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ÉCRIRE ET RÉÉCRIRE L`HISTOIRE - uO Research

1. 65 HILBERG Raul La destruction des Juifs d Europe Paris ditions Folio Histoire 2006 p 363 66 bid p 338 67 Voir L ordre du gouverneur Z rner visant la cr ation du ghetto de Lublin 24 mars 1941 p 435 436 68 HILBERG Raul La destruction des Juifs d Europe Paris ditions Folio Histoire 2006 p 338 59 L historien explique que pour former les ghettos les Juifs doivent d m nager laisser leur commerce et leur maison derri re eux avec souvent la majorit de leurs biens L historien donne bien quelques statistiques sur le sujet Par exemple lorsqu il explique comment fut cr le district juif de Varsovie l automne 1940 Hilberg pr cise que les transferts de population entrain rent le d m nagement de 113 000 Polonais que 138 000 Juifs vinrent remplacer Toujours est il que 72 000 autres Juifs des quartiers ouest du district de Varsovie furent entass s dans le ghetto afin de lib rer de la place pour les Polonais expuls s du territoire incorpor Hilberg note donc l implication forc e des Polonais lors de l arriv e des Allemands en Pologne Il montre bien que les Nazis n avaient pas plus de consid ration pour les Polonais que pour les Juifs et que d une certaine fa on les deux peuples taient tout aussi victimes du National socialisme Pourtant une fois les questions de d placements trait es Hilberg n aborde plus la question polonaise L historien demeure toujours dan
2. LE GHETTO La cr ation du ghetto bouleversa l ensemble de la population varsovienne Alors que certains Juifs d m nageaient dans le nouveau district cr par les Allemands les Polonais catholiques qui y vivaient avant l invasion de la Pologne devaient eux aussi se pr parer d m nager Si ces nombreux d placements cr rent des tensions entre les Juifs et les Polonais ils cr rent aussi de l entraide Paulsson met beaucoup l accent sur le premier mouvement de r sistance auquel particip rent tant les Juifs que les Polonais la contrebande Les deux peuples travaillaient alors de concert pour se nourrir et s habiller Comme il l explique Smuggling began at the very moment that the Jewish area of residence was established in fact not only food was smuggled an extraordinary varied underground economy soon sprang up much of it based on trading illegally with the Aryan side This trade is important here for two main reasons first that in connection with it methods of crossing the ghetto wall were developed which also served mainly at a later time for smuggling people and arms and second that to understand why people decided to leave the ghetto or stay there we must also understand the possibilities of escape from the ghetto and of survival within it Both these possibilities depended crucially on smuggling and the underground economy that it sustained 115 PAULSSON Gunnar S Secret
3. Si Hilberg fait quelques modifications dans sa derni re dition c est surtout parce qu il a ajout des extraits de t moignages de survivants juifs et de t moins polonais Pourtant il ne donne aucune indication des possibles relations entre les deux peuples de la Pologne Lorsque l historien utilise les carnets d Adam Czerniakow ce n est que pour prouver les informations qu il avait d j tir es de sources allemandes Par exemple l automne 1940 lorsque la d cision fut prise et not e par Frank de cr er le ghetto Hilberg renvoie le lecteur Czerniakow qui lui aussi en parle dans ses carnets Aussi afin d clairer les responsabilit s du Judenrat de Varsovie l historien note que pour Varsovie aussi la mise en place de l appareil s accomplit par tapes l origine le Judenrat tait responsable devant l Einsatzgruppe IV par la suite il re ut ses directives du Stadthauptman 71 CZERNIAKOW Adam Carnets du ghetto de Varsovie 6 f vrier 21 mars et 26 avril 1940 cit dans HILBERG Raul LA destruction des Juifs d Europe Paris Folio p 410 62 LES D PORTATIONS DANS LES SOURCES ALLEMANDES partir de 1942 les Juifs de Pologne furent d port s vers des camps d extermination Ces d portations massives Varsovie l on comptait 5000 Juifs d port s par jour taient men es par les SS les troupes auxiliaires ukrainiennes et lettones ainsi qu avec l aide de la police
4. histoire qu il crit en plus d en tre l un des principaux protagonistes L historien introduit son uvre en expliquant que the material on which this work is based is as yet too fresh too unripe to permit objective judgement by an historian Much official information press material and the like which will be needed to supplement this work after the war all this is still lacking Lorsque nous parcourons l uvre de Ringelblum nous nous trouvons confront s la fois des faits historiques accompagn s de preuves tangibles des descriptions tir es de t moignages d autres Juifs et des moments de r flexion personnelle SOURCES UTILIS ES Nous l avons not Ringelblum par sa position g ographique et par sa proximit avec l histoire qu il crit n a pas sa disposition le mat riel g n ralement n cessaire 9 l historien pour accomplir sa t che Ce qu il utilise comme source provient de ce qu il a 21 RINGELBLUM Emmanuel Polish Jewish Relations During the Second World War New York Northwestern University Press 1986 p 192 26 lui m me constat Ainsi en 1943 lorsque Ringelblum est cach du c t aryen de Varsovie dans sa planque nomm e Krysia et qu il crit Polish Jewish Relations During the Second World War il n a sous la main que trois types de sources des documents officiels tels que les journaux des t moignages recueillis en partie par l Oyneg
5. il les nomme szmalcownicy The Schmalkowniks who preyed on the misfortunes of the Jewish population were guarding the ghetto no less conscientiously than the Ukrainians and the Latvians They operate in organised bands The Schmalkowniks collaborate with police agents the uniformed police and in general with anyone who is looking for Jews A Schmalokownik will sometimes take not only his victim s money away from him but his belongings as well But fortunately a Schmalkownik is usually satisfied with moderate booty or to be more precise whatever money the victim has The Schmalkowniks are usually juvenile delinquents under twenty years of age who hunt Jews for lack of anything else to do gt Bien que la traduction litt rale soit maitres chanteurs Ringelblum voit une grande diff rence entre les szmalcownicy et ces derniers L historien pr cise The difference between the Schmalkowniks and the blackmailers is that the former s area of activity is the street and the latter s is the flat Through surveillance in the streets in the caf s by collaborating with the Schmalkowniks the blackmailers find their victims they call on them in their flats together with agents and uniformed police If the Schmalkowniks are wasps that sting their victims blackmailers are vultures that devour them L auteur note que les szmalcownicy sont g n ralement de jeunes Polonais qui profitent de la
6. CRIRE ET REECRIRE L HISTOIRE Analyse historiographique concernant les relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande 1939 1945 Par Marie Dominique Racine Asselin sous la direction de Jan Grabowski Th se soumise a la Facult des tudes sup rieures et postdoctorales Dans le cadre des exigences Du programme de maitrise en histoire D partement d histoire Facult des arts Universit d Ottawa Marie Dominique Racine Asselin Ottawa Canada 2014 R SUM De 1939 1945 la Pologne fut le cimeti re des Juifs extermin s par l Allemagne nazie Sur les six millions de Juifs tu s durant l Occupation allemande la moiti taient Polonais Dans le dessein nazi ce g nocide avait pour but d an antir le peuple d Isra l mais aussi de l vincer de l histoire contemporaine par la destruction massive de ses biens puis par l limination des preuves Heureusement plusieurs Juifs r ussirent conserver les traces de cette poque en tenant des journaux qui ont pour la plupart miraculeusement surv cu au National socialisme Gr ce ces journaux nous pouvons aujourd hui comprendre l ampleur des pers cutions juives qui men rent leur extermination Ces crits mettent aussi en lumi re tout un pan de l histoire que nous ignorions savoir les relations et les perceptions que les Juifs avaient des autres t moins dans le cadre de cette recherche des Polonais catholi
7. Ces forces qui taient fid les au gouvernement en exil Londres se sont d abord form es en France apr s la d faite polonaise contre l invasion germano sovi tique de septembre 1939 104 GUTMAN Yisrael Unequal Victims Poles and Jews during World War II Holocaust Librairy New York 1985 p 159 105 bid p 160 90 la nation et proclame The greatest slaughter in the history of mankind is now being perpetrated We know that you are helping the afflicted Jewish people to the best of your ability I thank you my people and in my own and in the government s name I ask you to help them in every way and that at the same time you put a stop to these brutal 106 deeds Le gouvernement attend que 90 de la population juive soit extermin e avant de prendre conscience de la situation juive en Pologne Bien videmment il est d j trop tard puisque le ghetto est br l puis ras la m me semaine Le sort des Juifs toujours en vie est donc entre les mains d organisations polonaises non gouvernementales telle Zegota ou encore d pend de l aide aux Juifs faite de fa on individuelle R SISTANCE POLONAISE PASSIVE ZEGOTA Comme nous l avons vu plus haut le mouvement de r sistance arm e de Varsovie et le gouvernement en exil Londres n aid rent pas les Juifs lors des rafles de l t 1942 En r action cet immobilisme un nouveau groupe de r sistance plus pacifique se fait conna tre d s l
8. automne 1942 Il s agit d un mouvement polonais d aide aux Juifs nomm Zegota Le mouvement na t l automne 1942 a Varsovie en r action aux rafles de l t 107 pr c dent qui emportent plus de 300 000 Juifs vers les chambres gaz de Treblinka Ce groupe organis par la d l gation du gouvernement en exil Londres est compos de 106 bid p 168 107 I faut aussi noter que bien que Zegota fonctionnait surtout Varsovie plusieurs groupuscules se form rent dans d autres villes notamment Cracovie Lublin Kielce Radom et Bialystok 91 jeunes Catholiques de la renaissance polonaise Front Odrodzenia Polski de repr sentants du Parti d mocratique Stronnictwo Demokratyczne desyndicalistes polonais et de Juifs d j cach s du c t aryen de Varsovie Les principales t ches de Zegota taient d tablir les contacts avec la communaut juive en lui offrant une assistance financi re L organisme aida aussi des Juifs en leur offrant un lieu temporaire s curitaire du c t aryen Il offrit aussi aux fugitifs des v tements de la nourriture et de l argent et de prendre des dispositions pour leur donner une situation l gale c est dire de leur trouver des papiers d identit polonais afin qu ils puissent se d placer sans danger Ces t ches demandent donc une aide financi re consid rable laquelle le gouvernement en exil contribua La formation du groupe d aide aux Juifs
9. cumaient la ville la recherche des cachettes juives obligeant les victimes payer de fortes sommes d argent pour ne pas tre d nonc es Nous ne poss dons pas de statistiques exactes sur le nombre de Juifs qui se trouvaient encore l en janvier 1945 l arriv e de l Arm e rouge Il semblerait que dans la vieille ville proprement dite il y aurait eu seulement 200 survivants Les cas de d nonciation taient non seulement plus nombreux mais pour la premi re fois Hilberg pr cise que les Polonais tentaient de s enrichir sur le dos des Juifs Bien entendu Hilberg ne pousse pas la r flexion vers l analyse de la haine ou de l indiff rence des Polonais envers le sort des Juifs puisqu il demeure dans une analyse binaire de l Occupation allemande Il est tout de m me int ressant de constater que l auteur tait bien au courant en publiant la version finale de son texte du fait que les spectateurs n taient pas passifs LES R FLEXIONS DE RAUL HILBERG Comme nous l avons vu plus haut Hilberg s est souvent vu critiqu en raison de la perception des institutions juives qu il v hicule dans son uvre L institut de recherche et m morial Yad Vashem lui a m me refus la publication et la traduction en h breu de la totalit de ses crits parce qu il affirme que les Judenrat ont volontairement ou non facilit la t che des nazis quant l extermination des Juifs Malgr ces critiques et l
10. either a friendly Pole or a Jew already established there who could make the 122 necessary arrangements Paulsson note aussi que la survie des Juifs d pendait uniquement de la bonne volont des Polonais catholiques Paulsson fait une place importante aux d nonciations ayant cours du c t aryen partir de 1942 Afin d expliquer ce ph nom ne il utilise des sources juives notamment l uvre hybride d Emanuel Ringelblum Il cite l historien qui explique The Polish police commonly called the blue or uniformed police in order to avoid using the term Polish has played a most lamentable role in the extermination of the Jews in Poland The uniformed police has been an enthusiastic executor of all the Germans directives regarding the Jews 7 Tout comme Ringelblum Hilberg et Gutman Paulsson constate l antis mitisme latent en Pologne et souligne comment il se traduit dans les forces de l ordre Il note 122 PAULSSON Gunnar S Secret City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 76 123 Jbid p 144 110 Their easy corruptibility was also well established before the war Frequently such men were anti Semites this was a police force that had shown no great inclination to intervene in such affairs as the notorious Przytyk pogrom of 1936 and its post war successor the Milicja made up largely of the same men was actively involved in inciting t
11. elle ajoute On the next day on May 26 at 11 in the morning when we were still in bed the blackmailers came taking 15 000 zlotys and Heniek s golden watch from us They came back one hour later They said that they were five of them that they got too little because the man who sent them to us expected us and especially Leon to be worth millions The man demanded more goods or money diamonds Leon started to negotiate with them to come every month for a fixed fee They agreed but said that they must get something now M me si Hinda Malachi a surv cu l Holocauste gr ce l aide offerte par des Polonais catholiques son t moignage montre un c t sombre de l aide apport e aux Juifs Hania Bartosiak n e Cukierman a fui le Ghetto de Varsovie l t 1943 une journ e seulement avant son soul vement Bien qu elle a d tout comme Malachi voyager beaucoup afin de trouver refuge chez des Polonais catholiques elle ne per oit 39 pas tout fait les comportements de ces deniers de la m me fa on Elle note dans son t moignage qu il y a deux sortes de Polonais ceux qui aident les Juifs pour s enrichir ou par humanit et ceux qui sont trop apeur s pour leur offrir de l aide Elle dit que les Polonais ont tellement peur pour leur famille et pour eux m mes rappelons que l aide aux Juifs tait condamnable de la peine capitale qu ils leur refusaient toute aide Elle donne l exemple
12. histoire des Juifs de Pologne depuis le XVI si cle Le gouvernement d cida d installer sur le terrain du mus e un monument 4 Le pogrom de Jedwabne fut le massacre des habitants juifs de cette localit par les Polonais en juillet 1941 Apr s avoir t longtemps attribu aux Einsatzgruppen il a t tabli par l Institut de la m moire nationale que ce crime fut bel et bien commis par des civils polonais en l absence des Nazis comm moratif d di aux Justes parmi les nations polonais ces citoyens qui mirent leur vie en danger durant l Occupation allemande afin de sauver des Juifs Notons aussi que depuis la construction du Mus e de l Histoire des Juifs polonais on a install sur le terrain de l institution un banc Jan Karski r sistant polonais qui fut envoy chez les Alli s afin de les informer de la Solution finale c t du sentier Irena Sendlerowska r sistante polonaise qui cr a Varsovie un groupe d aide aux pauvres et aux enfants juifs Ces installations cr rent un v ritable malaise dans la communaut juive internationale qui y voit une concurrence des m moires et une fa on d plac e de la part des Polonais de s octroyer le m rite d avoir aid les Juifs durant l Occupation allemande Il faut rappeler que ce mus e n est pas un mus e comm moratif de l Holocauste mais bien un lieu historique o est retrac e la vie des communaut s juives de Pologne au cours
13. la d faite des Polonais lors de l insurrection de Varsovie en 1944 et la destruction quasi totale de la ville qui en r sulte qui aurait fait p rir les Juifs Selon Paulsson les historiens qui ont tudi la question des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande l ont fait partir de fausses donn es en utilisant par exemple la totalit des Juifs de Varsovie comme chantillon plut t que seulement les survivants Il en d duit que les conclusions sont ainsi fauss es et ternissent l histoire de la Pologne Secret City fut la fois acclam et grandement critiqu par des 99 historiens int ress s par la question Non seulement cause de la pr misse de l auteur concernant l chantillonnage mais aussi cause de l analyse qualifi e d erron e qu il fait des sources utilis es Dans ce chapitre nous verrons donc l envers de la m daille en analysant l uvre d un historien qui croit contrairement aux autres historiens l tude que la majorit des Polonais catholiques taient favorables aux Juifs Nous constaterons que l ethnicit de l historien ici un Canado su dois n d un p re juif polonais n est encore une fois pas en cause dans l criture historique Nous observerons d abord dans quelles circonstances l uvre de Paulsson a t crite Puis nous valuerons ce que dit l historien des relations entre les Juifs et les Polona
14. moins oculaires polonais r pondent aux questions de Lanzmann et affirment qu ils connaissaient l poque le sort r serv aux Juifs sans pour autant tenter de les aider cause notamment de l hostilit qu ils prouvaient envers les Juifs Les autorit s polonaises se sont insurg es contre les accents anti polonais selon leurs dires des t moins pr sent s dans certaines s quences du film de Lanzmann Le gouvernement de Varsovie ne peut alors concevoir que quarante ans apr s la fin de la guerre un r alisateur fran ais vienne pointer du doigt la communaut polonaise elle aussi pers cut e durant l Occupation nazie Quelques ann es plus tard en 1991 c est le cin aste polonais Andrzej Wajda et son film Korczak qui cr ent une nouvelle pol mique Ce long m trage retrace la vie du p dagogue juif Janusz Korczak durant les ann es de guerre tout en esquissant un portrait de la r alit des Juifs de Varsovie Cette fois ci les critiques proviennent de la communaut juive qui accuse le r alisateur de donner une vision trop christique de l Holocauste et de passer sous silence l attitude des Polonais envers les Juifs 101 Sur le plan politique les changements se font aussi sentir apr s la chute du r gime communiste de Pologne en 1989 Les questions historiques jusque l mises de c t reviennent l avant plan des d bats politiques Ainsi les manuels scolaires en Pologne voquent d sormais les
15. re de son peuple tait trop grand Cette citation qui introduit l uvre de l historien laisse donc penser que Ringelblum envisageait d j les critiques futures l gard de son travail Soulignons qu au XIX et dans la premi re moiti du XX si cle la construction sociale de l historien r sidait dans un travail qui fixait le pass dans un ordre temporel 2 RINGELBLUM Emmanuel Polish Jewish Relations During the Second World War Evanston Northwestern University Press 1992 p 1 clos r volu organis selon des proc d s rationnels aux antipodes de la sensibilit subjective du v cu Dans ce cadre pist mologique l historien n tait que v rit objectivit et pass Ringelblum en crivant son document du fond d une cave et sans pouvoir se distancier de son objet d tude allait l encontre de cette m thode historique rigoureuse Aujourd hui pourtant son uvre est toujours utilis e par les historiens et autres chercheurs afin de comprendre comment interagissaient les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande Cette confiance unanime en l uvre de Ringelblum serait elle due au manque de sources surtout juives concernant la p riode en question Il faut rappeler que de 1939 1945 la Pologne fut le cimeti re des Juifs extermin s par l Allemagne nazie Sur les six millions de Juifs tu s durant la guerre la moiti taient des Juifs polonais ce qui repr sentai
16. t que dans l explication Aujourd hui au contraire nous tentons de comprendre les motifs qui pouss rent les Nazis liminer six millions d humains mais aussi les raisons qui amen rent les assistants polonais intervenir ou non aider ou d noncer durant ce massacre En ce qui a trait la question des relations entre les Juifs et les Polonais nous croyons que le fait de ne pas en parler pour les raisons mat rielles ainsi que pour les raisons id ologiques de l auteur demeure aussi pertinent qu une inscription en toutes lettres En effet il est important de comprendre pourquoi la question n est pas soulev e par Hilberg lors de la r daction de sa th se en 1955 Les raisons sont d ordre technique il est vrai que les sources disponibles l poque taient majoritairement allemandes th orique Hilberg se trouve dans un contexte sociopolitique qui ne permet pas de voir les assistants comme des gens impliqu s dans le g nocide et personnel Apr s tout Hilberg ne voulait traiter que de la question allemande Nous verrons donc dans ce chapitre l volution de l uvre d Hilberg et tenterons de comprendre quelle importance 55 Apr s la soutenance de sa th se en 1955 les maisons d dition am ricaines refusent de la publier puisque l auteur critique ouvertement les positions du Vatican face aux Juifs Il en va de m me pour l Institut Yad Vashem qui refuse quelques ann es plus tar
17. tique s est appropri l histoire de ces pays durant la seconde moiti du XX si cle Apr s la chute du r gime sovi tique la Pologne comme d autres pays ressentit un besoin criant de prendre le contr le de son histoire afin de retrouver ses racines mais aussi une certaine fiert nationale Depuis quelques ann es ce d bat a pris de l ampleur Plusieurs conflits concernant l histoire des Juifs de Pologne durant la Seconde Guerre mondiale sont apparus Ces diff rends creusent un foss au sein m me de la population polonaise mais aussi entre des historiens de partout dans le monde principalement des Polonais et des Juifs Prenons comme exemple la r cente sortie du film Poklosie la Glanure du r alisateur polonais Wladyslaw Pasikowski Ce long m trage mettant en sc ne les cons quences du pogrome de Jedwabne cr a une v ritable pol mique l automne 2012 relan ant le d bat sur l engagement des Polonais dans la solution finale Les historiens nationalistes polonais reprochent au cin aste de prendre position contre son propre peuple et de d naturer son histoire alors que d autres majoritairement juifs ont reconnu la v racit historique du sc nario Notons aussi les tensions qu il y eut au printemps 2013 lors de la comm moration du 70 anniversaire de l insurrection du Ghetto de Varsovie qui co ncidait avec l ouverture du premier mus e de l Histoire juive de Pologne institut qui retrace l
18. Juifs Kaplan modifie sa perception des Polonais avec le temps Au d but de la guerre il constate que les Polonais profitent du sort des Juifs Plus le temps passe plus l auteur constate que les Polonais sont aussi touch s par les pers cutions nazies et qu ils ne sont pas si indiff rents 48 KAPLAN Chaim A Chronique d une agonie Paris Edition Calmann L vy 2009 p 435 49 LEWIN Abraham Une coupe de larmes Paris Edition Plon 1990 p 150 50 bid p 44 41 au sort des Juifs Ainsi tout comme Ringelblum Kaplan est incapable d avoir une opinion tranch e des Polonais catholiques de Varsovie Adam Czerniakow de par sa position de pr sident du Judenrat constate aussi d s le d but de la guerre l antis mitisme et l indiff rence des Polonais face aux pers cutions des Juifs En date du 5 f vrier 1940 il note en faisant r f rence aux Polonais qui se sont vu offrir les anciens appartements des Juifs d sormais dans le ghetto Vai re u une lettre du pr sident de la ville m indiquant que la communaut devra payer pour la d sinfection des maisons juives ou encore Machnicki a dit aux SS que d importantes personnalit s polonaises soutenaient la cr ation du ghetto Comme les autres auteurs du ghetto de Varsovie Czerniakow mentionne toujours cette pr sence polonaise de mani re n gative videmment Czerniakow ne fait affaire qu avec des administrateurs polonais et non av
19. Not a day passes without some articles paragraph or notice appearing in this press directed against the Jews En s incrustant dans la quotidiennet des Polonais les Nazis croient pouvoir viter des r actions trop grandes suite aux pers cutions juives et m me se faire quelques alli s Le Nowy Kurier Warszawski Nouveau courrier de Varsovie est un quotidien cr par les Nazis de langue polonaise Il fait partie des quotidiens qui circulent le plus en Pologne entre octobre 1939 et janvier 1945 Non seulement y retrouve t on des lettres et des d crets antis mites crits par des Nazis mais aussi des lettres ouvertes sign es par des repr sentants de l glise catholique L un des r dacteurs est le recteur de l glise Saint Hyacinthe de Varsovie le p re Stanislaw Trzeciak membre actif du parti pro nazi Narodowa Organizacja Radykalna Ringelblum note The main subject of all these articles is the old hobby horse of the anti Semitic writers Judeo communism La propagande antis mite ne se retrouve pas uniquement dans les journaux et ne repr sente pas uniquement des textes dirig s contre les Juifs Afin de toucher le plus de monde possible les Nazis font preuve d imagination Ringelblum souligne 22 La presse reptilienne est une expression consacr e d apr s une m taphore de Bismarck dans un discours de 1869 Il d signait le journaliste qui tait pay sur des fonds secrets fonds de reptile
