 4 De la jeune fille la jeune femme d tient implique simultan ment la non conformit aux exigences d une autre position Ainsi Kurt L scher et Karl Pillemer pr disent une ambivalence plus intense au moment de la transition d un statut un autre et consid rent que les status transitionnels procurent peut tre le meilleur 300 Ce terme laboratoire pour l tude de l ambivalence interg n rationnelle d signe les contradictions inconciliables dans les rapports entre les adultes et leur prog niture Les ambivalences interg n rationnelles poss dent selon L scher et Pillemer deux dimensions des contradictions sur le plan de la structure sociale il s agit par exemple de statut de r les et de normes et d un autre c t de contradictions au niveau subjectif en termes de cognition motions et motivations D apr s L scher et Pillemer trois aspects des rapports entre les adultes et leurs enfants semblent g n rer de l ambivalence 1 l ambivalence entre la d pendance et l autonomie 2 l ambivalence qui r sulte des normes conflictuelles au regard des relations interg n rationnelles et 3 l ambivalence d coulant des questions relatives la solidarit Le conflit interg n rationnel puise souvent sa source dans le pr
16. ALBERTSON Bethany BREHM John ALVAREZ R Michael Ambivalence as Internal Conflict in Stephen C Craig d Ambivalence and the Structure of Political Opinion Gordonsville Palgrave Macmillan VA USA 2005 en ligne Disponible sur lt http site ebrary com lib abo Doc id 10135430 amp ppg 32 gt consult le 8 octobre 2010 AL MUSAWAI MUHSIN Jassim Postcolonial Arabic Novel Debating Ambivalence Leiden Boston Brill 2003 ATHANASSIOU POPESCO Cl op tre Etude du concept d ambivalence A partir de M lanie Klein in Barande Ilse Introduction au texte de Karl Abraham in Ambivalence L amour la haine l indiff rence Mich le Emmanuelli ef alii d Paris P U F 2005 BAUER PICARD Gertrud Ambivalence Transcended The Study of the Writings of Annette von Droste Hiilshoff Drawer Camden House 1997 BENHAIM Mich le L ambivalence de la m re tude psychanalytique sur la position maternelle Paris r s 2001 CRAIG Stephen C d Ambivalence and the Structure of Political Opinion Gordonsville Palgrave Macmillan 2005 DONATI Pierpaolo Sociological Ambivalence in the Thought of R K Merton Robert K Merton amp Contemporary Sociology ds 341 Bibliographie MONGARDINI Carlo amp TABBONI Simonetta Transaction Publishers New Brunswick New Jersey 1998 en ligne Disponible sur lt http books google com books id 7 QaGuulFoCY C amp printsec frontcover amp dq weiger
17. Elle s affranchit de la responsabilit de ses choix sa vie lui semble un hasard en somme F 15 un destin auquel elle avait toujours esp r chapper par un d tour quelconque par une fissure miraculeuse F 15 Le peu d espoir qu elle entretient quant un futur meilleur s estompe aussit t au profit d un fatalisme absolu Un jour arriverait ce qui lib re Mais a ne se passe jamais comme cela elle le savait F 15 Le dilemme de Sylvie c est que son mari aupr s de qui elle choisit de rester car nagu re m diateur de son d sir devient aussi ce qui emp che de se construire et ce qui cimente l ali nation de sa personnalit Quand Sylvie choisit de demeurer dans le mariage elle opte galement pour ce qui jugule son soi aspirant une r alit plus authentique et aussi pour ce qui finalement scellera son destin tragique C est la figure de Sylvie qui semble manifester le plus de similitudes avec le v cu de Susini et c est dans sa description que le lecteur d c le l cho de l ambivalence proprement susinienne Sylvie est doublement ambivalente car tout en tant partag e entre deux mondes le Nord et le Sud avec leurs syst mes de repr sentation respectifs elle est aussi scind e entre l attachement pour un Corse et le d tachement graduel de la Corse Susini marqu e elle m me par des sentiments contradictoires envers cette le semble travers la fictionnalisation de cette trang
18. La figure f minine se pr nommant Madalena est retrouv e dans le dernier roman Je m appelle Anna Livia C est elle qui avec son mari s occupe d Anna Livia quand la mere de celle ci l abandonne Il s agit dun personnage maternel et compr hensif du m me genre que celui dans Plein soleil une femme qui comprend la jeune fille et la laisse s clore sans vouloir infl chir ses penchants naturels A l inverse des personnages dans les autres romans dans Je m appelle Anna Livia cest Madalena qu est inflig e la souffrance de voir deux tres chers d p rir d abord son fils puis Anna Livia D autres personnages ne portent pas n cessairement de nom mais le lecteur rep re des personnages qui se ressemblent et qui voquent les m mes connotations chez lui d un ouvrage l autre Dans Plein soleil Vanina d couvre celle qu elle d nomme la femme l ombrelle D s le matin elle avait les ongles et les l vres rouges Elle restait tendue des heures durant sur la chaise longue qu elle avait apport e de la ville avec la petite rallonge pour les pieds PS 50 Ce personnage est amplifi dans La Fiera pour incarner Sylvie qui passe son temps dans le jardin lire dans la chaise 300 9 Ambivalences identitaires longue L histoire port e par les deux personnages est la m me une jeune femme venue de l ext rieur meurt dans l le suite une maladie Un autre ph nom ne int ressant dans la fiction
19. Mich le Castelli de son c t d couvre la trame complexe insulaire dans une suite de romans Marie di Lola 1982 Marie di Lola Rue Ch teau Payan 1985 et La veuve blanche 1998 Les prix divers qu ont re us entre autres ces ouvrages t moignent leur mani re de l estime que portent sur la litt rature contemporaine corse les institutions litt raires corses et continentales 240 Revue des livres Etudes XII 1953 p 422 241 Le Fonds d archives des Editions du Seuil dossier de fabrication de La Fiera Paris PIMEC 102 3 Arri re fond et r ception r ussite du roman est toujours selon B guin imputable notamment au style d criture Cette si s re atteinte qui impose une lecture de participation et non de spectacle est due me semble t il la justesse de l expression j entends par l non seulement une langue la fois tr s simple et devenue style la fois naturelle et gouvern e mais surtout un rythme particulier de la narration qui est rapide dans le d tail et qui pourtant laisse l impression de lenteur contemplative a quoi se reconnait la plus incontestable po sie de Phumain Jean Blanzani dans Le Figaro Litt raire pr sente La Fiera dans les termes suivants La Corse si noire de Marie Susini semble vraie parce que nous la sentons jaillie d une irr cusable exp rience personnelle Le rapport entre l uvre et l exp rience personnelle est galement voqu
20. ayant acquis un statut ultime Pour en rendre la diversit il faut faire interagir avec les uvres majeures de la litt rature celles repr sentant la marge qu il s agisse d une marginalit r gionale ou d une autre Les derni res ann es ont vu se multiplier les tudes et les colloques portant sur les litt ratures de langue fran aise issues du bassin m diterran en celles de la rive sud et celles de la rive nord avec un largissement vers l occident et l orient Tout en y tant pr sentes les tudes sur la litt rature corse d expression fran aise ne semblent y figurer que d une mani re sporadique ceci sexpliquant probablement par le caract re interm diaire de l emplacement g ographique de l le lieu entre les rives Elle ne semble pas non plus se classer parmi les litt ratures francophones car elle est logiquement ins rer dans la litt rature fran aise Elle semble ainsi tre tax e d un caract re fondamentalement m dian Contre les rivages 38 Dominique Maingueneau Le discours litt raire Paris Armand Colin 2004 p 47 32 Introduction de la Corse se brise toutefois une succession de vagues d influences imaginaires vari es et enrichissantes fran aises aussi bien que m diterran ennes La litt rature corse peut donc en parlant de l laboration litt raire d un imaginaire m diterran en servir de plaque tournante dont l incidence sur la sc ne litt raire m rite encore d tre l
21. chappatoire des tensions insoutenables comme c est souvent le cas dans des romans mettant en avant des filles qui souhaitent se d rober au destin matrimonial tout au contraire la vie de Vanina au couvent est hant e par des ombres et pass e dans la tourmente de cauchemars et d incertitudes Le r le des parents dans la claustration de la jeune fille est crucial La position des parents est initialement invoqu e obliquement par la voix de la narratrice et l optique r trospective qu elle permet lorsqu une vieille dame commente l ge de Vanina Vierge Sainte si petite pour tre emmen e chez les nonnes la perspective de la narratrice est v hicul e vers le lecteur dans les termes suivants J entendais ces m mes propos trois ou quatre fois sinon davantage le long de ce trajet de deux heures La pension mon ge Il ny avait que mes parents et les religieuses qui trouvaient cela naturel Et moi bien s r PS 11 Ce qui transpara t du commentaire de la narratrice est sa connaissance acquise ult rieurement que l exclusion d une petite fille dans un couvent n tait pas une solution impos e par un code social quelconque toutes les filles de son ge tout comme une certaine ironie distanc e du fait que sans manifester aucun doute ni aucune interrogation la narratrice s est dans son enfance laiss e impr gner des valeurs de ses parents alors qu elle laisse entendre que plus tard s est op r un c
22. et amplifi les tudes men es par ses pr d cesseurs et ses contemporains mais p che peut tre son tour par la d faillance de d finitions de notions telles que tendance et composante figurant dans la d finition de l ambivalence A quoi exactement ces notions renvoient elles 78 Ibid p 59 Ibid 64 53 Premi re partie De la th orie la r alit 1 1 4 L ambivalence comme espace de transition Pour Freud l ambivalence tait li e au conflit Des d finitions plus contemporaines dans le domaine de la psychologie mettent davantage en avant son rapport avec la transition Engle et Arkowitz remarquent que la notion d ambivalence est profond ment li e au changement soit elle concerne le changement m me soit les m thodes pour atteindre un changement Selon eux l ambivalence est r currente dans le cas o l individu tente d liminer des d pendances tout en manifestant une volont prononc e d effectuer un changement l individu oscille entre le changement et le statu quo Souvent le changement progresse gr ce un mouvement d oscillation plut t qu en respectant une progression r guli re Athanassiou Popesco son tour explicite les m canismes de ce changement dans l acception g n ralement admise du terme d ambivalence l investissement positif pour un objet se m le un investissement n gatif Le sentiment d ambivalence est l oscillation entre le p le positif et le
23. leur gard 262 8 Ambivalences socioculturelles formul e comme une injonction brider ses sentiments au profit d un calme insensible voire implacable La narratrice n est pas insensible au fait que les parents tentent de diriger les pens es et les modes d agir de Vanina vers ce qui est attendu d une fille d environ dix ans au contraire elle fait sentir qu ils battent en br che une certaine image de jeune fille autonome et insoumise qu elle nourrit Ceci est illustr dans le passage o les parents discutent de la possibilit qu un de leurs fils construise un jour une maison sur leur terrain Lorsque Vanina donne voix son d sir d y habiter un jour ses id es sont pr cipitamment conduites Par respect Vanina ne contredit pas ses parents En revanche la narratrice met en avant sa critique contre un syst me patriarcal ancien en voquant l ventualit de la construction future d une maison mon p re et ma m re savaient pourtant qu ils ne feraient jamais construire une maison Malconsiglio Ils ne quitteraient jamais la maison construite depuis des g n rations et transmise depuis de p re en fils Toujours de p re en fils Par les hommes PS 68 En l occurrence la r it ration et la citation concourent renforcer l effet critique de l nonciation Un des sujets de conflit entre l h ro ne et ses parents touche son ducation Je n aimais pas la classe Je n aimais pas appre
24. poque elle est dure et sans d faut F 11 Les deux femmes incarnent ainsi des normes conflictuelles inconciliables Le couple form par Angnola et sa m re met en vidence l ab me existant entre les exigences par rapport au r le d sign la jeune fille et les performances v ritables de la jeune femme et la n gociation laquelle Angnola est forc e en s astreignant incorporer les demandes concr tes d une situation pr cise avec des l ments d riv s de son r pertoire d attitudes individuelles Non seulement Angnola est partag e dans son affection pour sa m re cartel e entre crainte et tendresse F 13 son gard mais son dilemme est aussi bien d ordre biologique que doublement d ordre social Adolescente sa propension s int resser un jeune de son ge est plut t conditionn e par la nature que manipulable par la seule volont Socialement il lui est impos en vue de sauvegarder l ordre social de fonder une famille et d arriver au mariage en incarnant les deux vertus cardinales de puret et de virginit assurant ainsi l honneur de la famille Simultan ment le code social lui proscrit des valeurs oppos es sa nature et son caract re la discr tion la chastet l int riorisation de toute motion et l touffement de toute effusion Elle se trouve alors prise entre deux conditionnements contradictoires le conditionnement social et le conditionnement biologique
25. tre sinon asexu e du moins une femme sexualit neutralis e car au service de Dieu une nonne S ur Louis de Gonzague est jeune belle et idol tr e par Vanina car c est elle qui soigne la petite lorsqu elle tombe malade et doit tre isol e pour ne pas contaminer les autres Un soir la s ur arrive dans la chambre qu elle partage avec Vanina et se d shabille lentement avec une insouciance et une sensualit d concertantes aux yeux de la fillette Au fur et a mesure que la s ur se d v tit robe qui s enl ve avec nonchalance jupon qui tombe avec une myst rieuse lenteur PS 88 corset que la s ur se met d lacer et pantalons petites fentes et festons le c ur de Vanina se met palpiter une vitesse inconnue Vanina tente de freiner les 82 Vladimir Propp Morphologie du conte Paris Seuil 1965 1970 p 135 283 Thid p 93 94 122 4 De la jeune fille la jeune femme mouvements de la femme par des signes toussotements pri res mais rien n y fait elle est comme aspir e malgr elle dans un monde de s duction qu elle a la certitude de vouloir viter L intimit s amenuise dans son int gralit lorsque la nonne se penche sur le lit de Vanina pour l embrasser en lui souhaitant bonne nuit Son haleine me brila le visage PS 88 89 faisant maner un halo obscur ment rotique sur l incident Vanina couple cette sc ne a une autre plus mondaine que lui a racont e une au
26. tude de Barjon a le m rite de mettre en avant la forme comme qualit d criture de la production romanesque de Marie Susini et de Camille Bourniquel Il ne s agit pas v ritablement d une tude comparative mais de deux analyses juxtapos es En ce qui concerne Les yeux ferm s il met surtout en lumi re sa qualit po tique Il soutient que la disposition typographique m me du roman exige que ce livre soit lu comme un po me A travers la notion de po ticit de l uvre Barjon d montre le lien entre le fragmentaire et la totalit le d cousu et la continuit du texte Il met galement en vidence les proc d s par lesquels les r sonances int rieures de l h ro ne se m lent des images m morielles pr cises pour cr er une succession d pisodes qui de part en part tissent la trame d un seul et m me r cit lancinant d une femme en proie une d sagr gation graduelle et douloureuse Dans un autre article comparatif Deux mani res d crire les les la litt rature corse et la litt rature sarde d aujourd hui paru en 1982 Jean Louis Andr met en parall le les th matiques de ces deux litt ratures insulaires Le pr requis de son raisonnement est que ces deux traditions 19 tudes no 322 janvier juin 1965 avril 1965 p 524 531 20 Par ailleurs Barjon situe le fond du r cit en Espagne or plusieurs endroits dans le roman l on peut trouver des r f rences une le Nous
27. uvre de Droste H lshoff mais elle met l accent sur l volution de Droste H lshoff comme crivain dans une perspective plus globale dans un premier temps il s agit de la complexit de la lutte de Droste H lshoff afin de pouvoir trouver une voix cr atrice pour accomplir son destin d auteur D une attitude ambivalente troublante Droste H lshoff volue via une exp rience fantaisiste vers une conscience du r le de la fantaisie comme source de l expression cr atrice Sont galement pass s au crible dans l tude de Bauer Picard l instant narratif et la lutte personnelle et litt raire de Droste H lshoff pour devenir un auteur ind pendant part enti re La pierre angulaire de la r flexion de Bauer Picard est le constat que Droste H lshoff a d transcender sa propre ambivalence afin de trouver la force de poursuivre sa vocation et de persister dans sa voie d crivain La troisi me tude consacr e un seul auteur que nous voudrions citer est analyse psychanalytique portant sur le po te anglais Shelley intitul Shelley s Ambivalence men e par Christine Gallant Les outils analytiques sont emprunt s a Jung Freud Klein et Winnicott Dans son analyse Gallant retrace les premiers stades du d veloppement de lego du po te avec comme objectif de tirer au clair a l aide des fantasmes symboliques des premi res ann es de la vie de Shelley les conflits troublants qui fa onnent sa po sie Dans une perspect
28. 110 Le comportement et l attitude de la m re entourent la naissance d un halo indiff rent qui n est pourtant pas comparable au d sint ressement manifest par le p re une fois confront au b b ton p re ne t a m me pas regard e M me pas regard e non m me pas Il ma pas voulu te voir Dommage il a dit dommage NA 111 La r action du p re est accompagn e d un mouvement violent avec sa canne dont la signification demeurera inexpliqu e l a t il brandie en direction du nouveau n de la m re ou des Arabes accourus aux nouvelles et faisant demi tour autour d eux La d ception du p re est dans tous les cas de taille une fille signifie qu il doit renoncer son r ve de voir son fils entrer au Saint Cyr et par cons quent l ascension et a la gloire sociales qui en d couleraient L vitement de la part du p re se poursuit au fil de adolescence de Fabia Il trouvait mille pr textes pour m viter quand j tais en vacances la maison NA 113 Ce comportement du p re incite Fabia une conduite compulsionnelle ambivalente tout prix elle essaie d attirer son attention en se pla ant sur son chemin le consid rant simultan ment avec une rage et une sorte de joie NA 113 le provocant cherchant la limite de sa peur tentant d veiller la violence du p re sans succ s Conform ment 212 6 Une maternit d faillante au souhait du p re la m re i
29. D finitivement Ce qui me pla t c est daller de l une l autre c est d tre en chemin Le passage met en avant l attitude ambivalente de Susini vis a vis de la mer vue a la fois comme force joignante et force s paratrice et de la Corse comme lieu qui expulse mais aussi qui attire Ce que Susini voque ce n est ni un refus d attachement ni une absence de points d attaches mais un besoin constant d actualiser et de maintenir l ind termination en se tenant 372 Ghislaine Fratani entretien personnel Ajaccio Corse le 9 ao t 2004 373 Ibid p 34 374 L le sans rivages la Corse film r alis par Jean Archimbaud diffus le 26 f vrier 1985 sur TF1 242 7 Ambivalences spatiotemporelles distance puis en s approchant du p ril ext rieur qui provoque la tension la sous tendant Parall lement son exil auto impos Susini est donc rest e toute sa vie tiraill e par ses sentiments pour la Corse avec laquelle elle a entretenu une relation consciente d ambivalence affective Mon rapport avec elle la Corse n est fait que d approches et de reculs passionn s d amour et de 375 Toute sa vie haine et jamais sans doute il ne changera crira t elle Susini est donc rest e dans la perspective ouverte par la r flexion de Maingueneau prisonni re d une oscillation ax ologique angoissante a la fois recherch e et entretenue dans sa cr ation Le discours susi
30. Entretien avec Marie Susini L cole des lettres II art cit p 36 181 Ibid 182 Du 23 mars 1981 Paris Seuil 185 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini L cole des lettres IL art cit p 36 87 Premi re partie De la th orie la r alit des Corses de faire partie int grante d une certaine volution de leur ile L essai forme l espace d un bilan de la part de Susini par rapport ses sentiments ambigus envers son le natale sur un ton la fois nostalgique et critique elle voque la mentalit et le code soci tal qui l ont pouss e a choisir lexil sur le Continent plut t qu une vie dans l le Parce que je le portais en moi depuis tr s longtemps j avais encore des choses exprimer pour vraiment cette fois l avoir du moins pour moi tout dit sur la Corse Je me suis aper ue que partie avec Plein soleil dans le r cit de mon enfance je bouclais la boucle la fin de ma vie Je me suis retrouv e racontant Plein soleil mais avec trente cinq ans d cart Elle d peint une Corse d chir e entre sa m fiance l gendaire et sa l gendaire hospitalit aussi pour accueillir les trangers sur son sol Elle voque l ambivalence inh rente son le natale dans des termes loquents La violence qui exalte cette terre dans le m me temps la consume C est en soi quelle trouve son origine et sa fin Sa glorification L ceuvre
31. L image de la Corse dans la litt rature romantique fran aise Paris P U F s l E J L 1979 JOUVE Vincent L effet personnage dans le roman Paris P U F 1992 KAUFMANN Jean Claude L invention de soi Une th orie de l identit Paris Armand Colin 2004 KING Nicola Narrative Identity Remembering the Self Edinburg Edinburg University Press 2000 KRISTEVA Julia S m i tik Paris Seuil 1969 KRISTEVA Julia Histoires d amour Paris Deno l 1994 KRISTEVA Julia Le temps sensible Paris Gallimard 1994 KRISTEVA Julia Seule une femme Paris L Aube 2007 La Bible Traduction cecum nique de la Bible comprenant l Ancien et le Nouveau testament traduits sur les textes originaux h breu et grec avec introduction notes essentielles glossaire Nouvelle dition revue 1996 Alliance Biblique Universelle Le Cerf La litt rature fran aise depuis 1968 VERCIER Bruno LECARME Jacques ds Paris Bordas 1982 La litt rature francophone anthologie publi e par L Agence de Coop ration Culturelle et Technique Paris Nathan 1992 LEJEUNE Philippe Le pacte autobiographique Paris Seuil 1975 1996 Le Petit Robert 2011 Dictionnaire alphab tique et analogique de la langue fran aise Texte remani et amplifi sous la direction de REY DEBOUE Josette et REY Alain Paris Dictionnaires Le Robert nouvelle dition 2010 Le Petit Larousse Illustr Paris Larousse 2001 Le roman de la Corse MOLITERNI Clau
32. Le discours litt raire op cit p 31 35 Le discours litt raire op cit p 191 238 7 Ambivalences spatiotemporelles 7 1 1 Non lieu producteur d utopies Plusieurs angles d attaques caract risent les consid rations sur la part que joue le lieu dans l mergence du discours Entre autres sont sollicit es les consid rations sur le r le que tient l espace dans son mergence Maingueneau et Heinich soulignent dune mani re explicite le besoin d ind termination voire ambivalence comme force motrice de la cr ation d une profession sp cifique les crivains Selon Maingueneau le cr ateur ne peut se placer ni l int rieur ni l ext rieur de la soci t construction manifeste de la r alit mais il se situe dans un hors lieu suspendu la fronti re entre les deux L crivain soutient Maingueneau investit son uvre de cette oscillation probl matique de son appartenance son impossible inclusion dans une topie L uvre est l instrument l aide duquel l auteur g re son intenable position dans la soci t s astreignant la fois r soudre et pr server son exclusion qui est 360 simultan ment le contenu et le moteur de sa cr ation Maingueneau crit L crivain est quelqu un qui n a pas lieu d tre et qui doit construire le territoire de son uvre travers cette faille m me c est quelqu un dont nonciation se constitue travers
33. Lectures culturelles juin 1957 R G s n Bulletin bibliographique de l Institut P dagogique National 34 ORAN R publique 2 M F s n Cahier Bibliographique nov 1957 105 Premi re partie De la th orie la r alit Jean Grenier met en avant la dimension ontologique du roman en faisant surgir notamment l aspect cruel dun comportement presque animal de homme Parce qu il est faible parce qu il s en veut lui m me parce qu il est condamn a faire souffrir pour se prouver sa propre existence et se croire libre la femme enferm e dans son amour n en d sirant que la persistance et la r p tition avec la force des l ments de la nature Dans sa note critique R M Alb r s analyse Un pas d homme en la situant dans le sillage du chef d uvre du roman d analyse La princesse de Cl ves Des sentiments moins nobles une situation plus famili re et plus sordide une narration plus br ve moins d analyse que de suggestion un psychologisme infiniment plus c r bral du moins d apparence voila ce qui aujourd hui a ce qui fut le chef d ceuvre du roman d analyse Et Alb r s de poursuivre en synth se Beau roman de nuances de violences intimes de silence du c ur pour ceux que passionne encore cette torture des sentiments que l on nomma autrefois le roman psychologique Homog ne et bref Un pas d homme marque la ma trise du romancier sur ce sujet romanesque lamour
34. anmoins par servir de catalyseur d un mal programm par les forces divines Alors que Francesco est rong par une peine inconsolable c est Corvara qui lui inflige la blessure finale en lui lan ant une injonction fatale le faisant basculer dans un malheur irr versible Christophe Cusset La trag die grecque Paris Seuil 1997 p 56 203 Deuxi me partie L ambivalence de la femme En tant que lecteur il est difficile de formuler un jugement moral sur les actions tant donn que l action dans la pi ce s inscrit dans une cha ne v nements d termin s d une mani re causale par ce qui semble tre un atavisme tragique 5 3 3 Parole meurtri re Il n y a pas de mots neutres crit Bourdieu L uvre de Susini est baign e de reflets de cette constatation Chez Susini la fonction qu assume la parole n est jamais al atoire elle est soit lacunaire comme chez Nunzia soit abondante ou minemment proverbiale et sentencieuse comme chez les villageois commentant une situation communautaire ou priv e dans La Fiera ou encore fatidique comme les propos de Corvara dans Corvara ou la mal diction Sois maudit entre tous toi qui portes le malheur RC 212 l adresse de son mari qui finira bien par mourir Susini n explicite pas les circonstances pr c dant ces propos acrimonieux outre le fait que Corvara les prononce contre son gr Je ne le voulais pas Je ne le souhaitais pas On di
35. car paradoxalement ce qui lui est impos du point de vue social passe par un conditionnement biologique en apparence r cusable La m re d Angnola de son c t est confront e a un autre dilemme face la conduite de sa fille la transformation des r gles de transmission patrimoniale ne se fait pas selon elle conform ment la tradition La confrontation entre m re et fille ne se r alise pas comme un face face mais elle est accentu e implicitement au niveau de l criture par le recours la m taphore et au symbolique Au d but de ce jour tout brillant les lans d Angnola se heurtaient au dos raide et malheureux de sa m re qui se h tait dans le sentier Si pr s d elle sa m re mais avec ces choses en elle qui arr tent et clouent sur place et rendent coupable F 13 Ce que Susini met en vidence dans ce rapport c est l angoisse de la jeune femme qui voit toute vie motionnelle constituer un sacrifice au nom du processus de socialisation pour devenir une femme respectable honorable Susini met galement en avant le moyen de la femme d avoir recours la conformit 144 4 De la jeune fille la jeune femme comme solution a l ambivalence sociale provoqu e par la transition entre le statut d enfant de sa m re et le statut de jeune femme sur la voie de l mancipation 4 3 2 Les enjeux de l incorporation de l ordre social Le travail de socialisation de la jeune femme s accomplit en grande parti
36. des textes ant rieurs et ult rieurs de sorte que toute s quence est doublement orient e vers l acte de la r miniscence vocation d une autre criture et vers l acte de la sommation la transformation de cette 1 Devenus ainsi des textes dialogues les textes peuvent offrir criture une polyvalence certaine en s adressant d un c t a d autres textes et de l autre en contestant la logique d un syst me soumis une loi manifestant leur logique dans un espace bris Dans le sillage de Bakhtine et de Kristeva nous consid rons le texte comme une intertextualit c l bre terme monnay par Kristeva dans l espace d un texte plusieurs nonc s pris d autres textes se croisent et se neutralisent Ainsi la production litt raire est une transformation et une permutation des textes ant rieurs crits ou parl s litt raires th oriques philosophiques bibliques etc ou autres et le texte litt raire est un dialogue ouvert ou ferm reprenant de diverses mani res des discours vari s que l criture fictionnelle absorbe au niveau textuel 9 3 1 L intratextualite au service de la destabilisation du personnage Comme le mettent en avant les r flexions sur l intertextualit les textes sont constitu s de composantes sociohistoriques tout comme ils sont constitu s de composantes linguistiques car la litt rature ne s crit pas seulement dans sa relation au monde mais
37. e la Corse l essai o Susini adresse une critique virulente aux Corses qui ont vendu leurs terrains aux promoteurs trangers 19 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Face au r alisme du fr re les souvenirs de Sefarad sont empreints d un romantisme r veur elle brosse l image d une enfance pauvre mais heureuse o la corv e des femmes ou encore leur illettrisme sont marqu s d une aura nostalgique Sefarad sert galement d interface l id e de Susini que l enfance la campagne est pr f rable l enfance urbaine mettant en contraste en l occurrence la vie de Sefarad avec celle de son mari dont l exp rience est une enfance de ville Et de riche Une enfance de riche la ville c est sans odeur YF 67 M me leur rupture est d finie par une m taphore relative a la dichotomie campagne ville Entre lui et moi il y avait eu lair vici de la ville YF 82 M me si Sefarad a v cu toute sa vie adulte en ville s accordant sur son rythme et ses pulsions et ayant profit de l anonymat que la ville permet elle est demeur e fondamentalement attach e a la campagne Les valeurs les plus primordiales dans le systeme de r f rences de Sefarad s affrontent ainsi dans son couple C est aussi sur le fond de la ville que se projette la solitude de Sefarad c est la qu elle erre sans but Deux occurrences mettent en avant la solitude de Sefarad dans la ville J errai dans les rues d
38. e et dont elle doit harmoniser les multiples dissonances afin d en saisir le sens 4 1 2 Les enjeux de la claustration Selon Nathalie Heinich la voie de la religion et son support institutionnel le couvent quivalent dans l espace de certaines fictions romanesques la mort le couvent en est la repr sentation socialement institu e Les romans monastiques existent en tant que r volte contre la r clusion dans la mesure o celle ci est en conflit avec l id e dun amour entre la femme et 118 4 De la jeune fille la jeune femme l homme Si l on prend les postulats de Heinich comme point de rep re le roman Plein soleil ne cadre pas tout a fait avec la d finition d un roman monastique il ne s agit pas dans Plein soleil de faire talage de la vie d une nonne ni de mettre en vidence une v ritable absence de vocation a prendre l habit N anmoins Plein soleil partage avec les romans monastiques leur aspect de soumission forc e de la figure f minine la condition monastique et de quelque mani re le roman repr sente la mort non pas physique de Vanina mais certainement dans le sens o elle fait peau neuve l enfant est sacrifi e sur l autel de l av nement de l adolescence Le couvent repr sente pour Vanina une mise l cart de la convivialit communautaire c t du chagrin vident provoqu par la s paration douloureuse d avec sa famille Le couvent n est pas dans son cas une
39. est lui le coupable Les deux connaissent la v rit mais ayant mis le caract re de Manuela sous un jour d favorable Serge sing nie d tourner la conversation sans laisser la jeune femme la possibilit de se d fendre ni de s expliquer Les deux savent galement que dans cette situation elle a honte de lui Elle contient sa rage alors que lui confront se met en col re puis 165 Deuxi me partie L ambivalence de la femme d tourne encore une fois la conversation vers des sujets plus anodins Ainsi Manuela a l impression qu avec lui la sympathie se double toujours de honte de piti et de d sespoir sans qu elle soit capable de d signer cette chose vidente qui constitue le noyau de leur m sentente et qui se d robe a tout effort de rationalisation Manuela voque cet v nement comme crucial en ce qui concerne le d part de Serge pour cela m me qu il avait fait ce soir l et parce qu il n avait pas voulu le reconna tre il ne pouvait plus d sormais ne pas partir PH 57 alors que cette humiliation la laisse elle encore davantage impuissante briser cette entrave qui venait de se resserrer PH 57 Et pourtant quelques pages plus loin cette certitude s effrite comme si elle ne se souvenait plus des raisons voqu es ici Les figures f minines bross es par Susini sont comme nous l avons d j constat plus haut souvent des tres solitaires Manuela n est pas une exception Dans
40. et notamment la m re choisissent de rev tir dans le passage de la fille la femme Annie Ernaux par exemple voque la honte qui mena ait les filles et la surveillance sociale constante qui guettait leur exc s dans le maquillage et l habillement tout d elles tait l objet d une surveillance d crit elle en voquant l ambiance en g n ralis e de la soci t Normandie apr s la deuxi me guerre mondiale Encore bien plus tard pendant les ann es Mitterrand Ernaux d nonce le contr le dont sont 23 Ambivalence A key concept for the study of intergenerational relations Family issues between gender and generations Sylvia Trnka d European Commission Directorate General for Employment and Social Affairs 2000 p 13 4 Les ann es Paris Gallimard 2008 p 76 25 Les deux mandats du Pr sident Fran ois Mitterrand s tendent de 1981 a 1994 140 4 De la jeune fille la jeune femme victimes les femmes les go ts et les d sirs faisaient l objet d un discours assidu d une attention inqui te et triomphante Il s agit donc d un ph nom ne d tach du lieu et du temps Le r le de la m re dans l mancipation des jeunes femmes ne doit pas tre sous estim car param tre de premi re importance dans l ambivalence que ressentent les jeunes femmes dans leur processus d individuation L ambivalence des jeunes femmes prend parfois naissance et se d finit par rappo
41. fonction de la description qui y est mise l uvre car beaucoup de la profondeur du personnage de Vanina provient non pas de l paisseur s mantique que la narratrice lui conf re ma s de son interaction avec la nature L importance de la description de la nature r side moins dans la pr sentation de la nature per se que dans la mani re dont elle est communiqu e travers le regard de la protagoniste La nature fonctionne comme toile de fond des projections imaginatives et m morielles de Vanina et la perception de la nature est rendue de fa on ce qu elle refl te tat mental de Vanina ses joies et ses craintes D un c t la nature est comme un miroir qui renvoie l image des tres chers Vanina Les bruy res en fleur le tintement de la cloche pendue au cou de la ch vre et qui se r p te inlassablement dans la tristesse de la montagne corse tout me rappelait le visage de ma m re PS 8 De l autre tre et la nature se confondent dans une fusion imm diate Je ne voyais plus pr sent qu un chapeau de paille voguant sur les foug res hautes un G rard Genette Figures II Paris Seuil 1969 p 58 59 116 4 De la jeune fille la jeune femme chapeau qui marchait tout seul au dessus des fougeres Un chapeau qui n appartenait a personne PS 154 155 L importance de la nature est voqu e la fois au niveau de la di g se et au niveau de la m tadi g se et elle est consub
42. heureuse de l enfance Or la lumi re ne correspond pas uniquement la blancheur et l innocence chez Susini une note plus grave la teinte ailleurs Un rayon de soleil glissait furtivement travers les stores baiss s PS 54 55 l adverbe furtivement associant la lumi re avec la sournoiserie Dans Je m appelle Anna Livia le soleil devient carr ment d vorateur extincteur de vie Le soleil m absorbera Il ne restera rien de moi AL 39 conclut la narratrice rench rissant Le soleil me boira toute AL 41 A d autres occasions l attribution d un seul adjectif un ph nom ne transmet une menace qui mine le r cit et teinte la narration de l appr hension de la narratrice Par exemple pour d crire a la fois le bonheur d Angnola et sa d sillusion Susini a recours l adjectif lourd Elle plongeait au c ur m me de cet instant dans ce matin d ao t lourd de toutes les promesses lourd de la prochaine rencontre avec Gias F 58 59 Angnola est encore ce moment inconsciente de la d ception qui sera la sienne alors que la voix de la narratrice d voile qu elle conna t l issue des v nements La m taphore et l emploi de l adjectif servent dans ce cas d amorces figure annon ant en creux ce qui adviendra ult rieurement dans l histoire Ce sont toutefois les m taphores connotation n gative qui pr dominent dans les textes de Susini Elles voquent les motions qui accompagnent les
43. la probl matique de l identit li e au pr nom de ces h ro nes 2 2 3 Retour aux racines Pendant quinze ans plusieurs maisons d ditions sollicitent un livre sur la Corse a Susini qui le leur refuse consid rant qu elle a tout dit sur la Corse dans les textes de la trilogie corse Plein soleil La Fiera et Corvara ou la mal diction Or la Toussaint en 1980 un Stabat Mater est sorti brutalement d une radio chant par un ch ur corse a m a fait un choc si fort que je me suis jet e corps perdu dans ce qui allait tre La Renferm e la 81 explique Susini sur les raisons de revenir sur sa d cision Corse Dans une lettre dat e du 17 f vrier 1981 crite par Michel Chodkiewicz l adresse de Susini est voqu un ouvrage nomm ce moment Corse un texte toujours en laboration Il est question d un essai Le nom d finitif en sera La Renferm e la Corse Selon la fiche de promotion il ne s agit ni d un livre touristique ni d un livre pour r ver mais une m ditation en forme de confidence autobiographique Le livre compte une centaine de pages en grand format et est richement illustr par des photos de Chris Marker Dans l essai crit en un mois Susini revient sur son enfance corse et retrace l histoire sociale de la Corse en d non ant les changements qui y ont eu lieu suite la politique du gouvernement fran ais tout autant qu au d sir 180 Francine de Martinoir
44. la soci t insulaire s ouvre des valeurs et des attitudes inconnues ou tout simplement autres pour les autochtones Ce roman met donc en sc ne une jeune femme Sylvie normande originaire d un contexte majoritaire au niveau national devenue repr sentante d une culture minoritaire dans le contexte o elle a se d finir vis vis de la culture majoritaire corse celle ci ne parvenant pas se d faire d un sentiment pesant d alt rit et de non insertion la soci t d accueil Ce sentiment dalt rit par rapport la culture ambiante se manifeste de plusieurs fa ons En premier il y a la manifestation des choses concr tes Les objets qui avaient pes sur elle en chacune des heures pass es dans cette maison la petite statue de la Vierge la veilleuse toujours allum e le p trin noir et massif l p e donn e par l empereur lors d une de ses campagnes pieusement accroch e au mur F 15 16 Ensuite il y a ce qui est moins facilement visible mais non moins perceptible la communication non verbale Seule tout le jour pour supporter le poids de ces paroles celles que l on ne dit jamais F 15 Par cons quent l alt rit se transmue graduellement en solitude et elle se retrouve pour pleurer en silence et se d battre en elle m me seule dans un pays tranger au milieu de gens trangers F 15 Si les objets cessent progressivement de poss der un pouvoir sur elle pr sen
45. mais contre culture ce qui correspond galement au cas d Anna Livia Anna Livia n a pas le sentiment de transgresser une loi naturelle s il y a une quelconque pression sur elle d agir apr s l acte c est que l homme a instaur des r gles prohibant l inceste le rendant un acte honteux trange inceste que celui d Anna Livia et de son p re dans lequel la jeune fille cherche autant assouvir un besoin d aider son p re que de se faire aider AL 89 Etrange refus galement de sa part de crier non AL 89 au moment o le p re s approche d elle un refus nous confie la narratrice qui sonne moins comme un refus que comme la d n gation d sesp r e de son renoncement une plainte trangl e sauvage AL 89 trange inceste finalement de par le renversement des r les et la redistribution des responsabilit s la puissance de adolescente est mystifi e h ro s e pour finalement tre puis e dans la d mystification de l apr s coup rempla ant l aveuglement de l instant par la prise en conscience d Anna Livia consciente dans son corps si elle ne l est pas au niveau de la cognition qu elle est le d positaire d un tragique innommable A la fin du roman la narration met en question la v racit m me de l v nement narr il s agit dun r ve veill AL 172 u n r ve peut tre le r ve de ce qui jamais n avait pu tre un amour si souvent r v qu
46. me nom consiste lui faire correspondre une permanence l Si un auteur tient traiter des et confirmer son identit et son ips it questions relatives l identit un des moyens a sa disposition est par cons quent de mettre en doute la fixit du rep re stable qu est le nom propre Susini met en uvre une telle mise en doute de la notion d identit a travers une mise en relief insistante du pr nom f minin Dans sa production s effectue une lente dilution de l identit f minine consid r e au travers l optique qu offre le pr nom des h ro nes Dans le premier roman le pr nom est arrim dans une longue tradition historique pour devenir une notion dissoute dans le dernier roman Je m appelle Anna Livia De part en part la personne dont la reconnaissance non manifest e atteint l individu dans son noyau identitaire est un membre de plus en plus intime de la personne dont le pr nom est mis au c ur du r cit Dans Plein soleil il s agit de la M re sup rieure dans Je m appelle Anna Livia du p re d Anna Livia Il est en effet int ressant de constater que pour d signer l h ro ne dans Plein soleil Susini a opt pour le pr nom Vanina ce qui n est sans doute pas l effet du hasard tant donn que le pr nom est ancr aussi bien dans l histoire de la Corse que dans la litt rature portant sur elle Pour ce qui est des faits historiques Vanina ou Vannina d Ornano 1530 1563 pousa a 15 Le roman
47. mes PH 122 5 1 6 L attente une atemporalit tale La temporalit est toujours un l ment primordial dans les r cits ne serait ce que parce que tout se joue dans l talement du temps La di g se dans Un 32 Voir par exemple Nicola King Memory Narrative Identity Remembering the Self op cit 320 Etait ce un r ve PH p 86 Etait ce un r ve ou un lointain souvenir PH p 87 se demande Manuela au sujet de la rencontre avec l homme Rome 175 Deuxi me partie L ambivalence de la femme pas d homme est construite autour de la temporalit D un c t la conduite de Manuela est scind e par rapport l v nement quelle sait qu il se r alisera de l autre elle tient freiner le d roulement des v nements pour ne pas avoir affronter le moment qui constituera le d nouement de son couple Le r cit s inscrit dans une atemporalit tale C est et la fois ce n est pas ce n est pas encore puisque Serge est encore l et tant qu il est l ce n est pas PH 142 Un des themes qui mine tout l ouvrage et qui le r sume est lattente laquelle fait allusion le titre Manuela guette les pas de l homme qui doit rentrer apr s le travail des pas qui seront ceux de celui qui l abandonnera Espoir et d sespoir se nouent intimement au c ur du th me de l attente Manuela ne peut s emp cher d esp rer sans espoir PH 18 dans le vain et le d sesp rant espoir
48. mettre en garde le lecteur quant la diff rence entre l ambivalence et des notions comme ambigu t ou quivoque l ambigu t est un ph nom ne qui pr sente deux ou plusieurs sens possibles et dont l interpr tation est incertaine L quivoque de son c t r f re un ph nom ne qui s interpr te de plusieurs mani res et qui par cons quent nest pas clair sa signification peut s expliquer de diverses 32 Paul Ricoeur Temps et r cit 3 Le temps racont Paris Seuil p 442 443 3 D autres composantes de l identit tant par exemple les id aux les valeurs et les attitudes 29 Introduction fa ons Les d finitions des notions de l ambigu t et de l quivoque englobent plus largement une certaine id e d ind cision de confusion de doute et d obscurit que la notion d ambivalence plus focalis e sur deux composantes contraires pr sentes simultan ment Les manifestations de ambivalence peuvent tre multiples et complexes mais la d finition de la notion s axe sur le caract re duel du ph nom ne Finalement l ambivalence n est pas comme nous l avons vu dans sa d finition uniquement un sentiment les d finitions mettent en avant des pens es des valeurs des tats de conscience des motivations Ces tats de conscience sactualisent n anmoins travers des sentiments comme l amour ou par le biais de l instance narrative ou de la structure de la narration Ainsi les histoires t
49. nant en remorque leurs barques tentes et caravanes Les files qui se croisent se t lescopent dans la course la neige et au soleil la mer et aux souvenirs ces gens d jet s encore tout endormis dans les a roports hagards le long des quais blouis bless s par le soleil l infinie vari t des possibles des changes et des chass s crois s la recherche perp tuelle de ce feu follet du d sir que rien n teint fui se fuir sortir de cette solitude toujours plus paisse malgr le librium le valium le c ur us par une nostalgie qu aucune drogue jamais ne saurait calmer NA 160 L effet de mouvement fr n tique du passage est insuffl voire valid par une m canique langagi re qui sur la base d un parall lisme grammatical met en uvre une r p tition d l ments situ s des endroits syntaxiques diff rents Le passage engrange les circonstances du d part les raisons de partir et met en vidence une accumulation de r p titions dont le rythme incantatoire contraste avec l effet de d tente qu tale la phrase invoquant 183 Deuxi me partie L ambivalence de la femme l usure du c ur nostalgique Les instances voqu es la fin situation initiale et destination ne font qu ins rer comme entre les deux m choires d une tenaille la recherche fi vreuse d un ailleurs possible et paisible mais en v rit inaccessible 5 2 3 L amour antidote la non existence Comme dans
50. s Jean Daniel Les chemins de Marie Susini Le Nouvel Observateur no 1503 1993 p 30 gt Angelo Rinaldi La f e au chapeau de clart Le Nouvel Observateur no 1504 1993 P 52 19 Introduction consciemment mais elles sont simultan ment scind es par des dilemmes moraux et thiques leurs actions sont contraires a la logique et attentatoires la coh rence de l tre int rieurement cliv entre des principes des d sirs des aspirations antagoniques et n anmoins authentiques L ambivalence cette double valeur simultan e positive et n gative d une m me tendance qui se pr sente la conscience ou se manifeste dans la conduite sous l aspect de deux composantes oppos es semble intimement li e la repr sentation de la figure f minine chez Susini figure pr dominante dans ses ouvrages sans que ces questionnements soient toutefois toujours explicitement pos s que ce soit par l auteur d guis en narratrice ou par les personnages C est dans leurs actions et l architecture du roman que le lecteur d c le les dilemmes partir desquels il est capable de d duire la situation ambivalente du personnage Il est vrai que Marie Susini ne fait pas n cessairement partie de ceux du canon les plus lus et ceux dont la situation institutionnelle est la plus forte Force est de constater que le pouvoir de m diation entre le pass et le pr sent de la production de Susini pou
51. sinon d elle de son fils et des secrets de leur famille F 84 sans pour autant expliciter de quel secret il s agirait ou si la source de la fuite serait Sylvie et sans qu aucune indication dans ce sens ne soit pr sente dans le comportement des gens En v rit elle semble projeter dans ce cas sa propre aigreur sur les villageois C est qu elle a la certitude d avoir t la ris e des femmes du village au moment o l information de l escapade de Sylvie au port pour quitter l le s est r pandue Tout au long du r cit Susini brosse l image d une m re aust re soucieuse de respecter le code normatif une femme dure avec ce regard comme un coup de balai F 120 in branlable comme la roche F 124 Barbara se consid re elle m me comme le m tal dur que l eau ne traverse pas F 124 Pourtant face la r signation et l indiff rence de Sylvie elle ressent une souffrance sans gale F 125 Elle n arrive pas s expliquer la l thargie de Sylvie et y pr f rerait des cris et des disputes Dans sa d tresse Barbara s exclame Il aurait mieux valu que je meure avant de voir cela dans la maison Quelle croix que la mienne F 125 Le choix de son fils Sylvie pose Barbara devant un des dilemmes existentiels les plus pineux r soudre comment une femme pieuse comme Barbara qui a vou sa vie remplir la volont du Christ peut elle s avouer et avouer aux autres qu elle n aime
52. taill qu accorde Abraham l ambivalence voir Introduction au texte de Karl Abraham par Ilse Barade Ambivalence L amour la haine l indiff rence sous la direction de Mich le Emmanuelli Ruth Menahem et F licie Nayrou Paris PUF 2005 p 45 60 Chez Melanie Klein l ambivalence est le concept central dans sa th orie sur la d pression et l angoisse d pressive L ambivalence na t selon Klein du clivage entre les imagos aim e et ha e et notamment par le clivage de l imago maternelle Pour un survol historique du concept d ambivalence tel qu il a t con u par Bleuler voir le chapitre La notion d ambivalence dans l uvre de Bleuler 1911 dans Juliette Favez Boutonier La notion d ambivalence tude critique valeur s m iologique Paris L Harmattan 2004 1972 p 13 37 48 1 L ambivalence en th orie et en pratique Schizophrenien paru en 1911 Il s agit d un nouveau terme scientifique pr cis et sans pass Comme l intitul de son ouvrage laisse entendre il range l ambivalence parmi les sympt mes fondamentaux de la schizophr nie c t des associations et de l affectivit Bleuler d crit notamment sous le nom d ambivalence des faits anormaux mais l ambivalence appara t aussi dans son travail comme une fonction psychique normale cat goris e au rang des sympt mes fondamentaux Il distingue trois cat gories d ambivalence l ambivalence affective l
53. te la m re c est la Fiera Susini proclame ouvertement sa pr f rence pour les m mes personnages qui assez logiquement d tiennent un r le central dans ses ouvrages Il est aussi int ressant de noter quelle associe les femmes avec certaines valeurs de la chr tient et de la latinit les deux espaces spirituels fortement pr sents dans ses romans Notre tude de l uvre de Susini s articule autour de la mani re dont se met en place dans l ensemble de sa production fictionnelle l criture de l ambivalence notamment l ambivalence face a laquelle la jeune fille et la femme doivent forger leur chemin personnel et social Sera galement abord e la fa on dont sont d velopp s dans sa fiction les d placements au sein des valeurs et des comportements de m me que l incidence du social sur le subjectif dans ses textes 27 B atrice Didier Ecriture femme Paris P U F 1981 p 29 30 Georgiana Colvile L enfermement dans l le la femme corse dans l uvre de Marie Susini Continental Latin American and Francophone Women Writers Volume III d Ginette Adamson s l University Press of America 1997 p 156 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini l cole des lettres II 1989 81 4 p 36 27 Introduction Heinich pr conise une approche compr hensive du ph nom ne pass au crible qu elle consid re comme une tentative pour comprendre de l int rieu
54. tre a travers la rem moration de sa vie d avant le mariage L histoire d bute par la derni re tape de la d construction de l identit de Manuela en tant que l autre partenaire d un couple alors que s effectue au fil du r cit en remontant vers le pass la construction de l identit de Manuela celle que l ach vement du couple lui permettra de retrouver m me si cette identit est fragile et que l avenir se compare au vide Les fils de l volution identitaire et de l intrigue s enchev trent dans l coulement de l espace fictionnel le lecteur est pris dans le chass crois de l ach vement du couple et de l av nement d une femme non pas en devenir mais dans la reconqu te de son identit par le biais de son tre au monde pass Ce n est pas Manuela seule qui nous apprend ce que doit tre l thique de la vie car son caract re ne pr sente pas les vertus de la constance mais rompt avec le logicisme A la surprise du lecteur apr s avoir longuement suivi les d lib rations de Manuela c est l aveu de Serge qui nous le livre implicitement Tout au long du r cit il r it re avec insistance sa volont de r v ler ses raisons de la quitter Manuela qui son propre tonnement tout comme celui de Serge s obstine avec calme et dignit dans son refus de lui accorder le droit de s expliquer car elle ne tient pas articuler la cause finale de la rupture La raison quelle qu elle f t et qu il cac
55. tre appr hend es sous diff rents aspects dans une perspective classique de la notion l ambivalence sociologique nait de la combinaison indispensable mais souvent ambigu du besoin de l individu d ob ir aux normes et de son d sir d ind pendance Dans ce cas nous op rons dans un domaine relevant de la d ontologie que dois je faire L ambivalence sociologique peut s envisager encore sous d autres aspects La m me personne peut ressentir de ambivalence par rapport aux int r ts multiples contenus dans une m me position sociale ou encore les valeurs et les objectifs conflictuels contenus d un c t dans le syst me culturel d un groupe et de l autre dans les atteintes normatives par rapport ses membres peuvent tre l origine de l ambivalence sociologique 8 1 L ambivalence sociologique ou les attentes conflictuelles des m canismes structuraux L ambivalence n e des attentes conflictuelles incrust es dans les m canismes structuraux produit des faits sociaux et une conduite chez les acteurs dont l criture se charge de mettre en vidence une version symbolique Ainsi l ambivalence sociologique n est pas en l occurrence consid r e uniquement comme une question d ordre social factuel mais aussi comme une plateforme s miotique de projection d ambivalence dans l ordre discursif Comment alors s articule dans la fiction de Susini le discours sur les diff rents statuts de la jeune
56. un aspect plus sombre de sa vie adulte se d coupe sur les vocations r veuses de son enfance Elle c toie des personnes qui consomment des drogues et lui en offrent Or m me si l h ro ne en prend l auteur ne peut s emp cher de maintenir le c t na f et innocent de Sefarad prise dans un d lire d moniaque et un rire fr n tique elle ne sait pas qu elle est sous l influence du haschisch YF 98 De gros nuages d ouate blouissante qui se font et se d font glissent les uns sur les autres dans un vacarme assourdissant Et mes yeux carquill s o mes yeux sur ce corps mort lequel le mien d o je d colle libre enfin fluide vaporeuse Je tourne et tourne sans fin sur moi m me pour devenir une petite bille dure et brillante d boussol e qui se cogne contre les murs YF 98 335 Nathalie Heinich Etats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale op cit p 177 196 5 Femmes en rupture de couple Cette recherche de l au dela la pousse a une tentative de suicide elle a d j t tent e de faire la nuit avant la nuit YF 67 cause de la monotonie de sa vie Il y a des minutes qui ne passent pas Aussi longues que toute une vie Alors on est tent de dormir YF 68 se confie t elle son fr re Par son acte elle a tent de surpasser l id e pr ch e par l glise que nul ne sait le jour de son d c s et ainsi de prendre sa destin e en
57. AL 141 dit la narratrice en s adressant a Anna Livia Le clivage s op re ainsi plusieurs niveaux et a plusieurs endroits successifs Par cons quent le lecteur a se situer inlassablement par rapport aux blancs cr s par le changement de perspective dans les s quences successives Le lecteur se trouve face l ambivalence mise en r cit par une hybridit qui juxtapose plusieurs voix plusieurs contextes et plusieurs niveaux de narration Qui est finalement l instigateur de cet acte n faste le p re entrant dans la chambre de l adolescente ou Anna Livia qui a effectu le premier geste en allant vers son p re La r ponse de Marie Susini met en avant la compassion de la jeune fille Ce fut la piti en sa force premi re et comme en sa trag die profonde qui allait la jeter dans ses bras cette sympathie par laquelle s chappe tout notre 412 Nathalie Heinich tats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale op cit p 155 293 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture tre aussi vieille aussi lointaine que l enfance et qui est tout ensemble le d sir de rien et le d sir de tout AL 85 Il est int ressant de constater que la rupture se joue a travers l union de deux l ments par des liens de consanguinit Par l Susini veut d montrer que la nostalgie de l enfance qu elle nourrit est acceptable mais impossible car sanctionn e par la honte et l
58. America 1997 p 153 161 COURNOT Michel L entendre encore Le Nouvel Observateur no 1504 1993 p 52 DAMBACHER Tania M moire de maitrise non publi Universit Marc Bloch Strasbourg II D partement d italien 2004 2005 DANIEL Jean La blessure suivi de Le temps qui vient Paris Grasset amp Fasquelle 1992 DANIEL Jean Les chemins de Marie Susini Le Nouvel Observateur no 1503 1993 p 30 31 DANIEL Jean Avec le temps Carnets 1970 1998 Paris Grasset 1998 DANIEL Jean Soleils d hiver Carnets 1998 2000 Paris Grasset amp Fasquelle 2000 DANIEL Jean Cet tranger qui me ressemble Entretiens avec Martine de Rabaudy Paris Grasset amp Fasquelle 2004 DASSART Andr Un pas d homme Les fiches bibliographiques 843 SUS U Paris 1957 ENJOLRAS Laurence Cross Holy Marie Susini ou la Corse cartel e R pons Women in French Studies 5 1997 p 43 47 FRATANTI Ghislaine entretien personnel avec Mia Panisse Ajaccio Corse le 9 ao t 2004 G B s n Quelques instants avec Marie Susini Lundi Matin 21 mai 1956 GALIBERT Charlie L change et le don entre conomie et anthropologie L Echange novembre 2002 p 75 81 GIULIANI Maurice Revue des livres Etudes XII 1953 GRENIER Jean Un Pas d homme Elle Nouvelle no 96 1964 GUEZ Gilbert Un Pas d homme de Marie Susini Arts du 17 au 23 juillet 1957 JOSSELIN Jean Francois Je
59. Cette angoisse prend ses racines dans son enfance explicit e dans le m me essai Susini d crit l aust rit de l enfermement oppressant v cu dans son enfance en Corse dans des termes angoissants J ai t comme un oiseau en cage dans mon enfance emmur e dans ma condition de fille prise l int rieur de cette cellule aux r gles rigides qu est la famille corse prise elle aussi dans l lot du village le village boucl sur lui m me dans un pays tout naturellement isol barricad par la mer Le souvenir de la claustration v cue dans son enfance n est pas une affaire D e 2 e passag re le sentiment d enfermement perdurera sur toute sa vie Loin de la Corse pourtant et apr s tant d ann es toute une vie en somme le souvenir de l touffement v cu dans mon enfance est rest si vif qu il m arrive d en souffrir encore aujourd hui J ai la hantise des portes et des fen tres ferm es des rideaux tir s sur le clair obscur m est rest e aussi l appr hension de dormir contre le mur dans l ombre d une chambre C est la passion de l errance le besoin d aller sur les chemins qui me tient d sormais Paris Seuil 1981 p 30 Ibid p 33 70 Ibid 371 La renferm e la Corse op cit p 88 241 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture Pour cr er Susini avait besoin de s loigner de prendre ses distances par rapport ce li
60. Corse aux yeux bleus d un bleu plus p le que la flamme du gaz et comme je m en tonne elle me r pond non sans humour que toutes proportions gard es Bonaparte aussi avait les 113 Ministre fran ais de l Education nationale du 18 avril 1942 au 20 ao t 1944 c est a dire sous le r gime de Vichy Informations fournies par Ghislaine Fratani entretien personnel Ajaccio Corse le 9 ao t 2004 114 Hormis les quelques caract risations que Ghislaine Fratani a offertes 15 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini L cole des lettres art cit p 35 H Ibid 68 2 L auteur et son uvre yeux clairs Jean Fran ois Josselin met son tour en avant un regard d aigle travers de m lancolie Son aspect physique une femme toute petite presque minuscule tr s fr le et d une violence inouie contraste avec son caract re Il tait d plac de lui demander d o venaient cette force cette vigueur cet orgueil cette obstination ce caract re farouche ce myst re et cette l gance aust re Son travail au sein du jury du prix Femina semble s tre inscrit dans cette m me lign e contradictoire Quand elle avait un favori une conviction elle bataillait ferme Elle temp tait elle intriguait elle s emportait bref elle supportait mal l id e d chouer Son choix devait triompher Puisque c tait le bon Celui de l enthousiasme Elle en fais
61. Mis en francais et pr sent s par Claude Pinganaud Paris Arl a 2002 MOSCONI MALHERBE Jacqueline Histoires myst rieuses de Corse Le Testament de M duse et autres contes s l Rocher 2001 NUSSBAUM Felicity A Eighteen Century Women s Autobiographical Commonplaces in The Private Self Theory and Practice of Women s Autobiographical Writings Shari Benstock d London The University of North Carolina Press 1988 NUSSBAUM Martha C Love s Knowledge Essays on Philosophy and Literature New York Oxford University Press 1990 OUMHANI C cile A fleur de mots La passion de l criture Montpellier Ch vrefeuille toil e 2004 POULET Georges La conscience critique Paris Jos Corti 1971 PROPP Vladimir Morphologie du conte Paris Seuil 1965 1970 Quid 2001 FREMY Dominique et Mich le Paris Robert Laffont 2000 RAIMOND Michel Le roman Paris Armand Colin 1989 RAVIS GIORDANI Georges La femme corse dans la soci t villageoise traditionnelle status et rdles in Etudes corses Ajaccio 1976 p 6 19 348 Bibliographie RAVIS GIORDANI Georges La femme corse images et r alit s Pieve et Paesi Communaut s rurales corses Paris Editions du Centre national de la recherche scientifique 1978 RENUCCI Janine Corse traditionnelle et Corse nouvelle La g ographie d une ile Lille Universit de Lille III th se de doctorat 1975 RICCEUR Paul La m taphore vive Paris Se
62. P U F 1994 Discours de r ception R ception de M Angelo Rinaldi Discours prononc dans la s ance publique le jeudi 21 novembre 2002 en ligne Disponible sur lt http www academie francaise fr immortels discours_reception rinaldi html gt consult le 13 juin 2009 DOLTO Fran oise Sexualit f minine Paris Gallimard 1996 DOLTO Fran oise Le f minin Paris Gallimard 1998 DURAND Gilbert L imaginaire Essais sur les sciences et la philosophie de l image Paris Hatier 1994 345 Bibliographie ECO Umberto Lector in fabula Le r le du lecteur ou la Coop ration interpr tative dans les textes narratifs Paris Rasset amp Fasquelle 1985 ECO Umberto Interpr tation et surinterpr tation Paris P U F 1996 ELIACHEFF Caroline Heinich Nathalie M res filles Une relation trois Paris Albin Michel 2002 ELIADE Mircea Le mythe de l ternel retour Paris Gallimard 1969 Encyclopedia Universalis 1995 ERNAUX Annie Les ann es Paris Gallimard 2008 FERRANTI Marie Les femmes de San Stefano Paris Gallimard 1995 FERRANTI Marie La fuite aux Agriates Paris Gallimard 2000 FERRANTI Marie La chasse de nuit Paris Gallimard 2004 FERRANTI Marie La Cadillac des Montadori Paris Gallimard 2008 FREUD Sigmund Inhibitions Symptoms and Anxiety 1926 New York London W W Norton amp Company Inc 1959 FREUD Sigmund uvres compl tes Psychanalyse Tome IV 1899 1900 L interpr ta
63. Sab est d abord pr sent comme un dialogue puis partir de la page 70 le discours de Fabia la narratrice devient une incantation sous forme de monologue int rieur adress e son fr re dont le d but met en avant un dialogue d autrefois Je t coutais et je te croyais Tu m coutais et tu me croyais dans le clair obscur des apr s midi d t silencieux o M re nous laissait parler voix basse apr s avoir tir les volets de bois au milieu desquels il y avait deux grands c urs que faisaient trembler sur nos oreilles les feuilles du magnolia lentement remu es par la brise de mer en un mouvement fugitif et tendre comme la pulsation d licate diffuse et chaude de nos d sirs YF 70 Dans la dichotomie ville campagne se lit le dilemme du personnage principal ch rissant les valeurs de la vie simple de la campagne qui ne s accordent pas au mode de vie citadin sans rep res v ritables pour elle L enfance la campagne correspond la puret des d sirs po tiques et nostalgiques l unit familiale la ville repr sente l incertitude et le caract re discontinu des relations superficielles et fugitives 5 2 7 Regard unificateur et s parateur Les textes de Susini se pr sentent comme fondamentalement visuels si l on consid re le regard comme un ph nom ne ph nom nologique ou social Le regard est un des actes de fondation et d inscription de l tre dans le monde car le monde que l individu se construit n e
64. Un pas d homme la solitude se jauge en relation avec le couple et se fait sentir d autant plus prement qu elle se heurte la pr sence physique de l autre Pour Manuela il est paradoxalement plus ais de penser que le refuge et la s curit sont trouver chez un inconnu que chez l homme familier qui repr sente l ins curit Elle en a l exp rience un jour dans le quartier du Trastevere o elle rencontre par hasard un sicilien Ressentant une certaine tendresse dans son tre elle se blottit un instant dans ses bras dans un espoir d concertant d tre pour un moment arrach e sa propre histoire Ce qui rapproche ces deux individus est le fait qu ils sont plong s dans la m me solitude une solitude que Manuela reconna t alors que l homme lui demeure totalement tranger Dans la mesure o la solitude en couple n est pas la m me partag e par les deux conjoints Manuela est face Serge seule dans sa solitude ce qui rend sa tristesse encore plus profonde L id e de partage et de reconnaissance des sentiments chez l autre occupe le premier plan dans le roman que les conjoints semblent pour le spectateur externe pour le lecteur partager les m mes valeurs n a aucune importance si les valeurs fondamentales ne s accordent pas 5 1 3 Une appartenance d sancr e dans le relationnel A travers les personnages de Manuela et de Serge Susini brosse pour le lecteur l image de l clatement d un couple qui en v r
65. ambivalence de la volont et l ambivalence intellectuelle Ces trois formes d ambivalence ne peuvent et ne doivent dans la pens e bleul rienne tre consid r es comme des aspects s par s d une m me fonction tout comme affectivit et volont ne sont pas s parables en des entit s distinctes les oppositions intellectuelles ne sont pas s parables des oppositions affectives Si ces consid rations de Bleuler sur l ambivalence sont le fruit de son travail clinique avec les schizophr nes il aborde galement le rapport de l ambivalence la pens e normale D apr s Bleuler chaque chose se pr sente chez l tre normal sous deux aspects diff rents La diff rence entre la pens e schizophr nique et la pens e normale est que l tre normal fait une somme alg brique des valeurs positives et n gatives de la chose tandis que le schizophr ne en raison de la faiblesse des liens associatifs de ses pens es n prouve pas le besoin de faire fondre les deux aspects d une chose en une totalit il aime par exemple une rose pour sa beaut mais ne l aime pas cause des pines alors qu un tre normal arrive d passer la faille creus e par les deux facettes d un m me ph nom ne La synth se peut toutefois selon Bleuler faire d faut m me chez un individu normal la double valorisation d une chose ne rel ve pas chez lui de l exp rience v cue mais est tout simplement due au fait que l individu peu
66. anensatmcee 5 AVANT PROPOS RU nr a a A 17 INTRODUCTION verinosa a a 19 PERSP EC PEW GD Gel ODE Rs ed ataecse teste ayiae 30 Consid rations subjectives et universelles du choix de l objet d tude 31 Consid rations herm neutiques ss 34 Consid rations m thodologiques 37 DEMARCHE D ETUDE ni io n names 41 PREMIERE PARTIE DE LA THEORIE A LA REALITE eee 43 1 LAMBIVALENCE EN THEORIE ET EN PRATIQUE 45 1 1 L AMBIVALENCE EN PSYCHOLOGIE ET EN PSYCHIATRIE ssssssessssseessesscessees 47 LAAs LE inventeur du terme bleul rssussaenininnesnte 48 1 1 2 Freud et la conjonction d affects contraires 50 1 1 3 Favez Boutonier et l incompatibilit de l ambivalence avec une CONSCIENCE LOCI GUC nee Re ne 51 1 1 4 L ambivalence comme espace de transition 54 12 L AMBIVALENCE EN SOCIOLOG Eons gointe Re din 55 12 Statutet gamme AES 10 CS reani a e 56 1 2 2 L ambivalence comme outil d exploration des moments de non HOMO EAEN VEIE EE EN tt RAGE ue 58 LS L AMBIVALENCE EN LITTERA TUR Eccine RS nu Ann Sr 60 1 3 1 Les tats et ambivalence de la femme selon Nathalie Heinich 60 1 3 2 La sociologie du texte selon Pierre V Zima 61 1 3 3 Note sur les tudes de ambivalence dans la litt rature 62 2 E AUTEUR ET SON UVRE naan ERT A 64 2 1 ELEMENTS DE MY THE ET DE MODERNISME siirispsirerraiesti inie 64 21 1 Parcours de Marie SUSINI sesucine aa 65 2 1 2 Port
67. au sujet du th me du roman La Fiera paru l ann e suivante La description de lexaltation de l enfance c de la place un th me bien plus sombre la x nophobie et la socialisation draconienne dont sont victimes les jeunes filles ce qui jette un voile d ambiguit sur le commentaire de Susini quant aux ch res valeurs corses qui implicitement seraient mises en vidence dans le texte La Fiera retrace l histoire tragique de Sylvie une continentale venue s installer en Corse suite son mariage avec Mateo un lien Susini explicite la gen se du roman ainsi J ai d abord voulu crire l histoire d une adolescente qui revient de la foire d ue de n avoir pas dans et puis toute sa vie sera marqu e par cette chose insignifiante en apparence Peu peu les personnages qui en m me temps qu elle se rendaient la foire se dessin rent davantage et dans le destin de chacun d eux se d couvrait quelque chose qui les avait marqu s Ainsi apparaissait cette vidence de laquelle je n tais pas partie mais que je sentais incontestablement qu on ne peut rien faire ce qui a t fait Mais plus que le personnage et plus que leur histoire c est la Corse qui est l h ro ne de ce livre Et plus peut tre que la Corse c est la mort que je voulais pourtant viter en choisissant l histoire d une adolescente dans le souvenir de ce pays dur et br l par le soleil avec ses femmes aust res sous leur ch le n
68. aucune d cision de la part de la m re qui n y est pour rien et avoue son incapacit d intervenir dans cette affaire m me si elle l avait voulu Comme raison de l arrangement la m re voque la m moire d faillante du p re il a vraisemblablement oubli pourquoi il ne voulait pas tre en contact avec sa fille tant donn que Fabia sait qu enfant elle a t cart e voire abandonn e par ses parents et confi e aux soins des bonnes et des religieuses pendant de nombreuses ann es elle fait de cette histoire sur sa naissance le lien qui la relie aux parents NA 115 Le r cit devient une substitution magnifi e des relations qui ont r ellement fait d faut Les tensions sous jacentes la relation entre la m re et le p re sous tendent cette l gende lacunaire que r it re la m re de Fabia la demande de cette derni re d o le d sir obsessionnel de Fabia de consulter son p re car la m re n est pas en mesure de r pondre certaines questions entourant son enfance Or la relation entre Fabia et son p re restera une source de frustration pour elle au moment o se pr sente finalement Fabia la possibilit de retourner aupr s de ses parents apr s des ann es pass es 213 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Paris pendant la seconde guerre mondiale le p re est d c d Rest e sur sa d ception Fabia tente de r tablir le souvenir de son p re apr s coup Dans les documents qu il
69. aveuglette et en sourdine lui te toute chance d accomplir sa qu te L amour dans la fiction de Susini est toujours doubl d un doute d un manque et les param tres du bonheur sont rarement au rendez vous pour permettre la femme d atteindre une satisfaction dans la passion Ainsi Sefarad dans Les yeux ferm s constate qu elle a momentan ment trouv chez l homme rencontr un manque qui faisait cho au sien et le lui rendait trangement proche YF 132 son manque elle et celui de l homme se fondaient dans l infini du manque non plus en elle ni en lui mais au dessus d eux sur tous Elle ne soup onnait pas que cette sympathie profonde tait de l amour YF 132 Tout dans leur relation concourt brosser l image d un amour solitaire entre des tres d sabus s un moment ils se trouv rent isol s ensemble une pave d rivant dans la solitude mais attach e enfin une autre pave YF 133 Le vide que ressent l individu se refl te dans la rencontre avec autrui dans ce qui devrait tre le plus profond des sentiments mais qui 29 Luce Irigaray thique de la diff rence sexuelle Paris Minuit 1984 p 29 Jean Paul Sartre L Etre et le n ant Paris Gallimard 1943 p 404 187 Deuxi me partie L ambivalence de la femme dans l acception de Susini est comparable au vide Ce n tait pourtant pas le plaisir qui me liait si fortement lui C tait rien E
70. but de faire na tre des sentiments ambivalents chez le co passager en mettant en sc ne l ambivalence propre de la fillette Au fil du voyage celle ci aspire le jeune dans un jeu imaginaire jeu au sens propre jeu de western o ils tiennent des r les de cowboy et de sh rif comme au sens figur jeu du regard de la voix du rapprochement et de l loignement physique mettant en relief aussi bien l assurance que l incertitude de l enfant fille et de l enfant gar on Les actions de la fillette sont d crites du point de vue du narrateur extradi g tique omettant une quelconque consid ration sur les motivations de cette derni re Le lecteur la contemple donc du m me point de vue que le gar on ses occupations contradictoires ses sautes d humeur inexpliqu es ses insinuations irrationnelles et ses tats d me conflictuels Si l effet de la rencontre entre les deux protagonistes dans Le premier regard n agit pas seulement dans les limites de la sc ne et que sa mission porte bien au del le lecteur ne conna tra pourtant pas le retentissement de la rencontre dans le futur du r cit et de la vie des personnages car la situation est dissoute sans qu il y ait cl ture le gar on arrive sa destination et descend du train v nement qui rompt le lien du couple peine form Au lecteur ne sont offerts que quelques indices elliptiques quant aux cons quences de la rencontre dans l uvre de Susini la relation m re fils
71. c est dire une enqu te abusive qui introduit pr alablement ce qu elle veut trouver et fait violence la physiologie propre une pens e Nous n laborons pas au pr alable d hypoth se ou de grille sp culative quant la qu te que constitue notre lecture m me si nous trouvons que la r flexion de Derrida semble trop restrictive en supposant qu une grille con ue en avance contiendrait d office des notions antagonistes et non pas tout simplement des recoupements Une autre objection s impose une analyse qui se base sur une lecture d j effectu e souvent plusieurs reprises nintroduit pas n cessairement d une mani re abusive ce qu elle veut y trouver mais elle ne saurait n gliger de prendre en compte des constantes pr tablies dans le texte pr sentes dans la cognition du lecteur En dernier lieu c est le lecteur en tant que critique qui op re le choix d en mettre en vidence certaines dans l effort de d limiter l objet d tude afin de lapprofondir Le critique tente d lucider et d expliciter son objet d tude sans ignorer la r alit d autres l ments pr sents d importance gale ou in gale gt Michel Charles Introduction l tude des textes Paris Seuil 1995 p 10 gt Jacques Derrida L criture et la diff rence Paris Seuil 1967 p 229 38 Introduction Michel Charles de son c t met aussi en garde contre le choix d une unit de th matique comme po
72. ce que l on pouvait tre PH 122 Ainsi Manuela poss de une foi ind racinable penser que ce qui devait tre serait ne pouvait pas ne pas tre la poussant agir dans son sens avec cette obstination nettement ferm e et aveugle qu ont les mules Et de peur de mourir elle n en finissait de mourir PH pp 29 30 Elle vacille continiment entre l irr parable et le miracle Il lui arrivait cependant quelque fois d attendre de guetter l irr m diable avec ce m me espoir ardent qu elle prouvait attendre l t cette m me violence quelle mettait dans la recherche de ce qu elle pensait tre vrai cette m me rage impuissante qu elle aurait eue si elle avait attendu un 160 5 Femmes en rupture de couple miracle Pour ne plus flotter a jamais entre le doute absolu et la certitude absolue basculant sans cesse entre la souffrance qui d forme le visage et l esp rance qui d noue sans jamais tre tout a fait s re cependant d avoir pour de bon l une ou l autre semblable ainsi une bale de ping pong bondissant de l une l autre et rebondissant au dessus du vide se sentant exactement mouvement continue angoissant de l une l autre en suspens au dessus du vide NA 50 51 La crainte fait advenir la chose appr hend e par crainte de la rupture du couple et de la perte de son mari elle provoque exactement cela une aggravation de la m sentente qui m ne finalement la s paration
73. ceci notamment en ce qui concerne son univers f minin Chacune des modalit s discut es rel ve d un mode de lecture et d un mode d interpr tation L tude s inscrit d s lors dans une tradition herm neutique Paul Ric ur formule la fonction de l herm neutique dans les termes suivants i l ny a pas d herm neutique g n rale pas de canon universel pour l ex g se mais des th ories s par es et oppos es concernant les r gles de l interpr tation S alignant sur ce constat cette tude puisera ses soubassements th oriques dans plusieurs traditions de la critique litt raire Ce faisant certains pourraient y voir une double appartenance universaliste et f minisante car pour citer Shari Benstock la dissolution des fronti res entre th ories m thodes et genres caract rise un degr consid rable les tudes men es par les femmes sur des sujets concernant surtout la situation des femmes Et Benstock de poursuivre Personne n adopte un point de vue th orique sans bien scruter les implications de ce point de vue Ceci dit l tude ne s inscrit pas dans une mouvance f ministe quelconque alors qu elle focalise ind niablement sur le f minin dans la mesure o elle s aligne sur la pr pond rance des figures de sexe f minin dans l uvre de Marie Susini Quand nous interpr tons un texte nous devons nous positionner face a deux r f rences le sujet crivant et le texte Selon Ricceur c
74. celle de la soci t et de la pens e Une des manifestations de cette r flexion est la mani re de concevoir le personnage du roman dont les traits tels que peints dans les romans classiques du XXe si cle se dissolvent de part en part pour faire place la mise en texte d une conscience subjective Jean Yves Tadi synth tise ce nouveau personnage ainsi Les personnages soumis des perspectives diff rentes donc dissoci s en images diverses et voluant travers le temps n apparaissent plus que comme une collection d tats psychologiques juxtapos s C est ce personnage clat l cart de toute d finition pr tablie que met en sc ne Susini 9 1 1 Une alt rit d concertante A travers des notions comme l identit et l alt rit Susini aborde l essence de la question thique qui est de savoir quel est le rapport du sujet individuel la personne l autre entre ips it et alt rit Le theme de l alt rit parcourt en filigrane toute l uvre de Susini et la notion de diff rence y est intimement li e la notion d identit sociale et culturelle Dans quelle mesure l individu adh re t il aux normes et aux valeurs environnantes Quels sont les enjeux de l int gration des appartenances multiples 8 Le roman au XXe si cle s l Pierre Belfond 1990 p 40 281 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture Le sentiment d alt rit se trad
75. construction de la prise de conscience de la part de l un ou de l autre protagoniste du d roulement des v nements Ce n est pas le bonheur que tu quittes d clare Serge PH 117 Je t ai fait souffrir PH 125 avoue t il alors que la raison de Manuela lui montre que leur mani re de vivre est stupide PH 29 demeurant toutefois tonn que Ce bloc de marbre f t rest sans f lures malgr les coups PH 33 Et Manuela en v rit accepte tout les blessures et les humiliations sachant n anmoins ce qu il faudrait faire ne s y r signant pas ne le pouvant pas PH 109 Les deux personnages n agissent donc pas inconsciemment mais en toute conscience ce qui rend l ambivalence de leurs actes encore plus tangible La d cision de l homme de s effacer est annonc e d s la premi re page Il s agit plut t d un compte rebours introspectif de la part de Manuela o elle distancie progressivement son moi actuel du couple celui dont lamour se nourrit de humiliation et qui est pr t un d passement des lois thiques qu elle a respect es de celui qui t moignait dans le pass d une certaine fid lit des valeurs morales dont elle tait partisane Si le d but de l histoire est une focalisation serr e du n ud complexe de la relation la suite de l histoire d ploie progressivement un plus grand espace Manuela dans le vif de son 168 5 Femmes en rupture de couple
76. conviendra de passer au crible les productions pass es dans la lign e desquelles les ouvrages de Susini s inscrivent Ce premier mouvement aura donc pour objectif de dessiner les lignes qui en amont ont conduit mergence d une litt rature insulaire nous permettant de nous situer par rapport aux perspectives et aux enjeux qui en l occurrence nous pr occupent Dans ce qui suit nous pr senterons donc partir de cet ensemble plus vaste que mentionne Durand quelques syst mes imaginaires socioculturels qui ont pour arri re fond la soci t corse et sur lequel il faudra projeter la production de Susini et tout particuli rement la trilogie corse pour mieux cerner l impact de ses ouvrages sur son poque et aussi pour mieux saisir la th matique de la litt rature qui comme nous allons le voir dans un 224 Jean Claude Kaufmann L invention de soi Une th orie de l identit Paris Armand Colin 2004 p 177 2 Gilbert Durand L imaginaire Essais sur les sciences et la philosophie de l image Paris Hatier 1994 p 69 98 3 Arri re fond et r ception deuxi me temps a implicitement servi de comparant chez maints critiques se prononcant sur ces ouvrages 3 1 La Corse dans la litt rature L image de la Corse et des Corses dans la litt rature fran aise a pendant longtemps t bross e principalement par des non insulaires De 1729 a 1840 date de la r volution corse et du retour des cendres de Napol on dan
77. d volutions caract ristiques de tout mouvement ambivalent pr c dant un changement Ainsi les textes de Susini peuvent tre caract ris s d criture transformative anticipatrice dans la mesure o cette derni re signifie elliptiquement une transformation qui aura v ritablement lieu en dehors du cadre du r cit mais dont elle met au jour les param tres L ambivalence ne recouvre toutefois pas les m mes d fis surmonter pour toutes les femmes d o l tude des protagonistes dans cette th se selon leur ge et leur statut dans l enfance et l adolescence les probl mes ne sont pas et ne peuvent pas tre les m mes que dans un couple o les consid rations personnelles s enchev trent d une mani re intime avec les int r ts de l poux voire des enfants et de la famille Dans la maternit l intimit qui lie l individu autrui devient encore plus dense plus forte indissolublement sous tendue par l unit qu a form e la m re et son enfant Dans ce qui suit nous tenterons de faire une synth se de ambivalence de la femme dans la fiction de Susini Dans un deuxi me temps nous examinerons les modalit s d criture qui soutiennent la th matisation de l ambivalence au f minin dans son uvre L ambivalence des femmes La d sillusion des jeunes filles et des jeunes femmes face au processus de socialisation L enfance est pour Susini un espace et un temps ouat s tales Sur le fond d une innocen
78. de Corvara La recherche d lib r e de non conformit a la norme conduit logiquement Corvara et le pr tre lu de son c ur la d viation de la norme ils se marient l glise de bonne heure cause des gens qui se m lent toujours de ce que font les autres cause de ce qu ils pourraient dire 219 Ici il ne s agit m me pas de rapporter des propos v ritables mais d viter par anticipation un discours possible des membres de la communaut Dans le m me lan Corvara et son mari ne pr viennent pas leur famille du mariage ne sont pr sents la c r monie que le p re et le cordonnier du village Cette transgression de la norme sur la sociabilit ne passe pas pour autant inaper ue tant donn que le couple est contraint de traverser le village pour se rendre l glise de sorte qu ils sont expos s au regard des autres Autrement dit la transgression ne se fait pas impun ment Dans la pi ce la norme sociale est repr sent e par une voisine venue chercher la m re de la famille Le troisi me tableau de la pi ce constitue plus ou moins un codex de la morale socialement prescrite Ainsi il commence d une mani re contraignante avec la r plique mettant en vidence lintransigeance de la loi du talion C est la loi Regardez dans la vie les hommes r pondent l offense par l offense au mal par le mal au sang vers 267 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambiva
79. de Susini est l inscription de l uvre suivante dans une cha ne fil e d annonces soit par une situation ou un theme soit par l vocation du titre m me dans le roman pr c dent Une analepse autour du cirque venu au village dans Plein soleil peut se lire comme le signe pr curseur de la foire theme autour duquel s axera le roman La Fiera Le theme de la faute qui hante le couple de Sylvie et Matteo dans La Fiera devient la focalisation centrale dans Corvara pi ce de th tre tragique centr e sur la question de la culpabilit Corvara s apitoyant sur son sort s exclame a son tour Ne plus entendre son pas d homme dans la maison phrase qui offrira le titre du roman de la rupture paru deux ans plus tard Un Pas d homme Le titre Le premier regard rejoint la th matique de Plein soleil alors que le roman suivant Les yeux ferm s diversifiera l tude du regard th me lancinant dans l uvre de Susini D innombrables d autres liens circonstanciels spatiaux lexicaux et autres se tissent dans les textes de Susini ce qui participe la cr ation d un univers herm tique Nous n en donnerons que quelques exemples Dans Plein soleil la narratrice se rem more Il y avait une grande salle et une lampe huile sur la chemin e PS 59 La premi re didascalie de Corvara ou la mal diction reprend l id e de la chemin e et de la lampe Un seul d cor Une salle commune Chaleur et intimit Sur la chemi
80. de chaleur et d aust rit de raideur et de raffinement cette violence sans cesse retenue PH pp 34 35 La surface placide camoufle n anmoins une femme victime de ses motions violentes plut t qu une femme calme et raisonnable Manuela est tr s consciente des contradictions qui la tiraillent et qui minent son agir Elle se tenait souvent des propos sur l intelligence mais elle suivait toujours la m me pente raide et n faste elle fon ait droit devant elle sans rien voir sans entendre elle prenait des raccourcis pour tomber plus vite dans le vide elle fon ait au devant du danger imprudente sauvage pour venir de toutes ses forces de toute sa violence se briser contre un mur de vent PH 29 Faisant preuve dune clairvoyance infaillible Manuela met son comportement en rapport avec les cons quences qu il entra nera et tout en sachant que ses actions n aboutiront pas l issue id ale une certaine entente harmonie et un apaisement de l esprit elle se pr cipite sans consid ration vers l inconnu et le drame l issue recherch e plus ou moins consciemment Prise dans la contradiction de sa personnalit une violence passionn e tre ainsi et l impuissance totale ne pouvoir tre autrement PH 29 Manuela comme la plupart des personnages dans le monde susinien pense tre pr destin e un sort arr t par les forces divines contre lequel il est vain de se d battre on ne devient que
81. de condamn de Manuela qui attend la sentence a la fois li et voulant s en d faire tout prix PH 16 que capricieux insensible dont le vrai caract re est lusif insaisissable Serge n tait jamais totalement absent il se d robait aussi vite qu il se 161 Deuxi me partie L ambivalence de la femme montrait la fuyant se fuyant aimant toujours para tre celui qu il aurait voulu tre et n tant jamais celui qu il disait tre PH 107 L image de Serge qui est transmise au lecteur est celle d un homme qui tourmente Manuela sur le plan sentimental et affectif afin d imposer son autorit Il inflige des blessures et des souffrances Manuela pour s octroyer le sentiment d tre puissant il a entre ses mains le pouvoir de d cerner le bonheur une autre personne un bonheur qu il peut aussi tout moment lui retirer un pouvoir dont il se sert C est un homme tiraill par la col re et la douleur cruel m me qui se compla t dans son omnipotence D un mot il pouvait la faire et la d faire lui donner des joies de soleil ou la rejeter dans la nuit il pesait sur sa vie la fa on d un couvercle qui peut lib rer ou maintenir captif priver d air et de lumi re et que parfois on oublie Ce n tait pas qu il tint la faire souffrir il avait une certaine r pugnance pour la souffrance tant la sienne que celle des autres mais c tait toujours en lui le m me malaise et aussi
82. de correspondances avec le r el qui se situent la fois dans l ordre du sens et dans l ordre du sensible au lieu de la traverser comme un signe transparent lu sans tre vu pour aller directement au sens c est le contraindre ainsi y d couvrir la LA vision intensifi e du r el qui y a t inscrite par l vocation incantatoire impliqu e dans le travail de l criture Ainsi le r el devient vision du r el criture forme signe et sens Il incombe au lecteur de d terminer ce que Roman Jakobson appelle le c t palpable 46 Ibid p 128 Les r gles de l art Gen se et structure du champ litt raire Paris Seuil 1992 p 159 36 Introduction des signes de d duire partir du texte un contexte possible un monde possible En dernier ressort nous retrouvons le caract re circulaire de l acte herm neutique il s agit aussi bien de d chiffrer le monde en tant que texte que le texte en tant que monde Consid rations m thodologiques Ce qui a t un trait caract ristique de la th orie f ministe atomisante est d avoir mis en jeu plusieurs th ories les unes avec les autres ce afin de mesurer l utilit et la v rit de celles ci mises en corr lation tout en les appliquant des themes divergents Les deux ne s excluent pas tout au contraire les approches se recoupent avec des r sultats interdisciplinaires notables Notre travail t moignera des influe
83. de flotter dans l existence sans y tre ni affect e ni ancr e jai senti qu tes c t s je traversais la vie sans la voir sans la vivre NA 157 Avec Mathieu il n y jjamais de halte Jamais de r pit NA 157 La fuite est notamment un vecteur de temps Fl ner te promener suivre ton chemin avec le temps jamais tu n as su faire a Il te fallait courir toujours plus vite comme pour mieux devancer le temps Mais courir ainsi sur ce rythme toi auquel je ne pouvais accorder si facilement le mien inquiet que tu tais la pens e que quelque chose aurait pu t chapper jamais dans le pr sent toujours ailleurs dans l avenir force de virevolter ainsi ta suite de passer d un sujet l autre d un tre un autre avec toi ballott e cahin caha deuxi me classe je sentais 181 Deuxi me partie L ambivalence de la femme bien les choses perdre de leur poids je devenais vide peu peu incoh rente c est peine si je trouvais mes mots NA 156 Ils sont constamment l heure de demain NA 158 par les faits de l homme Les ann es de cavale finissent par puiser Fabia qui en reste toutefois profond ment marqu e ce qui la pousse se retrouver reprendre pied l abri de la passion apr s ces ann es de course folle NA 159 Si la fuite est un param tre de temps elle est bien videmment aussi un param tre de lieu Or ce qui caract r
84. dessus de l existence de Fabia une ambivalence existentielle son couple est et n est pas sa r f rence et c est dans ce non lieu r f rentiel qu elle tient s intercaler 5 2 6 Entre temps d avant et temps moderne L ambivalence de la femme va de pair avec une indiff rence grandissante La ville comme espace est le lieu privil gi pour peindre l image d une ambivalence existentielle Dans une grande ville les gens gardent leur anonymat personne ne vous conna t il y a plus de possibilit s plus dimpr vus davantage de solitude Tout autant quon y rencontre l indiff rence on peut y vivre pleinement la sienne Un autre personnage ayant v cu dans un couple us cherchant sa r f rence en dehors de son couple dans une grande ville est Sefarad dans le roman Les yeux ferm s D sillusionn e par de br ves histoires damour Sefarad jeune femme mari e s est fix e quelque part dans le Nord o quelquefois le jour ne se l ve m me pas et les gens circulent dans le noir en plein midi YF 53 o la mer g le et o quand le soleil se montre enfin il est si p le si pale que parfois il a des lueurs d aube YF 55 Elle vit de largent quelle a re u suite la vente de la maison paternelle Occasionnellement elle donne des cours de soutien des tudiants ayant rat leur examen en philosophie ou des femmes riches qui n ont pas de culture YF 58 et qui lui en demandent un peu Quelq