20. Polish Jewish Relations During the Second World War crite en 1943 et 1944 celle de Raul Hilberg La destruction des Juifs d Europe crite en 1955 mais publi e pour la premi re fois en 1961 puis en 1985 l uvre de Yisrael Gutman Unequal Victims Poles and Jews During World War II crite en 1986 et finalement celle de Gunnar S Paulsson Secret City The Hidden Jews of Warsaw 1940 1945 crite en 2002 Ces quatre historiens qui travaillent souvent avec les m mes sources arrivent pourtant des conclusions diff rentes Cette th se cherche donc mettre en lumi res les facteurs qui influencent l criture historique les sources le lieu de r daction et la posture id ologique choisie par l historien ili REMERCIEMENTS Tout d abord merci a mon directeur Professeur Jan Grabowski pour la confiance qu il m a accord e dans le traitement de ce sujet si d licat et de m avoir permis d approfondir mes connaissances Merci pour la patience la gentillesse le soutien et les conseils judicieux sans lesquels ce travail n aurait pas t possible Merci aussi aux professeurs Pierre Anctil et Sylvie Perrier qui ont t pour moi une v ritable source d inspiration tant sur le plan personnel que sur celui de la recherche Merci aussi Madame Suzanne Dalrymple qui a toujours t disponible et patiente lorsque j avais des questions et qui a su me guider a plusieurs reprises Je remercie particuli rem
21. Shabbos et sa propre perception des v nements Les sources officielles disponibles l poque telles que les journaux les publicit s antis mites les d crets et les lois circulent partout en Pologne mais ne disent rien sur les relations entre les Juifs et les Polonais Par contre elles permettent Ringelblum de comprendre et de justifier leurs interactions L historien consacre beaucoup d espace la question des sources publi es ou diffus es Il note que la propagande g n ralement antis mite se retrouve autant la radio que dans les journaux Selon l auteur ces documents provenant des dirigeants nazis ont pour but d exacerber l antis mitisme polonais d j existant Ces pamphlets haineux sont responsables du comportement de certains Polonais pilleurs d nonciateurs meurtriers Ringelblum parle d abord de la propagande antis mite qui prend place un peu partout en Pologne d s l Occupation allemande Ces campagnes antijuives prennent place diff rents endroits autant dans les quotidiens polonais que dans la rue Apr s l invasion allemande les Nazis en profitent pour faire passer leur message antis mite dans plusieurs journaux de langue polonaise afin de toucher la population locale L historien explique Since these papers are the sole sources of news they are read in mass numbers despite the fact that the Polish underground ordered a boycott of this reptilian 27 press
22. allemands L historien traite de la question des Juifs de Pologne et les principales sources utilis es incluent des rapports des listes de d portations des d crets et des correspondances ainsi que des journaux de grad s nazis Concernant la ghetto sation des Juifs de Pologne Hilberg cite principalement les carnets de Franz Halder chef d tat major de l arm e de terre allemande de 1938 1942 ainsi que le journal de Hans Frank gouverneur g n ral de Pologne Ces sources exposent les desseins nazis face la Pologne au d but de la guerre D s 1939 Halder crit dans son journal qu il a pour ordre de nettoyer la Pologne des Juifs de l intelligentsia du clerg et de la noblesse Hilberg cite ce passage du journal pour faire le portrait des premi res avanc es allemandes en sol polonais Il souligne la menace nazie envers les Juifs et aussi celle envers les Polonais Lorsqu il est question des expulsions et de la ghettoisation des Juifs Hilberg traite aussi de la question polonaise En citant le journal 64 Journal d Halder 10 septembre 1939 NOKW 3140 cit dans HILBERG Raul La destruction des Juifs d Europe Paris ditions Folio Histoire 2006 p 338 58 de Frank l historien note qu au total il fallait avant le printemps 1939 d placer un million de Juifs et de Polonais au rythme de dix milles par jour L Allemagne et toutes les r gions annex es seraient d finitivement
23. arm e L arm e de l int rieur AK ne s int ressait pas la d fense des Juifs Dans un communiqu envoy le 2 janvier 1943 au gouvernement en exil Londres le g n ral Rowecki crit As a trial I offered them a few pistols I have no confidence that they will make use of any of these arms at all I will give no additional arms because as you know we ourselves do not have any Gutman pointe deux faits int ressants en citant cet extrait des archives de PAK Premi rement il note l incapacit du g n ral croire en une r bellion juive Rowecki crit qu il n arme pas les Juifs parce que ces derniers seront incapables de se servir d armes L AK tente de faire bonne figure en disant aider les Juifs mais n y croit pas vraiment Le deuxi me point soulign par Gutman est que le g n ral dit que l AK manque elle m me d armes et donc ne peut pas en donner plus aux Juifs Pourtant selon 101 GUTMAN Yisrael Unequal Victims Poles and Jews during World War II Holocaust Librairy New York 1985 p 157 102 bid p 159 le texte original est Londres dans les archives de l AK 89 les archives de l Arm e polonaise de l ouest l arm e de l int rieur poss dait plus d armements que ce qui tait n cessaire Gutman num re les le stock d armes que poss de l AK 135 heavy machine guns with 54 000 rounds 6045 rifles with 794 000 rounds 1070 pistols and revolvers w
24. au XXIe SRG ee nn ed eu ci p 97 CONCLUSION basent e R E a Qarsaueiauetlareaveeuats P 121 BIBLIOGRAPHIE dieien enore E AE AARETE eeo ES P 127 INTRODUCTION When a sofer scribe sets out to copy the Torah he must according to religious law take a ritual bath in order to purify himself of all uncleanness and impurity This scribe takes up his pen with a trembling heart because the smallest mistake in transcription means the destruction of the whole work It is with this feelling of fearfulness that I have begun this work L historien Emmanuel Ringelblum crivit ces lignes en 1943 un an seulement avant son assassinat par les Allemands Il comprenait l urgence d immortaliser les v nements pr sents afin qu un jour l histoire t moigne de la disparition des Juifs de Pologne Selon l auteur le travail de l historien r sidait dans cette posture semblable celle des scribes l historien comme le copiste n a pas droit l erreur qui serait fatale et ruinerait la v rit historique Il doit donc toujours proc der l aide de la m me m thode scientifique tel un rituel pour viter les erreurs Il va de soi qu Emmanuel Ringelblum du fond de sa cachette n avait pas les outils avec lesquels l historien travaille g n ralement archives de plus il tait aussi le sujet de l histoire qu il crivait Mais le d sir de faire un travail historique de faire conna tre aux g n rations futures la mis
25. c est dire de sa contemporan it et de l historicit de sa d marche elle invite r fl chir sur ce que c est pour un historien d tre le contemporain du contemporain situation qui de fait engage un usage politique du pass s interroger sur le r gime d historicit dans lequel ces 14 questions se posent Nous chercherons donc d terminer quelles visions des Polonais transmettent les historiens dans leurs ouvrages travers l analyse et le choix des sources utilis es Ces sources sont d abord fragment es puis plac es face une multiplicit d objets h t roclites que les historiens doivent trier agencer et interpr ter pour former leur propre ouvrage Cette question de l arrangement conduit des choix d terminants pour la transmission de l histoire Le second constat implique l historien en tant qu tre et son uvre en tant que nouvelle source Comme l histoire de l Holocauste fut construite sur plus d un demi 13 OFFENSTADT Nicolas Le t moin et l historien dans DELACROIX Christian Fran ois Dosse Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt Historiographie II Paris dition Folio Histoire 2010 p 1242 1252 14 HARTOG Fran ois et Jacques Revel Les usages politiques du pass Paris ditions Enqu te 2001 p 19 16 si cle l essai historique bas sur les sources premi res se retrouve quelques d cennies plus tard entre les mains d autres
26. celles entre les diff rences instances officielles allemandes Aujourd hui nous comprenons que Raul Hilberg a crit l histoire des six millions de victimes du nazisme et non celle des survivants Si nous d coupons les moments de l Holocauste en Pologne nous pouvons dire que 1939 a 1942 est la p riode de ghettoisation que 1942 et 1943 correspondent aux p riodes de d portation et de r volte suivies de la p riode de survivance ou les Juifs ayant chapp aux camps de la mort se r fugi rent du c t aryen Hilberg ne s int resse qu aux deux premiers moments Il ne traite pas de la survivance des Juifs ayant chapp aux d portations L auteur a fait ces choix pour plusieurs raisons D abord Hilberg avait la volont de faire une histoire scientifique Pour ce faire il devait utiliser des sources officielles 70 Les t moignages de survivants ou les journaux n entraient pas dans cette cat gorie Ensuite Hilberg entame sa recherche d s la fin des v nements ce qui ne lui laisse aucune distance historique La question des spectateurs de l histoire et de leurs r les dans cette derni re ne se pose que quelques d cennies apr s la guerre Hilberg n a pas incorpor de fa on significative les nombreuses avanc es historiographiques survenues entre le d p t de la premi re version de sa th se et la version que nous connaissons aujourd hui L ampleur des nouvelles sources t moignant des v nements
27. central I m ne par la suite un putsch avec l appui de l arm e et de la majorit du parti polonais L URSS mobilise alors l Arm e rouge pour marcher sur Varsovie mais recule apr s avoir re u l assurance que le gouvernement Gomulka ne serait ni anticommuniste ni antisovi tique 91 MINCZELES Henri Une histoire des Juifs de Pologne Religion culture politique Paris dition La D couverte 2006 p 306 78 diff rence de l antis mitisme qui existait avant la mont e des mouvements fascistes en Europe la Pologne conna t plut t un antis mitisme sans Juifs Ces livres d histoire que nous avons pr sent s plus haut ouvrent donc la porte un nouveau genre d tudes ax es sur les comportements humains durant l Occupation allemande plut t que sur les strat gies politiques pratiqu es par les Nazis Ce mouvement entra ne aussi une nouvelle tendance historique dans les manuels scolaires durant les ann es 1980 o l on insiste sur la responsabilit des Juifs dans leur propre extermination Ainsi au fil des ann es 1980 et 1990 les enfants polonais apprenaient que durant l Occupation allemande les Juifs ont permis qu on les enferme dans les ghettos qu ils se sont laiss mener l abattoir sans r sister et qu ils n ont pas accept l aide de leurs voisins polonais par haine du catholicisme L ceuvre de Gutman s oppose donc cette tendance nationaliste qui afflige le peuple juif
28. de l aide La position sociale joua un r le d terminant dans la survie de certaines personnalit s du ghetto ainsi que dans l aide qui leur fut apport e Le pianiste Wladyslaw Szpilman fut sauv par un policier juif lors des d portations de l t 1942 et ensuite cach 44 jusqu l insurrection de 1944 du c t aryen Le p diatre Janusz Korczak se vit offrir un passeport am ricain avant les rafles de 1942 mais refusa l exil et pr f ra demeurer avec les enfants de son orphelinat Nous pouvons constater le m me ph nom ne chez Ringelblum TITRE DE CONCLUSION Les comparaisons entre les crits d Emanuel Ringelblum et les quatre t moignages d crits ci dessus nous permettent de faire deux constats Premi rement l historien a su r v ler la vraie nature des relations entre Juifs et Polonais Si Ringelblum r ussit faire un portrait si d taill et si juste de ces relations c est avant tout parce qu il poss de un solide bagage d historien et qu il fait preuve de beaucoup d objectivit Il ne cherche pas laisser un legs personnel sur son exp rience de l Occupation allemande mais bien faire une synth se des v nements En second lieu nous constatons que la jud it de Ringelblum n est pas un facteur d terminant de son criture historique Comme nous l avons d montr le lieu de r daction l ouverture sur le monde aryen et la position sociale occup e par l auteur
29. des derniers si cles et que malgr l ampleur de la trag die l Holocauste ne repr sente qu un court moment de cette histoire Notre recherche sur la litt rature historique des relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande s inscrit donc dans une conjoncture historique qui rassemble un ensemble de r flexions plus larges sur l historiographie de l Holocauste Elle cherche briser la dualit qui s est install e entre les historiens polonais et les historiens juifs en d montrant que ce qui d termine l criture historique ne se retrouve pas que dans l ethnicit de l auteur mais dans une panoplie d autres 5 En 1953 la Knesset d cida d honorer les Justes parmi les nations Le titre de Juste est d cern au nom de l tat d Isra l par le M morial Yad Vashem facteurs que nous identifierons plus loin Il n y a videmment pas qu une seule interpr tation possible en ce qui a trait aux relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande et la v rit se trouve probablement dans une zone grise Cette recherche soul ve donc aussi de nombreuses questions concernant l criture de l histoire de l Holocauste en elle m me Comment en effet peut on obtenir des r sultats diff rents en travaillant partir des m mes donn es Quelles influences les historiens subissent ils pour tirer des conclusions divergentes des m mes v nements Afin de r
30. en Pologne lors de l Occupation allemande montre les possibilit s de recherche qu aurait pu accomplir l historien am ricain Malgr tout Hilberg ne changea pas sa position utilisant plut t la somme des nouvelles recherches afin d ajouter quelques l ments d information venant plut t appuyer ses conclusions initiales y 71 CHAPITRE IV YISRAEL GUTMAN LE GOUVERNEMENT POLONAIS EN EXIL AU SERVICE DE QUELLE R SISTANCE 1985 Yisrael Gutman et Shmuel Krakowski deux historiens isra liens signent en 1985 l un des premiers ouvrages strictement consacr s la question des relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande Dans Unequal Victims Poles and Jews During World War IT chaque auteur consacre cinq chapitres la question des relations entre les Juifs et les Polonais Alors que Krakowski peint un portrait du gouvernement en exil et des d cisions prises par rapport l extermination des Juifs dans les camps de la mort Gutman prend une autre voie en traitant la question des mouvements de r sistance juifs et polonais et de leur implication dans les v nements marquants de la capitale occupation ghetto sation d portation et insurrection Gutman d montre que les instances officielles et clandestines ont jou un r le primordial dans l extermination des Juifs de Pologne par leur inaction lors des v nements importants telles les d portations de l t 1942 L h
31. en cheminant rebours du pr sent o il se trouve jusqu au pass qu il tente d clairer puis en sens inverse afin de revoir l histoire chronologiquement Ce double mouvement qu accomplit l historien n est pas sans poser de probl mes Beaucoup d historiens ne sont pas d accord avec cette nouvelle posture et pr f reraient 7 Ibid p 69 11 que l histoire s en tienne la fonction scientifique tablie par l cole m thodique La question thique est donc au c ur de ce nouveau r le Si l historien accomplit un travail d interpr tation partir d une criture par traces lesquelles doit il choisir afin d crire le bien fond des v nements La question de la v rit historique est aussi soulev e par les changements dans le r le de l historien apport s par les nouveaux r gimes d historicit Le caract re d sormais indirect de cette connaissance la voue demeurer toujours incompl te partielle et non fausse l historien a la lourde t che de composer avec des fragments de joindre des morceaux pars en t chant de les comprendre L historien et philosophe Tzvetan Todorov souligne Un constat de fait est ou vrai ou faux Une interpr tation des faits peut tre intenable donc r futable mais elle ne x A is 8 poss de pas l autre extr me un seuil sup rieur Il souligne aussi que Le terme v rit peut resservir mais condition qu on l
32. et qui glorifie d une certaine mani re les Polonais Cette uvre crite d abord en h breu fut traduite en fran ais et en anglais mais pas en polonais Il faut attendre le milieu des ann es 2000 pour que l uvre de Gutman soit traduite et publi e en Pologne Unequal Victims s inscrit donc dans un champ historique qui cherche mettre en lumi re les raisons pour lesquelles les Juifs de Pologne semblent tre rest s passifs devant les Nazis mais qui tente aussi de comprendre les diff rents comportements des Polonais catholiques En 1985 il tente de contrecarrer l histoire 92 SZCZESNIAK Andzrej Leszek Historia 1914 1989 Polska swiat naszego wieku Histoire 1914 1989 La Pologne et le monde de notre si cle Varsovie ed Bellona 1997 p 224 79 nationaliste que l on apprend aux jeunes Polonais en mettant de l avant les discussions et les missives chang es entre le gouvernement en exil et les groupes de r sistance polonais et juifs Il peut ainsi noter les difficult s qu ont rencontr es les Juifs obtenir de l aide ext rieure En travaillant partir d archives officielles Gutman peut d montrer l implication du gouvernement en exil Londres et des groupes de r sistance polonais dans l aide aux Juifs mais aussi leur inaction face certains v nements d terminants notamment les d portations massives de juillet et ao t 1942 Si le peuple juif a sembl passif face ses pers cuteur
33. histoire L histoire ne se penche pas que sur l extraordinaire contrairement ce que soutient l historien Il est vrai qu une certaine 132 PAULSSON Gunnar S Secret City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 163 133 bid p 243 134 Jbid p 163 116 poque nous crivions l histoire des vainqueurs en laissant de c t les civilisations perdantes Pourtant avec l av nement des nouveaux modes de pens es en histoire au d but du XX si cle principalement avec l histoire sociale il va de soi que la tendance est plut t englobante c est dire qu elle comprend l ensemble des histoires particuli res En cherchant pr senter l histoire de cette fa on particuli re Paulsson se met des ceill res et passe c t de ce qui est significatif et commun dans l histoire des relations jud o polonaises l antis mitisme latent et la difficult du vivre ensemble Paulsson semble oublier que m me dans les rangs du groupe d entraide aux Juifs Zegota l antis mitisme r gnait Rappelons que Zofia Kossak cofondatrice du mouvement Zegota a crit en 1942 que les Juifs demeuraient les ennemis des Polonais mais qu ils ne m ritaient tout de m me pas de se faire exterminer par les Nazis Deuxi mement Paulsson travaille avec un faux chantillonnage et oublie d importantes donn es En voulant prouver que les Polonais catholiques son
34. historiens qui l utiliseront leur tour pour l criture de leur propre ouvrage Ainsi les pionniers de l criture du Jud ocide ici Emmanuel Ringelblum et Raul Hilberg sont sans cesse repris par de nouveaux historiens qui confrontent non seulement les sources premi res sur lesquelles ils basent leur argumentaire mais aussi ces crits d historiens L essai historique devient donc une source premi re tels les m moires et t moignages Ce ph nom ne de reprise d une tude comme source premi re est appel par l historien Enzo Traverso une substitution m morielle Traverso donne l exemple du cin aste Claude Lanzmann r alisateur du c l bre documentaire Shoah qui consid rait son film non pas comme une repr sentation de l Holocauste mais bien comme un v nement part enti re c est dire comme des preuves factuelles qui restent de cet v nement Le r alisateur consid rait donc son uvre comme une archive de l Holocauste alors qu il s agissait plut t d une mise en r cit des sources t moignages utilis es De la m me fa on les historiens crivent leurs ouvrages en analysant et en critiquant les tudes des historiens pr c dents cr ant ainsi un dialogue dans le temps M THODE la lumi re de l historiographie dans laquelle cette recherche s inscrit nous pouvons d sormais d velopper notre cadre m thodologique Revisiter les crits 15 TRAVERSO Enzo Le
35. juif tait des corps administratifs form s dans les ghettos juifs sous l ordre des autorit s nazies Cette organisation concerna d abord les ghettos de Pologne puis ceux des pays d Europe de l Est et ceux d Europe centrale 55 Il faut attendre le d but des ann es 1970 en plein c ur de la guerre du Vietnam pour que les Am ricains s int ressent au d sormais colossal ouvrage d Hilberg la th se originale faisait un peu plus de 800 pages alors que le livre apr s sa derni re augmentation en fait presque 3000 La premi re dition fran aise quant elle fut publi e seulement en 1985 Trente ans se sont donc coul s entre le d p t de la th se et la reconnaissance internationale de l uvre Pourquoi tant de temps Des propos mentionn s plus haut ont choqu certaines communaut s qui ont refus la publication de son uvre Trente ans plus tard Hilberg n a toujours pas retir les passages d rangeants Comment expliquer ce soudain int r t pour La destruction des Juifs d Europe La question historique des tats Unis plong s dans d autres guerres et d autres combats internes explique en partie ce ph nom ne Il y a aussi la question de la proximit historique avec les v nements Apr s tout Hilberg s est plong dans une recherche alors que le monde entier commen ait peine entrevoir l tendue des massacres Primo Levi survivant du camp d Auschwitz nomme dans Les naufrag s et l
36. pages plus sombres des relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande Jean Charles Szurek aborde la question de ces manuels apr s la chute du r gime communiste En parlant du livre de Jerzy Eisle de Robert Kupiecki et de Melania Sobanska intitul Le monde et la Pologne 1939 1992 publi Varsovie en 1993 il affirme sont clairement mentionn es dans ce manuel les in galit s de traitement induites par l occupation allemande et la pr cision historique relative aux camps nazis implant s en Pologne La question de l antis mitisme en Pologne est pos e sans d tour Ce manuel tente de r pondre au ressentiment anti polonais que manifestent de nombreux Juifs Il informe exhaustivement aussi bien l existence des Smalcownicy que du r seau d aide Zegota Plus douteuses sont les assertions relatives la passivit des Juifs et la police juive Non que ces questions ne puissent tre d battues mais elles appartiennent cet univers o les sciences sociales peinent identifier des rep res intelligibles Szurek pr cise que ce livre est en fait l un des premiers d une lign e qui laisse place plusieurs interpr tations Il note que depuis que la Pologne a acc d un r gime d mocratique les manuels scolaires pousent l volution historiographique occidentale et expriment diverses sensibilit s C est d sormais sous un jour nouveau que le public scolaire aborde la question des re
37. participating in tracking down Jews who were in hiding after the resettlement actions 4 shooting Jews sentenced to death by the Germans Ainsi les fagons de faire des szmalcownicy et des maitres chanteurs sont non seulement diff rentes mais elles n affectent pas les Juifs de la m me fa on Un Juif pill par un szmalcownicy a perdu ce qu il poss dait cette journ e pr cise et ne reverra peut tre jamais ses pilleurs Par contre un Juif trouv par un maitre chanteur devra probablement quitter sa cachette puisque ce dernier reviendra le piller tant et aussi longtemps qu il aura de quoi payer 34 Ibid p 128 35 Ibid p 134 33 LES PROFITEURS ET LES SECOUREURS Malgr le lot de d nonciateurs voqu s par Ringelblum il n en demeure pas moins que beaucoup de Polonais catholiques ne collaborent pas avec les Nazis Certains d entre eux s engagent prot ger des Juifs la condition d tre bien r mun r s La ligne entre un Polonais profiteur qui ne s occupe des Juifs que pour le profit et celui qui les cache pour leur sauver la vie est difficile tracer Selon l auteur les profiteurs agissent par antis mitisme ou par indiff rence Alors que certains ne font que demander un loyer hors de prix aux Juifs sous pr texte du risque encouru d autres vont jusqu jeter les Juifs dehors une fois le loyer pay Ringelblum explique there were frequent instances when the protectors hav
38. polonaise De plus les Nazis pr venaient les Polonais catholiques des rafles afin que ces derniers n entravent pas le travail faire Dans la premi re dition de sa th se Raul Hilberg ne note pas cette participation des Polonais aux d portations En fait l historien ne souligne m me pas que les citoyens polonais observent leurs voisins juifs se faire amener sauvagement vers la place de transfert Par contre Hilberg souligne le pillage des biens juifs par les civils polonais qui suivit les d portations massives Hilberg note qu en date du 6 septembre 1942 un fac simil de l avis du Kreishauptmann fut publi Il concernait les futures d portations des Juifs en date du surlendemain et informait que toute personne entravant la bonne marche de l op ration ou abritant des Juifs encourait la peine de mort et toute pr sence non autoris e dans un appartement juif serait consid r comme une tentative de pillage et donnerait lieu des poursuites 7 Cette note explique donc les cons quences pour les Polonais qui tenteraient de s opposer ou de participer de quelque fa on que se soit au processus de d portation 72 HILBERG Raul La destruction des Juifs d Europe Paris ditions Folio Histoire 2006 p 890 63 L ann e suivante les Allemands y all rent d une strat gie bien diff rente L historien note qu apr s l insurrection du Ghetto de Varsovie les Allemands firent appel aux Polonais a
39. qu survivre la guerre et non collaborer avec l occupant allemand Siles conclusions de Paulsson surprennent c est avant tout parce qu il ne travaille pas avec les m mes m thodes que les autres historiens Nous l avons constat Paulsson se situe dans l historiographie contemporaine anglo saxonne des relations entre les Juifs et les Polonais Dans l introduction son uvre Paulsson dit vouloir aller en sens inverse de certains historiens Il crit en parlant de Jan T Gross Gross has been much criticized for this statement but in truth this procedure is standard in writing about the Holocaust from the perspective of the victims As Gross observes because this is a story of almost complete destruction there has also been an almost complete destruction of evidence and we therefore have to make do with whatever traces the past has been kind enough to leave us Contrairement Gross qui prend l ensemble des victimes juives comme chantillon Paulsson croit qu il faut red finir le choix des sources pour crire l histoire de cette 129 PAULSSON Gunnar S Secret City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 18 114 destruction Il poursuit en expliquant que Raul Hilberg apparently believes that we should prefer to write about the perpetrators who left behind a good traditional trail of documentary evidence 50 Quant lui il ch
40. r currents mais qui leur semblent le fruit d individus et non de groupes organis s 3 Hinda Malachi et Hania Bartosiak ayant t cach es dans plusieurs villages du c t aryen ont t confront es aux Polonais trop effray s pour les aider aux ma tres chanteurs et la police polonaise Malgr son sauvetage Malachi ne peut percevoir quelque chose de bon chez les Polonais catholiques alors que Bartsiak reconna t que si certains ont d nonc et pill d autres sont rest s paralys s par la peur des Nazis Quant Adam Czerniakow pr sident du Judenrat jusqu sa mort le 23 juillet 1942 il a une vision qui diff re des habitants du ghetto et de ceux cach s l ext rieur Puisqu il communique surtout avec les instances officielles de la capitale il n est jamais confront une situation r elle dans la rue Cette derni re constatation am ne une nouvelle r flexion sur la position sociale des t moins Les simples citoyens tels Malachi et Bartosiak demeurent inconnus aux yeux de la population polonaise Lorsqu ils doivent demander de l aide ils ne repr sentent rien pour les catholiques qui agissent donc selon leur bon vouloir Les circonstances diff rent dans le cas d Emanuel Ringelblum qui faisait partie d un cercle d intellectuels juifs et tait donc connu de la gauche polonaise Lorsqu il cherche sortir du ghetto plusieurs Polonais qui le connaissent ne serait ce que de r putation lui offrent
41. synagogues vitres bris es bombes pos es se multiplient mais le syst me de justice ne semble pas r agir ces exactions Les pogromes les plus notoires sont ceux de Grodno 19 Idem 20 DAVIES Norman Histoire de la Pologne Paris Editions Fayard 1984 p 152 23 1935 de Przytyk 1936 de Minsk Mazowiecki 1936 et de Brzesc 1937 Durant ces ann es les boycotts de commerces juifs se multiplient partout en Pologne L HISTORIEN Lors de l invasion de la Pologne par l Allemagne nazie en septembre 1939 Emanuel Ringelblum est d j un historien un p dagogue et un vulgarisateur r put Depuis sa sortie de l universit en 1927 il concentre ses recherches sur l histoire des Juifs de Pologne du Moyen Age la fin du XVII si cle Ses principaux questionnements concernent les relations entre les Juifs et les Polonais tant sur le plan social que politique Avec l institut scientifique juif YIVO qui rassemble diff rentes disciplines des sciences sociales fond es sur un souci commun de l ethnographie Ringelblum s impose un r le la fois politique et p dagogique YIVO se donne pour mission de faire conna tre aux Juifs leur histoire et de leur faire prendre conscience de leur existence en tant que groupe l ext rieur de la religion afin qu ils prennent la place qui leur est due au sein de l histoire polonaise Malgr son adh sion un groupe sioniste socialiste Ringelblum ne valori
42. t moignent d une certaine mobilit historique les trois historiens constatent pourtant les m mes ph nom nes savoir qu il y a beaucoup de d nonciations dans la capitale polonaise et 98 que ces d nonciations sont faites par plusieurs groupes de Polonais organis s ou non En contrepartie ils mettent en lumi re les mouvements de r sistance arm e et civile de la capitale qui se battent contre l envahisseur et qui tentent de sauver les Juifs Plus de dix ans apr s l criture de Unequal Victims d Yisrael Gutman Paulsson publie son tour un essai sur les relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande En utilisant les m mes sources que les historiens des chapitres pr c dents t moignages journaux comptes rendus etc Paulsson dresse des constats similaires mais en vient une conclusion diff rente Il remarque lui aussi que les ph nom nes de d nonciations prennent place dans la capitale polonaise et que des groupes d entraide sont form s Pourtant il conclut que la majorit des Polonais catholiques se sont rang s du c t des Juifs et ont mis leur propre vie en p ril afin de les sauver Paulsson dit que de 70 000 90 000 Polonais auraient travaill de concert afin de cacher 28 000 Juifs du c t aryen de Varsovie et que seulement quelques centaines de criminels policier polonais Schmalcownicy et autres d nonciateurs auraient s vi L historien soutient que ce serait
43. through to the organization and leadership of the world Jewish community for aid to be sent to the Jews in Poland It is impossible to discern the slightest legitimate basis for such an attitude Malgr le journal clandestin de l Armia Krajowa Buletyn Informacyjny qui crit que the Ghetto in Warsaw is assuming the dimension of a monumental crime an insane German plan to intern 400 000 human beings in a tiny sealed off area containing absolutely no open spaces and greenery le gouvernement en exil Londres ne r agit aucunement a la ghettoisation et au sort des Juifs Encore une fois Gutman d montre qu il y a un lien direct entre les agissements de la population de Varsovie et les non prises de position des dirigeants Londres Il faut attendre 1942 et les premi re grandes d portations vers les camps de la mort pour que la population de Varsovie envisage d aider les Juifs Chaim A Kaplan crit dans son journal au d but de l ann e 1942 que des id es de r volte commencent se faire entendre Il crit Il y a de la r volte politique dans l air Les membres de l ancien Parti socialiste polonais n ont pas de mots trop forts ni trop nergiques C est du moins ce qui se dit On a des raisons de croire qu ils ont re u un signal de l ennemi pour inciter la population se rebeller Ainsi la population polonaise inqui te pour sa propre survie commence penser la r sista
44. 39 afin de r cup rer des mat riaux pour la future construction de l histoire des Juifs de Pologne Les archives Ringelblum sont compos es de correspondances de coupures de journaux et de d crets allemands 14 Les historiens travaillaient avant tout avec des archives officielles civiles et juridiques Il faut donc attendre les ann es 1980 avant que l utilisation des journaux personnels ne devienne l gitime et commune dans les milieux historiques ce moment seulement la d finition historique et juridique est modifi e et l archive devient selon Hartog l ensemble des documents quels que soient leur date leur forme et leur support mat riel produit ou re u par toutes personnes physique ou morale et par tout service ou organisme public ou priv dans l exercice de leurs activit s Tout est la limite archivable et les archives constituent la m moire de la nation et une part essentielle de son patrimoine historique L historien qui s int resse aux relations entre les Juifs et les Polonais travaille donc de plus en plus avec des individus et leur perception des v nements Les hommes du quotidien ceux qui crivirent leurs m moires pour l histoire ou simplement dans un but cathartique deviennent les acteurs de l histoire Les historiens reprennent leurs paroles les confrontent les comparent les analysent et en font un r cit v ridique qui nous aide comprendre ce qu tait la vie pour un Juif
45. AU XXI SI CLE 2002 Avant d analyser la derni re uvre l tude Secret City de Gunnar S Paulsson nous devons dresser quelques constats D abord que ce dernier historien contrairement aux trois autres n est pas Juif Ensuite que son travail contredit les conclusions des trois premiers et cr e une v ritable controverse sur la nature des relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande Nous avons vu dans les chapitres pr c dents que les historiens juifs qui tudient ces rapports interpersonnels les per oivent sensiblement de la m me fa on Ringelblum Hilberg et Gutman constatent en effet que ces relations ont t la plupart du temps difficiles et que les Polonais ont tard intervenir lors des pers cutions nazies Les diff rences en ce qui a trait la recherche respective de ces historiens r sident surtout dans les sources disponibles et utilis es dans les conditions sociopolitiques selon l poque de r daction et dans la posture de l historien savoir comment il se pr sentait lui m me face aux v nements Ainsi Ringelblum et Gutman qui voluent tous les deux dans des milieux juifs per oivent les relations entre les Juifs et les Polonais comme tant un ph nom ne majeur de l Occupation allemande alors qu Hilberg venant de l ext rieur et d une poque o la question ne se posait simplement pas ne voit que la dualit Juifs Allemands Malgr ces diff rences qui
46. City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 61 106 Cette contrebande tait r alis e grace de nombreuses personnes juives et polonaises provenant de plusieurs milieux de vie et de travail pr tes risquer leur vie Paulsson retrace certains de ces acteurs historiques Il note par exemple que le tramway qui passait dans la ville et donc qui traversait le ghetto tait la plaque tournante de la contrebande Il note que The tram would then pass through the ghetto stopping only at the exit gate where the policeman would alight and report to a German gendarme At certain point however these trams had to slow down for sharp turns where people could jump on or off the open cars Paulsson donne cet exemple pour d montrer comment travaillaient les contrebandiers sans se faire arr ter par les gendarmes allemands Pour appuyer son argumentation Paulsson utilise plusieurs sources premi res provenant notamment de journaux intimes juifs Parmi ceux utilis s par l historien notons les m moires de Chaim A Kaplan d Abraham Lewin et de Michel Borwicz Kaplan note qu avant la fermeture du ghetto les contrebandiers juifs et aryens constituaient un front uni contre les gardiens allemands et les polices juive et polonaise Kaplan comme d autres t moins voit clair dans le jeu des Nazis Il sait pertinemment qu un des buts de l Occupant est de diviser l
47. FRIEDLANDER Saul L Allemagne nazie et les Juifs les ann es d extermination 1939 1945 Paris ditions du Seuil 2008 345 pages FRIEDMAN Philip Their Brothers Keepers New York Holocaust Library New York 1978 232 pages GRABOWSKI Jan Je le connais c est un Juif Varsovie 1939 1943 le chantage contre les Juifs Paris ditions Calmann L vy M morial de la Shoah 2008 176 pages GRABOWSKI Jan Hunt for the Jews Betrayal and Murder in German Occupied Poland Bloomington Indiana University Press 2013 303 pages GROSS Jan T Neighbors Toronto Penguin Books Canada Ltd 2001 214 pages GROSS Jan T Fear Anti Semitism in Poland After Auschwitz New York Random House Trade Paperback Editions 2007 303 pages GROSS Jan T Golden Harvest New York Oxford University Press 2012 135 pages GUTMAN Israel Unequal victims Poles and Jews in World War IT New York Holocaust librairy 1986 238 pages GUTMAN Israel Resistance Boston United States Holocaust Memorial Council 1994 277 pages HILBERG Raul La destruction des Juifs d Europe I II amp III Paris Editions Gallimard coll Folio pour la traduction fran aise 1973 2224 pages KISCH Egon Erwin Histoires de sept ghettos Grenoble Presses universitaires de Grenoble 1992 167 pages LONGERICH Peter Holocaust The Nazi Persecution and Murder of the Jews New York Oxford Press University 2010 645 pages 129 PAULSSON Gunna
48. Zegota soul ve plusieurs questions sur lesquelles Gutman n h site pas se pencher Comme nous l avons d crit plus haut le gouvernement en exil Londres ne songe pas aider les Juifs qui demandent pourtant des armes afin de r sister avant l automne 1942 La premi re question que se pose l historien est pourquoi avoir attendu si longtemps pour offrir de l aide offerte aux Juifs La r ponse de Gutman est bien simple et coh rente Les meurtres de masse de 1942 ont terroris le gouvernement Comme Gutman l indique the fact that the victims of the mass murders being perpetrated on Polish soil included not only Polish Jews but Jews who had been brought to Poland for that purpose from all over Europe certainly added to the horror Nevertheless sober political calculation underlay the arguments used to justify official recognition of Zegota and the transfer to it of fixed sums of money 108 GUTMAN Yisrael Unequal Victims Poles and Jews during World War II Holocaust Librairy New York 1985 p 260 92 Ainsi Zegota obtient l appui du gouvernement en exil parce que ce dernier n avait pas r alis l envergure de l extermination De l automne 1942 la fin de la guerre le groupe Zegota en collaboration avec d autres groupes de r sistants essaie de sauver les Juifs de Varsovie et de Cracovie en les cachant du c t aryen des villes Si Gutman d crit de fa on compl te la fondation d
49. a possibilit d aider les Juifs d Europe mais que son antis mitisme l emporta sur les valeurs chr tiennes L historien refuse de compromettre son int grit et abandonne l id e de publication La m me ann e il accepte un poste de professeur rempla ant l Universit du Vermont Burlington se disant qu il n obtiendra jamais de reconnaissance pour sa recherche qu il continue toutefois d approfondir durant les trois d cennies suivantes En 1961 la suite du proc s Eichmann et de sa grande m diatisation les ditions Quadrangle acceptent de publier le manuscrit qui demeurera pourtant sur les tag res Deux ans plus tard l auteur envoie son manuscrit au m morial Yad Vashem L institut en refuse la publication cause de la vision des Judenrat que v hicule Hilberg dans son uvre Hilberg propose une vision pessimiste des conseils juifs sugg rant l implication de ces derniers de mani re volontaire ou non dans l extermination des Juifs d Europe Yad Vashem ne peut concevoir qu un historien puisse avancer que le peuple juif ait sa part de responsabilit dans sa propre annihilation 58 Le Proc s Eichmann fut film pour les t l visions du monde entier et attira presque deux fois plus de journalistes que les Proc s de Nuremberg 5 Yad Vashem est un m morial d di aux victimes juives du nazisme durant la Seconde Guerre mondiale fond en 1953 J rusalem 60 Le Judenrat ou conseil
50. aient dans la rue L historien tire du journal d Apolinary Hartglas un activiste sioniste de Varsovie que les Allemands incitaient les Polonais catholiques des actes antis mites mais que la majorit d entre eux demeuraient indiff rents cette propagande Hartglas note quelques 83 gestes spontan s de sympathie envers les Juifs Il raconte qu il a vu un homme dans le tramway c der sa place une femme juive ou encore un homme prendre la d fense des Juifs qui se faisaient jeter en dehors du tramway par des Nazis Selon Hartglas ces r actions de sympathie taient faites pour contester l autorit allemande plut t que pour souligner la solidarit entre Juifs et Polonais Hartglas remarque tout de m me les changements de comportement chez ses voisins catholiques Il crit in the beginning Poles often showed sympathy for Jews wearing the armbands but as time passed this attitude toward Jews cooled and Poles seemed to avoid meeting in public with Jewish friends wearing armbands Ainsi les Polonais sans se ranger du c t de l envahisseur d tournaient lentement leur attention des Juifs et de leur sort Si Hartglas voit g n ralement de l inaction et quelques fois des gestes de sympathie envers les Juifs il souligne comme d autres t moins juifs qu il y a eu de rares v nements particuli rement violents Il pr cise qu l hiver 1940 un pogrome qui dura huit jours nomm le pogrome
51. ale en Pologne les chercheurs d ailleurs se penchaient d j sur ces v nements Gr ce aux t moignages entendus lors des proc s nazis ils comprenaient que le peuple polonais n tait pas un simple t moin de l histoire mais aussi un participant important L uvre de Gutman s inscrit donc dans une historiographie contemporaine et politique qui d passe les limites de l Holocauste afin de s tendre l historiographie de la Pologne elle m me D un point de vue purement chronologique l uvre de Gutman montre une nouvelle compr hension des v nements de 1939 1945 Si durant les premi res d cennies suivant la Seconde Guerre mondiale les historiens avaient cherch comprendre comment le massacre des Juifs avait t perp tr par les Nazis les historiens tels Gutman en arrivent tudier directement l engagement des autres acteurs de l histoire Apr s avoir analys et compris durant les ann es 1950 1960 et m me 1970 les rouages du massacre les historiens se penchent dor navant sur les raisons qui ont facilit 84 Les Sovi tiques se sont appropri s par exemple l insurrection du Ghetto de Varsovie Bien que les communistes taient pr sents la force politique dominante tait constitu e des groupes sionistes qui organisaient la r sistance aux c t s de l Organisation juive de combat 74 la mise mort de six millions de Juifs dont trois millions taient n s en Pologne G
52. ashem Jerusalem Editing Foreword by Shosh Milch Avigal 2003 p 114 to 163 PERECHODNIK Calel Suis je un meurtrier Paris Editions Liana Levi 1995 355 pages RAJCHMAN Chil Je suis le dernier Juif Treblinka 1942 1943 Paris Editions les Ar nes 2008 152 pages RINGELBLUM Emmanuel Chroniques du ghetto de Varsovie Paris Edition Robert Laffont 1958 371 page TURKOV Jonas La lutte pour la vie Paris Editions Honor Champion 2005 388 pages WIERNIK Jankiel Une ann e a Treblinka Paris Editions Vend miaire 2012 189 pages 128 TUDES SUR L HOLOCAUSTE Inferno of choices Poles and the Holocaust Edited by Sebastian Rejak and Elzbieta Frister Warsaw ficyna Wydawnicza RYTM 2012 415 pages BENSSOUSSAN Georges G nocide pour m moire Paris Edition du F lin 1989 262 pages BROWNING Christopher Les Origines de la solution finale L volution de la politique antijuive des nazis septembre 1939 mars 1942 Paris Soci t d Editions Les Belles Lettres 2002 1023 pages BROWNING Christopher Politique nazie travailleurs juifs bourreaux allemands Paris Edition Les Belles Lettres 2009 278 pages COQUIO Catherine et Aur lia Kalinsky L Enfant et le g nocide T moignage sur l enfance pendant la Shoah Paris dition Robert Laffont 2007 1264 pages FRIEDLANDER Saul L Allemagne nazie et les Juifs les ann es de pers cutions 1933 1939 Paris ditions du Seuil 1997 400 pages
53. ationale IPN cette enqu te confirme les arguments de Gross en plus de d montrer qu il y eut d autres massacres de ce genre durant la m me ann e Si certains historiens acclament le livre de Gross et l interpr tent comme tant une nouvelle page d criture dans l histoire de la Pologne d autres le critiquent s v rement Le politologue am ricain Norman Finkelstein L industrie de l Holocauste 2000 accuse Gross d exploiter l Holocauste alors que l historien Norman Davies Histoire de la Pologne 1984 trouve le livre de Gross extr mement injuste envers les Polonais catholiques Notons que Finkelstein a crit un an avant la parution de l essai de Gross un livre pol mique sur les rouages de l historiographie de l Holocauste Selon le politologue l histoire de l Holocauste ne sert aujourd hui qu au profit de l tat d Isra l et les 103 historiens tels que Gross ne travailleraient qu la survictimisation des Juifs afin de justifier les politiques isra liennes L HISTORIEN Secret City seule uvre de Gunnar S Paulsson se range en effet du c t de celles de Davies et de Finkelstein afin de d noncer les propos tenus par des historiens comme Jan T Gross Paulsson s inscrit donc dans un courant historiographique qui cherche a d montrer deux choses En premier lieu il affirme que les Polonais ont t autant victimes du nazisme que les Juifs Rappelons ici que la Seconde Gu
54. atiser comme des ramassis d individus mus par le profit Szurek note aussi que durant toute la p riode communiste les relations entre les Juifs et les Polonais au cours de la Seconde Guerre mondiale ne sont abord es que sous l angle de l aide apport e aux Juifs par leurs voisins catholiques Trois ouvrages sur le sujet marquent l historiographie polonaise des ann es 1950 1970 Le premier crit dans les ann es 1950 par Arthur Eisenbach est intitul La politique hitl rienne d extermination des Juifs dans les ann es 1939 1945 comme l une 8 Notons que Gutman lui m me n en est pas sa premi re publication sur les Juifs de Pologne mais que pour la premi re fois il consacre une uvre compl te aux relations entre Juifs et Polonais 86 SZUREK Jean Charles La Pologne les Juifs et le communisme Paris Michel Houdiard diteur 2010 p 136 76 des manifestations de l imp rialisme allemand Les deux autres ont t crits dans la d cennie suivante par Wladyslaw Bartoszewski et Zofia Lewinowna I est de ma patrie et par Czeslaw Madajezek La politique du III Reich en Pologne occup e Le premier ouvrage pr sente l organisation d aide aux Juifs Zegota d ploy e partir de 1942 Pour la premi re fois depuis la fin de la guerre un ouvrage traite de l h ro sme des Polonais catholiques qui au p ril de leur propre vie sauv rent des Juifs des griffes de l envahisseur nazi Le se
55. berg pour chacune de ses publications en tentant de d chiffrer ce qu elles auraient pu dire des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande En dernier lieu nous tablirons la chronologie de la disponibilit des diff rentes sources 50 DOXA HISTORIQUE P t 1944 l arm e am ricaine d couvre les camps d extermination de Treblinka et Madjanek En 1945 l Arm e rouge lib re le camp d Auschwitz La nouvelle se r pand et rapidement le monde entier se tourne vers les camps de la mort nazis Si la prise de Berlin par les Alli s met fin la Seconde Guerre mondiale en Europe l engagement des Etats Unis sur le continent se poursuit en raison du d but de la guerre au communisme qui s accentue d s 1947 Cette guerre nouveau genre qui oppose non pas des armes mais bien des id ologies politiques et sociales a tenu les Etats Unis en haleine durant toute la seconde moiti du XX si cle D s la fin de la Seconde Guerre mondiale clate en 1950 la guerre de Cor e Ce conflit oppose les forces de la Cor e du Nord communiste soutenue par la R publique populaire de Chine et celles de la Cor e du Sud capitaliste soutenue par les Etats Unis Ces derniers solliciteront l ONU pour constituer une force d intervention qui fit craindre une Troisi me Guerre mondiale mais qui se termina finalement par le statu quo Les tats Unis sont aussi aux prises avec des troubles internes durant les a
56. c est d abord parce que l histoire est fatalement prise au sein de l histoire et que chaque poque aura sa mani re de se positionner par rapport telle ou telle p riode Les quatre historiens l tude ont t choisis bien videmment pour leur jud it mais surtout parce qu ils appartiennent quatre espaces temps diff rents Ces intervalles sont d terminants dans l criture historique et sont en partie responsables des diff rences d interpr tation des historiens Bien s r le temps lui seul ne peut pas d terminer parfaitement l criture historique Les sources qui voyagent elles aussi entre deux temps d terminent l herm neutique historique Comme la question des sources est centrale dans cette recherche nous consacrerons quelques pages afin d expliquer les interrogations qui y sont li es LES SOURCES En ce qui a trait l criture historique des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande l historien Emmanuel Ringelblum qui crit d abord dans le ghetto et plus tard dans sa cachette du c t aryen de Varsovie en 1943 et 1944 10 RICOEUR Paul Histoire et v rit Paris Le Seuil 1955 p 28 13 sera repris par les historiens suivants Hilberg Gutman et Paulsson qui seront eux m mes repris dans des tudes post rieures Les historiens d apr s guerre reprendront les sources qu il a d abord utilis es et les r interpr teront se
57. ceux qui leur donnent de l argent souvent en pr vision d un toit ailleurs et ceux qui travaillent dans leur int r t notamment la r sistance polonaise qui d ment dans la presse clandestine les propagandes antis mites ET LES AUTRES T MOINS Au moment m me o l historien Emanuel Ringelblum crivait l essai analys ici d autres Juifs crivaient aussi propos des v nements Nous avons constat dans les pages pr c dentes que l historien bien que rempli d un d sir d objectivit ne s appuie que sur quelques sources premi res journaux d crets etc puis sur des t moignages re us mais qui demeurent anonymes Ringelblum rapporte des faits vus par certains Juifs et certains Polonais sans toutefois mentionner leur nom videmment Ringelblum tait l identit de ses sources afin de les prot ger dans le cas o les Nazis tomberaient sur ses crits Ces omissions bien que compr hensibles rendent impossible la v rification des sources personnelles utilis es par l historien Afin de corroborer les faits d crits par 37 Ibid p 232 35 Ringelblum nous analyserons des t moignages provenant de Juifs de Varsovie et ainsi ferons une comparaison avec les observations de Ringelblum Pour ce faire nous avons s lectionn quatre journaux provenant du ghetto de Varsovie D abord nous ferons l tude du journal d Adam Czerniakow pr sident du Judenrat de Varsovie de 1939 a 1942 en
58. cond ouvrage discute les relations entre Allemands et Polonais durant la Seconde Guerre mondiale Une cinquantaine de pages seulement est consacr e la question juive L auteur y souligne principalement la passivit des Juifs et leur collaboration leur propre mort Ces deux ouvrages qui vitent la question de l antis mitisme polonais arrivent presque au m me moment que les v nements de mars 1968 Rappelons que ces v nements sont indirectement la cons quence de la guerre des Six jours qui oppose Isra l une coalition la Ligue arabe form e par l gypte la Jordanie la Syrie et l Irak Cette guerre est d clench e la suite d une attaque qualifi e de pr ventive de la part d Isra l contre ses voisins arabes C est ce moment que l gypte perd la bande de Gaza ainsi que la p ninsule du Sina Le Bloc communiste incluant la Pologne blame alors Isra l avec lequel il rompt ses relations 87 Hitlerowska polityka eksterminacji Zydow w latach 1939 1945 jako jeden z przejawow imperialismu niemieckiego Varsovie Zydowski Instytut Historyczny 1953 88 Ten jest z ojczyzny mojej publi chez l diteur catholique Znak 1969 89 Polityka III Rzeszy w okupowanej Polsce publi Varsovie en 1970 77 diplomatiques Le gouvernement de Gomulka n h site pas critiquer les attaques perp tr es par Isra l et va jusqu comparer les m thodes utilis es par ces derniers au nazisme Ces v