85. devenir est porteuse d une r solution anticip e dans le cadre du r cit rupture non seulement des liens entre le fils et sa m re mais au m me titre une red finition de l identit du jeune gar on se retrouvant autre apr s leur rencontre L adolescence poque charni re dans le d veloppement de la jeune personne est en g n ral un temps et un espace satur s de possibilit s une des voies d acc s la f minit pour les enfants filles et les adolescentes se manifeste travers la mat rialit qui accompagne la f minit adulte accessoires habillements et maquillage L aspect immat riel est mis en valeur par une conduite et un habitus signalant une plus grande marge de man uvre par rapport ce quest habituellement pr sent dans la communaut d o sont issues les fillettes d crites L adolescence correspond un long et lent travail de f minisation des dispositions cognitives de la jeune femme Le processus d int riorisation de la jeune fille s effectue par mim tisme comme nous avons pu le constater dans le cas d Angnola marchant dans le sentier imitant les mouvements Anna Maria Le dilemme de la jeune femme est de savoir quelles sont les 318 Conclusion conduites et les attitudes qu elle peut l gitimement mimer car toute mim sis n est pas licite Nous trouvons un autre type de mim tique chez Francesca r p tant les conversations qu elle a eues avec son fils mort accompagn es du ges
86. doit se perp tuer dans la soci t image selon laquelle le travail de socialisation de la femme se r sume la diminuer et la nier par son apprentissage et l incorporation des vertus n gatives de r signation et de silence Ainsi la m re grave et aust re rappelle les r gles respecter sa fille non seulement au sujet de sa conduite et de sa tenue mais galement quant ses sentiments source du 146 4 De la jeune fille la jeune femme comportement insolite et iconoclaste a ses yeux Et les gens Qui ne craint pas les gens ne craint pas Dieu F 13 insiste t elle pensant que la frivolit est entr e dans sa maison Le r le de la m re est de v hiculer d un c t la loi divine d un autre le code social Angnola pense honorer la premiere Ne faisait elle pas toujours elle Angnola la volont de Dieu en faisant la volont de la mamma F 12 en octroyant exceptionnellement pour la dur e d un jour de f te et vu ses sentiments naissants pour un jeune homme du village moins d importance a la seconde elle pouvait bien ne pas faire attention aux gens et craindre Dieu quand m me F 13 Or tout iconoclasme finit par se r duire au mutisme chez Angnola la confiance entre m re et fille n existe pas et le silence se referma F 13 Au niveau de l criture Susini a recours des glissements de sens dans des liages entre mots pour voquer d une mani re t
87. e flou e le mari ou lamant pr f rant une autre femme l pouse ou la compagne Puis il y a la rupture que les femmes s infligent et qui pour beaucoup quivaut l ind pendance m me si parfois elle est assombrie par le souci d abandonner des tres aim s les enfants le mari ou l amant Enfin Kristeva voque la rupture intervenant dans les couples us s Il s agit de couples o les partenaires demeurent ensemble malgr une lassitude certaine et o ni l un ni l autre ne s investit r ellement dans le couple Ce troisi me type de couple constitue la situation g n ratrice de la rem moration des v nements relat s dans le roman Encore une fois Susini brosse pour le lecteur l image d un mariage d nu d amour et d un mari 1 Julia Kristeva Seule une femme Paris ditions de l Aube 2007 p 61 188 5 Femmes en rupture de couple aussi froid quincompr hensible Avec Francois son mari Fabia vit la r signation et l indiff rence L image d un homme asc tique est pr sent e au lecteur Fran ois ne trahit aucune motion ni par ses gestes ni par le timbre de sa voix qui comporte une note m tallique NA 181 Son regard est toujours impassible et son visage sans trace de lassitude NA 183 est jug aride par Fabia Sp cialiste en analyse et en synth se NA 182 Fran ois respire l assurance et une concentration paisible et ferme tranger toute man
88. effort de d cortication des r ponses des questions qu elle ne pose qu implicitement A l instar du c ur qui ne se froisse pas la conscience n est pas pr programm e pour un accord avec le temps qui court mais se trouve constamment au diapason avec un temps consid r comme une entit absolue irr versible toujours fuyante insaisissable positionnant automatiquement toute conscience qui se penche sur le pass en m moire L ambivalence temporelle mest peut tre pas un dilemme dont il s agit de dissiper les volets mais la r ponse tout court rendant raison de tout conditionnement humain dans la dur e L criture de son c t constitue en dernier lieu une interrogation sur le dilemme de l individu face lirr versibilit du temps dont elle tente tant bien que mal de restituer la mani re sp cifique de la percevoir par la structuration de la narration 7 3 4 Ala poursuite d un temps mythique Je suis passionn e par le mythe qui se situe en dehors du temps du lieu a d clar Susini Cette qu te d un temps mythique hors de tout rep re et 383 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini Ecole des lettres IL art cit p 37 299 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture lobsession des origines rel vent d une ontologie archa que et impliquent une certaine position m taphysique Un tel discours est une tentative de r sister au temps de se double
89. elle 14 Julia Kristeva Histoires d amour Paris Deno l 1994 p 46 167 Deuxi me partie L ambivalence de la femme La pr occupation de Susini est lunivers intellectuel et non domestique de ses protagonistes f minins elle s occupe peu des femmes effectuant des activit s quotidiennes sociales ou personnelles Les femmes ne pr tent aucune attention leur physique dont les d tails couleur des yeux des cheveux sont d crits avec une conomie extr me La conformit au code social impos e la femme telle qu elle la con oit elle m me s assure par le biais du regard communautaire prioritairement f minin de ses activit s hors du foyer A l oppos de ses ouvrages ant rieurs Un pas d homme ne met aucun moment en sc ne Manuela en tant qu objet sexu jug par un observateur externe Ce couple n est pas l espace o se jouent explicitement les enjeux de la f minit les contraintes du v tement et de la bonne tenue selon une certaine conception du bon art de vivre f minin En revanche le rapport entre Manuela et Serge est bien l cran sur lequel se projette en creux l int riorisation inconsciente par Manuela des principes fondamentaux ins parablement corporelle et morale de l apprentissage tacite de la discipline de la morale f minine et de la naturalisation d une certaine thique attribu e par inculcation et socialisation aux femmes L histoire de Manuela et de Serge n est pas celle d une lente
90. espaces publics que peint Susini sont la campagne avec une nature surabondante et la ville qui dans son urbanisme anonyme permet la femme de s panouir autrement Ces deux milieux contraires cr ent la tension inh rente l ambivalence spatiale de la femme dans l enfance les tentations de la ville font r ver l ge adulte le paysage de l enfance repr sente la fuite par rapport une existence urbaine intenable A tour de r le les deux espaces occupent ainsi le r le de refuge et de d clencheur du d part vers l ailleurs L effondrement du monde int rieur tel qu il est v cu par le personnage principal est souvent peint sur fond d un immobilisme des constantes ext rieures la nature et le temps semblent immuables Comme le temps ne l est concr tement pas la narration s occupe de le ramener toujours de nouveau vers ce qui fut dit dans une tentative d inscrire l immuabilit dans le r p titif des actes Dynamisme et statisme de la th matique et de l criture sentrecroisent en se nourrissant mutuellement et en maintenant une certaine tension sur le plan de l criture La conscience subjective du personnage offre a Susini une toile de fond pour outrepasser les fronti res de la fiction afin de se mettre v ritablement en dialogue communicatif avec le monde a l ext rieur et mettre en question son propre dit Paradoxalement c est la disruption narrative de l auteur qui constitue la prise de parole fondamentale
91. est minemment valoris e l instar de la relation biblique entre Marie et son fils J sus le lien unissant m re et fils est un param tre invariable La jeune fille s intercale lat ralement dans cette relation s y immis ant en sourdine sans avoir aucune connaissance pr alable de l histoire du jeune et de ce fait ne pouvant pas pr voir les effets de sa pr sence sur la trajectoire de celui ci Susini signale l enjeu de la rencontre en brossant son incidence sur le fond de cette relation m re fils le changement d finitif chez le gar on est signal au lecteur par le biais de l effet qu a la pr sence de sa m re sur lui Lorsque le train s arr te a la gare o il doit descendre il entend la voix de sa 132 4 De la jeune fille la jeune femme m re l appelant depuis le quai ce qui le fait se tapir dans le compartiment sans aucune volont d en sortir alors qu auparavant il tait ins parable d elle Dans cette histoire Susini fait ressortir la jeune fille comme une manipulatrice fragile mais en m me temps exp riment e et d lur e affectueuse et violente sachant avec une voix de grande personne PR 135 mener par le bout du nez le jeune gar on naif et innocent relation mise en sc ne par de nombreuses images la fille riant gorge d ploy e quand il avoue n avoir jamais pris le train la sc ne ot elle projette de se marier avec un tranger et son projet d avoir des enfants PR 135 voqu par
92. est le texte qui Encyclopaedia Universalis 1995 Shari Benstock The Private Self The Theory and Practice of Women s Autobiographical Writings op cit p 4 34 Introduction prime sur le sujet la r alit hors texte et l intention qu a eue l auteur en l crivant Une mani re radicale de mettre en question le primat de la subjectivit est de prendre pour axe herm neutique la th orie du texte Dans la mesure o le sens du texte s est rendu autonome par rapport l intention subjective de son auteur la question essentielle n est pas de retrouver derri re le texte l intention perdue mais de d ployer devant le texte le monde qu il ouvre et d couvre D apr s Ric ur le monde du texte et la litt rature est possible gr ce labolition du caract re monstratif de la r f rence Par le biais de la fixation du discours par l criture le texte est rendu autonome eu gard l intention de l auteur Ce que le texte signifie ne coincide plus avec ce que l auteur a voulu dire Signification verbale c est dire textuelle et signification mentale c est dire psychologique ont d sormais des destins diff rents tant donn que le texte transcende ses propres conditions psychosociologiques de production et qu elle s ouvre une suite illimit e de lectures situ es dans des contextes socioculturels diff rents il a le pouvoir de se d contextualiser pour se recont
93. et ses choix Ah Laisse moi te dire comment j ai mis mon c ur a d truire tout amour comment ce fr missement ph m re que l homme croyait me faire partager ne passait jamais que de toi a moi enfin accord s YF 73 Or cet accord imagin souhait r alis m me dans leur enfance se d coupe fortement dans leurs gestes et leurs propos sur cette terrasse ou aucune intimit entre les deux protagonistes ne peut tre discern e Le lecteur n assiste pas une entente entre deux adultes mais une qu te incessante qui se manifeste par des gestes et des inflexions de voix qui se cherchent sans se mettre au diapason La narratrice n est toutefois pas en qu te de quelque chose de son enfance poque qui lui procure une joie enti re et revigorante La force des rem morations est telle que l action racont e au pass empi te sur le r cit au pr sent de l action de sorte que le r cit au pr sent est subsum par le r cit au pass Ce ph nom ne fait se sous diviser le monologue int rieur en analepses portant sur l enfance et sur la vie adulte celui ci devenant le r cit premier le cadre dans lequel doit tre incrust le r cit au pr sent Un tel renversement est rendu possible par la scission de l instance narrative et par la distance que le clivage permet entre les niveaux temporels Cela a des cons quences sur l attitude que v hicule la narratrice sur les temporalit s le pr sent s incruste dans un
94. et le pr sent entre la m moire et anticipation dans une crainte pr cise et ind termin e PH 131 elle est la recherche au del de l instant PH 131 Selon Nicola King nous nous rappelons les v nements pass s de mani res diff rentes des moments diff rents les m mes souvenirs peuvent resurgir volontairement ou involontairement par le biais de mots d images ou d impressions sensorielles Les souvenirs de Manuela sont reconstruits primordialement par le biais du visuel En voquant son enfance elle parle de rapprocher les images jusqu sentir l odeur d amandes de miel et de prunes qui surgissait lorsque sa m re ouvrit le bahut noir Rapprocher les images si pr s des yeux si pr s de l me PH 103 104 La m moire s actualise au moyen d une succession d images Chaque image en amenait une autre qu elle tirait de toutes ses forces en arri re PH 117 Le visuel est aussi la mani re pr f r e chez Susini d voquer d autres sensations essentiellement celles de l ordre de l odorat Ainsi parle t elle de cette sonorit int rieure la fois famili re et inconnue qui bruit au fond du vide blanc de la m moire et puis se perd jamais dans le creux d une nouvelle ride d oubli PH 82 83 La m moire est con ue comme une succession de plis dans lesquels les souvenirs se lovent Alors 318 Narrative Identity Remembering the Self Edinburg Edinburg University Pr
95. figues noires que donnait un figuier sauvage bien meilleures note t elle que celles donn es par les plants Les figues sauvages sont plus sucr es explique t elle quant sa pr f rence pour celles ci car elles semblent en elles avoir amass tout le soleil des jours d t PS 60 Dans une m me vocation subjective s amalgament ainsi des sensations olfactives et la dur e du temps dans la mat rialit d un fruit de la nature L investissement du lieu dans la production de Susini est n anmoins bien plus multifac tal que ne le laisse soup onner la voix enchant e de la narratrice du roman Plein soleil Au fil des ouvrages la notion du temps ne rev t plus le m me immobilisme mis en sc ne dans les ouvrages dont la r f rence extratextuelle est la Corse mais elle se transforme de part en part en un jeu de temporalit s o les diff rents temps de la narration se recoupent se superposent et se juxtaposent 259 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture 7 3 1 Le temps pris entre l immobilisme et le mouvement Le temps s arr te n est plus que ce va et vient lentement remu de plus en plus doucement d clare la narratrice du roman Les yeux ferm s 147 Cette conception du temps comme immobilisme et mouvement la fois est typique du discours temporel susinien La figure f minine susinienne n est pas de plain pied dans sa contemporan it mais aux antipodes d un t
96. fille et de la femme Dans la deuxi me partie de notre dissertation nous nous sommes livr e une tude th matique de la manifestation de l ambivalence travers le spectre offert par les diff rents 261 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture personnages d peints dans les textes de Susini Ce chapitre articulera son tour autour d une vue synchronique du discours susinien sur le statut des femmes tudi es et les attentes que la soci t montre a leur gard la jeune fille et l adolescente la femme adulte et la m re 8 1 1 Attentes sociales sur les jeunes filles Susini imprime aux portraits d enfants qu elle brosse aussi bien un d sir na f de poursuivre leur inclinaison naturelle qu une touche incisive d irr m diabilit et d emphase Traversant le discours de l enfance v rit et retour oblig s pour se retrouver Susini traverse son propre discours et linfl chit de mani re englober et irr aliser celui l a la fois Les attentes sociales l gard de la fille se manifestent clairement chez Vanina dans Plein soleil Plus particuli rement il s agit du conflit latent entre les attentes des parents socialement conditionn es et r alis es et les d sirs de la petite Vanina qui a une autre vision de ce que devrait comporter l enfance articul e par la narratrice La soci t s attend une certaine conduite de la jeune fille celle l m me que les
97. fils la messe apr s quelques tentatives initiales qui elles aussi d plaisent Barbara car jug es d faillantes Sylvie est bien pr sente mais refuse de suivre exactement le code elle n avait la main ni livre ni chapelet F 98 En outre Sylvie refuse de prendre le chapelet que Barbara tente de lui glisser dans les mains Barbara pugnace engage Matteo dans son projet de rendre Sylvie respectable a la messe Celui ci se fache contre Sylvie Sylvie sourit et tient bon et l affaire est class e Malgr de nombreuses exhortations a son fils de forcer Sylvie a s adapter aux m urs du village Barbara doit se r signer devant l opini tret de sa belle fille Le motif de la m re est que la belle fille suscite non pas de la curiosit par sa diff rence mais qu elle les plonge elle et son fils dans la honte ce qui est impardonnable et doit tre vit F 84 Lorsque Sylvie tente de se d prendre de l emprise de leur couple et s enfuit la malveillance 228 6 Une maternit d faillante de Barbara devient manifeste elle pense que Sylvie a tent de s chapper pour leur faire honte Elle ne dormit pas Elle dit son fils tout ce qu elle avait sur le c ur tout ce qu elle lui avait d j dit tant de fois Elle parla de la honte qui tait sur la famille depuis qu il s tait mari avec cette Francaise Elle pleura voulant tour a tour mourir ou trangler la pinzutta F 127 Elle rench rit sur son m
98. gar on la prise de conscience de la fillette comme un tre sexu est une vraie d couverte et une vraie r v lation Le pouvoir d impulsion de l introduction de la fillette dans le r cit tient au regard C est au regard novateur du point de vue du gar on que porte la jeune fille sur lui que fait allusion le titre du roman pour la premi re fois il s affiche comme l objet d un regard de d sir et pose un regard de d sir sur quelqu un d autre car jusqu au face face le joignant la fille le jeune est absorb par une probl matique dipienne avec sa m re Le basculement dans l ordre de la sexualit se vit ainsi chez les deux protagonistes Son regard elle inscrit le jeune dans l anticipation du savoir faire f minin larrachant dun monde asexu et l exposant malgr lui a un d sir qu il ne reconna t pas et dont il n est pas ma tre Le regard du gar on constitue pour 131 Deuxi me partie L ambivalence de la femme la fillette un miroir o se refl tera progressivement l admiration inconditionnelle de celui ci pour elle Cet v nement ext rieur et accidentel prendra une importance majeure dans la narration car il repr sente un moment d terminant dans la vie du jeune homme qui devra malgr lui subir et g rer tant bien que mal cette situation cl dans sa vie En v rit Susini d crit la confrontation d un jeune au d sir f minin en utilisant la fonction de la jeune fille dans le r cit dans le
99. il contenait la peur la peur que ne vint le d tachement la solitude avant que rien ne les ait annonc s avant d tre pr te les recevoir PH 146 D s l entame la menace que lamour s ach ve plane sur le couple L id e de la rupture irr m diable est par ailleurs r currente dans le r cit C tait condamn depuis toujours Depuis ce soir lointain o elle savait qu il partirait Depuis toujours C tait fini avant m me que de commencer en somme PH 59 Les clivages et les contradictions dans le couple de Manuela et Serge se produisent non seulement entre eux mais comme nous l avons vu l int rieur des personnages Manuela est port e par le d sir de amour absolu se contentant toutefois d une relation o les deux consciences ne se rapprochent pas nourrissant simultan ment un espoir de pouvoir se couler hors de cette vie avec Serge PH 103 Serge de son c t fait preuve d une plus grande intransigeance si elle n tait plus lui totalement elle n tait plus du tout lui PH 94 Plus le d part de Serge approche plus les sentiments et les pens es de Manuela deviennent contradictoires car cest au moment o la rupture se finalise tout plut t que de vivre cela qui tait en train de se faire cette chose absurde et cependant n cessaire in vitable et rem diable rem diable et cependant irr m diable PH 141 qu elle se rend compte que malgr sa croyance ind
100. il s agit moins d un roman que d une tude psychologique Andr Dassart de son c t le qualifie comme une nouvelle Plus qu un roman c est une longue nouvelle uvre originale difficile d routante o n existe nulle action et qui pourtant emploie le lecteur car ces deux personnages que l on conna t si peu s affrontent fr n tiquement 246 Marie Susini Corvara ou la mal diction pi ce en un acte et trois tableaux Revue nouvelle le 15 nov 1955 7 Ibid 8 L Express Le Fonds d archives des Editions du Seuil dossier de fabrication Paris PIMEC 249 21 oct 1957 s n ORLA s n La R publique de Lyon 13 ao t 1957 104 3 Arri re fond et r ception sans prononcer plus de quelques mots Une uvre d analyse de dissection la froideur de scalpel et cependant chaude et vivante en son immobilit a la r sonance insolite dans une langue pure cr ant un trange climat Une gageure gagn e Un talent certain Un crivain affirm D autres communiqu s sont plus mitig s voquant un exces de stylisation po tique tout en annon ant une uvre dune rigueur et d une qualit exceptionnelles Drame de la solitude morale de l impuissance des mes a atteindre l absolu dans lamour uvre d une femme sensible qui s est r v l e comme un grand crivain attachante par la profondeur d une analyse psychologique servie par l ampleur du style et la qualit de
101. impossible Marie avec une aptitude d couvrir retrouve une totale libert loin du code social limitatif villageois l gard du comportement des jeunes filles dans la grande propri t de Bupia un lieu paradisiaque ot tous les terrains perte de vue appartenaient la famille et o respectant les rythmes de la transhumance on descend d octobre mars les animaux de la montagne L la plage l abri du regard collectif villageois Marie profite de la libert tant regrett e pendant les longs mois pass s dans diff rents couvents depuis l ge de six ans chez les religieuses Evisa les Franciscains Vico entre 8 et 13 ans et plus tard chez les Ursulines 1 Sans eau ni lectricit selon Ghislaine Fratani ni ce de Marie Susini entretien personnel Ajaccio Corse le 9 ao t 2004 1 Jean Daniel Les chemins de Marie Susini Le Nouvel Observateur art cit 107 Caract risation pr sent e par Ghislaine Fratani 108 Terme d signant non pas la plage mais l arri re pays en Corse 66 2 L auteur et son uvre Marseille fait qu elle aurait tr s mal v cu L enfance est ainsi pass e entre une totale libert et l enfermement entre les murs des couvents Aux alentours de 1929 1930 le p re d cide d installer la famille Beaune dans le d partement de la C te d Or pour donner aux enfants plus de moyens d tudier et plus de chanc
102. l arri re fond de la fiction Susini place l action sous l aur ole d une certaine joie d une certaine all gresse La cruaut de la deuxi me guerre mondiale et les violences des meutes de mai 68 bien que d crites d une mani re r aliste s tiolent aux c t s des sentiments qu elles permettent de consolider sur fond des craintes et des espoirs qu elles g n rent dans le quotidien des personnages principaux Il est int ressant de noter que le titre projet du roman Pas encore voque une attente quelque chose venir tandis que le titre retenu C tait cela notre amour renverse la perspective initiale en projetant l histoire dans le pass Il est tir d une citation du diplomate et po te grec Gheorghios Seferiadhis dit Georges S f ris 1900 1971 figurant en exergue du roman C tait cela notre amour Rien qu un tr s profond d sir De faire halte dans notre fuite Le po me s accompagne d un extrait l g rement modifi de la lettre qu Albert Camus a adress e Susini au sujet du roman Un pas d homme Quand on a compris que les hommes doivent mourir Alors la compassion vient au secours de la passion La narration dans le roman alterne entre une narration omnisciente faisant r f rence a la protagoniste principale comme elle et un monologue int rieur s adressant un foi imagin cr ant ainsi un clivage dans l instance narrative 3 Le Fonds d Archives des ditions du Seu
103. l nergie et la fiert et n en connaissait que les joies F 124 tant donn quelle est veuve Barbara n occupe plus la place de la premi re dans une configuration familiale originelle ce qui a comme cons quence qu elle surinvestit le lien affectif avec son fils Elle veille jalousement sur la vie de couple de celui ci et la force d obstruction qu elle oppose au jeune couple emp che son fils de leur construire une maison tant de fois promise a Sylvie et qui repr senterait l apoth ose de l individualit et de l unit de leur couple Cette obsession de la m re de s engager d une mani re v ritablement obs dante dans leur vie emp che a son tour Sylvie de trouver sa place d pouse d autant plus que son amour initial pour Matteo ne semble pas tre des plus solides Si elle est avec lui c est gr ce un hasard en somme F 15 Parall lement a la graduelle d possession de toute prise sur soi s op re la d consid ration communautaire de sa personne la d licatesse F p 97 occult e des premiers temps devient un objet de luxe F 119 incapable de remplir sa fonction de femme panouie notamment parce qu elle n a pas produit d h ritier pour la lign e mais aussi parce qu elle se soustrait aux r gles de sociabilit faites d changes de services et d information refusant de participer a la messe et pr f rant rester au jardin lire ou tout simplement r ver se soustrayant de ce fait
104. l int rieur d elles m mes une origine soit absente soit en passe de se d rober Elles font de cette absence une pr sence r elle ou r v e L origine de la situation initiale est r anim e dans une tentative pour r tablir l quilibre entre le lieu o elles sont et le lieu o elles voudraient tre leurs histoires t moignent ainsi d une ambivalence int rieure et ext rieure entre les p les r els et les p les r v s L unit concernant ces adolescentes tient un certain ressenti qui se construit autour de v cus communs autour d un trouble cons cutif un 128 4 De la jeune fille la jeune femme sentiment d exclusion qu il s agisse de l isolement face une unit originelle comme m re fille p re fille ou un couple en devenir homme femme Les personnages qui seront tudi s dans le sous chapitre ci dessous sont au nombre de deux la jeune fille qui entre en sc ne dans Le premier regard 1960 et Anna Livia du dernier roman Je m appelle Anna Livia 1979 Ce qui relie plus particuli rement ces deux jeunes filles est leur r le de m diateur dans les v nements d crits ce sont elles qui provoquent le changement radical qui aura un impact radical tant sur leur vie que sur leur entourage 4 2 1 L enfant femme Dans Le premier regard histoire racont e en alternance la premi re et la troisi me personne Susini fait basculer la figure de la jeune fille innocente incarn e par Vanina dans Ple
105. la rupture l incompr hension qui pourtant est la peinture de l ternel et path tique chec des hommes et des sentiments L ouvrage C tait cela notre amour moins un roman ou r cit qu une action 259 haletante en plein pr sent est caract ris comme un roman restituant avec une fid lit sourcilleuse par des notations des images concr tes l Occupation de Paris Son style est per u comme sobre sans recherche de 1 forme un tout petit peu trop sentimental peut tre Le Nouveau Courrier de la Presse parle de pages inoubliables Le Parisien Lib r met en avant un livre dune qualit exceptionnelle Br lant comme les plus 6 Marie Susini Un pas d homme Elle Nouvelle no 96 1964 Cf Jean Daniel Cet tranger qui me ressemble op cit p 166 7 Arts no du 17 au 23 juillet 1957 8 Ibid Henri Petit Un roman de Marie Susini C tait cela notre amour Parisien Lib r 22 d cembre 1970 260 M C s n TC Chr tienne 15 mars 1971 261 Ibid 262 juillet 1971 106 3 Arri re fond et r ception belles s quences d un de ces films qui paraissent tenir encore la chair de la vie Enfin Paul Guth dans Vogue s exprime en les termes les plus loquents Marie Susini a crit tr s simplement un roman tr s r ussi et tr s au point C est peut tre la premi re fois depuis M rim e que l on restitue
106. la blancheur paisse du songe un temps qui ne coule ni ne fuit o plus rien ne se passe elle a lanc ses bras en avant plus qu elle ne les a tendus a la mani re brutale et incertaine d un aveugle qui s assure de la proximit ou de l loignement des choses cherche sortir d sesp r ment de la solitude qui l enclot pour cr er le simple toucher de relation dont on ne pourrait dire encore ce qu elle est nouvelle rencontre ou nouvelle s paration NA 15 Le sentiment amoureux ne se pose donc pas sans h sitation Il existe car la pr sence de l tre aim est incontestable or cette pr sence de aim est fuyante comme dans le cas de Manuela et Serge elle n est en d finitive que l attente d une rupture pr c d e de circonstances sp cifiques entra nant les protagonistes vers le heurt final Plus que des amoureux fusionnels les deux protagonistes sont amoureux de l absence de l autre c est la fusion impossible la carence qui unit et non pas la concordance de deux mes s urs Cest l absence de l autre qui est la condition n cessaire a l amour du personnage principal f minin et c est son aspect irr m diablement hors d atteinte qui conditionne l existence de celle qui aime A travers le couple de Fabia et Mathieu Susini brosse l image d un amour m taphysique plus que corporel un seul endroit Mathieu voque l amour physique en mai 68 lors de leur rencontre fortuite vingt ans apr s le d but de le
107. la premi re fois dans Le premier regard et l impression initiale qu a le jeune gar on de la fillette partageant son compartiment D coupant l ombre ce furent des jambes qui comme les siennes n arrivaient pas jusqu au plancher qu il vit tout d abord et non pas un visage il se rendit compte de cette pr sence l devant lui ces jambes maigres et lustr es par le hale sortant d une courte jupe jaune qui laissait voir les genoux Puis avec la lenteur dun homme qui prend plaisir reconna tre par tapes le corps de la femme qu il d sire il d couvrit mais avec une innocence et un tonnement naifs les mains cach es dans les plis de la jupe crois es et sages dans l attitude de la pri re et sur le corsage blanc entre les deux flots de cheveux jaunes floues et doux une petite m daille d or PR 94 95 Susini a recours a un regard asym trique pour nous r v ler la fillette la sc ne est centr e sur elle par la focalisation du regard du gar on autrement 85 Leurs yeux se rencontr rent Paris Jos Corti 1984 p 78 286 Ibid p 8 130 4 De la jeune fille la jeune femme dit la jeune fille subit une objectivation dans cette premi re sc ne visuelle sans paroles articul es La fillette ne fait pas une irruption dramatique mais elle s est install e sans panache dans le m me compartiment que lui il y a une absence de r action et d motion de la part de l enfant fille Aux premiers inst
108. la promesse et de la charge du devenir individuel manifestant une solidarit avec ce mouvement d individuation processus n cessaire la construction d une identit 9 1 Entre reconnaissance et diff renciation Paul Ric ur a recours deux cat gories pour d signer la double face de la notion d identit le propre et le semblable l identit comme m met idem et l identit comme ips it ipse La m met rel ve de l objectivit commune elle signifie que l individu perdure en tant qu tre biologique r unissant tous les l ments qui permettent de dresser une carte d identit L ips it renvoie aux subjectivit s singuli res l individu perdure dans une fid lit lui m me qui se traduit dans la singularisation et dans la reconnaissance au semblable fid lit qui tablit dans un m me mouvement un mim tisme et une diff renciation La r ponse la question qui suis je s av re en d finitive suspendue au prochain La d finition de l identit passant par la relation autrui le propre se d finit ainsi dans le maintien du rapport l autre Le lien entre l identit et la reconnaissance de soi est dans la pens e ric urienne assur par la fonction narrative En consid rant l uvre de Susini dans la chronologie de sa parution le lecteur peut constater que la notion d identit y subit une transformation tangible Dans les premiers textes ayant trait la Corse Plein
109. la solitude n est pas le refus de l autre mais le fait de l accepter comme autre c est en ceci que lamour est solitude Or les pr requis dans l amour face ceux impos s par la vie en soci t ne sont pas toujours facilement conciliables Les femmes vivant en couple mises en sc ne par Susini s exposent pour la majeure partie d entre elles aux m mes d fis rencontr s par beaucoup de femmes impliqu es dans des relations de couple modernes c est dire comment par exemple r concilier les r les relatifs aux diff rents ges de la f minit d un c t il y a l panouissement gr ce l acc s la formation de l autre les crises inh rentes au passage de l tat de jeune fille l tat de femme et celui d pouse ou de compagne les d fis de la maternit et l preuve de l ach vement graduel de lamour La femme mancip e est loin d tre une f e du logis une femme d int rieur renouant toujours et encore avec une f minit traditionnelle confin e la sph re priv e l instar des mod les dont certaines femmes mises en texte dans la trilogie corse tentent de se lib rer mais une reine audacieuse de l espace public qui ne craint pas d affronter les duret s de la vie qui d ailleurs ne l pargnent pas Or au sein d un couple les aspirations de la femme vers une individualit affirm e s effrite au d triment d un r le f minin plus traditionnel esclave non pas du 31 Andr
110. laisse la post rit elle d couvre qu il a tout de m me t un homme de sentiment m me si de son vivant aucun signe de tendresse entre ses parents n en a laiss entrevoir l existence Les propos de la m re obscurcissent plus qu ils n claircissent l enfance de Fabia ce qui explique le d sir de celle ci de combler l ge adulte les lacunes du r cit de la m re Les propos manquants maintiennent Fabia dans sa d pendance vis vis de ses parents Il lui manque les l ments n cessaires pour se construire les interrogations relatives l affectif exigent d avoir des explications quelle a t sa place dans sa famille et quelles raisons justifient son cartement par le p re faute de quoi elle est vou e une errance affective et g ographique ult rieure ce qui sera au final son lot La reconnaissance et le r confort qui ont fait d faut dans son enfance ne seront pas retrouv s plus tard et sa condition de femme sera marqu e par la solitude et la r pression Finalement l histoire que lui offre sa m re sur sa naissance est construite selon une double modalit relevant aussi bien de l imaginaire que du r el C est ce d chirement qui d finira l ambivalence de Fabia 6 2 M res absentes L absence de la m re peut rev tir deux formes soit elle est absente concr tement soit elle est pr sente dans le quotidien de l enfant mais tellement pr occup e par d autres aspects de la vie qu elle d
111. laquelle se tisse la d finition de l amour devient sournoisement antith tique en brouillant quasiment toute r f rence l amour En revanche l exp rience amoureuse de Manuela et de Serge ne s nonce pas en m taphore mais s avoue dans sa nudit sa cruaut Le discours amoureux dans un Pas d homme est un r cit lacunaire qui d ploie 316 Julia Kristeva Histoires d amour op cit p 331 317 Ibid p 331 172 5 Femmes en rupture de couple l elliptique au moyen de la m ditation analytique ancr e dans un avant et un apr s de la rupture afin de pallier la douleur du pr sent imm diat Le r cit met galement en avant le caract re fonci rement ambivalent de l acte d crire si la th matique du r cit est l vitement de la situation douloureuse comment chapper au moment pr cis du d chirement final l criture monte en pingle l talement de cette m me douleur et en est non seulement l pure dans son d roulement mais aussi comme une enflure de cette peine Ainsi l criture rev t un aspect ambivalent en se servant d un espace transitionnel o non seulement les clivages entre les dispositions les positions et les motions d peintes chez les protagonistes s approchent et se distancient mais o l v nement nonciateur qu est le texte inscrit un discours ambivalent propre l auteur 5 1 5 Entre m moire et anticipation Tout au long de l histoire Manuela est tiraill e entre le pass
112. li es au monde extratextuel se m lent une r flexion sur l esth tique litt raire Les r flexions du lecteur sur l identit du personnage sont doubl es d un questionnement sur les structures fictionnelles et leur r le dans la construction de l identit du personnage Une qu te sur la dimension identitaire du personnage passe par une r flexion m tatextuelle sur la fonction des r f rences employ es et inversement la conception des proc d s m tatextuels font cort ge au travail conceptuel du lecteur sur l identit du personnage 9 3 3 La r f rentialit du texte ou le factuel fictionnalis Comme le d montre le sous chapitre ci dessus toute imagination cr atrice s approprie le monde environnant dont l uvre peut tre consid r comme un mod le r v lateur le trac d un tre au monde propre l auteur Ce fait est bien s r connu et d battu en th orie litt raire depuis la nuit des temps L uvre de Susini ne se soustrait pas des consid rations sur son ancrage r aliste maintes fois mis jour par les journalistes et les critiques se pronon ant sur ses diff rents ouvrages Nous m mes n avons pas non plus manqu au cours de cette tude d voquer par moments le rapport de la biographie la fiction Ayant pris connaissance de faits de la vie de Susini nous avons pens que certaines histoires v cues par le personnage principal de ses romans co ncident des degr s vari s avec celle de l aute
113. m taphore sur la peur est construite en trois mouvements agitation accalmie crescendo mettant en vidence diff rentes dimensions inh rentes la peur parmi lesquelles la menace ainsi que le caract re ruptif et incons quent de ses causes Un des th mes les plus m taphoris s dans les textes de Susini est la mort La mort guette au tournant de la rue elle r de dans le village entre dans la maison des gens la main tendue le regard clair avec le printemps les l zards et les fleurs de cerisiers qui venaient de s ouvrir F 95 La mort est sournoise et malveillante ou bien comme dans la citation ci dessus mise en corr lation avec le cycle des saisons et le renouveau du printemps Alors Susini associe dans un m me trope la fin et le d but la mort et la vie l extinction et l mergence La mort est souvent analogue un personnage de l intrigue notamment dans la trilogie corse o sa pr sence est marquante La mort du personnage principal du dernier roman Anna Livia est rendue moyennant une m taphore qui lie la vie a la nature Anna Livia s tait d tach e de la vie morte comme la feuille qui tombe de l arbre AL 165 La mort est la fois inertie et mouvement masse compacte et l g ret virevoltante Tout est m taphorisable chez Susini y compris l nonc en l occurrence coupl son aspect omnipuissant et n faste Alors elle a h te de parler zia Francesca pour s arr ter pour fa
114. mais tout s est invers Au retour nous nous sommes perdus de vue Puis la guerre est arriv e et Marie m a crit A la lib ration de Paris en lisant un livre de Ren e Pierre Gosset intitul Exp dients provisoires qui raconte le d barquement des Am ricains Alger et voque un jeune homme de Blida qui seconde Jos Aboulker aupr s des 128 Elle avait redout que je ne puisse crire sur elle et notamment sur son uvre qu apr s sa disparition Elle a eu raison Et si je l ai fait c est insuffisamment par bribes dans mon journal confesse Jean Daniel dans Cet tranger qui me ressemble Entretiens avec Martine de Rabaudy op cit p 168 La m me id e est retrouv e dans Avec le temps Carnets 1970 1988 Paris Grasset 1998 p 648 1 La nouvelle revue fran aise no 221 mai 1971 p 18 21 10 La blessure suivi de Le temps qui vient Paris Grasset 1992 131 Jean Daniel Soleils d hiver Carnets 1998 2000 Paris Grasset 2000 p 152 71 Premi re partie De la th orie la r alit Am ricains Marie me reconna t travers ce personnage et n a de cesse de me revoir Elle crit l tat major qui lui permet de m atteindre Nous nous donnons rendez vous dans ce caf de l avenue Wagram Marie tient dans la main le fameux livre afin que je puisse lidentifier Je porte encore l uniforme Nous nous retrouvons et nous ne nous quitterons plus jusqu en 1957 1 Ce qui prend naissance comme un j
115. mon ge Il n y avait que mes parents et les religieuses qui trouvaient cela naturel Et moi bien s r PS 13 Paradoxalement le lecteur per oit la critique de Vanina justement dans la constatation de sa socialisation r ussie voire sa r signation voqu e par la narratrice qui offre le point de vue de Vanina adulte distanci e par rapport aux v nements qu elle relate Pourquoi cette femme sa m re qui n aimait pas refuser PS 45 ne s oppose t elle pas l instar des autres femmes mentionn es dans le texte 215 Deuxi me partie L ambivalence de la femme ce qu une petite fille soit confi e aux soins des nonnes Pourquoi la promesse du p re que la m re viendrait rendre visite Vanina au couvent ne se r alise t elle pas Autant de questions que Vanina ne se pose pas mais qui sont ouvertes par la lecture Le schisme que cr e le texte entre la m re et Vanina est entre autres imputable un sentiment de lourdeur et de tristesse que Vanina ressent chez sa m re au souci de la m re d inculquer la norme sociale la fille ainsi qu la curiosit enfantine de Vanina qui r p tition provoque des tentatives de transgression de ladite norme Les tentatives d inculcation la fille de la norme sociale fait en sorte que la m re de Vanina ne la soutient pas dans ses aspirations mais que celle ci est laiss e seule avec ses r ves Ainsi au moment o elle voque son d sir d habiter un jour la m
116. mort sont labor s dans les termes suivants par Susini Mon premier livre Plein soleil d crivait la perte de l innocence la nostalgie de l enfance La Fiera affirmait l impossibilit de tout retour en arri re Corvara enfin pr sentait des tres marqu s par la fatalit des tres qui n ont jamais eu d innocence 1 Ce qui est certain cest que la Corse a nourri profond ment les trois premiers ouvrages de Susini revisitant les m mes questions se montrant pourtant toujours nouveaux et diff rents aspects mis en relief par les paratextes et les pitextes Ce qui est galement clair cest que ses romans soul vent bien d autres questions que celles que Susini choisit d voquer 2 2 2 Situations sans issue La notion d innocence a inspir Susini son quatri me ouvrage cette fois li e au th me de l amour c est dire la mani re de Susini la mort de 158 G B Quelques instants avec Marie Susini Lundi Matin art cit 1 Interrog e sur la th matique par Memmi Susini pr f re le terme sentiment Albert Memmi Qui tes vous Marie Susini art cit 160 G B Quelques instants avec Marie Susini Lundi Matin art cit 161 Albert Memmi art cit 82 2 L auteur et son uvre l amour car le projet esth tique du roman est selon Susini d illustrer que seul le premier amour compte et que les autres n existent pas et que ce premier amour ne p
117. n rique ou 141 Seuils Paris Seuil 1987 74 2 L auteur et son uvre la dimension temporelle du texte l tat naissant c est dire la o nos recherches nous ont permis de trouver des t moignages et des documents sur la d marche de l crivain ses rites g n tiques et que nous pouvons mettre en relation avec la naissance des ouvrages Nous mettrons entre autres en lumiere la pr histoire g n tique des titres voire les modifications qu ont subies certains titres dans le but d ouvrir aussi largement que possible toutes les voies d analyse ce afin d int grer dans le champ de l id e centrale de notre travail tous les points essentiels et r v lateurs du m canisme de production du texte et de l uvre elle m me Il ne s agit pas d inscrire l tude des traces mat rielles dans une critique g n tique Pour cela les donn es notre disposition sont trop lacunaires mais notre approche rel ve plut t de la g n tique textuelle les documents ditoriaux qui formeront les bases des manuscrits tant surtout con us comme une m thode d appoint pour enrichir l approche biographique de l uvre et comprendre le mouvement m me de l laboration de l criture chez Susini Les archives de la maison d Edition du Seuil diverses missions t l vis es et radiodiffus es des revues et des journaux constituent le socle de nos sources Il ne s agira pas d une interrogation sur ni d une interpr tatio
118. na tre par le biais de consid rations sur la structure ou sur le th me du texte consid rations qui aboutissent une distanciation du lecteur par rapport l illusion r f rentielle et une perception critique non seulement de lunivers fictif mais aussi de l acte narratif de ses structures de son contexte de ses ruptures et de son fonctionnement Les proc d s m tatextuels pr sents dans un texte peuvent tre soit explicites soit implicites Lorsqu ils sont explicites ils d signent directement par un nom un concept ou une citation le texte ant rieur auquel ils font r f rence Les r f rences m tatextuelles explicites chez Susini sont nombreuses et s y tissent aussi bien des textes canoniques que des textes populaires Certains domaines sont plus usit s comme source de r f rences que d autres c est le cas notamment des r f rences bibliques et sacr es philosophiques et musicales En se r f rant des sources d origine vari e les textes de Susini exhibent les traces de leur historicit textuelle et brisent le cadre du construit artificiel qu est le monde de r f rence fictionnel pour mettre en relief les proc d s mim tiques qui le cr ent et qui le subvertissent Un des traits que les figures f minines dans l uvre de Susini semblent avoir en commun quel que soit leur age tient a ce qu elles sont rod es dans 7 M tatextualit et m tafiction Th orie et analyses Rennes Presses Universit
119. outre le rappel des normes peut se produire dans des buts vari s pour prot ger la femme ou pour prot ger l honneur de la famille mais aussi les deux motifs peuvent s amalgamer 266 8 Ambivalences socioculturelles d une fa on inalt rable Les femmes peuvent galement s auto imposer des attentes conformes a ce qu elles con oivent comme la norme sociale ce qui peut tre consid r comme la prolongation d une socialisation id ale de la jeune fille et de l adolescente Sur le plan de la narration ou bien la narratrice et ou l h ro ne rapporte les propos et les conduites vecteurs des normes soit au lecteur soit un autre personnage ou bien elle se conduit de mani re les mettre en valeur au niveau du r cit Certaines femmes ont le courage de transgresser les normes sociales pr tablies mais elles sont par la suite d chir es par le conflit provoqu par la tension entre cette norme transgress e et leur vision du monde qui n y correspond pas Dans le cas de Corvara elle outrepasse de mani re d lib r e les conseils prodigu s par son p re et les gens On m avait pr venue C 213 confie t elle la bonne Dans ce cas le p re et les villageois tiennent carter la femme de celui qu ils consid rent comme un homme entach par le mal et le malheur Vous ne saviez donc pas que pour le reste de vos jours votre pain serait empoisonn C 214 sympathise la bonne en coutant l histoire
120. p re et ma m re forc ment ne put de 7 27 e e gu re s int resser moi C taient les femmes arabes qui me donnaient a 211 Deuxi me partie L ambivalence de la femme manger me lavaient m habillaient et prenaient soin de moi Les premiers mots avec ma m re furent ceux du cat chisme le devoir et la faute NA 112 Le regard que porte Fabia sur sa m re est plein de tendresse Elle se sent particuli rement li e a la m re par l histoire que celle ci lui raconte sur sa naissance histoire quelle ne se lasse pas d entendre et qui ne cesse de linterpeller J y tiens a cette histoire de ma naissance parce que depuis qu elle me l a racont e une fois ma m re c est devenu l gende NA 110 La m re a accouch delle seule la rivi re et avec ses dents elle coupa le cordon comme elle put NA 110 En v rit l accouchement est intercal entre les besognes de la m re quand a lui arriva elle lavait sa corbeille de linge a la riviere NA 110 et la mise au monde du b b ne semble pas avoir affect la m re autrement que d un aspect pratique Elle mit juste un peu plus de temps a revenir a la maison elle eut un peu plus de peine a porter son enfant sur les bras et non plus dans son ventre NA 110 Interrog e sur la raison pour laquelle la m re n a pas laiss le linge la rivi re elle r pond sans motion Tout compte fait a faisait la m me charge NA
121. par Jeanine Delpech dans Les nouvelles litt raires L art de restituer la ferveur les merveillements de l enfance accompagne chez Marie Susini un lyrisme profond qu elle ma trise et qui vit dans son r cit Alain Palante d crit le roman comme un bref r cit intime d une flamme tout int rieure que l auteur a crit avec un art remarquable de concision C est la pi ce Corvara ou la mal diction qui a obtenu la r ception la plus mitig e Si Gabriel Venaissin en est s duit La force de Marie Susini se montre au premier moment et que Maurice Barrois y voit tout simplement une repr sentation v ridique du monde insulaire Tout y est authentique et dur comme la vie m me dans l le Andr Romus ne s enthousiasme pas outre mesure Le dernier volet du triptyque que M S consacre la Corse est marqu de couleurs sombres de traits assez maladroits qui disent le tourment d une ame en proie la r volte en face d un destin qu elle ne comprend plus Ce livre n sans doute d une douloureuse exp rience intime pose mal car si M S se montrait romanci re parfaite dans La Fiera elle ne poss de pas 242 Ibid 243 Les romans de la semaine La Fiera de Marie Susini le 11 d c 1954 44 Le Fonds d archives des Editions du Seuil dossier de fabrication de La Fiera Paris PIMEC 245 Ibid 103 Premi re partie De la th orie a la r alit encore le m tier d aute
122. pas son prochain en l occurrence Sylvie la paresseuse qui ne sentait de rien celle qui est venu troubler l ordre entre m re et fils F 147 Barbara est all e jusqu souhaiter sa disparition pour qu elle et son fils Matteo puissent poursuivre leur vie tranquillement Mais avait elle vraiment souhait la mort Dans cette question la conscience de Barbara est intacte et elle peut jurer devant les hommes et devant Dieu qu elle n avait pas souhait la mort de Sylvie Son seul souhait aurait t que leur vie f t inalt r e comme avant que Matteo n aille faire son 230 6 Une maternit d faillante service militaire pendant lequel il a rencontr Sylvie La narratrice en revanche laisse planer quelques doutes sur les motifs et les actions de la belle m re 6 4 La m re comme mythe et madone Chez Susini il existe deux mod les compl mentaires voire oppos s pour tre m re En parall le l image d une m re d faillante Susini pr sente l image d une m re mythique biblique qui a donn naissance son b b et qui l l ve toute seule Cette image correspond a l image canonique de la madone Depuis longtemps la procr ation et la maternit sont confront es a un sentiment mythique et religieux l image de la m re mettant seule au monde un enfant est retrouv e aussi bien dans la mythologie grecque que la Bible La vierge la plus c l bre est naturellement Marie m re de J sus qui d
123. pas zazous non plus impatients dans la gravit du pr sent la recherche de l unit tendus vers l avenir tout occup s r soudre l nigme du monde les concepts fondamentaux et les conditions de la connaissance Dans le besoin de croire en quelque chose notre enthousiasme r sistait tout il nous portait Vincent et moi Nos valeurs notre Weltanschauung NA 34 L instruction de Fabia est traduite galement par une citation quelle emprunte l Iliade de Hom re Ah Respecte les dieux Achille et prends piti de moi en voquant ton p re J ai fait ce que nul mortel n accepterait sur la terre NA 113 Certaines occurrences forment un m tissage de r f rences d origines diverses Mais l plus loin dans cet autre groupe c est la s duction du verbe l ternelle s duction de l intelligence de l artifice Matthieu aussi semble fascin par ce jeune homme Probl matique et histoire Id ologie et ph nom nologie Praxis Liquidation de la conscience philosophique Hegel Feuerbach Althusser Marx Foucault Concept d ali nation du travail Seigneur se dit Fabia j en tais rest e tout b tement a la conscience malheureuse Kierkegaard la contingence la jet e dans le monde Sein und Zeit Si jeune ce garcon la pourtant et d ja familiaris avec tous les modes de connaissance La dialectique l tat pur L essence du dialogue Fid le aux Grecs exprime ta pens e pour mieu
124. premi re partie de notre dissertation l a montr les paratextes entourant l uvre de Susini mettent largement en avant son inscription dans une tradition ancienne Notre lecture all ge le poids de cette tradition lourdement mise en avant afin d insister davantage sur la tension cr e par l amalgame d l ments emprunt s a des sources antiques tragiques et des l ments hautement modernes comme la psychologisation du sujet la fragmentation de la narration ou l inscription de l uvre dans un 316 Conclusion contexte contemporain refl tant son temps Simultan ment force est de constater que l ambivalence qui d chire Chim ne ne s est pas effac e au fil de l histoire et que les mani res de r soudre les dilemmes demeurent analogues dans le cas de Chim ne le roi a tranch dans le cas des femmes mises en fiction par Susini le r le du roi est assum par les circonstances plus ou moins anonymes qui surviennent en apparence sans cause et dont la causalit n est pas mise en doute par les protagonistes Tous les personnages principaux f minins dans la fiction de Susini sont mis en sc ne un moment pr cis pr c dant un changement dans leur vie Parfois les figures f minines s approchent du changement parfois elles s en loignent par leurs actions Dans tous les cas la tournure que prendra leur vie est incontournable Ce auquel le lecteur prend part est un r cit compos de d viations de r gressions et
125. preuves que traverse l individu le d sarroi le d senchantement la douleur et les craintes La confusion de Sefarad dans Les yeux ferm s est rendue par l insistance sur le vocable fours La vie a autant de tours de d tours et de retours que je n arrive pas ne pas m en tonner YF 76 Alors que le mot fours sert de balise ce sont les pr fixes d et re qui d tournent le sens de l nonc et indiquent le trouble d concertant du personnage principal A cela Susini ajoute une double n gation o les n gations juxtapos es s annulent mais qui contribuent aussi la notion de circularit et de d paysement voqu e par l nonc La faiblesse ressentie par Manuela dans Un pas d homme se calque de son c t sur un fruit elle se sent sans d fense aussi nue qu une orange pel e PH 114 252 7 Ambivalences spatiotemporelles D un c t Susini a donc recours a l anthropomorphisme pour d crire la nature de l autre les caract ristiques et les l ments de la nature se fondent pour pr ter aux motions humaines les attributs des ph nom nes telluriques La fleur par exemple repr sente la beaut naturelle et la force vitalisante du renouveau Anna Maria marchait droite et fi re sans se soucier de personne une fleur qui se dresse sous le soleil Et Angnola pouss e par un d sir plus fort qu elle m me s approcha d elle et marchant ainsi tout pr s d Anna Maria dans le sentier tortu
126. qu te identitaire Ces interrogations demeurent ouvertes sans cl ture et sont recoup es par la n gociation du sujet entre des l ments se situant des plans diff rents quant l individuel et au social le plan de la r alit ph nom nale le plan de la conceptualisation et le plan de l action humaine Selon nous la finalit de l action de l humain dans son effort pour poser et r soudre les questions identitaires conf re a la notion d identit un aspect dynamique un aspect qui n occupe pas n cessairement une place aussi consid rable dans la notion d ambivalence plus tale sans toutefois se r sumer une notion statique De notre point de vue la notion d identit est plus permanente et fondamentale dans le sens o elle englobe l tre d une mani re holistique alors que l ambivalence constitue une composante plus ph m re de la vie de l individu une composante qui peut tre actualis e ou qui peut demeurer latente pendant un laps de temps plus ou moins long La primaut de l tude qui suit sera donc sur l ambivalence non pas consid r e uniquement comme d notant une oscillation entre deux bipolarit s oppos es mais aussi comme un concept g n rant des motivations des r flexions et des sentiments multiples contrast s par des impulsions irr conciliables en apparence sans peut tre l tre et pr sentes simultan ment sans toutefois tre des extr mes Nous tenons galement
127. que par peur De cette peur de cette peur du vide renaissait plus forte encore l angoisse de te perdre d tre s par e de toi YF 22 23 Paradoxalement cette poursuite d une origine n est pas sanctionn e par un assouvissement chez Susini la qu te n inscrit pas individu dans une r alit qui lui octroie un sens plus profond mais au contraire elle veille en Sefarad la crainte de perdre un tre aim La recherche d un commencement mythique s av re ainsi un l ment double tranchant conditionn e culturellement elle m ne l individu vers un ab me et non pas vers une participation satisfaisante la r alit L imitation perd son point de rep re et 384 Le mythe de l ternel retour Paris Gallimard 1969 p 15 260 8 Ambivalences socioculturelles perd de son statut arch typal dans une soci t o d autres valeurs vivent c t c t avec les anciennes Paradoxalement aussi la recherche d un temps mythique rompt le discours de Susini avec celui du mythe malgr ses vis es intentionnelles manifestes car parvenue au bout de la cha ne de ses interrogations la femme se heurte in vitablement la r alit de ses sentiments n gatifs pr sents Le mythe ne la transporte en dehors du temps que momentan ment l inscrivant dans un temps autre que celui recherch avant de la transposer de nouveau dans l imm diatet de ses craintes Les r alit s de l ambivalence sociologique peuvent
128. quelque chose d j d un peu tendu de crisp On souhaite que l exigence de cette romanci re inspir e et authentique ne devienne pas une stylisation po tique 285 Le Parisien Lib r 22 d cembre 1970 264 Le Fonds d archives des ditions du Seuil Paris L IMEC 265 Albert Memmi Qui tes vous Marie Susini art cit 286 L clat sombre de Marie Susini Le Monde le 21 juin 1991 267 La soliste et le maestro L Express le 6 octobre 1979 268 Ibid 7 Jean Blanzani Les romans de la semaine La Fiera de Marie Susini Le Figaro Litt raire 11 d c 1954 107 Premi re partie De la th orie la r alit Si la note critique parue dans La Feuille de l avis voque un style copiant celui de Joyce A Pouplard d crit une femme pond r e dont le style est mesur et ais il se pr lasse au bout de sa plume elle n a plus qu le poser avec pr caution sur la page blanche pr disant un grand avenir Susini Albar s de son c t parle d un style pr cis dur minutieux touffu et pourtant sans clart voquant ainsi le paradoxe entre le style et le s mantisme du r cit A la parution du roman C tait cela notre amour Henri Petit voque le style de Susini dans les termes suivants Elle a le don cin matographique de faire surgir quand il faut le pass dans le pr sent Elle a l habilet si rare de ne jamais intervenir comme auteur T
129. quence la binarisation du ternaire constituent la condition m me de l inceste qui a lieu finalement 6 3 M res incestueuses Dans les tudes pr c dentes sur les m res pr sentes et absentes nous avons d j abord la notion de m re platoniquement incestueuse Corvara dort avec son fils la m re de Nunzia forme une unit indestructible avec son fils mort l absence de la m re d Anna Livia rend possible l inceste v ritable entre elle et son p re Dans ce qui suit nous allons nous pencher plus en d tail sur cette m re platoniquement incestueuse dont les traits sont esquiss s plus nettement dans Le premier regard et La fiera 6 3 1 De la m re amante la m re platoniquement incestueuse Concernant l ambivalence maternelle Freud a manifest quelques r ticences l inclure dans le champ des conflits et des d ceptions qui caract risent selon lui toute relation amoureuse Pour Freud presque toutes les relations 222 6 Une maternit d faillante humaines contiennent des sentiments d aversion et dhostilit l exception de la relation de la m re a son fils A propos de cette relation il a constat qu elle est la plus parfaite la plus loign e d ambivalence de toutes les relations humaines Au cours d un r cit il peut se produire un basculement de la position de la m re C est ce qui arrive dans le roman Le premier regard Au d but de l histoire la m re peut tre cat goris e comm
130. qui juge et raisonne C est pourquoi il est impossible que l ambivalence s installe ainsi en pleine lumi re dans la conscience elle ny parviendra que rationalis e justifi e ayant perdu sa v ritable identit Chez le normal l ambivalence est forc ment plus ou moins inconsciente il serait plus exact de dire qu elle est toujours quelque degr incompatible avec les exigences de la pens e consciente C est cette unit des contradictoires inadmissible pour la logique et parfois la morale en tout cas pour le Moi qui constitue l ambivalence Nous pouvons bien h siter entre le oui et le non l amour et la haine admettre leur conflit mais nous ne pouvons pas penser qu ils ne font qu un Or c est l ambivalence C est pourquoi les observateurs qui ont d crit des sentiments ambivalents ont souvent m connu cette inavouable dualit ou lont rationalis e transpos e intellectualis e de telle sorte que ambivalence elle m me est absente ou se devine peine dans leurs analyses Au terme de son examen de la notion d ambivalence Favez Boutonier retient la d finition suivante du concept Sous ses diverses formes l ambivalence est donc la double valeur simultan e positive et n gative d une m me tendance qui se pr sente la conscience ou se manifeste dans la conduite sous l aspect de deux composantes oppos es La th orie de Favez Boutonier a le grand m rite d avoir synth tis
131. qui vous fixe de son ceil Elle s vanouissait revenait et disparaissait aussit t ne livrant jamais son myst re PS 55 S amalgament dans ce passage trois dimensions diff rentes de sensations et de perceptions l espoir du personnage principal de revoir une femme atteinte de phtisie venue se faire soigner au couvent ce qui repr sente le plan affectif l objet que constitue le livre dans ses mains relevant de l ordre du concret d o la projection de la femme surgit d une image a son tour r f rant symbolique du r el 247 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture 7 2 3 L ambivalence spatiale comme impulsion au d racinement L ambivalence identitaire de la femme en relation avec l espace se synth tise dans son rapport avec le foyer La maison qui recule mesure qu elle s en approche la submerge d s qu elle veut s en loigner AL 81 Le foyer avec le bonheur et la s curit qu elle repr sente est inaccessible la femme La distance par rapport au foyer est toujours oppos e celle souhait e travers les besoins de la femme Loin tr s loin et pourtant encore la devant elle la maison et avec elle tout revient jusqu l odeur m me de son enfance AL 82 Cette image rejoint celle de la vaine qu te mythique de l origine jamais hors de port e de la figure f minine Elle participe ainsi la construction d une figure f minine qui inlassab
132. racinable le miracle qui viendrait changer le cours des v nements ne se produira pas Au terme de l histoire le regard et la voix de Serge sont empreints de haine PH 140 alors que les gestes de Manuela impatiente d en finir le pousse vers la porte dans un dernier mouvement fait de rage et de d sespoir d impuissance et de force de fermet et de lassitude PH 149 150 Sa placidit fait place une imp tuosit qui lui est fonci rement trang re dans ses actes alors que l ambivalence de ses sentiments pour Serge restera inalt r e jusqu la fin du r cit ses derniers lans vers lui sont teint s tout la fois d une esp rance fragile de poursuivre leur histoire et de la certitude d sol e que la fatalit a in vitablement eu le dernier mot 171 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Un pas d homme semble tre un de ces crits qui selon Julia Kristeva peuvent de par la description des maux d amour tre class s parmi les esth tiques limites Susini voque le paradoxal dans la mise en vidence des tats douloureux au d triment d une analyse de lid alisation de l objet aim Il s agit d apr s Kristeva moins d un refus de se pencher sur la capture amoureuse par tradition davantage mise en sc ne dans la fiction que du fait que l exp rience amoureuse repose sur le narcissisme et son aura de vide de semblant et dimpossible qui sous tendent toute id alisation
133. regard sur lui et dans le croisement de leurs regards se lit la perte du regard innocent de l enfance Sur ce roman Susini crit la maison d dition Il n y a pas d histoire dans ce r cit Je m excuse et compte sur votre indulgence en vous disant ma sinc re reconnaissance La maison d dition accompagne la publication du livre par les communiqu s suivants Dans le train qui le ram ne son village l enfant rencontre une petite fille La m re l arriv e devra l arracher un merveillement celui du premier regard qui n est pas d innocence Un autre communiqu joue sur l ambigu t de la fin la m re faisant allusion son couple l enfant faisant allusion son enfance innocente Mais il est arriv Sourd aux appels d chirants de sa m re il est jet sur le quai par sa petite compagne Sa m re peut lui dire que maintenant tout est fini Il le sait bien L ann e 1960 est marquante pour Susini tant donn qu Albert Camus qui l a soutenue tout au long de sa carri re d c de Susini rend hommage la personne lami et crivain Camus dans les termes suivants Camus avait ce don rare il tait si proche de vous que chacun pouvait penser ou pouvait croire quil tait son meilleur ami Je l ai connu en 45 qu en 45 jusqu sa mort Camus tait la pr sence le rayonnement Chez un crivain c est le dedans ou qui nous int resse ou qui nous meut ce ne son
134. s de Mathieu Fabia d sire retrouver la s r nit de son foyer Or l l ment de fuite est encore une fois pr sent dans la dynamique du couple de Fabia et Fran ois lorsque Fabia arrive a son tage et aper oit Francois dans l embrasure de la porte de leur appartement l envie de reprendre l ascenseur et de fuir s empare d elle mais elle y renonce se rendant compte qu il est trop tard pour se soustraire ses devoirs conjugaux Le sentiment d erreur est pourtant tellement obs dant que la pens e du mari et de l appartement provoquent chez Fabia une impression de d liaison avec son entourage 189 Deuxi me partie L ambivalence de la femme D un pas mal assur Fabia glisse un peu de la pointe du pied comme avant de se poser tout a fait l g rement comme s assurant de la pr sence d une marche Elle regarde tout avec un tonnement profond d sarm e comme h b t e et si calme cependant absente Elle regarde et s tonne non ce n est pas chez elle ici NA 180 C est toutefois pour ce mariage qu opte Fabia une relation connue vid e de toute aventure de toute nouveaut un cadre de vie qui dans sa monotonie sans r sistance lui octroie le sentiment de s curit que les relations de ses ann es de jeunesse n ont pas t m me de lui procurer C est donc sur une note de non appartenance au milieu environnant que s ach ve le roman C tait cela notre amour Par l m me Susini suspend au
135. s du monde PS 18 Par une m taphore fil e autour du terme calvaire pris d un c t dans le sens d preuve douloureuse de l autre dans son sens religieux signifiant la passion du Christ Susini cerne la sp cificit des constantes de l univers de Vanina Dans un autre sens la communion autarcique de Vanina avec la nature rapport synonyme d innocence symbolise son vidente impr paration la d couverte d un monde sexu Selon Heinich l entr e dans le monde de la fille enfant se fait par le basculement dans le monde sexu de la femme La jeune fille est arrach e l tat d innocence pour se voir transport e dans le monde sexu monde encore virtuel mais pr sent travers le regard masculin Ce basculement s op re par une transformation d une mani re ou d une autre troublante qui incite la jeune fille a s interroger sur son identit et sa propre continuit le passage d un statut a l autre cr ant ainsi une b ance identitaire Par le biais d un trouble 281 Nathalie Heinich tats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale op cit p 23 sq 121 Deuxi me partie L ambivalence de la femme identitaire plus ou moins reconnu et endoss la fille enfant prend conscience de l cart entre le soi d avant innocent et le soi signalant le d doublement d un soi indiff rent soi et le soi conscient de sa sexualit Si pour Heinich le moment par excel
136. sa fille voire a admettre elle m me et admettre Nunzia qu elle ne l aime pas ce qui plongerait celle ci dans un tat d plorable Ou bien faudrait il respecter le silence et demeurer dans le doute et l incompr hension enfouissant ce qui doit demeurer occult Lequel est pr f rable La r ponse de Susini penche du c t de la consolidation de la permanence des structures contraignantes la question de Nunzia ne sera jamais pos e On n a pas revendiquer sa part et un jour le souffle vient manquer on ne peut plus rien demander jamais le doute le vide On recommence sa journ e F 154 Par cons quent Nunzia s inclinera devant la sup riorit que repr sente sa m re se r signera devant son autorit et sacrifiera ses aspirations une identit holistique sur l autel du reniement du soi et de l humiliation de l inf rieure Dans ce sous chapitre nous tenterons de r pondre la question de savoir de quelles mani res sont articul es les ambivalences pr sentes dans la vie des femmes adultes d crites dans l uvre de Susini Les romans tudi s seront Un pas d homme 1957 Les yeux ferm s 1964 et C tait cela notre amour 1970 L arriere plan soci tal sur lequel est bross e l image de ces femmes est constitu par la soci t corse et fran aise du vingti me si cle Le vingti me si cle est consid r par certains comme celui de l mancipation de la moiti de l h
137. sente un havre de paix En outre le theme de la fuite est doublement pr sent car a la fuite de Fabia s ajoute une autre fuite l errance de l aim Mathieu dont elle pousera le rythme de plus en plus hallucinant Comme dans le Cantique des cantiques la pr sence de l aim est fuyante et amante pouse le rythme de l errance et la fugue perp tuelle de aim il fallait tout voir le plus de choses possibles Toujours tout voir Ensemble toi et moi dans les rues aussi bien la nuit que le jour rencontrer l lite les gens les plus singuliers les plus intelligents les plus artistes vivre ce qui s appelle vivre on courait perdre haleine on sortait d une bo te de nuit vite un taxi et on allait finir la nuit dans une autre cave d couvrir tout la fois aussi bien l action painting Pr vert l humour noir et le swing que l existentialisme et Faulkner Varese le jazz et le cin ma am ricain NA 155 La soif de vivre de Mathieu englobe aussi bien les d placements g ographiques que la connaissance g n rale de ph nomenes culturels de tous bords Elle consiste notamment en une course incessante contre le temps non pas dans un effort explicite de lutter contre le vieillissement que de transcender l existence la traverser inaffect par les ravages du temps en aspirant le plus possible a un au dela temporel auquel Fabia est incapable de s accorder et qui la d valorise jusqu lui donner la sensation
138. sera ax e sur l criture des manifestations de ambivalence dans la fiction de Susini et deuxi mement elle se veut une synth se des th matiques trait es autour de l ambivalence f minine examin es dans cette dissertation Afin de mieux cerner les diff rents d fis que les femmes ont relever et leurs efforts de positionnement face ceux ci nous avons choisi de proc der une typologie des ambivalences rep r es tout en restant consciente qu il existe des embo tements entre ces diff rentes cat gories Une telle typologie a n anmoins l avantage de mieux mettre en valeur les diff rentes manifestations de l ambivalence dans le discours susinien Les dimensions tudi es sont regroup es dans trois sous chapitres dimensions spatiotemporelles dimensions socioculturelles et dimensions identitaires La discussion synth tique s appuiera sur la notion de discours dont nous fournirons pour commencer une d finition op ratoire Nous couplerons la notion de discours avec d une part les th mes tudi s dans la deuxi me partie et de l autre avec des consid rations sur l criture et les proc d s textuels l aide desquels l criture se charge de v hiculer l ambivalence Le souvenir est une cascade de m taphores spatiales pose Kristeva Le rendu de la spatialit pouse effectivement des formes multiples et complexes En parlant de l espace dans la litt rature nous envisageons deux types de spatial
139. soleil La Fiera 34 Thid p 320 33 Deux styles d individuation Acta Fabula Dossier critique Acta par Fabula URL http www fabula org revue document5639 php Ibid Soi m me comme un autre Paris Seuil 1990 280 9 Ambivalences identitaires et Corvara ou la mal diction les personnages malgr leur affrontement a des repr sentations inconnues ne s interrogent pas tant sur leur identit que sur les ph nom nes Les personnages ne semblent pas tre radicalement atteints par les transformations dans leur identit ipse Dans les ouvrages plus tardifs o l arri re plan du r cit se partage entre la ville et la campagne les interrogations identitaires sont nettement plus pr sentes les personnages sont plus incertains plus d sax s En faisant cho l volution de l individu dans son lieu g ographique Susini manifeste sa fid lit au discours identitaire de son temps la collectivisation des personnages est associ e a une identit stable solide alors que la d personnalisation s allie a la d sagr gation des communaut s lib rant un individu contraint de s auto d finir Aujourd hui lorsque les contradictions se d multiplient l individu est en permanence rappel une telle r flexivit vu le nombre et l intensit des probl mes r soudre Cette r flexion a lieu entre autres dans le roman dont l volution concernant la forme tout comme celle relative au contenu suit
140. t certains faits d pendant des propri t s de l objet de l autre des dispositions variables du sujet l gard de l objet La d finition du concept que l on peut retenir chez Bleuler est que ambivalence est le fait que deux tendances oppos es arrivent la fois la conscience sans que clament des psychologues plus tardifs comme Favez Boutonier Bleuler r solve le probleme de savoir s il faut consid rer ces tendances comme la cause des ph nom nes en rapport avec lesquels elles se manifestent ou bien comme une cons quence de celles ci 1 1 2 Freud et la conjonction d affects contraires Bleuler est celui qui introduit la fois le terme et l id e en psychiatrie car aucun de ses pr d cesseurs ne d signe tout fait les m mes faits ni la m me notion que lui Le ph nom ne parcourt toutefois l uvre freudienne d j avant l introduction du terme par Bleuler Freud d veloppe d s 1909 une v ritable clinique de l ambivalence et la mise en pratique de ce concept sera d velopp e tout au long de son uvre Avant m me d avoir recours au terme Freud d signe et d veloppe les particularit s psychologiques obsessionnelles relevant de la notion d ambivalence puis e dans sa r alit clinique dans Remarques sur un cas de n vrose obsessionnelle de 1909 II la d crit cette poque comme une conjonction d affects contraires envers une m me personne 72 Bleuler cit d apr s Favez B
141. taphore est relative au discours proprement parl Elle ne se focalise plus sur le mot et la forme en tant que forme ni en tant que sens nouveau mais sur la r f rence de l nonc m taphorique en tant que pouvoir de red crire la r alit Une des modalit s scripturales qui concourent a la cr ation de l ambivalence spatiale de la femme dans la fiction de Susini est le recours la m taphorisation La m taphorisation de l espace des ph nom nes qui y sont inh rents et les sentiments que ceux ci voquent chez l individu offrent un moyen de distanciation voulue ou forc e par rapport l entourage du personnage d crit Un objet une exp rience un sentiment est comme quelque chose d autre le terme charni re comme permettant de contempler le ph nom ne distance Dans la m taphore le verbe tre devient un verbe d quivalence et non pas de d termination Dans la fiction susinienne les m taphores portant sur les motions sont connotation soit positive soit n gative De fait la joie se mat rialise en quelque chose qui fait penser un liquide envahissant l existence de tous c t s d une mani re incontr lable cette joie qui s tendait partout qui jaillissait de partout et qu elle essayait de retenir dans ses mains F 12 et qui d borde toute tentative de la contenir A une autre occurrence l enivrement d Angnola se transpose dans le descriptif d un ph nom ne naturel l eau m me ta
142. textes les textes seraient en dialogue constant avec les textes qui les ont pr c d s Selon Kristeva le terme d ambivalence est pris dans un mouvement de bascule en ce qui concerne ses rapports avec le texte Le terme implique selon elle que l histoire de la soci t s est ins r e dans le texte et inversement que l insertion du texte dans l histoire s est galement produite Par sa mani re d crire en lisant le corpus litt raire ant rieur ou synchronique l auteur vit dans l histoire et la soci t s inscrit dans le texte affirme t elle L ambivalence dont on doit tenir compte d apr s Kristeva est la pr sence de deux discours dans le langage po tique Un texte tranger entre dans le r seau de l criture Le texte est ainsi un espace o s entrem lent le subjectif et le collectif un espace pris entre une 47 Voir Mikhail Bakhtine Le po tique de Dosto evski Paris Seuil 1970 et Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard 1978 8 Julia Kristeva Sem idtike Paris Seuil 1969 p 88 89 419 Thid p 120 0 Ibid 297 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture tendance embrasser le pass et un lan vers le futur une imbrication du connu et de l inconnu L ambivalence du texte consiste dans la perspective de Kristeva en ceci que le langage po tique po sie prose appara t comme un dialogue entre
143. th orie la r alit simultan de valeurs oppos es inh rent la notion d ambivalence sans sortir des lois de la pens e raisonnable pour comprendre vraiment l ambivalence il faut s engager dans un monde o la logique ne r gne plus constate t elle L aporie de la pens e de Bleuler soutient Favez Boutonier c est que l on ne peut expliquer un ph nom ne difficilement concevable en ayant recours des faits connus et pensables Le fait que l eau se compose d hydrog ne et d oxyg ne ne nous aide v ritablement en rien dans notre compr hension de ce quest l eau car nous ne pouvons pas la sentir a travers ce savoir exemplifie Favez Boutonnier Il faut la sentir pour la comprendre explique t elle De m me nous comprenons bien poursuit elle que l ambivalence soit bipolaire il y a le oui et le non le pour et le contre l amour et la haine mais nous n arrivons pas saisir l essence du concept a travers ces faits Favez Boutonier synth tise les th ories de Bleuler et de Freud en octroyant une d finition ambivalence align e en partie sur la conception freudienne du concept d apr s Favez Boutonier l ambivalence peut tre d finie comme la coexistence chez une personne de deux tendances oppos es en conflit Elle distingue trois formes d ambivalence l ambivalence compl te ambivalence incompl te et l ambivalence latente Seule la premi re forme l ambivalence compl t
144. transitoire au moment o les repr sentations de la personne se modifient des moments charni res de l histoire ceci abolissant du m me coup les repr sentations pr alables Quelquefois encore ses ouvrages semblent les superposer ou les juxtaposer selon les cas Son uvre int gre galement de fa on complexe une structure monnay e sur le th tre antique avec son respect pour les trois unit s de temps de lieu et d action et une approche plus moderne et m taphysique du rapport entre la narration et le sujet narr OU prend donc naissance une uvre aussi fortement marqu e par la structure essentielle pour les uvres classiques et par l int riorit psychologique invention fictionnelle plus moderne 2 1 1 Parcours de Marie Susini Marie Susini na t le 25 d cembre 1916 Rennu en Corse Rennu est un petit village pr s de Sagone non loin d Ajaccio sur la c te occidentale de l le Son p re Antoine Fran ois Susini n en 1889 Rennu est propri taire terrien dans le village et ing nieur agricole de formation Il occupe un poste d enseignant au lyc e d Ajaccio alors que la m re Rose Rocca Susini n e en 1885 galement Rennu femme tr s retir e affectueuse et pr occup e par 04 ducation des enfants s occupe du foyer et des trois enfants Pierre 1 Informations fournies par courrier lectronique par Sonia Dollinger directrice des Archives de Beaune le 25 octobre 2005 10
145. truchement de la succession des v nements qui sont rendus l instar d un dialogue larv Progressivement la voix de la narratrice embrasse le d sarroi des gens et reproduit leur jugement final sur Sylvie Et chacun d aller voir ce qu elle faisait Et chacun de donner son avis Alors le bruit se r pandit vite au village que cette pinzutta vrai dire valait moins qu on ne lavait pens que c tait une paresseuse et qu il fallait n avoir aucune dignit pour rester ainsi des heures enti res dans un jardin r ver quand on a un mari et une maison Et tous de comprendre enfin pourquoi elle avait pu s prendre de Matteo et le suivre jusqu ici En effet quel homme sinon Matteo aurait pu ainsi tol rer que sa femme passat des journ es ne rien faire F 98 Ce mode d criture glissant d une valuation positive vers un jugement de plus en plus d favorable l gard de Sylvie conf re l volution des opinions repr sent es une note ironique sur la petitesse et l hypocrisie du caract re humain qu elle fait d couvrir au lecteur progressivement Les passages placent la langue de Susini dans la tradition d une oralisation du discours litt raire Or la fin du passage cette oralit se confond de nouveau avec la litt ralit par le recours l imparfait du subjonctif passat forme inusit e dans la langue parl e L alternance entre oralit et litt ralit cr e un jeu d assimilation et de dista
146. un r le non plus minimis par une soci t patriarcale mais ambivalente parce qu incapable de se fixer une direction dans la vie n tant plus valoris e comme objet du march matrimonial ni ouvertement objet du d sir masculin Sujet et objet de sa propre lanc e en avant la femme sortie des mod les conventionnels du jeu du simulacre et de l artificialit de la mim sis culturelle est lib r e de la soumission mais rendue a la passivit qui tout autant v hicule une conception patriarcale de la femme Si Vanina et les autres jeunes femmes corses manifestent un tantinet d espoir de vouloir changer l ordre des choses par une action m me minime Manuela Fabia et Sefarad semblent avoir baiss completement les bras quant a faire infl chir l incidence du destin sur leur vie et leur possibilit de trouver le bonheur A travers une mise en sc ne de la subjectivit f minine fragilis e et fragmentaris e Susini met en avant une image de la femme aussi r ifi e que celles pr sentes dans la trilogie corse Dans cette perspective l uvre de Susini ne met en vidence qu une gradation de la victimisation de la femme et l on peut se demander quelle repr sentation de la femme affecte le plus le lecteur celle de la femme soumise d une soci t traditionnellement patriarcale ou celle d une femme victime d un double discours vivant dans une soci t en apparence galitaire mais qui se rend coupable d une d valorisation de
147. unes on s aper oit que l uvre de Susini n est pas voqu e aux c t s de la production de ceux dont elle a t la contemporaine parfois amie comme Bachelard Michaux Guilloux Char ou Camus ni c t des crivains comme Duras Sarraute ou Yourcenar dont l uvre a t amplement tudi e sous de multiples perspectives La prestigieuse anthologie Le XXe si cle des femmes note toutefois la publication en 1953 de Plein soleil premier livre de la grande romanci re corse En revanche Susini est mentionn e dans des dictionnaires focalisant uniquement sur des 8 Les chemins de Marie Susini Le Nouvel Observateur no 1503 1993 p 30 Entretien avec Marie Susini cole des lettres IL art cit p 35 37 10 Henri Lemaitre et al Paris Bordas Laffont 1972 Bruno Vercier amp Jacques Lecarme Paris Bordas 1982 Elle ne figure pas non plus dans l anthologie survolant la litt rature avant 1968 parue chez les m mes diteurs 2 Sous la direction de B atrice Didier Paris P U F 1994 5 Paris Nathan 1992 Anthologie publi e par L Agence de Coop ration Culturelle et Technique Florence Montreynaud d Paris Nathan 1989 p 408 21 Introduction critures f minines comme c est le cas dans le Dictionnaire litt raire des femmes de langue fran aise De Marie de France Marie NDiaye L information trouv e sur Susini peut tre caract ris e soit comme inexistante c
148. ur l aise F 80 se d couvre autre grace aux nouvelles motions qui l envahissent l amour la met en accord avec tout F 80 Or la m re la surveillant constamment entrave son panouissement elle aspire sa jeunesse comme une ponge F 81 en tenant s infiltrer jusque dans les r ves de sa fille F 106 Pour la m re la force de l amour est une force subversive n gative tandis que l appr hension d Angnola de l amour est second e par la transformation positive que non seulement elle ressent mais qu elle constate chez Anna Maria sa danse gracieuse le rayonnement de son visage qui fait en sorte que le guitariste semble composer un po me d amour pour elle seule La force cathartique de amour rend Anna Maria secr te et souveraine F 129 attirant dans son bonheur tous les regards sur elle En v rit Angnola ne conna t pas le caract re de Giase l objet de ses sentiments Ils se sont crois s une fois au puits du village o il a bri vement enlev une m che de devant les yeux d Angnola tout en pronon ant son pr nom Angnola est donc davantage amoureuse de quelques propri t s de sa relation imagin e avec Gias pour s r une certaine affinit d humeurs une compr hension mutuelle des ph nom nes du monde et une anticipation de sa mani re de s offrir lui Quant l closion amoureuse d Angnola le livre se termine sur une d sillusion car les sentiments du jeune homm
149. urs de la soci t ambiante prise aussi bien dans un sens local que global Nous naviguons tous dans un monde peupl de femmes et dhommes repr sentant des attitudes des croyances et des valeurs humaines h t rog nes auxquelles nous nous heurtons de temps autre et en face desquelles nous sommes incit s nous positionner Dans ce sens les questionnements soulev s par l uvre de Susini sont ternellement actuels et nous concernent tous D apr s la r flexion d Aristote la litt rature est un discours non r f rentiel parlant de son propre monde qu elle labore la litt rature est sa propre r f rence un nonc fictionnel pouvant faire appara tre des ressemblances avec le monde mais n tant jamais le monde Il semble manifeste que l uvre de Susini s alimente de cette intrication entre biographie et roman qui signale les grandes figures de femmes crivains Notre travail est sous tendu par l id e pr suppos e que certains aspects de l uvre de Susini sont ostensiblement investis de ses propres sentiments notamment celui de l ambivalence La vie de Susini t moigne de cette m me contradiction et de cette m me quivoque imputables l ambivalence captive de ses origines m diterran ennes Paris lieu choisi pour son exil volontaire ne semble pas la lib rer de ses sentiments ambivalents envers la Corse tout au contraire la distance lui a permis de s y adonner avec une certaine d lect
150. usage de se d shabiller pudiquement dans la p nombre du dortoir de fa on d cente c est dire en nous d faisant de nos v tements sous nos amples chemises de nuit blanches PS p 27 mais surtout sur le fond de la pudicit absolue dans laquelle elle a t lev e Je n avais jamais vu les bras nus de ma m re PS 89 L ampleur du paradoxe est consid rable entre un univers sans connotation sexuelle entre parents ou adultes en g n ral un univers frapp de pudibonderie totale et l univers clos du couvent baign en apparence de s r nit et de foi mais qui introduit la fille a la sexualit non seulement des femmes mais tout particuli rement celle des religieuses Du coup 123 Deuxi me partie L ambivalence de la femme s efface l aspect vang lique des s urs ceci les alignant sur la normalit des tres cartel s par des besoins humains divers Vanina doit ainsi faire face au dilemme d tre confront e dans une communaut religieuse normalement cens e tre l abri de la tentation rotique un aspect tabou de la soci t ambiante et de ce fait encore plus interdit dans lunivers clo tr d un lieu monastique N tait ce pas entre autres le maintien de la fillette dans l innocence que cherchaient a garantir les parents de la jeune fille en Pamenant au couvent Ainsi Susini montre sur un ton d sol et en m me temps quelque peu ironique l in vitabilit de la fin de l enfan
151. use drugs and are financially independent In their freedom these women reject maternity In all of Susini s novels the female figures independent of their age face upheaval and affliction Their emotions are often rendered through metaphors that emphasize nature The metaphors include colours and scents which are often very beautiful and against which the dreams of the protagonists are crushed and which take away a certain depth from the female figure and displace the main focus from the painful events depicted to the aesthetic expression through which they are conveyed The internal structure of the texts reflects the split that tears the women the time perspective is fragmentary and non chronological and the narrative voices alternate between the first and third person a narrative device which permits the reader both to identify with and to dissociate from that which is being narrated However metatextual references signal to the reader that Susini derives her inspiration from her own life 331 Svensk sammanfattning Avhandlingens syfte ar att analysera den franska forfattaren Marie Susinis 1916 1993 verk Dess centrala argument r att Susini som grundlaggande ontologisk position for sina kvinnobeskrivningar valjer ett transitionellt metafysiskt tillstand och att kvinnofigurernas sjalvforverkligande och identitskonstruktion f rverkligas genom att de konstruerar sin sj lvbild via ett utanforskap som forskjuter dem mot ett an
152. vivants sont parfois comme gagn s par l absence C est dans de tels d dales mortuaires que Susini place l veil tatonnant de Vanina le passage d une enfant innocente la premi re prise de conscience d une adolescente de ce qui pourrait tre nomm les r alit s de la vie Dans Plein Soleil Susini parvient peindre le d veloppement intellectuel et affectif de Vanina enferm e au couvent en ayant recours cette ironie typiquement sienne o se produit un renversement des l ments contraires voire le d clenchement d un encha nement paradoxal la libert quivaut a une certaine na vet bienheureuse la claustration louverture vers la diversit du monde et l ignorance bascule finalement dans un savoir plus approfondi 127 Deuxi me partie L ambivalence de la femme 4 2 L adolescence comme espace transitionnel Le r cit de Vanina s arr te ainsi l or e de l adolescence la p riode de maturation entre l enfance et la vie adulte A l encontre du d veloppement de la petite enfant les d fis manifest s le long de l volution de l adolescente sont plus importants tant donn les enjeux du processus de socialisation de la jeune fille pour toute la soci t En outre un aspect temporel s ajoute aux consid rations sociales car une adolescente est d ja au seuil du monde adulte alors que l enfance se trouve plus loign e de la vie o le code social doit tre int gr De ce fait les invocati
153. vois ma terreur YF 172 dit Sefarad nJous ne faisons plus qu un un seul regard fig YF 172 synth tise t elle pour voquer leur effroi Ce regard ne sera qu un pr lude a ce qui s ach vera aussit t treinte incestueuse o la s ur entend le c ur de son fr re battre en elle Or l acte incestueux ne sinscrira que comme une b ance dans un regard ininterrompu 194 5 Femmes en rupture de couple interminable car en se r veillant tous les deux seront nouveau immerg s dans le m me regard d tonnement puis de peur YF 172 L troitesse du regard entre fr re et s ur sera le param tre qui d finira la direction que prendra l existence de Sefarad a partir du moment o Donata la bonne de la famille d couvre Sefarad et Sab serr s l un contre l autre d couverte suite a laquelle le fr re sera envoy loin de la famille Ce regard affectueux mutuel entre fr re et s ur constituera pour Sefarad ce a quoi se mesurera son bonheur futur l inceste ayant t pour elle non pas une faute mais une joie nouvelle YF 173 Toutes les relations amoureuses de Sefarad se projetteront voire se compareront ce qu elle a partag avec son fr re dans leur enfance Ne trouvant aucun rapport galant celui qu elle a v cu avec Sab sa vie sera vou e une suite de ruptures et de d parts la recherche d un bonheur introuvable alors qu elle doit en m me temps faire face au fait que son f