59. condamner ces gestes de violence l gard de la population juive est un facteur d terminant du comportement de la population En effet durant les premi res ann es d Occupation il n y a eu que tr s peu de contacts entre le gouvernement en exil d abord Angers puis Londres et la population polonaise Ainsi ce silence permit la population de se d sensibiliser du malheur des Juifs au point de ne plus les reconna tre comme leurs gaux et contribua attiser la haine qu avaient d j certains groupes d antis mites LE GHETTO D s les premiers indices concernant la formation d un ghetto Varsovie les instances juive et polonaise ne s entendent pas Gutman soutient que d entr e de jeu les Polonais craignaient plus pour leur qualit de vie que pour la vie de leurs voisins 95 KAPLAN Chaim A Scrool of Agony cit dans GUTMAN Yisrael Unequal Victims Poles and Jews during World War II Holocaust Librairy New York 1985 p 183 85 L historien tire un exemple concret du journal d Emanuel Ringelblum qui crit a Jewish Polish consultation took place yesterday with Baron Ronikier The latter spoke in opposition to the current practice among some Poles of grabbing as many of the streets in the ghetto as possible It is his view that a common struggle should be waged against the ghetto rather than a war between two peoples Ces affirmations peuvent facilement tre cor
60. d un Polonais qui voyant qu elle est juive lui donne un morceau de 7 s z 45 pain en lui demandant de ne jamais revenir lui avouant qu il craint pour sa propre vie POLONAIS VICTIMES POLONAIS SAUVEURS L AUTRE FACE DE LA MEDAILLE Kaplan souligne en date du 8 mai 1942 que les Polonais subissent d sormais le m me sort que les Juifs en ce qui concerne la perte de leur logement Il crit les Aryens polonais sont oblig s de s arracher des quartiers allemands qu ils habitaient et de trouver un abri en dehors de leurs fronti res Il ne faut pas que les inf rieurs se m lent aux sup rieurs Au d but de la guerre les auteurs sont nombreux souligner que les Polonais souffrent eux aussi des pers cutions allemandes Abraham Lewin crit d ailleurs que le peuple polonais a t purifi par le feu terrible qui a balay la surface de la Terre N oublions pas les Polonais occupent le second rang sur le tableau des pertes tragiques subies par les diverses nations juste derri re les Juifs Chaim Kaplan 45 USC Shoah Fundation Visual History Archives Online testominy of Halina Bartosiak interview code 31545 46 KAPLAN Chaim A Chronique d une agonie Paris dition Calmann L vy 2009 p 396 47 LEWIN Abraham Une coupe de larmes Paris dition Plon 1990 p 149 40 d crit encore mieux les pers cutions que subissent les Polonais Durant l t 1942 juste avant le
61. d montrent que Gutman bien que pouss par un 81 d sir d exorciser le pass demeure avant tout un historien qui travaille avec une rigueur rarement gal e Yisrael Gutman est aussi l auteur de plusieurs ouvrages de r f rences sur l Holocauste en Pologne dont The Jews of Warsaw 1939 1943 1977 Ghetto Underground Revolt The Jews of Poland Between Two World Wars 1989 et Resistance the Warsaw s Ghetto Uprising 1998 LES SOURCES UTILISEES En 1985 plusieurs instituts de recherche sur l Holocauste existent et les sources premi res concernant les relations entre les Juifs et les Polonais sont d sormais nombreuses Ces documents proviennent aussi de milieux tr s diversifi s alors que certains t moignages sont publi s d autres provenant de proc s par exemple sont recueillis dans des centres de recherches tels Yad Vashem De plus les archives gouvernementales et celles des groupes de r sistance L Arm e de l int rieur et Zegota par exemple sont d sormais disponibles L historien isra lien a donc l embarras du choix concernant les sources utiliser Ce qui distingue Gutman des autres historiens de l poque ne r side pas dans la sp cificit des sources mais bien dans l angle particulier qu il donne son travail Comme nous l avons vu plus haut Gutman s int resse une question pr cise celle des relations entre les mouvements de r sistance polonais et juifs Il che
62. d de publier sa th se sous pr texte qu Hilberg met la responsabilit des d portations sur le dos des Judenrat 49 elle a dans l historiographie de l Holocauste principalement dans celle des relations entre les Juifs et les Polonais De plus nous devons noter que la th se d Hilberg bien que d pos e en 1955 ne fut publi e qu en 1961 puis r dit e et traduite en fran ais en 1985 30 ans s parent donc la premi re version de La destruction des Juifs d Europe de la derni re Entre ces deux moments l historien n a jamais cess ses recherches augmentant consid rablement la taille de son uvre Ces trente ann es lui donn rent l occasion d utiliser de nouvelles sources qui permirent de mettre en relief certains l ments sans pour autant alt rer la position id ologique de l auteur Ce chapitre mettra dans un premier temps en lumi re la situation sociopolitique dans laquelle la th se d Hilberg fut crite Nous observerons les premi res r actions des Etats Unis face au sort des Juifs d Europe et regarderons quelle place cette trag die occupe dans l opinion publique et dans le monde acad mique Ce tour d horizon nous permettra de mieux saisir les enjeux mondiaux et am ricains qui expliquent le silence entourant la th se d Hilberg Nous nous attarderons ensuite l opinion que v hicule Hilberg face aux Juifs de Pologne et aux Polonais Puis nous analyserons les sources utilis es par Hil
63. de P ques frappa Varsovie Hartglas remarque que les participants n taient pas connus de la population et qu ils ne les revirent pas apr s les v nements Un autre t moin juif Chaim A Kaplan note dans son journal en f vrier 1940 que no nation lacks for hooligan groups And such as these the occupier has found an outlet has gone and let them understand that Jews are beyond the pale of the law that the authorities would not be overly strict with them if Jews were their victims And for Testimny of A Hartglas and other in Sefer ha Zvaot documents testimonies discussions and calculations concerning the Holocaust against the Jews during World War II vol 1 eds Binyamin Minz and Dr Israel Klausner Jerusalem 1945 cit dans Gutman p 179 84 hooligans a wink is as good as a nod Recently there has been no let up in attacks on Jews perpetrated in broad daylight and on public thoroughfares En utilisant ces t moignages Gutman d montre que la v ritable violence qui existait Varsovie avant la cr ation du ghetto tait rare et tait perp tr e dans la rue par simple antis mitisme Cette haine des Juifs qui existait bien avant la guerre se voyait d cupl e par la campagne antis mite lanc e par les nazis Jamais elle ne provenait des instances gouvernementales polonaises ni des groupes de r sistances Par contre l historien constate que l immobilit du gouvernement polonais qui ne fait rien pour
64. de l insurrection de Varsovie le 1 ao t 1944 la ville cachait 17 000 Juifs qui avaient t aid s par plusieurs groupes tels Zegota ou le Bund au sujet desquels il ne parle pratiquement pas Avec ces donn es tir es de calculs faits partir d autres livres d histoire Gutman Krakowski Hilberg entre autres mais aussi avec les listes incompl tes de Zegota Paulsson en vient la conclusion que les Polonais ont t en majorit passifs ou aidants envers les Juifs Selon l auteur s il n y eut que tr s peu de survivants juifs apr s la guerre 10 de la communaut originelle c est parce que l chec de l insurrection de Varsovie permit aux Allemands de raser la ville et de tuer les Juifs qui taient demeur s cach s 127 PAULSSON Gunnar S Secret City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 83 128 Idem 113 LA TH SE DE PAULSSONET LE PARADOXE DES RELATIONS JUD O POLONAISES Comme nous l avons vu plus haut m me si Paulsson utilise les m mes t moignages que les autres historiens ses conclusions ne correspondent pourtant pas celles de Ringelblum Hilberg et Gutman En effet Paulsson apr s avoir fait le portrait de tous les types de d nonciateurs et de l antis mitisme latent en Pologne durant la guerre en vient la conclusion que la majorit des Polonais se rangeaient du c t des Juifs et que les d nonciateurs ne cherchaient
65. dent de la ville m indiquant que la communaut devra payer pour la d sinfection des maisons juives Cette peur des Juifs attis e par les Nazis se traduit par une r elle animosit entre les Juifs et les Polonais Cette situation m ne bient t d autres conflits concernant les logements dans le ghetto Les t moignages de Czerniakow et de Lewin notamment montrent comment les Polonais tentent d exploiter les Juifs Pourtant Paulsson vite le sujet dans son livre Czerniakow s exprime sur la question des loyers Le pr sident du Judenrat constate en mars 1940 que les propri taires polonais demandent d sormais trois mois d avance aux 119 CZERNIAKOW Adam Carnets du ghetto de Varsovie 6 septembre 1939 23juillet 1942 Paris ditions La D couverte p 45 108 locataires juifs Abraham Lewin quant lui remarque que les Juifs ne sont plus en s curit dans les rues qu ils se font constamment voler ou menacer par des Polonais Il mentionne que l ill galit que pratiquent les pr pos s aux imp ts envers les Juifs du ghetto atteint d s maintenant le pur et simple banditisme J ai entendu dire que les Juifs sont enlev s dans les rues entra n s dans des boutiques fouill s et qu on leur prend tout 121 largent qu ils ont sur eux Notons aussi que le pogrome de P ques v nement marquant du printemps 1940 Varsovie n est nullement mentionn par l historien Pourtan
66. durant l Occupation allemande en Pologne Tel un sc nariste l historien dispose de la parole provenant des sources qu il a choisies afin de les faire dialoguer Il interpr te les sources avec sa subjectivit propre tout comme le t moin crit son journal future source avec la sienne En ce sens l historien et le t moin se partagent l histoire La relation entre le t moin via son journal ou son t moignage et l historien est centrale dans la th se en question L historien Nicolas Offensdadt dans un article consacr la question des t moins de l histoire va m me jusqu dire qu il s agit d une 12 HARTOG Fran ois R gime d historicit Paris ditions du Seuil 2003 p 129 15 co criture puisque l historien en mettant plusieurs t moignages journaux en relief Fr Aa AE 13 7 x red finit ou pr cise les v nements Cette derni re proposition soul ve l une des questions centrales de cette th se mais aussi de toute criture historique comment en effet crire la v rit si nous interpr tons les sources qui elles m mes sont une interpr tation des v nements N y a t il pas quelque chose d minemment politique dans le fait d interpr ter ce que d autres historiens ont pr alablement tabli L historien Fran ois Hartog crit Il reste classer parmi les usages politiques du pass ceux qui rel vent de la simple position de l historien dans le temps
67. e Zegota et les rapports que le groupe a entretenus avec le gouvernement en exil a Londres il omet pourtant de sp cifier un l ment important qui permet de mieux saisir pourquoi l aide aux Juifs s est faite si tardivement Dans sa lettre intitul e Protest crite en ao t 1942 l une des fondatrices du groupe Zegota Zofia Kossak nomme les raisons qui les poussent son groupe et elle finalement agir et aider les Juifs survivre au national socialisme Elle confirme les crits de Gutman en avouant que si l aide s est fait attendre c est avant tout parce que l antis mitisme polonais tait tr s pr sent au sein du gouvernement Elle souligne de plus tre elle m me antis mite Elle crit Let us Polish Catholics wake up Our feelings toward the Jews have not changed We still consider them to be the political economic and ideological enemies of Poland Still being aware of these sentiments does not exonerate us from the duty of condemning crime ll Il est plus facile de comprendre ainsi pourquoi l aide telle qu offerte par Zegota prit du temps a se mettre en place Si certains catholiques consid raient les Juifs comme les ennemis de leur patrie pourquoi les aider Il a fallu que les Nazis aillent a 109 Un appel aux groupes de r sistance polonais et au gouvernement en exil a Londres 110 KOSSAK Zofiia Protest in Poles Jews 1939 1945 ed by Andrzej K Kunert Rada Ochro
68. e les Polonais aident les Juifs l ext rieur du ghetto en les cachant et en leur venant en aide de diverses mani res Nous pouvons constater la lumi re de ces r cits qu il y a certaines diff rences de perception concernant les relations entre les Juifs et les Polonais Kaplan et Lewin qui ne quittent point l enceinte du ghetto semblent d abord voir les Polonais comme des profiteurs Au d but de la guerre ils constatent que leurs voisins catholiques sont pr ts bien des choses pour s enrichir et que le sort des Juifs leur est compl tement indiff rent Pourtant durant les rafles de l t 1942 les deux observateurs semblent voir que leurs pers cuteurs sont aussi victimes du r gime hitl rien Hinda Malachi contrairement Hania Bartosiak ne per oit que le c t voleur des Polonais m me en sachant que certains d entre eux cachent des Juifs sous leur toit Nous pouvons donc tirer plusieurs conclusions de ces constats Premi rement l endroit a partir duquel l criture lieu est d terminant dans l opinion que se font les Juifs des Polonais catholiques Nous avons remarqu que les Juifs cach s l int rieur du ghetto ne connaissaient pas la r alit des organisations de d nonciateurs qui s vissaient 53 KAPLAN Chaim Chronique d une agonie Paris ditions Calmann L vy 2009 p 448 43 pourtant partout en Pologne Kaplan et Lewin ne font r f rence qu des v nements
69. e moiti du XX si cle la science historique et ses m thodes ont t fortement remises en question L arriv e des nouveaux courants de pens e tels que les cultural studies et le linguistic turn qui nonce que tout travail intellectuel ne peut avoir lieu sans une analyse pr alable du discours remet en question les fondements des sciences humaines et parmi elles de la science historique Dans le cadre d une recherche historique le discours de l historien est consid r aussi important que le discours v hicul par les sources utilis es Selon cette rh torique comme l historien travaille sur des textes et que la r alit analys e n est accessible que par la m diation du langage il est postul qu il n appr hende en fait que la repr sentation discursive de cette r alit Ces th ories qui s appuient sur les travaux poststructuralistes de Jacques Derrida et de Michel Foucault viennent affirmer l impossibilit pour l histoire d tre objective et vraie Elles affirment que l histoire comme la philosophie d pend d un code de langage pr tabli Elles remettent ainsi en question les th ories de l cole m thodique initi es par Charles Victor Langlois et Charles Seignbos et leur d sir de rendre l histoire l impartialit et la justesse des sciences pures Afin de rem dier la situation et de rendre la science historique aussi juste que possible les historiens ont d d finir de nouvea
70. ec la population elle m me Sa perception peut donc tre tronqu e Il faut attendre l ann e 1942 pour que les auteurs per oivent de fa on diff rente les Polonais catholiques Pour la premi re fois depuis le d but de la guerre Abraham Lewin observe une Polonaise dans la rue lors des d portations de l t Il crit que la femme s effondre apr s avoir vu un gendarme tuer un enfant juif et prie pour qu on retourne l p e contre les bourreaux De la m me fa on et plusieurs reprises Chaim A Kaplan voit des Polonais agir de la sorte devant les massacres orchestr s par les nazis Avec les ann es qui passent les auteurs juifs remarquent aussi l aide que les Polonais apportent aux Juifs ainsi que les risques qu ils courent en leur venant en aide En 1942 Kaplan fait une s rie de constatations Chaque jour de jeunes Polonais sont conduits 51 CZERNIAKOW Adam Carnet du ghetto de Varsovie Paris dition La D couverte 2003 p 45 52 bid p 125 42 dans le ghetto dans des voitures militaires et abattus en plein jour sous les yeux de milliers de passants Selon l auteur ces jeunes Polonais sont probablement des contrebandiers qui apportent de la nourriture et des armes aux Juifs Il souligne d ailleurs que la contrebande oblige les Polonais et les Juifs travailler de concert Kaplan avec les ann es per oit de plus en plus la bont polonaise En plus de la contrebande il constate qu
71. ent 90 de la population juive de Pologne Dans le dessein nazi ce g nocide avait pour but d an antir le peuple d Isra l mais aussi de l vincer de l histoire contemporaine par la destruction massive de ses biens puis par l limination des preuves du g nocide C est pr cis ment pour viter ce sort que de nombreux Juifs ont d cid de conserver les traces de cette poque en tenant des journaux qui ont dans certains cas miraculeusement surv cu au National socialisme titre d exemple prenons l historien et militant juif Simon Dubnov qui fut enferm dans le ghetto de Riga en 1941 Devinant rapidement le dessein nazi Dubnov ne cessa de dire aux habitants du ghetto Jidn schreibt und verschreibt en yiddish Juifs crivez et consignez C est entre autres gr ce aux initiatives comme celle de Dubnov et aux t moignages qui en d coul rent que nous pouvons aujourd hui comprendre l ampleur des pers cutions juives qui men rent leur extermination Ces crits mettent aussi en lumi re tout un pan de l histoire que nous ignorions savoir les relations que les Juifs entretenaient avec les autres t moins Celles entretenues avec les Polonais catholiques font l objet de la pr sente recherche Pendant les six ann es que dura l Occupation allemande en Pologne les Juifs durent transiger avec leurs voisins qui d une fa on ou d une autre regardaient le massacre se pr parer Lorsque n
72. ent mon amie Isabelle Bujold pour la lecture et les corrections mais surtout pour son inestimable et pr cieuse amiti Merci a Isabelle et C dric pour tout leur soutien Je suis chanceuse d tre si bien entour e Merci a Andr e Anne amie attentionn e et toujours pr sente pour moi ainsi qu a ma famille pour son coute attentive et son soutien Finalement merci a Francois d avoir cout mes angoisses de r daction principalement d avoir lu et relu d avoir comment sans g ne et de s tre int ress aussi ce sujet qui me passionne TABLE DES MATI RES R SUM SR RM ad PA en cd AN Ate p i REMERCIEMENTS 2ccsancesvas cre artnet EE rants p iii TABLES DES MATI RES SR ith Sie oleate hth Sie ee p iv INFRODUCTION ee SSSR bs titania sta A ae en nn p l CHAPITRE I Cadre historiographique et m thodologique p 8 IES SOUICES e aae E A AE nana eee One wees eee p 12 Wie IMO Gan eoun garna Ac ne Aueectlar ace p 16 CHAPITRE II Emanuel Ringelblum 1943 1944 crire l histoire du temps pr sent 19431944 nn sa taut et nn es p 20 CHAPITRE III Raul Hilberg 1952 1985 Le choix des sources et la d termination istorigue LOS 221 OSD yeas en sn rene a een Bees p 46 CHAPITRE IV Yisrael Gutman 1986 Le gouvernement polonais en exil au service de quelle r sistance Pan indie a nd re takes An Satis p 71 CHAPITRE V Gunnar S Paulsson 2001 Changement de cap et critiques
73. entrevoir la nature des relations entre les Juifs et les Polonais Lorsque nous regardons le chapitre sur la concentration nous constatons qu Hilberg s est d tach quelque peu des sources primaires allemandes afin de compl ter les informations qu il avait d j avec de nouveaux documents L historien ajoute la description des rouages de la concentration et de la ghetto sation des l ments tir s de sources juives polonaises et de sources historiques secondaires Hilberg utilise notamment les notes sur le Ghetto de Varsovie d Emanuel Ringelblum ainsi que les Carnets d Adam Czerniakow Ces deux sources crites lors des v nements furent retrouv es apr s la guerre Rappelons que les notes d Emanuel Ringelblum furent enterr es avec les archives de Oneg Shabbat et donc retrouv es sur les lieux de l ancien Ghetto de Varsovie en 1946 et en 1950 Notons aussi que les Carnets de Czerniakow disparurent apr s son suicide le 24 juillet 1942 et furent transmis l institut Yad Vashem 70 Ibid p 387 61 en 1964 La premi re publication s est faite en 1979 et fut pr fac e par Raul Hilberg lui m me Ces deux sources prises individuellement expliquent bien la vie dans le ghetto Elles t moignent des v nements de la menace nazie mais aussi des relations entre les Juifs et les Polonais Malgr ces informations Hilberg ne d roge pas de sa ligne de conduite et s en tient la dualit Nazis Juifs
74. erre mondiale a caus en Pologne la mort de 3 millions de Juifs et plus d un million de Polonais catholiques En deuxi me lieu cette historiographie rejette la question de l antis mitisme polonais en venant l gitimer les faits et gestes des Polonais catholiques envers leurs voisins juifs d nonciations pillages meurtres etc par l explication de l instinct de survie Gunnar S Paulsson est n au Canada d une m re d origine su doise et d un p re juif polonais survivante du ghetto de Varsovie Il fait ses tudes l Universit d Oxford o il obtient en 1998 un doctorat en histoire En plus de donner r guli rement des s minaires au Oxford Centre for Hebrew and Jewish Studies il prend la position d historien senior de Holocaust Exhibition Project Office l Imperial War Museum a Londres Secret City est acclam partout dans le monde anglo saxon et vaut son auteur 104 de nombreux prix Le Biennial Polish Studies Association lui remet notamment en 2004 le prix Best first book in English on any aspect of Polish affairs published in the past two years SOURCES UTILISEES Paulsson utilise beaucoup de sources personnelles tir es de journaux intimes ou de t moignages enregistr s dans les archives officielles et presque aucune archive provenant des instances polonaises Contrairement Ringelblum Hilberg et Gutman Paulsson affirme avoir utilis plus de sources provenant de tiers temoins
75. es revers qu il v cut en cons quence Hilberg ne d roge jamais de sa voie et continue faire de l histoire qu il nomme scientifique Hilberg voit l extermination des Juifs d Europe 73 Ibid p 942 74 Notons que l institut Yad Vashem a depuis retir cette interdiction 65 comme un combat entre deux instances les Nazis bourreaux arm s d une bureaucratie sans faille et les Juifs victimes impuissantes qui se laissent engloutir Bien que l historien ne consacre pas sa recherche aux relations entre les Juifs et les Polonais nous constatons qu une tendance se dessine travers son uvre r affirm e dans la derni re dition Dans cette version l historien consacre quelques centaines de pages aux r flexions qu il eut durant toutes ses ann es de recherche Hilberg y semble plus enclin voir l histoire des Juifs d Europe incluse dans une histoire plus grande celle des habitants aryens En usant d crits d autres historiens notamment Filip Friedman et Jan Thomas Gross pour ne nommer qu eux il tente de comprendre les relations qu avaient les Juifs et les Polonais avant la guerre afin de consid rer diff remment l Holocauste en Pologne Il explique que les Juifs avaient des activit s urbaines en ville mais aussi dans les bourgs et les villages Dans les grandes villes cependant les Juifs et les Gentils pratiquaient des activit s conomiques diff rentes En Pologne plus de la moiti de
76. es Juifs et les Polonais afin de les manipuler plus facilement En date du 11 mars 1941 Kaplan note qu apr s le meurtre d un Nazi par un Polonais toute la ville est tenue responsable et que le couvre feu est ramen 20 heures pour les aryens comme pour les habitants du ghetto Les Nazis ont 116 Idem 117 Lorsque les murs furent tous rig s 118 KAPLAN Chaim A Chronique d une agonie Paris Editions Calmann L vy 2009 p 302 107 alors puni les deux communaut s pour le crime d un seul individu augmentant ainsi les tensions dans la ville Un ph nom ne semblable que Paulsson ne mentionne pourtant pas se d roule durant les ann es de formation du ghetto Comme nous l avons soulign l ensemble de la ville est boulevers par la cr ation du quartier juif en raison des nombreux d m nagements Plusieurs des sources utilis es par l historien soulignent ce ph nom ne sans que lui en parle pour autant Beaucoup de Polonais ne voulaient pas d m nager dans une maison ayant appartenu des Juifs par peur de contracter des maladies videmment cette peur n tait pas justifi e et provenait de la campagne antijuive men e par les Nazis depuis le d but de l Occupation C est ainsi que la municialit d cida de faire d sinfecter ces anciennes r sidences juives Adam Czerniakow pr sident du Judenrat de Varsovie note dans ses carnets en date du 5 f vrier 1940 J ai re u une lettre du pr si
77. es rescap s sa seconde autobiographie le ph nom ne historique de d cantation un processus souhaitable et normal gr ce auquel les faits historiques n acqui rent leur clair obscur et leur perspective qu au terme de quelques 61 Primo Levi est un chimiste juif d origine italienne n en 1919 Turin Il fut d port au camp d Auschwitz en 1944 Apr s la lib ration du camp il d bute le r cit de son exp rience qui sera publi sous le nom de Si c est une homme publi en 1947 suivi une quarantaine d ann es plus tard des Naufrag s et des rescap s 1986 56 r 62 r x d cennies suivant leur conclusion L uvre d Hilberg crite dix ans seulement apr s la fin de la guerre ne laisse donc pas place la compr hension des v nements LES JUIFS ET LES POLONAIS SELON RAUL HILBERG Quarante ans apr s la soutenance de sa th se Hilberg explique pourquoi lors de la r daction il prit le chemin que nous connaissons Il explique J avais d cid de m int resser aux ex cuteurs allemands La destruction des Juifs tait une r alit allemande Elle avait t mise en uvre dans les bureaux allemands dans une culture allemande Je voulais comprendre comment Cette constatation claire les choix de l historien Comme il entreprend ses recherches dans les ann es 1950 Hilberg ne peut voir l Holocauste autrement que comme l extermination d un peuple par un autre Cette dualit