154. volont d affirmer son individualit Plus tard Robert K Merton 1910 2003 a introduit notamment travers son tude sur l ambivalence structurale la notion d ambivalence dans la sociologie moderne Selon certains ambivalence sociologique est v ritablement le fil rouge qui relie ses ouvrages produits entre 1936 et 1975 L ouvrage Sociological Ambivalence and Other Essays de Merton est enti rement consacr l introduction de la notion d ambivalence sociale aux c t s de l ambivalence psychologique Merton justifie invention du terme par le fait que m me si l ambivalence sociologique a t pr sente dans les recherches psychologiques men es par des psychologues et psychoth rapeutes comme Bleuler et Freud le social y est demeur la p riph rie des consid rations consid r comme le r sultat de faits historiques alors que les constellations sociales entre les individus dans l mergence de l ambivalence individuelle m ritent bien d tre pos es sur le devant de la sc ne Pour Merton les explications psychologiques ne suffisent pas pour clairer d une mani re exhaustive les conflits int rieurs et les exp riences d ambivalence d un individu Les relations sociales affirme t il doivent n cessairement tre int gr es dans l analyse afin de comprendre le m canisme de l mergence et du fonctionnement de l ambivalence L ambivalence sociologique vise entre autres la fa on dont l ambiva
155. 005 p 70 54 1 L ambivalence en th orie et en pratique dispara tre afin que les identit s ou les espaces se s parent puis se lient les uns aux autres L ambivalence souligne Athanassiou Popesco ne fixe pas la reconnaissance d un lien entre les l ments cliv s mais fait passer par un mouvement de bascule d un p le l autre sans que le sujet se sente oblig d effectuer un lien entre lesdits l ments En g n ral nous pouvons constater qu en psychologie et en psychiatrie le terme d ambivalence est souvent d fini d une mani re serr e alors que des tudes plus r centes permettent de nuancer davantage ces premi res d finitions Ainsi les pr cisions apport es par Cacioppo et Berntson qui apportent une gradation la notion d ambivalence Selon Cacioppo et Berntson les individus peuvent manifester une valuation tr s positive et peu valuation n gative envers un objet ou bien tr s peu d valuation positive et n gative envers un objet ou encore une valuation tr s n gative et tr s positive envers un m me objet Ce dernier tat est leur d finition de l ambivalence Dans cette acception de l ambivalence l tat ambivalent se r sumerait une certaine densit ou un certain degr qui se subsumerait par une diminution de l intensit dans l un ou l autre terme pr sent dans l opposition conflictuelle g n rant de l ambivalence En guise de conclusion sur la d finit
156. 1 1991 p 25 222 No 3 1992 p 137 223 I Echange novembre 2002 p 75 81 97 Premi re partie De la th orie la r alit consacr e Marie Susini De plus hormis les travaux mentionn s ici les comptes rendus qui font tat de la publication de ces ouvrages et les 7 2 2 7 quelques entretiens accord s par l auteur il n est pas ais de se procurer des documents m tatextuels sur cette uvre relativement peu tudi e Les critiques n ont de cesse d voquer les origines corses de Susini Avant de nous plonger dans l tude de la fictionnalisation de l ambivalence dans l uvre de Susini il semble donc n cessaire de se tourner au pr alable vers le champ litt raire sur le fond duquel son uvre se d tache et de mettre en lumi re quelques exp riences litt raires qui ont contribu la fa onner Tout sch me d action est reli des schemes de perception et des syst mes de valeurs clame Jean Claude Kaufmann Effectivement l histoire de Vhumanit l encontre du caract re singuli rement priv de la lecture est essentiellement une histoire collective avant de devenir celle d un individu mise en texte Un syst me imaginaire socioculturel se d tache toujours sur un ensemble plus vaste et contient des ensembles plus restreints Et ceci linfini affirme Gilbert Durand En cons quence avant de nous interroger sur les ouvrages de notre auteur il
157. 273 Michel Cournot art cit 274 Ibid 108 3 Arri re fond et r ception pr tendent certains critiques sous cat gorie d une litt rature nationale francaise Pour nous ces deux litt ratures se recoupent sans aucune distinction La litt rature ne conna t pas de fronti re mat rielle ni morale Pourquoi d ailleurs mettre si fortement en avant les racines corses de Susini dans les notes critiques alors que les lieux g ographiques dans les romans qui ne se d roulent pas en Corse constituant la majorit de sa production demeurent souvent ind cis et flous et que sa fiction ayant trait a la Corse n est pensons nous ni revendicatrice ni contestataire m me si la question d identit r gionale demeure pr sente et peut tre discut e Nous tenons a souligner que l ensemble de ses ouvrages dessine toutefois la carte d une production stratifi e Corse France pourtour m diterran en m tropoles europ ennes qui met en avant des aires g ographiques vari es fran aises et francophones europ ennes et nord africaines Qui plus est l universalit de la condition humaine et des traits de caract res des individus ne justifie pas de d coupage g ographique ou d insistance sur certains traits ou comportements comme tant minemment typiques de telle aire g ographique Quelque soit le lieu d o provient l nonc la fiction de Susini met en vidence un conflit entre l int rieur et l ext rieur entre un ici
158. 4 Image bross e par Madame Jean Susini l auteur Rennu en ao t 2004 65 Premi re partie De la th orie la r alit 1914 1987 Marie 1916 1993 et Jean 1918 La scolarit des enfants s effectue au village de Rennu Tous les enfants sont baign s dans le travail Si l hiver ils vont l cole les gar ons peuvent profiter librement des grandes vacances d t Marie en revanche est plac e tr s t t en pension Si le village de Rennu avec ses r gles normatives semble touffer la petite Marie elle trouve tout son bonheur Bupia la propri t familiale pr s de 15 semble avoir inspir Marie des souvenirs Sagone Ce lieu modeste aur ol s d un halo enchanteur qu elle fait revivre pour le lecteur dans son premier roman Plein soleil La vie la maison paternelle grande b tisse en pierre au c ur du village de Rennu semble restreinte pour une petite fille A la fin de sa vie Susini entreprend une visite dans l le avec Jean Daniel Il d crira plus tard cette maison familiale ainsi La maison familiale est belle de masse et de lignes mais elle est redoutable aussi On dirait qu elle existe depuis toujours Comme les pics comme les massifs comme le granit et comme les chataigniers C est la maison des racines et de la continuit De la fid lit et de absolu Pas de la vie Marie m a demand si je comprenais Oui je comprenais que ce lieu tait la v rit et que la v rit tait
159. 6 Nous nous pencherons d abord sur une maternit pr sente puis l analyse sera ax e sur une maternit absente pour finalement passer au crible les m res incestueuses avant de relever quelques l ments sur une image de la maternit qui place la m re entre mythe et madone En litt rature l enfance est souvent l poque de la prise de conscience de l arrachement de la perte et du d racinement L enfant laisse de part en part une p riode derri re lui pour affronter muni d un appareil cognitif et verbal de plus en plus labor des valeurs et des attitudes nouvelles D apr s B atrice Didier il est possible de remarquer chez beaucoup de femmes crivains certaines images obs dantes parmi lesquelles figure le retour l enfance Selon Didier les femmes d peignent fr quemment dans leurs crits l image d une enfance heureuse sans entrave ni loi pass e dans 275 B atrice Didier criture femme Paris P U F 1981 p 24 113 Deuxi me partie L ambivalence de la femme un paradis terrestre filtr e travers un voile nostalgique Ou alors elles cherchent remonter toujours plus loin dans leur enfance pour trouver la naissance du monde th me r current galement chez Susini Les femmes semblent retrouver dans l enfance poursuit Didier leur vraie identit comme dans une nostalgie de leur int grit originelle Il s agirait pour elles de renouer avec leur langage celui de leur enfanc
160. 76 Nous tenons par ailleurs signaler que l approche adopt e par Vicki Mistacco dans Les femmes et la tradition litt raire anthologie du Moyen Age a nos jours New Haven Yale University Press 2007 n a pas permis d int grer un grand nombre d crivains car l auteur s est impos une limite de quarante crivains pour huit si cles courrier personnel du 27 juin 2006 16 A titre d exemple on peut citer une entr e de Quid 2001 omettant une partie de sa production tout en qualifiant le recueil englobant deux romans et une pi ce comme du th tre 17 Il s agit de l ouvrage Le roman de la Corse textes r unis par Claude Moliterni s l Omnibus 2004 Les auteurs retenus sont Claude Seignolle Prosper M rim e Alexandre Dumas Lorenzi di Bradi Pierre Benoit Mich le Castelli et Gabriel Xavier Culioli Qu elle ne soit pas repr sent e dans Anthologie de la litt rature corse a une explication plus ais ment compr hensible le propos de l ouvrage est selon Mathieu Ceccaldi de rendre plus connue une litt rature dialectale corse p 17 tous les textes choisis tant de ce fait des textes crits en corse Paris Klincksieck 1973 22 Introduction celle qwa sign e Marie Susini crivent par exemple Laurence Enjolras et Holy Cross Dans l tude qui suit nous focaliserons donc dans l uvre de Susini sur l ambivalence des figures f minines des figures mises en fiction L avantage d un r cit fiction
161. A travers les figures des jeunes femmes dans La Fiera Angnola et Nunzia Susini met en sc ne des adolescentes prises entre ces deux courants d int riorisation et de diff renciation entre autonomie et d pendance en laborant la probl matique de leurs aspirations l autonomie face un ordre traditionnel repr sent par les femmes plus g es les m res et les belles m res Si les jeunes femmes se trouvent cheval entre l ancien ordre des tats de femme et un nouvel ordre de la femme non li e ces derni res prouvent aussi de leur c t un d sarroi identitaire qui devient critique quand elles se trouvent confront es aux sentiments et la conduite des adolescentes et des femmes d une autre g n ration Le champ de bataille de cette autonomie est le corps dont les mouvements sont r gul s par le regard social v hicul par la m re l inhibition de la structuration de l image du corps de la fillette constitue donc une des d terminations socioculturelles les plus importantes prescrivant le devenir femme dans l uvre de Susini Cette non structuration est accompagn e de la perp tration du non dit du mutisme des femmes 4 3 1 Entre d pendance et autonomie En sociologie l id e que l ambivalence est particuli rement forte dans les transitions entre les diff rents statuts d un individu est r currente tant donn que la conformit aux exigences d une des positions que la personne
162. Ambivalentes au plan social car ouvertes aussi bien aux valeurs aux attitudes et aux m urs les entourant qu celles existant ailleurs et import es dans leur contexte social ces jeunes femmes n incarnent pas pensons nous des l ments sociaux provoquant un effritement des normes et des structures sociales mais elles repr sentent plut t des l ments les consolidant En effet l esprit d envergure attire plus de points de vue consolidant de par leur multiplicit la base m me de la soci t le nouveau nalt re pas forc ment ce qui existe d j et le nombre fait la force En g n ral nous pouvons donc constater que les jeunes femmes mises en texte dans la fiction de Susini ne mettent pas ouvertement en doute la norme sociale m me si elles sont simultan ment orient es vers diverses valeurs ou vers des groupes de r f rence vari s Elles ne sont pas subversives par le pouvoir de leur verbe mais ces figures f minines puisent leur force dans et par le discours auctorial qui prend forme et sens a partir de la mani re dont leur conscience est fa onn e 8 1 3 Attentes sociales sur les femmes en couple Les attentes normatives sur les femmes sont mises en valeur de mani res vari es Les attentes peuvent tre explicites se manifester par exemple en tant que propos adress s directement a la femme ou implicites lorsqu elles sont v hicul es par une conduite que la femme percoit du mari des membres de la communaut En
163. Comte Sponville L amour la solitude op cit p 34 158 5 Femmes en rupture de couple point de vue social des t ches m nag res mais plut t sous le poids de lhistoricit d une certaine image de femme auto impos e Et a l instar de beaucoup de femmes de la vie r elle les femmes vivant en couple dans la fiction susinienne sont confront es a la rupture 5 1 1 Positionnements vacillants Le roman de rupture par excellence dans la production de Susini est Un pas d homme qui met en sc ne les derniers moments d agonie du couple de Manuela et Serge Un extrait du roman a t publi sous l intitul Solitude de Rome dans la revue Preuves en mai 1957 Susini ne se m nage pas en puisant dans l exp rience de sa propre s paration d avec Jean Daniel survenue dans la m me ann e que la parution du livre 1957 pour nourrir le sous texte du roman La structure de la narration dans le roman s appuie sur les trois param tres de la trag die classique c est dire l unit de temps de lieu et d action L histoire s coule en une heure environ les protagonistes ne quittent pas le salon de leur appartement et la seule action qui mobilise les nergies est la rupture qui est en train de se r aliser L histoire est v hicul e par un narrateur omniscient a la troisi me personne Rien n est dit sur le narrateur qui n intervient pas directement pour d signer les personnages mais laisse plut t
164. Elle invoque son insouciance enfantine et le chagrin des fr res et s urs lors de son d part pr cipit Elle voque aussi le choc de la m re plus grand que le sien finalement de voir arriver le jour o la fille a n e devait partir et aussi l arriv e brutale de argent dans sa maison Al 76 Dans la m moire de la m re il semble y avoir une certaine confusion quant a son ge ou bien il s agit dune appr ciation de sa maturit En voquant le moment de son d part la mere d Anna Livia se reporte a l enfance Je jouais dans la rue avec les autres enfants quand il s est arr t devant moi AL 67 raconte t elle D autre part elle voque le fait qu elle avait le m me age qu Anna Livia c est dire 15 16 ans au moment de lier son destin celui du p re Son regard s attarde sur la campagne perdu de nouveau elle est maintenant dans un autre temps son sourire s adresse elle m me a l clat de ses seize ans Parce qu elle a eu seize ans une fois c tait au temps de sa jeunesse et a fait partie de son histoire de l histoire qu elle veut raconter AL 68 Tout au long du r cit racont par la m re Anna Livia manifeste son malaise l entendre elle se blottit au fond du fauteuil pour enfin s effondrer tout en se rendant compte que la m re n est pas venue pour s enqu rir du bien tre 221 Deuxi me partie L ambivalence de la femme de la fille mais pour lui imposer son histoire A
165. Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard 1975 BARTHES Roland Le bruissement de la langue Paris Seuil 1984 BARTHES Roland Sur Racine 1963 in uvres compl tes Paris Seuil 1993 BESSIERE Jean Principes de la th orie litt raire Paris P U F 2005 BOURDIEU Pierre Ce que parler veut dire L conomie des changes linguistiques Paris Fayard 1982 BOURDIEU Pierre Les r gles de l art Gen se et structure du champ litt raire Paris Seuil 1992 BOURDIEU Pierre La domination masculine Paris Seuil 1998 BOUSTANI Carmen Jouve Edmond ds Des femmes et de l criture Le bassin m diterran en Paris Karthala 2006 Bukka White Poor Boy Long Way From Home en ligne Disponible sur lt http www metrolyrics com poor boy long way from home lyrics bukka white html gt consult le 15 novembre 2010 CAISSON Max Les morts et les limites Pieve et paesi Communaut s rurales corses Paris Centre National de la recherche Scientifique p 159 166 CARUTH Cathy d Trauma Explorations in Memory Baltimore London The John Hopkins University Press 1995 CASTA Francois Joseph La religion populaire A la recherche de ses formes d expressions Pieve et paesi Communaut s rurales corses Paris 1978 p 171 178 CASTELLI Michele Marie di Lola Une enfance corse en 1900 Ajaccio Albiana 1982 2000 CASTELLI Mich le Marie du Lola Tome I Rue Chateau Payan Ajaccio Albiana
166. Le d laissement de l individu est un theme qui s affiche de roman en roman Le passage dans Un pas d homme o la narratrice invoque la solitude du ciel rejoignant la solitude de la terre et jet e la oubli e des hommes et de Dieu a jamais solitaire sur cette plage d nud e a jamais perdue PH 128 peut se lire comme une condensation de la fin du roman La Fiera mettant en lumi re la d solation totale de Barbara de la narratrice et en fin de compte de celle qui habite la vision de l auteur Dans une des derni res phrases du roman Un pas d homme Dans le d chirement de ce qui avait t pour la premiere fois PH 149 nous lisons ce qui sera la premi re r flexion de l essai La renferm e la Corse Il 302 9 Ambivalences identitaires y a l bas des matins qui sont comme le premier matin du monde RC 25 Un pas d homme se clot sur la r action de Manuela Elle est la la bouche ouverte avec ces cris en elle qui ne sortent pas PH 143 sc ne finale boursoufl e dans le roman suivant pour d crire les retrouvailles entre m re et fils PR 155 156 retra ant la joie et le regret simultan s des deux protagonistes La reprise et la reconfiguration des noms des lieux des situations des motifs et des nonc s dans des contextes toujours nouveaux deviennent un jeu o l h t rog ne et Phomogene se croisent et se recoupent dans un d placement incessant de sens En lisant
167. Mais une suite de souvenirs o s emm lent la na vet et le charme de l enfance la br lure du soleil corse la passion ardente silencieuse farouche d ames qui ressentent presque naturellement jusque dans leur superstition un peu primitive le myst re de l au del Le style sobre et direct de Marie Susini semble entourer ses souvenirs et donc de son le natale d une sorte de halo sacr Le roman La Fiera est consid r par certains comme le meilleur livre de Susini Albert B guin observe dans L Esprit La Fiera je n h site pas le dire est un chef d uvre qui d passe toutes nos esp rances La Susini qui guette sa proie Nous n entamerons pas ici la discussion pour lucider dans quelle mesure ce th me est sp cifiquement li une ventuelle imaginaire corse 239 Nous ne citons qu titre d exemple ces quelques femmes crivains parmi tant d autres qui aujourd hui crivent dans et sur l le des femmes partageant en quelque sorte un m me fonds culturel et une m me volont de nuancer l image de la femme corse dans la litt rature d expression fran aise d aujourd hui et que ceci tant le cas certains de leurs textes se rapprochent de ceux de l objet de notre tude Marie Ferranti place l intrigue de quatre de ces romans en Corse Il s agit des romans Les femmes de San Stefano 1995 La fuite aux Agriates 2000 La chasse de nuit 2004 et La Cadillac des Montadori 2008
168. Nunzia La phrase r it r e par Nunzia va en s amplifiant de par les variations de son occurrence et les d terminations du contexte lenveloppant pour atteindre son anti climax a la fin du roman parall lement la mort de Sylvie Susini construit ainsi deux trajectoires oppos es autour du th me de l esp rance alors que celle de Nunzia gagne en force celle de Sylvie s teint compl tement C est seulement a la fin du r cit que le lecteur se trouve face au constat que l espoir de Nunzia sera enterr avec celui de Sylvie Comme pour Angnola Nunzia sent que la domination et la manipulation de sa m re ne sont pas justifi es Alors que Francesca demeure imp n trable dans les affres de sa douleur Nunzia en voie d autonomisation ne se d cide pas face l intransigeance de sa m re formuler a haute voix la question qui lui br le les l vres et consume ses entrailles petit feu pourquoi la m re lui fait elle traverser ce d sert motionnel question dont la r ponse pourrait l aider entamer une vie r ellement ind pendante Susini ne fournit pas d explication au niveau de la narration Au lecteur de d duire quel est le dilemme de Nunzia poser la question et recevoir une r ponse qui confirmerait ce qu elle sait d j c est 154 5 Femmes en rupture de couple dire la pr f rence de sa m re pour son fr re C est la une question qui forcerait galement la m re articuler ses sentiments envers
169. PROCEDES NARRATIFS CREATEURS DE L AMBIVALENCE IDENTITAIRE 288 9 2 1 La scission de l instance narrative 288 DDD POW PION le GISJOMCIIVE minerai 292 9 2 3 Clivages indicateurs de traumatismes 294 9 3 L AMBIVALENCE COMME TRANSCENDANCE TEXTUELLE nn 297 9 3 1 L intratextualit au service de la d stabilisation du personnage 298 9 3 2 La m tatextualit au service d une criture ambivalente 303 9 3 3 La r f rentialit du texte ou le factuel fictionnalis eeee 309 CONCLUSION L ANTHROPOLOGIE D UNE AMBIVALENCE AU FEMININ ne ee nie 315 E AMBIY AVEN CE DES FEMMES niet 317 La d sillusion des jeunes filles et des jeunes femmes face au processus de SOCIAUSAOME ASS di 317 Les femmes en couple amoureuses de l inaccessibilit de Vautre 320 Une maternit entre moralisme r ducteur et affranchissement d sabus 321 CRIRE L AMBIVALENCE cscsssssscscssscescssscsscscscsccscssscsscssssscsscssscssesvssscscassesseaveceees 324 ENGLISH ABSTRACT A D 329 SVENSKSAMMANEATENING tsnin sn dis 333 BIBLIOGRAPHIE Sen ne a in 337 Afin de faciliter la lecture nous proposons des abr viations Celles ci concernent uniquement les ouvrages de Marie Susini et la pagination des citations qui en sont extraites Les titres des ouvrages seront abr g s et suivis de la page o figure la r f rence comme l exemple PS 15 PS Plein Soleil Seuil 1953 F La Fiera Seuil 1954
170. Serge se livrent a une configuration marqu e d approches et de reculs Oui elle se disait bien que le vide et la solitude taient parfois pr f rables a cette vie avec Serge elle se le disait mais elle sentait aussi qu elle ne pourrait jamais se d tacher de lui li e quelle tait par cette constante recherche de l autre qui semblait ne devoir jamais finir car Serge reculait a mesure quelle aurait voulu se perdre en lui elle savait bien que plus il reculait plus elle se sentait seule et plus elle allait vers lui et que plus elle allait vers lui plus il reculait et plus elle se sentait seule PH 49 La distance entre les protagonistes demeure inconstante mais elle est toutefois toujours pr sente Manuela ne se r signe pas a ce que tout ne soit pas net entre eux Accepter ce que Serge appelait les zones d ombre c tait pour elle se r signer vivre dans un monde tranger Elle pr f rait la souffrance pure et nue au vertige que donne l obscurit du danger PH 106 Cat gorique et intransigeante forte et faible PH 163 Deuxi me partie L ambivalence de la femme 108 Manuela est scind e entre la recherche d un id al absolu et les affres du doute Manuela disait toujours Tout ou rien et pour elle c tait l non pas une formule mais une fa on de vivre Le r sultat avait toujours t piteux c est certain et cependant cette passion tre tout de peur d tre r duite
171. UPLE ccccccccccceccececeeceeeeeeeseeeceessesseees 197 5 3 1 Couple sacrifi sur l autel de Pamour maternel 197 5 3 2 Destin incompr hensible accomplir 200 9 3 9 Parole meuriri ren sains idan nan nine 204 6 UNE MA TERNITE DEPAILLANTE 28 205 Ol MERES PRESEN TES a een ennui na a ON 209 6 1 1 La culpabilit d chirante d une m re 209 64 2 Mere soumise CL CAC CE nation ans 211 62 IVE RES ARSENAL ES cases sci nie nd der REEE 214 C2 A DSeNCe PHYSIO UE oriri a a Ce Me de 215 62 2 AUSCHCE PVEM GUE nement 217 6 2 3 Absence physique et psychique 219 6 53 lt MERESINCESTUEUSES nan a te Re den Rs dise 222 6 3 1 De la m re amante la m re platoniquement incestueuse 222 6 3 2 Omnipr sence maternelle ss 228 6 4 LA MERE COMME MYTHE ET MADONE ccsccsssosesssssssessneesseessessseesasecssoases 231 TROISIEME PARTIE L AMBIVALENCE DE L ECRITURE lL ECRITURE DE L AMBIVALENCE ES mesh 235 7 AMBIVALENCES SPATIOTEMPORELLES sn 237 7 1 UN DISCOURS JAILLI D UN LIEU INDETERMINE ccsescsesssssesessssseeseescesenes 238 7 1 1 Non lieu producteur d utopies Vs 239 7 1 2 L impossible inclusion et la promesse de l ailleurs 241 7 2 L AMBIVALENCE SPATIALE OU L INDETERMINATION D UNE APPARTENANCE PROBLEMA TIO UE Re Se ins nn de en osent E biere 243 Lade PUS 214 A 20 A LA aori t aE EEE NEE ONECA 244 72 2 E ES POCENIE OUN ES ne E AEE 246 7 2 3 Lambivalence spatiale c
172. a m re sa femme son coll gue son ami le fils d une dame de quatre vingt deux ans etc Dans l interpr tation de son r ve Freud met ainsi en tat dans la figure de condensation l ambivalence qui s exprime dans ses relations aussi bien professionnelles qu intimes 249 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture grand nombre de cha nes associatives Sur le plan du langage la m taphore d clencherait des processus analogues au ph nom ne psychique que Freud appelle la condensation o plusieurs cha nes associatives trouvent un mode d expression leur intersection Selon Marthe Robert aucun crivain n chappe a la m taphore mais le style m taphorique doit se justifier et ne le fait qu en remplissant une condition qu il parvienne rendre galement justice aux deux mondes distincts le propre et le figur entre lesquels il entend jeter un pont L on peut dire que la pratique d une criture m taphorique met l accent sur le principe associatif de la langue en affaiblissant le lien entre le signifiant et le signifi Ce d calage accentue l autonomie du signe et soustrait le discours la communication rationnelle L criture m taphorique met l accent sur le c t affectif de la langue la soustrayant de cette fa on aux exigences utilitaires et rationnelles du discours la rangeant du c t po tique Cette image po tique est d finie par Gaston Bachelard da
173. a mort Chez Susini le symbolique de la mort renvoie l tre dans une solitude encore plus compl te et d solante que la solitude prouv e par l individu de son vivant Vanina s chappe de l emprise du p re par le recours indirect un certain savoir Anna Livia n y chappe qu en sacrifiant sa vie dans une tentative pour sauver son p re Quelle est alors l intention de Susini avec ce texte mythique poser que la g n ration suivante ne peut apporter le salut celle de ses g niteurs qu au prix de sa vie Insinuer que si les parents ne parviennent pas a sauver les enfants cela entraine une rupture de la continuit g n alogique Le livre est un r cit fonci rement pessimiste et imbu d une criture mortif re la mort du chien d Anna Livia symbolise la fin du regard admirateur Anna Livia l gard de son p re la disparition de Francesco fils de Madalena et Francesco et le seul ami d Anna Livia la mort de Pamour entre les parents d Anna Livia l extinction de l amour maternel pour la fille et finalement le suicide du p re et d Anna Livia En m me temps l emphase de l criture place la mort de par son vocation incessante et sa mise en m moire dans la post rit dans la continuit de la m moire collective tant au niveau fictionnel qu au niveau de la r alit du lecteur qui ne peut l oublier A quelle instance imputer la vraie version des v nements relat s dans le roman A Francesco qui pense expliquer
174. a r it re infatigablement en monologue int rieur Dites moi m re dites moi Voil ce qu elle dirait sa m re demeurant toutefois mur e dans un 153 Deuxi me partie L ambivalence de la femme silence herm tiquement scell La m re rong e par sa propre douleur demeure insensible et inconsciente des besoins de sa fille Tout en consignant sa fille dans une b ance communicative Francesca ravive dans sa m moire les conversations qu elle a eues avec son fils rendues au niveau textuel par des analepses relativement importantes en nombre et en extension Dans La Fiera la parole est une activit minemment sociale Le livre commence par l vocation du d part de tous les villageois la messe afin de f ter la saint Albino Le d but du livre est un loge une dissonance vocale moul e dans une voix collective unique toutes les voix s en vont F 9 La fin du roman implique l id e de la futilit de la parole Ni les cris ni les pleurs ni la col re rien ni moins que rien ne peut changer quelque chose F 155 Entre le d but du livre charg d optimisme et la cl ture impr gn e d une d solation navr e est recr le lent effritement de la possibilit d livrante de la communication interpersonnelle entre m re et fille Si la relation de Nunzia et Francesca n occupe pas le devant de la sc ne dans le roman leur rapport gagne en ampleur par la r p tition de la supplication de
175. a s crit mission cit e 90 2 L auteur et son uvre texte na t presque comme une ruption volcanique et est le r sultat d une obsession envahissante Si la naissance du th me du texte est le fruit d une lente gestation l acte d crire est en revanche le r sultat d un acte prononc de volont Susini explique sa mani re concr te et obsessionnelle d crire en voquant un travail relativement laborieux o elle tape son texte la machine avec deux doigts recommengant la page d s qu un mot doit y tre chang C est crevant en plus et d s que j ai commenc je ne m arr te plus comme un fil qu on d bobine c est peut tre pour a aussi que je ne me jette pas corps perdu dans un autre roman d s qu un livre est fini Il y a surtout que j ai besoin pour crire d tre en manque ou en nostalgie Mon d sir n est pas d ajouter un volume une liste mais de sentir que si je ne comble pas ce manque cette nostalgie qu un rien peut r veiller je ne tiens pas en place Les deux faces de l criture motionnelle et pratique laissent entrevoir que le travail de romancier tel qu il se pr sente Susini peut tre une activit relativement on reuse et obsessionnelle consumante Entre la naissance de chaque livre elle a besoin la fois de se ressourcer et d attendre les circonstances optimales pour se remettre criture crire devient un acte palliatif il comble une latence et sert
176. aillante de ce dernier mais applique ses l vres sur son cou et dans un geste des plus primitifs animal m me elle commen a le flairer et a le l cher comme si elle avait besoin d un peu de sa chaleur de l odeur de sa peau PR 155 les retrouvailles se renversant ainsi dans l agitation de son d sespoir dans une treinte sous tendue de notes rotiques Puis sans desserrer son treinte de ses mains h sitantes elle chercha d sesp r ment au dela du contact un certain accord une re connaissance peut tre seulement un l ger fr missement PR 155 La parole faisant enti rement d faut a la mere elle se r duit a des bruitages des g missements la lan ant dans un nouvel lan violent sauvage PR 155 dans lequel elle finit par serrer encore davantage son fils en cherchant avec acharnement se r tr cir jusqu lui PR 156 La m re finit par avouer qu elle a rompu avec son amant ainsi elle a sacrifi sa relation amoureuse avec son amant sur l autel de l inceste platonique avec son fils inconsciente de la jalousie initiale du fils et inconsciente galement de l ambivalence qui navre le fils son retour En effet durant le trajet de retour il a lui m me occup pendant un moment la position de lamant face aux tentatives de s duction de la jeune fille qui a partag son compartiment dans le train ce qui lui a ouvert les yeux sur les jeux de la s duction C est ce qui explique son
177. ained throughout her life ambivalent in relation to Corsica which she loved and hated simultaneously Even though the island served as a source of inspiration for many of her novels it also inspired both dread and anxiety in her The female ambivalence is analyzed from a social psychological and hermeneutical perspective The starting point of the thesis is the definition of its central concept ambivalence from a psychological and sociological point of view The psychological reference is represented by the theories of Bleuler Freud and Favez Boutonier The theoretical reference for the social reflections stems from Merton Bourdieu and L scher Finally Heinich provides the theories on the specifically female ambivalence From a 329 English abstract psychological point of view ambivalence relates to conflict and transformation in a person s attitude to an individual or a phenomenon The sociological perspective emphasizes firstly the structural ambivalence in society and secondly the ambivalence that emerges from the conflict between a person s desire to respect social norms and the need to dissociate oneself from them in order to confirm one s individuality The thesis scrutinizes the ambivalence of the female figures from an early age to adulthood What characterizes the ambivalence of the children and the teenagers is the fact that it is linked to their process of socialization This process consists to a large extent of imita
178. aires de Rennes 2002 p 10 8 Laurent Lepaludier M tatextualit et m tafiction Th orie et analyses op cit p 94 304 9 Ambivalences identitaires la lecture des Evangiles et des textes sacr s Dans ce sous chapitre nous nous pencherons plus particuli rement sur le roman C tait cela notre amour qui synth tise le ph nomene Un grand nombre de r f rences au sein du r cit s incrustent dans le cadre logique d une messe pour pouvoir discuter avec son ami Gr goire Fabia le conduit dans une glise En voyant le pr tre sortir de derri re l autel Fabia constate qu elle conna t toute la messe par coeur L Asperges la Secr te le Memento le Canon l All luia tout sur le bout du doigt NA 144 La citation fait videmment allusion aux rites de la messe Si le pr tre venait lui demander de r citer l vangile du jour elle saurait le r citer de but en blanc du tac au tac R f rence Luc 2 page de gauche dans mon livre en tout petits caract res tr s fins tr s serr s Et il dit a Marie sa m re Tout male premier n sera regard comme consacr au Seigneur Et son p re et sa m re taient dans l tonnement de ce qu on disait de lui NA 145 D autres citations tir es de textes sacr s et de pri res famili res la narratrice gr nent le texte Nunc dimittis NA 152 le cantique de Sim on est un extrait emprunt a l vangile de Luc tout comme u
179. aison avec son ducation religieuse et le fondement de sa foi La discussion se cl t sur la question de Vanina de savoir si J sus est un tranger La r ponse de la m re demeure dans la m me lign e ambivalente que ses r ponses pr c dentes C est le fils de Dieu On ne peut pas dire que ce soit un tranger deux endroits dans le dialogue la narratrice donne raison la m re C tait juste ce que disait ma m re Le d sarroi de Vanina est mis en exergue par l omission de cette phrase une troisi me fois a la fin du dialogue Alors que la m re est court circuit e par son propre raisonnement le lecteur peut suivre les interrogations et le dilemme de Vanina D un c t est mis en avant le semblable entre les humains son appartenance l esp ce des hommes et la condition humaine alors qu est en m me temps soulign e une diff rence infranchissable Si le passage interpelle le th me de la menace de la diff rence pour notre identit il ne propose pas de solution la question si tout changement est une menace pour notre identit et peut tre consid r comme une d faite culturelle quels sont les moyens qu a l individu de se soustraire la frustration voire la peur Le questionnement trait tout compte fait assez bri vement dans Plein soleil est dans le roman La Fiera transpos concr tement dans un contexte culturel minorit majorit conf rant la question une acuit qui plus directe
180. aison dont la transmission s est faite de p re en fils pendant des g n rations d sir entach de r veries J aurais voulu parler des choses que j avais dans le c ur et de l eau qu on va chercher travers les champs br l s o bruissent les cigales Et du chant de la lumi re sur les chardons et les buissons pineux du ruissellement de la lumi re sur les pierres blanches sans que ombre trouve une place pour s accrocher PS 70 La m re coupe court a ces r veries en l appelant sauvage faisant comprendre Vanina qu elle imagine l impossible PS 70 La m re a la m me r action quand Vanina s enfuit de la salle o se produit un va et vient constant de villageois la recherche de renseignements ou d aide Le retrait de Vanina lui vaut un commentaire sec de sa m re Je ne sais pas d o tu sors Tu es vraiment sauvage PS 96 Implicitement a lieu une mise distance de Vanina par la m re comme si leur adh sion aux m mes valeurs culturelles pouvait tre mise en doute Implicitement la normativit de la m re est mise en suspens par le croisement des questionnements de la fille et son incapacit d celer la logique entre les r ponses et les coutumes communautaires Ainsi Vanina est dans l incapacit de comprendre la probl matique quant au futur mari tranger d une jeune villageoise condamnable car d origine et de statut social inconnus face la v n ration familiale et locale de J sus
181. ait cela notre amour 1970 met en avant deux sc nes amalgam es la guerre de 39 45 et les v nements de mai 68 consid r s et prouv s a partir d une perspective parisienne Dans le dernier roman Je m appelle Anna Livia 1979 nous retrouvons la figure de pr dilection de Susini une jeune femme sans attache g ographique explicite priv e de ses rep res existentiels et qui par la suite p rit ensevelie par le n ant tant donn l ventail des espaces et des temporalit s pr sent dans la production de Susini il va de soi que la norme par rapport a laquelle la femme aura a se situer volue En filigrane a notre tude peuvent ainsi se lire des questionnements sur le r le qu a tenu la soci t dans l mergence des ambivalences de la femme et la mani re dont Susini per oit et value ce r le ainsi que son incidence sur la vie des femmes Pr c demment nous avons tent d esquisser les grands traits du terrain dans lequel se situe notre tude Dans ce qui suit nous voudrions circonscrire l objectif de notre analyse en en pr cisant quelques limites Commen ons donc par ce que cette tude n est pas ni n aspire tre pour dans un deuxi me temps constater ce qu elle esp re mettre en lumi re Premi rement des d limitations de deux ordres s par s mais interconnect s s actualisent dans ce travail une d limitation temporelle et une d limitation spatiale La production litt raire de Susini s tale c
182. ait presque une affaire d honneur On a souvent d la trouver difficile vivre voire insupportable D autres nonc s mettent en relief cette m me force de caract re la temp rant n anmoins quelque peu en brossant l image d une femme intransigeante mais avec beaucoup de douceur douceur soulign e par sa voix grave au rythme lent et aux accents m diterran ens Sa ni ce met en avant sa franchise et sa droiture en la qualifiant de femme enti re Elle vous regardait droit dans les yeux A la parution du roman Un pas d homme en 1957 une note critique dans Arts fait tat de ses go ts et de ses antipathies Le bilan dresse l image d une femme ancr e dans son poque impr gn e de ses racines de ses voyages et de ses lectures Parmi ses pr f rences sont num r s les rengaines la mode St John Perse l art non figuratif les poup es 117 Marie Susini Gazette de Lausanne 28 29 d cembre 1957 Jean Daniel de son c t parle de son p re ce vieillard qui s incline devant la gravit d un regard si durement bleu Cet tranger qui me ressemble Entretiens avec Martine de Rabaudy Paris ditions Grasset et Fasquelle 2004 p 166 18 Jean Francois Josselin Je vous salue Marie Le Nouvel Observateur no 1504 1993 p 53 11 Christine Lherbier Marie Susini Gazette de Lausanne art cit 120 Ibid 121 Josyane Savigneau La mort de la romanci r
183. ale non pas dans la perspective de se trouver un refuge ni pour tomber dans le vide PH 95 mais dans l optique d acqu rir une valeur durable et d ternit aux yeux de son mari Manuela con oit une aventure comme une exp rimentation y a t il un salut possible en dehors de sa vie avec Serge et la port e d une bonne volont PH 96 Ainsi son infid lit s inscrirait par un soubresaut illogique dans la logique de la fid lit envers son compagnon Or Manuela se fixe un objectif inatteignable vu le caract re inconstant de son mari Au moment o elle devient ce qu elle pense qu il voudrait qu elle soit il languit d j apr s autre chose Manuela restera malgr ses efforts incessants incapable de river dans le pr sent les d sirs de Serge pass s ou encore en suspens Finalement Manuela se rend compte de ce qui peut tre la cl de la r ussite et de la survie de leur couple son succ s est dans l adoption du comportement fugitif analogue celui de son mari Tu me restes attach e demanda t il doucement Si elle avait le voulu retenir il lui aurait suffi de r pondre non PH 93 94 L ultime blessure dans la conduite de Serge envers Manuela semble pourtant r sider dans sa mani re de l humilier parfois m me en public Lors d une soir e il parle d une fa on si adroitement maladroite Ph 53 qu il fait planer le doute sur elle alors que du point de vue de Manuela c
184. alement au travers du regard elle m a regard mais pas de la m me fa on que tout l heure elle avait regard l autre PR 39 40 constate le fils 225 Deuxi me partie L ambivalence de la femme jalousement En fait la m re est tellement absorb e par son nouvel amour qu certains moments son regard devient enti rement excluant PR 38 Pour ce qui est des sons le fils aime se placer le soir la fen tre le dos tourn vers la cuisine et la m re qui s y affaire Il l entend remuer le bois dans la chemin e le bruit de la flamme qui monte l eau dans la marmite dont elle soul ve le couvercle la m re qui jette le pain dans la soupe PR 37 38 autant de gestes familiers qui cr ent une atmosph re chaleureuse au foyer Les sonorit s de ces heures d licieuses pass es dans une atmosph re de mijotements et de fumets d licats s entrem lent des r sonances plus sombres dans la nuit le fils entend des bruits venant de la chambre comme si un chien grognait dans notre maison Et puis pour finir il y a eu un cri PR 72 Dans un ultime exc s d abandon apr s tre rentr l improviste du travail et avoir d couvert la m re et son amant dans une treinte passionn e PR 74 le gar on se r sout dans un ultime geste de d fiance s vader et se met suivre aveuglement un vagabond en tat d bri t qui vient passer sur la route La m re cette femme libr
185. alheur en reprochant au fils de ne pas sortir de ses entrailles je ne sais d o tu sors J ai donn le jour une pomme pourrie une estrasse F 127 lui lance t elle En g n ral la vie de Barbara et de Matteo est baign e dans le d shonneur depuis l arriv e de Sylvie C est une honte de voir que Sylvie l oisive constitue l objet des discussions Barbara trouve insupportable le fait d tre oblig e de lutter contre la curiosit des gens pour sauvegarder l honneur de la famille Pourtant devant les curieux venus s enqu rir sur les raisons de Sylvie de ne pas participer aux jeux de la sociabilit Barbara la d fend en pr textant diverses raisons A la maison en revanche elle tient un discours autre accusant son fils de manque de vell it car ses yeux son fils n arrive pas brider sa femme Ainsi Barbara est forc e de tenir un double discours Le comble de la d sob issance de Sylvie sera sa d cision d assister ensemble avec tout le village la procession annuelle qui m ne la chapelle alors qu elle est atteinte de malaria ce qui fait passer Barbara pour une menteuse alors qu elle a expliqu aux gens que sa belle fille tait malade la voil bel et bien sortie de son enfermement Or elle est v ritablement malade mais sa maladie n est qu un symbole pour le mal que cause sa non insertion non seulement dans la communaut mais dans le couple que constituent Barbara et Matteo La vie de f
186. andis qu elles nous interrogent sur le plan th matique nous incitent consid rer d une mani re critique la structure de la narration l instrument qui nous les transmet Avant de nous mettre en route voici un survol de la structure de la these qui esp rons nous permettra au lecteur de s orienter et de se localiser plus ais ment dans le raisonnement mis en avant dans le texte Perspective d tude Dans ce qui suit nous pr senterons donc quelques principes g n raux qui ont guid notre lecture des uvres de Susini ainsi que notre lecture th orique quant a la m thodologie et l herm neutique Comme nous l avons d j indiqu plus avant cette these a comme objectif de d montrer les enjeux de l ambivalence de la femme dans la fiction de Susini et la mani re dont cette ambivalence se manifeste sur le plan textuel Une tude prenant en compte d une mani re critique toute la fiction de Susini n a pas a notre connaissance eu lieu au moment o cette th se a t r dig e et ainsi il nous a sembl int ressant et stimulant de relever d une part le d fi que peut comporter un tel travail de d cortication et d autre part de remplir cette lacune dans les tudes portant sur Susini L tude s articulera autour de l un des aspects les plus essentiels pensons nous de l uvre de Susini ambivalence sous jacente dans toute son uvre Voir ce sujet Martha C Nussbaum Narrative Emotions Beckett s Ge
187. ans ce danger qui la terrifie et la fascine tout ensemble AL 170 savoir les bras de son p re qui en m me temps est une qu te vers une insondable nostalgie jamais apais e du temps d avant de ce temps myst rieux enfoui au plus profond o elle vivait en quelqu un d autre le temps de l unit maintenant perdue AL 17 La narratrice d crit Anna Livia comme une adolescente cliv e par des sentiments ambivalents envers lacte auquel elle est pr destin e En elle elle qui sait mais sans savoir pourtant quelle certitude d j de l in vitable faute et de la honte qui l accompagne AL 87 Au cours de Pacte Anna Livia bien consciente d tre face son p re refoule de proche en proche le lien de consanguinit en se trouvant au n ud m me de l ambivalence une situation qui l attire et qui la repousse a la fois salut et p ril AL 172 Mais tout bascule elle a atteint l extr me limite de l impulsion damour a laquelle elle ne pourrait donner un nom de ce d sir absurde dont elle n a jamais connu ni m me soup onn la violence fait d espoir et de d sespoir elle est soudain la recherche forcen e de quelle r conciliation de quel accord qui est tout la fois volont de vivre et volont de mourir AL 172 138 4 De la jeune fille la jeune femme Fran oise Dolto a constat au sujet de lacte incestueux des filles qu elles le vivent comme un crime non pas contre nature
188. ans le premier chapitre nous ferons le tour de quelques unes de ces d finitions en prenant appui sur la philosophie la psychologie la sociologie et la litt rature Notre titre se r f re aux th ories dans le cadre desquels l ambivalence a t pens e La r alit du titre pointe pour sa part vers deux directions celle qui se dissimule derri re le travail concret dans le domaine de la psychologie et la psychiatrie menant vers une plus profonde compr hension du ph nom ne qu est l ambivalence et celle du r el se cachant derri re l uvre qui constitue l objet d tude de cette dissertation Il est judicieux de remarquer que de tout temps bien avant l invention du terme l homme a t ambivalent d chir entre des motivations des croyances et des tendances contraires qui l ont fait s interroger sur les enjeux de la condition humaine aussi bien par le biais de r flexions philosophiques que de textes classiques Aristote d veloppe sa r flexion sur l ambivalence humaine autour de la notion de vertu et d homme vertueux Il se penche sur les diff rentes formes que l ambivalence peut rev tir les actes qui engendrent et ses perversions Selon lui la vertu est d finie comme le juste milieu par rapport deux vices l un par exc s l autre par d faut Selon la conception d Aristote les motions appropri es sont un l ment cl des vertus stables Ce qui caract rise un homme vertueux pense t il
189. ans que les questionnements li s l ambivalence soient toutefois explicitement pos s que ce soit par la narratrice ou par les personnages C est dans leurs actions et l architecture du roman que le lecteur d c le les dilemmes partir desquels il est capable de d duire la situation ambivalente du personnage et dans son sillage mieux comprendre la sienne L ambivalence est une composante fondamentale dans la vie de l individu et aussi dans les rapports entre les humains il s agit dun pouvoir motivationnel puissant l ambivalence alimente tout autant notre vie r elle que les fictions les livres les films les s ries Souvent l ambivalence motionnelle est au fondement du suspense cartel e entre deux hommes deux carri res sur qui sur quoi va porter le choix de la femme L ambivalence comme composante fictionnelle ou filmique exerce un impact consid rable sur nous car nous pouvons ais ment y adh rer Tout en reconnaissant la situation ambivalente de l entre deux dans laquelle se trouve le personnage nous cherchons savoir quelle sera l issue finale du dilemme et le plus souvent le lecteur ou le spectateur ne restera pas sur sa faim la solution lui est livr e joliment empaquet e dans une histoire issue heureuse Ou encore l ambivalence du personnage sert d accroche parfois pendant des ann es comme c est souvent le cas dans les feuilletons t l vis s En ceci ils se calquent sur la vie r elle dans
190. ante une raison la perte de l esp rance d Angnola cette jeune femme en voie d affranchissement sexuel et identitaire de devenir ce que par la force cathartique de l amour elle r vait d tre et que maintenant elle ne sera pas Quant la relation entre Angnola et sa m re le livre ne propose pas de solution Si Angnola ne se r volte pas ouvertement contre sa m re la m re non plus ne se r sout pas voquer les sujets tabous qui minent leur relation et toutes deux semblent cantonn es dans une position obstin e d isolement sans issue possible Dans leur relation Susini octroie le dernier mot la force symbolique qui lui importe sur la force r g n ratrice et revitalisante de l amour Angnola se r signe et retourne l humilit amarr e de nouveau au silence F 131 pensant ainsi restituer la m re son droit Se d sencha ner du r le de fille soumise et humili e n a pas eu l issue souhait e mais humiliation en amour quelle vient d prouver est encore plus foudroyante que la soumission vou e la m re Dans La Fiera l amour naissant d Angnola est un sentiment qui ne doit pas tre manifest ouvertement L motion est d crite comme un mouvement en vague trahissant l g rement son existence puis s estompant aussit t Angnola elle m me ne sait pas encore qu elle est amoureuse et l on ne peut dire quelle ne conna t pas ce qu est lamour avoir une vraie connaissance de ce qu il comporte signifie a
191. ants silencieux vont n anmoins se succ der une cadence serr e d actions int gralement orchestr es par elle Ce n est pas la v ritablement une sc ne de premier regard tant donn que le gar on se d tourne du regard de la jeune fille mais davantage une sc ne d apparition L accent est mis sur les indications vestimentaires et les composantes de l effet que la pr sence de la jeune fille a sur le gar on Il est int ressant de noter le comparant qu utilise Susini pour situer le gar on dans l entre deux de son d veloppement la lenteur d un homme qui prend plaisir reconna tre par tapes le corps de la femme qu il d sire et les descriptifs relatifs aux caract ristiques du gar on une innocence et un tonnement na fs Le r cit inscrira en effet la r action du gar on entre ces deux comportements oppos s La transformation latente dont parle Rousset a progressivement lieu chez les deux protagonistes elle a besoin de lui pour faire surgir delle en dehors d elle quelque chose encore hors de port e mais qui cherchait a na tre PR 120 Chez le gar on la rencontre produit une transformation l instar de celle qu a subi Vanina Il savait c tait tout PR p 150 La m tamorphose graduelle chez les protagonistes met en vidence deux facettes du processus en train de se r aliser la fillette est pouss e par un besoin int rieur encore ind finissable mais d ja confus ment conscient alors que pour le
192. apr s les vangiles aurait t fianc e Joseph mais vierge lors de la conception de J sus d o la notion de conception virginale Dans la mythologie grecque le cas de m re isol e est exemplairement illustr par Ath na la fille de Zeus et M tis Quand Zeus apprend que M tis est enceinte il prend le parti de l avaler Quelque temps apr s il est victime de terribles maux de t te et demande H pha stos le dieu du feu et des forges de lui ouvrir le cr ne d un coup de hache pour le lib rer de ce mal Jaillit ainsi de la t te de Zeus Ath na brandissant sa lance et son bouclier poussant de f roces cris de guerre Par la suite elle sera consid r e comme tant n e de Zeus seul orpheline de m re Elle sera la d esse de la Cit de la sagesse et de la guerre et occupera une place importante parmi les dieux de Olympe On ne lui conna tra pas d aventures amoureuses et elle est consid r e comme une d esse vierge Par la suite elle n chappera pas aux avances d H pha stos qui tente de la violer Sa tentative choue et avec de la laine Ath na essuie sa cuisse jetant la laine par terre f condant ainsi le sol qui lui donnera un fils richthonios enfant mi homme mi serpent qu elle l vera La tradition occidentale longtemps patriarcale semble donc paradoxalement perp tuer l image d une m re Ath na Marie enfantant un fils sans le recours un v ritable g niteur A en croire Kristeva la fertil
193. arad se trompant dans le pr nom de sa femme En fait le pr nom erron n est qu un pr texte la s paration d apr s la narratrice car elle constate sobrement Si je n avais pas quitt Tahr pour cette histoire de pr nom je serais tout de m me partie YF 142 Or le pr nom n est pas un d tail anodin la goutte qui fait 284 9 Ambivalences identitaires d border le vase mais au contraire il est l chine qui tient toute l ossature identitaire Dans l ar ne o se passe toute histoire bern e corch e vive tourn e en ridicule j ai perdu mon nom et jusqu mon visage YF 36 d clare encore Sefarad L histoire du nom est en fait l histoire de toute une vie et inversement l histoire de toute une vie se r sume dans celle du nom car les deux concepts de nom et d identit vont de pair si l auteur veut mettre en relief une perte d identit ou bien il fait dispara tre le nom ou bien il fait planer un certain degr d quivoque sur lui Chez Susini le nom de famille a t compl tement supprim ce qui selon Tadi s accorde 4 chez l individu la recherche d une inscription avec l exp rience du vide dans une filiation La notion d identit s allie troitement la notion d individuation La r f rence identifiante d une personne ce par quoi elle est individualis e vis e dans sa sp cificit est son nom propre Le fait de d signer le m me individu par le m
194. arie Susini C tait cela notre amour Parisien Lib r 22 d cembre 1970 POUPLARD A La D p che du Mardi 26 janv 1958 R A s n La R publique de Lyon 13 ao t 1957 R G s n Lectures culturelles juin 1957 R G s n Bulletin bibliographique de l Institut P dagogique National RINALDI Angelo La soliste et le maestro L Express 6 octobre 1979 RINALDI Angelo La f e au chapeau de clart Le Nouvel Observateur no 1504 1993 p 52 ROMUS Andr Marie Susini Corvara ou la mal diction pi ce en un acte et trois tableaux Revue nouvelle 15 nov 1955 339 Bibliographie ROSSEAU Nita Marie Susini la silencieuse Le Nouvel Observateur no 1282 1989 p 8 SANTARELLI Paule La r clusion solitaire Kyrn 254 1989 p 36 37 SAVIGNEAU Josyane L clat sombre de Marie Susini Le Monde 21 juin 1991 SAVIGNEAU Josyane La mort de la romanci re Marie Susini Le myst re et orgueil corses Le Monde le 25 ao t 1993 Temps de lire mission diffus e sur la chaine 1 10 d cembre 1970 SUSINI Jean entretien personnel avec Mia Panisse Rennu Corse le 3 ao t 2004 SUSINI Jean Mme entretien personnel avec Mia Panisse Rennu Corse le 3 aout 2004 THIERS Jacques Le Corse L insularit d une langue Verm s Genevi ve d Vingt cing communaut s linguistiques de la France tome 1 Paris L Harmattan 1988 p 150 167 Archives Le Fond
195. arie Susini et son uvre ALBERES R M Un pas d homme Arts no du 17 au 23 juillet 1957 ALBERTINI Marie D sir crire mourir Je m appelle Anna Livia Cahiers d Errata 1991 1992 nos 1 3 p 81 105 ANDRE Jean Louis Deux mani res d crire les les La litt rature corse et la litt rature sarde aujourd hui Bulletin trimestriel de la Soci t des Langues N o Latines 76 ann e fascicule 2 premier trimestre no 241 1982 p 155 161 Apostrophes Camus et Mauriac mission diffus e sur France 2 24 novembre 1978 BARJON Louis Les Yeux ferm s Le Lac in Etudes tome 322 janvier juin 1965 avril 1965 no 322 p 524 531 BARROIS Maurice Le th tre crit Saint Just de J C Brisville et Corvara de Marie Susini Actualit litt raire d cembre 1955 BLANZANI Jean Les romans de la semaine La Fiera de Marie Susini Le Figaro litt raire 11 d cembre 1954 CHAPSAL Madeleine L Express dossier de fabrication le Fonds d archives des ditions du Seuil Paris IMEC COLVILE Georgiana M M L enfermement dans l le la femme corse dans l uvre de Marie Susini A la m moire de Marie Susini in Continental 337 Bibliographie Latin American and Francophone Women Comme a s crit Cha ne mettrice France culture 1964 Date de diffusion 19 octobre 1996 Writers Volume III Ginette Adamson d s l University Press of
196. artie du v cu d crit Nous interpr tons le recours la m taphore comme la symbolisation de l chappatoire de la femme la poursuite d une issue un quotidien qui lui est trop restrictif ou du moins un all gement de sa situation o les attentes sociales et culturelles nombreuses et conflictuelles limitent son action d tre un individu part enti re Ce qui rend encore plus co teux la t che de socialisation de la femme est le fait que les structures normatives sont mall ables ce qui fait que la femme doit tre en constante disponibilit pour revoir son action La sporadicit de la manifestation des modifications normatives repr sente aussi une source de frustration pour la femme car l alignement de sa conduite sur ce qui est requis ne peut que se renverser dans la mise en doute en d calage de cette m me conduite L aspect profond ment tragique de l uvre de Susini r side pour nous dans le fait que Susini montre d une mani re saisissante par la mise en fiction de femmes ind pendantes la p rennit de cette mise en question quand les structures sociales qui s en sont charg es s effondrent la femme elle m me poursuit ce proc d de d stabilisation de son existence Les textes de Susini nous m nent aussi nous interroger sur le sens de notions comme l ind pendance Quand un individu est il vraiment ind pendant autrement dit non d pendant de quelqu un d autre ou de quelque chose M me mo
197. ation N a t elle pas constat au sujet de sa relation son le natale que s on rapport avec la Corse n est fait que d approches et de reculs passionn s d amour et de haine et jamais sans doute il ne changera sentiment qui constitue le noyau m me de l ambivalence Aristote Po tique Paris Gallimard 1996 1 Nathalie Heinich Les ambivalences de l mancipation f minine Paris Albin Michel 2003 p 66 La renferm e la Corse Paris Seuil 1982 p 33 24 Introduction Les ph nom nes que Susini met en textes ne sont pas sans lien avec certains param tres existants dans la r alit hors texte L arri re plan social dans les ouvrages de Susini s tend sur pratiquement tout le vingti me si cle ce si cle qui a vu d cerner la femme tant de droits et de libert s sans qu elles acc dent toutefois compl tement l galit aux c t s des hommes Avec pour toile de fond un si cle plein d avancements en mati re de comportements d attitudes et de m urs les premiers ouvrages de Susini Plein soleil 1953 La Fiera 1954 et Corvara ou la mal diction 1955 d peignent une soci t corse rurale campagnarde du d but du si cle en butte un lent effritement d une soci t pastorale et ses premiers pas vers un monde assujetti des influences dites modernes Les yeux ferm s 1964 retrace l vasion fi vreuse d une jeune femme en qu te de libert dans les villes C t
198. ation de la pi ce Corvara elle avoue pr f rer le th tre au roman et surtout le genre tragique reliant cette pr f rence une disposition particuli rement corse 16 Lettre de Susini Camus dat e du 22 d cembre 1957 157 Albert Memmi Qui tes vous Marie Susini Le Petit Matin art cit 81 Premi re partie De la th orie a la r alit Sur ce point je peux vous dire que je suis absolument Corse je n ai pas le sens de l humour Je me sens vraiment incapable d crire une com die et si gt 7 e TA 2 7 je peux dans lavenir crire pour le th tre cest videmment au genre tragique que je me vouerai Quant la trilogie corse Susini explicite sa th matique ou le sentiment qui la parcourt et en relie les diff rents volets ainsi Il y aun th me diff rent pour chacun des trois Ou si vous pr f rez il y a au moins une gradation Plein soleil cest la d couverte de la mort par un enfant le regret de l innocence perdue la nostalgie de l enfance La Fiera exprime le sentiment de l irr parable on ne peut revenir sur ses actes ils vous enchainent inexorablement Corvara va plus loin dans ce sens Il ne s agit plus seulement d irr parable mais de fatalit de pr destination L homme n est pas seulement marqu par ses fautes par ses actes pass s Il est marqu d s la naissance Les th mes profonds de la trilogie l innocence et la
199. ation des questions fondamentales de l tre ils ne sont pas moins les fournisseurs de la mati re premi re aux r flexions aussi bien pour ce qui est du choix de la th matique que du genre Le clivage cette int riorit de la division des femmes n est pas r ductible un choix conscient face l agir de leurs enfants les m res sont contraintes de naviguer entre ce qu elles consid rent comme le mal et la vertu entre ce que la soci t voudrait leur faire respecter et ce que les jeunes femmes en tant qu individus authentiques veulent elles m mes accomplir Lib r es des cha nes du moralisme r ducteur insulaire les m res en tant que personnages principaux dans les ouvrages ult rieurs Le premier regard 1960 C tait cela notre amour 1970 et Je m appelle Anna Livia 1979 sont des femmes ind pendantes revendiquant leur libert Soucieuses de s investir dans leur panouissement personnel refusant la vertu conjugale et le cantonnement dans un r le de femme mari e l gitime et m re dont la seule mission est d exhiber fi rement ses enfants les m res 323 Conclusion prennent des amants de passage font m me des exp riences avec la drogue cumulant seule les trois ressources qui auparavant taient distribu es sur trois tats de femme s par s l ind pendance conomique la sexualit hors mariage et la reconnaissance sociale par le mariage Les m res mises en sc ne dans ces ouvrages en ont d fini
200. ativement inconnu l instar d un amour durable entre homme et femme Lors des derniers moments du tourment de l agonie parfois l h ro ne est tiraill e consciemment ou inconsciemment par des p les affectifs contraires Il s agit entre autres d h sitations entre le connu et l inconnu entre la solidit et la fragilit de l tre ou encore entre le pr sent et le pass Or ces p les ne s opposent pas diam tralement dans une grille bien quadrill e mais s gaillent dans l illimit du spectre sentimental et font en sorte que ces femmes deviennent a travers le prisme de leurs sentiments les spectatrices de la r alit d form e par l optique de leurs relations difficiles Le texte trace les chass s crois s de la qu te des r ponses a des interrogations confus ment formul es soit par l h ro ne soit par la narratrice et parfois encore elles sont a d celer par le lecteur Les sentiments sous tendant la dynamique du couple l amenant l clatement final s inscrivent largement dans l espace transitionnel r gissant l ambivalence Dans lunivers susinien il n existe pas d amies qui partageraient entre elles des confidences l amiti n existe que comme sentiment entre femme et homme et constitue un des rapports les plus sublim s parmi les th mes exploit s dans son uvre tant donn que la femme n a pas de confident ou confidente elle est livr e une r flexion solitaire et un univers o
201. au XXe si cle op cit p 63 Paul Ricoeur Soi m me comme un autre op cit p 42 285 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture ans Sampiero Corso premi re figure du nationalisme corse 1498 1567 de 32 ans son a n Trahi par sa femme Sampiero Corso s rige en juge et ch tie sa femme en la tuant de ses propres mains La comtesse de Bradi met en fiction cette histoire de vengeance dans L H riti re 1825 qui n est moralisateur que pour juger l poux f roce qu est Sampiero et qui rige Vannina en h roine L histoire de Vanina et Sampiero est reprise par d autres crivains comme Dinocourt Le pr nom de Vanina figure galement dans une nouvelle de Stendhal Vanina Vanini dans laquelle Vanina est une belle Romaine qui s prend d un jeune patriote Ce pr nom est de ce fait inscrit aussi bien dans l histoire corse que dans Paire culturelle italienne Selon Ric ur le nom porte en lui aussi bien la reconnaissance que lalt rit le nom d signe un seul individu oppos tous les autres La Fiera est le premier roman qui adresse v ritablement la question de l alt rit par le truchement du pr nom par le refus de la belle m re de prononcer le pr nom de Sylvie et de l accepter comme un nom chr tien Susini non seulement rend tangible la x nophobie en la subjectivant mais accentue l incidence de l exclusion de l individu de la communaut
202. au contr le exerc par les autres femmes sur ses activit s Ainsi d racin e d socialis e d sillusionn e Sylvie se d cide fuir ce qui est devenu un pi ge pour son panouissement identitaire pensant que le bonheur tait partout ailleurs qu ici il tait partout o elle n tait pas F 83 Un jour elle se rend en car la ville esp rant pouvoir prendre le bateau vers des r gions connues Or arriv e a destination elle est frapp e 198 5 Femmes en rupture de couple d ind cision et ne se r sout pas franchir le dernier obstacle la s parant de et pouvant la faire renouer avec sa vraie libert la mer L ind cision de Sylvie devient progressivement l instrument de sa d ch ance Quand son mari vient la chercher elle n est ni d ue ni heureuse Le fait d tre oblig e de rester dans Vile lui est gal elle se r signe tre reprise comme un vieil objet davantage par convenance sociale que par amour En v rit sa r signation est ant rieure la fuite s il n y a d issue possible c est que a vrai dire il n y en avait jamais eu F 83 Cantonn e dans un environnement dont maintes dimensions lui chappent les objets tranges et trangers p sent sur elle m me les oiseaux semblent chanter dans une autre langue que chez elle Sylvie n arrive pas s expliquer ses choix comment aurait elle pu exprimer ce quelle ne comprenait pas elle m me F 14
203. autant dans une relation elle m me sa propre g n alogie et sa propre histoire Ses influences et ses filiations se dispersent dans des volutions aussi bien verticales qu horizontales Quand les autres textes dont l auteur reprend des fragments dans ses uvres nouvelles sont des textes quil a lui m me crits ant rieurement il est question d intratextualit 1 Ibid 422 Julia Kristeva S m i tik op cit p 52 298 9 Ambivalences identitaires Dans des entretiens Marie Susini a constat J aurais voulu n crire qu un seul livre Et en effet plusieurs endroits dans les diff rents textes de Susini surgissent les m mes l ments les m mes pr noms ou les m mes bribes de phrases ou de pens es ce qui conf re lunivers textuel qu elle cr e une certaine densit tissant un syst me de renvoi d nonc s et d images diluant en m me temps l impact de chaque ouvrage pour le fondre dans l ensemble plus vaste que constitue l uvre dans sa totalit Par le truchement de la superposition des noms et du retour des lieux s effectue une dilution du personnage et une uniformisation de son environnement L horizon d attente du lecteur se d place et cherche a se r quilibrer dans des contextes o un nom familier revient dans un lieu d j visit or il s agit d apparences trompeuses sous l aspect du similaire se cache le rep rage d l ments pars que l auteur redistribue d
204. avoue ne pas avoir beaucoup d informations sur son existence Paris Afin de cerner sa personnalit imparfaitement certes nous sommes de ce fait amen e a nous pencher sur les t moignages rep r s dans la presse crite et dans les crits biographiques de son compagnon Jean Daniel 2 1 2 Portrait discr tion fugueuse Quant a la personnalit de Susini les descriptions avanc es n ont de cesse de faire cho son terroir natal qu il s agisse des attributs physiques ou moraux correspondances souvent relay es par Susini elle m me mais dont certains aspects moins flatteurs l en font s en distancier la question de savoir pourquoi la discr tion est un trait de caract re si pr pond rant chez elle elle voque notamment la question de l ducation aux c t s des valeurs chr tiennes il y en a d autres comme celle de la modestie Sur ce plan la je ne suis pas du tout corse Mes compatriotes il me semble ont souvent le go t des honneurs constate t elle Et Susini d ajouter aussit t Et puis autant je suis attach e a une rencontre autant l agitation philosophico litt raire m agace Il vaut mieux relire loraison fun bre de P ricl s dans Thucydide que de perdre trois heures en des frivolit s Comme dans son uvre le regard semble jouer un r le essentiel dans la description de Susini et tre une caract ristique marquante de sa personne Christine Lherbier voque une
205. ble voquer un endroit pr cis mais se contredisant d embl e car demeurant dans l impr cision En v rit il ne s agit pas de n importe quel jour d t mais du premier jour sans couvre feu NA 20 c est dire de l poque de l insurrection de Paris la fin du mois d ao t 1944 Entour e de chars et de canons de balles et d clats de vitre et de pierre Fabia prise par une certaine ivresse d inconscience dans la fr n sie de vie et de mort NA 17 dans laquelle est plong e la capitale d fie les autorit s en dansant la ronde au milieu de la rue Elle s assujettit tous les dangers sous un ciel fendu par les feux d artifice elle s offre comme cible aux canons p taradants des chars descendant le boulevard Alors que Fabia se trouve au c ur du chass crois des avions rasant les toits des sir nes hurlant dans la nuit d ao t et des balles tir es de toutes les directions de droite et de gauche d en haut d en bas des caves et des fen tres de derri re les portes de tous les coins de rues NA 17 arrive un inconnu l enlevant de la chauss e en la poussant sous une porte coch re D instinct j ai entour ta taille avec mes bras NA 18 Fabia d crit leur rencontre Alors que tout dans l environnement devient flou et incertain Fabia s accroche concr tement cet homme surgi de nulle part pour venir sa rescousse Il lui sauve doublement la vie sur le plan physique tout c
206. burg Edinburg University Press 2004 p 14 296 9 Ambivalences identitaires l v nement traumatique s arr te chez Anna Livia car elle tait all e trop loin dans le malheur jusqu ce point extr me o le d sespoir et l indiff rence c est tout un sur le chemin qui m ne la paix AL 164 hors d atteinte de toute aide Au sortir de cette nuit elle s est d tach e de la vie morte comme la feuille tomb e de l aube AL 165 9 3 L ambivalence comme transcendance textuelle L ambivalence de l criture rev t plusieurs aspects Selon certains th oriciens l criture est ambivalente per se ainsi tout texte serait habit par une certaine ambivalence A cela s ajoute le fait que certains auteurs recourent un style ou des proc d s d criture se pr tant davantage une lecture ambivalente que d autres C est Bakhtine qui le premier a introduit l id e d une multiplicit de discours port s par les mots Le texte appara t dans ses tudes comme le lieu d change de bribes d nonc s que le texte redistribue et permute de nouveau partir de textes ant rieurs En raison de son dialogisme le texte ne pourrait tre saisi uniquement par la linguistique Ainsi Bakhtine postule la n cessit d une science qu il appelle la translinguistique qui engloberait les relations intertextuelles La moralit que l auteur tient mettre en vidence se r alise comme une ambivalence de
207. c ne cl du r cit entre les deux protagonistes lui et la jeune fille Tout se d joue dans la sc ne de premi re rencontre entre le gar on et la fille A l issue de cette rencontre le jeune se d couvrira irr m diablement 129 Deuxi me partie L ambivalence de la femme autre qu il n tait ce qui red finira du coup sa relation la m re voire la vie Il peut donc tre fructueux de d cortiquer les l ments pr sents dans cette sc ne afin de pouvoir en cerner les enjeux Par rapport la mise en pr sence sc nique de deux personnages Jean Rousset crit la rencontre est une naissance la nouvelle naissance d un sujet qui se d couvre autre qui advient sa v ritable existence un horizon inconnu se d ploie en m me temps que se r pudie l tre ancien L homme ne se retire donc jamais identique a celui qu il tait d une premi re sc ne avec un tre du sexe oppos Pour Rousset l action que met en uvre la sc ne de la premi re vision diff re de toute autre dans la mesure o elle pose un commencement et d termine des choix qui retentiront sur l avenir du r cit et sur celui des personnages ceux ci la subissent le plus souvent comme un ouragan et une rupture parfois comme un investissement lent ils prouvent toujours du moins l un d entre eux comme une naissance ou comme un engagement qui les entra ne malgr eux 56 Voici donc la mise en pr sence de ceux qui se voient pour
208. ce imm diate En contraste nous avons encore le r cit au pr sent de l action racont e Elle jette un regard qui ne se pose pas qui erre gauche vers la porte d entr e comme si elle craignait la sortie d un client sur la terrasse vide devant le paysage vide YF 13 Ces deux mondes ne semblent pas au 1 Rousset Narcisse romancier Paris Jos Corti 1972 p 48 290 9 Ambivalences identitaires premier chef appartenir a lunivers du personnage et le lien entre la conscience du monologue int rieur et le personnage la terrasse n est fait que progressivement par le lecteur Par moments le dialogue des protagonistes ressemble a un change m canique ex cut par des robots automatis s Le monologue int rieur de la narratrice conf re paisseur et consistance a un dialogue qui serait autrement an mique sans d autre importance que celle qu exige la structure narrative la mise en parall le des univers qui scindent l me de Sefarad Le vrai dialogue de la narratrice est celui qu elle mene dans le monologue int rieur avec son fr re non pas celui qui est mis en sc ne sur la terrasse Au c ur du monologue int rieur elle peut lui confier son secret c est dire les jeux d enfants dans lesquels elle pensait un jour se marier avec lui et qui n ont pas c d la place a une prise de conscience plus r aliste En effet c est toujours l treinte entre elle et lui qui la d finit et d termine ses actions
209. ce voici la petite Vanina qui malgr elle est retenue dans un lieu spirituel et qui contre toute attente y d couvre pr cis ment ce dont elle est cens e tre prot g e la sexualit l ment radicalement aux antipodes du caract re premier du couvent marqu par la chastet et la m ditation Simultan ment la d couverte du sexe dans un lieu cens tre sexu est un pied de nez aux conventions sociales Susini d montre par cette mise en sc ne quelque peu h r tique l hypocrisie d une pens e pr valant dans la soci t tout autant que dans les institutions de l poque tout comme la nature entoure l tre elle lhabite et en est indissociable aucune fronti re ni limitation quel que soit son caract re concret ou abstrait ne peut soustraire l tre aux pulsions manant de sa corporalit 4 1 4 Au del ci pr sent Plus haut nous avons voqu la mort symbolique de la petite Vanina La mort est en outre une figure pr sente dans le livre transcendant la fronti re entre mat rialit et immat rialit contribuant ainsi renforcer un sentiment ambivalent chez Vanina Parmi les facteurs qui d clenchent le processus de transformation chez la jeune fille d crite chez Susini nous pouvons rep rer c t de celui du basculement de la fille dans le monde sexu de la femme la prise de conscience du mal et la d couverte de la mort un des dilemmes les plus marquants taraudant Vanina Et ind finiment
210. ce au genre ou de l esp ce a l esp ce ou d apr s le rapport d analogie Pour Aristote la m taphore est la figure des figures cest par elle que se marque l cart par rapport a la norme mais elle est aussi ce qui exprime cette norme Pour lui une bonne m taphore est une bonne nigme se situant mi chemin entre l ancien qui n a plus tre nonc car connu et le nouveau irr ductible en donn es connues car nouveau l essence de l nigme est de joindre ensemble tout en disant ce qui est des termes inconciliables Dans son analyse inaugurale de L interpr tation des r ves appel e l injection Irma Freud d montre comment la m taphore est li e la notion d ambivalence Dans son r ve sa patiente Irma s av re condenser un Aristote Po tique Paris Gallimard 1990 p 119 377 Ibid p 122 38 uvres compl tes Psychanalyse Tome IV 1899 1900 L interpr tation du r ve Paris P U F 2004 p 131 156 Une telle cha ne associative est illustr e dans analyse inaugurale de L interpr tation des r ves o Freud soumet sa propre analyse son r ve Dans son r ve sont pr sents et se confondent les caract res et les actions de plusieurs personnes de son entourage Irma sa patiente une gouvernante autre patiente une amie intime d Irma la fille a n e de Freud une autre malade le fr re a n de Freud Leopold assistant de Freud lui m me s
211. ce enfantine elle place n anmoins l enfant face des 317 Conclusion interrogations existentielles de taille comment se d finir simultan ment dans la continuit des v nements et les intermittences li es a leur impr visibilit Alors que les jours se ressemblent tous et que la vie rappelle une suite de perles align es savamment sur un m me fil le d c s des tres chers et la disparition des pivots du syst me de r f rences fait en sorte que l enfant soit confront aux al as de la vie sans avoir les outils pour faire la part des choses Vanina renonce a sa foi enfantine sans pour autant tre a m me de la substituer par autre chose qui donnerait le m me sens a ses actes La m diation joue un r le central dans le processus de d mant lement de l architecture sociale que la m diatrice soit une jeune fille comme l enfant femme dans le train ou une personne plus g e comme le p re de Vanina ou la M re sup rieure au couvent L tude de la conduite de l enfant femme dans le roman Le premier regard d montre que l ambivalence peut exercer un impact sans que soit mise en texte une intention consciente chez le personnage d utiliser ses sentiments ambivalents dans un but sp cifique comme c est le cas dans la sc ne entre la jeune fille et le gar on dans le train La conduite de la fille dont le sens peut tre trouv dans un sentiment ambivalent envers le gar on ainsi que dans sa propre identit de femme en
212. ce souvenir m offrait la m me joie et la m me inqui tude PS 43 pense t elle en voquant une jeune femme phtisique envoy e au couvent pour mourir Si la vie de Vanina est une f te de la nature elle est dans une aussi large mesure baign e par la pr sence de la mort celle ci se manifestant tant t explicitement tant t en abyme Un des th mes importants dans Plein soleil 124 4 De la jeune fille la jeune femme voire un des moteurs qui propulse Vanina de l innocence enfantine vers la d sillusion et la d saffectation des adultes est justement la mort La mort est pr sent e dune mani re obs dante sous un aspect aussi bien concret qu abstrait la mort comme absence nomm e fix e se retrouve dans les tres g s ou jeunes dans les gestes et les pens es dans les jeux d enfants et leurs histoires Si Vanina n en est que confus ment consciente elle n en voit pas moins le monde filtr travers un regard empreint d un au del constamment voqu La mort se pr sente en premier lieu dans sa mat rialit Des l ments parsem s le long du cheminement de Vanina concourent guider ses pens es vers la mort Nous passions devant des croix et encore des croix Des croix au carrefour des chemins des croix sur les maisons des morts diss min es le long de la route Le poids des ombres me paralysait Je ressentais l approche des tombes ce froid qui immobilise alors m me que je n aurais pu di
213. ch de la femme semblent coexister dans l imaginaire susinien d un c t la femme passive r ceptacle d un pass social lourd de sens de symboles et de sch mas non seulement v hiculer mais peut tre surtout inculquer et imposer la g n ration suivante et de l autre la femme non li e la femme moderne libre d attaches affectives aspirant au bonheur gratifiant de sa libert acquise relativement r cemment au vu de l histoire de la condition de la femme occidentale Nous tenons galement rappeler qu il va de soi qu une discussion sur la condition de la femme n exclut pas les hommes Chez Susini les figures masculines les plus r currentes sont le p re l ami l amant et le fr re Outre ces figures pr sentes dans le cercle intime d une femme il y a la figure du pr tre bross sous un aspect souvent d risoire et la figure fantomatique de l tranger personnage fuyant mais d cisif pour le d nouement de certains romans Or quel que soit le statut de l homme il est en v rit d tr n dans tude r alis e dans la deuxi me partie de la th se Une pr sentation chronologique de son uvre se trouve dans le chapitre 1 2 2 Le terme non li e cumule d apr s Heinich les trois ressources que l ordre traditionnel distribuait de fa on exclusive entre trois tats de femme ordre ayant r gn jusqu la Premi re Guerre mondiale la premi re correspond la femme l g
214. ches Je tiens galement remercier le professeur Bengt Nov n qui m a fait d couvrir le monde magique de l herm neutique Gr ce aux lectures qu il ma conseill es j ai eu le sentiment de d couvrir la cl d un des plus grands secrets de la vie comment interpr ter un texte Je remercie aussi les directrices de recherche int rimaires Marina Nielsen et Karita Klippi pour leur aide et leurs conseils et Maarit Mutta pour avoir toujours invoqu des questions tr s pertinentes l issue de ses lectures m ticuleuses de mon texte Diff rentes tapes du manuscrit ont t pr sent es lors des s minaires de recherche au D partement de langue et de litt rature fran aises J en sais gr a tous les coll gues qui ont particip ces s minaires et des journ es de recherches de leurs pr cieux conseils Je tiens remercier Svante Lindberg et Daniel S Larang ma tres de conf rence pour leur remarques constructives Mes remerciements vont galement Virginie Suzanne pour sa relecture attentive du manuscrit Je d sire galement exprimer ma reconnaissance a tous ceux qui ont particip au financement de cette th se le Recteur d Abo Akademi pour m avoir accord les nombreuses bourses pour participer aux colloques et aux conf rences tant en Finlande qu l tranger le D partement de langue et de litt rature fran aises pour une bourse qui a lanc le pr sent projet et pour le financement de ma participation d
215. ci e la mise au point d finitive de l objet Un mois plus tard une autre circulaire fait tat du fait que l auteur souhaite en d finitive que le titre du livre consacr la Corse soit Si un jour je te perds A la place de la photo de Marker est ce moment propos e une photo du drapeau corse indice vident qu il s agirait de la Corse dans le livre Les textes para tront finalement sous le nom de L ile sans rivages Le nom concourt avec le film de Jean Archimbaud L le sans rivages la Corse Sont retenus les ouvrages formant la trilogie corse Plein soleil La Fiera et Corvara accompagn s de La renferm e la Corse En sera exclu le roman Les yeux ferm s qui de ce fait ne pourra pas pensons nous tre consid r comme un roman dont l action se d roule explicitement en Corse tant donn que Susini elle m me est responsable de la classification et du d coupage des ouvrages inclus La fiche de promotion des ditions du Seuil donne le r sum suivant du livre L ouvrage r unit sous une forme l gante les quatre livres consacr s par Marie Susini son le natale Livre offrir et livre lire et conserver il permet une approche en profondeur de la Corse au del des soubresauts de l actualit et des analyses conomiques et politiques Marie Susini de son c t fait tr s explicitement le lien entre le r f rent des ouvrages et sa vie Pour moi dans
216. csOfAmbival ence pdf gt consult le 26 janvier 2009 LUCHER Kurt Pillemer Karl Intergenerational Ambivalence A New Approach to the Study of Parent Child Relations in Later Life Working Paper of an article published in Journal of Marriage and the Family 60 May 1998 p 413 425 LUCHER Kurt Ambivalence A key concept for the study of intergenerational relations in Family issues between gender and 342 Bibliographie generations Sylvia Trnka d Vienna European Commission Directorate General for Employment and Social Affairs mai 1999 MATHEW Celine Ambivalence and Irony in the works of Joseph Roth Frankfurt am Main Peter Lang 1984 MERTON Robert K Sociological Ambivalence amp Other Essays New York London The Free Press 1976 en ligne Disponible sur lt http www amazon com reader 0029211204 _encoding UTF8 amp ref_ sib_ aps_sup amp qid 1280657830 amp page random reader_0029211204 gt consult le 23 ao t 2010 MONGARDINI Carlo TABBONI Simonetta ds Robert K Merton amp Contemporary Sociology New Brunswick New Jersey Transaction Publishers 1998 PARKER Rozita The Production and purpose of maternal ambivalence Mothering and Ambivalence Hollway Wendy Featherstone Brid ds Mothering and Ambivalence London New York Routledge 1997 THALER Peter The Ambivalence of Identity The Austrian Experience of Nation Building in a Modern Society West Lafayette Purdue Univ
217. d art nous impose la m me pr sence solitaire et insolente qui affirme avec une certitude absolue que l immobilit et le mouvement lamour et la haine la vie et la mort c est tout un L essai cl t la production litt raire de Susini Selon Josiane Savigneau Susini aurait encore travaill sur un r cit A la question pos e par Savigneau s il 8 rien s agissait de m moires Susini a r pondu un peu sans doute n ayant pourtant t publi par la suite En septembre 1988 Susini contacte son diteur au sujet d un volume sous couverture cartonn e qui r unirait tous les ouvrages ayant trait la Corse En mars 1989 une circulaire interne du Seuil fait tat de la mise sur 184 Ibid 1 La Renferm e la Corse Paris Seuil 1981 p 28 186 Tbid 187 Op cit p 30 188 La mort de la romanci re Marie Susini Le myst re et l orgueil corses Le Monde le 25 ao t 1993 189 Circulaire interne dat e du 27 septembre 1988 Paris archives des Editions du Seuil 88 2 L auteur et son uvre pied du projet Le titre propos par Susini est Racines corses La publication est pr vue pour le mois d octobre ou de novembre de la m me ann e On projette de faire figurer sur la couverture une des photos de Chris Marker publi e dans la version originale de La Renferm e la Corse avec en quatri me une photo de l auteur La circulaire fait aussi tat du souci de Susini de rester asso
218. dans le d tail les diff rentes manifestations du discours susinien il est judicieux de se pencher sur la notion m me de discours qui pr sente plusieurs acceptions selon l approche scientifique examinant Au del d une d finition linguistique d signant par discours une succession de phrases le discours suppose en m me temps une organisation trans ou supraphrastique de par sa capacit mobiliser des forces bien au del de la phrase Dans notre acception du terme le discours se voit doubl en l esp ce par une orientation syst mique le discours est dans ce sens d fini aussi bien comme le syst me qui permet de produire un texte que l ensemble des textes produits Cette d finition met en relief les conditions d mergence du discours tout en balisant sa mat rialit imm diate et elle laisse entendre son pouvoir illocutoire futur Le discours ne circule donc pas vaguement dans un ther virtuel mais requiert un support d ictique dans notre cas le support textuel sert de source pour les rep rages spatiaux temporels et autres Le texte singulier est galement une forme de discours dans la mesure o il repr sente la trace dun 399 discours o la parole est mise en sc ne selon les termes de Maingueneau prenant naissance dans un lieu un contexte sp cifique 37 La dialectique de la dur e Paris P U F 1950 p 2 38 Pour un survol des oppositions dans lesquelles discours entre voir Maingueneau
219. de d s l Omnibus 2004 Les femmes et la tradition litt raire anthologie du Moyen ge nos jours tome 2 XIX XXIe si cles MISTACCO Vicki New Haven Yale University Press 2007 Le XXe si cle des femmes MONTREYNAUD Florence d Paris Nathan 1989 LEPALUDIER Laurent M tatextualit et m tafiction Th orie et analyses Rennes Presses Universitaires de Rennes 2002 347 Bibliographie MACE Marielle Deux styles d individuation Acta Fabula Dossier critique Acta par Fabula en ligne Disponible sur http www fabula org revue document5639 php MAINGUENEAU Dominique Nouvelles tendances en analyse du discours Paris Hachette 1987 MAINGUENEAU Dominique Le discours litt raire Paratopie et sc ne d nonciation Paris Armand Colin 2004 MARTIN Roger d Corse noire Dix nouvelles de M rim e a Mondoloni s l E J L 2001 Nouveau dictionnaire encyclop dique des sciences du langage DUCROT Oswald SCHAEFFER Jean Marie ds Paris Seuil 1972 1995 MAKWARD Christiane COTTENET HAGE Madeleine ds Paris Karthala Agence de la Francophonie ACCT 1996 MERLEAU PONTY Maurice L il et l esprit Paris Gallimard 1964 MERTON Robert K The Role Set in British Journal of Sociology 8 1957 p 106 120 MOLINIE Georges VIALA Alain Approches de la r ception S miostylistique et sociopo tique de Le Cl zio Paris P U F 1993 de MONTAIGNE Michel Les essais
220. de la figure f minine et lui accorde son authenticit L auteur n est aucun de ses personnages et pourtant ils se font entendre travers sa voix dans un mouvement transcendantal qui les fait se dissoudre les uns dans les autres La m taphorisation de la langue comme proc d textuel offre un instrument particulier l auteur pour maintenir l ambivalence entre lui et son texte et pour n gocier contin ment la distanciation et la dissolution 325 Conclusion entre les deux Employ au niveau th matique la m taphore permet par sa flexibilit d assimiler des l ments au premier abord inconciliables ce qui se d coupe fortement sur le fond du s mantisme du texte la description des femmes majoritairement victimes d oppression et d instrumentalisation En m me temps la description de leurs conditions d existence a travers des m taphores leur enl ve une certaine acuit en doublant leurs perceptions et leurs motions d images tir es d autres contextes m me si ce contexte est le leur la nature par exemple La m taphorisation de leur exp rience te a la femme une certaine profondeur au d triment d une amplification qui la lie davantage son espace par le nombre de liens cr s par la m taphore entre le personnage et son milieu ce qui en m me temps rend la figure f minine plus limpide Cette prise de distance qu est la m taphorisation de l exp rience doit certainement en partie se lire comme une contrep
221. de s datif spatial Le passage met galement en avant l ambition de Susini de viser la qualit de l criture la question de la quantit ne la pr occupe gu re 2 3 tat des lieux critique Les tudes universitaires men es sur l uvre de Susini s inscrivent essentiellement dans la sph re des tudes th matiques dont bon nombre soul vent explicitement ou implicitement les probl mes pos s par l insularit Nous ne pr tendons pas dans ce qui suit dresser une liste exhaustive de toutes les recherches men es mais nous esp rons avoir pu rep rer les travaux majeurs et les plus pertinents Les travaux pr sent s jouissent d un statut vari au sein des recherches il s agit de travaux publi s et non 18 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini L cole des lettres II art cit p 36 9 Premi re partie De la th orie a la r alit publi s mais ils lucident tous leur mani re les diff rents aspects de la production susinienne ayant suscit l int r t et soulev des questionnements des critiques litt raires et autres 2 3 1 tudes th matiques Certains travaux proposent d analyser les textes susiniens en les mettant en parall le avec d autres auteurs qu ils soient originaires ou non de Corse Ceci est le cas avec Les yeux ferm s le Lac article paru en 1965 sign Louis Barjon Int gr e dans le cadre d un chapitre s intitulant Art formes et signes l
222. des raisons des d cisions et des circonstances qui se sont conjugu es un certain moment pour nous d voiler un nouveau pan de l existence dont nous ne savons pas aussit t quelle en sera l incidence ult rieure M me si nous ne connaissons peut tre jamais tous les l ments qui nous ont men s une certaine situation il est possible de r pertorier ceux qui relevent de notre propre volont et de nos propres actions La passion aurait de ce fait des ant c dents moins passionnels ancr s dans un quotidien d tach sur un fond plus ordinaire Il en est ainsi de notre rencontre avec Marie Susini Sans trop lever les secrets de la dimension passionnelle de cette tude dont nous esp rons d ployer les diff rents volets le long de notre dissertation nous voudrions tout de m me prononcer quelques mots sur ce fond ordinaire qui a fini par nous conduire au choix de l objet de cette tude Nourrie d une passion pour la France et le fran ais la philologie romane a sembl le choix naturel de nos tudes universitaires Dans le cadre de ces tudes nous sommes partie il y a longtemps d ja effectuer un stage linguistique obligatoire en France Si notre premier choix quant au lieu de placement s tait port sur Paris la d cision arr t e dans les m andres des bureaux de administration fran aise a t la Corse Cette le envo tante nous a s duite par sa beaut d abord et par l amabilit de ses habitants tr
223. deur de celle ci Zia Madalena l interlocuteur de Tchatcha tient appuyer la franchise de Nunzia par le biais d une remarque sur son habillement Toujours avec la m me petite robe de coton toujours simple Plus simple m me que les filles qui restent au village ramasser les ch taignes F 25 levant la simplicit de la jeune femme au niveau de la vertu Cette n gociation entre les deux locuteurs qui se produit par le biais d une prise de position sur l aspect physique de la 265 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture jeune femme se poursuit par une pr cision de la norme de la part de Tchatcha il ne trouve pas de mise une telle simplicit pouss e l extr me Il s entend De la simplicit dit ziu Saverio bien str il en faut Mais il faut ce quil faut Ne pas avoir une belle robe de soie a se mettre pour aller a la messe ou pour descendre a saint Albino eh bien ce n est pas normal ne serait ce que pour faire honneur aux siens F 25 Le dialogue des intervenants n interpelle pas le statut de la norme elle m me mais la hi rarchie entre les diff rentes normes sociales parmi lesquelles Tchatcha introduit celle insistant sur le collectif imposant a la jeune femme de montrer son respect pour sa famille au travers d un choix vestimentaire appropri ce qui pour lui s l ve un rang plus lev que la vertu d un seul trait de caract re individuel
224. dont les caract ristiques s inscrivent dans la d finition de l ambivalence elle est simultan ment pr sence et absence Peut tre tait ce en elle la certitude fugitive et cependant profonde de ce qui va arriver avant que ce ne soit d j l et que rien encore n en ait trahi la pr sence l intuition aveugle infaillible de ce qui est avant d en avoir connaissance alors m me quelle ne peut s appuyer sur rien sinon pr cis ment sur l angoisse qui l a fait na tre PH 10 Tout est simultan ment certitude et incertitude commencer par la mise en question de l existence elle m me du sentiment pr valant dans la sc ne peut tre tait ce en elle Ce qui s ensuit n est donc qu hypoth tique d crit dans un flottement de pens e o le flou est ce qu il y a de plus s r la connaissance de la s paration est vasive et solide dans une temporalit prise entre le futur et le pr sent le tout port par une intuition sentiment impr cis de ce qui n est pas v rifiable ni encore existant qui son tour est aveugle c est dire trouble le jugement et le raisonnement et pourtant infaillible c est dire quelle produit un effet certain ou des cons quences certaines C est une intuition qui pr c de le savoir ne permettant Manuela que de se fier au sympt me plut t qu une r elle connaissance Face elle il y a Serge qui de son c t est un homme aussi bien ambivalent il se sentait li ce regard
225. du langage Paris Minuit 1963 p 218 Umberto Eco Lector in fabula Le r le du lecteur ou la Coop ration interpr tative dans les textes narratifs Paris Grasset 1985 p 157 Georges Molini et Alain Viala Approches de la r ception S miostylistique et sociopo tique de Le Cl zio Paris P U F 1993 p 4 37 Introduction compr hension de l uvre de Susini en introduisant une nouvelle perspective sur son uvre Selon Charles les param tres v ritables de l activit herm neutique se d finissent ainsi Toute proc dure d analyse est conditionn e par un ensemble de pr jug s ou postulats touchant la d finition les fins et les fonctions de la litt rature et la lecture Notre tude n chappe sans doute pas ces pr jug s et postulats Toutefois notre lecture s est voulue ouverte c est dire que nous n avons pas fix pr alablement d hypoth se que la dissertation aurait tent e de prouver exception faite de celle qui structure notre dissertation savoir que l uvre de Susini est imbue d ambivalence En cela nous avons subi les influences de Derrida Quand on est d j arm par une paire de concepts et d une grille sp culative o appara t d j la figure classique d un antagonisme le d bat op ratoire qu on s appr te instituer l int rieur ou partir de cette philosophie risque de ressembler moins une coute attentive qu une mise a la question
226. e il comprendrait le principe m me des lectures possibles et des lectures qu il rejetterait Autrement dit le texte poss derait le double caract re de th oriser en creux ou explicitement une certaine ou certaines lectures que le lecteur peut en faire Pour Charles il s agit d examiner comment le texte nous laisse libre ou nous contraint Si le texte est ouvert il est en m me temps soumis un certain nombre de variables qui ne rel vent pas uniquement d une th orie de la litt rature Charles pingle les grandes forces dans le jeu des interpr tations le d sir et les tensions Or postule t il ce jeu n est possible que dans la mesure o le texte l autorise Le texte ne permet gt Michel Charles Introduction l tude des textes op cit p 231 gt Erich Auerbach Mim sis Paris Gallimard 1946 p 552 gt Th orie de la lecture d velopp e dans un ouvrage portant le m me titre Rh torique de la lecture Par rh torique Charles d signe une th orie de lefficacit du discours Paris Seuil 1977 p 9 Ibid p 9 39 Introduction pas n importe quelle lecture il est marqu d une pr carit qui rec le un espace explorer Comme le sugg re Umberto Eco on ne peut pas conclure une 7 une fois le texte d tach de son absence de norme de l interpr tation metteur il ne flotte pas dans l ther d une s rie potentiellement infinie d interpr tati
227. e Ce n est que bien plus tard que j ai tout retrouv NA 34 constate t elle ce qui semble bien dans une logique invers e et en r trospective tre aussi la position de Susini Lors de ce m me entretien t l vis Susini en parlant du roman explique comment l h ro ne se rend compte qu elle a perdu sa jeunesse en rencontrant l homme qu elle a aim et dont elle est s par e depuis des ann es L h roine s est rendu compte qu elle passait c t de la vie et qu il valait mieux s en aller et c est ce qu elle a fait car elle ne pouvait pas suivre cet homme qui fuyait toujours qui se fuyait et qui la fuyait Les caract ristiques de cet homme ne sont pas sans quelques similitudes avec les traits de Serge dans un Pas d homme d di Pour toi roman qui selon les dires de Susini retracerait son divorce d avec Jean Daniel et dont il serait le d dicataire La nature du lien entre le mari v ritable et le personnage fictif de m me que le degr d authenticit de la situation peinte ne peuvent bien videmment jamais tre tablis dans le d tail mais le lecteur ayant pris connaissance de toutes les informations bibliographiques et paratextuelles ne peut pas ignorer certains l ments communs entre la r alit et la fiction et de ce fait s interroger sur leur rapport ou du moins conclure que rapport il y a Albert Camus d c le lui aussi un lien entre le r el et la fiction dans ce texte fai
228. e dans et par un travail de construction pratique de la transformation des corps cest par le biais du dressage du corps que s imposent selon Bourdieu les dispositions les plus fondamentales et une diff renciation des usages l gitimes du corps selon l appartenance de l individu l un ou l autre genre L inhibition de la structuration de l image du corps de la jeune femme constitue une des d terminations socioculturelles les plus importantes prescrivant le devenir femme dans l uvre de Susini Le conflit entre m re et fille s articule essentiellement au niveau de la corporalit d Angnola fortement charg e des schemes de pens es de la m re Selon Pierre Bourdieu la force symbolique est une forme de domination qui s exerce directement sur les corps sans contrainte physique s operant et s appuyant sur des dispositions d j d pos es au plus intime des corps Notamment dans le cas des relations de parent avance t il il est possible de voir comment s expriment et s actualisent les inclinaisons durables du corps socialis dans la logique du sentiment filial et du d vouement affectif Une des strat gies les plus efficaces et universellement adopt es afin de r cuser la tentation de d roger est d apr s Bourdieu la naturalisation de la diff rence par l inculcation et l incorporation il s agit de faire de la conduite souhait e une seconde nature L action transformatrice invisible et ins
229. e objet de son d sir sont pour Anna Maria A l instar des sentiments amoureux d Angnola qui se sont construits en s appuyant sur la corporalit les enjeux de son d senchantement sont ax s eux aussi sur le corps Le d nouement de la situation est v hicul par une m taphore ph nom nologique 149 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Ils viennent au fil de la musique avec leur sourire emm l leurs pas emm l s Ils viennent et puis s loignent et se tisse Pamour quand se d vide un r ve tourne et flamboie le triomphe des corps et retombe une joie clate l accord quand se referme une solitude tout pr s et puis loin d elle tr s loin et tout pr s d elle F 130 Faute d une r ciprocit r g n ratrice Angnola se laisse sombrer dans une agonie navrante et crie sa douleur et son d senchantement Dans un trope typique pour Susini l angoisse d Angnola se jour sur le fond de l amour naissant entre Anna Maria et Gias Le malheur de l un correspond au bonheur de l autre Le m me moment constitue donc le noyau dans une oxymorosisation du theme de l amour Angnola sort finalement perdante de la situation Elle met une immense plainte qui surgit sans raison qui dit le regret des choses perdues de toutes les choses jamais perdues F 138 Or contrairement a la voix de la narratrice qui ne voit gu re de motif sa r action le lecteur peut d celer derri re cette effusion d chir
230. e rel ve d une pathologie Elle appelle cette forme d ambivalence schizophr nique et c est la seule o deux tendances oppos es se manifestent simultan ment dans une ind pendance absolue soit se juxtaposant soit se succ dant Dans la deuxi me forme d ambivalence l ambivalence incomplete le moi per oit consciemment les deux tendances oppos es et le sujet distingue nettement l une des tendances comme faisant partie de la personnalit et l autre comme lui tant trang re Ce type d ambivalence est repr sent par l obsession Dans la troisi me forme l ambivalence latente l ambivalence est comme son nom l indique cach e au sujet qui en est donc inconscient tout comme elle demeure cach e l observateur qui rien dans le comportement et aux dires du sujet ne laisse entrevoir sa disposition duelle Cette ambivalence est repr sent e par le d lire de la jalousie 6 Juliette Favez Boutonier La notion d ambivalence tude critique valeur s m iologique op cit p 11 7 Ibid p 55 52 1 L ambivalence en th orie et en pratique Favez Boutonier explicite le caract re inconscient de l ambivalence de la fa on suivante Pambivalence c est la liaison indissoluble en raison de la structure m me des tendances et presque ind pendamment de l objet de amour et de la haine l gard d un m me objet Il y a dans l ambivalence une contradiction incompatible avec la conscience
231. e Marie Susini Le myst re et l orgueil corses Le Monde le 25 ao t 1993 122 Jean Fran ois Josselin Je vous salue Marie Le Nouvel Observateur art cit 123 Ghislaine Fratani entretien personnel Ajaccio Corse le 9 ao t 2004 124 Gilbert Guez Un Pas d homme de Marie Susini Arts du 17 au 23 juillet 1957 69 Premi re partie De la th orie la r alit mexicaines et les tissus d indienne Pail le bleu et lor Faulkner le poids du soleil sur les paules au mois d ao t en Sicile midi pr cise t on le noir Brahms Piero della Francesca Kandinsky un beau visage et monter a cheval sans selle Parmi les ph nom nes qui lui d plaisent se trouvent les questions la facilit le changement et les voyages parler les invitations et les relations Debussy et Rapha l le t l phone et le XVIIIe si cle En ce qui concerne ses go ts pour les lectures ses pr f rences semblent se ranger parmi les classiques En 1989 Susini se pr sente en parlant d crivains qui ont compt pour elle en mentionnant tout particuli rement Antigone comme un livre l ayant marqu e aux c t s de la Bible Le plus grand livre pour moi c est Antigone En fait je devrais dire la Bible parce que dans la Bible il y a tout Presque chaque ligne de la Bible se pr te une multitude d interpr tations possibles ce qui fait un fonds humain po tique philosophique sans limite Qui est donc Marie Susin
232. e Susini s empare de la question de la libert de la femme et de ce qu elle fera de cette libert nouvellement requise dans la mesure o elle met en vidence la crise des tats de femme dans ce que Heinich appelle une triple mobilit identitaire g ographique et amoureuse Elle ne met pas en sc ne la difficult de la femme tomber amoureuse du moins pas en ce qui concerne les adolescentes et chez les femmes adultes l amour initial est accompagn en sourdine par le doute 38 Nathalie Heinich Les ambivalences de l mancipation f minine Paris Albin Michel 2003 p 81 156 5 Femmes en rupture de couple mais une fois amoureuse la femme ne sait pas trop quoi faire de cet amour et comment se comporter au sein de celui ci Susini nous brosse l image d une divorc e pass e actuelle ou future vue de l int rieur travers le d sarroi qu elle ressent en s alignant sur la deuxi me moiti de l assertion de Comte Sponville Le bonheur est le but non le chemin Surtout le bonheur n est pas la norme Chez Susini nous rencontrons notamment des individus en chemin non encore arriv s au but car g n ralement Susini met en sc ne des histoires de couple au moment o celui ci est en tat de dissolution mais pas n cessairement encore tout fait dissout Le couple de la femme adulte n existe donc que sur le point de l annulation ou comme r volu La constance du couple est un ph nom ne rel
233. e ce que Heinich appelle plus femme que m re ou une m re amante Or tout au long de l histoire le fils se rem more une poque o elle tait plus m re que femme enti rement d vou e ses soins et ses besoins Il s agit d une m re seule levant son fils avec qui elle partage les joies et les soucis du quotidien Les pr noms des deux protagonistes ne sont jamais r v l s contrairement celui de lamant Silvestro et l histoire fait appara tre la relation m re fils filtr e par la subjectivit du jeune gar on L image qui nous est bross e initialement est celle d une m re joyeuse r veuse et affectueuse aimant la musique contemporaine et le cin ma Le fils dort dans la cuisine et la m re dans la chambre adjacente avec entre eux une porte ouverte pour pouvoir se faire la conversation avant de s endormir En parall le se dessine le portrait d une femme souffrant d une certaine lassitude et d une certaine impatience par rapport leur situation et un d sir latent de s affranchir de la diade form e par elle et son fils Des fois m me je ne savais pas ce qui lavait chiffonn e elle se fachait sans crier gare Va t amuser c est vrai je t ai toujours la dans les jambes Qu est ce que tu veux rester la PR 71 s exclame sporadiquement la m re Puis un jour le fils est pos devant le fait accompli non seulement sa m re a fait connaissance avec un homme son insu
234. e consid ration li e au discours sur l ambivalence spatiale et son criture est offerte travers le recours de Susini un style m taphorique ou la m taphorisation des ph nom nes Comme 37 La renferm e la Corse op cit p 33 243 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture nous avons pu voir tout au long de cette dissertation les textes de Susini tr s riches en m taphores immergeant l nonc et son sens dans un jeu inlassable de d placements cr ent un sens nouveau une autre r alit Comment alors la conception de l espace participe t elle la cr ation d un sentiment ambivalent chez la femme 7 2 1 L espace ext rieur L environnement naturel est chez Susini tout autant un acteur actif dans la cr ation du r cit que dans celle des personnages principaux Certains romans comme Plein soleil ou La Fiera mettent en vedette une nature g n reuse surabondante exub rante C est sur cette r alit de l espace que Susini inscrit le pass invoqu par la narratrice et le personnage f minin se dessine en premier lieu sur le fond de la mat rialit de la nature voqu e par la m moire montagne mer maquis ruisseau fleuve ou champ Dans l uvre de Susini la description de la nature suit une certaine volution dans Plein soleil la nature repr sente une force vitalisante la source d une joie qui a port la narratrice de l enfance l ge adulte et qu
235. e de la narration Elle postule qu un certain nombre d auteurs modernes ont tent de mimer la 15 Cathy Caruth d Trauma Explorations in Memory Baltimore London The John Hopkins University Press 1995 p 6 8 44 Ibid p 7 295 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture symptomatologie du trauma un niveau formel Selon elle plusieurs techniques litt raires tendent tre r currentes dans ce genre de litt rature savoir l intertextualit la r p tition et la voix narrative fragment e entre autres Quant au texte de fiction l importance de l instance narrative est videmment cruciale dans le processus visant rendre l histoire et la perception de l v nement tel qu il est v cu par le personnage Dans Je m appelle Anna Livia l instance narratrice est pr cis ment une conscience dans laquelle se r fracte l ambivalence tal e du personnage dans sa temporalit textuelle car dans le texte s op re un glissement par rapport au sentiment ambivalent dans la narration de l apres coup l ambivalence surgit comme l tat dominant d Anna Livia un moment pr cis alors qu au moment des faits Anna Livia n en est pas consciente Ainsi lorsqu elle frappe la porte de Josefino pour aller voir son ami Francesco Personne ne lui ouvre la porte alors qu elle appelle son ami peut tre que je savais d j que je ne pouvais plus rien qu il n y avait plu
236. e de la sociologie consiste viser les strat gies individuelles de s occuper de l ambivalence qui na t dans l entrecroisement de ces pratiques et de ces discours Les strat gies individuelles auxquelles les individus ont recours se d finissent de mani re vari e par rapport l ambivalence structurale soit en la confirmant soit en l infirmant De son c t ambivalence interg n rationnelle doit selon Lorenz Meyer tre consid r e aussi bien sous un angle restreint relatif une situation sp cifique qu en y int grant des discours plus vastes englobant des valences plus ou moins dominantes Notre tude de l ambivalence de la femme s inscrit dans la triple vis e que propose Lorentz Meyer dans la mesure o cette dissertation se propose dans la deuxi me partie d tudier des situations sp cifiques d individus y compris dans des conflits interg n rationnels avant de proc der dans la troisi me partie a l tude d un discours plus vaste avec pour objectif de discuter quelles sont les valences oppos es pr sentes dans la soci t peinte dans les romans de Susini et les strat gies auxquelles ont recours les jeunes filles et les femmes pour y faire face D un point de vue sociologique les ambivalences sont selon Kurt Liicher inh rentes aux structures sociales culturelles et psychologiques D apr s lui elles peuvent tre reconnues comme tant des pr requis de toute action Les actions peuvent n an
237. e double possibilit de satisfaction et de contrainte la femme peut aspirer tout autant au bonheur dans le travail que dans lamour le stress tant caus par les attentes voqu es justement par cette ouverture des choix vers la double possibilit qui du coup se renverse dans l obligation puisqu elle peut elle doit r ussir dans les deux registres Ainsi la femme libre se trouve de nouveau pi g e cette fois ci paradoxalement dans les rets tendus par sa libert 1 3 2 La sociologie du texte selon Pierre V Zima Le r le crucial qu ont jou sur notre travail les ouvrages de Heinich traitant des tats et de l ambivalence de la femme ne pourrait tre sous estim Un autre ouvrage notable mettant en vidence l ambivalence dans la litt rature fran aise est L Ambivalence romanesque Proust Kafka Musil par Pierre V Zima Dans son analyse Zima retrace l histoire du roman psychologique et de ambivalence comme un de ses themes Il appelle la psychologie la science de l inconscient n e dans un contexte socio historique dans lequel le Moi apparait comme une instance a la fois ambivalente refoulante et rationalisante Ce n est donc pas un hasard affirme t il si aussi bien la psychologie que les romans du d but du XXe se trouvent simultan ment branl s aux prises avec des probl mes d ambivalence et d un Moi en crise Dans un tel contexte les individus apparaissent scind s comme des tres T ambi
238. e en 1955 qu elle lui d die Selon Susini il s agit d une histoire vraie La pi ce d nombre neuf personnages et l action se d roule dans un petit village de montagne en Corse au c ur de l hiver Pour seul d cor la pi ce a la salle commune de la maison des montagnards Le dixi me personnage autour duquel s articule la pi ce ne monte jamais sur sc ne car il a disparu dans une temp te de neige Pendant que son fr re et quelques autres villageois partent sa rescousse sa femme Corvara est en proie des interrogations navrantes sur leur couple tout en se demandant en quoi consiste sa faute dans la disparition et celle de Francesco Luca son mari un pr tre d froqu Le questionnement ultime dont la pi ce traite est de savoir si celui ci paye pour ses fautes ou sil est de ceux qui d s la naissance sont injustement marqu s par la pr destination Camus se chargera de mettre en onde la pi ce lors d une mission spectacle c est dire une radiodiffusion organis e devant une salle en public Dans une lettre adress e Camus Susini fait part de ses r flexions et aussi de ses incertitudes par rapport la mise en sc ne de son texte Cher Albert Camus Le th tre est une chose difficile Je suis dans le doute Et peut tre dans l injustice J ai t tr s touch e par l ardeur de la troupe de M Kessel en particulier mais stup faite du visage inattendu tranger qu avait pris la pi ce Vous
239. e en choisissant de ne pas agir pour le moment se r signant se soustraire a un r le conflictuel En revanche c est criture de Susini qui agit comme un m canisme d clencheur en rendant manifeste la contradiction entre la conception telle qu elle est con ue par les jeunes femmes elles m mes et telle qu elle est envisag e par la g n ration de leurs m res Les femmes en couple amoureuses de l inaccessibilit de l autre En ce qui concerne la femme en couple la superposition de deux tats de femme est simultan ment pr sente dans sa conception de ses r les celui d un mod le ant rieur mettant en avant une femme hi rarchiquement conomiquement et sexuellement li e un homme et celui d une femme ind pendante libre d attaches motionnelles et affectives La fiction de Susini dit la difficult penser ce nouvel tat de femme quest celui de la femme ind pendante non li e Dans le cas des jeunes femmes la fiction de Susini met en avant des demandes normatives sociales bien explicites quant a leurs schemes d actions Ainsi elles livrent leur combat face a un adversaire aux contours relativement clairs leur m re En ce qui concerne les femmes adultes vivant en couple de tels pr ceptes nonc s clairement font d faut les femmes sont libres de r aliser les projets qu elles souhaitent Leur seul r ve semble tre de r ussir leur vie amoureuse or malheureusement cet unique r ve se brise contre
240. e et aussi avec l image d un autre langage qu elles voudraient cr er loin des sentiers battus des sch mas rationnels 4 1 l ments d une enfance ambivalente veil et d senchantement Pour Susini l enfance est l poque privil gi e de la vie dans laquelle la cr ation puise son inspiration Tout livre sort de l enfance affirme t elle lors d un entretien Ainsi Susini ne se d marque pas par sa th matique de pr dilection de tant d autres femmes crivains Les figures f minines dans la fiction de Susini sont souvent mises en sc ne comme tant entre deux ges ou deux lieux ou bien elles se trouvent des moments charni res de leur existence L enfance fait partie de ces moments charni res en constituant un espace transitionnel au sens o l individu a progressivement se positionner vis vis des syst mes de r f rence changeants quant l identit la sexualit et la foi entre autres Chez Susini L enfance peut tre consid r e comme un espace de transition entre une vision du monde insouciante innocente et une poque o les attentes quant l interaction sociale de l individu vont croissant L insouciance caract rise la vie jusqu un certain moment o l enfant se heurte la r v lation dun secret et o l enfance se termine incontournablement brusquement par une rupture une prise de conscience d un non savoir inconnu insoup onn ou inconsciemment ressenti jusque l
241. e et insouciante est retrouv e dans les derni re pages du livre compl tement m tamorphos e perdue h b t e aveugl e par sa douleur d avoir perdu son fils elle l attend impatiemment sur le quai de la gare ferroviaire En le voyant enfin elle est travers e par une multitude de sentiments d une immobilit impuissante elle est projet e dans l ivresse d une violence pleine de stupeur d angoisse de rage et de d sespoir Tant t elle est indign e tant t timide silencieuse et prudente PR 154 comme si elle tait une marionnette imitant malgr elle la palette des motions humaines les plus accentu es entre violence et sensualit Haletante ses bras nou s autour du cou de son fils on e t dit qu elle allait l trangler Puis entourant d une main son ventre de l autre les paules elle l enla a avec une violence sauvage et sensuelle PR 155 Le jeune impassible ne lui pardonne pas son garement avec l homme sans quelques r ticences et demeure en apparence insensible le corps dur comme du bois PR 155 Tout compte fait la jeune fille rencontr e dans le train est venue s immiscer dans la relation entre lui et sa m re qui par contrecoup semble entour e d une odeur refroidie PR 155 L impassibilit du fils propulse la m re dans la ferveur d une reconqu te effervescente de lamour du fils Elle ne se laisse pas abattre par l indiff rence 226 6 Une maternit d f
242. e femme C est sous le signe de la claustration que se joue le d senchantement de Vanina c est au sein du couvent qu elle apprend ce quest sous leurs facettes vari es le mensonge la mort la d sillusion Quand la m re sup rieure demande aux enfants d crire une lettre saint Pierre Vanina croit que cette lettre lui est v ritablement destin e y d charge ses secrets et demande Dieu de faire mourir s ur Louis de Gonzague le diable PS 136 Or la m re sup rieure lit les lettres appelle dans son bureau Vanina qui ne se doute de rien mon c ur tait pur PS 144 pour la r primander C est contre les murs du couvent que se heurte son enfance PS 140 lorsqu elle raconte ses amis ce qui s est pass et qu ils rient de son ignorance C est sur fond de sa nouvelle connaissance que se r alise sa d ception d senchanteresse qu elle d couvre les failles de son p re jusque la infaillible et que s op re finalement l croulement du prestige paternel ses yeux il se range du c t de ceux qui rient de sa candeur PS 148 4 1 3 Lieu sacr lieu sexu Pour Susini la nature et la religiosit sont non seulement compl mentaires mais elles sont fonci rement inextricables Entre les lentisques et les myrtes en fleur la lisi re des champs d oliviers aux feuilles luisantes je cheminais Pour moi c tait le calvaire le calvaire de J sus portant la croix pour effacer les p ch
243. e l ambivalence Karl Liischer va jusqu pr tendre que ces relations peuvent d un point de vue sociologique tre interpr t es comme l expression d ambivalences et comme des efforts pour g rer et n gocier ces ambivalences Deux types d ambivalence sont pertinents dans les relations interg n rationnelles l ambivalence sociologique vidente dans les structures sociales des positions et l ambivalence psychologique prouv e au niveau individuel A l encontre du d veloppement de la petite fille les d fis manifest s au cours de l volution de l adolescente sont plus importants tant donn les enjeux du processus de socialisation de la jeune fille pour toute la soci t En outre un aspect temporel s ajoute aux consid rations sociales car une adolescente est d j au seuil du monde adulte alors que l enfance se trouve plus loign e de la vie o le code social doit tre assimil De ce fait les invocations que suscite le travail pour entraver toute conduite non souhait e doivent tre plus efficaces et concr tes m me dans leur abstraction comme par exemple en ce qui concerne le regard et utilis es d une mani re plus insistante pour que la jeune femme franchisse le seuil entre adolescence et vie adulte socialis e La litt rature est tr s g n reuse en ce qui concerne les histoires relatant le moment charni re o la fille devient nubile ainsi que les diff rents r les que la soci t
244. e n expire alors que la situation dans Corvara en diff re dans la mesure o l h ro ne Corvara m me si elle est hant e par un mauvais pressentiment ignore en v rit le destin qui est en train de s accomplir ailleurs Comme nous avons pu le voir avec des ouvrages comme La Fiera ou Je m appelle Anna Livia le tragique s inscrit fonci rement au centre de l uvre de Susini Avec la pi ce de th tre Corvara ou la mal diction Susini porte le tragique a son comble et par le contenu la culpabilit et par la construction la trag die Tous les l ments du tragique y sont pr sents le malheur la faute la fatalit A l instar du roman La Fiera Corvara ou la mal diction respecte les trois r gles classiques d une pi ce unit d action unit de lieu et unit de temps Corvara ou la mal diction est le dernier volet du triptyque que Susini consacre la Corse Il s agit dune pi ce de th tre en un acte et trois tableaux d di e Albert Camus Le premier tableau expose les faits le deuxi me les reprend en cho et le troisi me offre le d nouement de la pi ce La pi ce compte neuf personnages au total dont trois sont nomm s la m re la jeune fille Paolella la bonne le p re Corvara l enfant Tchatcha le voisin la voisine et le berger L action se d roule dans un petit village de montagne en Corse en plein hiver Pour seul d cor la pi ce a la salle commune de la 200 5 Femmes en rupture de co
245. e nombreux colloques Harry Elvings legat pour une bourse de recherche qui a rendu possible un s jour d tude en Corse et G sta Branders forskningsfond pour l acquisition des ouvrages n cessaires pour la th se Je pr sente aussi mes sinc res remerciements Waldemar von Frenkells stiftelse qui m a accord deux reprises des bourses la seconde m ayant permis de prendre un cong pour mener son terme la r daction de cette th se J adresse galement de chaleureux remerciements au Centre de langues et de communication et tout particuli rement mes parents pour leur soutien financier La pr sente entreprise m a conduit consulter des livres et des documents des archives de biblioth ques de plusieurs pays Sans l aide bienveillante et efficace du personnel de la biblioth que principale d Abo Akademi et celui de la biblioth que de la Facult des Lettres je n aurais pas eu acc s a ces sources Je leur adresse mes plus vifs remerciements ainsi qu au personnel de la biblioth que M janes d Aix en Provence et notamment a Madame Marcelle Mahasela qui m ont permis d acc der au Fonds Albert Camus ainsi qu au personnel de l Institut M moires de l dition contemporaine Paris qui m a aid trouver du mat riel sur la production de Susini dans Le Fonds d archives des ditions du Seuil Je tiens aussi remercier Madame Isabelle Bardet aux ditions du Seuil pour son chaleureux accueil et les documents sur la gen se d
246. e partie L ambivalence de la femme dans les cris et les larmes se rendant compte qu il se passait quelque chose que j aurais voulu savoir et que je n aurais pas voulu savoir PS 119 se pla ant ainsi au c ur de l ambivalence entre le d sir d avoir la confirmation et celui de rester dans l ignorance de ce qui va se produire dans un avenir imminent Chez Susini le c t tragique recoupe d autres themes en apparence porteurs de connotations plus positives La mort de zia Madalena est actualis e au niveau de la di g se par l arriv e au couvent d une femme phtisique vou e la mort L vocation de cette jeune femme dont on ne rel ve que la robe et une ombrelle sert de charni re vers la mise en sc ne d une autre jeune femme malade envoy e chez les parents dans l le pour gu rir Cette jeune femme charmante attire son tour toute l attention des villageois et notamment celle de la population masculine du village La vanit et la libert affich es de cette femme symbolisent l essence de la f minit pour Vanina fumeuse aux l vres rouges aux ongles vernis des robes en abondance et des dessous de dentelle les cheveux noirs qu elle lisse lentement au vu de tous autant d attributs qui par infiltration associative provoquent un panouissement chez Vanina Mais mon d sir de revoir zia Paolella et mon regret de n avoir pu rester pr s de la jeune femme taient une seule et m me chose Comme une prom
247. e qui ne se reconnaissent plus dans litt rature cit en l occurrence d apr s Catherine Peraldi La repr sentation de la mort dans le roman corse du XVIIIe si cle nos jours op cit p 10 Au sujet de Colomba Marie Susini n h site pas a dire Cest aussi faux que Carmen pour l Espagne G B Quelques instants avec Marie Susini art cit Jacques Thiers L insularit d une langue in Vingt cing communaut s linguistiques de la France tome 1 Genevi ve Verm s d Paris L Harmattan 1988 p 158 232 Elle n voque pas proprement parler de roman corse mais d ouvrages narratifs d argument corse p 10 3 La repr sentation de la mort dans le roman corse du XVIIIe si cle nos jours op cit p EL 100 3 Arri re fond et r ception cette image romantique et mythique de leur ile et qui vont successivement se charger de transformer consciemment ou linsu de leur plein gr les perceptions st r otyp es que peuvent avoir les autres non seulement des m urs mais avant tout des insulaires Durant une poque s talant sur une vingtaine d ann es de 1946 1968 cinquante et un ouvrages en fran ais sont publi s dont une partie de ceux de Marie Susini qui sortent du lot par leur qualit d criture une production qui contribue d une mani re significative l effort de la Corse de sortir de son pass d oralit La fin du si cle a enfi
248. e r sultat d un acte involontaire projetant en p riph rie la question de sa responsabilit Corvara est ainsi une femme qui transgresse la norme dans le d tail mariage une heure insolite mais qui dans un contexte bien plus important existentiel n est qu un pion sur l chiquier des forces justici res Par le biais du personnage de Sefarad dans Les yeux ferm s Susini brosse l image d une femme affranchie du point de vue social mais non dans son couple Sefarad se retrouve dans une situation absurde o le moindre caprice de son mari Tahr l envoie chercher la cuisine ce qui manque sur son plateau de petit d jeuner Et tous les matins quelque chose manquait sur le plateau S il avait pu deviner alors la stupeur blanche aveugle insens e qu il faisait lever en moi lorsqu il d couvrait ce manque Le couteau beurre le sel ou le citron un rien dans l imm diat je devenais ce manque comme un retard sur lui que j avais toujours YF 151 268 8 Ambivalences socioculturelles Lorsque Tahr se fait entourer par d autres amies de sa femme ses c t s dans leur appartement elles se font concurrence pour tre la premi re a assouvir ses besoins jusqu au jour o il appelle Sefarad sa femme l gitime par le pr nom d une de ses amies et o celle ci le quitte profond ment l s e Femme mancip e qui partage son mari avec d autres femmes ce n est donc pas sur le plan sexuel mais sur le plan identita
249. e ressaisir de nouveau Apr s quelques t tonnements confus d ind cision la m re s aventure dans des explications gauches quant aux raisons de son d part explications qui se terminent dans le vague Tu sais je n ai jamais rien oubli jamais tu sais et quand je suis partie j aurais voulu Je n ai pas pu et pourtant il aurait suffi peut tre Et maintenant encore il suffirait peut tre AL pp 33 34 Les gestes de sympathie et de tendresse qu elle bauche l gard d Anna Livia demeurent inachev s alors que d autres sujets lui font discourir avec cette aisance incroyable son impitoyable l g ret AL 64 La m re a quitt un tout petit enfant et se retrouve devant une adolescente de 15 16 ans AL 34 sans se souvenir exactement de l ge de son enfant et ayant le sentiment irr el de retrouver sa fille Malgr ses incertitudes ses motifs pour revenir aupr s de sa fille semblent altruistes J ai pens qu il y avait quelque chose faire pour toi Il y a des choses que je peux faire AL 35 explique t elle quant ses motivations de revenir Anna Livia r ticente et renferm e Contre la volont d Anna Livia sa m re davantage pour s entendre raconter son histoire que par d sir de la faire conna tre sa fille divulgue accompagnant de gestes auto conscients et narcissiques l histoire qui la relie au p re d Anna Livia Il ne m avait vue qu une fois Est ce que ce n
250. e sans plus d objet attendre l attente pure et elle elle n tait plus que le reflet le battement de ce qui faisait mal a regarder a couter Elle se sentait seule prisonni re dans l ins curit PH 39 40 L attente quivaut pour Manuela l ins curit elle a le sentiment de se noyer dans une mare sans fond PH 42 et elle lui donne envie de se fuir et de ne revenir qu au moment du retour de Serge quand chaque chose de nouveau reprenait son sens PH 43 Lui de son c t est inconscient de lattente qui d finit l existence de Manuela et qui est centr e autour de lui Finalement face a la certitude que la rupture aura lieu le temps lui semble la fois lent et fr n tique elle trouve insupportable d tre au c ur de la rupture tout plut t que de la vivre cela qui est en train de se faire cette chose absurde et cependant n cessaire in vitable et rem diable et cependant irr m diable PH 141 Le moment m me de la rupture du couple se joue pour Manuela autour des pas de son mari Elle entend son pas dans l entr e le bruit de la porte Puis son pas dans l escalier Plus rien PH 150 L attente sera galement le param tre du futur imm diat de Manuela Il y aura quelques jours sans doute pendant lesquels elle se demandera s il est bien vrai qu il est parti l attendant comme s il allait rentrer le soir Avec 177 Deuxi me partie L ambivalence de la femme la m me
251. e sorte faire dispara tre les contours nets de la figure f minine Plus haut nous avons parl de l emploi du pr nom et de la dilution de l identit par une criture focalisant sur la probl matique li e la d nomination de la personne Un autre volet de la question identitaire dans les romans de Susini est pos par la r surgence de diff rents personnages portant le m me pr nom dans plusieurs ouvrages Certains personnages ont moins d importance comme Minica la grande copine de Vanina au couvent pr nom qui revient dans La fiera avec Minica personnage mentionn subsidiairement la fin du roman F 129 Fabia est une jeune fille qui tombe enceinte son insu dans Le premier regard Dans le roman Les yeux ferm s Fabia devient un personnage nigmatique pour finalement devenir le personnage principal dans C tait cela notre amour o son c t myst rieux sera marqu par l insistance sur son nom Fabia nom tir de la fable fabula en latin qu elle cr e autour de sa naissance D autres noms r currents ont plus d ampleur et rev tent une plus grande importance Ainsi nous trouvons zia Francesca dans Plein soleil un personnage tr s important pour la jeune fille De si loin que je me souvienne tout pres du visage de mon p re tout pr s du visage de ma m re il y a l ombre de zia Francesca toujours parfum e PS 75 Dans le roman 3 cole des lettres art cit p 35 Voir galement Nita Rossea
252. e taire Soudainement les paroles de l vangile se vident de leur sens par les propos que leur adresse le pr tre Fabia y voit une v ritable trahison Et voil que celui qui a toujours la parole du Christ sur les l vres voil qu il va r p ter l acte de Pierre de Ponce Plate ou des deux ensemble peut tre il se met me dire avec la m me onction la m me s cheresse suave qu il a pour d biter l vangile le latin d glise qu il ne veut pas de scandale que ce gar on ne peut rester l dans sa chapelle je dois bien le comprendre NA 149 Fabia tente de relever Gr goire alors que le pr tre exige qu ils vident l glise NA 150 Fabia malgr les exhortations du pr tre et des vieilles venues assister la messe tente dans un premier temps de garder espoir dans l attente d un mot d une gr ce qui sait une mis ricorde comme une aum ne Je croyais encore ce moment l peut tre je ne voulais pas accepter tout ca me r signer Alors c est venu tout d un coup j en suis s re d une minute l autre je mai plus cru rien NA 151 Fabia se met crier apr s le pr tre remettre en question sa foi et crier qu il ne conna t le sens ni de la mis ricorde ni la de piti La d sillusion de Fabia est la m me qu a connue Vanina Et loin de moi s en est all jamais le Dieu de mon enfance auquel le matin encore je croyais sachant qu il tait loin bien str mais qu il existait m me
253. e tragique Le tragique peut tre d fini comme le principe philosophique qui est inscrit au coeur de la trag die mais qui peut parcourir nimporte quelle uvre litt raire comme nimporte quel v nement de la vie Il na t de l affirmation que la n cessit aveugle provoque l irr m diable Christophe Cusset d nonce cependant la difficult d octroyer une d finition exhaustive au terme en explicitant son c t ambivalent 37 Roland Barthes Sur Racine 1963 in uvres completes t 1 Paris Seuil 1993 p 1020 338 Thid p 1013 Jo lle Gardes Tamine et Marie Claude Herbert Dictionnaire de critique litt raire Paris Armand Colin 1996 p 220 202 5 Femmes en rupture de couple Le tragique est un ph nom ne troublant Il est riche et divers Il chappe en partie la d finition Il appara t d embl e en rivalit avec la trag die qui le fait na tre Il montre tant t la grandeur de l homme tant t sa mis re Il fait du h ros un coupable et un innocent Il afflige et attire la fois Le tragique se trouve donc au c ur de multiples ambigu t s qui rendent son approche difficile Mais ces ambigu t s sont la caract ristique m me du tragique Quel mode d criture plus efficace donc pour rendre en texte les interrogations fondamentales et les ambivalences de l tre au monde des mortels qu un genre qui per se est d fini comme ambigu Corvara tombe amoureux d un homme malheure
254. e une premi re personne retranscription m morielle d v nements pass s Le r cit constitue in vitablement une articulation apr s coup ce qui est bien videmment valable aussi pour l auteur Le flux associatif des pens es d cousues de Manuela qui augmente en intensit la fin du roman n est donc qu une astuce narrative relevant de l ordre du vraisemblable alors que Manuela tente tout au long de l histoire de distancer la rupture imminente par le recours aux souvenirs agr ables les associations sans liens apparents entre elles leur flottement sans attaches temporelles ni spatiales tout comme la dissolution de la fronti re entre certains souvenirs et r ves signalent au lecteur la d tresse croissante de Manuela lorsque Serge est sur le point de franchir le seuil pour la derni re fois La m moire s efface pour rejoindre l acte narratif dans son imm diatet aucun souvenir ne peut adoucir l angoisse de la s paration Le basculement crucial se joue dans un laps de temps insignifiant le temps pour Serge de faire sa valise cet espace de temps la fois troit et immense PH 141 o tout est encore possible pense Manuela mais o tout chavire jusqu au d nouement final Comme le dit le narrateur Rien n est jamais blanc ou noir mais facettes se faisant se refaisant se d robant pour mieux s affirmer se retirant un peu pour revenir et noyer tout La v rit n est jamais dans les extr
255. el particulier mis en avant 8 2 2 L ambivalence de la voix comme embrayeur des valeurs sociales et culturelles La question de l ambivalence de la voix comme embrayeur des valeurs sociales et culturelles est fortement li e au probl me de la pluralit du discours envisag e par Mikhail Bakhtine L auteur peut faire se refl ter dans son discours le langage commun ment parl par les gens et le point de vue courant d un certain milieu social ou culturel Selon Bakhtine la relation de l auteur au langage consid r comme opinion publique n est pas immuable mais conna t continuellement un tat mouvement et vif La position de l auteur vis vis du langage courant varie l auteur peut soit le ridiculiser et s en loigner soit se solidariser avec lui A qui appartient alors la voix du personnage fictionnel Tout personnage peut tre consid r comme parlant le langage de la couche 386 Est tique et th orie du roman Paris Gallimard 1975 p 123 273 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture sociale laquelle il est cens appartenir nuanc e entre autre par son appartenance culturelle Or ce langage n est qu un langage imaginaire que l auteur pr te son personnage Le personnage ne refl te pas avec exactitude l tre social qu il repr sente le langage socialement et culturellement cod du discours du personnage est en fait un discours existant dans la s
256. ement dynamiques et novateurs a l instar de Maingueneau et de Heinich 362 tre crivain Cr ation et identit Paris La D couverte 2000 p 82 Ibid Ibid p 87 365 Ricoeur labore sa r flexion sur la repr sentation invers e de la r alit par la fiction partir du rapport polaire entre l id ologie et l utopie Comme le constate Maingueneau m me si le point de d part adopt par les deux th oriciens n est pas analogue la fiction peut repr senter un hors lieu quel que soit son point de d part id ologique Du texte l action Essais d herm neutique II Paris Seuil 1986 p 258 Du texte l action Essais d herm neutique II op cit p 258 Ibid 240 7 Ambivalences spatiotemporelles 7 1 2 L impossible inclusion et la promesse de l ailleurs Cette notion d impossible inclusion dans une topie voqu e plus haut est corr lative de la vie m me de Susini Une des conditions les plus importantes de sa cr ation a t son retrait de la Corse et son exil Paris Je n ai jamais eu le mal du pays d clare t elle dans La renferm e la Corse Et Susini d ajouter aussit t Je m acharne pourtant j y retourne sans cesse tonn e encore de me laisser surprendre et je me demande si ce lien si fort si aveugle qui m attache la Corse ne tient pas cette angoisse m me J y reviens peut tre aussi pour la d fier pour en avoir raison qui sait
257. ement entre le r pit et la fuite est un des th mes importants du roman D un c t Fabia abandonne l esprit de clocher de sa r gion natale en change du d lire r gnant Paris m me la pr carit de la vie quotidienne sous l Occupation ne peut l intimider dans sa poursuite de la libert Ainsi la guerre sc ne violente et incertaine est assez paradoxalement un espace de fuite pour Fabia Peut tre ne la choisit elle pas consciemment mais la d cision de ne pas retourner dans son pays une fois la guerre clat e l est certainement comme le constate Arbi Dhifaoui La fuite est toujours une cons quence une r action une attitude Qu est ce qui incite alors a la fuite dans le cas de Fabia Aucun motif n en est explicit au niveau de l histoire La fuite engendre notamment comme un mal tre existentiel actualis par l amour ou la passion sentiments insuffl s par l homme La passion s nonce ainsi sous un aspect d stabilisant 323 Espaces de la fuite dans la litt rature narrative francaise avant 1800 Actes du XIIe colloque international de la Soci t d Analyse de la Topique Romanesque Kairouan 24 27 novembre 1998 Arbi Dhifaoui d Publications de la Facult des Lettres et de Sciences humaines de Kairouan Kairouan Tunisie mars 2002 p 10 180 5 Femmes en rupture de couple mena ant et la femme n est l abri de la fuite que prot g e par son amiti avec un homme qui pour elle repr
258. emme mari e de Sylvie est jalonn e de d ceptions et de d senchantements signe invers de l impact de Barbara sur son couple Alors que Matteo lui a promis une maison ils vivent toujours avec Barbara laquelle dans une attitude de d dain refuse d apprendre prononcer le pr nom de Sylvie Quelle esp ce de nom est ce que celui l Elle n aurait pas pu au moins s appeler comme tout le monde J ai regard dans le calendrier il n y est pas Ce n est m me pas un nom chr tien qu elle a ta femme F 38 39 jette Barbara Matteo qui dans les premiers temps se f che cause de telles r flexions l adresse de sa femme mais qui peu peu se met en rire de connivence avec sa m re 229 Deuxi me partie L ambivalence de la femme A l instar de la m re et du fils dans Le premier regard Barbara et Matteo forment un couple platoniquement incestueux avec en l occurrence Sylvie en tant que tiers exclu Non seulement Barbara veille jalousement quand Sylvie et Matteo partagent des moments d intimit F 55 mais la m re et le fils excluent quotidiennement aussi sur un plan pratique ils se parlent en corse langue que Sylvie ne comprend pas Le monde de Barbara se focalise en premier lieu sur elle m me d o une certaine note de d lire de pers cution qui n est pas enti rement sans fondement En voyant les gens parler Sylvie elle pense Et de quoi parlaient ils tous l bas pr s de la rivi re
259. emps continu unificateur lavant et lapr s rivalisent chez elle sans lui laisser de r pit pour s amarrer dans le pr sent Seul le pr sent de la narration assimile les temps dispers s disparates tout en en faisant son tour clater des bribes r fractaires les r veries oniriques empreintes d une po sie qui planent sur les souvenirs et filtrent en les palliant les coups assen s aussi bien par des r alisations douloureuses que par des exp riences comportant en elles des l ments de violence et d autodestruction Le discours qui se fraye un chemin travers l criture est celui la fois d une voix atemporelle et celle qui en elle contient tous les temps Le temps susinien est monolithe li la conception de la vie intime dans son coulement neutre mettant l accent sur sa chronolog it reliant le d but et la fin d une vie et h t roclite par l illogisme et l incons quence des actions et des pens es qui le constituent En parall le ce temps double s coule un temps m tiss entre le subjectif et le collectif le vieillissement de l individu et l volution des m urs de la soci t Pour Susini l ambivalence temporelle est intimement li e au d veloppement individuel comme l volution sociale Au niveau individuel ambivalence temporelle se d finit le plus ais ment comme un temps transitionnel entre deux ges ou deux stades de d veloppement biologique et psychologique La productio
260. en elle qui arr tent et clouent sur place et rendent coupable Elle marchait derri re sa m re t te basse Un sentiment de g ne un sentiment d avoir mal fait grandissait en elle chaque pas et faisait fondre son bonheur Alors la solitude lui arracha une plainte F 13 La domination est inscrite dans l habitus et se fait essentiellement tacitement Cet acte lui m me est inscrit dans le domin comme sch me de perception ce qui rend Angnola sensible la manifestation de la force symbolique de la m re exerc e par des rappels l ordre tacites Angnola voit le reproche dans les yeux de sa m re dans sa fa on de prendre le panier et dans sa mani re de franchir le seuil F 11 La violence symbolique s exerce en parall le par le biais des reproches et par une r f rence constante l opinion publique Le but de la m re est l inscription des structures sociales dans le corps de l adolescente Pour celle l le travail de socialisation vise la transmission de certaines strat gies et l investissement de la jeune fille dans les vertus des femmes dispositions d apparence naturelle mais qui sont tout sauf cela mani re particuli re de se tenir maintien du corps et de la t te choix dhabillement appropri chapeau pour la messe p 59 ou la couleur d une robe p 30 Le travail de socialisation vise galement les valeurs solidaires d une certaine pens e sur la repr sentation de la femme qui se perp tue et
261. en fiction de l exp rience personnelle qui fait passer l enqu te d une dimension psychologique individuelle une dimension sociologique et collective Les fictions constituent une mise en sc ne et une mise en forme stylis e dramatis e de l exp rience personnelle susceptible de construire un imaginaire commun Etant donn quelle a t publi e 3 Felicity A Nussbaum Eighteen Century Women s Autobiographical Commonplaces in The Private Self Theory and Practice of Women s Autobiographical Writings d Shari Benstock London The University of North Carolina Press 1988 p 152 notre traduction Du texte l action Essais d herm neutique II Paris Seuil 1986 p 247 Ibid 33 Introduction diffus e et comment e la fiction acc de a la conscience de la collectivit et cesse d tre un fait uniquement individuel ou contingent Consid rations herm neutiques Nous avons voqu plus haut le fait que ce travail ne prend pas comme point de rep re un mod le th orique d ambivalence Dans ce qui suit nous voudrions avant de proc der l analyse de l uvre de Susini d velopper davantage ce que l on pourrait appeler le nerf m me de la dynamique de l interpr tation du texte a partir de la relation entre le sujet crivant l interpr tant et le texte La vis e principale de notre dissertation est d tudier les modalit s d ambivalences mises en sc ne dans les textes de Susini et
262. ensemble atemporel il est sans pr dominance sur les autres temps Ce mode d criture transmet galement l attitude paradoxale qui sous tend la fa on de se construire de la narratrice 291 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture afin de pouvoir se saisir elle m me d une mani re holistique elle doit se diviser se disloquer dans le temps et se distancier de l espace C est aussi un travail dont le lecteur tire les conclusions et non pas la narratrice qui la fin du r cit abolit les temporalit s et se retrouve dans une boucle narrative sans issue En revanche l abolition des temporalit s au fil de l histoire lui permet de trouver la solution son d sarroi identitaire a l ge adulte le retour et l esth tisation de la concordance des sympathies entre fr re et s ur dans l enfance affinit s tant plus lusives par la suite Plusieurs dialogues se juxtaposent et se superposent dans le texte vrai dialogue dialogue entrav dialogue qui brise la fronti re entre les dimensions litt rales et r elles Le lecteur d couvre ainsi l change d nonc s entre fr re et soeur qui a v ritablement lieu la terrasse le dialogue que la narratrice cr e avec son fr re dans la bulle de sa conscience sans qu aucune parole ne soit prononc e au sein du r cit et finalement le dialogue que l auteur tient tablir avec le lecteur par l agencement de l histoire et de ses l m
263. ents L ambivalence identitaire de Sefarad la narratrice qui prend la parole pour aussit t la c der ne se r duit n anmoins pas au seul chass crois entre de nombreux facteurs qui scindent le r cit Dans la vision de Susini elle demeure surtout captive de la litt ralit de son existence sur le papier 9 2 2 Polyphonie disjonctive Un proc d inverse par rapport la scission qui frappe l instance narrative dont nous avons parl plus haut est de faire se r fracter dans la voix narratrice une multitude de voix diff rentes de mani re a brouiller l origine des sources des nonc s il s agit ici de la polyphonie bakhtienne Tel est le cas titre d exemple dans Je m appelle Anna Livia En premier lieu c est le trouble ressenti par Anna Livia qui organise et agence l criture d abord par la mise en mots d une qu te erratique de l origine puis par une certaine atomisation de son identit par l miettement de son r cit Parfois la multiplication de voix contenues dans l instance narrative devient la manifestation de l ambivalence C est sans aucun doute Anna Livia qui assure le point d ancrage pour les autres personnages du r cit elle est la plaque tournante et le carrefour reliant les itin raires de tous les 4 Voir Mikha l Bakhtine Esth tique et th orie du roman op cit chapitre intitul Le plurilinguisme dans le roman p 122 151 292 9 Ambivalences identitaires autres person
264. erm e la Corse se pr tent sans probleme a une telle analyse il est int ressant de constater que deux romans dont le cadre di g tique ne peut pas explicitement tre d sign comme la Corse figurent parmi les ouvrages servant a l analyser Il est galement int ressant de constater que l essai La Renferm e la Corse est int gr dans l analyse sans qu aucune consid ration ne soit faite des questions de genre ni de voix Dans l ensemble l importance de l uvre de Susini r side selon les auteurs de l article en ce qu elle a contribu faire de l le un mythe celui de l humble conjoncture des hommes face au silence de Dieu Dans un court commentaire Vanina s veille Francois Xavier Renucci retrace le moment o Vanina dans Plein soleil rencontre Blanchette la nouvelle arriv e au couvent o Vanina passe l t L int r t de la rencontre r side selon Renucci dans la confrontation de Vanina a un des moments cruciaux de la vie o une poque est scell e pour s ouvrir une autre L importance de la rencontre avec Blanchette r side dans ce quelle repr sente une intrusion dans un monde paralys et monotone Il voque linventivit de Vanina dans son appr hension de la r alit telle qu elle se manifeste dans un village qui est plus purgatoire que paradis Depuis ce lieu interm diaire qu est le couvent Vanina se trouve en mesure de disposer d un seul coup d il de toute sa vie Le co
265. ersent la qu te identitaire du personnage principal Autrement dit l volution identitaire de la femme ne se dessine pas uniquement l encontre d une description de la nature vierge de la campagne m me si son aspect bienfaisant est minemment soulign dans l uvre de Susini mais l aspect urbain s y pr te dans la m me mesure La diff rence la plus marquante entre l espace campagnard et l espace urbain tient peut tre dans l attitude de la narratrice a travers les diff rents romans par rapport aux deux lieux si la narratrice est rurale les paysages campagnards de l enfance lui semblent tre le but id al li la fuite d un quotidien trop probl matique en ville alors que la ville semble au contraire le lieu privil gi de l vasion de ce m me lieu consid r comme trop restreint L vocation d un espace r v de l enfance th me r current dans les romans avec une narratrice adulte repr sente un espace symbolique qui en lui m me condense le d sir d un retour impossible Ainsi l vocation des diff rents volets de l espace participent chez Susini a la construction de l ambivalence de la figure f minine mais servent aussi cliver le discours auctorial par la mise en 245 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture sc ne de deux d sirs conflictuels l un au niveau th matique l autre au niveau conceptuel ceux ci effa ant tour de r le ce que l au
266. ersity Press 2001 UTRIO Kaari Perhekirja Eurooppalaisen perheen historia Livre sur la famille L histoire de la famille europ enne Helsinki Tammi 1998 WEIGERT Andrew J Mixed Emotions Certain Steps Towards Understanding Ambivalence State University of New York Press Albany 1991 p 8 en ligne Disponible sur lt http books google com books id uHOsrBp2W4Y C amp printsec frontcover amp dq weigert andrews mixed emotions amp source bl amp ots 0Z6q33F7RQ amp si g 4Lc16 _bhKBNbQJrF0yO2JYhDKQ amp hl fr amp ei fi9 VTN_jB4qUOODDzJ4O amp sa X amp oi book_result amp ct result amp resnum 1 amp ved 0CBQQ6AEwWA A v onepage amp q amp f false gt consult le 13 septembre 2010 ZIMA Pierre V L Ambivalence Romanesque Proust Kafka Musil Nouvelle dition revue et augment e Paris L Harmattan 2002 Ouvrages et articles g n raux Anthologie de la litt rature corse CECCALDI Mathieu d Paris Klincksieck 1973 343 Bibliographie ARISTOTE L Ethique Nicomaque Tome 1 Introduction et traduction Louvain Publications Universitaires de Louvain Editions B atrice Nauwelaerts 1958 ARISTOTE Po tique Paris Gallimard 1996 AUERBACH Erich Mim sis Paris Gallimard 1946 BACHELARD Gaston La dialectique de la dur e Paris P U F 1950 BACHELARD Gaston La po tique de l espace Paris PUF 1957 BAKHTINE Mikha l Le po tique de Dosto evski Paris ditions du Seuil 1970 BAKHTINE Mikha l
267. es d votions et la messe avant la procession une grande f te foraine avec kermesse et bal rassemblent les villageois pour un moment de d tente partag Le miracle ardemment attendu fait trembler lair mais la journ e se terminera par un anti climax quelques heures plus tard les r ves sont bris s et une jeune femme est morte Pour Camus ce roman tait une vraie r ussite et difficile car vous tiez guett s a chaque ligne par le pittoresque et la couleur locale Vous tes rest e dans la ligne tragique le noir et le blanc la veille des mes remarque t il dans une lettre adress e son amie C est aussi l omnipr sence de la douleur qui constitue une des forces motrices de la non fixit du lieu que Susini met en sc ne comme transfiguration textuelle et que Camus indirectement voqu e en commentant le roman La Fiera au sujet duquel il crit Je pensais en vous lisant que rien de bon ne se fait sans racines que le village et la terre sont les racines nobles et que nous ne devrions pas perdre tant de temps errer et disputer des ombres errantes La langue employ e dans le marketing du roman se situe entre un ton neutre et une folklorisation de son th me Si une des propositions insiste sur le th me majeur du roman Jour de f te une autre indique la succession du roman dans la chronologie de la production Suite Plein soleil La 150 Citation figurant dans le doss
268. es de r ussite dans la vie d cision peu habituelle pour un Corse cette poque Ici le p re poursuit sa carri re d enseignant a l cole de Viticulture de Beaune tandis que la m re sans profession reste la maison avec les enfants La famille y est tr s bien accueillie et garde de beaux souvenirs des ann es pass es dans la C te d Or Les trois enfants passent leur bac Beaune Le fr re a n Pierre poursuit ses tudes Dijon et devient m decin Le fr re cadet Jean choisit une formation d ing nieur agricole Marie opte pour des tudes en lettres classiques et philosophiques Paris o elle rejoindra son professeur de philosophie au lyc e de Beaune Gaston Bachelard Quand la veille de la deuxi me guerre mondiale la famille d cide de revenir en Corse Marie est d termin e malgr les dangers et notamment l incompr hension de sa m re vis vis de sa d cision de construire sa vie Paris o pendant l Occupation malgr la faim le froid et les Allemands elle a r ussi tre heureuse A la Sorbonne Susini passe deux licences l une en lettres classiques l autre en philosophie Elle obtient aussi un dipl me d tudes sup rieures sur Bergson et la philosophie indienne En 1948 elle entame une th se de doctorat sur la m ditation bouddhique tude rest e inachev e Longtemps elle suit les cours de l cole du Louvre de l cole Pratique des Hautes tudes et du C
269. es par rapport des causes implicites beaucoup plus d guis es est valoris e dans quelle mesure les jeunes filles et les femmes sont elles oppress es v ritablement et quel degr r ussiront elles finalement subvertir la structure sociale subversion entam e d j en creux par la mise en r cit de leur conduite rebelle m me timide Dans Corvara la r ification de la femme c est dire la p trification de l action et la s dimentation de l id e d une parole f minine funeste transform es en un objet esth tico litt raire agit dans la pi ce comme une subversion de la repr sentation du construit culturel l id alisation par Corvara des valeurs culturelles environnantes n entraine qu angoisse et trag die Manuela Fabia et Sefarad sont leur tour confront es des valeurs culturelles dites plus modernes plus contemporaines La libert de la femme a fait ses preuves dans les soci t s peintes dans les romans dont elles sont les h ro nes et la femme est lib r e des contraintes comportementales dont sont 278 9 Ambivalences identitaires victimes les femmes dans la trilogie corse Elles ne sont plus aussi manipulables et contr lables que les h ro nes corses Or quel degr Manuela Fabia et Sefarad sont elles des repr sentations d un autre mod le de femme construit culturellement Celle d sempar e devant les issues sociales possibles qui lui ont t ouvertes et qui demeure r duite
270. es respiratoires et a fait un premier infarctus 65 ans Cet t l elle souffre nouveau de quelques probl mes de sant la suite desquels elle est hospitalis e 10 kilom tres de Porto Santo Stefano 7 Ibid p 172 138 Ibid p 171 13 Soleil d hiver Carnets 1998 2000 op cit p 160 140 Paris Seuil 1970 73 Premi re partie De la th orie la r alit l h pital d Orbetello C est l o elle d c de le 22 ao t 1993 Son corps sera transf r par bateau Bastia puis un corbillard italien se charge du dernier trajet vers son village natal Rennu Elle sera enterr e selon ses souhaits non pas dans son village natal mais dans le village qui lui a offert son ducation Vico L elle repose face au massif montagnard corse A Paris deux messes s par es seront organis es en l honneur de sa m moire une l glise Saint Sulpice l autre par les dames du jury Femina Susini laisse a la post rit une uvre dont les mots rep res et les themes majeurs puisent dans les exp riences de sa propre vie l enfance l exil et l errance constitueront les l ments autour desquels se construira sa vocation d crivain 2 2 Au seuil du texte l uvre et sa fabrication La production d un auteur consiste rarement en un seul texte ou suite de textes sans l accompagnement d un certains nombre d autres productions l entourant le prolongeant le pr sentant Dans le sillage de G rard Ge
271. es romans de Susini Je remercie galement Madame Christine Braemer l Inath que de France Paris pour son aide pour le rep rage des titres et des collections des missions de radio et de t l vision auxquelles Susini a particip Jadresse ma tr s profonde gratitude a la famille de Marie Susini en Corse et tout particuli rement Monsieur et Madame Jean Susini qui ont eu la gentillesse de m accueillir chez eux ainsi qu Madame Ghislaine Fratani pour l entretien qu elle m a accord Ces discussions ont t tr s riches d enseignements sur une vie autrement discr te Je les remercie chaleureusement pour l autorisation de publier la correspondance entre Susini et Albert Camus Les mots me manquent pour exprimer toute la gratitude que je ressens pour avoir eu l autorisation de visiter les lieux o a v cu Marie la maison paternelle au coeur du village de Rennu voir le chemin qu elle empruntait a dos de cheval en compagnie de son p re pour se rendre au couvent et surtout le lieu f erique qu est la propri t familiale Bupia Si paradis terrestre il y a cest bien Bupia qu on le trouve C est mon humble espoir que cette th se refl tera la profonde fascination que l uvre de Marie Susini a exerc e sur moi et qu elle continue d exercer J adresse un grand merci tous mes coll gues au Centre de langues et de communication d Abo Akademi pour leur soutien affectueux Leur humour et leur bonne humeur quotidiens m ont
272. ess 2000 p 9 173 Deuxi me partie L ambivalence de la femme qu il a sembl au lecteur que Manuela cherche freiner le fil des v nements par le recours aux souvenirs Manuela se rend compte que la m moire seule ne la sauvera pas Pour faire cesser une souffrance il ne suffit pas d agiter dans sa t te comme des d s dans un cornet les restes morts d une culture morte de tirer du sac de la m moire ces bribes d color es effrang es ces chiffons poussi reux qui ont une apparence ternelle toujours hors de saison et qui par surcro t ne vous ont jamais appartenu en propre ces v tements d emprunt qu on se passe de main en main ces frusques de pauvre qui n a rien pour se couvrir PH 124 Si dans la citation ci dessus la m moire se voit octroyer un certain volume sac de m moires elle est ult rieurement compar e une surface plate d pliable pour en laisser entrevoir le contenu Ou bien il fallait taler devant soi tout le pass comme une carte d tat major et expliquer ce pass et le nettoyer en faire quelque chose ou bien le laisser somnoler sans bruit l o il tait En tout cas ne pas aller chercher comme dans le sable avec un b ton de paille Pas de petit aller et retour dans le pass avec cette odeur fausse qui corche les morts cette sollicitude trompeuse qui fait se mettre genoux devant ce qui s est teint jamais ce d sir facile de crier pardon alors qu o
273. esse inconsciente comme une tendresse oubli e j avais ce go t de vent chaud aux l vres et cette m me nostalgie d une joie qui habite l tre dans la lumi re qui danse PS 49 En abyme le lecteur associe la figure de la femme affranchie la joie de vivre de Vanina le chant des bracelets de la jeune femme avait en moi la m me r sonance que le triomphe de la lumi re midi l bas la plage au c ur de mon enfance quand les cigales crient tue t te PS 48 Les deux femmes malades celle soign e au couvent et celle soign e au village sont toutes deux initialement voqu es dans des termes tr s favorables m mes si elles ne sont d crites que comme objet du regard des autres et uniquement en connexion avec des l ments rattach s leur agr ment physique leur tenue color e et leurs accessoires se distinguant nettement des robes sombres des femmes du pays L image que la narratrice v hicule d elles est celle de deux femmes s adonnant pleinement aux plaisirs de la vie Dans leur description se retrouvent des l ments caract risant 126 4 De la jeune fille la jeune femme l nergie originale et la vitalit L image m taphorique de la femme que cr e Vanina comporte explicitement des comparants qui de par leur force suggestive mettent en relief le lien troit entre la femme et louverture sur le monde alors qu elles en repr sentent v ritablement la fragilit La ni ce de zia Pa
274. est le cas d une pl thore d encyclop dies et de la grande majorit des manuels litt raires soit comme parcimonieuse voire incompl te ou erron e Plus remarquable encore est il de constater qu notre connaissance aucun de ses textes n a t retenu dans une anthologie sur la litt rature corse alors qu y figurent des textes crits par des non insulaires Dans cette perspective les tudes sur Susini s inscrivent forc ment dans un courant de recherches ayant pour objectif de combler les lacunes que l histoire litt raire nous a l gu es et de tenter d lucider quel est l apport de sa production a la litt rature m me si cela n est pas l objectif premier de cette tude La fascination qu exerce l uvre de Susini peut dans une certaine mesure tre attribu e une r ception contradictoire de l auteur acclam e comme une des plus grandes parfois le plus grand crivain corse la place de Susini dans la litt rature fran aise demeure toutefois quelque peu obscure voire conflictuelle Une certaine recherche sur son uvre s est inscrite dans cette br che creus e entre notori t et obscurit pJarmi les litt ratures oubli es et m connues de l apr s guerre il en est une qui ne qu mande aucune faveur particuli re mais r compense la qu te individuelle c est 5 Christiane Makward et Madeleine Cottenet Hage ds Paris Karthala Agence de la Francophonie ACCT 1996 p 573 5
275. est le fait que celui ci n prouvera pas de conflit motionnel ou d ambivalence Plus tard les pr occupations de l homme relatives a sa condition humaine se sont galement traduites dans des crits d essayistes comme Montaigne La Rochefoucauld La Bruy re et Pascal pour ne mentionner SL thique Nicomaque Tome 1 Introduction et traduction Louvain Publications Universitaires de Louvain ditions B atrice Nauwelaerts 1958 p 45 45 Premi re partie De la th orie la r alit que des essayistes fran ais du XVIIe si cle chez qui nombre de pens es et de maximes transmettent des tats ambivalents de l tre L ambivalence litt raire n est pas sans lien avec la philosophie L ambivalence mise sous forme de fiction est une interrogation sur l existence et ses vicissitudes comment vivre dignement L ambivalence fictionnalis e n est pas plus que les r flexions philosophiques sur elle un ph nom ne r cent en litt rature La th matique en remonte aux premiers crits classiques Tout en restant au XVIIe si cle nous pourrions voquer par exemple le Cid de Corneille Rodrigue se trouve d chir entre son amour pour Chim ne et le devoir de venger son p re et finit par tuer le p re de Chim ne Chim ne de son c t se retrouve partir de ce moment au c ur d un dilemme moral d chir e entre l honneur de se venger et son amour pour Rodrigue qui elle devrait pardonner son acte Son ambi
276. est pas tout simplement fou si on y r fl chit On dirait qu elle se regarde de profil dans un miroir invisible elle cambre la taille passe une main dans ses cheveux Cest que j tais belle AL 65 220 6 Une maternit d faillante Cette conscience fleur de peau ne rec le pas un sentiment d abandon car ses parents sempressent de la faire partir l ge d Anna Livia l ont ils pouss e m me avec un tranger qu ils n ont vu qu une heure et qu ils n ont plus jamais revu En r alit le p re d Anna Livia a achet sa m re AL 74 sans que lui soient pos es des questions quant a ce qu il allait faire de la fille La m re d Anna Livia se demande tant d ann es plus tard ce que son mari a d leur promettre pour que ses parents la laissent partir avec lui La m re issue d une famille pauvre est ainsi vendue par ses parents un tranger qui passe par hasard dans son quartier et porte son d volu sur elle Sans consulter l avis de la jeune femme ses parents esp rent sans doute lui procurer une meilleure vie avec un propri taire terrien ais quoique froid et distant car l enfance de la m re est pass e dans la mis re mat rielle Alors que la grand m re d Anna Livia voque la mis re comme raison d inciter sa fille partir la m re d Anna Livia ne la voit pas elle se sent tout fait heureuse avec ses parents et ses sept fr res et s urs et ne souscrit pas aux raisons de sa m re AL 67
277. et enfant dont le manque induirait une pathologie L ambivalence maternelle ne serait donc pas quelque chose supprimer mais elle devrait s exercer de fa on structurante tant pour la m re que pour l enfant Selon Benhaim le vrai amour maternel pacifi non ambivalent serait le mythe de notre temps Au sein de la relation m re enfant l ambivalence s av re soit positive soit n gative selon la mani re dont la m re fait face aux demandes de l enfant Si ambivalence de la fonction maternelle est positive elle offre a la fonction paternelle l espace et le temps d effectuer la s paration entre la m re et l enfant Cette coupure est n cessaire et vitale en ce quelle autorise en amont la possibilit de retrouvailles entre les deux A d faut d un tel clivage introduit par la fonction paternelle la s paration est rendue impossible et l tat de fusion est maintenu L amour viable se fonde ainsi selon Benha m sur une s paration entre la m re et l enfant o la fonction paternelle joue un r le crucial Dans la fiction de Susini la fonction paternelle fait le plus souvent d faut ce qui rend la s paration entre la m re et l enfant si probl matique Le manque de clivage entre les deux fait en sorte que leur relation se renforce au fil des ann es et devient indissoluble Nunzia et sa m re forment une unit dans laquelle leurs traumatismes respectifs se refletent et se nourrissent alors que les tentatives de trans
278. et un ailleurs en contradiction 109 Deuxieme partie L ambivalence de la femme 4 De la jeune fille la jeune femme Dans cette deuxi me partie qui se focalisera sur l tude de l ambivalence de la femme le vocable femme sera pris dans une acception large femme englobe les personnages f minins allant de l enfance jusqu la maturit de la femme La partie est divis e en trois chapitres selon certaines p riodes de la vie de la protagoniste le premier portera sur les enfants et les adolescentes le deuxi me sur les femmes en couple et le troisi me sur les m res Le chapitre 4 s occupera plus particuli rement de la jeune fille et des enjeux d une ambivalence enfantine des jeunes filles pub res et des jeunes femmes aux prises avec des d fis sociaux et culturels contradictoires face auxquels elles sont contraintes de d velopper des strat gies individuelles afin de ne pas perdre leur identit soumise a l cart lement des influences contraires Le chapitre 5 discutera des femmes en couple qui sont presque infailliblement au bord de la rupture La premi re tude mettra plus pr cis ment l accent sur les enjeux du couple alors que la deuxi me tentera de cerner les diff rents aspects de la notion de fuite r action caract ristique de la femme en couple et qui dans l ceuvre de Susini sous tend les difficult s de vivre a deux Les ambivalences dont sont victimes les meres seront examin es dans le chapitre
279. ette r flexion peut naturellement aussi se conclure par le d sir de l individu de ne pas se d placer Nous ne pr tendons aucunement que l ambivalence spatiale habite tout le monde au contraire certains ont la conviction de ne pas tre destin s quitter le lieu o ils sont n s et demeurent de ce fait fid les leur terre toute leur vie Cette n gociation ne peut toutefois pas se conclure sur un non lieu car nous investissons toujours physiquement un espace En 248 7 Ambivalences spatiotemporelles revanche comme l illustrent les textes de Susini il est possible de quitter physiquement un endroit tout en continuant a l habiter psychiquement dans son incapacit se d faire des empreintes cognitives et comportementales de ce lieu Comme le d montre l uvre de Susini l ambivalence spatiale est galement un moteur puissant de d clencheur d intrigue dans des romans qui mettent en relief la probl matique de l tre et qui n ont pas d autre trame qu une mise en sc ne des interrogations inh rentes a la condition existentielle de l individu dans ces cas ambivalence est l l ment qui conf re au texte son mouvement et sa tension 7 2 4 La m taphorisation de l espace comme prise de distance La d finition d Aristote de la m taphore prend comme base le mot ou le nom La m taphore est le transport une chose d un nom qui en d signe une autre transport ou du genre l esp ce ou de l esp
280. eu asphyxiant que repr sentait la Corse o elle ne pouvait 372 crire l autre extr me du spectre de l touffement il y a la capitale qui offre sinon la libert totale du moins l anonymat Je connaissais le vertige de la libert dans une grande ville m me si de cette libert je ne pouvais gu re profiter parce que l aussi j tais pensionnaire du moins peut on passer inaper u dans une ville Personne n a les yeux sur vous J ai su alors ce que je redoutais le plus c tait l enfermement dans tle 373 Susini explicite les diff rents volets de cet entre deux incit par le sentiment d enfermement provoqu par l insularit ainsi Je vous parlais de malaise tout l heure C est que l on est pris entre la montagne qui enferme et la mer qui s pare mais qui est aussi la promesse de lailleurs la mer C est que tout se passe toujours par rapport cet ailleurs c est dire la France d o la Corse est envisag e soit en termes de fuite soit en terme de refuge Il fallait la fuir mais il fallait un certain courage Il fallait avoir le courage de rompre le lien ombilical et de l autre c t on ne savait pas ce qu on trouvait c tait inconnu c tait la solitude ou peut tre m me le danger Il m a t tr s difficile de quitter la Corse tr s douloureux j tais tr s jeune je quittais les miens mais il me serait tr s difficile presque impossible de vivre en Corse
281. eu de hasard s av re avoir un impact qui durera toute leur vie Au d but de leur relation ils projettent de se marier mais les r alit s d avant guerre p sent lourdement sur leur couple De part en part leurs rapports commencent se f ler Y contribuent d une mani re d cisive leurs fa ons respectives oppos es de concevoir l amour et la fid lit Si Daniel con oit le bonheur amoureux et la fid lit envers une femme comme des attitudes s par es Susini aime comme elle crit dans une intransigeance et un tragique absolus plour Marie l id e qu on puisse envisager plusieurs amours au cours d une vie est inconcevable Leur rupture survenant en 1957 se d roule dans une tristesse alarm e Daniel tant tomb amoureux d une jeune femme De son fait ils ne se voient pas pendant longtemps avec Marie Par la force de sa personnalit Marie poss de un tel pouvoir de m branler que je pense que je ne trouverai jamais d apaisement si nous restons en contact 132 Jean Daniel Cet tranger qui me ressemble op cit p 167 133 Selon un membre de la famille les parents de Susini se seraient oppos s leur mariage par crainte de l avenir qu aurait pu avoir une jeune femme corse avec un juif id e reprise implicitement par Daniel dans Avec le temps Carnets 1970 1998 la date du 25 ao t 1997 Daniel sur place dans l le pour l enterrement de Susini le seul venu de Pari
282. eur appr ciative n est attach e au concept tre ambivalent ne repr sente pas un tat n gatif ou non rationnel ce n est ni bien ni mal d tre ambivalent il s agit uniquement d une adh sion des valeurs h t rog nes Dans ce qui suit nous pr senterons quelques r flexions relev es dans la psychologie et la psychiatrie que nous jugeons pertinentes pour l tude sans pr tendre l exhaustivit Ainsi nous laissons de c t l uvre de Karl Abraham et Melanie Klein par exemple chez qui l ambivalence est envisag e davantage comme n vrotique et paradoxalit psychotique aspects en dehors du champ d investigation et d application de cette dissertation 1 1 1 L inventeur du terme Bleuler Le terme d ambivalence a t cr par le psychiatre suisse Eugen Bleuler 1857 1939 en 1910 dans le domaine de la psychiatrie Il publie en 1910 une conf rence faite Berne sur l ambivalence sous le titre Vortrag ber Ambvalenz dans le Zentralblatt f r Psychoanalyse Il labore le terme plus amplement dans son c l bre ouvrage Dementia praecox oder Gruppe des 7 Le Petit Larousse Illustr Paris Larousse 2001 La r flexion de Karl Abraham concernant l ambivalence s axe entre autre autour de la notion de libido Il retient six tapes dans son organisation Ces tapes sont consid r es selon leur appartenance la pr ambivalence ambivalence et la post ambivalence Pour un survol plus d
283. eur et le personnage Le lecteur con oit le personnage la fois comme un tre vivant et comme l objet de son investissement affectif La part du lecteur que Jouve appelle lisant c est dire celui qui est pi g par l illusion r f rentielle anesth sie sa facult critique lors de la lecture Jouve retient trois modes de 7 Figures III Paris Seuil 1972 p 252 408 Le roman au XXe si cle op cit p 11 L effet personnage dans le roman Paris P U F 1992 p 123 135 289 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture sympathie le code narratif le code affectif et le code culturel Le code narratif provoque une identification du lecteur au personnage Le code affectif entra ne un sentiment de sympathie Le code culturel enfin valorise ou d valorise le personnage en fonction de l axiologie du sujet lisant Selon Jouve le lecteur pouse successivement les deux points de vue de la narration l oscillation entre une identification narrative omnisciente et l identification a la subjectivit du narrateur la premi re personne fait revivre au lecteur de l int rieur toute l ambigu t du personnage du roman Ce qui nous int resse en l occurrence est la fa on dont cette scission contribue la cr ation de l ambivalence identitaire dans la fiction susinienne En fait c est la scission m me qui permet l ambivalence identitaire de s installer au c ur du r cit qui rac
284. eut que mourir car c est un amour vrai le seul vrai un amour innocent Comme l a montr la vis e intentionnelle de la trilogie corse l innocence se heurte irr m diablement un d senchantement d stabilisateur Ce que j aime traiter ce sont les situations sans issues explique Susini au sujet de Corvara th me poursuivi dans Un pas d homme mettant 165 et qui aboutit en relief l impasse dans laquelle se trouvent deux conjoints finalement une s paration Une premi re version d un extrait du roman est parue dans la revue Preuves sous le titre Solitude de Rome Le roman retrace l histoire d une ex tudiante en philosophie Manuela et de son mari Serge Les circonstances de la rupture sont mises en lumi re mais non pas analys es En revanche Manuela analyse son chagrin et le comportement de son mari d une mani re froide et rationnelle Il s agit d un drame tout int rieur il y a tr s peu de dialogue ou d action dans le roman et l histoire est r volue en une heure environ Camus commente l criture de l chec et de la d chirure du couple en crivant a Susini au sujet du roman Le vieux malentendu qui s pare les hommes des femmes il est celui qui les unit aussi Et il est in vitable tant qu on s obstine du moins mettre la cr ature la place de Dieu et lui demander ce qu elle ne peut donner Quand on a compris au contraire qu elle doit mourir dans ce qu elle sen
285. eux elle s ouvrait s panouissait et songeait qu elle tait Anna Maria et qu elle allait a la rencontre de Gias F 31 Un tel anthropomorphisme attribution aux objets naturels des pr dicats emprunt s la d termination humaine vise a d montrer que les l ments et les ph nom nes n agissent pas aveuglement ou d une mani re al atoire mais qu ils ont des intentions ils interagissent avec les humains selon des sentiments et des causalit s L anthropomorphisation permet galement de rendre compr hensible l incontr lable l individu n est plus soumis l arbitraire aux caprices des ph nom nes mais les l ments agissent selon les m mes modalit s que lui Humains et ph nom nes participent part gale la construction d un monde o les m mes r gles r gissent leurs activit s Gr ce la m taphorisation Susini met aussi en vidence la douleur du processus de socialisation dont s acquitte Vanina en demeurant enferm e au couvent d tach e de la vie au village Le chagrin de Vanina en pensant ce dont elle est exclue est rapport par le truchement d images Des images luisaient et s effacaient aussit t et cependant je sentais bien qu elles tenaient ensemble qu elles taient bien nou es comme un mouchoir quand on a envie de pleurer et qu on ne peut pas et qu on noue son mouchoir comme cela bien serr PS 58 Dans La fiera la peur r elle dans un premier temps se transforme de par
286. eux ils excluent le p re de leur entit dysfonctionnelle Nous voila donc devant un couple doublement coupable A la culpabilit entourant les motifs de Corvara de se lier Francesco s ajoute celle quelle ressent apr s lui avoir prononc une mal diction ce qui lui a fait quitter le foyer Lorsque le lecteur rencontre Corvara sa f minit est d j subsum e par la question de la faute la sienne notamment mais aussi celle de son mari La maternit de Corvara n est voqu e que comme un 210 6 Une maternit d faillante instrument de vengeance toute transgression de la loi sacr e entra ne un ch timent dont la cible est non seulement la femme mais aussi son enfant Corvara est un personnage tragique dans le sens o elle incarne une personne qui lance Dieu un d fi qui remet en cause la notion de fatalit elle met inlassablement en doute les raisons que peut avoir Dieu de la tenter et n h site pas avoir recours au blasph me Elle est une femme fonci rement moderne puisqu elle prend ce qu elle veut et ne craint pas la transgression des limites peu lui importe que l objet de son d sir soit un homme exclu par la communaut Alors que sa fa on de concevoir sa culpabilit rel ve du monde tragique ses actions rel vent d une sph re d actions marqu e par la libert moderne d agir que connaissent les femmes 6 1 2 M re soumise et effac e Il est de ces m res qui dans un effort dhonn tet et de franch
287. exprimer et dot d une volont libre est loin du portrait que dresse Susini de la Corse de la premi re moiti du XXe si cle notamment dans les relations entretenues entre les femmes de diff rentes g n rations D un point de vue social toute femme acc dant selon Eliacheff et Heinich au statut de la maternit est confront e deux mod les d accomplissement r pondant des aspirations le plus souvent contradictoires soit m re soit femme L ventail des positions de la femme s inscrit entre des p les oppos s tre m re signifie que la femme est le maillon d une lign e familiale d pendante respectable d vou e aux autres procr atrice tre femme correspond aux param tres contraires tre un individu dot d une personnalit sp cifique autonome d sirable se consacrer perfectionner ses qualit s ses comp tences et tre cr atrice Il incombe la femme de concilier les param tres divergents des deux statuts certaines tiennent selon Eliacheff et Heinich des positions m dianes arrivant moduler leur position selon les ges de la vie alors que d autres se retrouvent davantage d un c t que de l autre Dans les ouvrages plus tardifs de Susini le pays d origine des femmes nest pas explicit En r gle g n rale la figure f minine dans ces romans repr sente une femme moderne mancip e laquelle la maternit ne pose pas de limitations dans ses choix concernant sa vie p
288. extualiser dans une nouvelle situation l acte de lire Le passage l criture affecte le discours car le fonctionnement de la r f rence est alt r on ne peut plus montrer la chose dont on parle La chose dont on parle dans l criture est selon l acception ric urienne le monde du texte Si dans le discours oral il y a un r seau spatio temporel qui unit les locuteurs et qui fournit la r f rence au discours les conditions concr tes pour montrer n existent donc plus dans l criture Cette abolition de la r f rence de premier rang effectu e par la po sie et la litt rature est la condition m me de la possibilit de lib ration d une r f rence de deuxi me rang celle de l tre au monde de l auteur Dans cette nouvelle dimension r f rentielle se pose d apr s Ric ur le probl me de fond de l herm neutique celui qui se r sume expliciter la sorte d tre au monde qui se d ploie devant le texte Paul Ricoeur Du texte l action Essais d herm neutique IL op cit p 57 58 45 Ibid p 124 35 Introduction Le monde du texte constitue selon Ricoeur une sorte de distanciation du r el au r el c est dire celle que la fiction introduit dans notre apprehension de la r alit Ainsi la fonction de la fiction est d ouvrir dans la r alit quotidienne de nouvelles possibilit s d tre au monde Elle ne vise plus l tre dans sa modalit de l tre donn mais dans la possib
289. ffection je vous dis merci Dans la mise en sc ne de son texte Susini vit de pr s un des paradoxes inh rents lart du th tre la fois production et repr sentation concr te celui du th tre comme art du raffinement textuel et art pratique Les interrogations de Susini portent sur les modifications que subit la pi ce en tant qu ensemble textuel dans son processus de th atralisation c est dire dans sa transformation pour devenir des signes repr sent s Susini semble ne plus reconna tre le texte v ritable malgr la mise en garde pr alable de Camus En tant qu auteur elle privil gie naturellement son texte se posant simultan ment des questions relatives la production du texte en tant qu objet artistique La coincidence entre le mode d criture et le mode de repr sentation lui para t trop large et dans l cart entre les deux Susini inscrit son doute quant a la r ussite communicative de la pi ce qu elle impute d une part sa propre laboration du texte de l autre au metteur en scene a qui elle reproche par ailleurs d avoir 6t toute chance de r ussite la pi ce par sa fa on de l avoir tir e vers une critique des pr jug s et des superstitions En dernier ressort elle s en remet au jugement de Camus La pi ce est repr sent e au Th tre de l uvre en janvier 1958 Malgr les h sitations initiales de Susini par rapport la r ussite de la repr sent
290. fi vre la m me h te Puis l attendant sans l attendre Puis ne l attendant pas du tout PH 37 La r f rence de l attente est la aussi les pas de l homme tout comme l avenir lointain se d finit eux un avenir o le pas de Serge r sonnera longtemps encore PH 150 dans un appartement o l cho de son pas d homme se heurte aux meubles s attarde a la chemin e PH 151 5 2 Femmes en fuite Dans le sous chapitre ci dessus est pass au crible un couple au moment de sa dissolution les enjeux du moment m me de la rupture entre Manuela et Serge une histoire racont e sous le signe de l immobilisme En fort contraste avec leur histoire la focalisation dans le sous chapitre qui suit s axera autour des femmes ayant v cu des amours dans le pass et qui pour des raisons diverses sont r activ s dans leur vie Ces femmes ont fui ou fuient des couples qui ne leur ont pas port bonheur Dans un premier temps nous nous pencherons sur le roman C tait cela notre amour puis sera examin le roman Les yeux ferm s 5 2 1 En qu te d un assouvissement impossible L amour n a pas de strat gie et il est d autant plus puissant qu il est tranger aux rep res de temps et d espace affirme Fran oise Dolto C est dans la qu te dun tel amour d sint ress et d racin temporellement et spatialement que se lance le roman C tait cela notre amour Entre pass et pr sent entre le je ne sui
291. fs et performatifs de la notion afin de rendre l instrument que le concept d ambivalence repr sente plus aiguis dans l tude des valeurs oppos es simultan ment pr sentes dans la soci t et les discours qui en manent In order to develop the concept in social science terms it is necessary to focus on the normative and performative aspects of ambivalence namely on the ways in which opposing values are shaped by social practices and discourses and on the institutional and individual strategies of dealing with ambivalence These strategies feed back sustaining or challenging structural ambivalences Such an approach requires conceiving the opposing forces not in terms of logical contradictions but as contrary opposites that may be unstable or changing It further suggests a path of analysis that is directed both towards specific situations in which ambivalences are articulated and towards broader discourses maintained by social practices and material Dagmar Lorenz Meyer The Politics of Ambivalence Towards a Conceptualisation of Structural Ambivalence in Intergenerational Relations Gender Institute New Working Paper Series 2 February 2001 58 1 L ambivalence en th orie et en pratique institutions which contain opposed valences one of which may be more dominant the other taken for granted or unmarked Selon Lorenz Meyer les pratiques sociales et les discours fa onnent des valeurs oppos es et le r l
292. gique Les auteurs sardes soulignent les liens qui les nouent leur le alors que les auteurs corses mettent plut t l accent sur l cart qui les en s pare Ceci s explique en partie du moins par des consid rations sur la g ographie sociale et politique Les auteurs corses en question sont tiraill s entre deux p les Paris le lieu d accueil et leur paysage d enfance tandis que la litt rature italienne semble tre plus d centralis e permettant plusieurs centres Andr voque en parall le des consid rations culturelles et linguistiques Les auteurs corses par le fait de ne pas utiliser le corse en crivant semble se placer l ext rieur de leur culture d origine lJ appr hension plus complexe de l le par les crivains corses vient s rement de ce hiatus entre une langue et la r alit qu elle tente de dire Une telle consid ration voque implicitement la question difficile de savoir comment faire la part des choses entre la langue et la culture Le commentaire ne semble pas prendre en compte la possibilit qu un crivain corse peut bien tre bilingue corse fran ais ou pourquoi pas monolingue fran ais se sentant tout fait corse et int gr dans la soci t Ni le fait qu il y a toujours un hiatus entre la r alit et la langue qui tente de la circonscrire quelle qu elle soit L tude la plus importante et la plus complete a ce jour sur Susini est l essai Marie Susini et le silence de Dieu pa