78. et en Europe de nouvelles coles de pens e en sciences sociales L avocat Benjamin Mendelsohn Isra lien d origine roumaine d veloppe une th orie qui viendra changer la face de la criminologie et du droit Il propose une nouvelle approche de la criminologie ax e sur la victime jusqu alors laiss e de c t Il cherche comprendre le rapport entre l auteur d une infraction et la victime afin de voir s il est possible de pr venir les agressions Selon Mendelsohn il y a un rapport troit entre le comportement de la victime et le d clenchement de l acte criminel L avocat propose cinq groupes de victimes potentielles allant de la victime innocente la victime coupable Il sugg re ainsi 52 que certains traits comme l ge le sexe la religion l apparence etc accentuent les chances de devenir une victime potentielle Cette th orie qui arrive 10 ans apr s la fin de la Seconde Guerre mondiale co ncide avec d autres modes de pens e concernant notamment les victimes et les survivants de l Holocauste Selon le criminologue Jean Michel Chaumont les victimes de l Holocauste subirent en effet un processus de victimisation secondaire analogue ceux qu on observe aupr s d autres cat gories de victimes telles les victimes de viol Dans l imm diate apr s guerre pour tenter de comprendre comment six millions d hommes sont morts aux mains des Nazis on reprit les th ories de Me
79. f rentes sur les relations entre les Juifs et les Polonais Cette mise distance des deux uvres historiques montre l volution de l histoire des relations entre les Juifs et les Polonais depuis la Seconde Guerre mondiale Elle permet de comprendre les diff rentes probl matiques qui men rent d une criture une autre et aussi de voir que ces deux fa ons de faire de l histoire sont compl mentaires et non dichotomiques TITRE DE CONCLUSION Nous pouvons tirer plusieurs conclusions de l analyse de l uvre d Yisrael Gutman Premi rement Gutman crit en r action aux discours polonais en 1985 Rappelons que la Pologne tente de se d culpabiliser de la mort de trois millions de Juifs en affirmant que ces derniers se sont laiss mener l abattoir comme des moutons Notons aussi que les Polonais nient toute participation quelle qu elle soit l extermination des Juifs de Pologne En second lieu nous comprenons que Gutman souhaite mettre jour les jeux de pouvoir des groupes de r sistance afin d expliquer les r actions des citoyens polonais 96 Gutman ne cherche pas d crire des exp riences personnelles mais bien montrer comment les instances officielles avaient de l influence sur la population Selon l auteur les citoyens Juifs et Polonais d pendaient avant tout de ces instances officielles L historien ne voit pas la population comme un regroupement d individus libre de pe
80. fin de retrouver les Juifs cach s du c t aryen de la ville Hilberg crit que les Polonais ne semblent avoir aid les Allemands dans leur entreprise que dans quelques cas isol s Il tire cette conclusion du Rapport de la direction de l armement de Varsovie pour la p riode allant du 1 janvier au 31 mars 1944 Hilberg tire donc des documents nazis l information sur les lois r gissant l implication d autres acteurs dans le processus d extermination des Juifs de Pologne Pourtant aucun exemple de Polonais n ayant pas respect la loi ou de cas de d nonciation de la part d un catholique n est inscrit dans la th se de l historien La p riode couverte par Hilberg semble s arr te apr s l insurrection du Ghetto de Varsovie au printemps 1943 alors que beaucoup de Juifs taient cach s du c t aryen de la ville et partout ailleurs en Pologne d pendant de la bonne ou de la mauvaise volont de Polonais catholiques LES D PORTATIONS DANS LA VERSION FINALE Avec le recul et les nouvelles sources disponibles Hilberg se permet de pr ciser certaines choses Lors de la premi re dition de son texte il avait not qu apr s l insurrection du Ghetto de Varsovie les Allemands firent appel aux civils polonais pour traquer les Juifs cach s Il pr cisait qu un petit nombre de Polonais avait particip la chasse Pourtant dans la version d finitive du texte il pr cise que 64 des bandes de Polonais
81. he still more notorious Kielce pogrom of 1946 The police in the capital may however have been of a higher standard that was to be found in the province 7 Paulsson reconna t l implication de la police dans les pogromes d avant et d apr s la guerre et ainsi constate l implication de cette derni re dans la collaboration nazie en Pologne L historien note que les d nonciations du c t aryen se faisaient gr ce certaines techniques de reconnaissance des caract ristiques physiques des Juifs Paulsson reprend pour illustrer son propos les d finitions propos es par Emanuel Ringelblum Comme le soulevait ce dernier il y a deux types de Juifs cach s du cot aryen de la capitale ceux qui vivent sous et ceux qui vivent la surface de la Terre Les Juifs de la premi re cat gorie sont ceux qui en raison de leur apparence physique trop juive devaient demeurer cach s et ne pouvaient donc pas participer la vie collective Paulsson cite Ringelblum ce sujet Only individuals with so called good that is aryan appearence can survive on the surface In the Ghetto studies were carried out in order to establish by what features a Jew or a Jewness can be recognized The result of the studies these incessant discussions in the Ghetto were as follows a Jew can be recognized by his nose hair and eyes Il s agissait videmment du nez pro minent et aquilin et des cheveux boucl
82. hives pour l avenir Sociologie et soci t vol 29 no2 1997 p 11 19 MARK B l insurrection du Ghetto de Varsovie dans Le livre noir sur l extermination sc l rate des juifs par les envahisseurs fascistes allemands dans les r gions provisoirement occup es de l URSS et dans les camps d extermination en Pologne durant la guerre de 1941 1945 texte et t moignages r unis par Ilya Ehrenbourg et Vassili Groosman Paris dition Solin 1995 p 1006 1028 SZAYNOK Bozena M moire de l insurrection du ghetto de Varsovie dans WIEVIORKA Annette et Jean Charles Szurek Juifs Polonais 1939 2008 Paris ditions Albin Michel 2009 pages 413 433 130 TUDES G N RALES SUR L HISTORIOGRAPHIE HARTOG Fran ois R gimes d historicit pr sentisme et exp rience du temps Paris dition du Seuil 2003 257 pages POPPER Karl The Poverty of Historicism New York Rutledge Classics 2002 156 pages RICOEUR Paul Histoire et v rit Paris ditions du Seuil 1955 363 pages RICOEUR Paul La m moire l histoire l oubli Paris ditions du Seuil 2003 699 pages TODOROV Tzvetan M moire du mal tentation du bien Enqu te sur le si cle Paris ditions Robert Laffont 2000 355 pages TRAVERSO Enzo L Histoire d chir e Paris Edition du cerf 1997 139 pages TRAVERSO Enzo Le pass modes d emploi histoire m moire politique Paris Edition La Fabrique 2005 136 pages TRAVERSO En
83. i offrir son aide ce que les Juifs auraient refus Le ZOB quant lui affirme qu il a contact PAK pour de l aide notamment l obtention d armes plusieurs mois auparavant mais qu aucune r ponse n a t re ue avant les rafles de l t 1942 Malgr ces rafles qui vid rent le ghetto de 85 de sa population juive ce n est qu en septembre de la m me ann e que le contact se fait officiellement entre les 100 BOR KOMOROWSKI Tadeusz The Secret Army New York 1951 88 mouvements de r sistance du ghetto et ceux des Polonais catholiques En octobre et novembre 1942 l attitude qu ont les Polonais par rapport aux Juifs change l indiff rence qui r gnait jusqu pr sent se transforme autant chez les simples citoyens que dans les groupes de r sistances et qu au gouvernement en exil Gutman soutient que here and there individual Poles were sufficiently moved by the unprecedented horror of the atrocities being committed against the Jews to take action on their behalf despite the hazards they faced in doing so Such were the motives of the men and women who founded Zegota as a consequence both the Government in exile in London and the underground leadership in Poland were beginning to realize they would have to take affirmative action of some sort to assist Jews Si Zegota tait d termin a aider les Juifs co te que co te il n en allait pas de m me pour les groupes de r sistance
84. ien du ghetto de Varsovie accomplit cet exploit en crivant en 1943 et 1944 un ouvrage sur les relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande Terr du c t aryen de la capitale polonaise Ringelblum d crit avec pr cision et une objectivit quasi irr prochable comment voluent ces relations Ce second chapitre est consacr l historien et aux m thodes utilis es pour d crire les relations entre les Juifs et les Polonais D abord nous nous int resserons aux conditions socio conomiques et politiques de la Pologne dans laquelle volue Emmanuel Ringelblum avant et durant la Seconde Guerre mondiale Nous analyserons ensuite l thos de l auteur son v cu d homme et d historien ainsi que l historiographie dans laquelle son travail s inscrit Afin de comprendre d o l historien tire ses conclusions 16 RINGELBLUM Emmanuel Polish Jewish Relations During the Second World War New York Northwestern University Press 1986 376 pages 21 nous consacrerons la deuxi me partie aux sources utilis es par Ringelblum Nous examinerons le contenu de ces documents et les conclusions qu en tire Ringelblum En dernier lieu nous nous attarderons sur les sources personnelles lettres et correspondances t moignant des m mes v nements Afin d attester les faits rapport s par l historien nous ferons un travail de comparaison entre ce que Ringelblum d crit dans son essai et qua
85. ient largement aux interactions et transactions n cessaires Parce qu Hilberg regarde l Holocauste du point de vue allemand dualit bourreaux victimes pour expliquer la mort de six millions de Juifs il semble oublier ou ne pas voir que certains d entre ceux qu il appelle spectateurs ont contribu aux massacres Malgr les quarante ans qui s parent le d but de l criture de La destruction des Juifs d Europe et ces r flexions de 1985 Hilberg conserve cette vision binaire de l Holocauste Il voit des meurtriers allemands et des victimes juives Il ne voit pas les autres postures adopt es l poque savoir les r sistants non juifs les pilleurs et m me 82 HILBERG Raul La destruction des Juifs d Europe Paris ditions Folio Histoire 2006 p 1938 83 bid p 1932 69 les autres victimes du nazisme Notons au passage que si la Pologne a perdu 3 millions de Juifs elle a aussi perdu 2 millions de Polonais catholiques CONCLUSION Nous pouvons conclure que le travail de Raul Hilberg en fut un de ma tre en ce qui a trait aux rouages de l extermination des Juifs d Europe Non seulement il d mystifie les processus d expulsion de concentration et d extermination mais il cr e un document si complet sur la machine nazie qu il est devenu une r f rence internationale Hilberg a puis les recherches possibles faire sur les relations entre les Allemands et leurs victimes ainsi que
86. ing received a large sum of money simply turned the child out into the street There were even worst cases where the protectors turned Jewish children over to the uniformed police or the Germans who send them back to the Ghetto while it was still in existence Plusieurs cas de ce genre sont mentionn s par l auteur Ringelblum consacre son dernier chapitre aux Polonais secoureurs M me s il consid re que la majorit des Polonais appartiennent la cat gorie des indiff rents des d nonciateurs ou des pilleurs l historien est bien conscient que si lui et d autres Juifs peuvent survivre du c t aryen de la capitale polonaise c est gr ce la bonne volont des Polonais catholiques qui acceptent de les cacher Ces Polonais qui risquent leur vie ainsi que celle de leur famille sont qualifi s d id alistes par Ringelblum L historien donne 36 Ibid p 143 34 l exemple de la famille responsable de la cachette Krysia o lui m me se terre Il souligne Mrs M is a real mother for Krysia She takes care of its residents arranges a thousand and one matters for them and keeps up their contacts Whenever she comes to the hide out she has good words for everyone a gentle smile Il donne aussi l exemple de M K qui sans rien demander en retour finance la protection des Juifs du ghetto Ainsi Ringelblum remarque trois types particuliers d altruistes ceux qui donnent un toit aux Juifs
87. inted the palm of her hand We were done for And you re a Jewess too he added looking at me Only smarter 6 En plus de l apparence et de la connaissance du catholicisme les d nonciateurs taient aussi attentifs l accent des personnes arr t es Paulsson souligne que de nombreux Juifs ne parlaient pas parfaitement le polonais et taient facilement reconnaissables par leur accent et leur pi tre ma trise de la langue En plus de d montrer le fonctionnement des d nonciations du c t aryen Paulsson met bien videmment l accent sur l aide faite aux Juifs En reprenant les journaux de Ringelblum et de Lewin l historien se penche sur les difficult s rencontr es par les Juifs pour trouver un refuge Paulsson souligne que Our perceptions have 126 PAULSSON Gunnar S Secret City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 106 112 hitherto been shaped by those of the ghetto fighters and others activists who believed escape to be very difficult if not impossible Ringelblum like Lewin believed that it was possible only for the rich Paulsson d fend cette id e en affirmant qu il tait tout de m me facile de traverser le mur et de trouver refuge du c t aryen de la ville puisque selon l auteur 10 000 Juifs l avaient fait entre le 12 septembre 1942 et le 18 avril 1943 8 L historien calcule m me qu la veille
88. is Nous tudierons ensuite l angle qu il choisit d exploiter ainsi que les sources utilis es pour justifier ses propos En dernier lieu nous situerons l uvre de Paulsson dans son contexte historiographique et d crirons ce que d autres historiens qui travaillent la question des relations entre les Juifs et les Polonais en ont dit Une attention particuli re sera port e aux critiques qu a re ues Paulsson et leurs motifs DOXA HISTORIQUE Depuis le milieu des ann es 1980 les cr ations culturelles d crivant les ann es de guerre en Pologne et par le fait m me les relations entre les Juifs et les Polonais se multiplient En 1985 le cin aste fran ais Claude Lanzmann diffuse son documentaire de neuf heures intitul Shoah ravivant en outre les vieilles querelles entre Juifs et Polonais Le documentaire pr sente une s rie d entrevues men es aupr s de t moins et de 100 survivants de l Holocauste partout en Europe Il va de soi que l angle polonais n est pas trait en priorit par le cin aste mais que de nombreuses s quences se d roulent en sol polonais o le r alisateur cherche rencontrer des habitants qui ont vu par exemple les trains bond s se diriger vers les camps de la mort Lanzmann retrouve m me le conducteur du train qui emportait les Juifs de Varsovie vers le camp d extermination de Treblinka afin de l interroger sur ce qu il pensait de son ancien travail De nombreux autres t
89. istoire marquer ses sutures interroger ses lacunes Les ouvrages historiques sur les relations entre les Juifs et les Polonais sont donc dans l impossibilit m me de pr senter un objet lisse poli et doivent donc reprendre sans cesse la question du pourquoi Cet appel au pourquoi s inscrit entre histoire et m moire dans la formation d une conscience historique et d un sujet critique par lesquels pourra se poursuivre par le perp tuel travail de recherche et de renouvellement la qu te de la v rit 127 BIBLIOGRAPHIE SOURCES BOROWSKI Tadeusz Le monde de pierre Paris Christian Bourgeois diteur 1992 390 pages BORWICZ Michel L insurrection du ghetto de Varsovie Paris CZERNIAKOW Adam Carnets du ghetto de Varsovie Paris Editions La d couverte 2003 282 pages EDELMAN Marek M moires du ghetto de Varsovie Paris Editions Liana Levi 1999 123 pages GRADOWSKI Zalmen Au c ur de l enfer Paris Editions Kim collection Texto 2001 239 pages KAPLAN A Chaim Chronique d une agonie Paris Editions Calmann L vy 2009 472 pages LASNER Rutka Le journal de Rutka Paris Editions Robert Laffont 2008 118 pages LEWIN Abraham Journal du ghetto de Varsovie Une coupe de larmes Paris Editions Plon 1990 303 pages MALACHI Hinda Hinda and Chanina Malachi diary in Journal of the Polish Center for Holocaust Research 2008 p 210 to 234 MILCH Baruch Can heaven be void Yad V
90. istorien d montre que les actions pos es et les d cisions prises par les citoyens polonais et par les groupes de r sistance d pendaient directement des initiatives avanc es par le gouvernement en exil Londres Ainsi l inaction du gouvernement face aux sorts des Juifs aurait t l une des raisons menant l apathie des Polonais catholiques 72 Ce chapitre sera consacr uniquement Yisrael Gutman Nous consid rons que Vhistorien par langle qu il utilise apporte une connaissance nouvelle des relations entre les Juifs et les Polonais Si les r flexions sur les relations entre les victimes juives et leurs voisins avaient d j t pos es de fa on plus superficielle depuis la fin de la guerre elles trouvent dans l uvre de Gutman un souffle nouveau Rappelons que l uvre hybride de Ringelblum avait soulev la question des relations entre Juifs et Polonais dans la capitale et particuli rement des groupes de Smalkownicy voir le chapitre II sur Emanuel Ringelblum Notons aussi qu Hilberg sans s int resser directement a la question reconnaissait que certains Polonais avaient profit du sort des Juifs pour s enrichir Gutman apporte un regard diff rent sur la question en la traitant d un point de vue politique et administratif et en ayant acc s de nombreuses sources demeur es jusque l inexplor es En effet questionner l impact du gouvernement sur la r ussite ou l chec des groupes de r sista
91. istorique avec des outils 6 HARTOG Fran ois R gime d historicit Paris ditions du Seuil 2003 p 54 10 contemporains et sans cesse renouvel s coles de pens es sources etc L histoire a d montr plusieurs reprises que le temps qui passe modifie la mani re de voir et de faire de l histoire Reprenant Lucien Febvre et Marc Bloch fondateurs de l cole des Annales sur l indispensable souci du pr sent Hartog souligne qu ils placent le travail de l historien sous le signe d un double mouvement du pass vers le pr sent et du pr sent vers le pass afin de justifier l histoire L historien qui cherche comprendre la nature des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande pose donc une question qui lui est contemporaine parce qu influenc e par les conditions sociopolitiques et par la doxa historique qui l entoure L historien contemporain pose la question de la nature de ces relations puisqu aujourd hui nous consid rons que l Holocauste ne peut plus tre une histoire binaire concernant les victimes juives face aux pers cuteurs nazis Il n en va pas de m me pour les historiens s tant pench s sur l Holocauste en Pologne dans les ann es 1960 Le bagage de l historien n est donc pas seulement constitu des sources repr sentant le pass ni de la s lection de ces sources qu il accomplit mais bien de mat riaux amass s ici et l
92. ith 8708 rounds this did not include 200 containers of arms and munitions dropped from Britain in the period August 1 1942 to April 30 1943 L Arm e de l int rieure trompe donc le gouvernement en exil Londres afin de conserver la majorit des armes pour elle Il faut souligner que l AK ment aussi parce qu elle craint que les Juifs soient alli s avec les communistes Ils attendent donc d tre certains de leur all geance avant de planifier la r bellion Lors de la deuxi me aktion Varsovie en janvier 1943 les Juifs qui avaient surv cu aux rafles de l t pr c dent r sistent videmment la r sistance est un chec et les Allemands prennent rapidement le dessus En date du 28 janvier 1943 le journal clandestin de l AK Biuletyn Informacyjny crit the courageous resistance of the Jews who during the most anguished moments of the Jewish experience never lost their sense of honour arouses admiration and is a luminous chapter in the history of Polish Jewry Il faut pourtant attendre le mois de mai 1943 et donc les derniers moments de l Insurrection juive pour que le gouvernement en exil demande son peuple de se soulever et d aider les Juifs de la capitale En date du 5 mai le g n ral Sikorski s adresse 103 Polskie Sily Zbrojne en polonais Il s agit de l ensemble des unit s des forces arm es polonaises qui combattirent aux c t s des Alli s contre l Allemagne nazie
93. lations jud o polonaises 4 Gr ce cette d mocratie r cemment implant e les historiens ont maintenant la chance de travailler avec tous les registres civils et juridiques de Pologne qui avaient t ferm s lors de la longue p riode communiste 113 SZUREK Jean Charles Entre histoire et m moire quelles figures du t moin polonais dans WIEVIORKA Annette et Jean Charles Szurek Juifs et Polonais 1939 2008 Paris dition Albin Michel 2009 p 510 114 bid p 511 102 Le premier pas vers une histoire quilibr e des relations entre les Juifs et les Polonais est d sormais tabli Gr ce ces changements l historiographie de l Holocauste conna t un renouveau au d but du XXT si cle En 2000 l historien polono am ricain Jan Thomasz Gross publie Neighbors qui fut publi en neuf langues dont en fran ais sous le titre Les voisins qui fait l effet d une bombe Cet ouvrage retrace le massacre de 1600 Juifs de la ville de Jedwabne bourgade situ e moins de 200 km au nord est de Varsovie qui furent tortur s et br l s vifs dans une grange par leurs concitoyens polonais catholiques en juillet 1941 Ce massacre fut longtemps attribu aux Nazis mais le livre de Gross vient affirmer le contraire semant au passage un vent de panique dans la communaut polonaise Une commission d enqu te est form e afin de mettre en lumi re les v nements de Jedwabne Men e par l Institut de la m moire n
94. le dans l arm e am ricaine et est envoy en Europe L ann e suivante il est dans le premier bataillon consign Berlin Comme il parle allemand il est responsable d interroger les dignitaires nazis On lui donne aussi la responsabilit de fouiller les premiers documents officiels trouv s sur place ainsi que les soixante caisses de la biblioth que personnelle d Adolf Hitler De retour aux tats Unis Hilberg s inscrit l universit En 1952 il entreprend une th se de doctorat l Universit Columbia de New York portant sur les rouages de la machine allemande durant ce qu il appellera plus tard la destruction des Juifs d Europe UNE GUERRE PERSONNELLE DE TRENTE ANS La destruction des Juifs d Europe de Raul Hilberg est sans aucun doute un des livres les plus connus sur l Holocauste encore aujourd hui Pourtant si le livre se retrouve dans toutes les bibliographies portant de pr s ou de loin sur l extermination des Juifs d Europe il n en fut pas toujours le cas Malgr les f licitations du jury la th se d Hilberg ne trouve pas d diteur aux tats Unis L Holocauste ne semble pas int resser 54 les Am ricains D s l obtention de son doctorat l universit Columbia tente une approche avec Oklahoma University Press qui accepte de publier le manuscrit seulement si l auteur retire le passage qui condamne le Vatican Hilberg soutient en effet que l glise catholique avait l
95. llemande s est construite sur plus d un demi si cle Pour comprendre comment les historiens l tude Ringelblum Hilberg Gutman et Paulsson ont construit cette histoire nous avons d faire quelques constats que les sources disponibles en qualit et en quantit que l endroit et le moment pendant lequel la r daction a eu lieu modifiaient beaucoup la compr hension des v nements et la fa on de les expliquer En effet les historiens Emanuel Ringelblum et Raul Hilberg qui crivent durant et dans l apr s guerre imm diate travaillent avec beaucoup moins de documentation que les historiens qui leur succ dent Nous avons not que Ringelblum qui crit son essai sur les relations entre les Juifs et les Polonais terr en 1943 1944 du c t aryen de la ville n a acc s qu peu de sources Il travaille partir de coupures de journaux polonais nazis Juifs de t moignages qu il a lui m me recueillis et des archives de l Oneg Shabbat Ringelblum ne pouvait donc pas prendre de distance par rapport aux v nements et malgr le d sir de v rit et d objectivit qu il entretient l historien crit une uvre qui se situe entre le t moignage et l ouvrage historique 122 Nous avons ensuite analys l uvre de Raul Hilberg La Destruction des Juifs d Europe qui est une uvre majeure dans l historiographie de l Holocauste Bien qu il ne concentre pas son propos sur les relati
96. lon un ensemble de sources plus grand Pour comprendre comment les historiens juifs ont construit l histoire des relations entre les Juifs et les Polonais nous devons d abord faire deux constats Premi rement les historiens de la guerre et de l imm diate apr s guerre prenons l exemple d Emmanuel Ringelblum et de Raul Hilberg travaillaient avec beaucoup moins de mat riaux que ceux ayant crit dans les ann es 1980 et apr s Isra l Gutman Gunnar S Paulsson La question des sources est incontournable pour la th se en question En effet les sources expliquant la teneur des v nements journaux m moires ne semblent pas pr sentes ou disponibles durant les premi res d cennies suivant la fin de la guerre Certains t moignages de survivants ont t retrouv s quelques ann es apr s les v nements alors que certains rescap s ne se prononcent qu au moment des proc s nazis autour des ann es 1960 et majoritairement durant les ann es 1980 et 1990 Les historiens qui crivent avant la publication de ces documents n ont donc pas d autre choix que de travailler avec diff rents mat riaux fonds d archives Ringelblum registres des d portations correspondances nazies d crets lois coupures de presse etc 11 Emmanuel Ringelblum savait d s le d but de l Occupation que les v nements v cus par les Juifs allaient devoir tre racont s un jour Aussi forma t il une quipe d historiens d s 19