293. git donc pas de remettre en cause son appartenance originelle laire culturelle dont elle est issue mais de mettre l accent sur le processus d exclusion pour une autre cause pinglant son alt rit savoir son choix de se marier avec Francesco en apparence une d cision libre sans l tre v ritablement Dans la Fiera Susini utilise un membre de la belle famille pour stigmatiser l alt rit de Sylvie Dans C tait cela notre amour la distance entre la personne stigmatis e Fabia et la personne qui stigmatise son pere se r tr cit amplifiant de ce fait impact traumatisant de la d signation de l alt rit Dans leur cas le motif de la stigmatisation rel ve certainement du moins en partie du domaine culturel tandis que ses cons quences rel vent du genre le p re m diterran en manifestant sa d ception par rapport au fait que Fabia ne soit pas un gar on en voulant l appeler Personne Le d ni de l existence de Fabia est d autant plus cruel que le p re aurait pu appeler sa fille Quelqu un ce qui aurait eu l avantage de d montrer que m me si pour une raison quelconque il tenait inf rioriser sa valeur du moins il lui reconnaissait une existence celle dont il tait l origine alors que la d nomination Personne la nie Dans Les yeux ferm s la m connaissance du p re a l gard de sa fille se poursuit dans le choix du pr nom de celle ci alors que le p re veut nommer l enfant Arnaud si c est un fils i
294. gressions des normes d Angnola trouvent leur contrepoids dans les injonctions limitatives de sa m re Quelquefois la fusion entre la m re et son enfant est ciment e et fait en sorte qu une tierce personne tente de la briser d une mani re plus ou moins violente et tragique Sylvie par exemple d p rit sous le poids du rapport fusionnel entre sa belle m re Barbara et son mari Matteo Le f minin op cit p 74 344 T ambivalence de la m re tude psychanalytique sur la position maternelle Paris r s 2001 p 11 206 6 Une maternit d faillante Les m res dont Susini brosse le portrait sont issues du pourtour m diterran en elles sont corses dans les trois premiers crits Plein soleil La Fiera et Corvara Dans la soci t corse du moins celle dont Susini offre la repr sentation l individu fait partie de la collectivit plut t qu il n est un individu a part enti re Le priv et le collectif s amalgament La vie est strictement r gl e par les traditions les croyances et des exceptions ces r gles ne sont pas tol r es Le devoir de l individu est de mettre en avant le bien commun au d triment de son propre int r t Ceci est exig aussi bien par l glise que par la communaut et la famille exigence qui incombe souvent la m re dans ses rapports avec ses enfants ses filles voire ses belles filles L id e n e au XVIII si cle en Europe que chacun est un individu unique avec le droit de s
295. hait il ne fallait pas chercher la conna tre Elle ne la saurait jamais PH 37 Or la fin de l histoire Serge ne peut se contenir et se confie Avec tes yeux qui ne savent pas mentir avec cette esp ce de droiture que tu portes en avant comme une banni re d un air d gag C tait comme une constante provocation et il faut me comprendre j avais toujours envie de te mentir PH 109 C est autour de la question de v rit que se creuse l cart de l incompatibilit des deux personnages L aveu est finalement une d livrance que Manuela accepte avec empathie N anmoins par r trospection le lecteur peut jauger l image que v hicule Serge de Manuela avec ce qu il sait d elle la droiture que met en avant Serge est davantage une expression faciale qu une mani re d tre chez Manuela tout au long du r cit l ambivalence de Manuela ainsi que celle de Serge a t mise en sc ne Manuela a t en tout point mall able selon les caprices et les sautes d humeur de Serge en quoi a donc consist cette droiture dont parle Serge sinon davantage en un mode d criture employ par Susini pour mener bout le th me de l in vitabilit de la rupture Pour nous la droiture 169 Deuxi me partie L ambivalence de la femme dont il parle se lit davantage comme le croisement de niveaux narratifs et dans leur transgression que comme un trait de caract re imputable Manuela Dans le monde fictionne
296. hangement dans ses attitudes M me s il n y a pas proprement parler d imposition d un code social le consensus sur les investissements scolaire et religieux semble 280 Nathalie Heinich tats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale Paris Gallimard 1996 p 31 119 Deuxi me partie L ambivalence de la femme l unanimit repr senter la r ussite sociale et un futur assur dans l entourage de la petite tudie Tu vas devenir savante Et alors tu mangeras le pain du gouvernement Celui l seul est s r PS 153 lui conseille une vieille zia crois e sur la route Or la r ussite sociale ne pr occupe pas Vanina pour qui l avenir n est pas une priorit Je n aimais pas la classe Apprendre ne me donnait aucune joie PS 31 La seule chose qui int resse Vanina est le c t pragmatique du savoir le d cilitre n a d int r t que par rapport au petit bol en tain qui contient le lait de la ch vre et l heure ne repr sente qu un savoir qu elle veut reproduire pour avoir le m me statut social que sa m re aupr s des villageois passant lui demander l heure L instruction pour Vanina repr sente l acceptation par ses parents et elle est instrument par lequel Vanina gagnerait de l estime aux yeux de son p re Si elle se r signe toutefois sans r bellion apparente la d cision de ses parents de menus d tails employ s pour d crire son cheminement vers le couvent indiquent toutefoi
297. i Une femme int gre s rieuse rigoureuse m me avec un temp rament fougueux Une femme travaillant m ticuleusement obsessionnellement sur son uvre Une femme qui parle ouvertement de ses tentatives avec la drogue deux avec Michaux trois avec Kateb Yacine y ayant t incit e autant par la fascination que l hostilit et qui consid re ce point de d part peu propice pour en tirer un apport int ressant ayant enfin eu besoin de plusieurs mois pour se r unir sentant qu elle tait sortie de l exp rience amoindrie Femme ambivalente aussi comme en t moigne son attitude vis vis de la drogue attir e autant par les deux aspects oppos s de l aventure 2 1 3 Ala recherche de l absolu dans l amour L intransigeance que Jean Francois Josselin a voqu e par rapport son 127 caract re se refl te sur sa vie amoureuse Le seul compagnon qu on lui conna t est Jean Daniel qui elle avait pr dit Tu criras sur moi quand je 125 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini L cole de lettres IL art cit p 39 12 Ibid p 37 passim 127 Voir sous chapitre plus haut 70 2 L auteur et son uvre serai morte Constatation Souhait Injonction Les propos de Susini l adresse de Jean Daniel ont g n r dans la vaste production de ce dernier des passages parpill s dans divers ouvrages l ments mosa qu s qui lorsque le chercheur s astreint
298. i cle de la France m tropolitaine des ann es 60 et de l aire culturelle m diterran enne italienne nord africaine de la deuxi me moiti du m me 321 Conclusion siecle Dans la fiction susinienne l ambivalence de la m re se traduit comme la mise en sc ne de sa d faillance Le portrait que brosse Susini de la m re corse correspond pour beaucoup l image que nous renvoie la litt rature fran aise en g n ral de la femme corse Cet amalgame de renvois nous offre le reflet jusqu ressembler parfois une caricature stylis e d une femme aust re s v re rigide rude insensible premi re vue cette femme est galement celle trouv e dans la fiction de Susini une Corse typique bien document e dans des tudes anthropologiques et ethnographiques Sous cette surface en apparence imperm able se meut n anmoins telle que la con oit Susini une conscience en proie aux doutes et aux h sitations un peu moins intransigeante que l on ne le soup onne au premier abord C est notamment dans le roman La Fiera 1954 que la m re corse re oit un traitement particuli rement labor dans son uvre Dans La Fiera les questions morales qui s y laborent s articulent entre autres autour de la question de la vertu morale de l individu et plus particuli rement autour de la chastet et de la foi Ces vertus sont acquises et donc l objet d une certaine inculcation Dans la soci t corse ces ver
299. i conf re toute sa coloration aux vocations de ses souvenirs Les ph nom nes naturels provoquent merveillement et enchantement chez la petite Vanina Corvara ou la mal diction repr sente une forme interm diaire dans la conception du r le que joue la nature dans la construction du r cit qui s ouvre sur une temp te de neige anodine qui de part en part se transforme en temp te meurtri re lorsque le corps du pr tre est retrouv au pied du clocher du village La nature est instrument qui r alise les cons quences de la mal diction du couple et notamment du mari M me si cette instrumentalisation de la nature peut tre entrevue galement dans Plein soleil son laboration est pouss e plus en avant dans Corvara ou la mal diction C est pourtant dans Je m appelle Anna Livia que l instrumentalisation de la nature est pouss e son paroxysme Dans ce roman la pr sence de la nature est d s le d but du r cit plus pesante plus mena ante que dans les romans pr c dents participant d une fa on plus sinistre la mise en uvre de l an antissement final d Anna Livia En consid rant la chronologie de l uvre de Susini il est possible de constater que la distance qui s pare Vanina spectatrice jubilatoire d une nature resplendissante s amenuise pour finalement s effacer dans la mort d Anna Livia dans laquelle l tre et la terre se confondent se fondent l un 244 7 Ambivalences spatiotemporelles dans
300. i est le cas de Manuela force d attendre Serge elle se convainc de ne plus l attendre le lendemain car elle veut se lib rer du carcan que lattente lui impose Or sa d cision de ne plus l attendre lui inflige le sentiment d tre prisonni re dans l ins curit 176 5 Femmes en rupture de couple Autrement dit lattente famili re repr sente la s curit pour elle cette anticipation du connu la berce et la tranquillise Ne plus attendre quivaut a la disparition du sens de la vie Simultan ment elle manifeste une certaine lassitude par rapport a l attente Ainsi quand Serge lui demande ce quelle fera par la suite elle pense puis lui r pond Je n attendrai plus PH 39 45 Elle se rend compte que l attente l immobilise alors quelle reste jour apr s jour inlassablement les yeux fix s sur la pendule en face d elle Attendre Parfois elle tentait de lire d couter la radio de dessiner mais vides son regard et son attention revenaient toujours sur les heures immobiles Attendre Elle se disait souvent demain je ne l attendrai plus je me raisonnerai je me ferai violence je m installerai dans la soir e sans l attendre C tait tout aussi terrible Elle attendait alors quelque chose elle n aurait su dire quoi Rien Mais elle attendait Le temps ne passait pas plus vite elle se surprenait fixant la pendule avec la m me application la m me angoisse la m me hate du c ur C tait l attent
301. iale n est pas d voil e au lecteur et la narratrice ne critique en aucune mani re sa conduite ou ses actes Dans ce roman le discours de Susini incarne lattente sociale sur la jeune fille Or parfois nous avons eu en tant que lectrice le sentiment que par la cr ation de cette image d une enfant tel point r d e dans les gestes et les comportements f minins qu est cette jeune fille Susini a moins c d l effort de mimer la conduite que pourrait avoir une jeune fille r elle de cet ge qu l architecture de la narration qui exige la mise en sc ne d un personnage f minin qui fait entrevoir au jeune protagoniste les plaisirs charnels dont sa m re en compagnie de son amant l a rendu conscient Ceci se fait sans pointer du doigt ni transgresser les conventions sociales que le roman veut respecter en cr ant une situation o le gar on d sign comme enfant dans le r cit serait s duit par une femme plus g e et exp riment e que lui Dans cette perspective l image de la fille est contradictoire car au niveau du r cit elle doit tre plus exp riment e que le gar on alors que dans le contexte social d crit ceci serait probablement plus difficilement accept Pour nous l exp rience de la jeune fille mise en sc ne dans le roman se r sume une astuce narrative dont l objectif est de faire office chez le jeune gar on de d clencheur d une prise de conscience d un pan de la r alit jusque l inconn
302. iateur incarnant deux fonctions la fois m diatrice et initiatrice celle par qui la faute s accomplit Anna Livia n est pas d crite explicitement comme une victime au contraire cest elle qui prend l initiative de transgresser la fronti re interg n rationnelle des tabous sexuels et l amour entre fille et p re est d peint sous des traits presque sensuels Entre deux battements du temps le hasard avait tiss leur histoire une histoire toute simple l amour qui scande les pulsations de la terre les avait accord s l un a l autre un instant tr s court l instant fugitif que vivent les toiles qui meurent en s allumant AL 159 D apr s Susini l me rec le des secrets et il n est pas opportun que de tirer au clair ce qui est enfoui L me c est comme le fond de l tang mieux vaut laisser l eau tranquille elle est sournoise si soudain vous prend l envie d en d ranger la surface qui sait ce qu on peut trouver dans le remuement de la vase AL 120 Or dans lunivers susinien ce fond de l me est infailliblement remu ceci permettant au tragique d avoir lieu La contradiction se concr tise du moment que l auteur prononce sa vision que l tre humain ne doit pas tre provoqu r v ler ses secrets et que la paraphrase philosophique du roman est pr cis ment une mise en texte du contraire de cette vision c est dire ce qui se passe lorsque ce fond est remue Anna Livia est une enfan
303. ibr et dialogique d sirant ce qu il y a de mieux pour l enfant un amour non pas centr sur les motions de la m re mais allant a la rencontre des attentes de l enfant un amour altruiste qui se justifiant par des actes mesur s et non pas exag r s un amour filial dont l objectif serait le bien tre physique et psychique de l enfant sans que la m re soit pour autant contrainte de renoncer sa vie de femme Ce qui manque en outre est la mise en sc ne d un amour maternel qui se manifestant par des soins quotidiens preuves de son d sint ressement Ce qui demeure finalement est l image de la m re entach e soit par une pr sence obs dante soit par une st rilit clinique 8 2 L ambivalence culturelle ou les exigences des groupes de r f rence vari s 8 2 1 La plasticit agissante et r troagie de l ambivalence culturelle Les ambivalences s imbriquent d une mani re intime les ambivalences sociologiques et psychologiques sont ins parables tout comme les ambivalences sociologiques et culturelles se recoupent L ambivalence sociologique peut par exemple tre g n r e par l orientation simultan e de l individu vers diverses valeurs culturelles ou des groupes de r f rence vari s ou bien la disjonction entre les aspirations prescrites culturellement et les issues socialement structur es peuvent engendrer un sentiment ambivalent L ambivalence culturelle se distingue de l ambivalence sociologique dans la
304. ice ou figure f minine qui est plac e sur le devant de la sc ne Quelle est alors la diff rence entre les effets voqu s par une narration la premi re personne et une narration la troisi me personne Selon Tadi il existe dans le cas o l auteur crit je non seulement ce qu il appelle une communaut de pens e momentan e entre l auteur et le narrateur mais aussi une ouverture de pens e concernant lacte de lecture le je permet au lecteur de p n trer sans artifice dans la conscience le corps et le discours du personnage La troisi me personne il ou elle oppose de son c t une certaine imperm abilit la p n tration intellectuelle du lecteur La troisi me personne constitue l objet du discours auquel le lecteur a plus de difficult s identifier elle ne repr sente ni le lecteur ni l auteur Sur le je plane l incertitude et le doute fait il r f rence l auteur ou au lecteur D apr s Tadi la narration la premi re personne englobe d une mani re plus pr gnante la pr sence de l auteur m me si le narrateur et l auteur ne se confondent pas Le je cr e galement un lien plus troit entre le lecteur et l auteur alors qu un il ou un elle ne permet pas une telle identification le personnage tant dans ce cas bien distinctement un autre Pour Vincent Jouve une scission dans l instance narrative fait partie du syst me de sympathie que l uvre impose entre le lect
305. idieuse prend souvent la forme d motions corporelles comme par exemple la honte humiliation et la culpabilit ou des sentiments amour admiration ou respect La douleur de la socialisation est d autant plus intense que ces sentiments se manifestent souvent de mani re visible rougissements maladresse etc Dans le cas d Angnola Susini met en sc ne les actes et les pratiques propres cette domination symbolique qu voque Bourdieu et qui met en tat la conversion de la loi sociale en loi incorpor e somatis e Le conflit La domination masculine Paris Seuil 1998 p 62 303 Ibid p 43 34 Pierre Bourdieu Ce que parler veut dire Paris Fayard 1982 p 129 145 Deuxi me partie L ambivalence de la femme int rieur d Angnola se traduit comme un conflit int rieur elle doit s imposer malgr elle une certaine complicit entre son corps qui se d robe aux directives de sa conscience et de sa volont afin de les aligner sur la censure impos e par sa m re et inh rente aux structures sociales de la communaut dont elle est membre Dans un premier temps il s agit pour Angnola de dissimuler son all gresse et son exaltation au regard de sa m re Le soleil regardait les quinze ans d Angnola et mordait le dos de la mamma Au d but de ce jour tout brillant les lans d Angnola se heurtaient au dos raide et malheureux de sa m re qui se hatait dans le sentier Si pr s delle sa m re mais avec ces choses
306. ient selon Heinich le lieu d une ind termination paradoxale dans la mesure o elle peut aussi bien tre ce qui permet l auteur d chapper une place que ce qui permet de se retrouver soi m me en s chappant Il est galement int ressant de noter le noyau paradoxal de cette r flexion savoir que la stabilit prend racine dans l ind termination et inversement que l ind termination est source de stabilit Finalement dans une perspective herm neutique Paul Ric ur voque la notion de nulle part inscrite dans une logique utopique qui d finit le non lieu comme point de d part une trange exterritorialit spatiale partir de laquelle un regard neuf peut tre jet sur notre r alit en laquelle d sormais plus rien ne peut tre tenu pour acquis Le champ du possible s ouvre d sormais au del de celui du r el La question est alors de savoir si l imagination pourrait avoir un constitutif sans ce saut l ext rieur Ricoeur avance le postulat selon lequel utopie est le mode selon lequel les individus repensent les diff rentes manifestations sociales culturelles politiques etc L utopie est surtout un instrument radical de subversion dont le pr requis est son non lieu ou hors lieu De nulle part jaillit la plus formidable contestation de ce qui est d clare Ricoeur Ricoeur accorde ainsi aux notions telles que nulle part et hors lieu des attributs uniqu
307. ier de fabrication des ditions du Seuil sur La Fiera page compacte dat e du 23 juin 1954 5 Lettre dat e du 3 octobre 1954 2 Ibid 78 2 L auteur et son uvre plupart des jaquettes de la maison d dition tentent n anmoins de trouver un aspect nigmatique au roman rendu dans une langue m taphorique Ainsi certaines jaquettes insistent tr s l gitimement sur l aspect tragique de l intrigue qu elles soulignent avec l emploi d images m taphoriques O soleil vieux complice de la mort Il n y a de ombre que dans la mort La mort comme une belle mouche lumineuse Le soir tombe avant la mort Le jour tombe sans vie Repose ma vie la chasse est finie Et Pazur devint glac Tu reverras bient t l aurore Ne te retourne pas matin ton ombre n est plus l D autres propositions de titre correspondent peut tre moins bien au contenu le miracle ne se produisant finalement pas Parfois la mort est un miracle ou parce que la victime para t bien d senchant e par la vie ne repr sentant plus de ce fait l innocence enfantine au moment de la quitter On peut mourir avec des yeux d enfant Le th me de l irr parable est galement mis en avant On ne peut rien ajouter ce qui a t fait atmosph re bien pesante dans le roman D autres propositions encore circonscrivent l action dans l insularit tout en v hiculant une certaine id e pr c
308. ifestation d abandon son habillement est toujours sobre et l gant NA 182 Rigide dans ses habitudes il ne boit ni ne fume De mentalit aust re il s astreint suivre un r gime strict yoga exercices respiratoires et abdominaux NA 180 par tous les temps C est un homme qui ignore l tonnement qui pense l ordre et qui est contre le laisser aller aussi bien dedans que dehors NA 182 183 Pr sident directeur g n ral de sa propre entreprise il est id ologiquement conservateur et prend position contre le mouvement des tudiants notamment en raison du fait que des piquets de gr ve montent la garde autour de son entreprise et que des l ments subversifs NA 182 occupent son bureau Le d sordre occasionn par le mouvement des tudiants le rebute alors que Fabia ancienne tudiante la Sorbonne prouve naturellement de la sympathie vis vis des exigences de ceux ci Peu d importance est accord e ce mariage dans l espace du roman les d tails en sont parcimonieusement r v l s et la rencontre entre Fabia et Fran ois ainsi que leur d couverte l un de l autre demeurent assez peu clair es Aucun lan aucune tendresse aucune passion ne sont d crits Aucun projet aucun investissement personnel des partenaires n est voqu Le lecteur prend connaissance du couple dans les derni res pages du roman au moment o apr s les vocations des d bandades folles aux c t
309. iff rents volets de son histoire personnelle la narratrice finit par invoquer la s paration entre 258 7 Ambivalences spatiotemporelles elle et son fr re impos e par les parents suite a la d couverte de leur acte incestueux Pour terminer le r cit la narratrice constate Et pour la premi re fois j tais seule l heure o le soleil tombe dans la mer C est alors que j ai commenc me souvenir YF 174 Cette r flexion finale participe de toute vidence la cr ation en boucle du r cit qui s ouvre sur le monologue int rieur de la narratrice l adresse de son fr re Des yeux ferm s c est ce que je vis et toi YF 11 Or dans l imm diat ce passage est reli au paragraphe pr c dent relatant la s paration du fr re et de la s ur Dans ce cas le moment de la rem moration suit la d cision de s parer les enfants ce qui para t en d calage par rapport au point de vue du r cit imm diatement voqu La direction d une telle remont e de la m moire insisterait sur le compte rebours chronologique du r cit et non pas sur un renvoi au d but de l histoire ce qui du point de vue du lecteur constituerait un vide ou un illogisme la sc ne renvoie d une mani re trop explicite la situation o elle attend adulte son fr re hotel Peut tre l ambivalence temporelle de l criture n est elle qu un stratag me plus ou moins conscient de l auteur pour soustraire son criture l
310. il devient plus r el que sil avait t v cu AL 173 Or la narratrice corrobore aussit t le doute dans lequel elle a d peint l acte le corps garde fid lement la m moire de cette premi re blessure et aussi de cette premi re pl nitude o l on a touch et le monde et le temps AL 173 la m moire inscrite dans le corps de l tre triomphant sur la m taphysique La narratrice est bien explicite dans son effort de mettre en doute l v nement Mais s tait il pass quelque chose AL 176 Anna Livia qui s est mise a suivre un tranger qui vient passer sur la route meurt puis e d vor e par les vautours le dernier acte renouant ainsi avec l amorce annonc e au d but du roman seule la mort peut tre l issue de cette histoire 4 3 Tentatives d mancipation des jeunes femmes Anna Livia ne cherche pas v ritablement se d tacher de l unit avec son p re au contraire elle la renforce jusqu la briser Dans la production de 22 Fran oise Dolto Le f minin Paris Gallimard 1998 p 54 139 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Susini les enjeux de l mancipation des adolescentes constituant sans aucun doute une question fortement li e aux rapports interg n rationnels en r gle g n rale non pas entre fille et p re l instar de l histoire d Anna Livia mais entre m re et fille Dans une perspective sociologique les relations interg n rationnelles g n rent d
311. il dossier de fabrication de C tait cela notre amour Paris IMEC 324 Prix Nobel de litt rature en 1963 pour l ensemble de son uvre constituant de po sie et d essais o les th mes de la fuite et de lexil sont fortement pr sents 179 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Si la structure de la narration dans Un pas d homme s appuie sur les param tres de la trag die grecque rien de tel dans C tait cela notre amour dont le r cit premier s tend sur vingt ans Le roman tisse son action autour d une rencontre fortuite dans le Quartier latin entre deux amoureux un jour de mai 1968 Fabia croise par hasard Mathieu qu elle a aim plus de vingt ans auparavant pendant l occupation de Paris Le roman peut se lire comme un approfondissement de ce qui se lit en filigrane dans Un pas d homme sont en l occurrence mis en avant les espaces ouverts et les temporalit s tal es dont se souvient Manuela l tudiante contrastant fortement avec sa situation la fin de son mariage o elle se retrouve cantonn e dans son salon se penchant sur l analyse de l chec de son couple Or les h ro nes des deux romans se ressemblent n anmoins a certains gards soumises dans leur mariage elles sont en qu te d un assouvissement impossible travers une relation avec des hommes incompr hensifs aupr s desquels elles s acharnent chercher le salut 5 2 2 Dialectique de la fuite Signal par le vers de S f ris le mouv
312. ilit de pouvoir tre Dans ce processus la r alit subit une m tamorphose a la faveur des variations imaginatives que la litt rature op re sur le r el La t che herm neutique est de discerner la chose du texte et non la psychologie de l auteur Ric ur d finit l herm neutique comme lexplicitation de l tre au monde montr par le texte Ce qui est interpr ter dans un texte cest une proposition du monde que tout un chacun pourrait habiter La mise en valeur de la chose du texte et la proposition du monde d ploy e par l auteur ne pourraient se r aliser sans lecteur Les forces transformatrices du texte ne se r alisent pas sans la subjectivit du lecteur Si le caract re fondamental de tout discours est d tre adress quelqu un le vis vis qui caract rise le dialogue entre uvre et lecteur manque au discours fix par l criture et doit de ce fait tre instaur par l uvre autrement dit l uvre doit cr er son propre vis vis subjectif Pierre Bourdieu explicite le lien entre l crivain et le lecteur ainsi faire de l criture une recherche ins parablement formelle et mat rielle visant inscrire dans les mots les plus capables de l voquer par leur forme m me l exp rience intensifi e du r el qu ils ont contribu produire dans l esprit m me de l crivain c est obliger le lecteur s arr ter sur la forme sensible du texte mat riau visible et sonore charg
313. illissant d un contexte plus ou moins sp cifique dans le temps et l espace et que cette ind termination temporelle et spatiale se refl te dans le discours que constitue le texte crit Le discours est per u davantage comme une cat gorie herm neutique que comme une matrice linguistique et dans cette derni re partie le texte sera per u comme un nonc et l criture comme un acte d nonciation Deux angles d attaque s entrecroisent concernant les deuxi me et troisi me parties l tude de l ambivalence de la figure f minine dans la deuxi me partie sera synchronique dans le sens o elle ne prendra pas en consid ration l uvre dans sa succession ni a vrai dire l volution de la femme mais articulera les ambivalences de celle ci travers l tude de certains cas embl matiques un moment pr cis de sa vie La troisi me partie sera synth tisante dans la mesure o nous tentons d y r sumer l uvre et l ambivalence qui sy manifeste La troisi me partie mettra galement l accent sur l criture alors que la deuxi me partie se veut th matique 42 Premiere partie De la th orie la r alit 1 L ambivalence en th orie et en pratique Avant de nous lancer dans l analyse de l uvre de Susini nous nous pencherons dans un premier temps sur le concept d ambivalence L ambivalence est un terme r pandu qui d voile beaucoup de d finitions vari es selon la science humaine qui le scrute D
314. image de la vieille femme mise en vidence dans les souvenirs qui 182 5 Femmes en rupture de couple d ailleurs sont en quelque sorte aussi des anticipations Par cons quent cette image est galement frapp e d un caract re bivalent On pourrait pr tendre que l ambivalence en tant que notion est condamn e cr er des situations doubles car sans les espaces d attente d h sitations et d entre deux en tout genre on ne voit pas de quoi l ambivalence se nourrirait Nous avons voqu subsidiairement auparavant le fait que la femme se r fugie dans l amiti Quelque peu paradoxalement l unique vasion spatiale v ritable qu effectue Fabia hors de la capitale pendant le si ge de Paris lorsqu elle se dirige vers la campagne normande en compagnie de son ami Vincent est un d placement qui ne peut pas tre caract ris de fuite Autrement dit au niveau du di g tique le mouvement semble correspondre a un immobilisme de l tat psychique de l h ro ne et inversement limmobilisme physique semble accentuer voire acc l rer la fuite de l ame encore davantage La machinerie textuelle semble pr ter le flanc l encha nement de situations de fuite tel point qu en fin de compte elle devient le noyau de la parataxe je pars c est bon Je vais grossir la masse de ceux qui ne savent pas tenir en place qui ont la folie du voyage ceux qui partent en coup s berlines d capotables familiales tra
315. immobilisme lors des retrouvailles avec sa m re alors qu au d part il n a cherch que le regard de sa m re et souhaitait une relation deux symbolique il retrouve une m re qui elle aussi sur un plan symbolique cherche s unir lui cause de ses propres besoins et ceci avec des gestes d plac s Le repositionnement de la m re s effectue dans la phase initiale de l action du fils sa disparition dont elle interpr te correctement le sens puisqu elle abandonne son amant selon le souhait sous entendu par l acte du jeune L l ment qui lui chappe est naturellement l volution du fils apr s son initiation au monde de la s duction lors de son retour Au d part nous avons donc un jeune gar on qui souhaite demeurer dans l enfance et rivalisant avec celui qui est pr sent comme le futur mari de la m re La m re abandonnant son amant face au chantage affectif du fils et inconsciente de la transformation motionnelle s tant produite lors du retour de celui ci apr s sa fugue redevient la fin de l histoire plus m re que femme une m re platoniquement incestueuse S effectue en v rit deux d veloppements diam tralement oppos s alors que le gar on a subi un d veloppement mental et affectif le poussant in vitablement vers l ge 224 Deuxi me partie L ambivalence de la femme adulte et une certaine compr hension des d sirs qui y sont corr l s une certaine r gression semble tre
316. in soleil vers son contraire en mettant en sc ne une figure f minine cartel e entre une conduite spontan e et capricieuse de petite enfant et la conduite sensuelle d une femme en devenir Il s agit d une rencontre r gie par l ambivalence de la fille enfant oscillant entre un statut de fille et un statut d adolescente La position initiale de personnage inactif volue rapidement vers un personnage tr s actif ayant un r le d terminant sur l ensemble de la narration o le regard joue un r le primordial Dans Le premier regard Susini met en sc ne une jeune fille sans indication de nom de douze ans un peu plus g e que Vanina donc incarnant des valeurs des attitudes et des comportements oppos s ceux de Vanina la coquetterie la s duction l initiation dans un monde sexu La jeune fille fait irruption dans le train o voyage le jeune gar on appel plusieurs reprises enfant par le narrateur personnage principal et narrateur d une partie du roman Lui ayant t tout pour sa m re doit un jour c der sa place au nouveau compagnon de celle ci Quitte ne plus revoir sa m re il se met sur un coup de t te suivre un vagabond qui vient passer sur la route traversant son village Au d c s de celui ci le jeune est renvoy chez lui par le train Sa relation avec la m re relation lourde de sens chez Susini sera red finie partir de la conjoncture fortuite bross e dans la sc ne de rencontre s
317. inh rents l ambivalence humaine ABO AKADEMI UNIVERSITY PRESS
318. ini remarque que hormis les mythes grecs il y a peu d ceuvres litt raires qui se consacrent stricto sensu l inceste Une importance 25 Sous la direction de Carmen Boustani et Edmond Jouve Paris Karthala 2006 p 211 221 216 Tbid p 221 7 Adamson Ginette d Latin American and Francophone Women Writers Volume II p 153 161 18 Articles publi s en 1991 et 1992 dans les nos 1 3 12 Cahiers d Errata no 1 p 24 2 Op cit p 25 96 2 L auteur et son uvre particuli re est accord e l tude de la fonction de la voix A l instar de l essai de Martinoir Albertini met un accent particulier sur laxe espace temps Dans la deuxi me partie est analys e la mort d Anna Livia comme symbole de la dette symbolique Confront e l histoire biais e du p re et de la m re entre c t m re absence d amour et c t p re la dette en attente Anna Livia ne recule pas devant les attentes son gard Dans la partie finale Albertini d montre la part de chaque membre de la famille dans le destin tragique d Anna Livia caract ris e comme une gar e du d sir L analyse aboutit au constat que la mort Anna Livia n est pas la somme d l ments m tonymiques mais qu elle constitue la m taphore de la dette symbolique Dans Particle L change et le don entre conomie et anthropologie P essai La renferm e la Corse est tudi d un point de vue ethn
319. ins m avaient mise au monde NA 110 m me si sa conception par son p re n est pas remise en question Fabia dans Les yeux ferm s est galement hant e par les rapports entre m re et fils plus forts qu aucun autre Mais que peut faire une femme qui aime son enfant et qui le perd que peut elle faire sinon mourir Te souviens tu combien plus fort que l amour de Marie pour son Fils fut celui de Lena Madalena pour Tchech Anton te souviens tu YF 95 Les relations entre m re et fils peintes dans La Fiera Corvara et Le premier regard ne font qu amplifier cette image d une relation privil gi e entre les m res et leurs fils adultes exempte de toute ambivalence selon la r flexion freudienne Cette mythification ou sacralisation de la m re et de son rapport avec son enfant souvent de sexe masculin n est pas sans lien avec les r flexions psychologiques sur les relations incestueuses entre les parents et les enfants La mythification et la sacralisation de leur lien est une justification de la mise l cart soit du p re soit de la fille la s ur de la relation privil gi e entre la m re et son fils Elle met galement en valeur la passion de la m re incapable d aimer autrement que dans la d faillance d une relation avec le p re ou avec un homme occupant le r le du p re Dans la fiction de Susini la d biologisation qui a lieu entre la m re et son enfant se produit dans le lien o la biologie forme u
320. insuffl l nergie n cessaire pour poursuivre mes recherches en parall le avec une charge d enseignement relativement lourde Je remercie vivement tous mes amis qui m ont encourag e et soutenue tout au long de mon chemin Leur aide a t essentielle pour la concr tisation de cette th se et je suis tr s heureuse de pouvoir partager ce moment avec eux Cette extraordinaire aventure a t possible gr ce au soutien infaillible de ma famille Je remercie tr s affectueusement mes parents qui in branlables comme les Calanques de Piana en Corse ont cru en moi et en mes capacit s mener bien ce projet Je remercie chaleureusement ma m re pour nous avoir tr s t t ouvert la porte du monde merveilleux des livres et nous avoir montr l impact que les textes exercent sur nous J esp re avoir transmis cette passion pour la litt rature mes enfants Nicolas M lanie Nathalie et Manuel A tour de r le vous avez grandi avec une maman pr occup e par l criture Jamais vous ne m avez fait grief du temps que j ai consacr aux recherches alors que c tait du temps que j aurais d et voulu passer avec vous Je vous remercie du fond du c ur pour votre affection votre compr hension et votre indulgence Mon chef d uvre ma plus belle r ussite c est vous Avec tout mon amour je vous d die cette th se bo le 8 d cembre 2011 Mia Panisse REMERCIEMENT S ectisccosicasniaastdccsietecdenconetsatwsteenenceotensscanctenveca neat
321. int rioris es des jeunes femmes taciturnes et soumises Les jeunes femmes ne sont pas pour autant r compens es pour s tre gentiment adapt es au processus de socialisation mis en uvre par les parents Au contraire les attentes sociales leur gard se resserrent encore davantage car plus l ge de la jeune femme approche celui consid r comme tant appropri pour un futur mariage plus les enjeux de la famille sont importants il sagit pour la jeune femme de trouver un compagnon qui non seulement lui retourne son affection et son amour mais qui du point de vue de la famille peut assurer la jeune femme et en corollaire sa famille d origine un statut socialement et conomiquement acceptable La conduite de la jeune femme doit tre socialement sanctionn e de fa on se transformer en pr requis pour l accession la r compense que constitue un mariage accompli tous gards Or il existe un conflit entre la norme sociale telle qu elle est mise en uvre par la m re et celle formul e par d autres habitants de la communaut Alors que la m re est tr s r probatrice et surveille excessivement la conduite de la jeune femme un autre discours entoure celle ci celui prenant la d fense de la jeune femme Une occurrence mettant en valeur le discours contradictoire entourant la jeune femme peut tre relev e dans le roman La Fiera En discutant du caract re docile de Nunzia Tchatcha un villageois voque la can
322. int de d part de l analyse d une uvre Il d signe ce proc d comme extr mement p rilleux puisqu il nous fait d cider avant toute analyse de quoi on parle dans tel ou tel lieu du texte Nous partageons la vision de Derrida et de Charles selon laquelle la fixation de l objet d tude de l analyse un seul theme peut simplifier in extremis l uvre et lui ter sa complexit voire n gliger de prendre en compte les chos et les interrelations entre les structures des diff rentes parties de l uvre Il n en reste pas moins que comme constate Erich Auerbach dans Mim sis m me si la m thode de l analyse des textes laisse une certaine libert l interpr te ce qu il affirme doit cependant se trouver dans le texte Si l interpr tation est orient e par une certaine intention la forme de cette intention ne prend forme que dans le jeu de l ex g se Auerbach poursuit Dans des tudes de ce genre on n a pas affaire des lois mais des tendances et a des courants qui sentrecroisent et se compl tent de diverses mani res Il y a ainsi un point de tangence entre Auerbach et Charles quant aux lois qui r gissent la lecture du critique et auxquelles ce dernier n chappe pas La rh torique de la lecture labor e par Michel Charles va dans le m me sens Sa th orie s appuie sur l id e que dans le texte s instaure un jeu de relations que la lecture doit r v ler La lecture serait inscrite dans le text
323. ion de ambivalence telle qu elle est con ue en psychologie et en psychiatrie nous pouvons postuler que pour d aucuns l ambivalence caract rise un tat plus ou moins g n ral de confusion ou un espace transitionnel tandis que pour d autres le terme comporte un haut degr de conflit envers un ph nom ne 1 2 L ambivalence en sociologie L individu ne vit pas en ermite mais en interrelation avec autrui Comme les d finitions plus haut l ont soulign ambivalence est un sentiment vis vis de quelque chose ou de quelqu un l aspect interrelationnel est inh rent a son essence Au vu de cela la sociologie n a pas manqu de faire de Ibid p 71 Cit en l occurrence d apr s Bethany Albertson John Brehm R Michael Alvarez Ambivalence as Internal Conflict in Stephen C Craig d Ambivalence and the Structure of Political Opinion Gordonsville Palgrave Macmillan 2005 p 16 55 Premi re partie De la th orie la r alit l ambivalence une de ses notions phares dans l tude des rapports entre l homme et son environnement social 1 2 1 Statuts et gamme des r les La notion d ambivalence a t centrale dans la sociologie classique labor e partir des sociologues allemands Max Weber 1864 1929 et Georg Simmel 1858 1918 Dans la sociologie classique ambivalence sociale d signe la combinaison n cessaire mais souvent impr gn e de conflit entre lob issance aux normes et la
324. ion est le personnage En outre la place de la voix de l auteur n est pas limit e aux didascalies dont le r le est de formuler les conditions d exercice de la parole mais elle peut galement s exprimer dans le dialogue Inversement l auteur peut effacer sa voix en n ayant pas recours des l ments didascaliques Quand la m re dans Corvara ou la mal diction prof re qu il vaut mieux prendre garde que d avoir tre jug et condamn Et d avoir a se faire pardonner C 260 la suppression de didascalies d terminant les conditions d nonciation renforce l aspect sentencieux de la r plique Il y a un double ent rinement de l nonc proverbial par son contenu et par l omission des didascalies c est dire les l ments indiquant que l nonc se trouve l int rieur de lacte communicatif plus global qu est le discours th tral Le discours de Susini s av re hybride dans sa perm abilit le discours d autrui s immisce dans sa narration diluant l nonc qui devient un discours tranger l auteur Les inflexions de la voix de la narratrice et les traces qu elles laissent y entrevoir ou saisir plus concr tement permettent au lecteur de percevoir le personnage sur un axe glissant entre une repr sentation distanc e et un effet de r el li un degr dillusion moins important Le discours devient proprement ambivalent d aux tensions et aux conflits que ces discours cr ent entre eux da
325. ion et que la vie sociale men e l ext rieur aux c t s d un homme repr senterait la vraie vie La v rit susinienne est plus complexe que cela l espace ext rieur ne procure pas non plus la femme la sc ne de son panouissement Manuela est humili e en public par son mari et l espace int rieur ne constitue pour elle ni un havre de paix ni un lieu de ressourcement Dans La Fiera la maison symbolise non seulement l oppression et la soumission de la femme mais sa valeur symbolique n gative y est pouss e encore plus loin dans la mesure o elle est galement associ e au d risoire et la d sillusion Sylvie n aura jamais la maison que son mari lui promet r p tition sans l intention de tenir sa promesse car il est trop faible pour tenir t te sa m re qui s y oppose Du couvent o est confin e Vanina jusqu la maison o Anna Livia se livrera l inceste avec son p re l espace ferm dans la production de Susini nest pas un refuge o l on se retire pour un moment de r pit mais une prison mentale ou un lieu o le mal survient cest un lieu que le personnage principal souhaite quitter d une mani re ou d une autre Une issue cette prison r elle ou imagin e est la fuite offerte par l imagination l instar des associations qu voquent les images du livre de classe de Vanina A travers les images bleu et or de mon livre de messe venait moi la femme l ombrelle tel un tournesol
326. iquement rien sur l apparence ext rieure de Vanina et aucun moment ses particularit s de caract re ne sont d crites compl tement Il n y a que quelques indications dans ce sens dont la premi re est fournie par une citation englob e dans les pens es de Vanina emprunt e la m re Elle a parfois un visage sinistre cette enfant pense cette derni re PS 17 18 et la seconde galement imputable la m re rel ve la nature sauvage de Vanina PS 67 L approche du caract re de la fillette de la part du lecteur doit de ce fait davantage s effectuer obliquement par les descriptions qui sont faites delle dans les passages descriptifs incluant notamment la nature omnipr sente dans le r cit Les liens entre la psychologie du personnage et la description de la nature ont t relev s entre autre par G rard Genette Selon Genette les descriptions assument deux fonctions essentielles dans l conomie d un r cit la premi re est d ordre purement esth tique et assigne aux passages descriptifs le r le d une pause ou d une r cr ation dans le r cit La deuxi me fonction plus manifeste dans la litt rature r aliste est d ordre explicatif et symbolique l aspect descriptif du r cit tend la fois r v ler et justifier la psychologie des personnages Si la premi re fonction mentionn e par Genette est utilis e dans Plein soleil pour toffer la temporalit de l enfance cest notamment la deuxi me
327. ir de cette r solution par la 195 Deuxi me partie L ambivalence de la femme explicite Heinich par fuite qu est la dissolution de soi dans le n ant rapport a cet acte cl que peut offrir la fuite dans le suicide dans un roman Le suicide constitue une fuite hors du r el un r el trop lourd a accepter par des tres guett s par la r signation face une vie trop difficile g rer Sefarad semble au premier abord une jeune fille avide de la vie elle conna t les joies du sentiment amoureux avec le russe Karl Jeromos le seul homme qui lait mue YF 74 Pourtant l image de soi de Sefarad est construite dans la n gativit Chez moi tout cr ve les hommes et les plantes YF 93 94 se pr sente elle Elle a r ussi la prouesse laquelle d autres h ro nes susiniennes aspirent elle est pass e au del de la g n alogie Je suis all e tout au bout hors des racines Le fond je lai atteint et sur tant de sable rien ne tient debout Dans l ar ne o se passe toute histoire bern e corch e vive tourn e en ridicule jai perdu mon nom et jusqu mon visage La mort m a fr l e comme colin maillard et perfide d loyale furtivement elle a gliss sans me marquer et la folie aussi dans l paisseur du r ve avec des points de rep re fait de r ve aussi Au vide je dois un accord neuf et dans ma chambre d h tel seule vit une fleur dans un verre YF 36 De part en part
328. ire Dans cette perspective une pr sentation de la vie de Susini aide mieux cerner les particularit s d une uvre tissant des liens indissolubles avec le v cu de l auteur 10 Jean Bessi re Principes de la th orie litt raire Paris PUF 2005 p 248 102 C cile Oumhani A fleur de mots La passion de l criture Montpellier Editions Ch vrefeuille toil e 2004 p 63 64 2 L auteur et son uvre La construction de l univers fictionnel chez Susini est le produit d poques loign es les unes des autres D un c t si nous prenons titre d exemple le personnage un des moteurs du r cit la psychologie d un personnage est historiquement variable La notion de la subjectivit fluctuante n avait pas le m me lien privil gi avec un moi psychologique tel que nous l entendons de nos jours dans les trag dies classiques o les repr sentations de la personne dominantes dans une autre culture une autre poque diff raient sensiblement de celles d aujourd hui D un autre c t le personnage se fait en accord avec la psychologie r gnant au moment de sa cr ation dans la culture o il prend naissance un moment historique pr cis c est dire dans le cas de Susini pendant la deuxi me moiti du vingti me si cle Les ouvrages de Susini amalgament non seulement des affinit s pour des repr sentations culturellement et historiquement vari es mais elle les saisit dans leur mouvement
329. ire fuir cette chose qui s avance et qui va tre dite et qui va engloutir Le malheur luit et dispara t 254 7 Ambivalences spatiotemporelles court et se perd fr le et s vanouit et revient brusquement avec un roulement de tonnerre en une masse de torrent F 94 Forces naturelles rendues humaines motions humaines transform es en des isotopies esth tiques utilisant la fonction po tique de la m taphore Susini effectue un constant glissement de sens Au sens de Ricoeur tre devient dans ses textes tre comme avec l accent sur comme sur la force de la comparaison 7 3 L ambivalence temporelle ou I h et roclisme d un temps uniforme L ambivalence temporelle se manifeste dans la fiction de Susini en premier lieu comme une incapacit des h ro nes investir pleinement le pr sent A ce non investissement s ajoute une constante oscillation entre le pr sent et le pass o les actions du pass ont une pr pond rance positive par rapport au pr sent plus complexe et charg de d fis Les actions pass es n enrichissent pas n cessairement la vie de l h ro ne mais les nourrissent en constituant une source de souvenirs nostalgiques inlassablement actualis s L ambivalence temporelle est complexifi e du fait que le temps s imbrique inextricablement avec la notion d espace comme l illustre d une mani re minemment heureuse une citation tir e de Plein soleil La narratrice se rem more les
330. ire que se joue le d sappointement de Sefarad Hormis Tahr qui manifeste certaines attentes sur les femmes les hommes dans la fiction de Susini acceptent l mancipation de la femme sans difficult Si le couple ne dure pas ce n est pas a cause de l opposition de Phomme vis a vis de la libert de la femme l chec est plut t d l incompatibilit des caract res aux attentes individuelles oppos es et a une profonde ambivalence de la femme par rapport son r le dans la vie et dans son couple 8 1 4 D une maternit obs dante une maternit oubli e Le discours sur les m res et la maternit dans la fiction de Susini va de la mise en forme fictionnelle de la m re accomplissant son r le social de perp tuatrice de la norme sociale lourdement consciente de sa mission la m re indiff rente emp tr e dans des questionnements existentiels oubliant quasiment sa fonction maternelle L image de la maternit est intimement li e l arri re fond social que Susini brosse dans ses textes la m re est plus pr sente m me dans son absence insistante dans son rapport sa fille dans les romans portant sur la Corse o traditionnellement la m re a donn plus de valeur au fils que dans les romans mettant en sc ne des femmes vivant en ville o elle peut oublier qu elle a un enfant comme c est le cas avec la m re qui se trouvant un amant n glige son fils dans Le premier regard ou Fabia dans C tait cela no
331. iriques de leur validit Notre objectif ultime n est pas de submerger l uvre de Susini dans un oc an de th ories mais plut t d immerger les th ories dans une uvre qui de par sa singularit engendrera esp rons nous sa propre universalit gt Umberto Eco Interpr tation et surinterpr tation Paris P U F 1996 p 20 gt 83 Ibid p 37 Ibid p 59 Interpr tation et surinterpr tation op cit p 59 Cette d finition suffira pour nos fins Rh torique de la lecture op cit p 118 Ibid p 96 40 Introduction D marche d tude Dans l objectif de procurer un cadre th orique au concept de base de notre analyse nous pr sentons dans un premier temps la gen se de l ambivalence en tant qu objet d tude scientifique notamment psychologique et social afin de d finir le concept central partir de son volution et de fournir un survol de ses multiples facettes Les param tres de l ambivalence utilis s dans l tude de la fiction de Susini sont justifi s dans ces th ories introductives et se trouvent affirm s par elles L ambivalence telle qu elle a t mise en fiction en litt rature est aussi mont e en pingle afin de donner un aper u historique du concept en guise de caisse de r sonance notre propre tude Suit une pr sentation de la vie et de la personnalit de Susini tr s connue dans les cercles litt raires parisiens mais dont le rayonnement est demeur relat
332. isations l un conceptuel l autre th matique Dans le chapitre qui suit l espace physique qu il s agisse de l espace ouvert ou ferm sera notre premier objet d tude Si la notion d espace joue un r le primordial dans la conception des enjeux de l amarrage de l individu dans la r alit la notion de temps est tout aussi cruciale En aucune circonstance l me ne peut se d tacher du temps d clare Bachelard S arr ter de couler serait s arr ter de subsister en Le temps sensible Paris Gallimard 1994 p 35 237 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture quittant le train du monde on quitterait la vie S immobiliser c est mourir souligne t il Chez certaines figures f minines dans l uvre de Susini la femme quitte justement ce train du monde dont parle Bachelard sa vie s arr te de couler et elle s immobilise non pas tant physiquement que psychiquement et moralement ce qui ensuite l entra ne sa perte L ambivalence spatiale qu elle ressent est nettement li e avec l ambivalence temporelle elle investit un lieu o elle ne tient point tre dans un temps qui n est pas le sien elle se r ve ailleurs que cet ailleurs soit une autre localisation existant dans la simultan it des v nements au plan du r cit ou dans un pass constamment actualis 7 1 Un discours jailli d un lieu ind termin Avant d examiner plus
333. ise ou tout simplement par inadvertance transmettent leurs enfants de l information sur les circonstances de leur mise au monde et sur leurs diff rents ges de l enfance et de l adolescence l ments qui ne participent pas n cessairement a une construction identitaire profitable pour l enfant La m re de Fabia dans C tait cela notre amour compte parmi celles ci Elle adh re aux valeurs traditionnelles et se conforme aux r les et aux attitudes patriarcales se soumettant la volont du p re et s effacant derri re celle ci ce qui fait que le r le du p re s accentue lorsqu on cherche une compr hension plus approfondie du comportement et des agissements de la m re L identit de la m re se dilue et se fond avec celle du p re d o l importance de son inclusion dans l analyse A l instar de la m re dans le roman Le Premier regard la m re de Fabia dans C tait cela notre amour est d crite par l enfant Fabia fille adulte au moment des v nements La mere n est pas impliqu e dans une intrigue a proprement parler mais est d crite dans une analepse Comme a son accoutum e Susini ne lui a pas attribu de pr nom Il s agit d une domestique pour laquelle le patron de l exploitation o elle travaillait a succomb Venue avant terme dune union d o le sentiment tait exclu un arrangement le mariage de mon p re il avait pous sa bonne je n tais pas attendue moi fille je fus rejet e par mon
334. ise en question de la notion de Sujet de l identit de l individu Zima montre dans son analyse qu il existe dans la Recherche du temps perdu un lien serr entre la place qu occupe la psychologie et l importance de l ambivalence lorsque l ambivalence augmente volution suite laquelle les personnages deviennent opaques et m connaissables la psychologie devient de plus en plus importante 1 3 3 Note sur les tudes de l ambivalence dans la litt rature D autres ouvrages se focalisent sur l analyse d une uvre sans pr tendre au d veloppement d une m thodologie Ceci est le cas de deux tudes sur des auteurs germanophones Ambivalence and Irony in the Works of Joseph Roth par Celine Mathew et Ambivalence Transcendez A Study of the Writings of Annette von Droste H lshoff par Gertrud Bauer Picar Mathew pose comme point de d part son analyse l ambivalence de Roth vivant dans une angoisse existentielle incapable de choisir entre par exemple le judaisme et le catholicisme et d gage de son ceuvre la figure dhommes et de femmes aussi contradictoires que lui seuls et malheureux Frankfurt am Main Peter Lang 1984 8 Columbia Camden House 1997 62 1 L ambivalence en th orie et en pratique sans foi ni id ologie Parmi les l ments stylistiques utilis s par Roth pour v hiculer son ambivalence Mathew range notamment l ironie Bauer Picard n analyse pas l ambivalence en tant que theme dans l
335. ise le cas de Fabia c est qu elle puise la fuite de son partenaire dans la mesure o au d part la fuite ne lui est pas inh rente Fuir n importe o Voila que a m a prise mon tour sans raison Les lumi res de Marseille en tages devenaient minuscules entraient peu peu dans la nuit et l le besoin imp rieux de m en aller ailleurs Etre ailleurs Et aussi dans le m me temps le d sir brutal d tre immobile arr t e NA 159 Ainsi ambivalence entre comme composante dans la dialectique de la fuite et du r pit A chaque fois que je me mets en route je suis ainsi cartel e En partance toujours ailleurs Avec toujours la m me nostalgie de la petite maison de mon r ve ce coin perdu entre mer et montagne un arpent de terre je suis cette femme lombre d un olivier les enfants tout autour l homme aux champs NA 159 160 Dans le cas de Fabia cette dialectique ambivalente de la fuite s imbrique dans le theme des souvenirs voqu s dans un espace temporel ind cidable Vie ou souvenir de vie Pr sent aujourd hui ou d alors on ne sait plus tr s bien s ils sont a vous ces souvenirs si ce sont vraiment des souvenirs tous ces moments la NA 161 Le doute par rapport aux souvenirs est motiv par l image de la femme voqu e dans la citation plus haut une image mettant davantage en avant la m re de la narratrice quelle m me Deux identit s se superposent dans l
336. it s est mis en uvre d s les premiers instants de leur rencontre Manuela incarne l attachement inconditionnel de la femme au d sir de maintenir l unicit du couple au 166 5 Femmes en rupture de couple d triment de son panouissement personnel A travers le personnage de Manuela Susini met en sc ne une femme qui est dans l incapacit apprise de sextraire de la domination conjugale Manuela s impose l interdiction d exprimer ses col res et loubli de soi au profit de son mari et de son couple est la caract ristique de sa vie La non affirmation de ses d sirs et de ses besoins la transforme en une victime que l homme devrait pense t elle savoir secourir et prot ger Or avec Serge elle se heurte infailliblement la d ception et la d sillusion il ne la sauve pas mais l enfonce au contraire davantage dans l ins curit et dans la peur Serge conscient de l exigence de protection de Manuela la d tourne contre elle il lui en voulait d avoir besoin de lui pour respirer il lui en voulait de ne pouvoir trouver en lui m me ni assez de force ni assez d amiti ni assez de confiance pour la sauver PH 133 Chacun est confin dans l incapacit de fournir la force r g n ratrice l autre et faute de revitalisation r ciproque des sentiments chacun demeure d pourvu de l amour de l autre Serge ne se tient pas seulement une certaine parcimonie des sentiments mais va encore au del I
337. it f minine et la p riode de grossesse constituent encore de nos jours un p le de fascination de l imaginaire ainsi qu un refuge pour le sacr pour la religiosit moderne l au del ne 231 Deuxi me partie L ambivalence de la femme serait plus au dessus de nos t tes mais dans le ventre maternel pr tend elle Alors que la psychologie moderne s est beaucoup pr occup e de la n cessit des d faillances et des suppl ances de la fonction paternelle il manque selon Kristeva une r flexion non pas sur la fonction maternelle dont elle se distancie mais sur la passion maternelle prototype de tous les liens amoureux qui a su r sister toutes les manipulations id ologiques et religieuses Kristeva insiste sur le fait qu il s agisse d une passion maternelle et non pas d une fonction dans le sens o les motions d attachement et d agressivit li es l enfant se transforment peu a peu en amour doubl par son corr lat la haine plus ou moins att nu e Ainsi un aspect n gatif habiterait d embl e la passion maternelle dans le sens o l entend Kristeva Dans l laboration de sa r flexion la m re est au carrefour de la biologie et du sens d s sa grossesse La passion maternelle d biologise le lien l enfant sans pour autant se d tacher compl tement du biologique l agrippement et l agressivit tant toujours en voie de sublimation crit elle Kristeva rappelle q
338. it t crit sur ambivalence Ambivalence and Irony in the works of Joseph Roth Frankfurt am Main Peter Lang p 12 46 1 L ambivalence en th orie et en pratique celui qui l a tu A la lumi re de la r flexion aristot licienne il semblerait que l ambivalence motionnelle qu prouve Chim ne ferait delle un tre dont les sentiments ne seraient pas en accordance avec les fins morales pr conis es par Aristote car une certaine honn tet motionnelle exigerait qu elle r solve son conflit interne en renon ant au ressentiment envers l assassin de son p re D autres pi ces de th tre c l bres dressent des questionnements sur l ambivalence analogues ceux suscit s par le texte de Corneille par exemple la pi ce Rom o et Juliette de Shakespeare ant rieure la pi ce de Corneille dont le titre entier est The most excellent and lamentable tragedy of Romeo and Juliet mettant en vidence la situation la fois excellente et lamentable de la situation amoureuse des deux protagonistes Juliette et Rom o L ambivalence est donc un des tats qui caract risent tout tre un moment ou un autre dans son positionnement face aux valeurs pr sentes dans le monde ordinaire et c est un concept qui comme tout autre est sujet des attitudes et des efforts interpr tatifs vari s 1 1 L ambivalence en psychologie et en psychiatrie L tat ou le sentiment d ambivalence avec tout ce que cela compor
339. it heureuse F 48 La narratrice dans Un pas d homme offre une image plus blas e de la joie en d crivant Manuela au seuil du divorce Que tout cela ne m ne rien qu des joies dor es de poussi re PH 116 Dans le cas o le narrateur tient voquer la nostalgie de l enfance sous des apparences favorables il est peu tonnant que les m taphores soient positives Chez Susini il s agit de souvenirs associ s la lumi re et au soleil Ce genre de m taphorisation est mise en sc ne par les vocations de la narratrice dans Plein soleil Le bourdonnement des gu pes le chant de la lumi re ruisselant sur la route blanche les flots du soleil qui tombaient drus sur les cailloux de la rivi re me plongeaient dans une all gresse telle que javais envie d embrasser ma mere PS 44 Les caract ristiques d un l ment sont pr t es un autre l ment pr sent dans la phrase La m taphore affuble la lumi re d attributs humains chanter ainsi que de caract ristiques typiquement associ es un liquide ruisseler flot plonger 382 Paul Ricoeur La m taphore vive op cit p 10 251 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture qui habituellement procurent des sensations agr ables l individu conf rant ainsi la lumi re paisseur et fluidit Dans la m taphore les essences les sensations et les perceptions concourent pour cr er une image holistique
340. itime mari e la seconde la ma tresse ill gitime et la tierce la femme dont l ind pendance conomique se paye d un renoncement la vie sexuelle Les ambivalences de l mancipation f minine Paris op cit p 8 26 Introduction tous ces romans comme c est le cas chez maintes autres femmes crivains l univers susinien est marqu par un effacement du personnage masculin qui n arrive pas faire le poids face aux femmes S il existe sa pr sence est d nu e de consistance et de force Cet effacement de la figure masculine ne doit n anmoins pas masquer le fait que tout en focalisant sur la femme en crivant la femme Susini voque un univers s inscrivant pour une grande partie dans une id ologie patriarcale son uvre est une manifestation d un monde fortement r gi par l inconscient androcentrique Par cons quent c est la femme qui tient le devant de la sc ne dans l imaginaire susinien vision qu elle explicite dans les termes suivants Ceux qui m attachent le plus sont les femmes ou les tr s jeunes ou les tr s vieilles dit elle Et des gens pauvres en g n ral C est elles qui ont la force le courage la vertu au sens aussi bien chr tien que latin L homme saisi dans le regard de la femme n apporte pas beaucoup Il faut le chasser comme dans Un pas d homme il se suicide dans Anna Livia il ment dans les Yeux ferm s il se laisse mourir dans Corvara il n arrive pas tenir t
341. ive plus globale Muhsin Jassim Al Musawi consacre son livre Postcolonial Arabic Novel Debating Ambivalence analyser la sc ne postcoloniale dans la narration arabe originaire du Maghreb de l Egypte et du Moyen Orient Le contexte postcolonial est con u dans l tude non seulement comme un cadre historique mais notamment comme le fond sur lequel se recoupent des questions d identit d individualit de conflits et de contacts interpersonnels Comme le montrent ces quelques ouvrages mentionn s ci dessus l ambivalence comme th me litt raire peut rev tir de multiples aspects Alors que certaines analyses se focalisent sur un auteur dont l uvre est tudi e l aide d une approche monolithique d autres tudes ont t men es dans un esprit d clectisme plus prononc La relation entre la vie de London Macmillan 1989 100 Leiden Boston Brill 2003 63 Premi re partie De la th orie la r alit l auteur et l analyse varie galement alors que l ambivalence en tant que constante dans la vie de Joseph Roth sert de noyau dans l analyse de son uvre l approche de Gallant dans son tude sur la po sie de Shelley laisse une plus grande marge d interpr tation entre la vie et l uvre Notre travail ressemble certains des travaux cit s plus haut par notre volont de focaliser sur une uvre sp cifique celle de Susini mais en diff re par son insistance sur lunivers romanesque tant do
342. ivement restreint aupr s du grand public Le chapitre sur la vie de Susini tient d montrer un lien entre son temps sa vie et sa fiction Un des pr requis de notre tude est que la fronti re entre vie et fiction n est pas tanche et que tout comme la vie se nourrit de fiction les fondements de la fiction sont chercher dans la vie r elle m me si d m ler ces rapports constitue un d fi Ici nous mettons galement en avant la gen se de ses textes et pr sentons une chronologie de son uvre afin de donner un survol de l volution de ses th matiques La r ception acad mique sera discut e tout comme la r alit hors texte sur laquelle il faudra certainement lire du moins en partie son uvre et la r ception m diatique dont le r le a bien s r t de v hiculer le contenu des ouvrages mais dont les nombreuses voix ont particip a cr er une certaine image de l crivain et de son univers intime Dans les derniers chapitres de la dissertation nous exercerons notre vigilance critique sur les diff rentes manifestations de l ambivalence telle qu elle se traduit en forme textuelle chez Susini Dans la deuxi me partie nous soumettons les textes de Susini une tude a travers l optique ambivalente Cette partie soit l analyse de l ambivalence de la figure f minine dans la fiction de Susini constitue le tronc du pr sent travail L analyse des figures f minines suit leur d veloppement biologique psychique et le
343. ivers innocent de Vanina dont l unit conna t certes quelques fissures la fin du r cit bascule via un r cit qui joue sur la scission du code de sympathie du lecteur il sympathise autant avec Sylvie qu avec les femmes repr sentantes de la soci t qui indirectement causent sa mort dans La Fiera dans le faux proc s de culpabilit de Corvara dans la pi ce qui porte son nom Dans Plein soleil les repr sentations culturelles consignent la jeune fille enfermement sous pr texte de lui fournir une ducation Dans La Fiera le code culturel force la femme suivre un sch ma comportemental si restreint qu elle conna t la mort au propre et au figur et dans Corvara le poids du construit culturel du mod le f minin est tel qu il r ifie Corvara en la p trifiant dans un mod le ancestral de femme mythique Le pi ge du construit culturel du mod le f minin se manifeste de fa ons diff rentes dans la trilogie en ce qui concerne Vanina il s agit de d jouer l ali nation f minine entreprise en bas ge en mettant en sc ne la mani re dont le halo sacr immuable de la foi et le respect inconditionnel pour les parents s effondrent Dans La fiera s op re une inversion des r les des personnages et une dilution dans les priorit s des ph nom nes mis en doute la r sistance explicite appel e par la x nophobie manifest e l gard de Sylvie est touff e au niveau du r cit alors que la r sistance des jeunes fill
344. ividuellement et collectivement Quel que soit l ge de la figure f minine elle se trouve dans une dynamique de projection vers l ext rieur l issue de laquelle sa conscience se perd dans une alt rit refoul e ou une alt rit exclue La qu te existentielle la construction identitaire de la femme reposent sur un objectif paradoxal se r aliser en se d r alisant C est autour des points nodaux des ambivalences de cette transformation ontologique de la femme que s articule l uvre de Susini A la lumi re de l tude men e sur la mise en fiction des figures f minines dans l uvre de Susini nous ne pouvons viter de revenir aux consid rations d Aristote sur l ambivalence Une tude inscrite dans la contemporan it ne peut que montrer l obsolescence de ses constats si l ambivalence n habite pas l homme vertueux il n existe ni homme ni femme vertueux au XXI si cle tel point que les interrogations conflictuelles et contradictoires provoqu es par les changements sociaux sempiternels et les conflits int rieurs et ext rieurs sont devenus courants et ind l biles dans notre quotidien Un autre constat s impose galement l ambivalence n est plus vue comme un ph nom ne n gatif mais elle est devenue un lieu commun Elle doit certes encore tre r solue d une mani re ou d une autre mais en m me temps elle est consid r e comme une force dynamique sous tendant l action de l individu Comme la
345. jeune fille la jeune femme Dans l acception de Kamel l adolescent se trouve pris la crois e de deux courants le premier est un courant d int riorisation qui se nourrit des interactions que l adolescent entretient avec l environnement et au sein duquel l identification tient un r le essentiel le second s enracine dans l enfance sassurant du travail de diff renciation et d individuation de l adolescent Ces deux courants enrichissent l adolescence aussi bien selon des modalit s synchroniques que diachroniques affirme Kamel leur ventuelle rencontre exposant l adolescent au risque de percevoir comme antagonisme ce qui en r alit n est que compl mentarit L adolescence est un age o le jeune est susceptible de se sentir confront des exigences internes qu il peut juger incompatibles ou sans issue quand en r alit elles ne sont pas en conflit Si l adolescent est incapable de r concilier les deux mouvements d int riorisation et d individualisation et que ces derniers sont ressentis comme antagoniques au niveau subjectif ils peuvent le priver des apports ext rieurs et des identifications n cessaires sa maturation avance Kamel Selon la th orie de Kamel sur le d veloppement psychosocial de l adolescent la jeune personne ren gocie ainsi le statut de son corps et de son identit dans le monde afin de se sentir m me de donner sens et d organiser les changements a l uvre Or parfois cet
346. l autre Allong e sur le dos elle fait un mouvement mais une force la tient clou e au sol elle ouvre sa main pleine de sable et la peur soudain tombe AL 175 Le regard que porte la narratrice le personnage principal sur l espace dans Plein soleil et Je m appelle Anna Livia semblent diam tralement oppos alors que Vanina porte un regard curieux sur l espace physique Anna Livia semble plus indiff rente insensible face a l espace physique l entourant Cette indiff rence est peut tre finalement l l ment qui permet l architecture du roman c est la distance du regard par rapport a l objet contempl qui maintient leur s paration et inversement c est son abolition qui permet leur fusion d o l union finale d Anna Livia avec la terre Ceci vaut galement pour l espace physique La repr sentation de la ville connait une laboration semblable a celle de la nature dans La Fiera la ville n est gu re pr sente que comme une vocation railleuse d un lieu o la vie est en apparence plus facile qu en Corse mais simultan ment cette ville te l individu sa sp cificit et fait dispara tre ses vraies valeurs Dans les romans ult rieurs comme Un pas d homme Les yeux ferm s ou C tait cela notre amour le lieu est repr sent par l espace urbain d une ville grouillante de vie toile de fond sur laquelle l h ro ne s panouit certes mais dont le rythme et le mode de vie en m me temps disp
347. l image d une femme profond ment vid e de son sens propre la charni re d interrogations ultimes sur la transcendance de l tre sans volont de se d finir de son propre chef Elle est la fois ce par rapport quoi les autres personnages de l histoire se d finissent et comme toute la construction de l histoire est bas e sur elle sa dissolution est la seule issue possible sa mort Avec sa disparition l histoire s effondre comme un ch teau de cartes et l auteur dans sa toute puissance est en mesure de laisser la fin fissurer le r cit d s son commencement pour amplifier l effet de dispersion et de fragmentation La construction identitaire et son aspect relationnel passent toujours par des questionnements sur la mani re dont l autoconstruction se d finit dans et par la diff rence Les relations interpersonnelles et sociales sont une histoire s rieuse dans la fiction de Susini le rire n existe pas dans la vie des jeunes femmes Alors que la jeune femme voue toute son existence une 319 Conclusion inculcation et a une incorporation de l ordre social elle est en m me temps exclue du social par le manque de rires et de joie reflets d activit s tr s sociales et relationnelles une activit qui englobe un certain degr de confiance dune mani re diff rente que ne le font la souffrance et la douleur Comme nous avons vu dans le cas d Angnola et de Nunzia elles r solvent l ambivalence social
348. l tait devenu comme avare de tout ce dont elle aurait pu tirer une petite joie Avare comme d un tr sor d un geste d un mot tendre de sa pr sence d une sortie et le jour o il s tait aper u qu elle aimait laver ses chemises il en avait charg la domestique PH 133 134 Selon une des d finitions qu offre Kristeva de amour il serait cette unification de l id al identificatoire et de l objet du d sir Le lecteur mesure la v ritable ampleur de l chec des possibilit s identificatoires de Manuela avec l objet de son amour et quel degr elle se laisse prendre dans les rets du jeu de Serge La ruse supplante le naturel et la spontan it dans leurs actes et leurs raisonnements Manuela demeure victime du jeu alors que Serge qui a us et abus PH 133 de son pouvoir s en lasse de part en part La soumission de Manuela finit par le d sint resser et le d tourner delle L honn tet de Manuela ne lui oppose pas la r sistance qu il d sire il aurait besoin davantage d exigence de sa part Il d sire tre provoqu la reconqu te de l autre et est la recherche de l inconstant et du myst re dans sa partenaire alors que les intentions de Manuela sont transparentes De part en part Manuela n arrive plus maintenir une image de Serge comme un autre id al lui renvoyant sa propre image d amoureuse La fusion entre eux n y est plus l indistinction entre eux n est plus d actualit pour
349. l de Marie Susini l existence de la femme est minemment relationnelle et simultan ment cette existence relationnelle est ce qui la r duit une chose le n ant Serge est celui qui donne un sens la vie de Manuela et avec son d part s chappe l existence de cette derni re L e malheur et le bonheur ce qu il disait et ce qu il ne disait pas ce qu il faisait et ce qu il ne faisait pas tout cela n avait pas d importance L essentiel tait qu il f t la PH 117 car tous les matins lorsqu il quitte l appartement Manuela le regarde descendre l escalier et la vie s chappait avec lui PH 11 Manuela se l avoue d s l entame d s lors que Serge allait partir elle non plus n avait pas de sens Il allait la quitter dispara tre de sa vie elle perdrait sa r f rence PH 27 Les exigences de Manuela paraissent pourtant pour le moins raisonnables elle d sire non pas tout simplement une vie de couple mais la vie tout court avec la possibilit de s inscrire dans un couple ce a quoi elle n acc de pas Tout au contraire Ce n est pas possible que tu me donnes la mort alors que tu aurais d me donner la vie PH 105 pense t elle Si Manuela reproche son mari de se soustraire ses devoirs de conjoint elle n en demeure pas pour autant moins lucide quant ses propres d faillances Elle se rend compte que comme l a d montr Pierre Bourdieu la domination de l homme ne trouve ses conditi
350. l impossibilit m me de s assigner une place qui nourrit sa cr ation du caract re radicalement probl matique de sa propre appartenance au champ litt raire et la soci t Les r flexions de Maingueneau font envisager l uvre litt raire comme l instrument concret de l crivain dans sa n gociation pour obtenir une place dans le champ litt raire et sur la sc ne sociale L id e force de sa pens e est que l individu est ambivalent quant son appartenance au lieu o il est voire la soci t et que cette appartenance probl matique influe sur le discours qu il tient sur son existence Heinich de son c t souligne galement l aspect dynamique que peut receler cette oscillation ambivalente entre les lieux pour un crivain tout en mettant l accent sur le c t positif de cette oscillation dans la mesure o tous les crivains ne vivent pas mal l ind termination de leur tat ancr dans un lieu sp cifique Certains semblent selon Heinich par le truchement de la 360 Thid p 85 361 Ibid 239 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture litt rature trouver ce qu elle d finit comme le cadre r v o placer le refus 362 et travers l criture de ce va et vient entre deux d occuper une place lieux parvenir une d finition stabilis e d eux m mes tat id al selon elle de ceux qui ont besoin d ind termination La litt rature dev
351. l refuse tout nom propos par la m re honteuse d avoir accouch d une fille et propose qu on la nomme Personne ou Elle C est par ces pronoms qu il la d signe lorsqu il n y a pas moyen d viter une d signation explicite de l enfant Finalement la m re lui donne le nom Fabula qui l usage devient Fabia Ce pr nom contenant en lui les notions d histoire d imagination et d invention devient pr monition et destin qui s auto accomplit faute d avoir l occasion de poser les questions qui la harc lent sur la conduite de son p re et sur sa vie familiale dans son enfance tant donn que le p re meurt avant qu elle ne puisse le confronter Fabia tente de s inventer un pass par des sp culations sur les raisons d agir de son p re ceci en s adressant sa m re dans un monologue int rieur M re essayez de vous souvenir il a pourtant d dire quelque chose ce jour l Quel jour Mais oui le jour o je suis venue table quand je suis venue dormir ici ce moment l dites moi YF 118 287 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture Dans Je m appelle Anna Livia l alt rit que ressent Anna Livia prend naissance dans l absence de sa mere l objet d identification par excellence dune jeune fille Cette alt rit se traduit par le refus de la jeune fille de se faire appeler par le pr nom que sa mere a choisi pour elle Elisabeta La jeune fille s autod
352. la di g se la Seconde Guerre mondiale et plus pr cis ment l Occupation de Paris d un c t et les meutes estudiantines de Mai 68 de l autre Ces deux v nements servent de toile de fond situant l h ro ne dans un non lieu tale dont le d nominateur commun et s parateur est l amour v cu pendant 257 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture l Occupation rev cu vingt ans apr s or la narratrice ne revit pas autant le vrai amour que l id e d un amour vrai Au fil de l vocation de sa passion la narratrice ouvre la plaie de la douleur de vivre ensemble avec cet homme qui quelque part a t une d ception Le discours surgit de l amalgame de deux poques marqu es par des conflits celui ci trouvant sa raison d tre renforc e par le souvenir doux amer d un amour troubl et d une amiti bross e sur un fond de perte et de privation Si le lecteur sent que le discours est celui d une victime l identit du fautif lui chappe tant donn que la victimisation est dilu e par la po tisation du sujet par la narratrice qui d clame avoir v cu la meilleure poque de sa vie sous l Occupation N emp che que si on me donnait revivre un jour du pass ce serait un de ceux l que je choisirais Un jour avec Vincent La pleine Occupation Je n ai jamais plus connu cela un si grand bien tre sans d sir sans rien autour tout seul si fort NA 71
353. la femme et dont les m canismes structuraux et les modes de fonctionnement sont bien plus enfouis et invisibles Selon Jean Claude Kaufmann la notion d identit est intrins quement li e a la modernit Tout en se sentant des individus particuliers les individus int gr s dans des communaut s traditionnelles ne se posaient pas les probl mes identitaires que nous connaissons aujourd hui A en croire Kaufmann l individualisation moderne et la naissance du sujet sont n es dans le sillage du mouvement historique qua t la r flexivit L invention de soi Une th orie de l identit op cit p 17 279 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture Progressivement la soci t face des contradictions multiples de plus en plus complexes a t contrainte de renoncer a un r ve de totalit 34 crit il Le hiatus entre la repr sentation et la r alit int gratrice mat rielle a n cessit avance Kaufmann un travail intellectuel incessant dans le but de combler ce hiatus Marielle Mac de son c t affirme que l ambivalence est inh rente a l individuation ou a la formation de lindividualit qui consiste en une lutte impliquant des rapports affectifs ambivalents des subordinations des comp titions des d pendances et doit et peut r pondre des logiques contradictoires Suivant sa r flexion la litt rature moderne parle simultan ment de
354. la m me ivresse pure et fascinante de la pr cipiter dans le vide et de pouvoir faire remonter la surface de cet tre limit et sauvage les couleurs de la vie comme sur un feu qu on attise PH 16 Manuela ne reste pas aveugle au fait que la col re de Serge but hostile nest autre chose qu une col re tourn e contre lui m me qu il a un duel mener contre ses propres d mons a se passait entre lui et lui PH 19 Elle comprend galement que Serge est incapable de s adonner a une introspection Tr s pr cise dans son analyse de leur couple elle est consciente de ne pas tre responsable des troubles caract riels de son mari Elle demeure pourtant sans d fense face ses manipulations m me si elle n avait rien y voir en somme elle fon ait t te baiss e dans cette impasse avec une si parfaite na vet avec une si fra che ignorance une si s re r gularit que depuis longtemps la col re de Serge tait devenue un jeu PH 22 Car comme elle l a constat des ann es auparavant son ami J r me Il y a ce que je sais et puis il y a ce que je crois ce que je sens Et a ne va pas toujours ensemble PH 66 67 ce n est pas la raison qui r git nos actes mais nos motions qui constituent le noyau de notre tre on agit d apr s ce qu on est PH 67 Etre se r sume ainsi chez Susini une succession d tats d me plut t qu des raisonnements fond s car m me e
355. laisse les besoins de son enfant Dans Plein soleil il s agit d une absence physique comme Vanina est s par e du foyer pour rester trois mois au couvent Les sc nes o la m re et la fille sont ensemble sont des souvenirs de la narratrice Dans le cas de Nunzia dans La fiera il s agit d une autre absence plus n faste certainement pour le d veloppement de la fille la m re est physiquement pr sente mais psychiquement cloisonn e dans un monde auquel Nunzia n a pas acc s La m re peut aussi tre absente pour ensuite afficher sa pr sence c est le cas de la m re d Anna Livia qui abandonne sa fille pour la retrouver l adolescence 214 6 Une maternit d faillante 6 2 1 Absence physique Dans Plein soleil la relation entre la m re et la fille est bross e traits sobres et neutres sans interaction v ritable entre les deux Elles sont rarement incluses dans la m me sc ne ce qui s explique en partie par le fait que les parents sont de grands propri taires dans le village laissant la porte de la maison ouverte aux n cessiteux ce qui engage la m re dans la sociabilit que comporte l accueil des villageois et de la famille D autre part l absence de moments partag s par la m re et la fille s explique par le refus de la m re de privil gier ces moments communs par rapport l accomplissement de ses devoirs Tu crois que j ai du temps perdre r torque t elle la petite Vanina qui cherche
356. laquelle l issue heureuse ou infortun e fait aussi parfois d faut l ambivalence nous accompagne a des degr s variables et selon les circonstances du moment tout au long de la vie partir d un texte publi nous n op rons plus dans le vague des sentiments priv s furtifs sans mots ext rioris s pour les d crire mais sur lhorizontalit d un nonc et la transcendance d une nonciation Le partage d une vision du monde par le biais de textes litt raires nous permet de d cortiquer les manifestations de ambivalence aussi bien en tant que th me dans une uvre que comme conceptualisation d une ambivalence particuli re li e l criture d un certain corpus L uvre de Susini ne d gage certes pas toutes les facettes possibles de l ambivalence mais en 315 Conclusion procure n anmoins une palette diversifi e dissemblable toute autre d o l int r t de son tude il est vrai que nous nous y reconnaissons a un certain degr tout en y d couvrant des pans insoup onn s de l existence L essentiel chez Susini n est peut tre pas tant d avoir identifi un mode individuel d ambivalence dans sa complexit et ses contradictions que de sy retrancher de sy d lecter dans toute sa variation et tout son ind terminisme L aspect paradoxal de son criture ambivalente r side dans l affirmation d un soi f minin dans l arbitraire le pr caire et la fragilit des conditions d tre soi ind
357. le r sume t il le r le de Susini Or le r le de Susini ne se limite pas uniquement la mise en fiction d un certain folklore insulaire son envergure est bien plus grande elle d crit non seulement la femme fran aise et m diterran enne mais aussi la femme contemporaine dans laquelle toute femme peut se reconna tre Il en est de m me en ce qui concerne les th matiques qu elle aborde elles sont universelles et toujours actuelles L on pourrait en effet pr tendre que l nigme de l aventure humaine se d ploie sous le signe de l ambivalence l individu cherche a la fois s identifier autrui tout en d sirant marquer sa diff rence par rapport lui Dans ce sens toute activit de l individu s inscrit dans un effort simultan d identification et de diff renciation faisant de lui un tre marqu par la scission voire la conflictualit condition inh rente l individualit moderne La production de Susini fait de l ambivalence de la femme son affaire centrale Que peut alors dire la litt rature qui d gage et qui invente les formes que peut prendre l tre propos de cet individu ambivalent une jeune fille d chir e une femme scind e une m re cartel e Dans ses textes s explorent les incertitudes les mises en doute et les contradictions de la figure f minine En ceci les figures f minines de Susini ont l avantage de ressembler tout un chacun elles ont des id aux souvent gu re formul
358. le des positionnements sociaux co teux des jeunes femmes des angoisses amoureuses des femmes en couple des tatonnements parfois gauches d une maternit qui se cherche et des doutes m taphysiques des femmes au versant de leur vie Un des traits saillants des figures f minines dans les textes de Susini est leur oscillation entre deux p les deux possibles plus globalement per ue comme une ambivalence spatiale et temporelle Elles sont tiraill es entre une libert d action et une prison subjective leur liant les mains les rendant la passivit r ceptive d une volont autre que la leur propre Contemplatives r flexives ces figures f minines sont tenaill es par des ambivalences cognitives et affectives qui se renversent dans des interrogations sur des modalit s d tre au monde n offrant pas toujours de r ponse toute faite autre que celle qui pousse l tre agir m me dans le doute lh sitation et l incertitude Susini s est empar e de la fictionnalisation de cette action t tons elle a crit un r cit ambivalent a plusieurs niveaux qui d une mani re complexe tente de mettre en lumi re les actes et les motivations les plus obscurs inh rents a ambivalence humaine 328 English abstract The aim of the thesis is to analyze the work of the Corsican born French writer Marie Susini 1916 1993 The argumentation is based on the premise that Susini chooses a transitional metaphysical state as a fundamental onto
359. le cas du roman Un pas d homme Susini laisse une certaine ambigu t planer sur le titre C tait cela notre amour L amour dont elle parle ne d signe pas d une mani re univoque celui du couple l amour est un sentiment que Susini r serve avec pr dilection des liens d amiti Autre param tre du titre galement caract ristique de la vision de l amour de Susini est son aspect r volu l amour chez Susini est con u comme un sentiment soit naissant soit d j teint mais non dans son imm diatet plut t dans sa dur e et son acuit Dans Temps de lire Susini labore la notion de l amour de la mani re suivante L amour c est le fait de pouvoir encore vibrer devant un visage quel que soit le visage tant qu un visage vous meut que ce soit un visage de vieille d enfant malade ou m me ce qu on appelle un visage laid dans la mesure o on se rend compte qu il y a quelque chose de divin eh bien c est a l amour Cette conception rel ve davantage d une pens e sacr e que d une pens e mettant en avant l aspect charnel car dans la citation Susini ne fait aucune r f rence l amour dans sa r alit corporelle d sirable autre que celui qui provoque une sensation devant le visage de l Autre dans son aspect divin L amour tel qu elle l envisage appara t ind pendamment de la reproduction et du sexe se concevant dans l optique d un amour spirituel Quant au theme de l amour dans le roman Susi
360. le ci soit capable non seulement de la saisir mais demeurant aveugle devant son effort C est aussi dans cette relation que le th me du non dit et du mutisme f minin est pouss son comble Nunzia est une jeune femme ayant quitt son village pour aller travailler sur le continent mais ayant toutefois su garder ses mani res simples et sa consid ration pour sa m re et sa communaut ce qui lui vaut de retour dans l le pour les vacances le respect des villageois Francesca de son c t est une femme rong e par la culpabilit lors des adieux son fils qui part effectuer son service militaire elle oublie de lui donner le scapulaire qui garde F 29 Apr s la mort de celui ci la m re alimente sans tr ve sa mauvaise conscience son for int rieur l assurant qu elle a tout fait ce qui tait en son pouvoir pour mettre de son c t et Dieu et les saints F 18 19 se reprochant toutefois ce qu elle consid re comme une erreur fatale de sa part Elle nourrit par cons quent incessamment la pens e qu elle a contribu au d c s de son fils En s enfon ant de plus en plus dans le chagrin et la culpabilit elle s engouffre simultan ment davantage dans l incapacit de dialoguer avec sa fille dont unique souhait est un claircissement de leur rapport Chaque larme de sa m re tait pour Nunzia comme une morsure au c ur et creusait davantage encore le vide de toute tendresse son gard Depui
361. le lot de la m re Dans une certaine mesure le chantage initial du fils a t un succ s sans qu il soit en mesure de saisir l ironie entourant son action de retour au foyer il est chang et semble r ticent quant l id e de se projeter dans l espace vacant que lamant a laiss aupr s de sa m re car actuellement initi une vie sexu e de jeune adolescent par la jeune fille dans le train Le lecteur se retrouve ainsi face un processus progressif d exclusion dissym trique exclusion du fils par la m re exclusion de la m re par le fils exclusion de l amant par la m re et finalement sinon exclusion du moins non inclusion de la m re par le fils 6 3 2 Omnipr sence maternelle Il n est pas ais pour une m re de trouver un quilibre dans son investissement affectif en ce qui concerne ses relations avec ses enfants Le risque encouru est que son engagement ne soit pas suffisamment pr gnant ou que sa pr sence devienne un v ritable travail de d molition Le cas d une m re trop obs dante est illustr dans La Fiera dans la relation entre Barbara et son fils Matteo Barbara veuve acariatre voit son fils se marier avec une jeune femme dont les valeurs et le comportement ne correspondent pas ceux auxquels elle s attend Tout lui d pla t en Sylvie la couleur de ses cheveux de ses yeux sa fa on de s habiller de se maquiller de passer son temps dans le jardin lire et de ne plus vouloir accompagner m re et
362. le r cit se d rouler devant le lecteur La voix du narrateur et celle de Manuela s imbriquent lui tant l objectivit lorsque sont analys s les pens es et les tats d me de Serge faisant de la conscience de Manuela le point de focalisation travers lequel sont v hicul s les angles et les perspectives du r cit Le dialogue est parcimonieux et les propos sont essentiellement rapport s indirectement par la description des r actions que les paroles de l un suscitent chez l autre Manuela est une ancienne tudiante en philosophie la Sorbonne taciturne perspicace et dot d un esprit p n trant en ce qui concerne l analyse rationnelle des ph nom nes et des sentiments Si elle est sereine et 312 No 75 p 32 35 5 Ghislaine Fratani la ni ce de Marie Susini nous a confirm lors d un entretien personnel en ao t 2004 que le roman retracerait en effet la s paration d avec Jean Daniel que Susini a travers e en 1957 l ann e m me de la fin de leur histoire commune Ceci dit le roman est de toute vidence de la fiction et ne peut ni ne doit tre lu comme un documentaire 159 Deuxi me partie L ambivalence de la femme placide en apparence son existence est toutefois min e par la peur l angoisse et l incertitude et elle se pense dupe PH 22 dans sa relation avec Serge tudiante elle aime les sorties entre copains qui prisent sa beaut et son s rieux et qui en elle retrouvent un m lange
363. le soit pr sente dans la relation entre deux individus Elle est donc une des constantes de la relation entre m re et enfant Or la d faillance n est pas seulement incontournable mais le rep rage des insuffisances de la m re sont n cessaires pour que la toute puissance inconditionnelle accord e par l enfant la m re s effrite afin qu il puisse se d gager de son emprise Eliacheff et Heinich distinguent deux grandes cat gories de d faillances les d faillances objectives et les d faillances subjectives Les manquements objectifs de la m re ses devoirs sont objectivement rep rables par un tiers en l occurrence la fiction Le manquement subjectivement v cu par l enfant telle la d faillance par exc s est plus difficilement rep rable car il est souvent socialement valoris En tout tat de cause on ne saurait tablir Pen croire Eliacheff et Heinich de relation proportionnelle entre l impact de la d faillance objective de la m re et l intensit de l atteinte sur le v cu subjectif de l enfant Tout compte fait ce nest peut tre pas la proportionnalit d un tel lien qui constitue l enjeu central de la relation m re enfant dans sa perspective d faillante mais le 7 Caroline Eliacheff Nathalie Heinich M res Filles Une relation trois op cit p 203 208 6 Une maternit d faillante c t subjectif la mani re dont m re et enfant s engagent face a une telle r alit Rappelons finaleme
364. le theme de l enfant fille son paroxysme en cr ant la figure antinomique de la jeune fille innocente prise non pas dans un sens existentiel mais dans son acception antonymique de la candeur Est mise en sc ne une jeune fille accomplissant l acte sexuel avec son g niteur et qui de surcroit peut tre consid r e comme l instigatrice de cet acte Dans ce roman s effectue un bouleversement dans la fa on de Susini de concevoir la conduite de la jeune fille compar e a celle que nous avons appel e l enfant femme telle que mise en sc ne dans Le premier regard Il ne faut pourtant pas penser que ces deux Francoise Dolto Sexualit f minine Paris Gallimard 1996 p 215 136 4 De la jeune fille la jeune femme figures f minines l enfant femme et l incestueuse se placeraient des deux c t s d un clivage quelconque sur laxe de l innocence car a la mani re dont Susini met en fiction l inceste il ne s agit pas d une faute du moins personnelle si faute il y a elle est pr programm e par le destin C est le dilemme dont Anna Livia est victime son insu dans sa na vet elle est pr destin e commettre une faute dont elle ne conna t ni la cause ni la cons quence Dans Je m appelle Anna Livia roman doublement symptomatique Susini met en avant sa th se selon laquelle l tre humain est in luctablement pouss des actes obscurs insolites m me malgr lui Anna Livia est un personnage m d
365. lement d ploie ses efforts dans la poursuite d un objectif inatteignable qui de plus se rend compte de la futilit de ses actions mais qui s obstine cependant les poursuivre L ambivalence spatiale la non appartenance a un lieu sp cifique n est peut tre tout compte fait pas autre chose qu un instrument de l individu de sa volont employ dans le processus de d racinement plus ou moins recherch par celui ci pour se d tacher de sa terre natale L envie de partir est chez certains si puissante que pour vaincre lamour fort de sa terre natale il faut n gocier les raisons justifiant un d part L ambivalence est une des manifestations de cette n gociation qui dans sa trac e trouve des justificatifs pour des raisonnements appuyant deux modes d agir conflictuels l impulsion de l loignement et le d sir de rester Les raisons de l envie de partir sont aussi multiples que les individus mais un des motifs voqu s par les textes de Susini est la crainte de se faire touffer par une normativit communautaire trop rigoureuse Un autre motif est la qu te des valeurs anciennes dans un contexte urbain o la normativit sociale a t supplant e par une libert si englobante que l individu a du mal retrouver ses rep res L ambivalence est justement ce dont certains ont besoin pour leur donner l lan n cessaire sinon de partir du moins de r fl chir sur le choix de l espace physique que l on souhaite investir C
366. lence s incruste dans la structure des r les et des statuts sociaux Merton souligne que l ambivalence sociologique ne remplace pas l ambivalence psychologique mais en constitue un compl ment Il d finit le r le de l ambivalence sociologique en lui accordant deux dimensions sp cifiques Pierpaolo Donati Sociological Ambivalence in the Thought of R K Merton Robert K Merton amp Contemporary Sociology Carlo Mongardini amp Simonetta Tabboni ds New Brunswick New Jersey Transaction Publishers 1998 3 New York London The Free Press 1976 56 1 L ambivalence en th orie et en pratique In its most extended sense sociological ambivalence refers to incompatible normative expectations of attitudes beliefs and behavior assigned to a status i e a social position or a set of statuses in a society In its most restricted sense sociological ambivalence refers to incompatible normative expectations incorporated in a single role of a single social status M me si la soci t consiste d individus dot s d motions et m me si selon une certaine pens e sociologique ces motions doivent avoir un sens le sens tant construit au niveau soci tal et r alis dans l interaction des individus l objet de la th orie sociale sur l ambivalence n est pas la personnalit ou le caract re de l individu mais il se penche particuli rement sur la structure sociale Dans l tude de la structure
367. lence de l criture par le sang vers C est la loi C 247 D autres maximes maillent notamment le d but du texte Malheur celui qui ne va pas droit son chemin C 247 Quand on s engage on ne revient pas en arri re C 248 Les coutumes sont saintes C 248 ou encore La faute est toujours suivie du ch timent C 250 etc Ce qu il est int ressant de constater dans le cas de Corvara est l ind l bilit et l instrumentalisation du d lit commis dans et par la m moire collective la transgression de la norme sociale ne tombe pas dans l oubli avec le temps mais elle est r actualis e un moment charni re de la vie de la femme notamment dans une situation o lon souhaite justifier le bien fond de son vocation initiale La norme sociale dict e la femme est ainsi en vigueur dans les deux sens temporels le pass et le futur En outre la transgression de la norme sociale est employ e pour appuyer davantage la culpabilit de la femme et le malheur qui lui arrive est consid r comme une cons quence in vitable de cette transgression aussi bien par la femme elle m me que par les autres membres de la communaut Le noyau du conflit interne de Corvara s inscrit dans la probl matique de la pr destination elle a t pouss e C 218 commettre l acte qui m ne la mort de son mari d j sur la voie de l autodestruction La transgression a donc eu lieu en tant qu
368. lence du basculement de l tat de jeune fille la femme se r alise au seuil du mariage le passage de la fille pub re seulement biologiquement sexu e une femme mari e c est dire institutionnellement sexu e la question de l entr e de la jeune fille dans le monde sexu des femmes se pose dans l uvre de Susini sans l ventualit voire la menace d un mariage prochain Ce n est pas non plus le regard de l homme sur la jeune fille qui constitue le moment charni re dans son d veloppement mais c est entre autres le regard de la fille sur les femmes qui d clenche la mutation de soi soi chez la jeune fille dans l uvre de Susini Selon Vladimir Propp certains l ments sont toujours pr sents dans un r cit et certains sont sans exception li s les uns aux autres Un de ces couples est l interrogation et information couple inscrit galement dans le roman Plein soleil D apr s Propp la prise de conscience du manque dans un r cit peut se produire de multiples fa ons Entre autres le manque peut se manifester gr ce a des personnages m diateurs qui attirent l attention du personnage principal sur ce dont il a besoin tant donn que Plein soleil n a pas v ritablement d intrigue ce manque est le noyau autour duquel s articule le r cit r p tition Dans le cas de Vanina l un des v nements qui la bouleverse le plus profond ment est son initiation au monde sexu par une femme cens e
369. les assembler se conjuguent pour conf rer une image plus compl te de Marie Susini en tant que femme et compagne et qui apportent des connaissances approfondies sur les liens entre la vie et l uvre d un crivain L int r t de la relation entre Daniel et Susini se mesure notamment par rapport son incidence sur la production textuelle de Susini Cette relation constitue une source majeure de sa fiction Si l on peut entrevoir la discr tion de Susini dans l exhortation m me signalant implicitement qu elle ne souhaitait pas voir publi d crit sur elle de son vivant cette m me circonspection peut se lire chez Daniel Il d die ainsi que le roman La Susini son article Le consentement ironique blessure Celle ci figure plus explicitement dans les Carnets et dans Cet tranger qui me ressemble Leur histoire d bute en 1936 alors que Marie fait un s jour en Grande Bretagne avec une amie Il est question de son premier voyage tranger Daniel d crit cette rencontre mutuellement d cisive ainsi Nous nous sommes connus en Angleterre Brighton En 1936 j avais seize ans et avec un de mes cousins nous faisons ce qu on appelle maintenant un s jour linguistique Mais au lieu de rencontrer des jeunes filles anglaises nous tombons sur deux jeunes Fran aises l une d elles est Marie qui a six ans de plus que moi Il est convenu que mon cousin est l amoureux de Marie et moi de l autre jeune fille
370. les textes qui font Vile sans rivages tout se passe dans un endroit restreint entre mon village natal et la propri t de mon p re une vingtaine de kilom tres 190 Circulaire interne dat e du 28 mars 1989 Paris archives des ditions du Seuil 191 Circulaire interne dat e du 10 avril 1989 Paris archives des ditions du Seuil 17 Emission diffus e sur TF1 le 26 f vrier 1985 13 Fiche de promotion dat e du 15 juin 1989 Paris archives des Editions du Seuil 1 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini L cole des lettres IL art cit p 36 89 Premi re partie De la th orie la r alit 2 2 4 Pratique scripturale et gen se du texte paroles sur soi Susini explique les dimensions intentionnelles et motivationnelles de sa pratique scripturale en voquant son appartenance laire culturelle corse et m diterran enne Il y a des th mes qui sont permanents depuis Plein soleil a veut dire en gros trois l absolu ce qui semble bien d mod de nos jours la fatalit et le tragique Ce n est pas quelque chose que jai cherch je lai port en naissant tant donn que je suis Corse et que c est commun il me semble a tous les pays m diterran ens le paysage lui m me porte cela Dans une autre mission elle labore sa th matique en faisant d un des th mes le tragique la v ritable pierre angulaire de son uvre Dans la mesure o on veut bien reconna
371. leurs propres ambivalences elles se pr programment l chec par leur attitude conflictuelle et contradictoire quant la r ussite de leur couple L ambivalence na t de deux d sirs conflictuels celui d liminer les d pendances qu elles entretiennent avec l homme de leur vie et celui manifestant une volont de respecter un statu quo Suit une oscillation affective qui prend des allures de profonde tourmente comme dans le roman Un pas d homme La seule mani re de sauver son int grit est pour Manuela d abandonner le mariage or en m me temps elle a le sentiment 320 Conclusion que sa vie chappe avec le d part de son mari Elle est aussi consciente qu il ny a rien a sauver de son couple Manuela ne souhaite ni la souffrance pr sente avec son mari ni la souffrance anticip e d un avenir sans lui L tat douloureux semble tre la constante de son existence que son ambivalence nourrit Une autre constante est l ambivalence elle m me dont les deux p les antagoniques se renversent dans l apr s d part du mari si la question dans le couple tait de r soudre comment vivre ensemble l interrogation apr s la dissolution du couple est de savoir comment vivre avec l exp rience d une communion qui n a pas r ellement eu lieu et qui maintenant lui fait d faut Aussi bien la r alisation de l amour que sa d r alisation lui causent de l appr hension L intensit du sentiment amoureux est diam tralement opp
372. lie l tre la soci t et a l histoire La parole a engage Il y va de l honneur C est un gage de vie RC 215 Inversement cela implique comme nous avons pu le constater dans le cas de Francesco le pr tre que la parole non tenue signifie un non gage amenant infailliblement la mort La faute est toujours suivie du ch timent RC 250 le lien de cause a effet est sans quivoque dans l univers susinien La parole l emporte sur le raisonnement m me si on se sait en tort la parole ne se reprend pas RC 253 car elle fait partie d un contrat que l on ne rompt pas impun ment La parole donn e am ne des cons quences qui ont un impact sur les param tres fondamentaux de la condition humaine car une fois la parole donn e l individu n est plus libre de choisir ses actions et sa conduite J oublie quelques fois que j ai un enfant avoue la narratrice dans C tait cela notre amour 174 s excusant de la sorte du fait qu elle n a pas de photo de son enfant montrer celui qui vient de lui en montrer une du sien Je ne dois pas tre comme tout le monde Je suis une mauvaise pouse je dois tre une mauvaise m re rench rit elle D cid ment cette image de la m re ne correspond pas au clich de papier glac souvent perp tu en faveur d une m re dite parfaite Or une m re parfaite existe t elle vraiment Les positions par rapport la fonction maternelle varient selo
373. liens avec le monde r el sont ind niables Susini n a pas crit un r cit v ridique sur sa vie mais indubitablement elle y a puis des l ments de son existence pour les int grer la construction d un univers fictif qui nous d montre cet tre au monde possible dont parle Ric ur L identit et la narration sont intimement li es sans le recours la narration crit Ric ur le probl me de l identit personnelle ne peut pas trouver de solution D apr s Ric ur l identit narrative est constitutive de l ips it la refiguration de soi m me s effectue par une application r flexive des configurations narratives rendant le sujet aussi bien lecteur que scripteur de sa propre vie Il ne s agit pas d une identit narrative stable et sans faille de m me qu il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des m mes incidents de m me il est toujours possible de tramer 441 sur sa propre vie des intrigues diff rentes voire oppos es Notre lecture de lunivers fictif susinien fait tat d un entrecroisement des deux proc d s Lettre d Albert Camus Marie Susini dat e du 26 juillet 1957 0 Temps et r cit 3 Le temps racont Paris Seuil 1985 p 443 1 Ibid p 446 312 9 Ambivalences identitaires voqu s par Ric ur en mettant en fiction l ambivalence de la femme des ages diff rents ainsi que les heurts et les conflits que cela implique et qui accom
374. liga ambivalensen studeras utifr n en social psykologisk och hermeneutisk synvinkel Avhandlingen tar avstamp i dess centrala koncept ambivalens som definieras fr n ett psykologiskt och socialt perspektiv Den psykologiska teoretiska referensramen utg rs av definitioner f retr dda av bland andra Bleuler Freud och Favez Boutonier Utg ngspunkten f r de sociala betraktelserna utg rs av teorier utarbetade av Merton Bourdieu och L scher Heinichs teorier utg r h rnstenen i analyserna av den specifikt kvinnliga sociala ambivalensen Ur ett psykologiskt perspektiv r ambivalens f rknippat med konflikt och 333 Svensk sammanfattning forandring i en individs attityd till nagot eller nagon Det sociologiska greppet kring ambivalens lyfter fram dels den strukturella ambivalensen i samh llet dels den ambivalens som f ds i konflikten mellan en individs nskan att respektera de sociala normerna samtidigt som man ocks vill fr ng dem f r att bef sta sin individualitet I avhandlingen granskas ambivalensen hos kvinnofigurerna fr n barndomen till vuxenlivet Det karakteristiska f r barnen och ungdomarna r att de unga kvinnornas ambivalens r sammankopplad med deras socialiseringsprocess Den h r processen best r till stor del av imitation betr ffande b de konkreta saker som kl dsel men ocks beteende och habitus Kvinnofigurernas dilemma best r i att utr na vilka beteenden och attityder det r legitimt att imitera efters
375. lle allait la rencontre de Giase Il n y avait rien de mal rien que du naturel ce qu Angnola marchat ainsi pres d Anna Maria coutant au fond de son c ur ce tendre r ve d tre quelqu un d autre d tre Anna Maria pour tre agr able Gias F 31 Cette ouverture sur une libert corporelle plus importante se voit corrobor e dans l imm diat par le regard r probateur de la m re fix sur elle qui l examine et qui n est pas daccord La mamma qui n est jamais plus dure que lorsqu elle regarde et se tait Et l univers d Angnola se limite ce regard derri re elle qui la fixe et qui examine et n est pas d accord Ce regard comme en elle Et Angnola revint pr s de sa m re dans le sentier F 32 L adolescente est ainsi tenue a un enclos invisible qui limite ses mouvements et le d placement de son corps dans l espace public L injonction tacite de la m re lui rappelle la retenue appropri e pour une jeune femme en m me temps que celle l atteste de son pouvoir sur sa fille 4 3 3 Amour cathartique amour estomp Quoique l closion des jeunes femmes dans la production de Susini ne semble pas conna tre une issue heureuse Susini ne dissimule pas la force cathartique de l amour m me si elle n accorde pas cette motion aux personnages principaux de ses histoires Au contraire Susini capte dans son jaillissement initial les incertitudes et les ambivalences du sentiment amoureux chez Angnola Cet
376. logical position for the female figures in her work and that their self realization and identity construction take place through a construction of their self image that emphasizes a difference which projects the women into an alterity caused by existential ambivalence Some of the salient traits the women figures share are their uncertainty hesitation and contradictions They harbor more or less consciously formulated ideals they are split by moral and ethical dilemmas and their actions are characterized by conflicting principles desires and aspirations The aim of the thesis is also to elucidate and strengthen Susini s position in the literary field The themes she elaborates are both universal and modern Notwithstanding her novels have not been studied to a particularly great extent This thesis demonstrate that the manner in which her novels have been received and her authorship evaluated by her contemporaries and posterity can to some extent be considered contradictory Whereas some critics have not hesitated to call Susini one of the most influential if not the most influential French writer with Corsican origins her work is seldom mentioned in anthologies introducing French 20 century literature Furthermore she was a very discreet person which means that information on her private life is scarce One underlying idea of the thesis is that one cannot exclude the fact that Susini s own ambivalence is reflected in her texts She rem
377. loin les bras tendus vers tous Juifs non Juifs NA 152 Pour rendre compte de son d senchantement Fabia a recours aux vangiles Pardonnez leur Seigneur ils ne savent pas NA 152 Dans une tournure ironique caract ristique chez Susini la fonction des citations se modifie au fil de la progression de la situation peinte Une subversion de leur emploi s effectue dans la mesure o l adh sion de Fabia 1 L vangile selon Luc 23 34 Et J sus dit P re pardonne leur car ils ne savent ce qu ils font Et ayant fait le partage de ses v tements ils tir rent au sort 306 9 Ambivalences identitaires aux r f rences eccl siastiques est initialement un signe de son admiration pour les valeurs exprim es pour ensuite se renverser dans un commentaire sarcastique une citation anodine devient finalement une arme tranchante contre l institution qui les lui a apprises L rudition de Fabia se refl te aussi dans de nombreuses allusions aux philosophes et a la philosophie Ses r flexions sur les faits quotidiens ou sur les valeurs qui r gissent sa vie et celle de ses amis surgissent a travers des termes tir s de la philosophie allemande qu il s agisse du Weltbild NA 47 ou la vision du monde du groupe d amis dont elle fait partie L attitude des jeunes vis a vis de l existence et de l amiti s analyse au m me degr moyennant l optique de consid rations philosophiques A notre ge et
378. lus joli du canton en t surtout quand les gens arrivent et qu il y a un peu d animation Mais tout de m me venir de la ville o il y a toutes les commodit s et tant de distractions pour tomber dans la maison de zia Barbara Il est bien Matteo c est un brave gar on Pour a on ne peut pas dire c est un brave gar on mais de l tourner la t te une femme comme elle F 97 274 8 Ambivalences socioculturelles Le passage cit met en pr sence deux mani res diff rentes de rapporter des nonc s dans le texte d un c t Susini a recours la citation directe dans l intervention initiale et finale octroyant au discours une imm diatet sans artefact apparent de l autre le discours narrativis int gre les propos des villageois dans le descriptif que procure la narratrice dont la voix est doubl e par celles du collectif Dans le texte cit opinion collective est favorable a l arriv e de Sylvie De part en part la voix de la narratrice pouse n anmoins le scepticisme des villageois en voyant Sylvie passer son temps dans le jardin Lisait elle vraiment Les gens en descendant le sentier allongeaient un peu le cou par dessus le mur Non elle ne lisait pas Son livre tait bien ouvert sur ses genoux ouvert a on pouvait l affirmer mais elle ne lisait pas elle regardait le ciel F 98 L oralit du discours est v hicul e moyennant la structure r it rative des nonc s et par le
379. m avez pourtant pr venue Malgr son d vouement et son courage M Kessel qui en a pris jusqu ici toute la responsabilit en a surtout marqu le caract re divin humain f minin m me Alors je lui ai dit je lui ai dit de ne pas jouer triste Parce qu tre triste c est en quelque sorte tre en accord avec la vie Par ailleurs le spectacle d une femme qui vient se plaindre de ses malheurs et se justifier est particuli rement d plaisant Pal 134 Albert Memmi Qui tes vous Marie Susini Le Petit Matin 21 juin 1956 1 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini Ecole des lettres art cit p 35 80 2 L auteur et son uvre La pi ce est fragile je le sens L quilibre difficile entre une fine incantation qui serait dite voix contenue immobile travers les autres et la discussion pied pied pour savoir qui a raison Mais la pi ce ne peut vivre que dans cet quilibre o elle devrait trouver le sens que j ai voulu y mettre et qui n y est peut tre pas apr s tout A supposer que ce que j ai voulu dire se trouve dans le texte comment le dire Peut tre en suscitant chez le spectateur la peur devant un malheur la fois tranger et qui pourtant le concerne Vous tes seul juge Puisque vous avez eu la gentillesse d accepter de venir quelques r p titions Et j attends votre sentiment Cher Albert Camus qui depuis Plein soleil me suivez avec confiance avec a
380. main j avais justement d cid du jour et de l heure YF 93 explique t elle Or dans le cas de Sefarad Susini laissera le dernier mot d humour sec et de d rision l glise la tentative de suicide n aboutira pas la mort En revanche l incident du suicide de Sefarad permet l auteur de mettre en avant l inconstance du corps m dical lorsque le m decin se rend compte qu il ne peut aider Sefarad il veut faire l amour avec elle dans un but th rapeutique YF 93 5 3 Dissolution irr vocable du couple 5 3 1 Couple sacrifi sur l autel de l amour maternel Janine Renucci constate au sujet de l volution soci tale corse lieu o se d roule l histoire dans le roman La Fiera Comportements nouveaux et comportements traditionnels opposent les jeunes et les vieux les l ments arriv s du dehors et ceux qui sont toujours rest s sur place C est une source de dissensions internes un choc et un stimulant Si le roman met au jour ces dissensions internes la rencontre de Sylvie et de sa belle m re Barbara est plus particuli rement une de ces rencontres entre deux l ments d origine diff rente qui constitue un choc pour l une comme pour l autre A travers la relation entre Sylvie et Barbara Susini cherche galement a illustrer sa th se selon laquelle dans un monde marqu par l thique de la constance les femmes ne se d chargent pas gratuitement du fardeau impos par leur sexe I
381. mais l amant s est install chez eux C est alors que le fils ressasse am rement jamais j en avais entendu dire un mot avant ce matin l o il s est trouv chez nous comme s il tait chez lui PS 69 70 elle aurait bien pu me dire me pr venir PR 70 ma m re aurait d me pr venir au lieu d avoir fait a toute seule PR 74 Avec la d couverte de la relation amoureuse de sa m re le fils d couvre parall lement une joie et un bien tre chez sa m re insoup onn s jusque la ce qui bouleverse son univers J avais bien vu qu pr sent quand elle 1 Sigmund Freud Nouvelle conf rence sur la f minit cit en l occurrence d apr s Darian Leader Sur l ambivalence maternelle en ligne http www cairn info article php ID_ARTICLE SC_001_0043 223 Deuxi me partie L ambivalence de la femme piquait la machine elle chantait et quand elle me regardait elle tait triste Au lieu qu avant c tait tout le contraire qu elle faisait PR 71 Le clivage entre la m re et le fils se joue sur le plan sexu dans la mesure o l enfant occupe jusqu l arriv e de l amant la fonction de l homme dans leur couple je suis le seul homme de la maison PR 74 et qu il est supplant sans consid ration par la m re qui omet de l informer des r arrangements dans leur situation familiale Ces changements profonds du point de vue du gar on s effectuent avec pour toile de f
382. mani re naturelle les questions identitaires du sujet les notions d identit et d ambivalence tant inextricablement li es et repr sentant une relation d intime implication mutuelle Les deux notions comportent des aspects semblables la d finition de ambivalence met en avant soit une opposition soit une dualit sans opposition La notion d identit comporte un recoupement d une autre nature la distinction entre l identit comprise au sens d un m me idem et l identit prise au sens d un soi m me ipse o la premi re repr sente une identit substantielle ou formelle la seconde une Nathalie Heinich Les ambivalences de l mancipation f minine op cit p 19 31 le v hicule linguistique dont se sert le critique peut sa guise le rapprocher ou l loigner ind finiment de l uvre qu il consid re La conscience critique Paris Jos Corti 1971 p 290 28 Introduction identit narrative pouvant inclure le changement et la mutabilit dans la coh sion d une vie Les questions identitaires mettent en vidence les interrogations du sujet sur la continuit de l tre comme une suite de discontinuit s et ruptures reli es par une m me subjectivit dans sa temporalit et condens e dans la permanence d un nom propre Pourtant les questions sur l ambivalence ne sont pas nous semble t il sous tendues par la recherche d une finalit analogue celle recherch e par une
383. me d lever seule ses enfants conduit peut tre un peu paradoxalement la femme chez Susini a se replier sur une relation binaire avec son fils Si en revanche elle prend parti pour une vie hors mariage et en dehors d une maternit compensatrice l enfant p rit Si encore la m re est trop pr sente l volution affective de la fille est entrav e crire l ambivalence Le discours susinien jaillit du non lieu spatial qu voque le sentiment conflictuel qu elle a nourri envers le paysage de son enfance et qui lui a insuffl la fois un sentiment profond d enracinement et un sentiment d extraterritorialit recherch e et reproduite dans son uvre Le sentiment essentiel qui accompagne cette mise en crit d un non lieu et d une 324 Conclusion appartenance ali n e est l ambivalence Or l ambivalence ne peut tre trop intens ment actualis e le lieu qui inspire l imaginaire et le lieu o cet imaginaire est mis en texte n ont dans le cas de Susini pu co ncider faute d touffer le processus de cr ation La probl matique de l investissement f minin du lieu s articule chez Susini a travers trois volets l espace ext rieur l espace int rieur et l ambivalence spatiale comme moteur du d racinement Une quatri me dimension ces trois volets est apport e par la distanciation et la mise en corr lation d l ments disparates que constitue la m taphorisation de l espace dans l criture Les deux
384. ment vise le lecteur Nous avons tous un moment donn t l autre l tranger tout comme nous avons port notre regard approbatif neutre ou r probateur sur l autre diff rent de nous En singularisant le sort de Sylvie conf rant une profondeur au theme de l alt rit le roman le g n ralise et lui octroie une ampleur en en multipliant les facettes Nunzia Angnola et Barbara la belle m re de Sylvie Francesca la m re de Nunzia se d finissent toutes comme autres par rapport ce qu elles taient ce qu elles pensent ou voudraient tre ce qu elles s astreignent tre naturellement par rapport aux membres de la communaut Ainsi le roman interpelle aussi 39 Passim 283 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture bien la notion de m met que d ips it telles qu elles sont labor es par Ric ur Le roman met galement en exergue la vuln rabilit d une d finition de l identit de soi partir du regard d autrui qui rel ve d une interpr tation de ce dernier Si mon interpr tation n est pas correcte ou si les regards per us sont contraires conflictuels entre eux comment ces carences influent elles sur l image de moi cr e tant donn que l identit de soi est la fonction du dialogue entre moi et l autre Le sentiment d alt rit est pouss encore plus loin dans le roman Les yeux ferm s o la narratrice se confie au lecteur Mai
385. mesure o l ambivalence culturelle d signe la n cessit de l individu de suivre simultan ment des exigences culturelles oppos es L exemple type de l ambivalence culturelle est la figure de l tranger se trouvant dans une situation majorit homog ne 270 8 Ambivalences socioculturelles Une des pierres d achoppement dans la production de Susini semble avoir t de d terminer si elle soutient ou r prouve un certain ostracisme local pr sent dans la soci t corse Nous pensons que la difficult de cette question r side dans l assignement probl matique du discours culturel dans un lieu pr cis de ses textes Cet tat de fait est soutenu par le sentiment d incertitude et de paradoxe qui plane en g n ral au sein des textes car la matrice structurante des textes susiniens semble tre l incertitude du devenir du sujet Or comment l incertitude peut elle structurer un texte En ce qui concerne la trilogie corse le discours prend racine dans la culture au moment de l effacement de ses fondements Dans Plein soleil le lecteur n aper oit que quelques bribes d une culture autre en la personne de la femme malade qui vient recevoir des soins au couvent et dont le r le dans le r cit nest pas insignifiant mais dont l importance et l impact demeurent toutefois relativement fard s Dans La Fiera en revanche Susini fait de ce personnage secondaire le personnage principal sous les traits de Sylvie A travers ce personnage
386. milial c est dire entre les g n rations diff rentes doit prendre n cessairement une forme ternaire du type pere mere enfant sous peine de cr er une situation incestueuse avec son cortege de malheurs rivalit s invivables identit s impossibles La binarisation du ternaire a non seulement une fonction sociale mais est au fondement de la constitution psychique en tant que garant de l identit du sujet soutiennent Eliacheff et Heinich Pour que l enfant puisse trouver sa place et son identit il faut que quelqu un occupe la place du tiers et fasse barrage l inceste Selon la r flexion d Eliacheff et Heinich la m re joue un r le crucial dans l inceste en ceci que c est l abandon notamment symbolique de la fille par la m re qui est la condition de l inceste entre le p re et la fille La d faillance de la m re consiste dans le fait qu elle a une responsabilit assumer qu elle n endosse pas Aucune circonstance att nuante ne peut tre invoqu e en faveur de la conduite de la m re quel que soit selon Eliacheff et Heinich le degr de conscience et de responsabilit de celle ci dans son absence L inceste peut ainsi s expliquer autant comme une d faillance de la m re jouer son r le que comme une simple relation dissym trique entre le p re et la fille Anna Livia est doublement punie car victime non seulement de la d faillance maternelle mais suite celle ci victime aussi de la mal
387. minit est oblit r e la vue des femmes qui au contraire sacrifient la maternit sur l autel de la f minit Entre ces deux extr mes peuvent tre situ es les femmes qui ne s astreignent tre ni m re ni femme ou qui occupent ces deux positions alternativement ou simultan ment Eliacheff et Heinich soulignent qu il ne s agit pas la d une typologie des m res mais 6 Les ann es op cit p 180 7 M res filles Une relation trois Paris Albin Michel 2002 p 273 141 Deuxi me partie L ambivalence de la femme d une cat gorisation des positions maternelles qui peuvent coexister chez une m me femme Le deuxi me axe d Eliacheff et de Heinich soulevant les relations entre la m re et la fille met l accent sur des relations interm diaires entre le comportement objectif de la m re et le v cu subjectif de la fille les deux ayant comme d nominateur commun leurs caract res extr mes la jalousie l injustice la d faillance ou l absence entre autres Le troisi me axe se greffant sur les principales tapes des ges de la fille met l preuve ce qu Eliacheff et Heinich nomment la mobilit de la 8 m re fille dont les param tres sont le devenir femme se relation centrant sur le passage de la tradition la modernit dans son statut de la sexualit le devenir m re et sa probl matique de transmission et finalement la confrontation de la femme avec le vieillissement et la mort
388. mmentaire d un seul passage cl sert ainsi accorder une signification tout l ouvrage Martine Tania Dambacher a contribu aux recherches sur Susini avec une tude intitul e Deux femmes deux les Marie Susini Maria Giacobbe Le point de d part de l tude a consist tudier l enfance respective des deux auteurs et notamment l influence des parents et du microcosme insulaire ainsi que son incidence sur leur vision du monde et leur criture Certains th mes rencontr s chez les deux femmes sont analys s de m me que leurs mani res et leur raisons d crire Quant Susini les titres tudi s sont Plein soleil La Fiera Corvara et La Renferm e la Corse Ses conclusions montrent de grandes similitudes et de nombreux points en commun entre 212 Enjolras et Cross art cit p 43 75 M moire de ma trise non publi Universit Marc Bloch Strasbourg II D partement d italien 2004 2005 Maria Giacobbe tant sarde 95 Premi re partie De la th orie la r alit les deux crivains en d pit de nationalit d ducation de formation et de cadres culturels tr s diff rents au niveau de la litt rature Dans sa th se en cours Dambacher aura pour axe une tude comparative de l criture chez ces deux crivains En 2006 a paru Des femmes et de l criture Le bassin m diterran en ouvrage r unissant les interventions pr sent es lors d un colloque international francophone sur l criture fra
389. moins aussi tre interpr t es comme des cons quences de la mani re dont l individu g re les ambivalences De ce fait l ambivalence est une construction secondaire ne d notant pas le comportement en tant que tel mais plut t l interpr tation des relations en contexte social L ambivalence devient ainsi l interpr tation d une interpr tation pr tend L cher S agissant de textes s ajoute une troisi me Ibid 2 Attirance valence positive ou r pulsion valence n gative que le sujet prouve a gard d un objet ou d une situation Le Petit Larousse Illustr Paris Larousse 2001 gt Kurt L scher Ambivalence A key concept for the study of intergenerational relations Family issues between gender and generations Sylvia Trnka d European Commission Directorate General for Employment and Social Affairs Vienna May 1999 59 Premi re partie De la th orie la r alit dimension cette double interpr tation celle impos e par la nature de lacte de lecture elle aussi un acte interpr tatif 1 3 L ambivalence en litt rature 1 3 1 Les tats et l ambivalence de la femme selon Nathalie Heinich Le travail qui a le plus marqu notre objet d tude sur l ambivalence des femmes est la r flexion de la sociologue Nathalie Heinich Elle a publi deux ouvrages importants qui s imposent si l on tient rendre compte de l ambivalence de la femme dans la litt rature occidentale Le
390. n 162 5 Femmes en rupture de couple poss dant l intelligence d un tat de faits les motions peuvent bien conduire les actions de l individu dans un sens contraire ses raisonnements 5 1 2 Une dynamique interrelationnelle g n ratrice d ambivalence La dynamique interrelationnelle entre Manuela et Serge est frapp e d ambivalence Il y avait entre eux un accord t nu subtil et trangement fort a la fois PH 132 Sachant que le vide et la solitude sont pr f rables a la vie avec Serge Manuela pense que vivre avec lui est aussi p rilleux que marcher sur un tapis roulant on croit aller en avant alors qu on va brutalement en arri re et que le temps lui m me se d robe PH 46 Si jamais elle parvient a avoir de la clart dans leur couple Serge agit en sorte que ces certitudes se volatilisent le lendemain et elle perd pied et se sent attir e par en dessous comme dans les sables mouvants PH 47 Avec Serge Manuela avance t tons PH 60 dans une vie o il n y avait jamais eu d abri de soutien de repos PH 60 La certitude pour elle se love dans le pire ot elle trouve sa s curit Manuela et Serge semblent ne pas partager de terrain d entente dans leur couple Manuela n y trouve pas l quilibre qu elle recherche tandis que Serge maintient d lib r ment le flou et l incertitude entre eux Plong s dans des conflits et d chir s par des contradictions Manuela et
391. n tre rien cet acharnement ne vouloir rien si elle n avait pas tout le refus des arrangements la fiert cette constante difficult trouvait en lui la m me rage contre ce qu il appelait sa droiture meurtri re ou sa d sesp rante pret mais aussi une r sonance intime pr cieuse comme le charme d une nostalgie dans un coin obscur d o il avait t sans forces pour les arracher PH 93 Dans le r cit Serge est d crit par la narratrice d une fa on ouvertement ambivalente Manuela n voque pas davantage cette notion m me si la caract risation de son conjoint ressemble troitement la d finition m me de la notion d ambivalence Avec Serge ce n tait jamais ni l un ni l autre mais l un et l autre la fois c tait surtout le passage de l un l autre au lieu de cette v rit toujours promise il distillait le doute et elle tait chaque fois prise au pi ge des mots comme dans un filet l esprit battant la campagne passant d une souffrance qui pouvait ne pas avoir de causes un brusque espoir jaillissant soudain et peut tre sans fondement Vie en suspens ainsi que dans une ville o chaque jour quelqu un se serait ing ni a changer le nom des rues aurait eu la cruaut d en bousculer le plan PH 106 107 Un des diff rends les plus accus s entre les personnages est leur conception de la notion de fid lit C est affreux tu me resteras fid le jusqu ta mort
392. n du secret de fabrication ou du processus de cr ation chez Susini mais de donn es objectives qui d montreront les liens qui nouent l crivain la gen se de son uvre L uvre de Susini est de prime abord un ensemble relativement h t rog ne structure complexe une autofiction quatre romans un r cit une pi ce de th tre et un essai la composent Nous pensons qu il est n cessaire de reprendre pas pas l architecture de son uvre pour mieux en cerner l objectif L aspect h t rog ne qu offrent ses textes est n anmoins d savou par le grand nombre d chos des ouvrages les uns par rapport aux autres des romans la pi ce des pi ces l essai et par les sutures que l auteur a pris soin d assurer entre les diff rentes parties de son uvre 142 Les rites g n tiques constituant selon Dominique Maingueneau le seul aspect de la cr ation que le cr ateur puisse contr ler la seule mani re de conjurer le spectre de chec Le discours litt raire Paratopie et sc ne d nonciation Paris Armand Colin 2004 p 121 75 Premi re partie De la th orie la r alit 2 2 1 La trilogie corse une innocence grad e Susini se caract risait comme une romanci re tardive car elle m avait rien crit avant l ge de 35 ans Dans son enfance on lui avait interdit la lecture et on triait sa lecture dont elle avait pourtant la passion mais elle ne s adonnait pas aux activit s ty
393. n e une petite statue de la Vierge et deux lampes huile ISR 194 Quasiment les m mes mots sont employ s d un ouvrage l autre pour rendre l image de l enfance Un Pas d homme renvoie a la m me enfance ouat e qu a connue la narratrice dans Plein soleil Le soleil immobile comme l ternit dans le ciel uniforme clatant PH 102 faisant galement r f rence au tournesol voqu propos de la femme ombrelle les tournesols flambant noir et jaune Le c ur l ger les d sirs innocents dans un monde pas encore d chir PH 102 Dans La Fiera tout comme dans Corvara ou Un pas d homme l id e du miracle est un motif r current alors que le contenu des deux textes carte toute id e de miracle salvateur et aboutit sur une note d faitiste La sc ne o se joue La Fiera se retrouve dans Les yeux ferm s Dans la chapelle du village au flanc de la montagne que les gens gravissaient sous un soleil de plomb la chapelle qui avait vu se marier tous les n tres l oncle avait d 301 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture retrouver la grandeur des anciens jours pour parler tous de P re et du p re de P re afin que nul n ignore afin que nul n oublie YF 162 A l instar de la sc ne dans La Fiera les gens lors la f te de la Vierge de las Cruces dans Les yeux ferm s montaient par groupes le sentier YF 16 Dans pratiquement tous les r
394. n l poque laquelle elles sont pr sent es et selon la personne qui se prononce Il semble en effet y avoir autant de prises sur cette question qu il y a de mettent en avant le fait que locuteurs mettant une opinion Certains leffritement de la cellule nucl aire qu a constitu la famille traditionnelle dans la soci t contemporaine est imputable la dilution des r les entre les femmes et les hommes et notamment au choix des femmes de parfois pr f rer vivre seules avec leur prog niture Pour d autres l amour maternel a ceci de particulier qu il semble jouir d un statut in branlable dans notre soci t quelles que soient les maltraitances maternelles l gard de son enfant une d nonciation explicite la mettant en question peine tre accept e par toutes les professions sp cialis es en la mati re Nous Wendy Hollway Brid Featherstone ds Mothering and Ambivalence London New York Routledge 1997 p 9 205 Deuxi me partie L ambivalence de la femme sommes tous n s des eaux amniotiques maternelles et le recours une repr sentation id ale de la f minit est inscrit chez l tre humain quelle que soit sa race ou son poque explique Fran oise Dolto voquant laur ole entourant la maternit Dans une perspective psychologique l ambivalence maternelle est en 344 croire Mich le Benha m une n cessit structurante dans les rapports entre m re
395. n de Susini fait tat de plusieurs cas o elle se fait porte parole de la jeune fille ou de la jeune femme d munie des outils n cessaires pour affronter les nouvelles attentes pos es son gard Ce manque de mode d emploi en ce qui concerne le stade suivant de d veloppement se manifeste de fa on diff rente 7 3 2 Temps charni re Un des traits que certaines h ro nes susiniennes ont en commun est leur position m diane entre deux poques historiques qui ne se heurtent pas n cessairement mais dont les l ments se confondent subrepticement au 256 7 Ambivalences spatiotemporelles quotidien cr ant des hiatus entre les conduites des individus et des conflits interg n rationnels Vanina dans Plein soleil repr sentante de l enfant ayant grandi dans une innocence a laquelle elle est in luctablement arrach e est habit e par une inqui tude navrante L inconnu qui se d voile pour elle est repr sent entre autres par des valeurs v cues a la fois comme menacantes et attirantes ne serait ce que pour vanter les atouts dune f minit touff e dans le contexte social par lequel la jeune fille est conditionn e Une de ses difficult s est de red finir les enjeux de son conditionnement une poque charni re de l histoire insulaire qui voit les signes avant coureurs de l branlement d une poque pastorale ancienne au d triment de l arriv e d une soci t moderne et urbaine En Anna Livia Susi
396. n du roman C tait cela notre amour dont le titre 176 projet fut Pas encore Une phrase tir e d une lettre de Camus est mise en exergue apr s avoir subi une petite modification Quand on a compris que les hommes doivent mourir Alors la compassion vient au secours de la passion Le roman tisse son action autour d une rencontre fortuite dans le Quartier latin entre deux anciens amoureux un jour de mai 68 Fabia croise par hasard un homme quelle a aim plus de vingt ans auparavant sous l Occupation de Paris Alors qu elle vit dans un couple o lamour et la passion ont t supplant s par une tendresse d sol e elle rencontre celui qu elle n a cess d aimer Susini explique l intrigue du roman ainsi Elle ne pouvait suivre cet homme qui fuyait toujours qui se fuyait et qui la fuyait 77 Si le roman est un t moignage de la vie estudiantine parisienne l poque de la R sistance il approfondit la fois un des th mes pr f r s de Susini celui du premier amour vou l extinction Le roman met en sc ne trois facettes de l amour avec Vincent Fabia vit le premier amour qui en r alit est une amiti amoureuse Avec Mathieu elle vit la passion alors qu avec Francois enfin c est la r signation Susini s interroge sur la nature de l amour en en explicitant les diff rentes dimensions ainsi L amour c est a plus tout le reste le fait de pouvoir encore vibrer devant un visage quel que
397. n est d j sur le marchepied d un train ce d sir qui fait trouver comme un go t vif ce qui a une saveur de cendre Pas de petit aller et retour dans le pass Ou alors le sortir tout entier Sortir tout PH 125 126 L intransigeance quant au r le de la m moire est gale a celle que Manuela applique au sujet de l amour soit l individu s y adonne enti rement soit il ne doit pas s engager du tout Alors que Manuela puise dans son pass des images et des exp riences ant rieures afin de mieux saisir les enjeux de la situation elle ne d sire pas que Serge voque les souvenirs de leur couple c est dire qu il mette en avant des souvenirs communs au moment o le couple est en train de se dissoudre au profit de l isolement respectif des conjoints Un pas d homme est crit tel un processus surgissant dans la conscience de Manuela au cours du d veloppement du r cit premier lacte narratif et le 174 5 Femmes en rupture de couple d roulement des v nements semblent avoir lieu simultan ment Susini vince la m moire de ce moment traumatique en tant que processus au d triment d une narration qui semble objectivement accessible au sujet rem morant comme si le narrateur et les personnages d crits taient identiques alors qu il ne s agit pas d une narration la premi re personne A l oppos d une certaine litt rature portant sur les traumatismes crits la le roman de Susini ne semble pas tr
398. n hiatus naturel entre parent et enfant m re et fils diluant leur diff rence pour pouvoir les rapprocher Dans les rapports entre m re et fille o la biologie rapproche les membres de la famille la m re a recours une distanciation de la fille par le biais d une imposition rigoureuse de r gles et de codes ce qui loigne la fille de la m re Sans l incursion d une tierce personne dans le rapport m re enfant il n y a pas de d tachement entre eux Dans la fiction susinienne l intimit entre m re et fils est peinte sur la toile de fond d une passion biblique sublim e alors que les probl mes que pose un d tachement de la fille par rapport sa m re se lisent dans les travers de conduite que son exclusion provoquent une insistance obsessionnelle susciter une approbation de son existence de la part de la m re et un mutisme angoissant L image de la m re est ambivalente dans la fiction susinienne dans la mesure ot la mise sur pi destal de la m re mythique et de la m re madone qui va de concert 233 Deuxi me partie L ambivalence de la femme avec la mise en relief d une r alit tragique et traumatisante que l hypostasiation de cette relation par la fille exclue de l unit rend encore plus cruelle 234 Troisieme partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture 7 Ambivalences spatiotemporelles Cette troisi me et derni re partie a un double objectif premi rement elle
399. n relief entre l art et le temps Par ce proc d elle exemplifie sa croyance que l uvre d art abolit le temps La th matique et la structuration s accordent pour s riger en postulat sur l identit la reconnaissance de soi a besoin d un rep re structurel dans le r cit sans quoi elle s tiole 9 2 Proc d s narratifs cr ateurs de l ambivalence identitaire 9 2 1 La scission de l instance narrative Une des mani res de Susini de traiter de la question de l ambivalence identitaire de la figure f minine est le recours au clivage de l instance Paul Ricoeur Soi m me comme un autre op cit p 177 288 9 Ambivalences identitaires narrative entre r cit homodi g tique et r cit h t rodi g tique Dans le premier cas il s agit selon la distinction labor e par Genette d un r cit la premi re personne o la narratrice est pr sente dans l histoire qu elle raconte Dans le second il s agit d un r cit racont la troisi me personne o la narratrice est absente de l histoire qu elle relate Une nonciation subjective nourrit alors le r cit en parall le avec un regard objectif pos sur les v nements Nous retrouvons une telle structuration dans les romans Le premier regard Les yeux ferm s C tait cela notre amour et Je m appelle Anna Livia c est dire dans les ouvrages de la deuxi me moiti de la production de Susini Dans les trois derniers cest une narratr
400. n vu une prolif ration d ouvrages crits par des Corses en fran ais et en corse Deux d entre eux Angelo Rinaldi et Marie Susini ont acquis une place notable dans les lettres fran aises affirme Jacques Thiers m me si les origines communes n aboutissent pas une perspective analogue sur leurs racines insulaires Au contraire la perspective et l attitude port es envers les insulaires divergent consid rablement Angelo Rinaldi pose un regard sans indulgence sur son le et sa ville Bastia natales alors que Marie Susini pr f re un ton plus tendre dans ses analyses des m urs insulaires En ceci elle se rapproche de deux autres femmes crivains 234 Cela dit il n emp che que dans le but de transcrire les histoires perp tu es par la tradition orale insulaire on peut trouver des ouvrages comme Histoires myst rieuses de Corse Testament de M duse et autres contes s l Rocher 2001 et Contes et l gendes de Corse Ajaccio DCL 1998 235 Ibid 236 J Thiers L insularit d une langue Actes du colloque du Congr s r gional textes r unis par Genevi ve Vermes Vingt cing communaut s linguistiques de France tome 1 op cit p 158 Par le pronom eux Thiers renvoie aux repr sentants de ce qu il appelle une litt rature d exil qu inspire directement ou indirectement la Corse Elle est l uvre d crivains de talent d origine corse et dexpression fran ai
401. nages ayant un lien de parent ou autre avec elle Elle est pr sent e au lecteur a travers une absence de logique narrative ce qui peut tre lu comme un proc d textuel pour mettre en vidence son tat psychotique Ce qui est offert au lecteur est une suite de cons quences et non pas de causes d s la premi re page le lecteur se retrouve face a un fait accompli inconnu par lui dont le trac textuel est aussi bien le point darriv e que le point de d part Ainsi c tait d j la C tait la avant que de se faire AL 9 Au niveau du texte le lien de causalit fait d faut entre les diff rents passages A partir du moment o il ny a plus de lin arit temporelle dont l ordre est d termin par les liens de causalit l effet agit sur le principe rationaliste du r cit La crise d identit peut comme le met en avant Nathalie Heinich tre une double crise de position crise de position dans l espace et crise de position dans le temps Dans Je m appelle Anna Livia plusieurs l ments oppos s se heurtent l immobilisme et la monotonie des jours semblables face au choc de lacte incestueux la di g se scind e entre le r cit de Francesco racont e la m re d Anna Livia et le cheminement de la jeune fille sur la route en compagnie d un tranger la voix du narrateur extradi g tique la voix d Anna Livia coute le bruit sourd des roues de la charrette quand Josefino l a port en terre
402. ncert sanctionnant son gr sa conduite soit par l approbation soit par la r probation Sa propre conduite est ponctu e d inconstances et d improvisations celles ci ayant pour moteur v nementiel l ambivalence qui r git ses actes parfois elle est attir e par le jeune parfois elle semble manifester une certaine r pulsion son gard et par rapport au comportement qu il suscite en elle 133 Deuxi me partie L ambivalence de la femme D un c t Susini d finit l enfant fille maints gards comme une enfant de l autre elle lui attribue des affectations relevant d une conduite plut t adulte A titre d exemple la jeune fille simule le doute afin de prolonger le jeu sans que ce doute existe r ellement alors qu elle dirige les face face successifs dune main infaillible Elle est parfaitement consciente dans son inconscience absolue que ce qu elle feignait attendre elle lavait d j impos que bien plus il ny avait m me jamais eu pour l autre possibilit du choix accepter ou refuser PR 142 Finalement la jeune fille est inconsciente de l impact du regard qu elle porte sur le jeune Alors que le regard de la m re s est d tourn de lui pour se poser sur un homme fait obligeant son fils se d tacher d elle le regard de la fillette le rend de nouveau la vie alors que dans la premi re sc ne leurs yeux ne se sont pas rencontr s Par un renversement se r alisant de proche en p
403. nces subies par cette approche devenue une pratique courante dans l analyse litt raire o de multiples th ories concourent pour lucider la pr sence de certaines constantes dans le texte Nous optons donc pour une approche plurielle qui permet de rendre compte d un texte d une mani re plus complexe au d triment de th ories monolithiques Il d coule du raisonnement plus haut que l on chercherait en vain un passe partout interpr tatif une th orie litt raire ou une m thode qui procurent tous les outils n cessaires pour discuter d une litt rature quelconque plus forte raison une structure seule et unique qui puisse englober des ouvrages se rangeant sous l tiquette de genres de prime abord aussi disparates que ceux de Susini Dans le but d effecteur une tude la plus approfondie possible nous aurons de ce fait recours aux th ories de la critique litt raire tout autant qu d autres th ories des sciences humaines Chaque approche d termine une certaine perspective et finit par changer la configuration du tout d o l int r t d tudier un m me ph nom ne sous des angles vari s Pour citer Molini et Viala il est intellectuellement profitable de tenter une observation crois e sur une m me chose Notre travail ne se veut donc pas un simple jeu intellectuel mais notre espoir est que notre approche contribuera une meilleure 8 Essais de linguistique g n rale I Les fondations
404. nciation tant t avec le point de vue localement color au niveau s mantique tant t avec une perspective qui s en 275 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture d marque mettant l accent sur le mode de narration Dans l nonc se c toient ainsi la voix narrative et la voix auctoriale en contradiction l une avec l autre Si un dialogue rompt avec le r cit aussi bien au niveau formel disposition graphique et caract ristiques typographiques que stylistique changement de registre le passage cit atteste d un m tissage de deux registres langue parl e et langue soutenue les rendant la fois troitement solidaires et fortement disjointes au sein de l nonc Cette ambivalence inh rente au mode d nonciation a t pensons nous tributaire de l quivoque a laquelle certains journalistes ont fait r f rence quant la position de Susini vis a vis des pratiques culturelles qu elle met en fiction Cette quivoque autour de la voix se complexifie dans Corvara ou la mal diction pi ce de th tre truff e de proverbes et de locutions proverbiales Selon Maingueneau les proverbes et les locutions proverbiales permettent aux locuteurs de se dissimuler derri re un masque d impersonnalit Les ph nom nes nonciatifs dans lesquels le locuteur prof re des paroles sans en prendre la responsabilit sont une bonne mani re de sugg rer ce que l on pense sans avoir
405. nclusion m res le fondement de la construction identitaire f minine C est de cette ambivalence des m res face des param tres sociaux et culturels en mouvance dont s empare le texte susinien Les questions sociales et culturelles sont intimement li es aux interrogations morales chez Susini La n gociation occult e entre la ressemblance recherch e par la m re et la diff renciation d sir e par la jeune fille prend des allures de v ritables parties de bras de fers tacites autour de questions associ es la chastet et l humilit l habillement et la corpor it le travail de socialisation de la jeune femme s accomplissant en grande partie dans et par un travail de construction pratique de la transformation des corps Aux consid rations sur la moralit des actes simbriquent d autres questionnements thiques relatifs a la foi L ambivalence morale des m res se manifeste dans le combat interg n rationnel entre la mani re convenable de mettre en pratique son respect pour la loi sociale et d afficher son respect pour la loi morale ce qui chez Susini est li a la question thique de la culpabilit un de ses themes privil gi s Par la mise au jour de ambivalence maternelle des figures f minines corses Susini fait clater le cadre restreint des param tres culturels et sociaux pour y joindre des questionnements moraux et thiques Si le social et le culturel forment le canevas sur lequel se projette l labor
406. ncophone des femmes du pourtour m diterran en L intervention de Georgiana Colvile portait sur Le destin tragique de la femme corse dans l uvre de Marie Susini 1920 1993 inscrivant l criture de Marie Susini entre le rien autor f rentiel et m tatextuel moderne et l antique destin arbitraire tout aussi absurde 216 de la mythologie grecque et donnait suite a son article paru en 1997 L enfermement dans l le la femme corse dans l uvre de Marie Susini la m moire de Marie Susini 2 3 2 tudes psychanalytique et ethnologique Deux travaux sortent du lot de par leur angle d attaque en 1991 1992 Marie Albertini pr sente une analyse tripartite du roman Je m appelle Anna Livia publi e dans les Cahiers d Errata intitul e D sir crire mourir Je m appelle Anna Livia Les textes ont au d part t l objet d un expos dans le cadre d un enseignement psychanalytique La recherche se fonde sur la fonction paternelle et la dette symbolique telles qu elles se pr sentent dans le roman Comme l histoire du livre se r sume lacte incestueux entre p re et fille l tude est une sorte de lecture de clinique psychanalytique S alignant sur la th orie de Lacan Albertini part du principe que la cr ation litt raire comme fiction c est aussi l laboration d un fantasme qui est le soutien du d sir Albert
407. ndre PS 35 constate t elle Ceci doit tre consid r moins comme une d faite des fruits de l mancipation du mouvement f ministe que comme une d claration contre l enfermement assimil l apprentissage au couvent En effet tout le roman constitue une voix contre la socialisation traditionnellement impos e aux jeunes filles en raison de leur sexe La po tisation de l enfance par un regard lancinant de nostalgie est aussi mise en parall le avec les heurts in vitables que ressent la petite fille en d couvrant la faillibilit de ses parents et les inconsistances des personnes repr sentant la structure de la soci t notamment l glise et les tablissements religieux qui perp tuent son dogme Les conflits internes qu prouve Vanina mergent en partie de cette incoh rence comment les m canismes structuraux qui lui imposent une conduite normative peuvent ils tre conflictuels c est dire prescrire en th orie certaines valeurs que la pratique annihile Dans le roman Le premier regard Susini montre par le biais de la jeune fille dans le train l image d une jeune fille avis e aux antipodes de celle 263 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture bross e dans Plein soleil Cette jeune fille sadonne a un jeu gestuel aux accents dits f minins sans aucune intervention r probatrice venue de l ext rieur au niveau du r cit ni celui de la narration sa situation famil
408. ne citation tir e des B atitudes Heureux sont ceux qui souffrent car ils seront consol s le Royaume des cieux leur appartient NA 145 La voix de la narratrice se joint ponctuellement celle du pr tre formant une messe deux voix ce qui met en vidence la fid lit de Fabia 9 L vangile selon Luc 2 29 32 En latin le cantique est comme suit Nunc dimittis servum tuum Domine secundum verbum tuum in pace Quia viderunt oculi mei salutare tuum Quod parasti ante faciem omnium populorum Lumen ad revelationem gentium et gloriam plebis tue Israel La traduction francaise Maintenant Seigneur laisse ton serviteur S en aller en paix selon ta parole Car mes yeux ont vu ton salut Que tu as pr par devant tous les peuples Lumiere pour clairer les nations Et gloire de ton peuple Isra l 430 TEvangile selon Matthieu 5 3 12 305 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture aux dogmes de l glise Certaines pri res renvoient Fabia l image de son enfance La Paix du Seigneur Agneau de Dieu qui effacez les p ch s du monde Dans la maison du P re NA 145 Peu de temps apr s Fabia raconte la violence exerc e par les Allemands contre son ami Gr goire suite quoi il perd connaissance Fabia se met crier ce qui perturbe la messe et attire l attention du pr tre qui vient non pas leur porter secours mais leur demander de s
409. ne citons titre d exemple qu un de ces passages On aurait pu se voir ailleurs dit il de sa voix sans timbre L le est si petite Darc s A Alcareto Chez des cousins de l autre c t de l le o tais tu Je m garais au milieu des jours je me demandais sans cesse l heure qu il tait je me perdais dans la carte de l le p 85 sq 20 Bulletin trimestriel de la Soci t des Langues N o Latines 76 ann e fascicule 2 premier trimestre no 241 1982 p 155 161 92 2 L auteur et son uvre insulaires partagent certains traits communs tant donn leur proximit g ographique Or elles marquent aussi d embl e des diff rences Si pour les crivains corses tels Christian Giudicelli Angelo Rinaldi et Marie Susini la mort la d fiance devant l tranger et l exil constituent la trame du roman ces th mes fournissent selon Andr un sujet suffisant l uvre des crivains sardes Les mentalit s et la civilisation corses sont analys es pour ce qui est de Susini travers son roman La Fiera Le noyau de l analyse d Andr est que m me si les crivains corses tout comme les crivains sardes sont des exil s l exil n a pas la m me signification pour eux Pour les crivains sardes l vocation du pass suffit pour cr er une uvre tandis que la Corse souvent personnage principal est rel gu e pour ne devenir que l arri re plan d un roman de dimension plus ou moins psycholo
410. ne des seules meres dans la production de Susini qui parviennent a r concilier maternit et f minit tre simultan ment m re et femme si nous nous tenons la grille des tats de femme dress e par Eliacheff et Heinich et ceci non pas dans le sens de m re pour sa fille et femme pour son mari mais dans lincarnation des deux r les simultan ment Rien ne laisse entrevoir que les quelques remarques de la m re l encontre de Vanina se soient av r es n fastes pour le futur d veloppement de la jeune fille Dans une perspective psychologique et interrelationnelle la mere de Vanina laisse un espace structurant au p re ce qui permet la fille et a la m re de se retrouver la fin de l t 6 2 2 Absence psychique Une des relations les plus complexes et les plus poignantes sinon la plus complexe dans l uvre susinienne est celle entre Nunzia et sa mere Francesca relation dont les contours sont trac s par les ombres que jette sur elles le fils fr re d c d Plus abusive que l absence physique est celle caus e par l inaccessibilit motionnelle de la m re Francesca la m re de Nunzia fait partie des m res physiquement pr sentes mais psychiquement absentes dans leur fonction maternelle vis vis de leurs filles 217 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Dans certains cas l in galit de traitement est un sentiment d injustice subjectivement v cu sans fondement r el Dans le cas de Nun
411. ne restera rien de moi Les vautours s occuperont du dernier acte AL 39 Le titre du livre est une r f rence au dilemme d Anna Livia appel e Elisabeta par sa mere Anna Livia se fait d signer par un autre nom en 1 l une des deux grandissant Le pr nom est selon la r flexion de Dolto racines de la vie de la fille l autre tant la notion de sa filiation ou la celle de son patronyme Comme la notion de son patronyme n est pas d ordinaire donn e en relation avec le nom des parents le pr nom demeure le seul l ment qui lui d livre la notion de sujet Anna Livia est pr sent e comme tant sans racines dans les deux sens de Dolto la filiation n est pas connue par le lecteur et Anna Livia pr f re effacer le pr nom que lui a donn sa m re en lui substituant un pr nom qu elle s est auto attribu Le nom c t du visage est porteur de l identit de l individu c est le nom qui permet son identification dans l talement du temps Anna Livia a tenu a rompre cette continuit en pr f rant un autre nom que celui octroy par sa mere En refusant l emploi du pr nom Elisabeta Anna Livia s invente un sujet autre avec une nouvelle identit construire selon sa volont Or comme le d montre le r cit et malgr l insistance du titre du roman cette construction s av rera une lente d construction du sujet faute d un processus identificatoire compensateur Dans Je m appelle Anna Livia Susini pousse
412. nealogy of Love Love s Knowledge Essays on Philosophy and Literature New York Oxford University Press 1990 p 286 313 30 Introduction Lorsque la litt rature est un objet d tude deux consid rations surgissent L une concerne la repr sentation du th me sur le plan s mantique l autre s attache au texte en tant que mat rialit o prend naissance l architecture du texte sa spatialisation et sa transversalit travers les structures narratives et syntaxiques En partant des consid rations g n rales sur l ambivalence de plusieurs points de vue notamment psychologique et sociologique nous nous efforcerons d aborder ces deux aspects du texte dans le pr sent travail Considerations subjectives et universelles du choix de l objet d tude Quant la justification du choix de l objet litt raire et aux questions de repr sentativit et de significativit il existe aussi bien des raisons personnelles pour tenter de p n trer une uvre et le ph nom ne textuel que d autres de port e plus vaste et d int r t plus universel Si notre premi re lecture des ouvrages de Susini a t une lecture innocente ou une lecture d sirante de part en part cette uvre nous a interrog e la mani re de tout texte en tant que ph nom ne s miologique face un lecteur non plus innocent et amateur ma s en tant que critique d nomination prise dans son acception herm neutique c est dire en tan
413. nel du v cu personnel quel qu en soit le degr d laboration litt raire est son ouverture par le biais de la g n ralisation et de la transmission vers un partage de l exp rience humaine une reconnaissance de soi et de ses propres sentiments et r flexions ancr s dans un fond humanitaire commun La lecture nous raccorde une m moire et une conscience collectives qui a leur tour agissent sur notre agir notre v cu sur notre pr sence dans le monde Qui plus est la distinction dans la fiction entre le r el et l imaginaire se dissipe au profit dune fusion des deux conf rant a la fiction son pouvoir transformateur et cathartique Cette dissolution d une frontiere nette entre vie et fiction est ce qui nous permet de scruter les ph nom nes humains une certaine distance tout en y tant impliqu s profond ment dans un processus o nous sommes la fois le sujet et l objet de l action Prendre part une mise en sc ne au c ur de laquelle l ambivalence tient la vedette nous r v le non seulement une nouvelle dimension de l existence mais nous apprend au mieux quelque chose sur nos propres h sitations nos schemes d actions et leurs motivations Les personnages examin s seront ainsi d finis en termes d essences psychologiques Selon Ducrot et Schaeffer la pertinence du personnage fictif n est pas limit e au seul domaine de la fiction cela serait selon eux m connaitre les voies parall les que tissent ent
414. nette ces textes auxiliaires d une uvre sont appel s paratextes Genette distingue deux sortes de paratextes qui regroupent aussi bien des pratiques que des discours h t roclites manant soit de l auteur paratexte auctorial soit de l diteur paratexte ditorial Le paratexte se divise encore en p ritexte paratexte situ l int rieur de l uvre et pitexte situ a l ext rieur du livre Le p ritexte regroupe ainsi par exemple le titre le sous titre les intertitres les noms de l auteur et de l diteur la date d dition la d dicace la pr face la postface les illustrations et la quatri me de couverture L pitexte regroupe des critiques des messages se situant sur des supports m diatiques entretiens et interviews accord s par l auteur avant pendant ou apr s la publication de l uvre des correspondances et des journaux intimes etc L int r t de l tude du paratexte r side pensons nous en partie dans son caract re ph m re tout comme il peut na tre il peut dispara tre tout moment d o un souci de le sauvegarder pour la post rit Dans ce chapitre nous avons par cons quent tent de rassembler l essentiel des paratextes entourant l uvre de Susini Le texte d finitif est toujours le r sultat d une laboration progressive Ce chapitre procurera un survol de l uvre de Susini et tentera simultan ment autant que faire se peut d lucider l v nement g
415. ni condense l image d une jeune femme tragique et mythique d un c t avec une adolescente moderne et d sempar e de l autre Anna Livia incarnation de l adolescente succombant l acte innommable avec son p re semble se d finir davantage par rapport aux autres plut t qu en trouvant trouver des rep res en elle m me Dans Plein soleil Susini pr sente un espoir de r conciliation entre un pass traumatisant et un futur r parateur Et il n y eut plus en moi que la joie de revoir les yeux de ma m re et Maria et la Secca et toutes ces choses de la maison dans l odeur chaude des pisticcine PS p 157 Dans Je m appelle Anna Livia une telle r conciliation non seulement fait d faut mais ses conditions d existence sont abolies par la narration qui se met elle m me en doute effacant au fil de son d roulement une s paration nette entre les temporalit s Par la Susini semble adh rer la r flexion posant que quelle que soit l poque le sort de la femme est tragique car sa culpabilit ne peut tre annihil e par aucun acte r dempteur Nous envisageons une narration scind e entre deux temporalit s le moment pr sent de l histoire et les analepses comme une manifestation de la scission du discours L exemple le plus saillant dans la production de Susini du clivage du discours quant au jeu de temporalit s intercal es peut tre relev dans C tait cela notre amour o la scission s op re au niveau de
416. ni en voque une gradation avec Mathieu c est la passion avec Vincent Fabia vit une amiti amoureuse et avec Francois c est la r signation Lamour d lection entre femme et homme amants et aimant celui qui n exige ni m rite ni justification est rarement mis en vidence chez Susini Susini dans Temps de lire mission du 10 d cembre 1970 Cha ne de diffusion 1 L Inath que Paris Biblioth que nationale de France 327 Ibid 184 5 Femmes en rupture de couple La lyrique biblique sur l amour telle qu elle se manifeste selon Julia Kristeva dans le Cantique des Cantiques semble irriguer la description de l amour chez Susini Les influences du texte biblique semblent se manifester dans les textes de Susini par le fait que c est la femme qui est le sujet principal de l nonciation dans les deux textes et que la note dominante du sentiment amoureux est la langueur de lamante Comme dans le Cantique l amour chez Susini est repr sent initialement comme l antidote la non existence lamour sauve l tre C est pr cis ment ainsi que l amour entre femme et homme est repr sent tr s concr tement dans C tait cela notre amour D s que d bute l vocation de l exp rience amoureuse le lecteur se trouve dans lunivers de l ind cidable Fabia rencontre Mathieu quelque part dans le Quartier latin pr cis ment l entre Seine et Sorbonne NA 11 un soir d t La narratrice sem
417. nien ne se soustrait pas aux caract ristiques d un discours cliv issu d une soci t moderne dont l ambivalence est un des l ments constitutifs Le discours susinien peut tre consid r comme tant merg de moments charni res de l histoire d une certaine soci t occidentale en l occurrence et sav rant ambivalent suite un effort de positionnement vacillant face aux d fis provoqu s par la n gociation entre l individuel et le social le connu et l inconnu Or de quelle mani re cet entre deux spatial se calque t il plus particuli rement sur la conception de l espace dans la fiction de Susini 7 2 L ambivalence spatiale ou l ind termination d une appartenance probl matique Un des th mes r currents de la fiction de Susini est en effet l investissement probl matique du lieu par la figure f minine L ext riorit et l int riorit se d voilent en deux lieux sp cifiques dans sa fiction l espace ext rieur que constituent l environnement naturel et la ville et l espace int rieur compos par le confinement du foyer Ces deux espaces interagissent dans la cr ation d un discours qui oppose en les assimilant la mat rialit de l espace et l aspect m taphysique de la conscience A l interaction entre le dehors et le dedans s ajoute une troisi me dimension l ambivalence spatiale prenant naissance dans deux envies contraires quant l investissement du lieu rester et partir Une quatri m
418. nn que relativement peu d information est disponible sur la vie de Susini Il est clair que plus il existe d informations sur la vie de l auteur plus il est facile de tisser des liens entre sa vie et son uvre Inversement il serait possible d avancer que moins il y a d l ments bibliographiques plus nous sommes oblig s de nous fier aux voix qui jaillissent directement du texte 2 1 El ments de mythe et de modernisme Notre propos n est pas d crire une biographie de Marie Susini un tel travail reste accomplir dans le futur et pour ceci l indigence des sources est trop vidente mais l examen de son itin raire s impose afin d en d gager les tapes marquantes les d couvertes les rencontres orientant sa vie et les exp riences fondamentales la source de sa vie cr atrice La pr sentation s impose aussi pour mieux mettre en valeur Susini dont les diff rentes tapes de la vie sont mal connues du grand public et galement parce que l auteur est selon la r flexion de Jean Bessi re la condition de l uvre sa d termination et une des composantes a la fois expos et ind termin Le texte et son auteur sont inextricablement li s L4 quelle que soit l approche adopt e d une tude herm neutique l criture 2 gt gt comme l exprime d une est indissociable de ce que nous sommes mani re heureuse la romanci re et po te C cile Oumhani l enchev trement entre tre et cr
419. nna Livia Anna Livia il faut que tu coutes cest mon histoire AL 72 insiste t elle Anna Livia contemple la douceur et la futilit de sa m re et se souhaite ailleurs La m re insiste toujours en insistant sur le pr nom qu elle a donn sa fille Elisabeta m langeant sa tentative d attirer l attention d Anna Livia avec la recherche dans sa m moire de la fa on dont le p re l appelait autrefois Pour finir Anna Livia lui fait part de son incompr hension Tu me hais dit elle sa m re Un an peine apr s la naissance d Anna Livia la m re quitte le foyer par lassitude Par ennui Elle n explicite pas les raison de ce d part qui brise le ternaire de la famille introduisant l inceste comme un facteur possible entre le p re et la fille Dans Je m appelle Anna Livia la m re d Anna Livia n occupe pas sa place de femme aupr s de son mari puisqu elle quitte le foyer et abandonne ainsi sa fille la laissant au p re qui s acquitte au quotidien tant bien que mal de son devoir l aide de ses travailleurs domestiques En r alit Anna Livia est abandonn e par ses deux parents Dans une telle situation rendue possible par l abandon par sa m re Anna Livia est de celles doublement abandonn es par leur m re physiquement et symboliquement La m re est incapable d assumer son r le de tiers dans la relation p re fille C est dans ce sens que l abandon symbolique de la m re et en cons
420. nnent son quotidien et qui veillent sur elle pour passer trois mois d t au couvent o elle d couvre l ennui l enfermement le mensonge et la mort Il s agit bien d un roman autobiographique le roman retrace le trajet que Marie Susini a 143 Michel Cournot L entendre encore Le Nouvel Observateur no 1504 1993 p 52 144 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini L cole des lettres IL art cit p 35 8 Passim 146 Josyane Savigneau La mort de la romanci re Marie Susini Le myst re et lorgueil corse Le Monde 25 ao t 1993 Il est n anmoins int ressant de noter que non loin de Bupia l on peut rep rer sur la carte d taill e de la r gion de Vico et de Carg se un endroit s intitulant Plein Soleil lien jamais voqu notre connaissance avec le titre du roman de Susini Institut g ographique national carte no 4151 OT 76 2 L auteur et son uvre fait enfant dos de cheval avec son p re de Rennu le village o se trouve la b tisse familiale au couvent d Evisa village avoisinant Comme ce premier roman a t tr s bien accueilli j ai continu constate Susini face au succ s du roman et en expliquant la direction que sa vie prend par la suite Apr s ce premier livre autobiographique je suis rest e tout naturellement dans la ligne corse parce que je trouve en Corse des valeurs qui me sont particuli rement ch res pr cise Susini
421. norlundaskap orsakat av en existentiell ambivalens Ett utmarkande drag hos kvinnofigurerna ar deras os kerhet tvekan och mots gelsefullhet De bar pa mer eller mindre omedvetet formulerade ideal r kluvna av moraliska och etiska dilemman och deras handlingar k nnetecknas av motstridiga principer nskningar och str vanden Syftet med avhandlingen r ocks att belysa och f rst rka Susinis position p det litter ra f ltet Susinis teman r b de universella och moderna Trots det har hennes produktion inte studerats s rskilt mycket I min avhandling visar jag bland annat att samtiden och de efterf ljande generationerna utv rderat Susinis verk och f rfattarskap p ett motstridigt s tt Medan somliga kritiker inte dragit sig f r att kalla Susini f r en av de st rsta eller rentav den st rsta f rfattaren av korsikanskt ursprung n mns hennes verk s llan i antologier ver fransk 1900 tals litteratur Det faktum att hon var v ldigt diskret inneb r ocks att uppgifter om hennes privatliv inte finns att tillg i s rskilt stor utstr ckning En underliggande tanke i avhandlingen r att det inte gar att utesluta att Susinis egen ambivalens speglas i hennes texter Hela sitt liv f rblev hon ambivalent i sitt f rh llande till Korsika som hon lskade men samtidigt hatade ven om n i stor utstr ckning fungerade som inspirationsk lla till m nga av hennes texter v ckte den ocks skr ck och ngest hos henne Den kvinn
422. notamment dans les romans Plein soleil La Fiera et Les yeux ferm s travers des th mes comme l le pi ge la malaria et le jeu entre le jour et la nuit De nombreux exemples l appui Peraldi met en avant l action destructrice du soleil comme agent naturel et propose que Marie Susini soit l unique crivain qui souligne avec insistance le r le d vastateur de lastre du jour Peraldi met en avant le fait que Susini compte parmi les crivains pr curseurs de l le qui ont le courage de pr senter une certaine image de Pile que beaucoup d autochtones ont rejet e par simple crainte linscrivant dans un mouvement r g n rateur de la litt rature corse d expression fran aise En 1997 est publi l article Marie Susini ou la Corse cartel e R pons par Laurence Enjolras et Holy Cross Comme l intitul le signale la vedette de l analyse est la Corse telle qu elle est d crite ou entrevue dans Francine de Martinoir Marie Susini et le silence de Dieu Paris Gallimard 1989 p 14 20 Op cit p 154 25 Universit Pasquale Paoli Corse 1992 206 Peraldi op cit p 20 207 Thid p 198 28 Thid p 283 209 Thid p 283 210 Tbid p 478 211 Women in French Studies no 5 1997 p 43 48 94 2 L auteur et son uvre Plein soleil La Fiera C tait cela notre amour Je m appelle Anna Livia et La Renferm e la Corse Si Plein soleil la Fiera et La renf
423. ns Certain Steps Towards Understanding Ambivalence Albany State University of New York Press 1991 p 8 38 Robert Merton The Role Set in British Journal of Sociology 8 1957 p 106 120 Sociological Ambivalence and Other Essays New York Free Press 1976 57 Premi re partie De la th orie la r alit assigne main d uvre ma tresse pouse m re et quel degr sa position s accorde t elle avec le statut dont elle souhaiterait jouir elle m me et avec celui que la soci t est pr te lui laisser occuper 1 2 2 L ambivalence comme outil d exploration des moments de non identit Dans les d finitions plus haut ambivalence est consid r e plut t comme un ph nom ne d finir ou comme un ph nom ne dont il faut examiner le caract re et le fonctionnement Dagmar Lorenz Meyer propose une instrumentalisation plus appuy e du concept Elle veut lui assigner un r le de premi re importance dans l analyse des situations tales dans l volution sociohistorique d une soci t Pour elle le concept d ambivalence constitue en sciences sociales un outil analytique pr cieux dans l exploration des moments de non identit et de non cl ture c est dire dans l interpr tation des forces oppos es simultan ment pr sentes chez l individu le poussant dans des directions d action diff rentes aussi bien au niveau individuel que soci tal Elle propose un d veloppement des aspects normati
424. ns la cognition du lecteur 8 2 3 Le pi ge du construit culturel du mod le f minin Comme nous avons pu le voir tout au long de cette dissertation l uvre de Susini invite le lecteur s interroger sur les mod les culturels A conventionnels d tre femme qu il s agisse de la femme corse fran aise m diterran enne ou de la femme tout court Le d nominateur commun des figures f minines chez Susini est leur sentiment d tre pi g es et Anne Ubersfeld Lire le th tre 1 Paris Belin 1996 p 185 221 32 Bakhtine d finit l hybridit d un nonc de la fa on suivante Nous qualifions de construction hybride un nonc qui d apr s ses indices grammaticaux syntaxiques et compositionnels appartient au seul locuteur mais o se confondent en r alit deux nonc s deux mani res de parler deux styles deux langues deux perspectives s mantiques et sociologiques Il faut le r p ter entre ces nonc s ces styles ces langages et ces perspectives il n existe du point de vue de la composition ou de la syntaxe aucune fronti re formelle Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard 1975 p 126 277 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture incomprises le mod le culturel qui leur est prescrit ne soutient pas leur panouissement personnel Dans la trilogie corse Susini fait d couvrir un monde bipolaire progressivement lun
425. ns les termes suivants L image po tique n est pas soumise une pouss e Elle n est pas l cho d un pass C est plut t l inverse par l clat d une image le pass lointain r sonne d chos et l on ne voit gu re a quelle profondeur ces chos vont se r percuter et s teindre Dans sa nouveaut dans son activit l image po tique a un tre propre un dynamisme propre Elle rel ve d une ontologie directe Ainsi l image contient en elle aussi bien le pass et la pouss e vers un avenir dans l imm diatet du pr sent que constitue l criture D un point de vue herm neutique Ric ur pr tend que la m taphore ajoute par le biais de sa fonction po tique nos mani res de sentir en symbolisant une situation par le moyen d une autre la m taphore infuse au c ur de la situation symbolis e les sentiments attach s la situation qui 1 Aussi bien la juxtaposition que la superposition d images symbolise feraient ainsi partie du mode de fonctionnement de cette figure de style Ric ur distingue le niveau s mantique et le niveau herm neutique de la m taphore Si le point de vue s mantique de la m taphore correspond la Marthe Robert La v rit litt raire Paris Bernard Grasset 1981 p 109 380 Gaston Bachelard La po tique de l espace Paris P U F 1957 p 1 2 381 Ibid p 241 250 7 Ambivalences spatiotemporelles phrase la perspective herm neutique de la m
426. nsacr Certaines figures comme la bonne ou l enfant ne semblent tre cr es par Susini que pour servir de faire valoir au tragique qui se d roule Au centre de l intrigue s tablit un r seau th matique les th mes de la transgression de l individu et du ch timent divin la lutte entre le devoir personnel et la soci t l imm diatet de l histoire et la port e universelle du sort des hommes la libert et le d terminisme ainsi que l impi t et lexpiation de la faute Selon la conception de Roland Barthes tout h ros tragique na t innocent Or dans lunivers tragique de Susini l tre est marqu par la faute d s sa naissance La th ologie de Susini est impitoyable la question n est pas de savoir si l on est accabl ou non mais si l on est culpabilis injustement ou non L interrogation th ologique se ram ne simplement une question de gradation dans quelle mesure est on coupable La r ponse de Susini est sans quivoque On ne choisit pas le malheur Quand on est marqu on l est d s qu on sort du ventre de sa m re et d j le cri qu on pousse en naissant est celui du d sespoir RC p 260 Tout autant que la loi du talion manifeste son existence dans lunivers l enfant doit payer pour les fautes de ses parents Selon Barthes la division est la structure fondamentale de l univers tragique Or dans un premier temps qu est ce qui d finit v ritablement l
427. nstalle Fabia dans une partie de la maison o le p re n entre plus Le comportement du p re fait m me croire a Fabia qu il aurait voulu se d barrasser d finitivement delle id e r fut e par la m re Alors que Fabia se r signe au fait que le p re ait pu avoir des motifs pour sa conduite elle ne comprend pas l indiff rence de sa m re La m re ne lui offre pas d autre r ponse que sa volont d adopter la m me conduite et la m me attitude que son mari par gratitude consid rant que son mari l avait sauv e de la pauvret et qu il lavait sortie de sa condition inf rieure de domestique condition laquelle elle ne s est finalement pas chapp e selon l avis de Fabia Ce que ma m re ne voyait pas c est que pauvre et domestique elle l tait rest e NA 116 Fabia lui ass ne un reproche encore plus amer celle d tre frustr e d avoir re u le don d un enfant soi sans savoir en profiter Pour pouvoir manger la m me table que son mari la m re a fait le sacrifice de la consid ration de sa fille Pour consolider son couple la m re exclut Fabia de l unit familiale Nous voil donc encore une fois devant une constellation platoniquement incestueuse selon les termes d Eliacheff et Heinich l enfant n occupe aucune place dans l espace familial Bien plus tard Fabia a le droit de rejoindre ses parents table et son lit est install dans la m me partie de la maison o ils dorment Ceci se fait sans
428. nt que l ambivalence maternelle n est pas la m me chose que l ambivalence de la mere la m re peut tout fait tre ambivalente non pas vis vis de ses enfants mais par rapport d autres l ments pr sents dans sa vie Comme le constate Rozika Parker L ambivalence maternelle ne constitue pas une condition anodine de sentiments mitig s mais un tat d esprit complexe et contradictoire A en croire Parker ambivalence maternelle est d termin e par des interactions complexes entre les r alit s externe et interne et doit tre d finie partir de param tres sociaux et culturels Cela dit les ambivalences que ressent la m re vis vis d une personne autre que son enfant ou un objet peuvent avoir des r percussions sur l ambivalence qu elle ressent par rapport a sa maternite Dans ce qui suit nous avons choisi de regrouper la figure maternelle dans l uvre de Susini dans quatre sous chapitres distincts les m res pr sentes les m res absentes les m res incestueuses et la figure de la m re entre mythe et madone 6 1 Meres presentes Des repr sentations aussi bien individuelles que culturelles entourent la fonction maternelle Il est certainement cens de garder l esprit le fait que la maternit n est pas pour toutes les femmes l objectif ultime de leur existence mais pour certaines il s agit seulement d un stade parmi d autres dans une longue s quence d v nements contribuant a
429. ocessus de distanciation des individus par rapport au r le que la soci t assigne certains statuts ou certaines positions que les individus occupent un moment donn en l occurrence les adolescentes ou les jeunes femmes Par l interm diaire de deux figures de fiction Angnola et sa m re Susini met au jour les enjeux de la lente d liaison de la configuration traditionnelle pr existant l mancipation f minine et du processus de distanciation par rapport au r le que la soci t d signe un certain individu Est galement mis en sc ne un type de r solution du conflit interg n rationnel la conformit aux normes existantes l autre tant la non conformit Le th me sur le fond duquel se joue le conflit entre les deux femmes est celui de l closion amoureuse d Angnola Angnola jeune fille amoureuse de quinze ans est la figure repr sentant la modernit qui se trouve non seulement face la rude preuve de la d r liction des rep res des r gles et des lois mais qui repr sente l instrument m me de ce processus 30 Intergenerational Ambivalence A New Approach to the Study of Parent Child Relations in Later Life Working Paper of an article published in Journal of Marriage and the Family 60 May 1998 p 413 425 p 22 31 Thid p 9 143 Deuxi me partie L ambivalence de la femme d effacement progressif Sa m re en revanche incarne les valeurs cardinales d une femme de l
430. oci t lentourant filtr par l interpr tation qu en fait l auteur Le discours social culturel et l nonciation subjective se confondent ainsi sans qu il soit possible de les d partager et de leur assigner individuellement une part pr cise Les trois ouvrages mettant en avant des valeurs culturelles explicites sont Plein soleil La Fiera et Corvara ou la mal diction c est dire les ouvrages o une soci t minoritaire se confronte aux valeurs de la soci t majoritaire Or la confrontation ne se joue pas n cessairement toujours sur l axe soci tal minoritaire majoritaire mais sur le renforcement ou le d sarconnement des valeurs culturelles autochtones au sein d un contexte minoritaire Ce discours minoritaire culturellement teint est pris en charge par la narratrice qui l int gre dans sa voix en y ajoutant des inflexions valorisantes selon sa prise de position par rapport au ph nom ne relat Ainsi dans la description de Sylvie dans La fiera les nonc s valuatifs des villageois sont m l s avec un discours plus neutre v hicul par la narratrice D s son arriv e il ne fut plus question que d elle dans les deux hameaux sur la place Vous avez vu la femme de Matteo Ca oui que c est une femme Si belle si raffin e si plein de bonnes mani res que les gens se demandaient encore comment elle avait pu s exiler dans ce village perdu Ce n est pas que le village ne soit pas beau C est le p
431. ographique Charlie Galibert prend l essai comme point de r f rence en se penchant sur le ph nom ne de l change et de la r ciprocit dans les soci t s dites archa ques L exemple de Susini est tir d un passage o elle d crit le dilemme de l enfant face la r ception d un cadeau beignet pomme bonbon ou poignet de noix et le processus analytique du comportement et de ces effets qu avait effectuer l enfant avant d accepter loffrande En acceptant trop rapidement on pouvait faire croire qu on vivait dans le manque et on se mettait dans une relation de d pendance vis a vis du donateur en le refusant on manifestait sa volont de se soustraire a la logique voire l obligation de l conomie de l alliance et de la communion Au sein de la critique susinienne la majorit des recherches ont soulev explicitement ou implicitement des questionnements relatifs la Corse ou linsularit mettant tout particuli rement l accent sur les rapports entre l nonc et son auteur tandis qu aucun travail notre connaissance n a eu comme objectif d lucider l uvre travers l optique offerte par une approche focalisant sur la notion d ambivalence et tout particuli rement les ambivalences de la femme dans ses rapports avec la soci t et ses autres acteurs ce que notre travail tentera donc de r aliser Notons galement qu ce jour et notre connaissance aucune th se n a t exclusivement 221 No