97. marche la mort laquelle il survit Apr s la Seconde Guerre mondiale Gutman s installe J rusalem o 1l obtient en 1975 un doctorat en histoire de l Universit h bra que de J rusalem Sa th se porte sur la r sistance juive dans le ghetto de Varsovie Il est ensuite directeur de recherche l institut Yad Vashem jusqu en 1983 et en dirige le Comit acad mique pendant plusieurs ann es Il prend ensuite la t te de l Institut d histoire juive contemporaine de l Universit h bra que de J rusalem entre 1983 et 1985 o il lance un de ses plus importants projets une encyclop die de l Holocauste en quatre volumes qui verra le jour sous sa direction en 1990 Il fonde aussi l Institut international pour la recherche sur la Shoah a Yad Vashem qu il dirige de 1993 1996 Tout comme Ringelblum l exp rience v cue par Gutman se refl te dans son ouvrage L historien travaille en effet une histoire dont il a t protagoniste Gutman fait partie des quelques dizaines de milliers de survivants Juifs polonais peu pr s 10 de la population totale juive polonaise d avant la guerre Son travail bien que fait de mani re extr mement m ticuleuse et professionnelle n en cache pas moins un d sir de v rit qui provient plus de l exp rience humaine que du simple professionnalisme historique Cependant comme nous le verrons plus loin les recherches approfondies et l interpr tation des sources utilis es
98. ment gr ce au service militaire et la scolarisation obligatoire Le nationalisme devint l id ologie dominante particuli rement apr s la mort de Pilsudski en 1935 Jusqu en 1939 cette id ologie apporte avec elle un lot de questions sur les minorit s principalement sur celle d origine juive Plusieurs groupuscules nationalistes et des bandes fascistes surgissaient l glise tait tra n e dans la politique trop de pr tres catholiques se laissant emporter par la mar e nationaliste Avec l arriv e d Hitler au pouvoir en Allemagne et ses campagnes antis mites le gouvernement d j autoritaire se durcit et muselle l opposition Les dirigeants polonais profitent de la situation et op rent un rapprochement avec l Allemagne o un pacte de non agression est sign en janvier 1934 En juin de la m me ann e Joseph Goebbels ministre du Reich l ducation du peuple et la Propagande est invit en Pologne par des cercles conservateurs Il y pr sente le mod le allemand de d mocratie avanc e ainsi que les nouvelles m thodes concernant a solution de la question juive Durant les ann es qui suivent l antis mitisme dans toutes ses composantes conomique politique et religieuse devient l une des donn es majeures de la soci t polonaise Sur le plan politique c est une campagne antis mite croissante que m ne l extr me droite polonaise Les actions de commandos contre des commerces juifs et des
99. mmises par des Polonais qui devaient pr ter main forte aux Juifs Gutman ne se penche pas trop sur la question Contrairement ce que nous avons vu de l uvre de Ringelblum au chapitre II Gutman ne cherche pas d terminer le profil de ces d nonciateurs Il ne qualifie pas non plus les diff rents types de d nonciation ma tres chanteurs police bleue etc comme le faisait Ringelblum Cette diff rence notoire entre les deux modes de compr hension des relations entre les Juifs et les Polonais est due l poque Ringelblum tant lui m me cach du c t aryen et c toyant d autres r fugi s n avait pas d autre choix que de percevoir les diff rences du point de vue personnel et individuel alors que Gutman qui crit avec une distance de cinquante ans est beaucoup plus loin de son objet d tude mais aussi aux conditions sociopolitiques et historiographiques qui entourent l criture de ces uvres historiques Gutman d montre que l existence juive en Pologne tait entre les mains des dirigeants polonais Il ne cherche pas faire le profil des diff rents types 112 Ibid p 202 95 d aideurs ou de d nonciateurs Varsovie Ringelblum quant lui avait acc s principalement des sources orales et personnelles Il ne pouvait donc pas se concentrer sur l implication du gouvernement dans la r sistance A cause de la distance qui les s pare les deux historiens posent donc des questions dif
100. montre l impossibilit pour l auteur de voir l implication d autres acteurs de l histoire Afin de constater cette dualit nous analyserons les propos de l auteur au sujet de trois moments importants la ghetto sation des Juifs 1939 1941 les d portations vers les camps de la mort 1942 1943 et les derni res ann es de guerres 1944 1945 Dans chacune des parties nous analyserons d abord les propos de l auteur et les sources datant de la guerre sources allemandes et nous les comparerons avec ce qu il dit dans la 62 LEVI Primo Les naufrag s et les rescap s Quarante ans apr s Auschwitz Paris ditions Gallimard coll Arcades pour la traduction fran aise 1989 p 19 63 L VY WILLARD Annette Raul Hilberg 70 ans reconnu tardivement raconte dans son autobiographie la gen se de La destruction des Juifs d Europe L arch ologie de l Holocauste dans Lib ration 5 d cembre 1996 57 version finale de La destruction des Juifs d Europe lorsqu il utilise des sources ayant t publi es apr s la guerre ainsi que des sources secondaires LA CONCENTRATION ET LES SOURCES ALLEMANDES Nous retrouvons dans la premi re dition de La destruction des Juifs d Europe des sources provenant uniquement d archives ou de proc s nazis M me lorsqu Hilberg discute des processus menant l extermination des Juifs de Pologne concentration ghetto sation il s en tient uniquement aux documents
101. n et sur des conversations entendues dans la rue sur la question Paulsson crit donc que le clerg polonais se positionnait contre les Allemands et tait pr t tout pour sauver ces enfants juifs Il crit Catholic organizations did help hundreds of Jewish Children on an individual basis once they had been sent out of the ghetto Pourtant la conclusion de Ringelblum sur le sujet est bien diff rente puisqu il termine en disant que The project was not carried out because of a variety of difficulties but mainly because the Polish clergy was not very interested in the question of saving Jewish children L historienne Havi Dreiffus donne cet exemple parmi tant d autres afin de d montrer comment Paulsson a fait une lecture incompl te des sources et donc en vient un r sultat fauss En plus de ces lectures incompl tes nous constatons aussi que l historien a fait un tri pr cis des sources qu il utilise Nous constatons en effet que s il use de t moignages et d archives officielles telles celle de Zegota Paulsson ne s est jamais int ress aux sources provenant des archives judiciaires d apr s guerre Pourtant certaines de ces 137 PAULSSON Gunnar S Secret City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 87 138 ibid p 88 139 RNGELBLUM Emanuel Polish Jewish Relations During the Second World War New York Northwestern Uni
102. nalyserons ce que dit l auteur des relations entre les Juifs et les Polonais et les sources d o il tire ses informations Nous comparerons les sources mises la disposition de l historien et celles qu il a utilis es En dernier lieu nous nous questionnerons sur ce que les autres sources disent de ces relations Nous revisiterons ainsi les sources premi res utilis es par l auteur Nous analyserons le contenu des textes par rapport leurs conditions d laboration ainsi qu aux m thodes et 18 proc d s employ s par l auteur pour transmettre l information et d fendre sa position Puis nous comparerons les conclusions de l historien avec celles du t moin afin de v rifier la v racit du r cit du premier Ces comparaisons permettront de voir les nuances apport es par chacun des historiens l criture de l histoire des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande et de d terminer quels facteurs influencent cette criture LIMITATIONS Ce travail cherche d montrer la complexit et les probl mes de l criture historique des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande Afin de faire cette d monstration nous avons choisi quatre historiens dont trois sont d origine juive Nous avons fait le choix de ces historiens pour plusieurs raisons que nous avons nonc es plus haut Bien videmment cette courte recherche se heurte des limitation
103. naturellement trait e mais les relations humaines d crites dans sa th se demeurent de nature binaire les bourreaux nazis et les victimes juives La place de l assistant polonais n est pas abord e directement premi re vue cet ouvrage ne semble pas avoir sa place dans le cadre d une th se qui cherche comprendre le traitement qu ont fait les historiens juifs des relations entre les Juifs et les Polonais durant la Seconde Guerre mondiale Il est vrai qu Hilberg 54 D pos en 1955 l Universit Columbia de New York sous le titre de Prologue to Annihilation a Study of the Identification Impoverishment and Isolation of the Jewish Victims of Nazi Policy 47 voyait dans l Holocauste un ph nom ne allemand poursuivi et achev par les Nazis Durant les ann es 1950 l Holocauste apparaissait ainsi au monde entier un bourreau quasi invincible qui a limin un peuple pacifique La question des autres t moins et victimes et donc des relations qu elles avaient pu avoir avec les Juifs ne se posait pas encore Pourtant ne pas parler de l uvre d Hilberg dans cette th se semble impensable pour plusieurs raisons D abord parce que contourner cette uvre majeure serait faire un saut chronologique et historiographique de cinquante ans D un point de vue technique nous ne pouvons pas passer de l uvre d Emanuel Ringelblum 1943 1944 l uvre d Yisra l Gutman 1986 sans compre
104. nce 97 GUTMAN Yisrael Unequal Victims Poles and Jews during World War II Holocaust Librairy New York 1985 p 144 98 Tbid p 145 9 KAPLAN Chaim A Chronique d une agonie Paris Edition Calmann L vy 2009 p 382 87 D PORTATION MASSIVE ET INSURRECTION DU GHETTO DE VARSOVIE Il faut attendre l t 1942 pour que le gouvernement en exil r agisse la situation des Juifs en Pologne En juillet et ao t 1942 les Nazis d port rent plus de 300 000 Juifs du Ghetto de Varsovie vers les chambres gaz du camp de Treblinka Durant presque deux mois les Polonais furent t moins du massacre qui se d roulait dans les rues de la capitale polonaise Yisrael Gutman se demande pourquoi ni le gouvernement en exil ni l arm e de l int rieur AK ne sont intervenus Pourquoi aucune aide n a t elle t offerte aux Juifs alors que ces derniers en demandaient continuellement Selon l historien il y a deux versions une juive et une polonaise concernant l attitude des Polonais l gard des Juifs durant les d portations de l t 1942 surtout propos des liens tiss s entre l AK et l Organisation juive de combat ZOB arm e de r sistance La version polonaise est tir e des m moires du g n ral Tadeusz Bor Komorowski un commandant de AK Dans son journal il explique comment se sont d roul s les premiers contacts entre les deux groupes Selon lui AK avait contact le ZOB d s ao t 1942 afin de lu
105. nce ainsi que dans la propagande antis mite permet de mieux comprendre les dynamiques internes du pays Le dialogue que propose l historien entre les textes officiels du gouvernement en exil et les m moires de victimes juives fait appara tre une nouvelle histoire L apport fait par Gutman en ouvrant la question des relations entre les dirigeants polonais en exil et les Juifs vient contredire le clich soulev maintes reprises voulant que les Juifs soient demeur s passifs face leurs agresseurs Cette voie emprunt e par Gutman en 1985 conteste un mouvement nationaliste polonais d butant dans les ann es 1960 et 1970 et qui prend de l expansion durant les ann es 1980 Ce mouvement consid re le peuple polonais comme tant victime du 73 nazisme au m me titre que les Juifs Cette mont e du nationalisme d coule en partie du mouvement socialiste Solidarnosc Rappelons que la Pologne voit merger durant les ann es 1980 un mouvement syndical de r sistance au pouvoir sovi tique qui va chercher l appui de l OTAN ainsi que de l glise catholique Solidarnosc est le point de d part de la reconstruction identitaire de la Pologne dans la p riode post communiste Apr s les ann es de censure les Polonais cherchent faire conna tre leur histoire jusque l usurp e par les Sovi tiques Car pendant que le r gime sovi tique emp chait les historiens de travailler sur la v ritable histoire de la Seconde Guerre mondi
106. ndelsohn qui affirme que la victime est rarement innocente Ainsi les Juifs seraient en partie responsables de leur sort ne serait ce que parce qu ils se seraient laiss mener l abattoir sans protester Ces th ories n volu rent pas et partir des ann es 1960 les criminologues les critiquent afin de d montrer que l on ne pouvait comparer le couple p nal infracteur victime avec les bourreaux et les victimes de l Holocauste Raul Hilberg n a jamais mentionn les travaux de la criminologie ni de la victimologie dans son propre ouvrage Pourtant l opinion qu il se fait des victimes responsables de leur sort co ncide avec les premiers crits de victimologie Hilberg affirme dans sa th se que les Juifs sont responsables du moins en partie de leur propre 56 Voir CARRIO Robert Victimologie de l effraction du lien intersubjectif la restauration sociale Paris Edition l Harmattan 2002 57 CHAUMONT Jean Michel Du culte des h ros la concurrence des victimes dans La victimologie quelques enjeux volume 33 num ro 1 printemps 2000 Montr al Les Presses de l Universit de Montr al p 167 53 extermination Cette affirmation lui valut de nombreuses critiques que nous observerons plus loin L HISTORIEN En 1939 la famille de Raul Hilberg fuit l Autriche en direction des Etats Unis afin d viter les pers cutions nazies En 1944 alors g de dix huit ans Hilberg s enr
107. ndre ce qui s est pass entre les deux sur les plans historique et th orique Il faut aussi avouer que peu d essais cr dibles ont t crits avant les ann es 1980 Ensuite la th se d Hilberg demeure incontournable pour quiconque s int resse l extermination des Juifs d Europe et toutes les autres questions s y rattachant Hilberg par sa recherche pr cise et la profondeur de son propos devient en quelque sorte l un des fondateurs de l historiographie de l Holocauste L historien r pond si bien aux questions concernant le fonctionnement du National socialisme et la solution finale qu il laisse aux historiens futurs le terrain libre pour tout autre questionnement concernant l Holocauste comme les relations entre les assistants polonais et les Juifs Il s agit en fait des balbutiements d un domaine de recherche qui sera de plus en plus tudi la fin du XX si cle et encore aujourd hui Cet ouvrage extr mement 48 controvers et critiqu lors de sa parution ouvre des portes vers plusieurs nouveaux champs de recherche concernant cette p riode Il d montre en effet que ce qui d termine le choix du sujet historique est aussi en lien avec le temps et le lieu d o il est travaill Par les sources disponibles l poque principalement des sources allemandes l historien fait de l Holocauste une dualit entre les Nazis et le peuple juif Hilberg est dans la d monstration plut
108. nements favorisent une nouvelle mont e de l antis mitisme en Pologne et l puration des Juifs et de leurs sympathisants de plusieurs milieux universit arm e gouvernement etc Gomulka va jusqu expulser les Juifs du parti communiste polonais Quelques ann es plus tard comme nous l avons soulign plus haut le mouvement Solidarnosc qui d nonce les politiques sovi tiques est cr en Pologne Ce mouvement syndical ouvrier et catholique lutte contre le pouvoir communiste en place En 1988 le mouvement est l galis Syndicat l origine Solidarnosc devient un v ritable mouvement social travers par plusieurs tendances et courants culturels y compris l antis mitisme L historien Henri Minczeles note en parlant du mouvement qu il consid rait les Juifs uniquement comme des pourvoyeurs du poststalinisme d test Marian Jurczyk l un des principaux dirigeants de Solidarnosc demandait en novembre 1981 qu on pende les dirigeants communistes et qu on en finisse avec les Juifs qui gouvernent Bien que cet antis mitisme ne soit pas au c ur du mouvement socialiste nous croyons qu il est important de montrer que la haine des Juifs s incrustait toujours trente ans apr s l Holocauste dans certaines facettes de la vie politique la 90 Wladyslaw Gomulka fut pr sident de la R publique populaire de Pologne de 1956 1970 En octobre 1956 il est lu premier secr taire du comit
109. nn es 1960 alors que le mouvement de lutte pour les droits civiques cro t en importance Un si cle apr s la proclamation d mancipation les Am ricains doivent composer avec le lourd h ritage de l esclavage et de la s gr gation Les luttes jusque l mod r es prennent une autre direction plongeant le pays dans de nouveaux d bats sur les droits fondamentaux 51 Avec cette seconde moiti de si cle bien remplie l histoire des Juifs d Europe et de leur g nocide ne suscite pas d engouement L Holocauste n int resse pas les Am ricains dont l attention est monopolis e par la guerre froide toujours en cours De plus en Isra l les survivants de l Holocauste sont accueillis avec m fiance Plut t que d tre consid r s comme les victimes du nazisme les survivants juifs se voient affubl s du titre de collaborateurs En effet les Isra liens ont peine comprendre que les Juifs d Europe se soient laiss mener l abattoir comme des moutons dans un premier temps puis qu il y eut des survivants honn tes Les Juifs provenant d Europe sont confin s dans la honte et le m pris de leurs voisins et amis qui n ont pas connu le nazisme Alors que l histoire des Juifs d Europe n est pas encore abord e dans les universit s la criminologie prend une tangente qui en d rangera plus d un VICTIMOLOGIE partir des ann es 1940 et principalement dans les ann es 1950 se d veloppent aux tats Unis
110. nser et d agir mais bien comme une masse influenc e par son environnement En s int ressant aux instances de Varsovie gouvernement en exil Londres et sa d l gation arm e de r sistance et Zegota Gutman d montre que si les relations entres les Juifs et les Polonais ont t difficiles et si l aide est venue si tardivement c est avant tout parce que ceux qui dirigeaient le pays ceux qui poss daient les journaux clandestins lus par la majorit de la population ont fait preuve de passivit face au sort des Juifs Sans marche suivre les Polonais demeuraient passifs face au sort des Juifs alors que ces derniers n avaient pas les moyens financiers et mat riels de combattre l ennemi nazi Finalement nous pouvons convenir que l uvre de Gutman s inscrit dans une historiographie de l Holocauste beaucoup plus vaste o l on met de c t la dualit Nazis Juifs que nous avons examin e chez Hilberg afin de voir les autres t moins comme des participants bons ou mauvais de l histoire Gutman n est pas le premier faire ce genre de constat Durant la m me p riode nombreux sont les historiens de l Holocauste s int resser la figure de l assistant Bien videmment le coauteur de Unequal victims Shmuel Krakowski est l un de ceux l et aurait ce titre tr s bien pu tre tudi dans le cadre de la pr sente th se 97 CHAPITRE V GUNNAR S PAULSSON CHANGEMENT DE CAP ET CRITIQUES
111. ny Pamieci Walk i Meczenstwa Muzeum Historii Polski Oficyna Wydawnicza RYTM Warsaw 2006 93 l encontre de la doctrine catholique pour que Zegota prenne forme Finalement il tait question pour les membres de Zegota de prot ger un ennemi d un ennemi encore plus grand LES D NONCIATIONS ET ZEGOTA Il va de soi que malgr l organisation du groupe d entraide il fallait plusieurs personnes de l ext rieur pour accomplir les sauvetages Du c t aryen de Varsovie des Polonais ordinaires devaient accueillir les Juifs dans leur appartement ou leur maison au risque d tre attrap s par les Nazis ou d nonc s par leurs voisins Rappelons que l aide aux Juifs tait passible de la peine de mort Gutman pr cise que plusieurs familles ou Polonais seuls offraient leur aide Zegota Malgr l apparence de g n rosit l historien pr cise que souvent les Polonais ne pensaient qu s enrichir au d triment de la vie des Juifs qu ils accueillaient chez eux et du travail honn te de Zegota Most of the Poles who consented to let their premises to Jews did so in return for payments of very large sums of money and had allowed their expectations of profit to outweigh any consideration of the risk they were running and it was not uncommon for them to squeeze a tenant dry monetarily before turning him out of the house or even delivering him into the hands of the Germans Bien que Gutman discute peu de
112. ogne sous cet angle pr cis Puis nous verrons ce que l historien dit des mouvements de r bellion et du gouvernement en exil durant les trois phases d terminantes pour les Juifs de Varsovie ghettoisation d portation et r sistance Nous observerons l volution des comportements 75 polonais durant les v nements importants et analyserons les sources utilis es afin de terminer les l ments qui influencent l criture israel Gutman d t les l t fl t l criture d Y 1 Gut DOXA HISTORIQUE En 1985 l histoire des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande a d j fait couler beaucoup d encre En Pologne les historiens se penchent sur la question depuis les ann es 1950 tentant de remettre le peuple polonais au centre de sa propre histoire L historien Jean Charles Szurek note que durant les ann es de communisme il n tait gu re possible alors de pratiquer l histoire sans accepter et partager les partis scientifiques diffus s par les autorit s du R gime Emprunts rudimentaires au marxisme r f rence L nine Staline entourent les explications relatives aussi la mort des Juifs C est donc en faisant appel la lutte des classes aux enjeux respectifs du mouvement ouvrier et de la bourgeoisie que les historiens exposeront les v nements les plus sombres Ils accorderont beaucoup d attention aux conseils juifs mais c est pour mieux les stigm
113. oisit to believe witness testimony including third person hearsay accounts if on balance of probabilities it seems likely to be true This is perhaps slightly more restrictive than Gross s until we find persuasive arguments to the contrary BI y L historien dit d tenir des arguments qui prouvent que les Polonais ont aid les Juifs Pourtant il doit quelque peu tordre la r alit afin d y arriver Nous l avons vu l historien choisit subjectivement les passages des t moignages qu il utilise dans son uvre Aussi Paulsson tire ses conclusions de plusieurs statistiques qui ne semblent pas tenir la route l aide de sources premi res et de travaux d historiens ayant tudi la question nous analyserons les conclusions de Paulsson et verrons pourquoi elles sont critiqu es PAULSSON CRITIQUE Nous le savons Paulsson ne nie pas qu il y eut des pers cutions et des d nonciations faites par les Polonais catholiques surtout apr s les rafles de l t 1942 M me si l historien prend en consid ration ces ph nom nes il ne croit pas que les faits soient assez marquants pour tre d montr s historiquement Paulsson soutient que the 130 dem 131 dem 115 bark of the Polish anti Semite was worse than his bite Il crit que si de nombreux Juifs ont surv cu du c t aryen de la capitale c est parce que malgr l antis mitisme des Polonais catholiques ces derniers n taien
114. onna t plusieurs situations difficiles o les Polonais qui devaient la cacher lui refusent le toit ou 41 bid p 177 42 LEWIN Abraham Une coupe de larmes Paris Edition Plon 1990 p 148 43 Ibid p 184 44 MALACHI Hinda Hinda and Chanina Malachi Diary in Journal of the Polish Center for Holocaust Research 2008 p 214 38 la jettent simplement dehors La jeune femme poursuit son p riple du c t aryen de Varsovie mais aussi dans les petites villes avoisinantes Elle voyage seule en train et rencontre souvent le regard noir des Polonais qui tentent de savoir si elle est juive ou non cause de ces exp riences prouvantes et des mauvaises rencontres qu elle a faites durant sa longue fuite Malachi per oit les Polonais d une tout autre fa on Bien qu elle d pende elle m me de la bonne volont des Polonais pour sa survie la jeune femme voit plut t le c t profiteur d nonciateur et antis mite des Polonais catholiques et ce m me quand ces derniers se pr tendent aidants Ayant t cach e chez des Polonais du c t aryen pendant plus de deux ans Malachi conna t bien les m thodes des ma tres chanteurs Elle raconte deux pisodes datant du printemps 1943 o des ma tres chanteurs p n trent l appartement o elle et un ami sont cach s Le premier pisode se d roule dans la peur Elle supplie pour sa vie et les ma tres chanteurs quittent l appartement avec plus de 2000 zlotys en poche Puis
115. ons entre les Juifs et les Polonais mais bien sur la machine allemande partout en Europe Hilberg donne tout de m me certaines informations sur le d roulement des pers cutions en Pologne Nous l avons soulign plusieurs reprises il aurait t impossible de faire un travail d historiographie de l Holocauste sans prendre en compte l apport d Hilberg Pour l historien l Holocauste est le r sultat d une haine d un peuple les Allemands envers un autre les Juifs Bien qu il constate que certains Gentils profit rent du sort des Juifs pour s enrichir Hilberg ne traite de la question que superficiellement Rappelons aussi que l historien n utilise que des sources allemandes dans la premi re version de sa th se Il faut attendre les ann es 1980 pour qu il utilise d autres sources des t moignages notamment et qu il augmente ainsi la taille et la port e de son uvre Yisrael Gutman tout comme Emanuel Ringelblum a connu le ghetto L Historien vit en Isra l depuis la fin de la Deuxi me Guerre mondiale o il a fond plusieurs centres de recherches sur l Holocauste En 1986 il crit Unequal Victims Bien qu il traite aussi des relations entre les Juifs et les Polonais son uvre diff re norm ment de celle de Ringelblum Alors que le fondateur de l Oneg Shabbat observait les relations civiles entre les Juifs et les Polonais Gutman analyse plut t les relations entre les organisations juives e
116. orien souligne que la menace tait telle que les Polonais catholiques qui avaient de v ritables amis dans la communaut juive drew back they were terrified of the consequences of having their Jewish friends stay in their flats or in an Aryan hide out and they refused to harbour them on one pretext or another Selon l auteur cette menace non seulement d courage les Polonais d aider les Juifs mais les pousse a la d nonciation M me apr s les rafles de l t 1942 et l insurrection du Ghetto de Varsovie au printemps 1943 les nazis continuent cette propagande et les Polonais s enfoncent dans la voie de la d nonciation It has become difficult to reproach the Jews with buying up all the food with being responsible for the high cost of living for taking bread away from Poles for taking over all the jobs etc And still the Polish anti Semites would like to help the Gestapo by 26 Ibid p 194 27 Ibid p 96 29 exposing Jews would like to carry out Hitler s programme a hundred percent That is why they still look for arguments against the Jews LE GOUVERNEMENT EN EXIL A LONDRES Le gouvernement en exil Londres communique r guli rement avec ses citoyens travers certains journaux Ringelblum souligne le double jeu du gouvernement D un c t il interdit aux Polonais de d noncer les Juifs cach s du c t aryen sous peine d emprisonnement mais de l autre il ne semble pas s inqui