432. oir Cette mort qui pour moi semble toujours planer comme une menace invisible dans ce paysage de pierres Cette menace Vanina la ressentait dans Plein soleil Vanina qui ne voulait pas le soleil et qui avait peur de ombre et il semble bien maintenant que 147 Chemin indiqu l auteur par Jean Susini sur place dans l le en ao t 2004 148 Francine de Martinoir Entretien avec Marie Susini L cole des lettres art cit p 35 7 G B Quelques instants avec Marie Susini Lundi Matin 21 mai 1956 a Premi re partie De la th orie a la r alit l enfance seule pouvait len d faire Car ici le soleil n est plus un secours ou un refuge Il wy a plus de lumi re En v rit le lecteur r agit sur le vocable h ro ne invoqu pour d crire la place qu occupe la Corse dans ce r cit car le mot est empreint de connotations positives qui ne trouvent n anmoins pas leur r f rence dans le roman Il y a certes une vocation incantatoire de la nature et de l enfance mais ces th mes s amenuisent sous le poids du tragique r cit relat L histoire du roman peut se r sumer comme ceci par une belle journ e d ao t tous les villageois d un canton marchent sous un soleil accablant vers la chapelle Saint Albino patron des campagnes Certains bavardent d autres r vent d un amour naissant ou ressassent de vieilles blessures et des douleurs en train de les ronger La coutume veut que apr s l
433. olella est voqu e moyennant des termes comme cri de triomphe jet de flamme reflets dor s tournesol force et rouge PS 45 la jeune femme au couvent par des d notations comme ombrelle robe claire et fra cheur PS 39 Comme nous avons vu Susini fait se doubler une certaine joie jubilatoire de Vanina la vue de deux femmes aux attraits tr s f minins l extinction de l espoir les deux la joie aussi bien que l espoir sont vou s la mort Le lien que cr e Susini entre une certaine attente positive de Vanina gr ce ces deux femmes par rapport un devenir femme autre que celui marqu par l aust rit et la retenue conformes aux conventions sociales traditionnelles et leur d g n rescence progressive constitue une zone d intersection donnant du relief l id e de Susini quil existe une inad quation entre les principes de projections futures de Vanina et ceux de la r alit d cevante qui l entoure La mort se manifeste ainsi de multiples mani res Elle est concr te et abstraite vidente et mystique Tant t elle se manifeste dans la fiction de Susini comme une tombe une cage de mort ou encore comme un pouvantail tant t elle glisse subrepticement dans les jeux des enfants et dans les ombres La mort poss de une propri t liante tout en op rant un hiatus entre les tres les souvenirs et le respect pour les tres morts se perp tuent dans la m moire des membres de la communaut tandis que les
434. oll ge de France Pendant un certain temps elle travaille comme secr taire particuli re du ministre de l ducation nationale Abel 1 La pension aguerrit donne une certaine force de caract re d crit Madame Ghislaine Fratani les corollaires des s jours de sa tante en pension 110 L ann e exacte de l arriv e de la famille Beaune n a pu tre tablie Selon les Archives Municipales de Beaune la famille est pr sente au recensement de 1931 Elle habite alors Faubourg de Bouze Elle appara t toujours dans le recensement de 1936 Au recensement de 1926 la famille n y figure pas encore a celui de 1946 elle n y est plus informations fournies par courrier lectronique par Sonia Dillinger directrice des Archives le 25 octobre 2005 MT Informations fournies par Ghislaine Fratani 112 Jean Daniel Les chemins de Marie Susini Le Nouvel Observateur no 1503 1993 p 31 67 Premi re partie De la th orie la r alit Bonnard puis jusqu sa retraite comme biblioth caire et conservatrice au service du catalogue de la Biblioth que Nationale Notre recherche biographique concernant Susini nous conduit affirmer quel point il s agit d une femme discr te ce qui explique une certaine difficult pour se procurer des r flexions m tatextuelles sur son uvre encore relativement peu tudi e et le peu d informations sur sa vie et sa personne l gu la post rit Sa famille en Corse
435. om de sociala normerna st r i konflikt med varandra och endast vissa r accepterade i de unga kvinnornas omgivning Det typiska f r de unga kvinnorna i Susinis verk r att avst fr n att agera och att resignera inf r konflikten f r att till slut anamma den dominerande sociala normen Kvinnorna i parf rh llanden r ambivalenta s tillvida att de bade f rbinder sig till f rh llandet samtidigt som de r undvikande Den h r ambivalenta inst llningen bidrar till ett misslyckande p det affektiva planet som i sin tur p ett negativt s tt underminerar kvinnans m jligheter att konstruera en positiv sj lvbild i och med att ett tillkortakommande i k rlekslivet r n ra sammankopplat med sj lvtillit och p ett intimt s tt definierar det s tt p vilket individen lyckas skapa ett band till n stan Psykologiskt vacklar kvinnorna mellan tv motsatta sociala st llningar en kvinna som r engagerad i sitt f rh llande och en emanicperad kvinna som v ljer att leva utanf r ett parf rh llande Susinis romaner kan s gas tillh ra det som Kristeva kallar f r estetiska gr nsfall i och med att de beskriver k rleksl sheten och blottl gger sm rtfyllda tillst nd p bekostnad av en idealisering av ens k rleksobjekt Kvinnan besjunger k rleken och de k nslor som dominerar hennes tankar r vanmakt och saknaden av den lskade Samtidigt r hon mer k r i sj lva tanken om k rleken n i dess jordiska f rverkligande Tanken om at
436. omans se lit un motif autour de la musique en parall le la notion de f te dans La Fiera il s agit d une paghiela corse F 58 mais de part en part la musique folklorique est supplant e par des paroles de musique plus contemporaines dans Le Premier regard Les yeux ferm s et C tait cela notre amour paroles reproduites en francais et en anglais Lattitude des gens agacants insupportables dans la faillibilit de leur caract re transperce les textes Dans La Fiera et Corvara le lecteur retrouve les personnes qui se m lent toujours de ce que font les autres a cause de ce quils pourraient dire C 219 attitude qui est galement celle de zia Barbara la belle m re de Sylvie Une note de fatalit plane sur plusieurs ouvrages Un Pas d homme renvoie a Corvara par le constat que le pire tait enfin la PH 12 Corvara et Les yeux ferm s reprennent la m me id e sur l atavisme des actes humains C est trange comme on sait d avance comme on sait depuis toujours de quoi un homme est capable et malgr cela on le pousse a bout on fait impossible pour qu il n y ait plus de doute YF 167 Le m me sentiment d exclusion hante les narratrices Dans Les yeux ferm s elle a t victime d un sentiment d alt rit analogue celui qu a connu Sylvie et elles se retrouvent toutes deux dans une situation o les gens s expriment dans une langue rauque que je ne comprenais pas YF 163
437. omme Le XXe si cle des femmes d Florence Montreynaud Paris Nathan 1989 retrace dans le d tail et avec perspicacit l histoire des femmes du monde entier de 1900 1989 Nous d signons par femme toute figure f minine dans la production de Susini partir de la jeune fille jusqu la femme d un certain ge 25 Introduction indiqu plus haut approximativement sur la deuxi me moiti du vingti me si cle Deuxi mement nous tiendrons compte de l aire g ographique du r f rent textuel tout en l inscrivant dans l volution d ordre plus g n ral que constitue celle de la condition de la femme occidentale Il ne s agit pas dans notre analyse de retracer l histoire du statut de la femme occidentale corse fran aise ou autre mais d analyser la fa on dont la fiction susinienne sen empare pour en fournir une laboration imaginaire Nos r flexions auront comme r f rence th orique les sciences humaines en particulier la psychologie et la sociologie La volont de ne pas mener une tude historique de la situation de la femme en g n ral est la raison pour laquelle nous avons fait clater la chronologie de l uvre de Susini dans notre analyse des personnages f minins lui pr f rant un d coupage selon l ge des protagonistes Comme nous l avons bri vement voqu plus haut deux conceptions de la fa on d tre tats selon la terminologie de la sociologue fran aise Nathalie Heini
438. omme sur un plan m taphysique Agripp e ton ceinturon la joue contre cette flanelle douce qui sentait le soldat la Camel et la route c est la que je me 328 Selon l interpr tation qu en donne Julia Kristeva dans le chapitre Une sainte folie Histoires d amour op cit p 106 127 185 Deuxi me partie L ambivalence de la femme liais toi Je n avais m me pas encore vu ton visage je ne connaissais pas ton nom et je me mis tenir mon salut de toi l pour toujours NA 19 20 Par la pr sence de l homme Fabia se sent de nouveau sujet de l histoire non seulement collective mais de sa propre histoire son existence s crit dans la r demption et l ternit Simultan ment elle change en un clin d il la soumission de la collectivit fran aise face aux autorit s de la collaboration et des Allemands contre une soumission individuelle car plus que de l amour Fabia ressent un attachement obsessionnel vis vis de cet homme Pour Susini la recherche d un autre individu pour partager sa vie est surtout motiv e par le d sir de sortir l tre de sa solitude sans que celui ci puisse aucun moment tre tout fait assur de son salut par l autre Ainsi les premiers instants de la rencontre entre Fabia et Mathieu seront teint s la fois de la certitude que Fabia a trouv l tre aim et de l incertitude de la dur e de leur relation Projet e soudain dans un lieu o rien ne passe dans
439. omme impulsion au d racinement 248 7 2 4 La m taphorisation de l espace comme prise de distance 249 7 3 L AMBIVALENCE TEMPORELLE OU L HETEROCLISME D UN TEMPS UNIFORME E E E E E T E T E E E E 255 7 3 1 Le temps pris entre l immobilisme et le mouvement 256 732 TEDS ENGINI E oir E E aie mien 256 7 3 3 Entre temps v cu et temps rem mofr sseccceessnceeeesnceeeessaneceensaes 258 7 3 4 A la poursuite d un temps mythique 259 8 AMBIVALENCES SOCIOCULTURELLES ess 261 8 1 L AMBIVALENCE SOCIOLOGIQUE OU LES ATTENTES CONFLICTUELLES DES MECANISMESSTRUCTURAU X sm O E O tas e des 261 8 1 1 Attentes sociales sur les jeunes filles 262 8 1 2 Les jeunes femmes et l amorphisme normatif 265 8 1 3 Attentes sociales sur les femmes en couple 266 8 1 4 D une maternit obs dante a une maternit oubli e 269 8 2 L AMBIVALENCE CULTURELLE OU LES EXIGENCES DES GROUPES DE REFERENCE VARIES stands nes dene eee eneass ones aie sentier idee eat eee 270 8 2 1 La plasticit agissante et r troagie de l ambivalence culturelle 270 8 2 2 L ambivalence de la voix comme embrayeur des valeurs sociales et CULTOS ie ann ne a 273 8 2 3 Le pi ge du construit culturel du mod le f minin 277 9 AMBIVALENCES IDENTITAIRES sssssssssseeessssssssneeeeee ee 279 9 1 ENTRE RECONNAISSANCE ET DIFFERENCIATION sise 280 DA Une alt rit aeconcertant ssssn T 281 OT 2 x Celle nitore depreno N Doriana a E 284 9 2
440. on ue de l le La Corse l le de soleil et de mort et Dans ce pays sans refuge et sans recours la Corse Surtout la derni re jaquette voque notre curiosit quant la motivation du choix du mot refuge Sans savoir a quoi le vocable renvoie dans le contexte du livre que le lecteur n a pas encore lu au moment de l achat il est toutefois fort probable que l acqu reur potentiel conna t l existence du bandit d honneur corse qui pendant des mois parfois encore plus longtemps peut justement trouver refuge dans le maquis Dans cette perspective le vocable n est pas sans quelque quivoque dans le lancement du roman En m me temps il est remarquable que la question tr s difficile de la x nophobie que le texte de Susini soul ve tr s explicitement n est pas mise en avant du tout La maison d dition pr f re opter pour une consolidation F3 Editions du Seuil Les propositions sont tir es du dossier de fabrication de La Fiera PIMEC Paris 79 Premi re partie De la th orie la r alit des conceptions pr alables qui existent au sein du public au sujet de l le au lieu de mettre en avant l apport du roman dans la discussion sur le statut de l tranger en milieu insulaire et le r le de la culture et de la tradition dans l int gration d un individu Toujours en suivant les conseils de Camus Susini crit une pi ce de th tre Corvara ou la mal diction en un acte et trois tableaux paru
441. ond l ignorance de ses origines paternelles J y avais jamais pens que je devais bien avoir un p re quelque part puisque jamais ma m re ne m en avais parl ni Saveria ni personne PR 73 Il doit donc faire face aux projets de sa m re de se marier avec cet homme et de l instaurer dans la fonction paternelle d une mani re n gligente voire indiff rente l gard du fils Tu vois c est Silvestro et nous allons nous marier et alors toi aussi tu auras un p re vu que le tien je ne l ai vu qu un soir et tr s peu encore PR 73 La scission qui se produit entre la m re et le fils est prouv e d autant plus cruellement que la m re a jusqu l arriv e de lintrus prodigu toute son attention son fils qui d s l entr e en sc ne de l homme se sent exclu de l unit form e auparavant par lui et la m re Elle ne le guette plus lui le fils mais lamant la fen tre C est lui qu elle attendait et pas moi PR 20 dit le jeune d une voix envieuse et les soins qu elle lui a port s avant sont d sormais pour l homme ce qui propulse le fils dans une comp tition incessante avec l amant une comp tition dont la mere demeure inconsciente Le fils se voit devanc en tout et se sent humili par la conduite de la m re et le fait que cette nouvelle rencontre lui fait faillir sa parole donn e au fils Ainsi au sujet de la bouteille de Marsala qui leur a t envoy e par un cousin de Pale
442. ons de possibilit que dans les dispositions pr alablement inculqu es chez la femme Si elle n tait pas pr dispos e accepter les blessures inflig es par Serge il ne s adonnerait pas l humilier Par ailleurs Manuela et Serge semblent respectivement confin s dans une conception rigide des r les de la femme et de l homme Serge a une activit sociale qui le fait s absenter r guli rement alors que Manuela passe ses journ es tenter de distinguer les sons venus du palier dans l espoir d entendre les pas de son mari Cette inertie physique est port e a son paroxysme dans le r cit du roman o Manuela demeure assise dans le m me fauteuil durant toute l histoire Cet immobilisme contraste aussi vivement avec ses activit s physiques d ploy es avant leur union les f tes les promenades dans le Quartier Latin caract ristiques de ses ann es estudiantines ou encore les d placements rem mor s ou anticip s vers Pierre Bourdieu La domination masculine Paris Seuil 1998 p 44 170 5 Femmes en rupture de couple d autres contr es digressions temporelles et spatiales entour es d un halo lib ratoire 5 1 4 L amour entre id alisation et d r alisation Tout descriptif de la passion initiale comme de lamour conjugal fait d faut dans le texte A la fin du roman le lecteur apprend tout simplement que Manuela et Serge se sont connus un dimanche semblable celui ci aussi calme Et d j d j
443. ons possibles Pour Eco c est la coh rence textuelle interne qui contr le le parcours du lecteur Toute interpr tation donn e portant sur une certaine portion d un texte peut tre accept e si elle est confirm e par et elle doit tre rejet e si elle est contest e par une autre portion du m me texte Il conviendrait selon Eco de consid rer le texte comme un objet que l interpr tation construit au cours de l effort circulaire qui consiste pour elle se valider partir de ce qu elle fa onne comme son r sultat Charles aborde l interpr tation d un texte par le postulat que la rh torique de la lecture n est pas ni ne doit tre ni un syst me normatif ni un inventaire purement descriptif ni un ensemble de pr ceptes ni encore un catalogue de curiosit s mais un syst me de questions possibles Ce jeu de questionnements du texte donne la litt rature son existence celle ci n existant que dans la mesure o l on s interroge sur elle Charles d finit par cons quent la th orie de la litt rature comme un art de questionner ou comme une invention mise au point mise en ordre de questions Ce qui suit sera donc dans une perspective charlesienne une mise en ordre des r ponses aux interrogations sur l ambivalence que le texte nous a autoris e y d celer Notre attente est que le raisonnement et l argumentaire pr sent s dans cette dissertation donneront des preuves emp
444. ons que suscite le travail pour entraver toute conduite non souhait e doivent tre plus efficaces et concr tes m me dans leur abstraction comme par exemple en ce qui concerne le regard et utilis es d une mani re plus insistante pour que la jeune femme franchisse le seuil entre l adolescence et la vie adulte socialis e Dans les chapitres qui suivent il n est pas toujours ais de d terminer a quel age se cl t d finitivement l enfance pour laisser la place l adolescence c est dire quand est entam le chemin menant de l tat de l tre fille au devenir femme car dans de nombreux cas comme par exemple en ce qui concerne la fillette dans le train ou pour ce qui est de Nunzia et d Angnola ci dessous aucune indication d age n est offerte au lecteur dans les romans de Susini L attribution des h ro nes dans l un ou l autre chapitre s est faite dans ces cas selon la nature des v nements auxquels les jeunes filles ou adolescentes ont eu se confronter dans le r cit c est dire moyennant une r f rence notamment la nature de leur statut de jeune fille tel qu il est d fini par les actes et les r flexions mis en texte Ce qui conf re aux histoires de ces jeunes filles leur homog n it est l expression d un d placement tant g ographique que mental les jeunes filles tentent de donner forme et sens la situation dans laquelle elles se trouvent et dans une certaine mesure de retrouver
445. onte Qui est racont La narratrice et la figure f minine principale correspondent mais cette derni re dans le r cit ne se sait pas racont e Une des cons quences d une telle scission est que la narratrice peut livrer une image de l ext rieur d elle m me tout en invitant le lecteur plonger d une mani re intermittente dans sa conscience Ainsi le lecteur a rendre compte de deux attitudes narratives diff rentes sur un m me sujet l histoire racont e et objet le soi se racontant Tant t il se place l ext rieur de l action racont e dans la position que lui d signe la narratrice ses c t s tant t la distance entre lui et la narratrice est abolie au profit d une connivence intime la narratrice tient lui faire vivre son v cu travers le prisme de sa conscience et dans la contemporan it de l action racont e rendant ainsi plus r els ses doutes et plus poignantes ses douleurs Les yeux ferm s est un de ces romans dont lunivers est scind par l instance narrative D un c t nous avons le monologue int rieur le discours autor flexif par excellence de la narratrice dans lequel elle s adresse son fr re Des yeux ferm s c est ce que je vis et toi YF 11 amorce l histoire De l autre le monologue int rieur englobe des dialogues du pass des souvenirs des incantations voqu s sur un ton po tique conf rant l univers imaginaire invoqu la chaleur d une pr sen
446. os e son inaccessibilit sa non communicabilit et son incertitude fondamentale s parent les conjoints en couple avant de les unir dans la s paration Autrement dit cest l absence et l inaccessibilit de l autre qui sont la condition n cessaire de l amour du personnage principal f minin et son aspect irr m diablement hors d atteinte qui conditionne l existence de celle qui aime Ce que le lecteur retient de l image que brosse Susini de la femme adulte investie dans une relation amoureuse c est non seulement l chec du couple mais aussi l insatisfaction du compromis et l incertitude vis a vis de l avenir que ressent la femme L ambivalence irr solue est une force destructrice dans ces couples mais c est cependant une force qui provoque tant bien que mal une transformation sans toutefois mener la femme vers le bonheur Or peut elle tre autre que vaine la qu te d un amour incessamment r fut On ne peut trouver ce que l on ne cherche pas Une maternit entre moralisme r ducteur et affranchissement d sabus L ambivalence maternelle a longtemps t un sujet tabou alors que son revers l ambivalence de l enfant vis a vis de sa m re a t un objet d tude amplement examin L ambivalence maternelle doit tre d finie a partir de param tres sociaux et culturels L aire sociale et culturelle de l uvre de Marie Susini est celle d une Corse rurale de la premi re moiti du XXe s
447. ous occupera ici Ce qui nous int ressera est la m tatextualit comme relation inscrite dans le texte La d finition que nous adopterons relie la fiction lacte de lecture tant 4 Paris Seuil 1982 p 8 16 5 Ibid p 11 6 Ibid p 554 303 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture donn que les proc d s textuels guident l interpr tation du lecteur La d finition adopt e en l esp ce est offerte par Laurent Lepaludier et est plus large que celle de Genette Le texte de fiction sera m tatextuel s il invite une prise de conscience critique de lui m me et d autres textes La m tatextualit appelle l attention du lecteur sur le fonctionnement de l artifice de la fiction sa cr ation sa r ception et sa participation aux syst mes de signification de la culture Les textes de Susini manifestent un relativement haut degr de m tatextualit En v rit nous avons d j abord la discussion sur les effets m tatextuels de la fiction de Susini en voquant plus haut la structure circulaire de Je m appelle Anna Livia savoir la scission de l instance narrative ou encore la polyphonie disjonctive Ce sont des exemples de proc d s m tatextuels d clencheurs de la prise de conscience critique de la part du lecteur du texte vis vis d un produit esth tique Cette prise de conscience du caract re fictif labor de l histoire et des personnages peut
448. out se passe pour nous devant nous et je serais presque tent de dire en nous comme si par l effet de l art pouvait tre cr e une sorte d objectivit int rieure 7 Michel Cournot ne se limite pas uniquement impact qu a pu avoir cette litt rature sur sa terre natale et son acces a la litt rature francaise mais tend sa port e sur toute la litt rature en constatant qu infiniment rares sont en effet les crivains d une nergie spirituelle et d une rigueur de regard et de m moire comparable celle de Marie Susini Il la compare tous ceux Virgile P trarque et Eschyle ceux dont l a conscience d crivain treignait si fort leur terre natale le destin de cette terre la force et parfois les ombrages de son caract re et les douleurs de son Histoire que leurs pages t moignent ternellement actuelles de toutes les inqui tudes du monde de tous ses asservissements de toutes ses luttes Les critiques ont souvent fait le choix de penser les espaces mis en avant dans la production de Susini en fonction de leur g ographie Or comment affirmer de quelle litt rature rel ve la production d un certain crivain Susini repr sente t elle une certaine litt rature r gionale corse comme 270 P L B s n Les romans 18 oct 1957 771 La D p che du Mardi 26 janv 1958 272 Un roman de Marie Susini C tait cela notre amour Parisien Lib r 22 d c 1970
449. oute vidence Vanina a du mal faire la part des choses Avec la candeur de ses dix ans elle voit dans le fianc de Flaminia la fois un chr tien et un homme respectable et elle ne s explique pas pourquoi Flaminia chercherait contrarier intentionnellement ses parents Puisque ce sont des hommes comme les autres qu est ce que a peut faire que Flaminia pouse un tranger PS 101 demande t elle sa m re qui lui rectifie Ils ne sont pas comme les autres dit ma m re Et pourquoi ne sont ils pas comme les autres Mais parce qu on ne sait pas d o ils sortent Mais puisque c est Dieu qui les a faits Dieu a aussi fait les crapauds PS 101 C tait juste ce que disait ma m re PS 102 acquiesce Vanina sans avoir saisi le sens des d lib rations de sa m re Vanina persiste dans sa vision positive vis vis des trangers proposant que le fianc est peut tre un prince ou un seigneur chez lui ce quoi la m re r pond proverbialement 282 9 Ambivalences identitaires il vaut mieux pouser un berger qu on conna t qu un prince qu on ne conna t pas PS 102 La m re s av re ouvertement x nophobe constatant qu elle ne tient pas voir ni un n gre ni un chinois A ce moment Vanina se rem more Balthazar dans la cr che au couvent avec ses grosses l vres ses cheveux tout fris s et ses habits bariol s Vanina met Balthazar en li
450. outonier La notion d ambivalence Etude critique valeur s m iologique Paris L Harmattan 2004 p 37 7 Mich le Emmanuelli ef al Ambivalence L amour la haine l indiff rence Paris P U F 2005 p 18 74 Jacques Chazaud La notion d ambivalence tude critique valeur s m iologique Paris L Harmattan 2004 p 4 50 1 L ambivalence en th orie et en pratique L exemple du petit Hans illustre l apport de Freud la discussion sur la notion d ambivalence Hans petit gar on refuse de sortir dans la rue par crainte de se faire mordre par un cheval Son incapacit a sortir est une inhibition une restriction que son ego s est auto impos afin de ne pas veiller le sympt me d angoisse Le sentiment d angoisse de son c t est partiellement li aux sentiments ambivalents qu il nourrit envers son p re bien aim mais vis vis duquel il est simultan ment jaloux et hostile en raison de son attitude dipienne Voil donc le cas typique d un conflit d l ambivalence un amour justifi et une haine non moins justifiable envers une m me personne Si Bleuler introduit et d finit le concept Freud en largit l emploi en lappliquant de mani re plus rigoureuse Pour Freud l essence de l ambivalence r side dans la conjonction entre l amour et la haine l gard du m me objet et il s int resse notamment au conflit d ambivalence Freud consid re que c est l id e du conflit d ambivalence q
451. p le n gatif ainsi que le passage d une position l autre L ambivalence n est pas uniquement une double perspective sur une m me chose pr tend Athanassiou Popesco elle est un changement de perspective de mani re altern e sur un rythme plus ou moins rapide sur un m me objet L ambivalence peut tre qualifi e comme un tat a double face opposant non seulement lamour la haine pour le m me objet mais elle peut galement opposer d autres couples binaires comme activit passivit f minin masculin contr le soumission conscience inconscience etc Il s agit d un terme li la transitionalit dans la mesure o comme le met en vidence Athanassiou Popesco l ambivalence permet que s effectue une bascule entre les l ments cliv s tout en maintenant le d ni qui les s pare Le concept de transitionnel convient donc bien l ambivalence puisque tout comme l espace transitionnel l ambivalence est un espace de libre jeu L espace ou l objet transitionnel n est ni dedans ni dehors ni l autre ni moi il est les deux ensemble et est destin 0 David E Engle Hal Arkowitz Ambivalence in Psychotherapy New York London The Guilford Press 2006 p 4 81 Cl op tre Athanassiou Popesco tude du concept d ambivalence A partir de M lanie Klein in Mich le Emmanuelli Ruth Menahem F licie Nayrou d Ambivalence l amour la haine l indiff rence Paris PUF 2
452. pagnent ses doutes et ses dilemmes Susini r crit le m me incident de mani res multiples En revanche les dissemblances dans les intrigues du r cit de sa vie ne sont pas constitu es d histoires diff rentes mais manent notamment de l int rieur de l criture du semblable des scissions qu elle trace et des contradictions des paradoxes et des ambivalences que l criture engendre de diverses mani res comme une ambivalence spatiale et temporelle Elles sont tiraill es entre une libert d action et une prison subjective leur liant les mains les rendant la passivit r ceptive d une volont autre que la leur Contemplatives r flexives ces figures f minines sont tenaill es par des ambivalences cognitives et affectives qui se renversent dans des interrogations sur des modalit s d tre dans un monde n offrant pas toujours de r ponse toute faite autre que celle qui pousse l tre agir m me dans le doute et l h sitation Susini s est empar e de la fictionnalisation de cette action t tons elle a crit un r cit ambivalent plusieurs niveaux qui d une mani re complexe tente de tirer au jour les actes et les motivations les plus obscurs inh rents l ambivalence humaine 313 Conclusion L ambivalence est comme nous avons tent de le d montrer tout au long de cette dissertation intimement li e a la repr sentation de la figure f minine chez Susini figure pr dominante dans ses ouvrages s
453. parents tentent de lui faire int rioriser Alors que la narratrice h ro ne con oit clairement les attentes quant aux libert s de l enfance d couverte de la nature physique tout comme de la nature humaine l opinion des parents est qu une jeune fille de son ge ne doit pas sadonner a des amusements et de la l g ret mais qu elle doit tre studieuse et pieuse Tout au long du r cit la narratrice accentue d une voix contenue les diff rences de vision entre Vanina et les parents Alors que Vanina aime un p cheur aux cheveux noirs et au regard sombre qui a lair sauvage PS 17 la narratrice voque le sentiment vague et ind cis de la r probation de son p re face son affection Je sentais confus ment que ce n tait pas ce qu appr ciait mon p re PS 17 Vanina a d j int rioris la norme selon laquelle elle ne doit pas laisser transpercer son angoisse au moment o le p re abandonne au couvent car il lui incombe de se montrer sto que Par cons quent elle masque ses larmes jusqu au moment o elle est d couverte aux toilettes par une des religieuses qui la r primande pour avoir pleur L attente sociale envers la fille est donc Dans la deuxi me partie les enjeux de l ambivalence des jeunes filles et des jeunes femmes ont t examin s dans un m me chapitre En l occurrence nous s parons toutefois les deux statuts tant donn la nature divergente des attentes sociales formul es
454. piques pour certaines jeunes filles Je n ai pas crit de po mes quinze ans de roman vingt explicite t elle La publication de sa production litt raire se situe entre les ann es 1953 et 1981 Rien ne para t lavoir pr destin e une carri re d crivain qui semble selon les informations fournies par elle et relay es par la presse le r sultat fortuit du hasard Une rencontre particuli re survenue en 1945 s av rera cruciale pour sa d cision de se consacrer l criture celle avec Albert Camus Susini lui est ouvertement redevable Si je n avais pas rencontr Camus je n aurais jamais crit confie t elle Leurs chemins se croisent chez des amis qui Susini d crit son enfance corse si haute en couleur Le dialogue qui s ensuit tel rapport par Susini est bref et fructueux Pourquoi ne l crivez vous pas quoi je lui ai r pondu Mais je n ai jamais crit Camus de r pondre Eh alors faites le Pai suivi son conseil Suite a l exhortation de Camus Susini met en texte ses souvenirs d enfance dans son premier roman Plein soleil qui apr s trois mois d criture para t en 1953 Le titre met en relief le soleil car c est une fa on de se consoler de ce soleil perdu jamais explique Susini le titre du livre Le roman raconte l histoire d une fillette de dix ans Vanina qui quitte la s curit du village de Darosaglia avec ses vieilles zie qui jalo
455. premier Etats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale se veut exhaustif en r pertoriant les diff rents statuts que les femmes peuvent occuper dans la soci t et le couple le second Les ambivalences de l mancipation f minine met l accent sur les sacrifices qu ont dt faire les femmes pour acc der a leur libert Dans le premier ouvrage tats de femme Heinich distingue quatre cat gories d tat que peut occuper la femme l tat de la premi re de la seconde et de la tierce ainsi que celui de la femme non li e qui se d finissent par l articulation de trois crit res conomique sexuel et hi rarchique Le premier tat correspond l pouse l gitime de l homme et la m re de ses enfants Le second tat correspond soit la seconde pouse de l homme soit a la ma tresse c est dire une femme ayant des rapport sexuels en dehors d un mariage La tierce est la femme conomiquement ind pendante figure souvent incarn e dans la fiction par les gouvernantes les vieilles filles les savantes ou les veuves ni filles ni premi res ni secondes elles habitent un monde d o le sexe est absent L tat de fille est l tat de la jeune fille avant d acc der au statut du mariage moment partir duquel elle occupera la place de la premi re l pouse de l homme La femme non li e finalement est repr sent e par la femme ind pendante mancip e la femme libre Cette fig
456. qui surgit sans raison qui dit les choses perdues de toutes les choses a jamais perdues F 138 La violence de la r action d Angola est imputable a plusieurs facteurs que la mort de Sylvie d clenche Premi rement sa souffrance est celle d un tre compatissant avec un autre membre de la communaut elle embrasse la peine de Matteo Or dans son empathie se m le sa propre d ception voire sa frustration contraire son espoir la tristesse de ce jour de saint Albino trop attendu nous soulignons de ne pas pouvoir canaliser son amour naissant dans la direction de son objet Finalement Angnola est le catalyseur d une peine ind finissable existentielle qui surgit sans raison mais qui l am ne aussi vers des raisons inconnues car lointaines Et cest justement cette projection vers le pass qui dans ce passage dilue le discours de Susini car il est davantage m taphorique que r cit des liens existants ou des raisons existantes du d sespoir d Angnola hormis sa d ception personnelle Angnola est dans sa jeunesse clatante trop jeune pour nourrir une nostalgie des choses d antan aspect qui est davantage langle de la narratrice par rapport au r cit d Angnola et qui ne semble pas tre tout fait coh rent dans son contexte A travers les personnages de Sylvie et d Angnola Susini 272 8 Ambivalences socioculturelles met en exergue la plasticit de ambivalence culturelle la fois agissante e
457. r concr tement le chemin que Marie a emprunt pour se rendre du village de Rennu au village avoisinant d Evisa D autres l ments dans le r cit concordent avec le v cu de l auteur l enfermement au couvent la mention de la propri t Bupia que nous avons aussi pu visiter et qui appartient toujours la famille la description de la b tisse foyer paternel au c ur du village de Rennu o la famille Susini a v cu et qui s y dresse toujours Quelquefois les liens entre l auteur et le personnage se manifestent en apparence plus implicitement voire involontairement mais sans laisser aucun doute sur leur rapport Interrog e dans l mission t l vis e Temps de lire sur la th matique de son roman C tait cela notre amour Susini voque le cadre du roman et les deux rep res de l action temporelle la m me confusion qui r gne en ao t 44 et en mai 68 Paris les balles les bombes les barricades L h ro ne et son ami prennent le train pour aller chercher des vivres pommes de terre ma s dans la campagne normande On n a rien eu on est tomb en plein maquis constate Susini ils ont trouv des gens ferm s Soudain elle s aper oit qu en r pondant en fait a une question sur le personnage fictif de son roman elle a en v rit voqu ses propres exp riences imbroglio qu elle dissipe avec une remarque de toute vidence Il y a des l ments bien s r qui sont v cu
458. r re a continu sa vie il s est mari et a des enfants ne vivant pas comme elle dans la nostalgie de la pens e de l autre YF 50 Les yeux ferm s sont galement pris dans le r cit dans un trope anticipateur Fabia jeune fille adopt e par le p re de la famille s enfuit pour revenir quelque temps apr s regardant au pas de la porte la famille les yeux h b t s comme si son regard glissait sur eux sans les voir comme s ils regardaient autre chose la solitude dans laquelle nous tions d j sans le savoir le pressentiment du malheur qui allait nous atteindre tous un an apr s peine YF 105 106 5 2 8 Entre avidit de vie et autodestruction La vie sous tous ces aspects jubilatoires ne peut tre que terne et vou e au tragique dans le monde susinien M me la naissance le plus grand moment de notre vie est simultan ment un commencement et une fin YF 104 Nous naissons la mort fait dire l auteur la vieille Dona In s id e a laquelle adh re galement Sefarad Une fois puis es les ressources pour accepter une situation dans laquelle l int ress e ne souhaite pas tre cavale de ville en ville avec des hommes divers une deuxi me voie pour chapper la crise identitaire et existentielle s offre Sefarad la fuite dans le suicide fuite qui repr sente une destruction radicale de soi En l absence de v ritable solution la tentation du suicide repr sente du moins l espo
459. r s subtile les glissements de valeurs entre les g n rations Alors que sa m re et un villageois voquent la c cit d une vieille femme qui se complait pr sent encore davantage dans son aveuglement que lorsqu elle poss dait encore sa vue les valeurs d Angnola sont diam tralement oppos es Et voil que c est mieux qu avant disait elle Paveugle Une sainte femme dit ziu Antonio Une sainte r pondit la mamma Une sainte Angnola regardait Anna Maria qui marchait devant elle dans le sentier ses longues jambes d gag es et ses bras dor s sortant d une robe blanche pois bleus Une sainte pensa Angnola mais Anna Maria tait belle F 31 Anna Maria repr sente avec une corporalit plus lib r e la rupture en train de se vivre entre Angnola et sa m re Angnola tente d outrepasser la transmission des schemes de perception et d appr ciation de la g n ration de sa m re en imitant une autre jeune femme poss dant plus de libert quelle La transgression se manifeste encore une fois au regard de la corporalit Anna Maria marchait droite et fi re sans se soucier de personne une fleur qui se dresse sous le soleil Et Angnola pouss e par un d sir plus fort qu elle m me s approcha d elle et marchant ainsi tout pres d Anna Maria 147 Deuxi me partie L ambivalence de la femme dans le sentier tortueux elle s ouvrait s panouissait et songeait qu elle tait Anna Maria et qu e
460. r d une p rennit car immortalit est le gage d une vie dans la m moire collective et le d fi ultime de la mort Mircea Eliade soutient le fait que dans les soci t s traditionnelles l action acquiert une valeur et devient r elle par sa participation a une r alit qui la transcende L homme dans ces soci t s tient inscrire son action dans une longue cha ne ininterrompue de la m me action inaugur e par d autres hommes avant lui On est homme dans la mesure o l on participe une r alit transcendante Chaque acte r p t r alise des actes pos s ab origine par des dieux des h ros ou des anc tres explique t il La r alit devient ainsi une imitation ou une r p tition d un arch type Cette ontologie arch typale s observe par exemple dans Les yeux ferm s au moment o la narratrice h ro ne Sefarad se rem more un jeu d enfant avec son fr re Nous avions commenc remonter de P re au p re de p re puis au p re du p re de P re remonter le plus loin possible Nous nous perdions dans cette num ration Mais avec patience nous nous obstinions rattacher les anneaux d une cha ne sans fin et de proche en proche nous avions tout au bout trouv Dieu Mais plus tard reprenant sans rel che la m me qu te nous avions h sit l nous cherchions un p re a Dieu nous n en trouvions pas sinon justement Dieu et alors nous avions d abandonner moins sans doute par lassitude
461. r l ambivalence f minine face l mancipation des femmes et non pas pour justifier ou critiquer celle ci ni pour renvoyer ces tensions des causes ext rieures ou des effets irrationnels puisque illogiques Le m me esprit vaut pour l laboration de cette dissertation On pourrait dire qu elle rel ve d une herm neutique compr hensive suivant la voie de union et non pas celle de la s paration s astreignant expliciter les enjeux et la complexit des ambivalences de la femme telles que Susini les labore par le biais de la fiction Le travail na pas comme point de d part un seul mod le th orique d ambivalence Notre dissertation prend comme point de d part une batterie de d finitions et d emplois du concept relev e notamment dans la psychologie o le concept a initialement t d velopp et qui du point de vue de l individuel dans sa dimension ontologique participe le mieux illustrer ses ambivalences pensons nous A l aide des d finitions psychologiques de la notion nous tenterons dans un premier temps d lucider les multiples dimensions de l ambivalence ce dans le but d enrichir notre discussion empirique des usages rep r s dans la fiction susinienne Parall lement la psychologie la sociologie est la science laquelle nous emprunterons des outils pour mener notre analyse sur l ambivalence de la femme Une discussion sur les dimensions de l ambivalence touche d une
462. rait discr tion fUSUCUSE scoe a 68 2 1 3 A la recherche de l absolu dans l amour 70 2 2 AU SEUIL DU TEXTE L UVRE ET SA FABRICATION ccssscsessssssesssssceseesees 74 2 2 1 La trilogie corse une innocence grad e 76 22 2 SILUULLONS SANS ASSURE dat dev can sa den des sen dette denses states descente 82 2 20 INCLOUT AURAL ACINES nn EE nn nan 87 2 2 4 Pratique scripturale et gen se du texte paroles sur soi 90 2 3 TAT DES LIEUX CRITIQUE sscatsarsevesnncstenauvensnesses ia a a aE 91 23 1 tudes AN CMMALIQUES nada de ani 92 2 3 2 tudes psychanalytique et ethnologique 96 3 ARRTERE FOND ET RECEPTION nina 98 3 1 LA CORSE DANS LA LITTERATURE dirais shine dessins 99 3 2 RECEPTION DANS PAPRESSE SR nan Re ne aie 102 221 La TOB COR 102 ILL AUNES OUTA OSEO rene dose one n tele 104 723 I Style sobre CLAITCCE nat nan di dan 107 DEUXIEME PARTIE L AMBIVALENCE DE LA FEMME osseeseeeeeeeen 111 4 DE LA JEUNE FILLE A LA JEUNE FEMME 113 4 1 ELEMENTS D UNE ENFANCE AMBIVALENTE EVEIL ET DESENCHANTEMENT E PR iets 114 2 1 Te FUNC dela nalit Ais sean anna 115 4 1 2 Leseneuxdelatlaustranonsmasmanannananotonenit 118 AAS TCU SACR CU SONUIEC Nr 121 4 14 Au delaci Dr sentsn armement 124 4 2 L ADOLESCENCE COMME ESPACE TRANSITIONNEL ccsssssesssssssesseseessseeees 128 AD de L enoni emmener Ales 129 ADD LAV COSIUCUSC wei hand nono 134 4 3 TENTATIVES D EMANCIPATION DES JEUNES FEMMES
463. re avancer la th se selon laquelle tant il est difficile d aimer la Corse on ne peut s en acquitter qu au prix de sa vie Toute tentative d mancipation s inscrit dans le triptyque r signation indiff rence extinction de soi La possibilit d une fuite n est 199 Deuxi me partie L ambivalence de la femme qu illusoire tout comme l ultime dilemme de Sylvie s accrocher la vie ou l cher prise A d faut de montrer explicitement la x nophobie insulaire du doigt la solution de Susini est d accorder le dernier mot la malaria dont Sylvie est atteinte Voil la punition appropri e pour une femme qui a davantage aim l aspect corporel de lamour que les qualit s d un homme incarnant les valeurs inh rentes aux structures sociales dont il est le repr sentant Or ce n est pas en dernier ressort la r signation et la mort qui l emporteront mais l ambivalence celle de Nunzia d Angnola de Sylvie et des autres qui se r pand comme des anneaux dans l eau pour finalement atteindre non seulement les rives de l le mais r ussit paradoxalement l exploit de p n trer bien au del des montagnes pour faire s effondrer jusqu aux plus solides balises sociales 5 3 2 Destin incompr hensible accomplir Corvara ou la mal diction est c t de La Fiera un ouvrage o la fracture dans le couple est dans un tat d avancement pouss Dans La Fiera le lecteur assiste aux derniers moments de Sylvie avant qu ell
464. re ce qu tait la mort PS 9 Les parents et notamment la m re de Vanina prennent soin de ne pas exposer Vanina la r alit de la mort A nsi au d c s de zia Madalena une femme g e qui venait la maison des parents Vanina est loign e du village dans le but de l pargner de l incidence n gative que la mort pourrait avoir sur elle Conform ment aux intentions protectrices de la m re Vanina ne saisit par cons quent pas la signification de la caisse qu elle aper oit dans la rue port e par quatre hommes alors qu il s agit pr cis ment du cercueil de ladite zia Madalena Tout compte fait il ne s agit pas v ritablement d une incompr hension de Vanina quant la mort en rendant une derni re visite chez zia Madalena Vanina s est rendu compte que la vieille dame tait sur le point de mourir d autant plus que la m re en relatant leur visite son mari a constat la fin imminente de zia Madalena attisant simultan ment les craintes de Vanina Il allait se passer quelque chose Quoi je ne savais pas mais j avais peur PS 114 Or tant fermement convaincue que zia Madalena allait mourir Vanina pose la question sa m re qui la rassure du contraire PS 116 Finalement quelques jours plus tard Vanina se r veille 284 Max Caisson Les morts et les limites p 159 166 Pieve et paesi Communaut s rurales corses Paris Centre National de la recherche Scientifique p 163 125 Deuxi m
465. re eux la r alit factuelle et l univers fictif Tout en distinguant le personnage de fiction du personnage d un r cit r el ou d une personne existante le lecteur entretient toutefois l id e de son existence le personnage fictif repr sentant fictivement une personne C est cette activit projective de la part du lecteur et la fonction de la litt rature de r f rer au monde qui nous permettent de projeter notre lecture sur des faits biographiques historiques et soci taux factuels et de nous servir des sciences humaines comme banque de r f rence Nous ne lisons pas les descriptions des personnages litt ralement mais 18 Marie Susini ou la Corse cartel e R pons Women in French Studies no 5 1997 p 43 47 1 Nouveau dictionnaire des sciences du langage Paris Seuil 1972 1995 p 754 23 Introduction m taphoriquement Que la litt rature soit fictionnelle ne l emp che pas d avoir une dimension r f rentielle les actions les attributs et les motivations des personnages peuvent tr s facilement s appliquer a un grand nombre de personnes r elles La lecture de la production de l crivain fran ais Marie Susini n e en Corse s ouvre quant elle divers volets de l existence auxquels quiconque peut s identifier ancr s dans une cellule familiale nous sommes tous d une mani re ou d une autre aussi issus d un contexte r gional ou minoritaire affect s au quotidien par l volution des m
466. re qu il tait PR 69 et sexu s il vient la maison afin de partager quelques moments d intimit avec sa maitresse moments jalonn s par les d couvertes du fils je les ai trouv s tous les deux coll s l un contre l autre PR 20 La jalousie du fils va jusqu non seulement souhaiter la mort de lamant mais au projet de le tuer lui m me PR 75 En fait le statu quo et son contraire le changement se jouent notamment autour de deux param tres changeants dans leur quotidien les bruits et le regard Commen ons par ce dernier dont l importance rel ve du fait qu il s agit de l inscription de l tre dans le monde Alors que le fils souhaiterait jouir de la constance d un regard maternel inalt r aimant et incluant le regard de celle ci sur lui ne s est pas seulement modifi il s est fait lacunaire dirig vers un autre Alors c tait g nant de la voir l qui se pr lassait avec sa poudre et son rouge sur les l vres qui ne se fatiguait pas de regarder cet homme qui se pr lassait se laisser regarder Manger parler encore a va mais regarder de cette fa on l cest autre chose Peut tre si on le mettait dehors tous les deux et plus jamais on parlera de lui Mais a c tait pas possible vu qu elle ne tournait pas la t te une seule fois de mon c t ses yeux restaient cramponn s cette t te d oursin PR 37 L enjeu de la concurrence entre le fils et l amant se manifeste g
467. rge d inculquer consciencieusement le code social la suivante ils s en d marquent par le fait que c est le comportement de Francesca la m re qui soustrait l inclusion du couple la norme soci tale Celui ci est jug inappropri par les villageois pour qui l attitude de Francesca rel ve de l opprobre Toutes deux Nunzia aussi bien que sa m re demeurent enferm es dans leur solitude respective incapables de communiquer avec l autre 4 3 5 Parole obstru e et d sancrage social La parole est ce qui ancre l individu sa contemporan it ce qui le d finit et le met en r seau avec ses semblables L obstruction de la parole explicitement ou implicitement sert inversement dinstrument de soustraction de l individu l ventail des trajectoires possibles qui lui est offert Dans La Fiera le th me de la parole est reli au th me social de la suppression sexuelle de la femme et au th me de l identit C est l anxi t de la m re qui r duit Nunzia au mutisme lui tant simultan ment son inscription dans la vie communautaire Le fait de se faire entendre en g n ral et notamment par sa m re est crucial dans la construction identitaire de l individu et essentiel dans l articulation du soi consid r sous divers aspects dont non le moindre est le d veloppement de empathie Or l empathie et la complicit sont deux l ments qui font d faut chez les personnages principaux du roman Au fil du r cit Nunzi
468. rihet v ljer de har kvinnorna bort m draskapet Alla Susinis romaner uts tter kvinnorna oberoende av alder f r uppbrott och sm rta Deras k nslor terges ofta via metaforer som lyfter fram naturen De ofta vackra metaforerna kring f rger och dofter mot vilka personernas dr mmar krossas fr ntar kvinnofigurerna ett visst djup och f rflyttar det v sentliga fr n det sv ra som uttrycks semantiskt till dess estetiska uttryckss tt Texternas interna struktur terspeglar den klyvning som sliter kvinnorna tidsperspektivet r fragmentariskt och icke kronologiskt och ber ttarr sterna v xlar mellan f rsta och tredje person vilket g r att l saren samtidigt b de identifierar sig med och distanserar sig fr n det som ber ttas Metatextuella referenser signalerar sin sida att Susini h mtar sin inspiration fr n sitt eget liv 335 Bibliographie uvre de Marie Susini Plein soleil Paris Seuil 1953 La Fiera Paris Seuil 1954 Corvara ou la mal diction Paris Seuil 1955 Un Pas d homme Paris Seuil 1957 Solitude de Rome Preuves no 75 mai 1957 p 32 35 Le Premier regard Paris Seuil 1960 Les Yeux ferm s Paris Seuil 1964 C tait cela notre amour Paris Seuil 1970 Je m appelle Anna Livia Paris Grasset 1979 La Renferm e la Corse Photographies de Chris Marker Paris Seuil 1981 L le sans rivages Paris Seuil 1989 Mat riel imprim et diffus et entretiens consacr s M
469. rit Au moment o le trauma est v cu il n est donc pas per u dans sa totalit Le trauma v cu par Anna Livia l abandon par sa m re par son p re l inceste sont donc des l ments traumatisants mis en texte apr s coup par l criture qui s en empare en d calage par rapport au temps des v nements D un c t une histoire ne peut selon Caruth tre racont e comme elle fut v cue et de l autre l histoire doit tre racont e pour que l individu ait acc s son histoire traumatique Dans ce sens l histoire d Anna Livia peut tre inscrite dans la cat gorie des fictions relatant un traumatisme mais pas n cessairement du point de vue d Anna Livia mais plut t de celui de Francesco qui est le personnage qui narre la trag die la m re d Anna Livia Et encore une fois il raconte comment il lavait trouv ce n est plus la femme qu il s adresse mais lui m me la maison aux objets AL 161 162 Le trauma v cu par Anna Livia trouve donc un d doublement dans celui mis en mots par Josefino qui son tour correspond bien la figure litt raire de la personne ayant prouv un traumatisme lui ne sait pas encore ce que la narratrice confiera au lecteur c est ainsi pendu ressemblant un pouvantail que Josefino concevra l image du p re pour le reste de sa vie AL 162 Selon Anne Whitehead les effets de la latence inh rente au trauma peuvent tre discern s dans la qualit fragment
470. rite pr f r e et la plus pratiqu e des Corses Dans sa th se sur La repr sentation de la mort dans le roman corse du XVIII si cle nos jours Catherine Peraldi retrace l mergence du roman corse Pendant la premi re moiti du XVIII si cle il ny de roman ni en langue corse ni en italien ni en fran ais Dans la deuxi me moiti du si cle sont publi s deux romans anonymes en fran ais mais aucun en corse ni en italien Pendant la premi re moiti du XIXe si cle on peut supposer selon Peraldi que les Italiens se sp cialisent dans le roman et la nouvelle surtout travers les crits de Sampiero de Galotti Pour la m me p riode Peraldi recense neuf ouvrages en fran ais La deuxi me moiti du si cle confronte les crivains corses au douloureux probl me de l oralit de leur culture Avec le roman de la province la Corse devient sous la seconde Restauration un sujet d art part enti re La premi re moiti du XXe si cle voit l mergence du premier roman en langue corse 1932 Pesciu Anguilla crit par S Dalzeto D autre part de 1919 1939 soixante quinze textes en langue fran aise sont publi s la bipolarisation du sujet Corse expression fran aise demeurant en vigueur Suit une p riode d une quinzaine d ann es avec tr s peu d ouvrages en corse ou sur la Corse La deuxi me moiti du vingti me si cle t moigne de l mergence d une pl thore d crivains originaires de l l
471. rme et que la mere lui avait assur chaque fois quelle nettoyait le placard qu elle la garderait pour sa premi re communion c est en ton honneur PR 35 assure t elle Tout cela est renvoy aux oubliettes devant l homme qui elle veut plaire elle sort la bouteille du placard le sert lui qui se ressert lui m me a plusieurs reprises avant de se renverser sur sa chaise repu tirant sur sa cigarette De la sorte la m re participe sans s en rendre compte a la n antisation d un moment qui aux yeux du fils devait tre une cons cration de sa personne 224 6 Une maternit d faillante Le changement le plus dramatique se produit en apparence sur le plan pratique mais d tient une force et une charge symboliques puissantes la porte de la chambre se ferme tout en laissant p n trer des preuves des bats amoureux se produisant entre la m re et l amant et c est la le commencement PR 71 savoir le premier geste de l irr parable dans la perspective du fils La porte close repr sente symboliquement la mise l cart de l enfant au niveau affectif Dans le r cit il s agit d un cas typique de complexe d dipe o le fils est jaloux du compagnon de sa m re celui qui occupera pendant environ deux mois la fonction paternelle sans assumer les responsabilit s qui y sont li es Le compagnon est uniquement d crit sous ses aspects physiologiques le torse nu PR 32 nJu jusqu la ceintu
472. roche Susini la fois invalide et confirme la doxa de Rousset que le regard de l autre porte le sujet sa v ritable existence car le regard ne transforme pas toujours dans l imm diatet mais dans la dur e de son coulement aussi bien hors de la port e du personnage que des limites du r cit 4 2 2 L incestueuse Selon Fran ois Kamel il existe dans le domaine de la psychologie une psychopathologie propre au temps pubertaire L adolescence est une p riode de la vie qui rev t une acuit singuli re en raison des modifications diverses et fluctuantes des quilibres psychiques L une des premi res difficult s qui se pose l adolescent est de concilier la diversit des syst mes de r f rence et la coh rence d ensemble C est un ge o s exprime la maturation biologique et o se diversifient les interactions sociales alors que s op re concurremment une d liaison des syst mes de repr sentation C est un temps o selon Fran ois Kamel la conjonction du biologique du 88 parach ve l volution de l individu L adolescence psychique et du social est d apr s lui un temps o se conjugue le biologique et le social ces deux p les constituant les extr mes entre lesquels le psychisme de l adolescent se trouve pris 287 Francois Kamel Ambivalence l adolescence Ambivalence L amour la haine l indiff rence Paris P U F 2005 p 89 288 Ibid p 91 134 4 De la
473. rofessionnelle ou amoureuse Toutefois ces femmes se trouvent devant les mod les SKaari Utrio Perhekirja Eurooppalaisen perheen historia Livre sur la famille L histoire de la famille europ enne Helsinki Tammi 1998 p 462 4 M res filles Une relation trois op cit p 18 207 Deuxi me partie L ambivalence de la femme d accomplissement contradictoires dont parlent Eliacheff et Heinich et elles ne les r concilient pas sans quelques difficult s La majorit des m res dans la fiction de Susini peuvent justement tre r pertori es dans la cat gorie baptis e par Eliacheff et Heinich les m res d faillantes Or en quoi consiste la d faillance humaine Eliacheff et Heinich en donnent une d finition g n rale dont la port e d passe la seule fonction maternelle m me si en l occurrence c est la m re qui est vis e Objectivement ne plus assurer de mani re permanente ou transitoire les devoirs de la position que l on est cens occuper telle ici la position maternelle devoir de pr sence de protection d ducation de surveillance de transmission Subjectivement la d faillance porte sur l inconditionnalit de l amour cette exigence exorbitante des enfants l gard de leurs parents exigence la mesure de leur propre amour et de leur d pendance humaine Selon Eliacheff et Heinich la d faillance est inh rente la nature humaine et de ce fait il est in vitable qu el
474. rrait tre plus important Notre exp rience en France a t que contrairement l impression de Georgiana Colvile selon qui Susini serait une romanci re tr s cot e en France Susini nest pas n cessairement tr s connue aupr s d un large public fran ais Au hasard des rencontres dans l le et Paris nous nous sommes rendu compte qu aussi bien des libraires que des biblioth caires et des tudiants n avaient pas toujours une id e pr cise de l origine de celle sur qui nous cherchions nous renseigner De m me nous avons pu observer que 4 Nathalie Heinich tats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale Paris Gallimard 1996 p 123 5 Juliette Favez Boutonier La notion d ambivalence tude critique valeur s m iologique Paris L Harmattan 2004 p 64 Jean Yves Gu rin R flexions sur la recherche en litt rature fran aise Litt rature no 47 Toulouse 2002 www fabula org actualit s article7189 php Et Gu rin d ajouter Mieux vaut avoir le monopole sur un auteur mineur qu tre le ni me sp cialiste d un auteur surexploit car Iles minores ne sont pas forc ment des minables En modifiant un peu la c l bre formule de Montaigne chaque femme porte la forme enti re de Phumaine condition Pour la source de la citation voir Essais Paris Arl a 2002 III 2 p 587 7 Voir l article L Enfermement dans l le la femme corse dans l
475. rt aux incertitudes et aux dilemmes prouv s par leur m re De surcro t l ambivalence des filles s inscrit souvent entre leur d sir de se lib rer de l emprise de leur m re et leur r ticence l id e de passer de l tat de fille a l tat de femme Plusieurs causes provoquant de l ambivalence se superposent ou se recoupent ainsi chez elles Les enjeux pour les filles comme pour les m res sont de taille dans la transition de la fille la femme D apr s Caroline Eliacheff et Nathalie Heinich le saut du foyer parental au foyer conjugal est probablement le plus brutal qu un individu puisse prouver Il marque une fille dans son corps par la d floration dans son statut par le passage l tat de premi re de femme mari e dans sa vie affective avec l apprentissage d un rapport amoureux v cu au quotidien dans sa vie relationnelle avec l apport de nouveaux liens belle famille amis du mari et la perte ou l loignement des anciens dans sa condition mat rielle avec l investissement d un autre d cor dans ses perspectives d avenir avec la promesse de maternit Eliacheff et Heinich examinent la relation m re fille selon l axe des positions m re femme laxe des relations m re fille et laxe temporel des ges de la vie Quant aux positions de la m re elles d finissent la m re sur un axe allant des m res qui s investissent dans leur r le avec une telle force que leur f
476. rts nous d pendons des autres pour nous enterrer En tous cas nous ne sommes pas ind pendants dans la construction de notre identit qui ne peut tre qu un construit interrelationnel 326 Conclusion En ce qui concerne l identit dans l uvre de Susini elle s inscrit dans la longue lign e des crivains du XXe si cle qui consid rent la fragmentation de la narration et la scission de l instance narrative comme les modalit s d criture qui refl tent le mieux la d composition du sujet moderne Cette mani re d crire est sous tendue par le postulat que d composition ou du moins effritement il y a Ce qui rend cette probl matique int ressante chez Susini est que la plupart des figures f minines sont issues d un contexte familial relativement stable les attributs d une enfance et d une existence typiquement qualifi es d heureuses sont pr sents dans le r cit retra ant leur pass A l ge adulte elles recherchent l unit et l origine que leur procuraient la s curit et le bonheur de cette m me enfance Or l enfance nest qu une reconstruction narrativis e en r trospective qui met surtout en avant l exclusion et l ali nation de la jeune fille et de la jeune femme jamais vraiment aim es pour ce qu elles sont et de ce fait incapables l ge adulte de persister dans lamour leur tour La carence d affection se traduit aussi ult rieurement comme une incapacit accepter l amour d un homme o
477. ru en 1989 tude men e par Francine de Martinoir Dans sa monographie seuls les textes sont pris en consid ration ce n est pas dans les bribes d une vie c est dans les textes qu on trouve un crivain constate l auteur De ce fait l on ne trouvera pas 202 Op cit p 160 93 Premi re partie De la th orie la r alit de donn es biographiques sur Susini sinon quelques mots sur sa personnalit pour accompagner le lecteur L tude proprement parler se propose d tudier en quoi l uvre de Marie Susini est une uvre litt raire 2 Elle y proc de en effectuant une tude th matique diachronique o chaque ouvrage est analys s par ment Dans ses lignes directrices il s agit dune analyse de l espace et du temps conduite essentiellement travers l vocation du caract re ph nom nologique et existentialiste de l uvre La conclusion de l ouvrage place Susini aux c t s des plus grands comme Sarraute et Duras car comme chez les vrais cr ateurs le tissu narratif est fait d un m lange original de corps et d me 204 conclut de Martinoir d abstraction et de concret de r ves et de nuit Dans sa dissertation La repr sentation de la mort dans le roman corse du XVIIIe si cle nos jours Catherine Peraldi voque l incidence des textes de Susini comme communiqu de la crise identitaire insulaire La th matique mortif re est tudi e en ce qui concerne Susini
478. s crit Qu aurais tu pens si on t avait dit que je me trouverais un jour chez toi entour de ta famille de tes fr res neveux ni ces R no Vico Ajaccio partout De tous ceux dont tu pensais qu ils avaient maudit notre couple p 649 L attitude des parents peut se comprendre la lumi re de ce que Marie Susini crit sur la logique familiale et villageoise concernant le choix d un mari Quant aux juifs totalement absents ou presque de ces villages et m me des villes on ne savait absolument rien d eux sinon qu ils avaient clou le Christ le cat chisme le disait Alors s unir l un d eux c tait la mal diction assur e La renferm e la Corse Paris Seuil 1989 p 287 134 Cet tranger qui me ressemble op cit p 166 55 Pour apprendre les circonstances de la rupture se reporter Daniel Cet tranger qui me ressemble op cit p 168 136 Ibid p 169 72 2 L auteur et son uvre L intensit de l amour de Susini va jusqu faire proposer a la nouvelle compagne de Daniel de s effacer devant une telle motion Alors Susini 58 et ne habit e par ce que Daniel nomme une trop pesante tristesse souhaitant pas une rupture compl te malgr la blessure qu il lui a inflig e adopte une tendresse maternelle son gard qui au fil des ann es se transmuera en une amiti qui durera jusqu la fin de ses jours ses actes t moignant ainsi de
479. s le dates entre lesquelles l image de la Corse s labore dans la litt rature fran aise plus de deux cents auteurs ou crivains viennent en Corse La port e des ceuvres d auteurs c lebres et de talent comme Chateaubriand M rim e Balzac Stendhal Hugo et Flaubert se mesure encore aujourd hui Parmi les ceuvres d Alphonse Daudet et de Guy de Maupassant le nombre d ouvrages ayant trait l le est tel que certains sp cialistes n h sitent pas a voquer un cycle corse dans leur ceuvre En simplifiant un peu on pourrait dire qu en g n ral les auteurs d noncent l me myst rieuse d un univers original vu travers une optique 8 romantique en voquant une Corse mythique et tragique l image du h ros se r sumant celle d un Corse montagnard un berger farouche et un bandit d honneur sauvage Parmi les personnages litt raires f minins c est Colomba qui incarnera longtemps encore l image de la femme corse personnage obscur qui perp tue la tradition insulaire de la vendetta Pierrette Jeoffroy Faggianelli L image de la Corse dans la litt rature romantique fran aise Paris P U F s l E J L 1979 p 9 7 A l instar de Roger Martin dans l introduction Corse noire Dix nouvelles de M rim e a Mondoloni s l E J L 2001 p 7 28 L influence de M rim e par exemple sur l image de la Corse dans la litt rature fran aise ne peut
480. s La confusion de Susini d voile l identit serr e qui existe entre elle et le personnage de Fabia alors que nulle part se trouve indiqu qu il s agirait d une fiction autobiographique Le pacte autobiographique Paris Seuil 1975 1996 p 25 6 Diffus e le 10 d cembre 1970 7 Passim 310 9 Ambivalences identitaires D autres l ments plus subtilement perceptibles relient l auteur son personnage dans le roman Dans la m me mission Susini d crit la collaboration et la r sistance pendant la guerre ainsi que le fait qu elle a trimbal un paquet de tracts du parti communiste sous le bras une absolue innocence pouss e ce point cest un peu b te Je n y ai pas t m l e explique t elle Et Susini d ajouter Il y avait une grande confusion On pouvait ne pas savoir et j avoue je n ai pas su Cette ignorance s est transpos e sur le plan fictif l h ro ne Fabia dans C tait cela notre amour est hant e par l id e d innocence et d ignorance quant aux atrocit s de la guerre ignorante de tout comme je l tais NA 67 Je nai pas compris grand chose a toutes ces ann es l il faut bien le dire NA 82 Un certain souci de l impact qu une telle na vet peut avoir sur la fa on dont la post rit per oit la v racit d un nonc semblable mine le r cit de Fabia j ai bien peur de ne jamais pouvoir arriver convaincre quiconque autour de moi de cet absolu d innocenc
481. s pour en illustrer les rapports de conjonction et de disjonction dans la r surgence du sentiment ambivalent de Vanina 4 1 1 Fille de la nature Un des grands recours dans la litt rature permettant la jeune fille de se maintenir le plus longtemps possible en tat d enfance est selon Heinich la fuite solitaire dans la nature Dans le roman Plein soleil histoire narrateur homodi g tique l enfance est en permanence exalt e par une vocation incantatoire du rapport entre Vanina la nature et le soleil elle pense aux journ es embras es de soleil et au bourdonnement de l t PS 16 tout aussi bien lorsqu elle passe son temps dans le village aupr s de la famille que plus tard enferm e au couvent Vanina est une jeune fille innocente dans l univers asexu de l enfance qui depuis trois ans suit les cours des religieuses dans un village avoisinant Le monde adulte est pour elle repr sent par son p re et sa m re parents discrets quant aux gestes et a la parole respectueux et respect s par Vanina et par les villageois pour la majeure partie des personnes g es En avril chaque ann e elle est reconduite par son p re pour quelques mois au couvent avant de rejoindre le village de nouveau vers la fin de l t 278 Nathalie Heinich Etats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale op cit p 27 115 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Le lecteur n apprend prat
482. s sorci res noires le fracas des pr cipices les rochers aux figures tranges suspendus dans l espace me jetaient dans une frayeur que les songes de mes dix ans rendaient plus grande encore PS 11 12 Dans l espace flou entre la vie et la mort Susini ajoute encore une dimension la dissolution de la limite entre la religion et la superstition Tout le quotidien de Vanina est ponctu d une pratique superstitieuse au son d un bruit sourd elle change rapidement la vie d un animal contre celle d un tre cher ou encore est voqu e Maria qui glisse une cl sous sa chemise pour arr ter les saignements de nez La mort m me s enchev tre dans une imagerie aux halos superstitieux Un matin les cloches sonn rent plus fort et elle s en tait all e sous terre la vieille dans la cage des morts cependant que dansait dans le jardin plein de lumi re l pouvantail recouvert de v tements de 117 Deuxi me partie L ambivalence de la femme femme PS 156 description renouant avec une imagerie typiquement corse La description de la nature rev t deux dimensions celles d abord des craintes premi res de Vanina d crites dans leur contexte Conjointement celles ci s taye la voix de la narratrice teint e de sa compr hension distanc e rendue possible par le recul temporel par rapport aux effets du spectacle projet par l imagination de la fillette qu elle tait sur les murs des montagnes En passan
483. s accueillants ensuite Plus tard nous avons eu la chance de visiter la Corse non seulement en simple touriste mais grace aux liens par alliance ce qui nous a ouvert des portes autrement ferm es au voyageur uniquement de passage Ce que nous avons entrevu de cet univers saisissant captivant et magique a suscit notre curiosit d autant plus que l me corse nous a paru secr te Dans un effort pour approfondir nos connaissances sur l le ses habitants et son imaginaire nous nous sommes pench e sur l une des cr ations majeures de la litt rature corse contemporaine celle de Marie Susini L emprise de son uvre sur nous ne s est jamais d mentie Paule Santarelli La r clusion solitaire Kyrn 1989 254 36 37 p 37 Introduction Le r le de pr curseur qu a jou Marie Susini dans la cr ation d une narration en prose corse d expression fran aise est ind niable En t moignent aussi bien la caract risation de Jean Daniel il n h site pas la nommer une des plus grandes dames de la litt rature m diterran enne que celle d Angelo Rinaldi acad micien fran ais d origine corse qui souligne le r le crucial et avant coureur qua eu la production de Susini pour une prise en consid ration de la litt rature insulaire de la part des institutions litt raires continentales Il a fallu l immense talent de Marie pour que l le acc de la litt rature fran aise o elle restera grace el
484. s d archives des Editions du Seuil dossier no B66 DIC Le Fonds d archives des Editions du Seuil dossier no SEL2 S3 B163 D7 a b C tait cela notre amour dossier de fabrication Paris IMEC Institut M moires de l dition contemporaine La fiera dossier de fabrication Paris IMEC La fiera page compacte dat e du 23 juin 1954 Paris IMEC Le premier regard Paris IMEC La renferm e la Corse circulaire interne dat e du 23 mars 1981 Paris Seuil La renferm e la Corse circulaire interne dat e du 27 septembre 1988 Paris Seuil La renferm e la Corse circulaire interne dat e du 28 mars 1989 Paris Seuil La renferm e la Corse fiche de promotion dat e du 15 juin 1989 Paris Seuil Les yeux ferm s Paris IMEC 340 Bibliographie Le Fonds Albert Camus Aix en Provence la Bibliotheque M janes CAMUS Albert lettre a Marie Susini dat e du 3 octobre 1954 CAMUS Albert lettre a Marie Susini dat e du 26 juillet 1957 CHODKIEWICZ Michel lettre Marie Susini dat e du 17 f vrier 1981 SUSINI Marie lettre Albert Camus dat e du 22 d cembre 1957 Chez Mia Panisse DOLLINGER Sonia directrice des Archives de Beaune courriel personnel Mia Panisse le 25 octobre 2005 MISTACCO Vicki E courrier personnel Mia Panisse le 27 juin 2006 OLLION Martine Archives de PIMEC courriel personnel Mia Panisse le 16 octobre 2003 Ouvrages et articles consacr s l tude de l ambivalence
485. s il y avait ce silence autour de nous je me souviens et sur moi comme sur un agonisant le regard de Tahr partie de mes joues la chair je le sentais partis de mes yeux la couleur et leur clat et moi ailleurs n importe o ailleurs YF 112 Dans un certain sens Sefarad incarne la situation o se retrouve un grand nombre de personnages f minins chez Susini la figure f minine qui de pr f rence se soustrait au dialogue avec un autre adulte trop intimement li sa vie et qui porte un regard panoramique sur tous les aspects de cette derni re et de sa personnalit La figure f minine pr f re se retirer dans un recoin de son me o r gnent le pass et les regards d antan Ne pas se sentir laise dans sa contemporan it comme nous l avons constat plus haut est le signe d une tentative de refus d engagement avec l autre pr sent et le pr texte pour un sempiternel catapultage du personnage vers un pass avec lequel le personnage est r concili cherchant toujours une fuite par rapport un pr sent atopos En dernier lieu les ouvertures vers des appartenances multiples s av rent syst matiquement calfeutr es par l criture de Susini qui met en uvre un dialogue de sourds o les consciences se referment sur leur chec communicatif 9 1 2 Cette histoire de pr nom Elle fut mince la raison qui me fit quitter Tahr YF 152 confie Sefarad Reste Carol YF 152 demande Tahr Sef
486. s images La rigueur est per ue comme relevant en partie de la structure du r cit Marie Susini a respect dans ce livre qui voque le drame de la rupture la vieille r gle de l unit de temps Or l criture est parfois sentie comme tr s directe voire abstraite Une confession directe d pouill e souvent path tique comme un cri parfois trop c r brale ces r miniscences de Sorbonne Exc s d introspection ou de ma trise Un sobre et beau roman servi par une authenticit profonde de rares qualit s d criture Quelquefois les critiques de la presse se servent de qualificatifs allant jusqu des comparaisons insolites rien ne vient distraire de ce drame tout int rieur On se croirait devant la sc ne de Bayreuth nue sans autre d cor que les tulles blancs La situation sans issue qwa voulu v hiculer Susini a t percue par le lectorat critique Marie Susini a su retracer avec beaucoup de sobri t les doutes la r volte ou la r signation qui assaillent tour a tour la jeune femme Serge est l homme humain compr hensif mais qui cesse de jouer ce jeu qui ne le m ne rien et ne lui apporte rien En psychologue avertie l auteur fait revivre les quelques heures qui bouleversent leur vie commune elle sait rendre presque tangible a lecteur les divers sentiments et h sitations qui les agitent 7 Les fiches bibliographiques 843 SUS U 2 R G s n
487. s longtemps Nunzia guettait le geste le mot qui allait clairer son attente la sauver p lus que jamais elle avait besoin de savoir F 19 Or s affrontent dans leur r cit deux solitudes inassimilables celle de la m re plong e dans une r miniscence navrante et celle de la fille assoiff e d une reconnaissance jamais admise Dans leur rapport s enchev trent galement deux niveaux du th me de la mort Francesca s enveloppant dans L amour la solitude Paris Albin Michel 2000 p 33 152 4 De la jeune fille la jeune femme son rapport avec son fils d c d et Nunzia r duite au n ant par l indiff rence de sa m re En cheminant avec Nunzia vers la chapelle o aura lieu la messe la m re refait un autre voyage o elle tait accompagn e de son fils pour se reposer elle s assoit sur le m me talus qu alors tout en cherchant des yeux son fils mort sur la route L investissement maternel s effectue aussi bien par la parole qu avec la gestuelle en quittant la maison avec sa fille elle se retourne et fait signe de la main pour dire au revoir son fils absent La m re s affranchit d une relation r elle inscrite dans la vie pour puiser sa force dans une relation avec un mort une relation qui est finalement aussi destructrice pour elle que pour sa fille Si les rapports entre Nunzia et Francesca sont analogues ceux d Angnola et de sa m re en ceci que la g n ration ant rieure se cha
488. s pas encore et le je ne suis plus elle oscille NA p 15 16 crit Susini a propos du personnage principal Fabia Ainsi Fabia est d embl e plac e dans une temporalit et une spatialit sans attaches haut lieu de la puissance amoureuse se pr tant admirablement bien louverture d une histoire damour A cette h sitation d ordre profond ment existentiel s ajoutent les deux dimensions temporelles que constituent la deuxi me 322 guerre mondiale et les v nements de mai 68 a Paris les deux poques se 321 Fran oise Dolto Le f minin op cit p 314 32 Rappel de quelques rep res en ce qui concerne la deuxi me guerre mondiale et la France constituant le cadre temporel du roman Pour la France la guerre clate en 1939 La grande offensive des Allemands commence le 10 mai 1940 Paris est occup le 14 juin de la m me ann e L occupation de la France devient totale le 11 novembre 1942 1945 marque la fin des hostilit s 178 5 Femmes en rupture de couple m tissant dans le r cit Par rapport Un pas d homme ont lieu dans C tait cela notre amour une subversion des lieux de l int rieur vers l ext rieur et une dilatation de l espace Les ann es estudiantines voqu es d une mani re relativement subsidiaire dans Un pas d homme occupent aux c t s de la seconde guerre mondiale le devant de la sc ne dans C tait cela notre amour En d pit de la r alit socio historique sombre qui constitue
489. s personne appeler AL 128 En effet le lendemain elle apprend la mort de son ami Francesco La narratrice voit ce qu Anna Livia ne pense m me pas qu elle se donne son p re esp rant qu travers son corps il pourra se r concilier avec lui m me Elle le regarde avec timidit mais aussi avec un courage perdu que seule peut donner la soumission enti re ou mieux la r solution de prendre en charge un si grand d sarroi AL 86 Elle esp re soulager son p re homme au regard vide en dehors de toute vie AL 87 d une peine qu elle juge trop lourde supporter pour lui Par cons quent elle fait don d elle m me et de son innocence au d triment d un all gement du mal de vivre de son p re hant par cette chose vague cach e dans un recoin obscur de la t te o naissent tous les tourments AL 119 120 Des th ories trans g n rationnelles signalent qu un v nement traumatique peut tre pass la g n ration suivante Le travail sur la hantise trans g n rationnelle sugg re par exemple qu un trauma puisse tre pass d une g n ration la suivante lorsqu un acte honteux et indicible est barr de la conscience ou tenu secret Le trauma est v hicul sans avoir t dit et r side la g n ration suivante comme une pr sence silencieuse Dans cette perspective l histoire d Anna Livia est un d nouement en effet 5 Ibid p 84 46 Anne Whitehead Trauma Fiction Edin
490. s sa r ticence s aligner sur les valeurs parentales En route ils croisent par exemple un p cheur pieds nus dans l eau d un ruisseau et Vanina pense Je l aimais ce p cheur Il avait des cheveux noirs des yeux sombres l air sauvage Je sentais confus ment que ce n tait pas ce qu appr ciait mon p re PS 14 Ces transgressions touff es de la petite fille ne remettent pas en cause l autorit paternelle qui demeure consolid e dans le syst me r f rentiel de la fille Tout ce que disait mon p re tait vrai Juge dans les litiges de famille il se r v lait dans toutes les circonstances d une intelligence dune discr tion et d une autorit que chacun reconnaissait ce qui me remplissait d admiration Il tait pour moi l image de la croyance sinc re et profonde de la bont de c ur de la loyaut qui ne faiblit jamais PS 18 Cette consid ration et cet amour de la fille envers son p re constituent une entrave pour elle lorsqu il s agit de montrer sa d tresse au moment o il la laisse la porte du couvent Au lieu de d voiler ouvertement sa d ception et son angoisse Vanina se contient et fait mine d tre une petite fille brave qui court all grement vers l ombre des salles de pri re pour tre la hauteur des attentes de ses parents alors qu en v rit elle se pr cipite au petit endroit PS 20 pour y donner libre cours ses larmes 120 4 De la jeune fille la jeun
491. sa compagnie un matin o par chance il n y a personne d autre dans leur maison aux portes ouvertes au tout venant PS 95 La relation entre la m re et la fille est pr sent e indirectement par le recours de Vanina des souvenirs quant aux paroles et aux actes de sa m re ceci d au fait que la di g se n int gre pas la pr sence de la m re qui sous sa forme litt rale est relativement absente c est le p re qui accompagne et vient chercher Vanina au couvent La m re de Vanina repr sente une femme au foyer traditionnelle respectueuse des valeurs sociales environnantes ce qui lui conf re une aura d aust rit rigoureuse La pr sence de la m re est voqu e positivement travers ses soins attentionn s sa fille en vue du cheminement vers le couvent elle a serr la petite dans son grand ch le noir PS 9 A la m re sont galement associ es les connotations positives des senteurs li es aux t ches domestiques accomplies par elle En contrepartie ces vocations chaleureuses sont intercal s dans le r cit des passages qui font tat d une certaine incompr hension de Vanina l gard de ses parents notamment l gard de sa m re Le long du chemin le p re et la fille croisent des gens qui r p tent l incongruit de la situation de Vanina petite fille au couvent son age J entendais ces propos trois et quatre fois sinon davantage le long de ce trajet de deux heures La pension
492. se qui ont voulu se d marquer de l histoire imm diate de l le actuelle et revendiquent le droit une vocation subjective de la Corse et de son image 7 La maison des Atlantes Paris Deno l 1971 Du moins pour ce qui est de leurs textes litt raires Par contre on peut consid rer en regardant de tr s pr s ailleurs qu il y a certains traits communs dans leur fa on de concevoir la notion de fatalit notion si ch re la fiction susinienne Angelo Rinaldi ne dit il pas la fin de son discours de r ception l Acad mie fran aise le jeudi 21 novembre 2002 en faisant allusion a son ventuel successeur qu il ignore l heure de sa disparition qui est pourtant fix e quelque part Mon successeur est d j sur terre et ne soup onne pas encore ce qui le guette fr lant ainsi le th me de fatalit mal fique chez 101 Premi re partie De la th orie a la r alit corses dont les ouvrages ont trouv un public important dans et hors de l le Marie Ferranti et Mich le Castelli 3 2 R ception dans la presse 3 2 1 La trilogie corse Les critiques dans la presse sont unanimes pour associer l auteur l influence de la Corse et de l art dramatique sur toute l uvre s talant sur presque quatre d cennies Maurice Giuliani pr f re carter l aspect fictionnalis du roman La fiera pour mettre l accent sur ce qu il consid re tre son c t v ridique Un roman non
493. sertes de la ville Plus que partout ailleurs la solitude suinte des murs trop propres elle traine au bord des mers blanches et s accroche aux visages pleins de sant Elle est Stockholm la solitude ni e par tout partout pr sente NA 115 Marcher marcher sans fin dans la ville cern e par la nuit le froid et la fatigue quand de partout de la clart et des ombres du miroitement du fleuve des r verb res du son f l d une cloche ne sort que solitude c est d j comme si tout tait fini c est d j la mort Tout au bord de l eau le corps glisse lorsqu on marche sur l extr me bord d un pr cipice on tombe dans le vide si on ne se sent plus soutenu par l espoir de s en sortir YF 120 La m me errance sans but et la m me ali nation que conna t Sefarad frappe Dona In s une vieille dont le plus grand r ve est de conna tre la ville Son d sir est pourtant par par Fabia qui la conna t trop bien Si je vous racontais la ville ce que jy ai vu vous ne pourriez plus vivre tranquille mourir en paix YF 165 Sans divulguer son secret Fabia 192 5 Femmes en rupture de couple d voile son sein droit marqu par une profonde balafre signe de la violence urbaine laquelle personne n chappe En revanche la notion de campagne est constamment accompagn e de personnes chaleureuses ou de souvenirs attendrissants Ainsi le discours ponctuant la rencontre entre Sefarad et son fr re
494. ses rapports l homme prennent une ampleur parfois d mesur e Le lien unissant la femme et l homme dans l uvre de Susini est l amour sous plusieurs facettes Pour aimer il faut un objet et cet objet d finit finalement la nature de lamour Il y a l amour naissant lamour folie lamour L Amour la solitude op cit p 16 310 Exception faite de l image solennelle peinte des parents de Vanina dans Plein soleil 157 Deuxi me partie L ambivalence de la femme incommensurable l amiti amoureuse l amour indiff rent l amour s tiolant l amour fan D un point de vue psychologique l amour contient un certain mouvement d id alisation identifiant amoureux est a la recherche d un autre qui lui renvoie l image de l id al du soi et repr sente l objet d identification de l tre amoureux sans tre ni un objet de besoin ni de d sir Une perspective philosophique d autre part met en relief Pamour et la solitude Ainsi Comte Sponville n oppose pas lamour et la solitude mais les rapproche L amour n est pas le contraire de la solitude c est la solitude partag e habit e illumin e et assombrie parfois par la solitude de l autre L amour est solitude toujours non que toute solitude soit aimante tant s en faut mais parce que tout amour est solitaire Personne ne peut aimer a notre place ni en nous ni comme nous Ce d sert autour de soi ou de l objet aim c est Pamour m me Pour lui
495. signe Anna Livia Si le souhait de d signer une personne par le m me nom propre l inscrit dans la continuit le geste d Anna Livia de changer son pr nom peut se lire comme l expression du souhait de rompre avec le pass dans lequel sa m re n a pas t pr sente cela dans le but de consolider son identit et aussi pour signifier son d sir de marquer le nouveau d part d une identit autre par rapport celle qu elle tait en l absence de sa m re Son inscription par un autre s estompe galement dans la mesure o son ami d enfance Francesco d c de tout comme elle est annul e par la mort de son p re Anna Livia grandit sans attachement d pourvue d une inscription dans la dialectique affective n cessaire pour le maintien d une constance soi Tout ceci la laisse seule face a des d fis qu elle n est pas en mesure de relever A la perte d identit du personnage correspond la perte de la configuration du r cit et en particulier une crise de la cl ture du r cit affirme Ricoeur La structure de Je m appelle Anna Livia exemplifie cette probl matique entre identit configuration et cl ture par sa structure narrative en boucle La fin du r cit embraye sur le d but de la narration tant donn que le livre se cl t sur une question Est ce qu il s tait vraiment pass quelque chose Cette structure soutient la th matique du pr nom et exprime m taphoriquement la relation que Susini tient mettre e
496. sinc rement le cours des v nements A la narratrice qui les met en doute ou a Susini qui tient la plume brouillant les pistes pour le lecteur A la crois e d une telle polyphonie de voix il mest gu re ais de distinguer quels passages dans le r cit sont a imputer la di g se et la m tadi g se 9 2 3 Clivages indicateurs de traumatismes Les nombreux clivages pr sents dans le roman peuvent tre interpr t s comme une indication que le roman Je m appelle Anna Livia porte les 294 9 Ambivalences identitaires caract ristiques des textes mettant en lumi re une exp rience traumatique Le trauma merge dans la th orie de Cathy Caruth comme une crise de 5 Ce qui caract rise dans l acception de Caruth la structure du v rit trauma est la disruption qu il op re dans l histoire et la temporalit Le trauma n est pas assimil dans sa globalit au moment o il est v cu mais il est d apr s elle retard par son retour insistant et r it r ceci tant d une latence inh rente l exp rience traumatique elle m me En nous alignant sur la th orie labor e par Caruth le trauma ne peut tre reconnu que pr cis ment grace son caract re latent Comme le trauma n est pas v cu au moment o il se produit il ne devient vident que dans un autre espace et dans un autre temps d o cette latence son caract re inconscient qui d une mani re paradoxale conserve le trauma dans l esp
497. sociale la gamme des r les et ambivalence sociologique introduites par Merton sont parmi les instruments les plus influents La structure sociale est constitu e dans la conception mertonienne d un r seau complexe de relations de r les li un simple statut Un statut n inclut pas un r le unique mais un ensemble de r les Pour reprendre un des exemples de Merton le statut de professeur englobe les r les de professeur conseiller chercheur administrateur ou coll gue Chacun d entre eux est son tour reli d autres statuts et des sous r les par exemple le professeur est la fois promoteur et valuateur dans sa relation avec les tudiants Chaque l ment de la gamme de r les tant positionn diversement dans l ensemble de la structure sociale aucune garantie n existe que les l ments de chaque gamme pr sentent les m mes attentes par rapport ceux qui occupent l autre r le Dans la r flexion de Merton l ambivalence sociologique et les attentes conflictuelles sont ainsi syst miques elles sont ench ss es dans la structure de la gamme des r les ou m me l int rieur d un r le unique dans cette gamme Il est facile de voir en quoi la r flexion sur les statuts et les r les peut alimenter la discussion sur l ambivalence f minine de quelle mani re la femme se positionne t elle vis vis des multiples r les que la soci t lui Ibid p 6 Andrew J Weigert Mixed Emotio
498. soit le visage tant qu un visage vous meut que ce soit un visage de vieille d enfant malade ou m me ce qu on appelle un visage laid dans la mesure o on se rend compte qu il y a quelque chose de divin eh bien c est a Pamour En 1979 para t le roman Je m appelle Anna Livia le roman le plus achev le plus r ussi selon Susini Pour crire le livre Susini s est inspir e d une 176 Le Fonds d Archives des ditions du Seuil dossier de fabrication de C tait cela notre amour Paris PIMEC 177 Susini dans Temps de lire mission du 10 d cembre 1970 Cha ne de diffusion 1 L Inath que Paris Biblioth que nationale de France 178 Ibid 1 Propos rapport s par Madame Ghislaine Fratani ao t 2004 86 2 L auteur et son uvre conversation entre deux jeunes filles dans un restaurant o elle aurait capt quelques bribes de leur conversation Tu te rends compte Mon p re me faire a a moi Le lecteur est encore une fois amen vers le pourtour m diterran en Quelque part dans une grande maison en Italie le terrible saccomplit Anna Livia une jeune fille abandonn e par sa m re vit une histoire incestueuse avec son p re L histoire est l instar de Corvara frapp e d une note fun bre d s la premi re page et elle ne peut que se terminer tragiquement Par le titre du roman Susini met en relief un des themes tiss en filigrane a travers toute son ceuvre
499. son attitude absolue en ce qui concerne lamour seul le premier amour compte les autres n existent pas Leur rencontre et leur vie commune se refl teront dans les crits aussi bien de l un que de l autre quoique de mani res diff rentes Daniel d crit l incidence de Susini et de sa cr ation fictionnelle sur lui dans les termes suivants Marie neit elle pas t cet crivain que jadmire m e t elle aussi profond ment marqu Comment le savoir En tout cas le sens profond de cet ceuvre a impr gn nos relations En fait ma question est absurde j ai aim sans pouvoir le supporter ni le m riter l amour inconditionnel enveloppant terrible fatal que Marie a eu pour moi Un amour dont elle a fait avec la Corse son tragique Susini de son c t mettra en sc ne leur rupture dans Un pas d homme paru l ann e m me de leur s paration et lui d diera un des romans ult rieurs C tait cela notre amour publi treize ans plus tard en 1970 De son vivant le cercle d amis de Susini est relativement restreint La m me fid lit qui caract rise ses sentiments en amour vaut pour ceux en amiti Durant les ann es pass es a Beaune elle se lie d amiti avec une jeune femme qui plus tard se mariera avec un Italien et s installera en Toscane En 1993 Susini projette de passer trois semaines chez son amie Porto Santo Stefano lieu de vill giature 300 kilom tres de Rome Elle a d j connu des probl m
500. ss 139 4 3 1 Entre d pendance et autonomie 0 sccesecessecesnccesteceseeeeseeeeaceesaeeesees 142 4 3 2 Les enjeux de l incorporation de l ordre social 145 4 3 3 Amour cathartique amour estomp cccesccesscestecesceesteceenceesaeeeaees 148 4 3 4 Le social g n rateur de solitude 152 4 3 5 Parole obstru e et d sancrage social 153 5 FEMMES EN RUPTURE DE COUPLE eue 155 SES ENJEUX DU COUPLE DA 156 5 1 1 Positionnements vacillants seseesseessecesececeeseeeceesceesseeeaeeeeeeseees 159 5 1 2 Une dynamique interrelationnelle g n ratrice d ambivalence 163 5 1 3 Une appartenance d sancr e dans le relationnel 166 5 1 4 L amour entre id alisation et d r alisation 171 5 5 Entre memoire er anticipa On sorrise rore a anis 173 5 1 6 L attente une atemporalit tale esceesccsssceseccesecsceeseeceseeeeaees 175 I2 FEMMES EN OT TE rariss riaa a nee a 178 5 2 1 En qu te d un assouvissement impossible 178 322 DtalecHgue DENA uen eines 180 5 2 3 Lamour antidote la non existence s ssssessssseseesseserssresressesresseses 184 2 24 Lamour COMME mangue sn e e EEA OE k 187 2 25 L holopie d un couple nement T 188 5 2 6 Entre temps d avant et temps moderne 190 5 2 7 Regard unificateur et s parateur seseeesseceseceseeesecesecesceenseenseeeseens 193 5 2 8 Entre avidit de vie et autodestruction sccesecesscesseesseceseeeseeeteees 195 5 3 DISSOLUTION IRREVOCABLE DU CO
501. ssues de deux mondes oppos s leurs syst mes de repr sentation antagonistes sont vou s se heurter Leur affrontement met en sc ne de la mani re la plus cruelle la contradiction entre la libert individuelle et l adh sion aux valeurs dites anciennes Sylvie est une jeune Normande qui apr s son mariage s installe chez son mari et sa belle m re Les villageois ne connaissant rien d elle ni son origine ni sa fortune ni son ducation ils se basent sur la seule vertu imm diatement perceptible sa Corse traditionnelle et Corse nouvelle La g ographie d une ile Lille Universit de Lille th se de doctorat 1975 p 8 197 Deuxi me partie L ambivalence de la femme beaut qui d s son arriv e est intens ment valoris e On n avait jamais vu de visage plus gracieux de sourire plus serein que celui de Sylvie Tout tait doux en elle sa voix son regard la couleur blond cendr de ses cheveux et la gr ce de ses mouvements On avait plaisir la regarder et comme une esp ce de satisfaction devant son calme et sa douceur F 97 A d faut de conna tre ses qualit s plus int rieures plus personnelles la communaut s en remet pour la juger une qualit superficielle Barbara est d une autre trempe in branlable comme la roche que le vent ne bouscule pas comme le m tal dur que l eau ne traverse pas Haute raide comme les cypr s qui se dressent dans la vall e zia Barbara respirait