117. ous lisons les uvres historiques sur l Holocauste en Pologne nous nous heurtons des analyses diff rentes et plusieurs perceptions des v nements En effet les historiens juifs et les historiens polonais ne s entendent pas tous sur la nature des relations entre les Juifs et les Polonais ni sur les cons quences de ces derni res Alors que certains soulignent la participation des Polonais catholiques dans l aide offerte aux Juifs de fa on individuelle ou dans des groupes officiels tels Zegota d autres historiens voient plut t les Polonais comme des collaborateurs du r gime nazi des ma tres chanteurs ou simplement des profiteurs Ces positions divergentes ont cr au fil des ann es une dispute divisant les sp cialistes Les premiers attestent que les Polonais ont contribu d une mani re ou d une autre au massacre en masse des Juifs de Pologne alors que les seconds soutiennent que les Polonais aussi victimes du nazisme ont fait de leur mieux pour apporter leur aide aux Juifs Si ces d bats prennent beaucoup de place en Pologne il faut noter qu il en va de m me dans plusieurs pays d Europe de l est notamment les pays baltes 1 Ukraine et la Roumanie N oublions pas 3 Nom de code de la Commission d Aide aux Juifs une organisation clandestine travaillant avec la r sistance polonaise Armia Krajowa qui op rait en Pologne durant l Occupation allemande entre 1942 et 1945 que l Union Sovi
118. pass mode d emploi Histoire m moire politique Paris ditions La fabrique 2005 p 68 17 historiques t moignant des relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande l aide des l ments soulign s plus haut permettra de mettre en lumi re les v ritables facteurs qui influencent l criture historique tout en confirmant notre hypoth se savoir que l ethnicit de l historien n est qu un l ment mineur de cette criture historique puisque le temps et l espace dans lequel il se trouve influenceront la fois les sources dans leur disponibilit mais aussi la fa on de les interpr ter Nous consacrerons donc chacun des historiens l tude Emmanuel Ringelblum Raul Hilberg Yisra l Gutman et Gunnar S Paulsson un chapitre Chaque chapitre abordera trois id es bien distinctes La premi re sera consacr e a ce que nous appellerons la doxa historique Dans cette section nous ferons une analyse externe puis interne de l uvre et de l historien exactement comme nous le ferions avec un document historique Nous retracerons les conditions sociopolitiques et culturelles dans lesquelles volue l historien mais aussi celles dans lesquelles se poursuit l criture historique de la Pologne en guerre Nous nous attarderons aussi l thos de l historien ainsi qu aux grands courants de pens e qui caract risent son poque Dans un second lieu nous a
119. pondre ces questions nous nous pencherons sur le cas pr cis de quatre historiens issus de quatre p riodes historiques diff rentes travaillant sur le cadre historiographique et la m thodologie Les chapitres deux trois et quatre seront consacr s des historiens juifs alors que le dernier concernera un historien canado polonais dont les origines sont en partie juives Nous analyserons donc en premier lieu l essai d Emmanuel Ringelblum Polish Jewish Relations During the Second World War Ringelblum est un historien juif de Varsovie qui cr a le fonds d archives Oneg Shabbat La joie du Shabbat lors de l Occupation allemande Il fut cach du c t aryen de Varsovie en 1943 et 1944 d o il crivit son essai Il fut ensuite arr t et tu par les nazis la m me ann e Nous nous pencherons ensuite sur l uvre de Raul Hilberg La destruction des Juifs d Europe Cet historien juif am ricain d origine autrichienne crivit sa th se de doctorat en 1955 New York Avant ses tudes il servit dans l arm e am ricaine et fut l un des t moins de la prise de Berlin en 1945 Nous examinerons ensuite l uvre d Yisrael Gutman Unequal Victims Poles and Jews During World War II Survivant de l Holocauste Gutman connut l insurrection du Ghetto de Varsovie ainsi que deux camps de concentration Apr s la guerre il s exila en Isra l o il poursuivit des tudes en histoire Il crivit en 1985 en collaboration a
120. provenance des diff rents ghettos de Pologne notamment de nombreuses correspondances attestant de la tournures des v nements dans les diff rents ghettos Un important fonds de documents officiels est aussi r uni On y retrouve les annonces des autorit s d occupation des formulaires des cartes d alimentation et des cartes d identit Une partie de la presse clandestine juive y est aussi conserv e en plus de textes litt raires et d uvres d art t moignant de l intense activit intellectuelle et culturelle juive au sein du ghetto Environ 25 000 pages sont ainsi rassembl es puis conserv es En plus de conserver ces documents importants sur la vie des Juifs dans les ghettos le groupe de chercheurs parvient mettre la main sur des plans et des descriptions d taill es de la destruction des ghettos dans d autres parties de la Pologne 25 occup e sur les camps d extermination de Treblinka deuxi me plus gros camp d extermination apr s Auschwitz l on y compte entre 700 000 et un million de morts provenant principalement de la r gion de Varsovie et de Chelmno Polish Jewish Relations During the Second World War laiss en h ritage par Emmanuel Ringelblum est un document hybride entre le t moignage et l essai historique Comme nous l avons soulign plus t t malgr la volont d objectivit de l historien il n en demeure pas moins que ce dernier est litt ralement pris au c ur par l
121. purg es la fois des Juifs des Polonais et des tziganes Hilberg expose donc la r alit polonaise lors des premiers moments de l Occupation Pourtant il ne semble pas voir les relations entre les Juifs et les Polonais mais seulement celles qui existent entre les Nazis et leurs victimes juives Lorsqu il est question de la ghetto sation qui consistait liminer les Juifs des r gions majoritairement germanophones de les chasser de toutes les campagnes polonaises et de les concentrer dans des ghettos situ s dans les grandes villes l historien revient la dualit Juifs Nazis Hilberg pr cise que les Allemands profitaient de la ghettoisation pour s enrichir Il tire de l ordre du gouverneur Zorner la technique utilis e par les Nazis pour obtenir le plus de biens des Juifs Il explique que presque aussi important pour le r sultat final tait l laboration secr te puis l application soudaine des directives de d placement qui devaient prendre les Juifs l improviste et les contraindre laisser sur place l essentiel de leurs biens mobiliers sans leur laisser le temps de s arranger pour tout emporter dans le ghetto et encore moins de trouver o stoker des objets encombrants dans ces quartiers surpeupl s Durant la troisi me phase les Bureaux p n tr rent dans les ghettos pour se saisir de l administration de certains biens ou de valeurs marchandes qu ils emportaient au dehors
122. que de sources juives N anmoins il utilise abondamment les banques de donn es du Jewish Historical Institute Zydowski Instytut Historycznty ZIH de Varsovie ainsi que celle de Yad Vashem YD Dans les t moignages les plus cit s nous trouvons notamment les journaux de Chaim A Kaplan d Abraham Lewin de Michel Borwicz et bien str l uvre hybride d Emanuel Ringelblum Rappelons que toutes ces sources sont utilis es par les trois autres historiens l tude Pourtant seul Paulsson en vient une conclusion diff rente Nous revisiterons certains de ces t moignages afin de v rifier l interpr tation qu en fait Paulsson puis la place qu il leur donne dans son propre ouvrage Malgr l utilisation de ces t moignages le dernier chapitre du livre de Paulsson portant sur les conclusions de sa recherche sur le nombre de victimes juives et d aidants polonais ne semble pas tre r dig partir des sources cit es plus haut mais bien selon les relev s d mographiques de la ville Nous constatons la lecture de ces statistiques 105 que Paulsson affirme que la majorit des Polonais ont aid les Juifs et que seulement un petit pourcentage de la population aryenne se serait rang du c t des d nonciateurs Nous tenterons l aide d autres tudes faites sur les relations jud o polonaises de comprendre d o l historien sort de tels chiffres CE QUE DIT PAULSSON DES RELATIONS JUDEO POLONAISE
123. ques Pendant les six ann es que dura l occupation allemande en Pologne les Juifs durent transiger avec ces gens qui d une fa on ou d une autre regardaient le massacre se pr parer Lorsque nous lisons les uvres historiques sur l Holocauste en Pologne nous nous heurtons des analyses diff rentes et plusieurs perceptions des v nements En effet les historiens juifs et les historiens polonais ne s entendent pas tous sur la nature des relations entre les Juifs et les Polonais ni sur les cons quences de ces derni res Alors que certains soulignent la participation des Polonais catholiques dans l aide offerte aux Juifs de fa on individuelle ou dans des groupes officiels tels Zegota d autres historiens voient plut t les Polonais comme des collaborateurs du r gime nazi des ma tres chanteurs ou simplement des profiteurs Ces positions divergentes ont cr au fil des ann es une querelle au sein du milieu historique divisant les sp cialistes en deux camps Les premiers attestent que les Polonais ont contribu d une mani re ou d une autre au massacre en masse des Juifs de Pologne alors que les seconds soutiennent que les Polonais aussi victimes du nazisme ont fait de leur mieux pour apporter leur aide aux Juifs Il n y a videmment pas qu une seule interpr tation possible en ce qui trait aux 1 Nom de code de la Commission d Aide aux Juifs une organisation clandestine travaillant de paire a
124. r ce l apparition de nouvelles sources et une meilleure compr hension des v nements les historiens comprennent que l extermination des Juifs d Europe ne repose pas uniquement sur la machine allemande mais bien sur une panoplie de facteurs dont les relations entre les victimes et les t moins imm diats Dans le cas de la Pologne nous pouvons constater que ces facteurs d terminants vont des d cisions prises par le gouvernement en exil Londres jusqu aux groupes d entraide aux Juifs Ces nouvelles recherches amorc es par Yisrael Gutman font partie des travaux nomm s plus tard les marges de Holocauste c est dire la compr hension et l explication des diff rentes relations entre les Juifs et les Polonais catholiques qui d une fa on ou d une autre font partie de ce que l on conna t aujourd hui comme l Holocauste Le pr sent chapitre sera donc consacr l historien Yisrael Gutman et la vision qu il transmet des mouvements de r sistance juifs et polonais de leurs communications avec le gouvernement en exil Londres et de leur implication volontaire ou non dans l annihilation des Juifs de Pologne Nous examinerons d abord les conditions sociopolitiques dans lesquelles Gutman a crit son uvre Nous pourrons ainsi voir quelles taient les coles historiographiques dominantes et comprendre les raisons qui le pouss rent crire l histoire des relations entre les deux peuples de Pol
125. r Michal Bilewicz du centre de recherche sur les pr jug s de l Universit de Varsovie Aussi le sondage montre que la majorit des l ves croient que l insurrection du Ghetto de Varsovie est un v nement mineur de l histoire de la ville Les r sultats les plus frappants de ce sondage ne concernent pourtant pas les faits historiques mais bien les r flexions des jeunes par rapport leur histoire Ainsi plus de 60 des r pondants affirment avoir une aversion envers les Juifs m me s ils n en connaissent pas personnellement Le Dr Michal Bilewicz conclut que cette conscience historique particuli rement m diocre des l ves varsoviens refl te la faiblesse du niveau de l enseignement ainsi qu un antis mitisme toujours pr sent en Pologne 143 OSTAPKOWICZ Iwona Pologne Jeunes et d j antis mites Courrier International 19 avril 2013 http www courrierinternational com article 2013 04 19 jeunes et deja antisemites 144 Idem 126 Si cette th se se voulait avant tout une mise en relief de la litt rature historique concernant les relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande elle nous a permis de constater que l criture de l histoire est toujours en mouvement et qu elle est donc toujours en proie des difficult s innombrables que l on ne peut cacher mais dont il convient pr cis ment souligner l importance et l ampleur Elle vient aussi exhiber les trous de l h
126. r S Secret City The Hidden Jews of Warsaw 1940 1945 New Haven and London Yale University Press 2002 298 pages PREKEROWA Teresa Zegota commission d aide aux Juifs Paris Editions du Rocher 1999 389 pages RINGELBLUM Emmanuel Polish Jewish Relations During the Second World War New York Northwestern University Press 1986 376 pages SZUREK Jean Charles La Pologne les juifs et le communisme Paris Michel Houdiard Editeur 2010 408 pages TEC Nechama Christian rescue of Jews in Nazi Occupied Poland When Light Pierced the Darkness New York Oxford University Press 1985 262 pages WIEVIORKA Annette L Ere du t moin Paris Editions Plon 1997 185 pages WIEVIORKA Annette Auschwitz La m moire d un lieu Paris Edition Robert Laffont 2005 286 pages ARTICLES BAUER Yehuda The Holocaust in Historical Perspective Washigton University of Washington Press 1980 p 50 93 DREIFUS Havi Changing Perspectives on Polish Jewish Relations During the Holocaust in Search and research lectures and papers Yad Vashem The International Institute for Holocaust Research and Center for Research on the Holocaust in Poland 2012 99 pages GRABOWSKI Jan Le chantage et la d nonciation des Juifs de Varsovie 1939 1943 dans WIEVIORKA Annette et Jean Charles Szurek Juifs et Polonais 1939 2008 Paris Editions Albin Michel 2009 pages 17 32 LAPIERRE Nicole Des bouteilles la terre des arc
127. rche remettre en question l id e selon laquelle la r sistance juive n a pas exist et les Juifs se sont laiss 82 exterminer par les Nazis sans protester Afin d en faire la d monstration Gutman utilise principalement les archives du gouvernement en exil Londres les archives des groupes de r sistance tels Zegota ou l Armia Krajowa ainsi que des t moignages tir s de plusieurs bases de donn es CE QUE DIT GUTMAN DES RELATIONS ENTRE LES JUIFS ET LES POLONAIS LE D BUT DE LA GUERRE SEPTEMBRE 1939 SEPTEMBRE 1942 Durant la premi re ann e de l Occupation allemande en Pologne les relations entre les Juifs et les Polonais ne changent presque pas dans la capitale l antis mitisme passif qui existait avant la guerre demeure Pourtant Gutman souligne qu il n y avait pas de mouvement d hostilit envers les Juifs et ce malgr les politiques du troisi me Reich N anmoins lors de la premi re r union du comit citoyen d urgence aucun Juif ne fut nomm dans ses rangs De la m me fa on lors de la cr ation des groupes de r sistance d s le d but de l Occupation allemande aucun groupe polonais ne souhaitait tre impliqu dans les actions antijuives des Nazis mais aucun ne voulait s allier avec les Juifs Durant cette premi re p riode les mouvements de r sistance polonais demeur rent passifs Les seules r elles interactions entre les Juifs et les Polonais souligne Gutman se d roul
128. re des passants juifs Kaplan voit dans ces petits pogroms une habitude prise par les Polonais puisque les Juifs ont perdu tous leurs droits les Polonais se permettent de tout prendre sans crainte des repr sailles Dans la m me veine l historien Abraham Lewin note que lors de conversations beaucoup de Polonais expriment l opinion qu apr s que les Allemands auront t chass s un grave probl me surgira celui de la confiscation des propri t s juives Ils n ont pas le moindre d sir d abandonner les propri t s juives que les Allemands leur ont distribu es Il remarque aussi la rapidit avec laquelle les Polonais attendent la fin des d portations l t 1942 pour se jeter litt ralement sur les biens d laiss s par les Juifs envoy s Treblinka Le 15 juillet 1942 il remarque que tous les biens des Juifs ont t abandonn s et les voyous polonais vont tout piller Hinda Malachi jeune femme juive qui a v cu dans le ghetto de Varsovie avant de se r fugier du c t aryen note elle aussi le comportement des Polonais face la d portation des Juifs Elle sp cifie que d s le d but de l Occupation allemande les Polonais profitent du sort des Juifs pour s enrichir Elle crit I saw Poles dancing round the gendarmes so they could get something from the Jewish houses Malachi est ensuite cach e du c t aryen partir des grandes d portations de 1942 Elle c
129. riens anglo saxons Paulsson tente de cr er une histoire o la victimisation des Juifs n a plus sa place Pour y arriver l historien utilise des sources fiables mais en fait un d coupage subjectif Si l objectif de Paulsson tait de d montrer la bont et la solidarit des Polonais catholiques envers les Juifs il aurait tr s bien pu gagner son pari En effet plusieurs 120 historiens ont crit sur le sujet Notons titre d exemple les uvres de Filip Friedman 1 et de Nechama Tec Christian rescue of Jews in Nazi Their Brothers Keepers Occupied Poland When Light Pierced the Darkness qui retracent chacun a leur mani re la solidarit qu il y a eu entre les chr tiens et les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale En r tr cissant son sujet et en choisissant un chantillonnage diff rent Paulsson aurait pu d montrer que l h ro sme des Polonais a bel et bien exist m me s il n tait pas la norme 141 FRIEDMAN Filip Their Brother s keepers New York Holocaust Library New York 1978 232 pages 142 TEC Nechama Christian s rescue of Jews in Nazi Occupied Poland When Light Pierced the Darkness New York Oxford University Press 1985 262 pages 121 CONCLUSION ET MAINTENANT REGARD SUR L HISTORIOGRAPHIE CONTEMPORAINE DES RELATIONS ENTRE LES JUIFS ET LES POLONAIS DE 1939 1945 L histoire des relations entre les Juifs et les Polonais sous Occupation a
130. robor es par d autres t moignages Adam Czerniakow pr sident du Judenrat de Varsovie l poque fit face au m me genre de probl mes l automne 1940 il crivait dans son journal que les discussions avec les membres de l ex cutif de la ville taient compliqu es puisqu ils ne voulaient pas payer pour les d m nagements des Juifs et la d sinfection de leurs maisons Cela faisait partie du dessein nazi de susciter des conflits entre les Juifs et les Polonais En novembre 1940 le ghetto de Varsovie est form S par es par des murs les populations juives et polonaises n ont plus beaucoup d occasions de se c toyer Gutman souligne que la formation du ghetto plut t que d inqui ter la population varsovienne lui ferme les yeux Encore une fois Gutman sp cifie que les r actions diff rent Bien que la majorit des citoyens polonais semblent indiff rents au sort des Juifs certains d plorent les conditions de vie de leurs voisins Gutman insiste sur les r actions des instances municipales et constate que However while the Jewish community was being slowly decimated by famine and disease we hear of no initiative being undertaken by elements in the Polish underground to come to its rescue nor even of any proposal to appeal to the Government in Exile and 96 RINGELBLUM Emanuel cit dans GUTMAN Yisrael Unequal Victims Poles and Jews during World War II Holocaust Librairy New York 1985 p 183 86
131. ropagande et agression La propagande en faveur de la haine des Juifs convient aux go ts de bien des milieux polonais et peut tre m me ceux de l opinion publique tout enti re au cours des derniers jours les agressions commises par des voyous contre les Juifs n ont pas arr t en plein jour et dans des lieux publics Il montre par cette citation que les Polonais n ont peur de personne qu ils sont pr ts tabasser et voler en plein jour devant t moin Si Ringelblum met beaucoup d emphase sur les diff rences entre szmalcownicy et maitres chanteurs Kaplan Lewin et Czerniakow ne semblent voir qu une seule cat gorie de voleurs les pilleurs de rue D s le d but de la guerre Kaplan note que les masses polonaises se sont pr cipit es dans une mise a sac qui ne s appuie sur aucune loi Aujourd hui j ai assist un fait de ce genre dans la rue Gesia Des Juifs hurlaient appelant polizie de toutes leurs forces et le pillage se poursuivait de tels incidents ont lieu tous les jours Les voleurs volent et les Juifs crient Presque un an plus tard en date du 30 mars 1940 Kaplan poursuit Pendant trois jours entiers les rues de Varsovie ont t transform es en un champ de chaos et de d sordre Vols et pillages en 39 KAPLAN Chaim A Chronique d une agonie Paris Edition Calmann L vy 2009 p 153 40 bid p 98 37 plein jour attaques en masse cont
132. s la solde de Bismark Dans le cas pr sent il s agit plut t d un journal aux gages des Nazis mont dans le but de nuire 23 RINGELBLUM Emmanuel Polish Jewish Relations During the Second World War New York Northwestern University Press 1986 p 192 24 On comptait plus de 200 000 exemplaires imprim s en semaine et 149 000 vendus 25 RINGELBLUM Emmanuel Polish Jewish Relations During the Second World War New York Northwestern University Press 1986 p 193 28 Besides radio press exhibitions etc the German s propaganda machine almost daily issues coloured posters and proclamations one of the posters was an enormous caption Jews lice typhoid Posters were put up in the tram and in the street depicting a Jew making mince meat with a rat in it pouring water into the milk putting a louse into pastry or kneading dough with dirty feet Ces affiches servent principalement a faire peur aux Polonais En croyant que les Juifs sont contamin s et contagieux ou en les percevant comme des monstres pr ts a vendre du rat au lieu du b uf pour faire plus d argent non seulement les Nazis r ussissent ils accro tre l antis mitisme polonais mais aussi augmenter le nombre de d nonciateurs au sein de la communaut locale Dans le m me ordre d id es Ringelbum note la publication sur la peine de mort pour quiconque ainsi que les membres de sa famille qui cache un ou plusieurs Juifs L hist
133. s c est avant tout parce qu il tait laiss lui m me alors qu il demandait de l aide L HISTORIEN N le 20 mai 1923 Varsovie et d c d le 1 octobre 2013 J rusalem Yisrael Gutman passa sa vie adulte faire de la recherche sur l Holocauste principalement en Pologne Gutman fait partie des scouts juifs Hachomer Hatza r qui signifie les jeunes gardiens d s son plus jeune ge Lors de la ghetto sation des Juifs en 1940 Gutman et sa famille sont enferm s dans le ghetto Il y perd ses parents et sa s ur a n e alors que sa plus jeune s ur est envoy e dans l orphelinat de Janusz Korczak Le p dagogue et ses enfants sont d port s au camp d extermination de Treblinka l t 1942 lors des grandes rafles Gutman sans famille s engage dans la r sistance Apr s l Insurrection du Ghetto 93 Janusz Korczak tait un m decin juif sp cialis dans la p dagogie de l enfance Tr s r put et respect autant par les Juifs que par les Catholiques Korczak se vit offrir plusieurs reprises de quitter le ghetto afin de sauver sa vie Il refusa chaque fois pr f rant demeurer avec les orphelins dont il s occupait Il fut d port avec ses enfants le 6 ao t 1942 et mourut avec eux Treblinka 80 de Varsovie en avril et mai 1943 Gutman est arr t et d port au camp de Majdanek puis au camp d Auschwitz Birkeneau en 1944 En 1945 il est envoy vers Mauthausen dans une
134. s Juifs taient des travailleurs ind pendants et ils taient tr s peu nombreux dans la police ou l administration municipale Sans d terminer la nature des interactions entre les deux peuples de Pologne Hilberg d montre toutefois qu au quotidien les Juifs et les Polonais ne se c toyaient que tr s peu Une autre fa on de mettre en vidence la distance entre les deux peuples est d expliquer pourquoi ils ne communiquaient pas entre eux Hilberg explique qu Varsovie comme dans bien d autres villes polonaises le yiddish tait la premi re langue 75 HILBERG Raul La destruction des Juifs d Europe Paris Editions Folio Histoire 2006 p 1934 66 des foyers juifs La vie des Juifs parmi leurs voisins tait donc marqu e par des fronti res d finissables Ces fronti res nomm es par Hilberg sont toutefois insuffisantes pour cerner l antis mitisme qui r gnait en Pologne l poque En effet l historien relate certains faits mais semble oublier la cause de ces ph nom nes L historien Jean Charles Szurek explique dans un article intitul Juifs et Polonais 1918 1939 comment certains groupes politiques s assuraient de la non participation des Juifs dans les d bats Il donne l exemple des r actions antis mites au sein m me des universit s ce qui emp chait les Juifs d y avoir acc s Szurek note qu l universit les tudiants de la D mocratie na
135. s Juifs de l histoire de la Pologne mais aussi repousser la minorit juive en dehors des fronti res de la Pologne titre d exemple notons la loi interdisant les abattoirs casher et halal pass e en 2012 sous pr texte de cruaut envers les animaux Nombreux sont ceux qui ont vu cette nouvelle loi comme un geste de x nophobie et non de protection des animaux puisque la Pologne est un pays o la chasse ne conna t pas de quotas et o il n y a pratiquement pas de recours aux droits des animaux 125 Une autre d monstration de l antis mitisme latent en Pologne se retrouve dans un sondage effectu aupr s d adolescents polonais La Pologne soulignait en 2013 la comm moration du soixante dixi me anniversaire de l insurrection du ghetto de Varsovie Pour cette occasion la communaut juive de Varsovie et avec elle l Institut Homo Homini ont invit les l ves d une vingtaine de lyc es r pondre des questions concernant le pass des Juifs de Pologne Selon le Courrier international qui rapportait la nouvelle les r sultats sont consternants Les administrateurs du sondage notent une v ritable incompr hension des v nements entourant l Holocauste En effet 44 des jeunes r pondants attestent que les Juifs et les Polonais ont souffert autant durant la Seconde Guerre mondiale tonnant quand on sait que 90 de la population juive a t extermin e et 10 de la population polonaise estime le D