502. st qu un prolongement et une maturation de sa vision Comme le montre Merleau Ponty le regard est primordial dans l laboration d une vision du monde Le langage des yeux dit le rapport au monde de celui qui le porte affirme t il Pris dans une acception sociale le regard peut aussi tre un outil puissant de domination symbolique dont l efficacit de l utilisation manipulatrice et le pouvoir de suggestion sont d nonc s par Pierre Bourdieu 33 Maurice Merleau Ponty L il et l esprit Paris Gallimard 1964 p 5 Ce que parler veut dire L conomie des changes linguistiques op cit p 37 193 Deuxi me partie L ambivalence de la femme Le regard participe la probl matique de l ambivalence en ceci qu il est simultan ment une force positive et n gative il inscrit l individu dans le monde mais si celui ci l en d tourne le regard est galement ce qui isole l individu dans sa solitude Susini a donn deux de ses romans un titre relatif un aspect de la vision Le premier regard et Les yeux ferm s Dans l ensemble le regard est sur un plan th matique unificateur dans l uvre de Susini lorsqu il consolide les liens entre les membres d une communaut mais s parateur quand il op re un hiatus entre des individus d origine diff rente ou entre des individus de deux g n rations s par es par des valeurs divergentes comme nous avons pu le voir plus haut La di g se du roman Les
503. stantielle au caract re de Vanina Les senteurs les couleurs les bruitages et les recoins les plus ombrageux et myst rieux sont d crits dans le d tail longuement et plusieurs reprises tout au long du cheminement du p re et de la fille vers le couvent comme vers la maison a la fin du r cit ainsi que dans la m tadi g se les rem morations et les r veries de Vanina depuis le couvent C est cette vocation constante de la nature au couvent qui permet Vanina d chapper a la r clusion impos e par ses parents Si le corps se laisse enfermer l esprit prend des ailes comme les activit s dans la vie couventine importunent Vanina l imagination lui sert d chappatoire pendant les tudes pendant la pri re au dortoir je me cr ais un espace secret imp n trable o je r vais silencieusement o je continuais vivre ma vie au village ou Bupia entre mon p re et ma m re PS 34 Le paysage sert de miroir aussi bien aux r ves aux superstitions qu aux l gendes qui font partie int grante de l identit de la petite fille L horizon voque Vanina la mer que je ne connaissais pas encore au bout de l immense vall e bleue entre les hautes cha nes PS 12 Les parois de granit si hautes qu elles emp chent les rayons du soleil de p n trer dans le ravin propulsent Vanina dans l effroi de ses superstitions les plus irrationnelles La ravine obscure o se montrait le diable et s battaient le
504. stentialisme et Faulkner Varese le jazz et le cin ma am ricain NA 155 Le texte relativement lourd de r f rences la philosophie est all g par des proc d s m tatextuels explicites ou implicites mettant en relief la musique contemporaine parmi laquelle la chanson de Beatles Love to you est dans le texte de Susini devenue Love you to NA 174 dont sont extraits quelques vers Love me while you can Before I m a dead old man Each day just goes so fast NA 175 D autres paroles de chansons demeurent anonymes dans le texte comme Your man is sure to leave you And never return no more NA 130 vers extrait de la chanson Fogyism ou Poor boy poor boy long way from home NA 131 Les proc d s m tatextuels servent a amplifier et a diversifier la description de l identit du personnage ils lui conf rent une illusion du r el Tous les l ments rep r s sont reli s Fabia est tudiante a Paris sous 7 Chanson crite et interpr t e par Ida Fox 84 Poor boy long way from home chanson crite par Bukka White 308 9 Ambivalences identitaires l Occupation et vit dans la ville lors des meutes estudiantines de 68 quoi de plus naturel donc que de parsemer sa r flexion d l ments relatifs a ses tudes et d ancrer le r cit dans le r el l aide de ph nom nes typiques pour l poque Dans une perspective plus globale les digressions m tatextuelles
505. t comme dans ce qu elle est alors la compassion vient au secours de la passion En 1960 para t le r cit Le premier regard qui poursuit la qu te d une nouvelle dimension de l innocence perdue ce qui dans cet ouvrage se 162 G B Quelques instants avec Marie Susini art cit 163 Albert Memmi Qui tes vous Marie Susini art cit 164 Ibid 185 D apr s Ghislaine Fratani Marie Susini lui aurait confirm le lien existant entre le roman et la rupture d avec Daniel 156 Les pages 75 92 du roman ont t publi es dans Preuves no 75 mai 1957 p 32 35 167 Lettre d Albert Camus Marie Susini dat e du 26 juillet 1957 le Fonds d archives d Albert Camus Aix en Provence Biblioth que M janes 83 Premi re partie De la th orie la r alit conjugue avec le th me du roman pr c dent la rupture Cette fois le personnage principal est un enfant d une douzaine d ann es L histoire raconte la scission produite entre le gar on et sa m re lors de l introduction du nouveau compagnon de celle ci dans le quotidien de cette famille monoparentale Le couple m re fils ayant t bris le gar on s enfuit de la maison Le jeune gar on d cide de suivre un inconnu qui vient passer devant sa maison A la mort de l inconnu retrouv quelque part en Italie le jeune est renvoy chez lui en train lieu ot il partagera un compartiment avec une jeune fille de son age Elle pose son
506. t ils n ont plus de secret ils n ont plus de pouvoir 271 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture F 16 ce n est pas parce que sa tentative d insertion est r alis e mais parce qu elle a atteint un degr d indiff rence envers eux Une des occurrences dans le roman met en exergue d une mani re tr s manifeste l ambivalence du discours de Susini Sylvie est d c d e et Angnola jeune villageoise qui se repose sur une roche contemple les femmes et les hommes se h ter longues enjamb es vers la chapelle o se trouve Sylvie Angnola se pr cipite dans la m me direction pour d couvrir le visage exsangue de Sylvie Alors qu aucun moment les chemins de ces deux figures f minines ne se sont crois s et que le lecteur ne peut soup onner aucun lien entre elles il est confront l agonie d Angnola qui an antie par la douleur s effondre a la vue de Sylvie elle se laisse tomber le visage contre la terre contre l herbe dure et s che qui blesse le visage en criant sa peine sans plus savoir si cette peine est bien la sienne Les cris de Matteo lui parviennent elle ne sait plus si cest la douleur de Matteo si c est la tristesse de ce jour de saint Albino trop attendu et qui na apport que du malheur ou l immense douleur qui clate avec violence dans un apr s midi d ao t dans la chaleur cruelle de ce jour d t le plus chaud de l t immense plainte
507. t r troagie et le dialogue entre la continuit et la transformation culturelle qui au demeurant se cl t sur la cons cration de sa persistance Le dilemme existentiel d crit dans le roman situe l nonc entre le maintien de la culture autoritaire et l anomalie que repr sente l intrusion d une autre culture celle repr sent e par Sylvie A la fin du roman certains repr sentants de la culture majoritaire les Corses font face a des interrogations quant a leurs motivations a maintenir les valeurs et les normes de la soci t et ressentent une certaine l thargie existentielle face au fait d avoir t l instrument de la perp tuation d une culture meurtri re quand bien m me cette prise de conscience ne s op re pas au niveau du personnage autant que sur le plan de la narration L objet ayant constitu la cible des ressentiments insulaires Sylvie vit son anomalie si intens ment qu elle se laisse d p rir La scission du discours de Susini se fait manifeste dans son refus ou dit autrement dans son positionnement en faveur des deux camps la fois par le biais d une voix narratrice compr hensive sympathisant avec les deux positions contraires voire conflictuelles Susini se fait ainsi a la fois la porte parole d un discours d fendant l anxi t provoqu e par la diff rence mais aussi l instigatrice d un discours producteur de diff renciations dans la compr hension et l interpr tation du contexte cultur
508. t Marie Susini envisage t elle les repr sentations des femmes par rapport la vie de couple La r ponse semble sugg rer que le couple constitue un terrain de conflits recherch par les femmes mais dont elles doivent en m me temps se d tacher Il est le lieu o se joue de nombreuses facettes de l ambivalence qui habite la femme le comble de ses aspirations et le pire des enfermements intellectuels le couple la pi ge tout en l incitant s enfuir vers une libert parfois ch rement pay e Que se joue t il donc v ritablement au sein du couple 5 1 Les enjeux du couple Le couple offre une interface ind termin e privil gi e Marie Susini car s il est un lieu o les donn es sont fuyantes c est dans les rapports entre deux individus dot s chacun de son c t d incertitudes et d h sitations de sautes d humeur et d actions inexplicables voire illogiques Les tres sont cartel s entre des principes des d sirs et des aspirations antagonistes Dans la fusion sentimentale que constitue le couple les contradictions s liminent se neutralisent ou bien elles se renforcent en renvoyant dans le pire des cas les conjoints dans le chaos de la confusion Le couple peut tre la fois la sc ne o toute la palette des sentiments consolidant et soutenant les individus se manifeste dans une ambiance d amour mais aussi l cran sur lequel se projettent les plus banales sc nes de m nage L criture de Mari
509. t andrews mixed emotions amp hl fr amp source gbs_similarbooks _s amp cad 1 v onepage amp q amp f false gt consult le 8 octobre 2010 DUTTA Shanta Ambivalence in Hardy Study of his Attitude to Women London New York Anthem Press 2010 EMMANUELLI Mich le Menahem Ruth Nayrou F licie ds Ambivalence L amour la haine l indiff rence Paris P U F 2005 ENGLE David E Arkowitz Ambivalence in Psychotherapy New York London The Guilford Press 2006 FAVEZ BOUTONIER Juliette La notion d ambivalence Etude critique valeur s m iologique Paris L Harmattan 2004 GALLANT Christine Shelley s Ambivalence London Macmillan 1999 HEINICH Nathalie Les ambivalences de l mancipation f minine Paris Albin Michel 2003 HOLLWAY Wendy Featherstone Brid ds Mothering and Ambivalence London New York Routledge 1997 KAMEL Fran ois Ambivalence l adolescence Ambivalence L amour la haine Vindiff rence Paris P U F 2005 p 89 114 LEADER Darian Sur ambivalence maternelle en ligne Disponible sur lt http www cairn info article php ID_ARTICLE SC_001_0043 gt consult le 8 juin 2010 LORENZ MEYER Dagmar The Politics of Ambivalence Towards a Conceptualisation of Structural Ambivalence in Intergenerational Relations Gender Institute New Working Paper Series Issue 2 February 20 en ligne Disponible sur lt http www lse ac uk collections genderInstitute pdf thePoliti
510. t bli f rl st fr n ensamheten ter sig mer lockande n sj lva tv samheten I st llet f r att vara k ra i sin partner tycks kvinnorna vara f r lskade i avsaknaden av den andra det r den h r avsaknaden och otillg ngligheten som utg r det villkor som g r att hon f rst dras till mannen och senare s ker sig bort fr n 334 Svensk sammanfattning honom Karleken ger mening at livet pa ett abstrakt plan som ett ideal men forblir orealiserbar i praktiken Betraffande modern aterfinns tva portratt av henne avbildade i Susinis verk Dels finns den korsikanska mamman som vid en f rsta anblick tycks vara strang och okanslig men som under den strama ytan i sjalva verket brottas med fragestallningar som ar forknippade med dygd kyskhet och kroppslighet i f rh llande till sina d ttrar De har m drarna konfronteras med den sociala ambivalens som uppstar vid brytningspunkten i Korsikas historia da grundlaggande traditionella varderingar gav vika for trycket fran moderna influenser utifran Dels aterfinns i de senare verken som inte utspelar sig pa n m drar som r frigjorda kvinnor och som ar mana om sin personliga utveckling De vagrar att lata sig fjattras av alderdomliga tankar om aktenskapets dygd och vagrar att ta pa sig rollen av en mamma vars enda uppdrag r att stolt visa upp barn som uppfostrats enligt g ngse sociala normer De har kvinnorna har manga forhallanden provar pa droger och ar ekonomiskt sj lvst ndiga I sin f
511. t cest cela justement que j ai su que je l aimais YF 145 L amour est envisag comme conflit comme manque comme d r alisation ou comme antidote une existence autrement sans signification dans un couple sans l ombre d un espoir pour le futur et l on pourrait croire que lamour n a pas la cote dans la fiction de Susini Pourtant il en est un des fils conducteurs m me s il ne m ne pas n cessairement l id al d un bonheur accompli pour la femme Celle ci ne cesse de rechercher l amour de sa vie m me si elle s obstine le chercher la o il n est pas trouver car ce n est pas dans la continuit d chirante dune relation passionnelle qu il se love Ce que le lecteur retient de l image que brosse Susini de la femme adulte impliqu e dans une relation amoureuse c est non seulement l chec du couple mais aussi l insatisfaction li e au compromis et l incertitude de lavenir que ressent la femme a t elle finalement r ussi ou rat sa vie Les param tres du bonheur lui demeurent en tout tat de cause in luctablement hors de port e 5 2 5 L etiologie d un couple us A la lumi re de la vision amoureuse des femmes d crites plus haut il est peut tre peu tonnant qu elles cherchent leur confort dans un couple en apparence d nud d amour Selon Kristeva il existe plusieurs ruptures celle tout d abord qui tout banalement fait mal tant donn qu elle laisse la femme abandonn e humili
512. t curieuse tentant de pousser les limites de la connaissance devenant cette jeune femme qui non seulement cherche l origine mais d sire aller au del L acte incestueux constitue pour elle le retour du refoulement enfantin l enfance et l adolescence d Anna Livia sont 137 Deuxi me partie L ambivalence de la femme d nu es de toute affection paternelle et maternelle Le refoulement de cette d faillance d affection revient donc en force par un glissement par la recherche d plac e d une unit avec le p re pr sent Pour Marie Susini l inceste est la fois un geste unifiant et dissolvant C est une rencontre avec l autre le p re l absorption et la liaison de l clatement du soi a la qu te de son identit holistique Cette qu te du soi est iris e de questionnements ambivalents non formul s consciemment par les personnages mais dont l criture est une manifestation En d crivant Anna Livia au moment de l acte incestueux Susini met en sc ne une jeune fille la fois r serv e et na ve timide et courageuse AL 86 une femme douce et obstin e AL 172 ex cutant ses gestes d une mani re d termin e et exp riment e ivre de compassion et d innocence AL 88 En se d shabillant elle se d couvre simultan ment verbe mis en exergue par l auteur par l emploi d italiques Anna Livia se trouve au c ur d une passion aveuglante calme et r solue et se jette corps perdu AL 170 d
513. t des mots que le c ur ne veut pas et le malheur arrive RC 206 et que Corvara semble avoir agi sans motivation Si on raisonne il n y a pas de raisons RC 206 Or Susini procure tout de m me au lecteur les vrais motifs de Corvara inscrits non pas dans une logique ancestrale antique mais port s tout autant par la logique d une femme moderne d senchant e son reintement face une situation dont elle n est pas m me de saisir le sens Parfois on est bout de forces a bout de raisons bout de pri res Quand on est bout de tout on dit n importe quoi RC 206 Corvara d contenanc e dans son puisement ne sait ni offrir d explication ses propos ni interpr ter la conduite de son mari fonci rement n gative telle qu elle la relate Il touchait a une chose et elle se cassait Il s loignait et le ravin tait la Si devant lui s ouvrait une route large il ne la voyait pas ou plut t c est comme si elle n existait pas il allait dans le fourr pais et recevait toutes les ronces en plein visage RC 207 Alors que Corvara se sait condamn e au destin qu elle est en train d accomplir elle envisage n anmoins une autre issue possible si elle avait respect le silence l issue n faste aurait pu ventuellement ne pas se r aliser 4 Pierre Bourdieu Ce que parler veut dire op cit p 18 204 6 Une maternit d faillante La parole est pour Susini ce qui
514. t devant une montagne enneig e la Nela Vanina se rappelle la l gende que son p re lui a racont e comment dans sa robe de mari e elle attendra pour l ternit un fianc qui ne viendra jamais plus PS 12 La nature semble tre le param tre par excellence par rapport auquel se mesurent le bonheur et le bien tre de Vanina Par ces matins d ao t c tait comme la rencontre de l t sur le lit de galets blancs de la Sfrodagnia et aux bords du torrent sur les lauriers roses en fleur J entendais le sang battre mes tempes Le bourdonnement des gu pes le chant de la lumi re ruisselant sur la route blanche les flots du soleil qui tombaient drus sur les cailloux de la rivi re me plongeaient dans une all gresse telle que j avais envie d embrasser ma m re PS 42 Les relativement nombreux passages descriptifs concernant la nature sont int ressants dans la mesure o le portrait de la psychologie de Vanina est bross sur fond d une dimension spatiale davantage que temporelle ce qu une narration d v nements et d actions successifs lui conf rerait et ceci dans un roman de formation o l aspect temporel n est pas n gligeable La nature participe ainsi d une mani re essentielle non seulement la mise en scene de la libert de Vanina dans le but de cr er un contraste coupant fortement avec la s questration laquelle elle est vou e mais elle amplifie la dynamique disjonctive de lunivers dans lequel elle est ancr
515. t en part en une menace plus perfide marqu e par la pr sence du soleil La peur des flammes qui d ferlent en un mouvement sauvage en un bruit sinistre travers les broussailles cette peur qui p se est toujours pr sente Partout sur ce maquis br l par la lumi re rong par le soleil quand les rayons tombent pic et frappent droit et que la chaleur s enfle comme la mer et gronde il y a toujours une menace de deuil dans ces midis torrides et cruels comme si le feu pouvait na tre du n ant jaillir de lui m me dans 253 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture cette nature embras e fuser de ce qui c de et craque sous le lourd poids de la lumi re F 36 Le point de d part de la citation est une peur existante celle de voir le feu ravager dans le maquis d truire non seulement la nature mais aussi les zones d habitation L emphase du d but de la seconde phrase est toujours sur le maquis consid r cette fois comme un l ment passif victime de la chaleur et non pas comme la toile de fond ou le moteur d un v nement violent La crainte suscit e par un ph nom ne naturel d vastateur est momentan ment supplant e par une peur ind finissable une menace de deuil puis la m taphore se termine en une comparaison gagnant de nouveau en intensit par l vocation de l mergence sinistre d un feu capricieux et des bruits caus s par celui ci Nous pourrions affirmer que cette
516. t envisager une m me chose sous deux angles selon le cas En fait aux trois formes de Pambivalence l ambivalence affective volontaire et intellectuelle samalgament des notions simples compos es ou complexes qui se pr sentent soit c te c te se m langeant dans des proportions diverses soit en se succ dant Bleuler souligne que si l ambivalence est r v l e par la schizophr nie du fait du processus de dissociation qui lui est inh rente et la 7 Freud remarquera plus tard qu il tait tout fait naturel que Bleuler invente le terme vu son hostilit et sa d votion altern es pour l analyse psychologique Robert K Merton Sociological Ambivalence amp Other Essays New York London The Free Press 1976 p 3 49 Premi re partie De la th orie la r alit caract rise l ambivalence constitue toutefois une structure normale et utile de la pens e Normale car le monde des sentiments est orient vers deux p les oppos s le plaisir et la douleur et utile car elle permet le choix et la recherche de l quilibre Il ne faut pas oublier que si Bleuler applique le concept d ambivalence aux schizophr nes il tente d expliquer l origine du ph nom ne en le rapprochant de la pens e normale dans laquelle des sentiments comme le doute Vh sitation et l oscillation entre le oui et le non sont facilement reconnaissables et familiers tout le monde Pour expliquer l ambivalence il a invoqu d un c
517. t pas les faits de la vie d un homme qui peuvent rendre compte de lui mais la mani re dont il les a v cus 168 Dossier de fabrication de Le premier regard Paris PIMEC 1 Ibid 170 Ibid 171 mission t l vis e titre de collection Apostrophes titre propre Camus et Mauriac diffus e le 24 novembre 1978 sur France 2 84 2 L auteur et son uvre Interrog e sur l autobiographie de Camus elle monte en pingle les rapports troits de leurs vies respectives J avais l impression de feuilleter ma vie constate t elle D s lors elle sera oblig e de forger sa carri re sans le soutien de son ami Susini poursuit sa cr ation litt raire en se focalisant sur le th me du regard dans le roman suivant Les yeux ferm s paru en 1964 Les influences insulaires sont encore une fois pr sentes l intrigue se d roulant dans une le o la mer et la montagne forment le cadre d une rencontre entre une s ur et son fr re qui se sont donn rendez vous la terrasse d un h tel construit l endroit m me de leur ancienne maison paternelle L ils se rem morent les v nements d une enfance incestueuse Le communiqu du roman met en avant la douleur de l h ro ne cr e partir de la focalisation interne et centralisatrice de la narratrice C est le malheur m me qui parle condense l intrigue tout cela est pris en charge par une seule conscience est v cu comme une se
518. t qu il effleure bri vement au d but d une lettre adress e a Susini 8 Ghislaine Fratani entretien personnel Ajaccio le 9 ao t 2004 311 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture apr s la parution du roman Un pas d homme dont il commente plus longuement le th me et l ambiance Il me semblait que je reconnaissais trop de choses mais peu peu le ton du livre m a t cette g ne et je mai plus t attentif qu sa voix jusqu ce que j aie le c ur serr Vous y avez r ussi je vois parce que vous vous tes tenue obstin ment dans le pr carr de la douleur refusant d en sortir Le m me instant la m me chambre tout le long du livre ni de parler d autres choses que des raisons de la douleur Cela fait un livre asphyxiant comme le malheur lui m me et d livrant en m me temps Camus fait r f rence au sentiment que provoque la reconnaissance des liens entre la r alit et le texte parlant d une g ne dont seule la disparition peut lib rer le c t jouisseur de la lecture Seulement quand le caract re monstratif de la r f rence est aboli dans le sens ric urien le texte du roman d voile sa vraie signifiance qui ne refl te pas fid lement la r alit mais se livre au sein du monde fictif Comme l a dit Aristote la fiction est un discours sens non r f rentiel qui ne parle pas du monde mais qui est sa propre r f rence Et pourtant les
519. t que lecteur qui s attache a examiner un texte et sa valeur en vue de porter une appr ciation et non pas un jugement sur celui ci Ceci tant nous n avons pourtant pas laiss de c t l aspect sensuel et aventureux de la lecture car comme le constate Fran oise van Rossum Guyon la critique est avant tout la lecture d une aventure qui mest pas seulement celle des personnages mais aussi celle des objets des id es et des th mes ainsi que celle des descriptions des images et des mots Nos premi res lectures de Susini se comprennent en premier lieu sur le fond dune volont et d un effort d approfondir les connaissances sur une certaine r gion fran aise et son imaginaire or notre lecture s est Michel Raimond Le roman Paris Armand Colin 1989 p 5 Le concept est monnay par Roland Barthes qui va jusqu se demander si une typologie des mois impliqu s dans la lecture ne serait pas possible Dans notre cas il s agirait surtout de la premi re voie mentionn e par Barthes c est dire celle par laquelle le lecteur prend plaisir aux mots et l arrangement des mots Le bruissement de la langue Paris Seuil 1984 p 44 45 7 Francoise van Rossum Guyon Critique du roman Paris Gallimard 1970 p 21 31 Introduction rapidement ouverte la perspective de l volution de la soci t fran aise de la deuxi me moiti du vingti me si cle tant donn que le r f rent extralinguis
520. te au lecteur est le d placement du personnage principal du Nord vers une le dans le Sud Susini ne manque pas d ins rer une note de critique sociale dans le descriptif du lieu o la s ur et le fr re se sont fix rendez vous l emplacement de la maison paternelle se dresse maintenant un h tel Susini ne manque pas non plus d inscrire le personnage de Sefarad dans la nostalgie et le regret des choses r volues se rendant bien compte que la maison de son enfance a t d molie Sefarad projette vaguement de se faire construire une maison sur la colline avoisinante celle ci ayant n glig le d tail dans les documents de vente que toute la propri t avait t acquise par de nouveaux propri taires Elle regrette de ne pas tre venue s installer dans la maison paternelle plus t t malgr les insistances de son fr re sur tat de d labrement de la maison et du co t consid rable qu un ventuel redressement des murs aurait occasionn Lorsqu elle se rend compte de l irr versibilit de la disparition de la maison elle se met obstin ment souhaiter qu une catastrophe naturelle emporte les constructions actuelles afin qu elle puisse retrouver les pierres de l ancienne maison co te que co te Jaunes et us es noires de fum e par endroits celles de granit bleu et rose qui taient autour des portes et des fen tres Et de mes mains je la rebatirai Lentement hativement YF 69 332 Cf La Renferm
521. te chose simple qu elle attendait et qui cependant tait d j au fond d elle m me mais qu un nom faisait surgir brusquement et transformait en une joie trange d une douceur trange Un souvenir qui affleure et dispara t revient et s loigne s affirme et puis s estompe c tait tout ce qu elle savait de Gias cela et son nom F 12 En r alit la pr disposition amoureuse se trouve d j lov e en Angnola elle est pr te quelques r ticences pr s communiqu es par le mouvement en 148 4 De la jeune fille la jeune femme vague du souvenir laisser libre cours a ce nouveau sentiment La d couverte de ce nouvel tat est une ouverture vers l autre Angnola va au dela du connu la rencontre du myst re du c ur L amour repr sente une libert nouvellement d couverte mais galement un risque dans lequel elle s aventure sans analyse ni craintes Ce passage montre clairement qu elle n a pas encore incorpor le code social tel que la m re l entend Les r veries ouateuses d Angnola s accompagnent d une joie profonde innommable mais c est une joie r primer Angnola avait envie de dire la mamma de laisser vivre un seul jour cette joie qui s tendait partout qui jaillissait de partout et qu elle essayait de retenir dans ses mains F 12 Angnola qui ne s est jamais trouv e de plain pied avec les choses ni avec les gens ni avec elle m me elle n avait jamais eu le c
522. te de contradiction d incoh rence d quivoque de la pens e et du comportement humain sont donc familiers a l homme depuis toujours mais de quand et d o vient le terme lui m me Une fa on de comprendre les concepts et de tenter d en circonscrire la multitude de sens consiste a se reporter aux d finitions trouv es dans les dictionnaires Ainsi l ambivalence du latin ambo tous les deux et valence du bas latin valentia est dans Le Petit Robert d fini comme 1 caract re de ce qui comporte deux composantes de sens contraire et 2 caract re de ce qui se pr sente sous deux aspects cumulatifs sans qu il y ait n cessairement opposition Le Petit Larousse Illustr propose les d finitions suivantes 1 caract re de ce qui a deux aspects radicalement diff rents ou oppos s et 2 disposition d un sujet qui prouve simultan ment deux sentiments Publi e en 1597 Le Petit Robert Dictionnaire alphab tique et analogique de la langue fran aise Paris Dictionnaires Le Robert 2011 47 Premi re partie De la th orie la r alit contradictoires vis vis d un m me objet amour et haine p ex Ambivalent est par cons quent d fini dans Le Petit Robert comme ce qui comporte deux valeurs contraires et dans Le Petit Larousse Illustr comme 1 ce qui a un double sens ou 2 ce qui manifeste deux sentiments contradictoires Comme le mettent en vidence ces d finitions aucune val
523. te ren gociation choue l issue n en est pas une meilleure coh rence d ensemble dans la vie mais m ne un effondrement complet des syst mes de rep re de l adolescent avec pour corollaire une perte du go t de vivre Voil ce qui arrive Anna Livia dans Je m appelle Anna Livia Anna Livia g e de quinze ou seize ans est abandonn e par sa m re et vit seule avec son p re homme solitaire et isol AL 48 apr s le d part de sa femme et avec ses travailleurs et leur fils d c d dans sa jeunesse En pratique le couple employ par le p re se charge d lever Anna Livia apr s la mort de leur fils Anna Livia prend l initiative d un acte incestueux avec son p re la suite duquel celui ci se pend Anna Livia enfant solitaire est propuls e dans un isolement encore plus profond quand bascule dans un r el tragique le fantasme enfantin de la fille s duisant son p re L histoire est racont e dans une chronologie brouill e par un narrateur extradi g tique 28 Fran ois Kamel Ambivalence l adolescence op cit p 93 20 La m re qui sert de source de l information est incapable de se rappeler l ge exact de sa fille 135 Deuxi me partie L ambivalence de la femme altern avec des monologues int rieurs de la jeune fille qui font fonction d amorces annon ant le malheur qui sera le sien Abandonn e au royaume du sable Ce sera un jour comme les autres Le soleil m absorbera Il
524. tion concerning concrete phenomenon such as for instance dress but also conduct and habitus The dilemma of the female figures is to determine which mode of conduct and attitudes it is legitimate to imitate since socials norms are conflicting and only some of them are accepted in the protagonists environment A typical scheme of conduct in the novels is that the young women renounces of any action or resistance in a conflict and adopts the dominant social norm Women living in couples are ambivalent insofar as they commit to the relationship whereas simultaneously they are evasive This ambivalent attitude contributes to a failure on the affective level which in turn negatively undermines the possibilities of the woman building a positive image of herself as a fiasco in her love life is intimately connected with self confidence and in an intimate manner defines the way in which she is able to connect to the people surrounding her Psychologically the woman oscillates between two opposite social positions a woman committed to her relationship and an emancipated woman who chooses to live alone The novels could be categorized as according to Kristeva aesthetical borderline cases since they describe the lack of love and uncover painful states at the expense of an idealization of the love object The woman praises love and her dominating emotions are powerlessness and the desire for the loved one Simultaneously she is more in love with the tho
525. tion du r ve Paris P U F 2004 GALIBERT Charlie L Echange novembre 2002 p 75 81 en ligne Disponible sur lt www esc clermont fr gt consult le 25 novembre 2006 GENETTE G rard Figures II Paris Seuil 1969 GENETTE G rard Figures III Paris Seuil 1972 GENETTE G rard Palimpsestes Paris Seuil 1982 GUERIN Jean Yves R flexions sur la recherche en litt rature fran aise Litt rature no 47 Toulouse 2002 en ligne Disponible sur lt WWW fabula org actualit s article7189 php gt consult le 10 octobre 2010 HEINICH Nathalie tats de femme L identit f minine dans la fiction occidentale Paris Gallimard 1996 HEINICH Nathalie Etre crivain Cr ation et identit Paris Editions La D couverte 2000 GAUTHIER Ren Antoine JOLIF Jean Yves ds L Ethique Nicomaque tome I Introduction et traduction Louvain Paris Publications Universitaires de Louvain Editions B atrice Nauwelaerts 1958 HUDE Henri d Bergson Cours I Le ons de psychologie et de m taphysique Paris P U F 1990 IDA FOX FOGYISM en ligne Disponible sur lt http lyrics astraweb com display 443 ida_cox unknown fogyism html gt consult le 27 novembre 2010 346 Bibliographie IRIGARAY Luce Ethique de la diff rence sexuelle Paris Minuit 1984 JAKOBSON Roman Essais de linguistique g n rale I Les fondations du langage Paris Minuit 1963 JEOFFROY FAGGIANELLI Pierrette
526. tique de l uvre n englobe pas uniquement la Corse mais aussi la France et le pourtour m diterran en a cette poque Rapidement la lecture s est galement focalis e sur la mise en sc ne fictionnelle de la condition sociale f minine jeune fille adolescente femme th me unifiant de l uvre qui semble se lier troitement l volution de la place de la femme dans la r alit sociale d crite travers la fiction Il s agit pour nous d un th me universel auquel nous adh rons tous femmes et hommes d une mani re de plus en plus accrue en ce d but du vingt et uni me si cle Cela touche plus sp cifiquement notre mani re de vivre les nouvelles valeurs introduites dans notre contexte social quel que soit le cadre socio historique dans lequel elles se pr sentent et dans lequel nous op rons Quant au r le que joue la litt rature au sein du collectif tous les textes produits dans une soci t forment selon Dominique Maingueneau un arch ion une archive terme compris comme l ensemble des textes qu une aire culturelle ou g ographique a laiss un lieu associ aussi bien a la validation d un sens attribu l activit collective qu l laboration d une m moire par un ensemble d crivains consacr s Pour rendre compte des textes validant ces activit s et cette m moire collective il ne suffit pas de r duire l analyse des textes litt raires aux grands textes ou arch textes
527. tivement termin avec la culpabilit des m res corses Une autre remarque est galement de mise si les m res fran aises ou m diterran ennes semblent cliv es par les contradictions patentes de leurs propres incoh rences face l espace des possibles offerts par l mancipation ce n est pas parce qu elles auraient ouvertement d sir et secr tement redout cette mancipation ces femmes ne sont pas des combattantes f ministes L ambivalence qu elles prouvent se recoupe n anmoins sur le fond des fruits de ce combat libres de choisir elles tranchent en optant pour le non investissement dans la maternit L image de la maternit que nous trouvons dans la fiction de Susini nest pas celle d une modalit d tre m re mais elle calque la r alit en mettant en sc ne des modalit s d tre la fois m re et femme sans que ces deux r les acqui rent un quilibre satisfaisant dans sa fiction Dans les textes relatifs la Corse l acharnement des m res sur leurs enfants les d tournent de la f minit Dans les textes ult rieurs la m re plus femme que m re est rappel e l ordre par les cons quences n gatives de ses choix Pour ce qui est de l emprise sociale sur les actes de la m re ni sa pr sence ni son absence ne semblent porter d l ments de r ponse a la question de savoir en quoi consiste une maternit satisfaisante Un regard plus lib ral sur la famille avec le choix pour la fem
528. traitance paternelle Lorsqu Anna Livia aper oit la femme qui est sa m re pour la premi re fois apr s le suicide de son p re qu elle ne conna t pas puisqu elle ne l a jamais vue la m re appara t sous un aspect ang lique jeune s duisante souriante elle reste la porte de la salle se d coupant sur fond de ciel bleu elle semblait avoir accroch un nuage blanc au passage AL 30 avec toujours en elle et autour d elle d s qu elle arrivait dans une pi ce une clart joyeuse comme une vibration qui se propage Al 63 Anna Livia qui a grandi entour d une campagne s che et aride et de gens simples demeure h b t e de fascination la vue de celle qui Caroline Eliacheff Nathalie Heinich M res filles Une relation trois op cit p 227 350 Thid p 239 219 Deuxi me partie L ambivalence de la femme avait projet une lumi re insolite et glorieuse qui ne tenait pas seulement la mousseline blanche dont elle tait rev tue et comme envelopp e ni au sourire qui ne l avait pour ainsi dire pas quitt e mais quelque chose de doux venu de tr s loin quelque chose de vaporeux qui sentait bon venu d un autre pays d une autre vie AL 31 Plus qu elle n en a la certitude Anna Livia devine tre en pr sence de sa propre m re quelle accueille dans l indiff rence et la duret au point de d stabiliser la m re jusqu ce que celle ci semble momentan ment d faillir avant de s
529. tre amour La maternit peut aussi curieusement tre plus pr sente aupr s de gar ons m me morts qu aupr s de jeunes filles vivantes comme si la norme sociale impos e la m re dans ses rapports avec ses fils valait davantage que l affection pour sa fille consid r e non comme une exigence sociale mais comme une motion relevant du domaine du priv d valorisante et d valoris e L volution de l image de la m re chez Susini ne refl te pas l volution culturelle de l image de la m re en Corse comme il n y pas v ritablement d volution dans la mise en forme fictionnelle de la m re corse dans les 269 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture romans Cependant les r cits traduisent davantage l volution sociale g n rale des pays occidentaux Avec une plus grande libert d action pour les femmes les liens entre la m re et ses enfants se sont assouplis Cela dit il ne faut pas oublier que de tout temps il a exist des m res qui ont pr f r laisser leurs enfants aux bons soins du p re ou ceux d autres femmes plut t que d assumer leur maternit L image de la m re dans la fiction de Susini semble donc au premier abord r aliste Pon y d couvre tout genre de m res et toutes sortes de conceptions de la maternit N anmoins y regarder de plus pr s ce qui fait d faut dans son discours sur la maternit est le t moignage d un amour maternel quil
530. tre fille au couvent mettant en sc ne une prostitu e sur les genoux d un marin ce qui amplifie l impact de la sc ne laquelle elle participe Vanina sent l enjeu fondamental de la situation son innocence enfantine dont elle ressent la fin Un trouble nouveau m envahit Je sentais que j aurais voulu rester dans l enfance PS 88 soutient la narratrice insinuant en sourdine que l incident y a bel et bien mis fin Cette initiation au monde des adultes peut tre consid r e aussi bien accidentelle que pr matur e la conjonction entre la f minit et la mat rialisation par l aspect sexu de la f minit de la s ur est radicalement oppos e aux valeurs inculqu es Vanina de par son ducation re ue au couvent Le d senchantement de la fillette est d autant plus important qu elle trouve choquant un simple rappel de l appartenance des religieuses la m me mondan it que le commun des mortels l heure de se coucher on voit la lumi re de la veilleuse le vase de nuit d une des s urs La narratrice synth tise l impact de cette contemplation nocturne sur la petite fille qu elle tait au moment des v nements Je me souvenais d avoir t tourment e par cet objet qui signifiait bien que les religieuses avaient des besoins comme les n tres PS 28 La sc ne qui d clenche le malaise de Vanina doit se lire d un c t la lumi re de ce qu elle consid re comme la norme couventine Il tait d
531. tre que tout ce que j ai fait est tragique et dans la mesure o on trouve que le tragique est authentique il faut croire que jen ai fait des livres En effet je l ai exorcis en faisant des livres Il y en a d autres qui font leur psychanalyse Moi c est sorti comme a Elle explicite ses rites g n tiques dans les termes suivants Je ne travaille pas comme les autres a veut dire froid en faisant chaque jour le maximum de pages ou le maximum de lignes Tout roman pour moi est un champ et ces th mes obsessionnels qui sont les miens ces trois l j attends qu ils soient suffisamment envahissants pour combler un manque c est le m me manque chez le lecteur donc a devient une absence a devient une nostalgie et partir du moment o c est obsessionnel a devient en moi comme un champ et je mets tr s tr s peu de temps crire un livre au maximum neuf mois le temps d une gestation En se penchant sur son activit d criture et la gen se du texte elle se d marque de ceux qui donnent l avantage au travail formel au d triment de l inspiration L criture n est pas pour Susini une activit m canique mais le gt Sur France Culture 1964 s quence int gr e dans Comme a s crit mission t l vis e diffus e le 19 octobre 1996 1 Titre de collection Ouvert le dimanche titre propre Litt rature Emission diffus e le 19 d cembre 1982 sur France 3 177 Comme
532. tre sous estim e Sa premi re nouvelle corse Mateo Falcone m urs de la Corse est publi e dans la Revue de Paris en mai 1729 Par la suite il supprimera le sous titre M urs de la Corse En ce qui concerne l intrigue de la nouvelle on peut la r sumer ainsi un p re tue son fils qui a transgress le code insulaire de l honneur Pierrette Jeoffroy Faggianelli L image de la Corse dans la litt rature romantique fran aise op cit p 197 sq 2 L image de la Corse dans la litt rature romantique francaise op cit p 412 Pour une tude plus d taill e du personnage de Colomba voir par exemple le chapitre Colomba l h ro ne sauvage dans Pierrette Jeoffroy Faggianelli op cit pp 350 381 Emile Ripert crit dans La Corse touristique de d cembre 1927 N est ce pas en effet par ce roman que l le r unie en 1765 la couronne de France a t en 1840 annex e la 99 Premi re partie De la th orie la r alit Si pendant plus d un si cle l image de la Corse et des Corses dans la litt rature fran aise se fa onne a travers et s impose par les uvres d crivains venus de l ext rieur portant un regard d tranger sur les m urs et le mode de vie insulaires ceci s explique sans doute en partie par le fait que la Corse a longtemps t un pays o la tradition orale a pr valu sur l crit S ajoute cela le fait que jusqu nos jours la po sie ait t l expression c
533. tre vient de mettre en relief 7 2 2 L espace int rieur L inscription de la figure f minine dans une ext riorit naturelle et urbaine s oppose la difficult de la femme de se voir assigner une place dans un espace int rieur constituant le plus souvent un lieux oppressant ou anxiog ne L espace int rieur est souvent limit dans l espace par les murs d une habitation maison appartement ou encore couvent et h tel Vanina est la seule des figures f minines qui se r jouit ouvertement de retrouver la maison et ses odeurs famili res Hormis son cas cest dans l intimit du foyer que le drame v cu par le personnage f minin trouve son d nouement d une mani re plus ou moins brutale Sur un plan symbolique la maison repr sente la vacuit motionnelle de la femme A elle seule la femme n anime pas un appartement sentiment v hicul par Manuela Chaque matin quand Serge quittait l appartement elle immobile et comme fig e dans l embrasure de la porte le regardait descendre l escalier et sa vie chappait avec lui PH 11 C est aussi le roman Un pas d homme o les v nements de la di g se sont limit s par les murs du salon d un appartement ce qui illustre de la mani re la plus marquante la fa on dont l exig it de l espace condense la douleur que les v nements causent l h ro ne du r cit Lorsque Serge annonce son d part imminent Manuela mettant ainsi fin leur relation le so
534. tuel invoqu par son souvenir de leur cheminement commun Ce type de mim tique est l gitime m me s il est d un autre ordre et r fut par la communaut comme une psychologie d viante Anna Livia semble tre la figure f minine qui sert chez Susini de figure embl matique dun effort d esth tisation des plus labor s jusqu quel point l auteur peut il remettre en question sa propre criture Si le mutisme et le non dit entre Nunzia et sa m re fonctionnent au niveau th matique Je m appelle Anna Livia porte ce m me th me au niveau de l criture car c est un texte qui dans l coulement de son laboration s efforce a d dire le dit Certes Anna Livia se sauve et pr serve ventuellement la m moire du p re d un avenir encore plus cruel en se suicidant ainsi elle se soustrait la m disance et la honte dans lesquelles les projetteraient leurs contemporains Elle n a ni vivre dans le souvenir de l acte ni se frayer un futur souill par le pass l histoire quelles que soient ses d terminations s arr te avec son sort De son vivant Anna Livia semble avoir une pr sence tout en pointill s elle est une surface sur laquelle se projette le malheur des autres sans que lui soit accord e elle une v ritable identit Anna Livia est la d finition m me d une femme tragique En m me temps elle incarne aussi toute jeune femme devant l abime que peut repr senter l ge adulte Elle incarne
535. tus ont traditionnellement t tr s importantes respecter et l inculcation de ces vertus incombe aux m res dans leur travail ducatif aupr s de leurs enfants particuli rement leurs filles Les m res mises en sc ne dans l uvre de Susini s en chargent sans exception avec un lourd sens du devoir Alors qu elles recherchent sciemment ou non une ressemblance avec autrui et la reconnaissance d une transmission r ussie des valeurs et des attitudes sociales les actions des jeunes femmes se caract risent par une volont de diff renciation et de distanciation seule voie possible pour que se r alise un d tachement de la fille vis vis de sa m re Ceci a pour cons quence que les schemes d actions sociales et psychologiques de la m re et de la fille ne se rejoignent pas mais se confrontent Ce que les m res n avouent pas sur un plan litt ral est qu elles op rent un moment charni re de l histoire insulaire l effritement des valeurs autrefois fondamentales est en cours et celles ci ne constituent plus au m me degr que pour la g n ration des Telle l image d une Colomba d peinte dans la nouvelle du m me nom crite par Prosper M rim e Mentionnons titre dexemple les tudes men es par Georges Ravis Giordani dont La femme corse images et r alit s Pieve et Paesi Communaut s rurales corses Paris ditions du Centre national de la recherche scientifique 1978 p 191 208 322 Co
536. u Marie Susini la silencieuse Le Nouvel Observateur no 1282 1 7 juin 1989 p 8 Mon ambition secr te aurait t d avoir crit un seul livre Un seul 299 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture suivant La Fiera zia Francesca est aussi un des personnages mais ne poss de rien de la chaleur du personnage dans Plein soleil En revanche Susini lui attache un aspect inqui tant le personnage est bross comme une ombre moiti vivante moiti morte ruminant la disparition de son fils Dans Plein soleil zia Madalena est une villageoise qui meurt et dont la m re de Vanina tente de lui cacher le d c s Dans l esprit de la narratrice la disparition de Madalena est li e au secret et la dissimulation Dans La Fiera zia Madalena est une villageoise rancuni re qui ne peut oublier un tort subi dans son enfance Dans Les yeux ferm s est galement voqu e la mort dune certaine Lena Madalena qui re oit un message tragique et qui rend l me a son tour Encore une fois le secret est associ ce pr nom m me s il n est plus aussi herm tique que dans le cas de zia Madalena Apr s la mort de Lena Madalena tout est all tr s vite tout s est d vid ave la pr cipitation d un store qu on lache refermant dans le noir et les hommes et la maison et ce qui fut dit et ce qu on ne put dire ce qu on avait oubli et ce qu on n avait jamais su dire YF 25
537. u F minit affect e au service du d veloppement d un m le Peut tre ne nous trouvons nous finalement pas si loin d une r alit existant hors texte Susini tait peut tre moins un pr curseur pr voyant une soci t o les femmes sont plus dipl m es que les hommes se d valorisant de leur plein gr pour ne pas les clipser qu une documentaliste r aliste A nsi elle croise un instrument narratif avec sa th matique dans le but de brosser d une mani re implicite l image d une des manifestations possibles de la soumission f minine en insistant paradoxalement sur l exp rience plus importante de la jeune fille que sur celle de la figure masculine mais qui ne lest en v rit qu en apparence car cette exp rience n est pas voqu e en toute sinc rit mais obliquement 264 8 Ambivalences socioculturelles 8 1 2 Les jeunes femmes et l amorphisme normatif Le discours social sur les jeunes femmes dans la fiction de Susini est travers par les inconsistances des nonciateurs se pronon ant sur ce qu ils consid rent comme la norme La norme sociale s av re non pas une entit absolue mais une construction mentale mall able c dant la place a des normes entre elles conflictuelles Parfois le discours de Susini pouse cet amorphisme normatif qui d s lors d p rit d vid par sa propre perm abilit Les attentes sociales sur les jeunes filles incarn es notamment par les m res produisent une fois
538. u d veloppement de l individu L intensit de l investissement de la femme dans la maternit varie selon les motivations de la femme diff rents moments de sa vie Le degr de pr sence affective et intellectuelle est galement soumis des fluctuations diverses Il est clair que la pr sence maternelle dans la vie de son enfant ne signifie pas automatiquement une relation r ussie avec celui ci 6 1 1 La culpabilit d chirante d une m re Dans La Fiera Francesca la m re de Nunzia est d chir e par sa culpabilit vis vis de son fils mort tandis qu elle ne manifeste pas ce m me sentiment 8 The Production and purpose of maternal ambivalence Mothering and Ambivalence op cit p 17 209 Deuxi me partie L ambivalence de la femme envers Nunzia quelle choisit d ignorer Ce theme de m re et de femme coupable devient la pr occupation centrale de Susini dans la pi ce de th tre Corvara ou la mal diction o l h ro ne est d chir e entre sa propre culpabilit et celle de son mari qu elle endosse comme si elle tait la sienne Corvara fait partie des m res dont le r le de m re n est pas la fonction primaire de leur vie Dans son cas c est la question de la culpabilit qui lobscurcit et qui constitue le noyau de son dilemme si l on est pouss malgr sa volont un acte en est on dans tous les cas responsable La maternit de Corvara se d finit par rapport sa culpabilit elle ne sa
539. u de choisir un homme qui saurait la combler dans la continuit d un bonheur durable Dans cette perspective l criture de Susini met en avant une prise de position d faitiste l amour et le bonheur sont inaccessibles pour la femme La transcendance du texte est contrecarr e par de nombreux liens que les diff rents textes de Susini entretiennent d un c t l int rieur d eux m mes et plus grande distance entre les diff rents ouvrages L intratextualit synth tise les personnages en les inscrivant dans le proc d de r p tition dont nous avons parl plus haut et qui les toffe par l accumulation des occurrences En m me temps s effectue un effet inverse dans la mesure o le personnage est liqu fi par ce m me proc d La m tatextualit quant elle contribue octroyer au personnage un aspect de r el Le lecteur se doute que les personnages que Susini met en fiction ont des liens de ressemblance avec des tres ayant v cu r ellement souvent il s agit d une nette ressemblance avec l auteur m me ce qui les relient nous au moi lecteur qui ainsi est invit dans une aventure permettant la d couverte d un nouvel tre un moi travers par les qu tes et les interrogations de l auteur L uvre de Marie Susini traite de l ambivalence sous de nombreuses facettes s talant sur toute la vie d une femme elle parle des dilemmes 327 Conclusion existentiels et sexuels de la jeune fil
540. ucid e Quoiqu il ne s agisse pas ici d une tentative de r habilitation d une certaine litt rature ou d une certaine culture l tude rel ve sans doute dans une certaine mesure non pas d un effort de renouvellement des objets de l histoire litt raire mais d une tentative de contribution une diversification de ces tudes Le m tissage des valeurs venant d horizons divers se refl te dans la litt rature car l individu est une construction sociale constamment en dialogue avec et restructur par le social Les intersections entre les relations sociales et les sujets individuels varient et changent perp tuellement afin de produire un sujet inconsistant et contradictoire La fiction de son c t n gocie toujours dune mani re ou d une autre les rapports de l individu la soci t Ce que la fiction r crit selon Paul Ricoeur c est l action humaine elle m me la premi re mani re dont l homme tente de comprendre et de ma triser le divers du champ pratique est de s en donner une repr sentation fictive Qu il s agisse de la trag die antique du drame moderne du roman de la fable ou de la l gende la structure narrative fournit la fiction les techniques d abr viation d articulation et de condensation par lesquelles est obtenu l effet d augmentation iconique que l on d crit par ailleurs en peinture et dans les autres arts plastiques C est justement la mise
541. ue le d tachement de la m re est la condition pour que l enfant devienne autonome que la motion d expulsion de d tachement est essentielle pour son d veloppement C est dans ce d tachement d passionnement que l amour maternel puise sa force d tayage vitale affirme Kristeva La fiction de Susini se range parmi celles qui exaltent l image de la m re virginale levant seule son enfant Sefarad dans Les yeux ferm s constate sur le ton de l vidence Je ne savais pas enfant qu une femme avait n cessairement besoin d un homme pour donner la vie YF 96 Un autre incident allant dans le m me sens est relat dans Le premier regard C est un enfant qui m est venu Et elle rit Alors moi je lui dis Mais Fabia il n est pas venu tout seul cet enfant non Alors la voila qui rit de plus belle et qui se met a m expliquer qu elle ne sait pas comment il a pu pousser Tu n es pas la Sainte Vierge que je lui dis non Pour quil t arrive a justement sans que personne ne s en soit charg Charg qu elle me fait je dormais PR 63 32 Ibid 33 La passion maternelle et son sens aujourd hui Seule une femme op cit p 170 334 Ibid p 173 Ibid 232 6 Une maternit d faillante Nous trouvons le m me th me avec une l g re modification dans C tait cela notre amour o Fabia explicite le contexte de sa naissance Ma m re la rivi re en plein Mitidja de ses seules ma
542. uefois encore elle est conseill re aupr s de gens qui la consultent sur l accord des couleurs dans leur appartement YF 60 Son d senchantement se manifeste entre autres dans la qualification de ses comp tences face aux interrogations railleuses de son fr re Bonne pour tout faire et ne sachant rien faire 190 5 Femmes en rupture de couple YF 60 Attentive comme malgr elle aux histoires des gens elle r sume sa vie ainsi Apr s avoir v cu des vies qui ne sont pas les miennes je fais le d cor o vont se d rouler d autres vies YF 60 Or raconter son histoire elle semble impossible et le dialogue avec son fr re est frapp de la m me inconstance semblant tre une caract ristique des femmes qu elle lui d crit elles me racontent leur vie par morceau elles y reviennent encore et encore pour la reprendre d un autre bout elles n en finissent pas YF 58 D sabus e par la violence de son mari qui la menace r guli rement d enfermement en asile psychiatrique elle part retrouver son fr re suite une tentative de meurtre par son mari Contrairement C tait cela notre amour dont l histoire se d roule Paris aucune indication spatiale pr cise fixe les actions dans Les yeux ferm s laissant l h ro ne non pas dans une atemporalit flottante d entre deux comme dans C tait cela notre amour mais dans un espace impr cis la seule indication qu est offer
543. ught of love than its earthly realization The idea of being delivered from loneliness is more tempting than that of togetherness Instead of being infatuated with her partner the woman seems more in love with her partner s absence It is this want and inaccessibility that constitutes the condition that draws the woman to her partner and which finally turns her away from him Love gives 330 English abstract meaning to life on an abstract level as an ideal but is unrealizable in practice As far as the mother is concerned we find two portraits of her in Susini s work On the one hand there is the Corsican mamma who at first sight seems austere and insensitive but who under the rigid surface actually grapples with a mother s questions of virtue chastity and corporality in her relationship with her daughters Such mothers are confronted with the ambivalence that emerges in the transitional period in Corsican history at a moment when fundamental traditional values give way to the pressure of modern influences which invade the island from outside In her later work where the intrigue does not take place in Corsica the mothers are emancipated women who are concerned with their personal development They refuse to be chained to old fashioned ideas about marriage and to take on a role of a mother whose sole mission is to proudly show off children brought up according to prevalent social norms These women have many relationships
544. ui est d cisif et ce concept est chez lui avant tout un outil fondamentalement dynamique Freud note galement l importance de la notion de r sistance inh rente l ambivalence Il existe d apr s lui un nombre limit de types de r sistance parmi lesquels la r pression et la compulsion de r p tition La r pression consiste refouler des pens es des souhaits et des sentiments afin de les emp cher de surgir un niveau conscient dans l effort de l individu pour lutter contre l anxi t Des conduites comme le d ni et la projection constituent des exemples de la r sistance La compulsion de r p tition quant elle est la tendance inconsciente de r p ter dans les rapports adultes des schemes comportementaux relatifs une qu te d assouvissement des d sirs et des souhaits prouv s dans l enfance L ambivalence occupe donc une grande part dans le travail de Freud et il lui conf re par un vaste travail clinique bien document un aspect universel 1 1 3 Favez Boutonier et l incompatibilit de l ambivalence avec une conscience logique En 1938 Juliette Favez Boutonier soutient sa th se de m decine La notion d ambivalence tude critique valeur s m iologique D apr s Favez Boutonier il est impossible de comprendre le double d veloppement Sigmund Freud Inhibitions Symptoms and Anxiety 1926 New York London W W Norton amp Company Inc 1959 p 22 25 51 Premi re partie De la
545. uil 1975 RICCEUR Paul Temps et r cit 3 Le temps racont Paris Seuil 1985 RICCEUR Paul Du texte l action Essais d herm neutique II Paris Seuil 1986 RIC UR Paul Soi m me comme un autre Paris Seuil 1990 RINALDI Angelo La maison des Atlantes Paris Deno l 1971 RINALDI Angelo Discours de r ception l Acad mie Fran aise en ligne Disponible sur http www academie francaise fr immortels discours_reception rinaldi html date 8 janvier 2011 ROBERT Marthe La v rit litt raire Paris Bernard Grasset 1981 van ROSSUM GUYON Francoise Critique du roman Paris Gallimard 1970 ROUSSET Jean Narcisse romancier Paris Jos Corti 1972 ROUSSET Jean Leurs yeux se rencontr rent Paris Jose Corti 1984 SARTRE Jean Paul L Etre et le n ant Paris Gallimard 1943 TADIE Jean Yves Le roman au XXe si cle s l Pierre Belfond 1990 THIERS Jacques L insularit d une langue in Vingt cinq communaut s linguistiques de la France tome 1 Genevieve Verm s d Paris L harmattan 1988 p 150 167 UBERSFELD Anne Lire le th tre 1 Paris Belin 1996 Dutta WHITEHEAD Anne Trauma Fiction Edinburg Edinburg University Press 2004 Carte Vico Carg se Golfe de Sagone Institut g ographique national carte no 4151 OT 349 Par une double perspective psychosociale et narratologique Mia Panisse propose d tudier les figures de la femme et de la f minit dans l u
546. uit de fa ons vari es chez Susini il s agit d un flou identitaire chez Vanina dans Plein soleil ou d un processus du refoulement plus radical dans le cas de Sylvie dans La Fiera L alt rit peut galement s exposer comme un sentiment de non appartenance existentielle comme le met en sc ne Sefarad dans Les yeux ferm s Sur un plan concret la figure fictionnelle qui met en sc ne l alt rit est celle de l tranger L occurrence dans la production de Susini qui traite de l alt rit de la mani re la plus concr te peut tre relev e dans Plein soleil Il s agit moins pour Vanina de se comprendre d une mani re explicite que de comprendre le concept de diff rence Sa qu te d bute avec une interrogation sur une nouvelle qu elle entend rapporter par une villageoise une jeune femme Flaminia s est vu refuser son fianc un Espagnol par ses parents qui mettent en cause son alt rit Vanina s empare de cette notion d tranger qu elle tient se faire expliquer par sa m re qui lui r pond qu un tranger est quelqu un qui n est pas du pays PS 101 Dans son explication la m re sembrouille dans des contradictions ce qui ne facilite pas la compr hension de Vanina Tout en pr cisant que les trangers sont bien des hommes souvent m me des chr tiens la m re offre un claircissement qui en v rit n en est pas un Il y en a qui le sont mais ils ne sont pas chr tiens tout de m me PS 101 De t
547. ulagement et la consternation simultan s de Manuela sont coupl s l immobilit de sa posture dans le confort d un fauteuil Le coude sur le bras du fauteuil les jambes repli es comme son habitude ses yeux attach s a Serge qui tendu sur le dos fixait le plafond elle restait la n ayant pas fait le plus l ger mouvement PS 10 C est aussi au moyen des objets typiques de l espace int rieur am nag qu est rendue la prise de conscience de Manuela que son mariage est arriv son terme Son regard s attarda sur les lampes les vases les livres tous ces objets qui pr sent n taient plus ni l un ni l autre tout cela qui n avait plus de visage plus de sens puisque le seul sens qu ils pouvaient avoir tait pr cis ment d tre eux deux de les relier PH 35 Ce m me sentiment quivaut pour sa relation l appartement comme les objets il ne prend 246 7 Ambivalences spatiotemporelles sens que par le couple et par l interaction entre elle et Serge La notion de foyer est pour Manuela intrins quement li e a la pr sence de l homme et au couple dont elle fait partie Alors que leur entente pouse les objets et les incorpore dans la vie la dissolution de leur couple propulse l espace int rieur avec ses affaires dans une p riph rie insignifiante Il ne serait toutefois pas correct de pr tendre que la solitude de la vie priv e d une femme quivaudrait son extinct
548. ule et m me exp rience B guin crit au sujet du roman qu il laisse une impression d une lenteur contemplative quoi se reconna t la plus incontestable po sie de Phumain En 1967 Susini sort du monde de la litt rature pour faire une incursion dans le monde cin matographique en participant au film Mouchette mis en sc ne par Robert Bresson Le film tir d un roman de Georges Bernanos La nouvelle histoire de Mouchette retrace l histoire tragique d une jeune fille dont le p re est un ivrogne et la m re gravement malade L histoire se d roule dans un petit village de la campagne fran aise Le film raconte la souffrance et la r bellion taciturne et la lente descente de Mouchette dans la mis re et l autodestruction Dans le film Susini incarne le r le de la femme de Mathieu un garde chasse 172 Susini a voqu Camus uniquement en des termes amicaux En revanche Jean Daniel r cite un v nement de nature priv e entre lui et Camus o ce dernier aurait avou avoir t amoureux de Susini un moment donn de leur relation Jean Daniel Cet tranger qui me ressemble op cit p 179 173 Le Fonds d Archives des Editions du Seuil dossier de fabrication de Les yeux ferm s Paris PIMEC 174 Ibid 175 Le Fonds d Archives des Editions du Seuil dossier de fabrication de Les yeux ferm s Paris l IMEC 85 Premi re partie De la th orie la r alit 1970 voit la publicatio
549. umanit dans les soci t s occidentales et cette volution s est faite un rythme de plus en plus acc l r Si au d but du si cle le processus fut frapp d une certaine lenteur par rapport l volution des r les la deuxi me moiti du si cle a t marqu e par de nombreuses conqu tes quant l investissement f minin dans le domaine masculin Le grand chambardement dans les relations entre femmes et hommes a contraint aussi bien ceux ci que celles l se red finir Si une n gociation explicite des r les de l homme demeure inexistante chez Susini la fiction dont l arri re plan r f rentiel se situe dans la deuxi me moiti du vingti me si cle met nettement en tat les enjeux combats et sacrifices auxquels ont recours les femmes dans leur qu te pour une plus grande libert de choix et d action sans pour autant que les h ro nes aient recours des interrogations concernant leur r le de femme ou une plus grande ouverture sur le monde 155 Deuxi me partie L ambivalence de la femme par le biais d une activit professionnelle gu re d crite chez Susini Chez elle cette mise en question est ex cut e au moyen d une perspective existentielle sur l tre au monde de l individu S il est vrai que les conditions sociales ext rieures concourent faciliter la vie des femmes et que les h ro nes ne passent pas leur temps nettoyer astiquer ni m me s occuper de leur famille commen
550. un r cit le lecteur est pris d un sentiment de familiarit en d couvrant un pr nom connu ou un lieu d ja mentionn tout en s apercevant au fil de la lecture que le connu est doubl de nouvelles connotations L amalgame des l ments narratifs cr e un univers univoque or r flexion faite l histoire ne se r p te pas dans la similitude mais dans la diff rence le d calage accolant l histoire racont e un sens vertical aux c t s de la signification accord e par la lecture horizontale 9 3 2 La m tatextualit au service d une criture ambivalente Dans Palimpsestes G rard Genette dresse une typologie de l ensemble des cat gories g n rales dont rel ve chaque texte singulier Il d nombre cing types de relations transtextuelles ou de transcendance textuelle du texte lintertextualit le paratexte la m tatextualit l hypertextualit et l architextualit Il d finit la m tatextualit comme un commentaire qui unit un texte un autre texte dont il parle sans n cessairement le citer le convoquer voire la limite sans le nommer Genette ne con oit pas la m tatextualit relevant de l ordre de la fiction narrative Le m tatexte lui est non fictionnel par essence Une tude de tous les aspects de la transcendance textuelle d passant l objectif que nous nous sommes fix dans le cadre de cette dissertation seule la m tatextualit des cat gories de Genette n
551. une tournure bien enfantine Comme a mes enfants sauront parler l tranger PR 135 ou encore quand elle se penche de tout son poids sur lui en appliquant la t te du gar on contre sa poitrine pour mieux arriver le peigner PR 137 138 Habitu e au regard des hommes PR 102 elle l incite se prononcer sur ses cheveux son physique s exhibant devant lui exhortant en m me temps indirectement se comporter comme un homme alors que d un autre c t elle r p te inlassablement qu il men est pas un PR 97 101 103 112 pr textant pour finir son appartenance au sexe masculin comme la raison de son incompr hension quant l tiquette a suivre par les hommes A la progression des sc nes correspond un contact de plus en plus physique qui demande de plus en plus de hardiesse de la part du gar on du regard on passe via des affleurements des caresses jusqu un baiser d jou par l arr t du train la gare o le jeune est contraint de la quitter Si la sc ne initiale d peint la fille dans une posture de mutisme et d immobilisme c est pourtant elle qui domine souverainement la rencontre depuis le d but lorsque le jeune accorde le mouvement de son corps aux balancements de ses jambes jusqu la fin o elle tend son visage vers lui Elle ordonne au jeune de r aliser tous ses souhaits le consid rant tant t comme une proie PR 133 tant t se rendant compte de la timidit du gar on d co
552. uple maison des montagnards Le dixi me personnage Francesco un pr tre d froqu autour duquel se greffe toute l action ne monte jamais sur sc ne A la fin du troisi me tableau un berger vient confirmer les craintes de tous Francesco est retrouv mort au pied du clocher de l glise de son village natal Une des questions adress es par la pi ce est de savoir si Francesco Luca paie pour ses fautes ou s il est de ceux qui sont injustement marqu s d s qu on sort du ventre de sa m re RC 260 Ces personnages ne sont pour Susini qu un pr texte car les vrais acteurs ne sont pas les tres humains mais Dieu qui ch tie Corvara et son mari de l avoir offens En ceci Corvara ou la mal diction est une pi ce tragique Or si la trag die antique met en sc ne la d couverte d un d sastre et de sa signification qui le plus souvent r side dans la r alisation de la justice divine Corvara s y soustrait dans la mesure o la raison du tragique n est pas v ritablement explicit e et que la justice divine n est pas rendue Corvara est une femme qui est attir e malgr elle par le pr tre solitaire du village qui elle fait des avances et avec qui elle finit par se marier en d pit des mises en garde des villageois de ne pas s engager dans une relation avec lui Quand son mari dispara t dans une temp te de neige Corvara vient l instar d une messag re annoncer la disparition de son mari a son beau fr re qui a
553. ur tat de faits r v l soit par les paratextes ann es heureuses de Susini pass es Paris sous l Occupation reprises dans C tait cela notre amour exp riences de la drogue qui reviennent dans Les yeux ferm s entre autres soit parce que l aspect de fiction au niveau de l nonc affiche une ressemblance ind niable avec le v cu de l auteur Ces textes entrent selon la d finition de Philippe Lejeune dans la cat gorie du roman autobiographique qu il d finit comme tous les textes de fiction dans lesquels le lecteur peut avoir des raisons de soup onner partir des ressemblances qu il croit deviner qu il y a identit de l auteur et du personnage alors que l auteur lui a choisi de 309 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture nier cette identit ou du moins de ne pas l affirmer Selon l acception de Lejeune le roman autobiographique se d finirait au niveau du contenu englobant aussi bien des r cits o il y a identit du narrateur et du personnage et des r cits o les personnages sont d sign s la troisi me personne L histoire de Vanina dans Plein soleil crit la troisi me personne a t d sign e comme une fiction autobiographique retra ant la vie de Susini L auteur a affirm explicitement que tel tait le cas en discutant de la naissance du livre et sur place en Corse en ao t 2004 les membres de la famille de Susini nous ont mont
554. ur de th tre le probl me de la culpabilit sans faute mais la conclusion philosophique qu on e t aim y lire demeure assez vague Pour adoucir cette appr ciation assez tranchante il conclut un peu plus charitablement La pi ce s ach ve sur un admirable po me fun bre Madeleine Chapsal voit dans ce qu elle nomme la trag die corse un univers herm tique o r gne la crainte Il ny a pas de failles dans cet univers c est bien celui de la peur cette peur que les hommes projettent hors d eux m mes et qu ils nomment Dieu Le Monde signale une attitude alarmante chez l auteur En lisant Plein soleil il y a deux ans j avais pens qu une morale sociale tait contenue dans certains mots du livre Cette morale se voit au grand jour dans Corvara Je ne suis pas certain que Marie Susini la d sapprouve C est ce qui fait peur Ce que le commentateur met en avant c est l absence de r probation de la part de Susini vis a vis d un certain ostracisme local bross sous un jour sympathique et compr hensif 3 2 2 Autres ouvrages La r ception dans la presse du roman Un pas d homme met en avant aussi bien le style po tique parfois trop po tis de Susini que ses qualit s de grand crivain Dans La R publique de Lyon le commentateur discute le genre du texte Le roman de Marie Susini tout en nuances discret et pourtant mouvant ne manque pas de qualit s Mais
555. ur histoire Par ailleurs il s agit d un amour essentiellement inaccessible l intensit de 186 5 Femmes en rupture de couple l amour de Fabia et Mathieu se trouve pr cis ment dans la combinaison de dialogues silencieux et d inaccessibilit d incertitude fondamentale et de s paration qui cependant les unit du moins pendant un certain temps 5 2 4 L amour comme manque Si l amour poss dait tout ce qu il d sire il ne d sirerait plus Il faut qu il manque pour d sirer encore d clare Luce Irigaray Selon Sartre c est justement le manque qui attire les tres dans l amour Par ailleurs Sartre con oit l amour comme un exercice d asservissement de part et d autre pendant que je cherche asservir autrui autrui cherche m asservir Il pose comme pr requis son laboration th orique sur l amour que ce dernier s envisage dans la perspective du conflit qui doit tre consid r comme le sens originel de l tre pour autrui Selon lui une des caract ristiques de l amour est son d sir de possession par le regard l autre nous poss de dans lamour L autre est la fois ce qui me vole mon tre et ce qui par le regard fait en sorte qu il y ait un tre qui peut tre appel mon tre Si nous acceptons cette r flexion les h ro nes de Susini semblent tre la recherche d un amour m diateur entre elle et la vie alors que son assujettissement un destin qui agit l
556. ur statut social les jeunes filles et les adolescentes les femmes en couple et les m res Il s agit d une tude th matique o nous tenterons de rester dans le contexte dict par le r cit ce 41 Introduction afin d examiner de l int rieur lunivers f minin mis en sc ne dans sa fiction Nous ne pouvons pas viter quelques recoupements avec les pr occupations de la troisi me partie les modalit s d criture car il est difficile de parler du monde du livre sans voquer les outils l aide desquels ce monde est cr Nous pensons toutefois que cette tude puise ses influences majoritairement dans la tradition th matique les consid rations sur et les r f rences des questions langagi res et stylistiques ne sont voqu es que pour mieux mettre en lumi re le s mantisme du texte Et l objet d tude l ambivalence synth tise bien s r un des th mes qui pensons nous parcourt toute son uvre L tude sur le contenu d une uvre comporte aussi comme nous l avons dit plus haut des interrogations sur son aspect scriptural qu est ce qui corrobore au plan textuel la th se soutenue tout au long de cette dissertation c est dire par quels moyens l criture v hicule t elle l ambivalence Les diff rents aspects de l ambivalence du texte susinien seront le noyau de la troisi me et derni re partie de notre tude La troisi me partie prend comme postulat que le texte crit est un discours ja
557. urait tre une m re sans faute Or sa culpabilit n est pas en apparence reli e sa fonction maternelle elle r side initialement dans le fait d avoir aim un homme aveugl ment au d triment du respect pour le code social imm morial la femme doit demeurer passive et attendre d un homme les avances qu elle doit d cliner pudiquement A la vue de Francesco son futur mari elle tombe perdument amoureuse de lui malgr les avertissements des villageois C tait une force plus forte que moi et qui m aspirait C 215 Je lui ai dit que je voulais bien tre sa femme C 215 avoue t elle la consternation de la domestique de son beau fr re Tous ses efforts pour se battre contre cet amour interdit avec un pr tre d froqu sont vains L homme de son c t est galement coupable de ne pas avoir tenu son engagement envers l glise et de ce fait envers les gens De cette union na t un petit gar on frapp de c cit il est a veugle comme la faute Aveugle comme le malheur C 238 La culpabilit de Corvara a donc ses yeux un lien avec sa maternit elle est punie travers le handicap de son fils Les informations sur la fonction maternelle de Corvara sont parcimonieuses mais selon les quelques indications qui sont r v l es son rapport avec son fils ils dorment depuis toujours ensemble C 211 ce qui indiquerait qu il pourrait s agir d un inceste platonique dans le sens o eux d
558. ure f minine non li e pi g e par des attentes contradictoires est pr sente notamment dans la fiction de Susini publi e apr s les trois premiers ouvrages formant le cycle corse Si dans tats de femmes la notion d ambivalence est abord e plut t accessoirement Heinich en fait le th me principal dans un des ouvrages les plus explicites sur lambivalence f minine l incontournable Les 4 Paris Gallimard 1996 Paris Albin Michel 2003 60 1 L ambivalence en th orie et en pratique ambivalences de l mancipation f minine Comme signal par son titre l ambivalence f minine y est tudi e travers l optique de l mancipation de la femme une des plus grandes sinon la plus grande modification qui s est produite dans la condition f minine au XX si cle L tude sur la nouvelle femme la femme non li e dans les termes de Heinich n exclut pas selon elle le mod le des tats de femme mais se superpose lui Un des axes de l ambivalence de la femme non li e se joue autour du r ve de se faire sauver et de la r alit quotidienne la femme ind pendante est prise entre son r ve de voir arriver le prince charmant et son aspiration l ind pendance selon Heinich L ambivalence concernant de tels d sirs contradictoires r side pr tend elle dans le fait que la femme manifeste une adh sion aux deux mod les malgr leur incompatibilit La duplication des mod les entra ne la fois un
559. us d accepter le d c s de son fils l emp che de travailler son deuil et sa perte le refus d accepter la pr sence et les soins de sa fille l emp che d approfondir sa relation avec celle ci et consolide de ce fait la m re dans le d ni de ses sentiments envers sa fille L aspect obsessionnel atteint son apog e dans la phrase de Nunzia M re expliquez moi qui se r it re de mani re inconsolable obsessionnellement travers tout le r cit sans jamais tre prononc e Ce qu il y a de particulier avec Francesca c est qu elle est l instigatrice de ce que Heinich appelle l inceste platonique qui consiste en l exclusion d un tiers sans passage lacte sexuel avec un tre qui n existe pas C est aussi cela qui rend sa relation avec Nunzia si destructrice savoir que leur lien psycho affectif transgresse les dimensions de l existence Francesca alimente sans tr ve des moments pass s seuls avec son fils des mots et des regards secrets qui deviennent le symbole de leur lien incestueux et renforcent la dimension d exclusion de Nunzia 218 6 Une maternit d faillante 6 2 3 Absence physique et psychique Lorsque la place de la fille dans la famille n est plus d finie en fonction de la m re autrement dit lorsque celle ci est exclue ou s exclut advient la possibilit d un inceste p re fille d clarent Eliacheff et Heinich Et elles poursuivent tout lien instaur dans le cadre fa
560. ussit t part la recherche de son fr re en compagnie de Tchatcha le voisin D s louverture de la pi ce les hommes sortent ce qui fait que toute l action de la pi ce est port e par des femmes Corvara accompagn e de son enfant aveugle s installe dans la salle et partage le tourment de son me en proie la r volte en face d un destin qu elle ne comprend plus La pi ce s ouvre directement sur une sc ne dialogu e entre Paolella et sa m re qui demande celle ci d teindre une des deux lampes allum es car deux lumi res portent selon la m re malheur et on ne garde deux lampes allum es que lorsqu on veille un mort A l entr e de Corvara le dialogue sur les lumi res s av re constituer un pr sage de mauvais augure sur le fond duquel Corvara vient clamer son infortune sa belle famille Corvara se construit par diff renciation et en opposition par rapport aux autres femmes dans la pi ce du fait qu elle est l lue des dieux pour accomplir un acte tragique il y avait un signal a donner et je l ai donn RC 205 Elle introduit galement une discordance avec sa contemporan it dans la mesure o les gens dont elle est entour e semblent tre d accord en ce qui concerne l offense de Francesco tandis qu elle prend sa d fense et tente de 201 Deuxi me partie L ambivalence de la femme d noncer Dieu comme le fautif de leur malheur voquant en outre le d tail que Francesco n tait pas co
561. ux en proie une tourmente existentielle la suite de laquelle il d cide de renier sa fonction de pr tre Si au commencement elle est motiv e par une forte envie de lui venir en aide il exerce simultan ment sur elle un pouvoir teint d rotisme il est beau taciturne et poss de un c t myst rieux En m me temps il semble flatt de l attention qu elle lui porte et Corvara semble le seul tre a parvenir p n trer l herm tisme de son monde reclus M me si lamour de Corvara est doubl d un altruisme fortement pr sent son amour ne para t pas moins authentique et sinc re pr sent qu il tait l lui le ciel se refermait sur ma t te le monde devenait tout petit et lui il grandissait dans mon c ur y prenait toute la place RC 214 Cet amour prend de part en part possession de Corvara Quand il est entr Mon c ur s est arr t de battre RC 214 et progressivement elle avoue sa d pendance vis vis de lui Or comme dans C tait cela notre amour l existence de lamour est doubl e d un signe de mauvais pr sage D j il y avait cette large blessure au creux de moi Et cette menace Comme un d sespoir sans savoir pourquoi RC 214 Alors que Corvara est habit e par un trouble certain et qu elle semble scind e dans ses motions quant la d cision de Francesco de quitter sa fonction son amour pour lui ne semble pas vaciller dans le cadre du r cit Corvara finit n
562. valence motionnelle ne se laisse pas r soudre d une mani re rationnelle renier son amour pour Rodrigue ou autrement dit enterrer sa haine pour lui au nom du pardon ou rendre son c ur plus dur au nom de la vengeance ne semblent pas tre des solutions moralement d fendables Malgr son amour pour Rodrigue elle r clame la t te de celui ci aupr s du roi Rodrigue vient s offrir Chim ne qui refuse de lui donner la mort Chim ne ne renonce pas obtenir justice convainc Rodrigue de combattre et demande au roi un champion pour la venger Le vainqueur de ce duel sera son futur poux Rodrigue sort vainqueur du duel et Chim ne devra l pouser apr s un d lai d un an temps que le roi lui impose pour le deuil de son p re Voil donc une situation ambivalente englobant tour de r le les deux protagonistes Or tandis que Rodrigue se r sout s offrir Chim ne en offrant sa vie celle qu il aime tranchant de ce fait dans une situation ambivalente l ambivalence de Chim ne est maintenue et ne sera r solue que par la d cision du roi qui tout en respectant le deuil de Chim ne l oblige a respecter sa promesse L ambivalence de Chim ne est ainsi en quelque sorte englob e par elle elle int gre aussi bien son amour conflictuel pour Rodrigue que le chagrin de la perte de son p re et son ressentiment pour Ainsi nous ne pouvons adh rer enti rement a la constatation de Celine Mathew en 1984 que tr s peu aura
563. valence romanesque Proust Kafka Musil Nouvelle dition revue et augment e Paris L Harmattan 2002 61 Premi re partie De la th orie la r alit doubles et le d doublement du personnage devient selon Zima la fois le th me principal de la psychanalyse et un des th mes saillants du roman Selon Zima il existe un lien troit entre l volution de la psychologie et l volution du contenu de la litt rature Parall lement l volution de la psychologie crit il qui se d tache de la philosophie pour proclamer de part en part son statut de science humaine se d veloppe notamment en France et en Allemagne ce que l on appelle le roman psychologique qui d couvre la m thode introspective r v lant que l homme n est pas seulement un tre moral mais aussi un tre ambigu et irrationnel Cette r v lation s tant trouv e au c ur des th ories philosophiques devient un des principaux sujets du roman Progressivement les r cits d aventure et de guerre se sont substitu s des textes romanesques au centre desquels se trouve l ambivalence qui est un des premiers probl mes auquel s attaquera le discours fictionnel aux c t s du th me de lamour qui avec l ambivalence joue un r le primordial dans des romans comme La Princesse de Cl ves de Mme de Lafayette ou La Nouvelle H lo se de Rousseau Chez certains romanciers l ambivalence peut tre tellement forte d clare Zima qu elle entra ne une m
564. voir une id e comment il se 150 4 De la jeune fille la jeune femme d finit l uvre en interaction dans une relation car l amour doit tre cr Les motions d Angnola la pr parent ce savoir ce qu elle ressent est une ouverture vers la possibilit de se livrer dans la joie quelqu un d autre Sur le plan de l criture l exaltation amoureuse d Angnola vibre a travers tout le r cit sa force merge du fait qu elle est d abord contenue puis s empare de la jeune femme d une mani re de plus en plus manifeste il devient de plus en plus difficile pour elle de ne pas l ext rioriser Le lecteur suit le combat interne d Angnola au fil du r cit esp rant avec elle que son amour pourra clater au grand jour au bal apr s la messe Or son ouverture vers l autre sera d jou e car Angnola se m prend sur la r ciprocit de ses sentiments qui ne seront finalement qu une projection unilat rale vers un jeune du village La langue m taphorique est une mani re de renforcer le caract re lusif des sentiments d Angnola aussi bien pour ce qui est de leur description initiale que dans le trope final Selon Ricoeur la r f rence d doubl e signifie que la tension caract ristique de l nonciation m taphorique est port e a titre ultime par le copule est Etre comme signifie tre et ne pas tre Chez Susini le comparant qui pr vaut est du c t du ne pas tre
565. vor L ambivalence de la femme dans l uvre de Marie Susini Mia Panisse Mia Panisse est n e en 1965 a Kokkola Finlande Elle a poursuivi ses tudes au D par tement de langue et litt rature fran aises d bo Akademi o elle a galement enseign Elle a obtenu une Ma trise de Lettres FM en 1995 et un D E A FL en 2003 Depuis 2004 elle en seigne le fran ais au Centre de langues et de communication d Abo Akademi Couverture M lanie Panisse Abo Akademis f rlag Biskopsgatan 13 FI 20500 bo Finland Tfn 358 0 20 786 1468 E post forlaget abo fi http www abo fi stiftelsen forlag Distribution Oy Tibo Trading Ab PB 33 FI 21601 Pargas Finland Tfn 358 0 2 454 9200 Fax 358 0 2 454 9220 E post tibo tibo net http www tibo net L AMBIVALENCE DE LA FEMME DANS L UVRE DE MARIE SUSINI L ambivalence de la femme dans l uvre de Marie Susini Mia Panisse ABO 2011 ABO AKADEMIS F RLAG ABO AKADEMI UNIVERSITY PRESS CIP Cataloguing in Publication Panisse Mia L ambivalence de la femme dans l uvre de Marie Susini Mia Panisse Abo Abo Akademi University Press 2011 Diss Abo Akademi University ISBN 978 951 765 634 4 ISBN 978 95 1 765 634 4 ISBN 978 95 1 765 635 1 digital Painosalama Oy Abo 2011 C est avec plaisir que je remercie les personnes qui m ont aid e dans la r alisation de ce travail Je tiens exprimer ma profonde gratitude
566. vous salue Marie Le Nouvel Observateur no 1504 1993 p 53 LHERBIER Christine Marie Susini Gazette de Lausanne 28 29 d cembre 1957 Le monde 21 oct 1957 338 Bibliographie Le Nouveau Courrier de la Presse 2 juillet 1971 Le Parisien Lib r le 22 d cembre 1970 L le sans rivages la Corse R alisateur Jean Archimbaud Cha ne mettrice TF1 Date de diffusion 26 f vrier 1985 Dur e 52 min Ann e de production 1984 1985 M C TC Chr tienne 15 mars 1971 M F s n Cahier Bibliographique novembre 1957 Marie Susini lue par Nicole Garcia Je m appelle Anna Livia c d rom Antoinette Fouque pr sente La biblioth que des voix 1985 71 min R alisation Michelle Muller de MARTINOIR Francine Entretien avec Marie Susini L cole des lettres IT 81 4 1989 de MARTINOIR Francine Marie Susini et le silence de Dieu Paris Gallimard 1989 MEMMI Albert Qui tes vous Marie Susini Le Petit Matin 21 juin 1956 Mouchette Film r alis par Robert Bresson 1967 ORAN R publique Ouvert le dimanche Litt rature Chaine mettrice France 3 Date de diffusion 19 d cembre 1982 P L B s n Les romans La Feuille de lavis 18 oct 1957 PERALDI Catherine La repr sentation de la mort dans le roman corse du XVIIIe si cle jusqu nos jours th se de doctorat de troisi me cycle Universit de Corse Pascal Paoli 1990 PETIT Henri Un roman de M
567. vre de Marie Susini et ce a l aide du concept d ambiva lence au coeur de sa fiction litt raire C est dans les actions des per sonnages f minins et l architecture des romans que le lecteur d c le les dilemmes partir desquels il d duit le contexte ambivalent du personnage et la complexit de l criture L tude est divis e en trois parties distinctives La premi re partie pr sente le cadre th orique de l investigation et deux chapitres sont consacr s l auteure et la r ception qu a connue son uvre tant dans la presse que dans la recherche universitaire La deuxi me partie est ax e sur l ambivalence proprement f minine en fonction de l ge des femmes la jeune fille et la jeune femme la femme en couple et les m res La troisi me et derni re partie a un double objectif en se penchant sur les modalit s d criture elle offre une synth se des th matiques trait es dans la deuxi me partie Les personnages f minins de Susini sont des tres contemplatifs et tenaill s par des ambivalences spatiales temporelles et identitaires qui se retrouvent renvers es par des interrogations sur les modalit s d tre dans un monde d pourvu de r ponses toutes faites si ce n est l impulsion toujours agir dans le doute et l h sitation En d crivant les incertitudes et la vuln rabilit des femmes Susini r ussit mettre en evidence les actes et les motivations les plus complexes et les plus obscurs
568. x comprendre NA 57 12 L Iliade chant XXIV 486 489 503 506 307 Troisi me partie L criture de l ambivalence l ambivalence de l criture Quelquefois les d limitations entre les diff rents champs du savoir et des arts sont rendues poreuses Ainsi lorsque le texte cite la philosophie allemande fran aise et grecque de r f rences la linguistique l pist mologie et au simulacre Dans certaines occurrences la linguistique est d sign e seule C est la grande communaut linguistique NA 56 ou bien elle d signe directement l activit de Fabia Oh je dis Ah Depuis que je faisais des ballons j avais coutume de commencer toutes mes phrases comme a par des interjections Par des Oh et des Ah On n en tait pas encore la perfection les Vroum et les Splatch les Atchoum les O K Rat tat tat A longueur de journ es des fiumetti a d forme le langage c est fatal Phrases br ves Pan Vlan Pouf NA 121 Certaines occurrences renforcent un aspect interdisciplinaire en confondant des r f rences la litt rature la philosophie la peinture et la musique Ainsi quand Fabia retrace sa vie dans le sillage de Matthieu et que sur le ton d un reproche laconique elle d crit l inqui tude nerveuse qui d finissait leur vie en commun il fallait tout d couvrir dans une qu te fi vreuse aussi bien l action painting Pr vert l humour noir et le swing que l exi
569. yeux ferm s se d roule sur la terrasse d une le au moment des retrouvailles de Sefarad et Sab Le jeu scopique se poursuit tout au long de l histoire jalonnant leur conversation tant t le fr re regarde sa s ur droit dans les yeux de biais ou la fixant avec attention il la regarde sans tonnement ou lui lance un regard froid tant t ils se regardent d pays s ou restant l un comme l autre les yeux ferm s Par ailleurs on parle d un regard furtif sceptique ou paisible selon les circonstances quand ne sont voqu s les yeux graves baiss s ou pliss s L intitul Les yeux ferm s fait de prime abord allusion un regard rotique celui d une femme qui ferme les yeux tout en se sachant regard e par un homme elle est effront e YF 11 car elle regarde un homme m me les yeux obstin ment clos YF 13 ce qui est une mani re de regarder encore plus insolente que lorsqu on les pose sur lui grands ouverts nous informe la narratrice D autre part Sefarad reconnaitrait les pas de son fr re m me les yeux clos Si j avais gard les yeux ferm s j aurais su que c tait toi qui montais le sentier YF 47 Au fil de la narration l rotisme bascule dans l incestueux par le regard que se renvoient les personnages principaux Sefarad et Sab s ur et fr re Un jour dans leur enfance ils sont attaqu s par un taureau et la panique les jette ensemble dans le foind une remise Dans tes yeux je
570. zia rien de tel le sentiment d injustice est provoqu par une diff rence objective de traitement par la m re par rapport sa conduite vis vis du fr re de Nunzia Le manque d attention l gard de Nunzia est diam tralement oppos au surinvestissement du rapport avec son fils d c d l omnipr sence du souvenir du fils se jauge la n antisation de la fille par le regard les gestes et les actes Nunzia c est comme si elle ne lavait pas zia Francesca Pour ce qu elle fait attention elle c est une piti de voir cela Elle continue a vivre avec son fils F 26 rench rissent les villageois Certaines particularit s psychologiques obsessionnelles li es la notion de r sistance qu voque Freud peuvent tre relev es dans le couple Francesca Nunzia parmi lesquelles la r pression la projection et le d ni qui semblent tre les m canismes primordiaux r gissant leur relation D un point de vue existentiel le comportement de Francesca s inscrit dans le d ni elle est en porte faux entre lici et l au del ne s engageant a fond ni dans l une ni dans l autre existence la mort se faisant sentir par des projections de souvenirs et de remords sans qu elle soit v ritablement en mesure de ma triser son d sir de rejoindre son fils Contrainte par le code normatif culturel elle est dans l obligation de poursuivre une vie d nu e de sens apparent La r sistance au changement se joue deux niveaux le ref

L`ambivalence de la femme dans l`&oelig;uvre de Marie Susini

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