136. s cas individuels de Juifs ayant t cach s chez des Polonais catholiques il insiste sur les cas pas si rares o des Polonais aidants finissent par d noncer les Juifs qu ils cachent Ces d nonciations de Juifs sont un grave probl me 111 GUTMAN Yisrael Unequal Victims Poles and Jews during World War II Holocaust Librairy New York 1985 p 276 94 pour Zegota qui ne pouvait rien contre les d nonciateurs Afin d appuyer ses propos Gutman cite Ringelblum qui dans Polish Jewish Relations During World War II fait part des grandes difficult s que vivent les membres de Zegota Ringelblum crit Every Jew snatched from the clutches of the bloodthirsty Nazi monster had to have an idealist like this watching over him day after day like a guardian angel The great majority of these people helped the Jews in return for remuneration but is there in fact money enough in the world to pay for their self sacrifice People who hid Jews for money alone and lacked a strong moral motivation rid themselves of their dangerous ballast sooner or later by turning the Jews out of their flats The ones who kept the Jews in their flats were those who did so not only for Jewish money This gallery of Polish heroes could provide subjects for wonderful threats on his red posters nor the obtuseness and stupidity of Polish Fascists and anti Semites who deem it an anti national act to hide Jews y Malgr cette pr cision sur les d nonciations co
137. s d portations juives il crit Il semble donc que l on massacre aussi les Aryens Seulement les nazis pr f rent les enterrer dans des tombes juives de fa on qu ils go tent au repos ternel l ombre de la divine pr sence d Isra l Ainsi depuis que la Pologne a t conquise nous avons enfin obtenu l galit des droits Apr s la mort Lewin quant lui souligne en parlant d un contrebandier de 18 ans qui passait du c t juif de Varsovie et qui fut fusill par un Nazi Du sang juif et du sang polonais sont r pandus ils se m langent et crient vers les cieux pour demander qu on les venge f Deux points importants ressortent de ces passages Premi rement les pers cutions subies par les Polonais montrent un nouveau visage du nazisme savoir que les Polonais ne seront jamais sur un pied d galit que l occupant En deuxi me lieu ils en profitent pour expliquer que les Polonais avant d tre la cible des Nazis taient les pers cuteurs des Juifs en Pologne Si Kaplan reconna t le malheur des Polonais en 1942 il les consid re avant tout comme des ennemis Si nous relisons le d but de son journal nous trouvons en date du 3 septembre 1939 une remarque concernant le changement de position des Polonais Il n y a pas si longtemps Hitler tait leur proph te Ils les Polonais parlaient de lui avec plaisir et le prenaient pour exemple notamment en ce qui concerne les
138. s et de m chants puisque la situation demande une analyse beaucoup plus approfondie L historien choisit plut t de d tailler chacun des comportements les plus fr quents des Polonais face aux Juifs et tente de les expliquer LES D NONCIATEURS DU C T ARYEN M me s il comprend que la haine des Polonais envers les Juifs est aliment e par la propagande nazie et l inactivit du gouvernement en exil Londres Ringelblum constate que la majorit des Polonais travaillent en collaboration avec les Allemands que ce soit directement pour les aider ou simplement pour s enrichir sur le plan personnel L historien s pare les d nonciateurs en quatre cat gories les szmalcownicy mot provenant du terme Szmal qui signifie argent en polonais On pourrait traduire smalcownicy par voleurs ou preneur de pots de vin les ma tres chanteurs les policiers polonais et les profiteurs Cette division sert entre autres d montrer que les Polonais d nonciateurs ne sont pas tous sur le m me pied d galit vis vis des Juifs Certains 31 d noncent par antis mitisme ou convictions politiques alors que d autres ne cherchent qu mieux vivre durant cette p riode difficile Ringelblum note un ph nom ne particulier Certains Polonais suivent des Juifs dans la rue et les menacent de d nonciation si ces derniers ne leur donnent pas argent bijoux v tements ou tout autre objet ayant une certaine valeur mon taire Ces personnes
139. s et fonc s Les yeux consid r s comme juifs taient aussi fonc s mais avaient de plus comme particularit l motion qu on y retrouve En effet Ringelblum comme d autres t moins avoue que les Polonais reconnaissent les Juifs en voyant la peur dans leur regard 124 PAULSSON Gunnar S Secret City The hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Yale University Press New Haven and London 2002 p 145 125 Jbid p 106 111 Les Juifs faisant partie de la seconde cat gorie sont ceux qui ont une apparence aryenne qui parlent le polonais sans accent et qui connaissent bien le catholicisme Ces Juifs pouvaient ainsi se dissimuler dans la population aryenne et survivre gr ce au travail qu ils trouvaient Bien entendu aucun n tait l abri des Smalcownicy Comme le souligne Paulsson ces ma tres chanteurs taient devenus des experts pour d couvrir les Juifs puis les piller ou simplement les d noncer la Gestapo Il donne l exemple tir des m moires d Alina Margolis Edelman qui y raconte comment elle s est fait interroger par un policier polonais Well OK We ll do an exam pray Ill bless my nanny I knew all the church prayers and songs I started the Our Father He listened and interrupted And now miss he turned to Zofia Have you been to Holy Communion Yes said Zofia Well Tell me how big is the wafer that the priest gives you during the Communion Zofia po
140. s immenses Nous aurions en effet pu choisir d autres historiens pour d montrer les probl matiques de l criture historique des relations entre les Juifs et les Polonais Aujourd hui nous comptons de nombreux historiens qui travaillent sur la question de la Pologne durant l Holocauste Nous avons d cid de conserver ces quatre historiens puisque chacun d eux a fait ses recherches et crit ses uvres dans un lieu et un temps particulier Varsovie 1943 1944 New York 1955 J rusalem 1985 et Londres 2002 De plus m me si la majorit de ces historiens s entendent sur la nature des relations entre les 19 Juifs et les Polonais chacun d eux apporte des nuances int ressantes selon l angle sous lequel la question est abord e 20 CHAPITRE II EMANUEL RINGELBLUM CRIRE L HISTOIRE DU TEMPS PRESENT 1943 1944 crire I histoire au moment m me o elle se dessine sous nos yeux demeure une op ration difficile qui apporte son lot de probl mes sur le plan thique et cela va de soi sur le plan documentaire Afin de mener terme une telle exp rience il faut d abord avoir la capacit de reconna tre que le moment v cu poss de des qualit s historiques puis se d tacher de ce m me moment pr sent afin d en faire un portrait net et objectif Il est aussi n cessaire d avoir la perspicacit de voir dans les l ments qui nous entourent les preuves des v nements v cus Emmanuel Ringelblum histor
141. s une dualit bourreaux victimes et laisse les observateurs de c t L historien poursuit en crivant sur l tablissement des Judenrat et leur fonctionnement dans les villes Ces derniers devaient litt ralement faire le pont avec les instances municipales polonaises et les Allemands Mais Hilberg ne discute pas des conflits entre la mairie et le Judenrat Il se concentre plut t sur la relation binaire entre les Allemands et les Juifs Il en expose toutes les facettes par exemple que les Allemands firent obligation au conseil de payer les salaires des travailleurs forc s juifs de temps autre le Conseil ne put le faire provoquant un toll chez les travailleurs non r mun r s qui langaient des insultes et m me des pierres sur les membres du Conseil 69 Ibid p 404 60 et son personnel Ce choix d Hilberg de faire une histoire binaire propose une vision des conflits bien particuli re puisqu elle met en lumi re les conflits au sein m me du ghetto plut t que de montrer ceux entre les Juifs et les Aryens On pourrait croire que cela est d au manque de sources polonaises et juives Pourtant dans la version finale de La destruction des Juifs d Europe o l auteur utilise des sources beaucoup plus diversifi es le r sultat demeure le m me DANS LA VERSION FINALE Il faut attendre la derni re dition de La destruction des Juifs d Europe pour qu Hilberg mentionne les autres t moins et qu il laisse
142. se pas l exil des Juifs vers la Palestine Il croit au contraire que l acquisition de cette conscience historique peut offrir un rempart culturel aux Juifs surtout aux Juifs la cs qui rejettent la fois la religion et l assimilation En plus de travailler pour YIVO l historien s est aussi li d amiti depuis 1930 avec Itzhak Giterman responsable de la section polonaise de l American Jewish Joint Distribution Committee Ringelblum contribue aux activit s de l organisation et vient 24 ainsi en aide aux Juifs de Pologne expuls s d Allemagne en 1938 et 1939 Le travail d Emanuel Ringelblum s inscrit donc dans une historiographie qui cherche faire red couvrir aux Juifs et la population polonaise l histoire de son peuple Ainsi en 1939 l historien sait que les Juifs de Pologne et d ailleurs en Europe vivent un moment d cisif et qu il est de son devoir d emp cher leur viction de l histoire Ringelblum prend donc la responsabilit de la transmission de la m moire juive en cr ant un groupe de recherche Cette op ration secr te dont le nom de code est Oyneg Shabbos est fond e d s octobre 1939 Ringelblum avec de nombreux autres crivains juifs des rabbins des scientifiques et m me de simples citoyens rassemble des r cits des rapports d taill s concernant tous les aspects de l existence des Juifs des listes des d port s et des travailleurs forc s ainsi que des t moignages en
143. situation actuelle Ils ne sont g n ralement pas tr s politis s et ne semblent pas 30 bid p 109 31 bid p 124 32 Idem 33 Ibid p 126 32 souhaiter la mort de qui que ce soit En revanche les ma tres chanteurs font partie de groupes organis s qui cherchent soutirer le maximum de chaque Juif The blackmailers have sophisticated methods of operating characteristic ways of trapping Jews One of them is to publish an advertisement in the press offering vacant rooms if a Jewish family turned up as a result of the advertisement other members of the gang presented themselves and forced the Jews to escape by threatening them with denunciation naturally the Jews had to pay a large sum of money and leave all their belongings behind After they disappeared a new advertisement was published and so it went on and on Ces ma tres chanteurs travaillent g n ralement de pair avec les policiers polonais engag s par la Gestapo nomm s Blue Police ou uniformed police Ringelbum note The uniformed police have been an enthusiastic executor of all the German directives regarding the Jews The powers of the uniformed police in the sphere of collaborating with the Germans concerning the Jews were as follows 1 guarding the exit gates of the Ghetto as well as the walls and fences enclosing the Ghettos or the Jewish districts 2 participating in resettlement actions in the capacity of catchers escorts etc 3
144. son soutient que tr s peu de sources juives parlent de ces d nonciations faites par des bandes organis es et donc que les d nonciations devaient tre rares Grabowski explique que si les m moires et autres t moignages donnent l impression que les d nonciations la Gestapo faite par des Polonais taient improbables c est avant tout parce que les victimes de Szmalcownicy amateurs avaient davantage de chances de survivre la rencontre d un ma tre chanteur et par cons quent d en parler par la suite dans leurs m moires que les victimes de bandes organis es qui finissaient g n ralement entre les mains des Allemands En limitant ses sources celles des survivants Paulsson n glige donc tout un pan de la r alit Nous avons aussi constat que Paulsson utilise s lectivement les sources juives L historienne isra lienne Havi Dreifuss qui critique ouvertement l uvre de Paulsson 135 GRABOWSKI Jan Je le connais c est une Juifs Varsovie 1939 1943 Le chantage contre les Juifs Paris dition Calmann L vy 2008 pour la traduction fran aise 176 pages 136 Ibid p 75 118 soul ve ce qu elle nomme une mauvaise repr sentation des sources Dans le troisi me chapitre de son ouvrage Paulsson consacre quelques pages la question de l aide faite aux enfants juifs par des membres du clerg Paulsson base son argument sur une simple note de Ringelblum priests wish to save Jewish Childre
145. sont des facteurs d terminants de cette criture Ringelblum a investi l histoire qu il devait crire tout en sachant qu il devait faire preuve de professionnalisme Aujourd hui son uvre est toujours tudi e autant par les tudiants curieux d en apprendre davantage sur la Pologne sous l Occupation allemande que par des historiens Si en 1944 Ringelblum 45 d sirait avoir les comp tences vertueuses du copiste nous pouvons aujourd hui affirmer avec assurance qu il a gagn son pari 46 CHAPITRE II RAUL HILBERG LE CHOIX DES SOURCES ET LA D TERMINATION HISTORIQUE 1952 1985 Ce troisi me chapitre est consacr ce qui appara t aujourd hui comme l une des plus grandes uvres sur l Holocauste jamais crites L historien Raul Hilberg Juif am ricain d origine autrichienne crit durant les ann es 1950 une th se de doctorat connue aujourd hui sous le nom de La destruction des Juifs d Europe Cette th se d pos e 10 ans seulement apr s la fin de la Seconde Guerre mondiale se veut une explication limpide et exhaustive de la bureaucratie allemande et des proc d s utilis s pour en venir l extermination de six millions de Juifs europ ens Raul Hilberg ne consacre donc pas son uvre aux relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande mais plut t la gen se et l application de la solution finale par les Nazis La question des Juifs de Pologne y est
146. suite celui d Abraham Lewin historien et membre de Oyneg shabbos a Varsovie de Chaim A Kaplan professeur juif orthodoxe de Varsovie et de Hinda Malachi juive cach e du c t aryen de Varsovie seront mis l tude En plus de ces journaux nous nous appuierons sur un t moignage de survivant du ghetto de Varsovie tir s de USC Shoah fundation Halina Bartosiak jeune femme qui a fui le ghetto pour se cacher Lublin Nous avons choisi ces journaux et t moignages puisqu ils repr sentent des l ments diff rents de la soci t juive de Varsovie cette poque Comme ils proviennent de t moins ayant un v cu un ge et une fonction diff rents dans la soci t juive varsovienne ils permettent une compr hension plus grande des relations entre les Juifs et les Polonais De plus par leurs diff rentes positions g ographiques dans la ville ils donnent une vision de l int rieur et de l ext rieur du ghetto 38 La USC Shoah Fundation est tablie en 1994 par Steven Spielberg afin de recueillir et de pr server les t moignages des survivants et autres t moins de l Holocauste Il s agit de la plus grande banque de donn es audiovisuelles sur Holocauste 52 000 t moignages vid o en 32 langues 36 POLONAIS PILLEURS La question de la propagande antis mite dans les m dias polonais n est pas soulign e par les autres t moins mis part Chaim A Kaplan Ce dernier fait un rapprochement entre p
147. t ce dernier utilise des sources qui t moignent de cet v nement Comme nous l avons soulign dans le chapitre pr c dent plusieurs t moins notent la violence de ce pogrome de huit jours Parmi eux Chaim A Kaplan qui est largement cit dans l uvre de Paulsson est stup fait de constater l impunit avec laquelle les Polonais agissent envers les Juifs Il constate en effet que les Polonais agissent avec brutalit et parce qu ils ne craignent pas les cons quences de leurs actes Ainsi Paulsson se concentre sur la bonne entente mais omet de discuter de certains probl mes survenant entre les Juifs et les Polonais durant la formation du ghetto alors que les sources qu il utilise en disent pourtant long sur le sujet 120 bid p 55 121 LEWIN Abraham Journal du ghetto de Varsovie Une coupe de larmes Paris ditions Plon 1990 p 137 109 CE QUE DIT PAULSSON DES RELATIONS ENTRE LES JUIFS ET LES POLONAIS SURVIVRE APR S LES DEPORTATIONS DE L T 1942 Paulsson sp cifie comme tous les autres historiens traitant de la question que les premi res d portations datant du 22 juillet 1942 co ncident avec les premier d parts massifss de Juifs vers le c t aryen de Varsovie L historien note qu il tait beaucoup plus facile pour les enfants qui passaient plus inaper us que pour les adultes de traverser le mur Il explique que les adultes needed to have a friend and protector outside the ghetto
148. t moins tentaient le plus simplement possible de survivre la guerre Il note sur le sujet que plus d un rapport de l arm e ou de la s curit allemande 79 CZERNIAKOW Adam Carnets du ghetto de Varsovie 6 septembre 1939 23 juillet 1942 Paris ditions La D couverte p 45 80 Jbid p 7 81 LEWIN Abraham Journal du ghetto de Varsovie Une coupe de larmes Paris Editions Plon 1990 p 167 68 souligne que la grande masse ne pense qu ses affaires personnelles Bien qu angoiss s et traumatis s les gens s accrochaient un semblant de vie normale Hilberg voit les t moins polonais de deux fa ons seulement comme des Gentils qui par crainte des repr sailles n ont rien fait pour aider les Juifs ou comme des sauveurs qui ont brav les Allemands De son point de vue binaire Hilberg n a pas les outils pour concevoir que les autres t moins aient pu participer d une fa on ou d une autre la mort des trois millions de Juifs de Pologne Il souligne aussi que les Juifs avaient de nombreux voisins Au cours de la catastrophe ces spectateurs eurent tendance se tenir l cart Le non engagement semblait tre leur motif supr me parfois presque une doctrine Cette passivit solidifi e tait fermement ancr e dans la situation mais aussi dans une posture calcul e Dans une bonne partie de l Europe avant l ascension d Hitler au pouvoir les relations entre Juifs et Gentils se limita
149. t demeur s en majorit passifs devant le sort des Juifs Paulsson met de c t la question des d nonciations faites par les aryens l ext rieur du ghetto Ce ph nom ne qu il consid re comme exceptionnel ne l est pourtant pas Les historiens qui se sont pench s sur la question des relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande s entendent pour dire que la majorit des Polonais demeur rent passifs face l extermination des Juifs La diff rence r side dans la qualification de cette passivit Paulsson dit des Polonais aryens qu ils sont passively protective alors que les autres historiens y voient une forte peur des Nazis doubl e d un antis mitisme qui encourageait cette passivit Pourtant ces m mes historiens reconnaissent aussi que des groupes 117 d entraide ont t fond s et que des catholiques ont bel et bien risqu leur vie pour aider les Juifs Certains historiens r pondent en quelque sorte Paulsson qui tient pour acquis que les d nonciateurs n taient pas organis s et ne cherchaient qu survivre la guerre plut t qu collaborer avec les Nazis Pourtant l analyse de Paulsson passe c t de nombreuses vidences L historien Jan Grabowski d montre dans son ouvrage Je le connais c est un Juif Varsovie 1939 1943 Le chantage contre les Juifs que les ph nom nes de d nonciation taient plus courants qu il ne le laisse para tre Pauls
150. t non pas par les sources utilis es puisque Paulsson utilise des sources aussi vari es que nombreuses qui sont aussi celles des historiens nomm s ci haut mais bien la mani re dont il les traite Nous l avons soulign l historien doit d couper ces sources afin de leur faire dire autre chose De plus les statistiques qu il utilise pour expliquer le nombre d aidants versus le nombre de d nonciateurs sont tir es de sources incompl tes les archives de Zegota par exemple 124 En faisant l analyse de ces quatre uvres nous cherchions d montrer que cette criture historique contrairement d autres s est faite su une longue p riode puisqu avec les poques de nouvelles sources apparaissent mettant en lumi re de nouveaux pans de l histoire Les mentalit s changent elles aussi avec le temps et viennent modifier la pens e historique ET MAINTENANT Malgr les nombreuses publications concernant les relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande aucun consensus ne semble possible La Pologne a connu au cours des ann es 2010 une mont e importante du nationalisme Comme nous l avons constat dans le dernier chapitre la Pologne tentait d j au d but des ann es 2000 de redorer son histoire travers la transformation des manuels scolaires Aujourd hui nous voyons que ce nationalisme s est transform dans une droite identitaire qui cherche non seulement vincer le
151. t pas pr ts envoyer la mort certains membres de leur communaut Il explique que the mass killing of the Jews was viewed by most Poles as proof of the depravity of the German occupier and the moral superiority of their own culture as well as of a frightening bestiality that might soon be visited on them too ES Ainsi les Polonais percevaient le mal v hicul par les Nazis et en tant que catholiques ne pouvaient se r soudre les aider atteindre leur objectif D un point de vue m thodologique Paulsson explique pourquoi l historiographie des relations entre les Juifs et les Polonais semble selon lui prendre une position favorable aux Juifs the natural tendency of untrained observers is to pay attention to what is exceptional rather than what is representative This is the reflex of the historiography which tends to focus on the extreme cases people who risk their lives to help Jews on the one hand rabid anti Semites and collaborators on the others Mr and Mrs Kowalski might not have liked Jews and might have felt nervous about having them next door in the face of the German threats but in situations where Jews faced immediate danger they tended to be neutral or even passively protective En plus du fait qu il qualifie les historiens tels Gross d observateurs inexp riment s deux probl mes sont a prendre en consid ration ici Premi rement il y a la fa on dont Paulsson per oit l criture de l
152. t polonaises et le gouvernement en exil Londres Cette posture prise par Gutman est due principalement aux sources officielles disponibles l poque En analysant les relations entre le gouvernement en exil et les peuples de Pologne Gutman vient 123 confirmer l influence des dirigeants polonais sur l inaction de leur peuple Souvenons nous que le gouvernement a mis beaucoup de temps avant de r pondre aux appels d aide qui provenaient des groupes de r sistances polonaises et juives Ainsi Gutman relance le d bat sur les relations entre les Juifs et les Polonais en donnant une place importante aux organisations juives et polonaises mais surtout au gouvernement en exil qui est demeur trop longtemps inactif face aux sorts des Juifs de Pologne Nous avons analys en dernier lieu l uvre de Gunnar S Paulsson Comme nous l avons sp cifi l uvre de Paulsson nous servait de contre exemple cela tient ce que cherche aussi mettre en lumi re les diff rentes analyses qui ont t faites sur les relations entre les Juifs et les Polonais durant l Holocauste Paulsson fils d une Juive polonaise survivante du Ghetto de Varsovie n a pas la m me approche que les historiens cit s pr c demment Rappelons que m me si l historien admet que certains Polonais ont profit des Juifs et les ont d nonc s ses conclusions sont l oppos e de celles de Ringelblum Hilberg et Gutman Ces diff rences s expliquen
153. ter du sort de la population juive de Pologne De plus le gouvernement ne semble pas l coute des demandes des r sistants juifs ou polonais Ringelblum crit For several months the Jewish community had been demanding arms for the Ghetto from the Government After long very long efforts arms were received but in such a small quantity and of such bad quality that there was no possibility of undertaking any defensive action Le gouvernement en exil par son inaction face a la pers cution des Juifs ne pousse pas les Polonais vers la r conciliation Bien que l historien t moigne de l antis mitisme des Polonais catholiques il tente tout de m me de l expliquer Comme nous l avons vu plus haut le gouvernement en place en Pologne depuis 1935 rejette les id es de libert de religion Lorsque les Allemands envahissent la Pologne en 1939 la graine de l antis mitisme est donc d j sem e 28 Ibid p 129 2 Ibid p 157 30 CE QUE RINGELBLUM DIT DES RELATIONS ENTRE LES JUIFS ET LES POLONAIS Ringelblum qui rassemble des lettres des coupures de presse et des t moignages depuis le d but de la guerre et qui est lui m me l un de ces Juifs cach s du c t aryen de Varsovie conna t tr s bien les diff rents comportements adopt s par les Polonais Apr s quatre ann es d observations et de r flexions il en vient la conclusion qu il est impossible de cat goriser les Polonais en terme de bon
154. tionale organisent des bagarres contre les tudiants juifs les expulsant des tablissements ou les cantonnant dans des bancs ghettos ghettos que les autorit s universitaires telles celles de l Ecole polytechnique de Lvov conc dent pour r tablir le calme Dans de nombreux tablissements d enseignement sup rieur on instaure officieusement un numerus clausus De nombreux tudiants juifs partent alors pour tudier hors des fronti res polonaises la proportion d tudiants juifs dans les universit s polonaises qui tait de 20 encore en 1928 1929 tombe 8 2 dix ans plus tard Cet antis mitisme d crit par Szurek n a pas cess lors de l Occupation allemande mais s est au contraire renforc Hilberg ne voit pourtant pas l antis mitisme comme la cause des r actions polonaises au traitement des Juifs Il note Certes il y eut des moments critiques o la conscience d un spectateur fut momentan ment troubl e o d aucuns dans des courriers priv s exprim rent leur d saveu ou leur consternation mais on trouvait toujours une bonne raison pour expliquer qu on n avait pas protest ouvertement contre les arrestations ou qu on n avait f 7 ue 8 rien fait pour aider une victime en danger 76 bid p 1935 77 SZUREK Jean Charles Juifs et Polonais 1918 1939 dans Les cahiers de la Shoah no1 1994 Paris dition Liana Levi 1994 78 HILBERG Raul La destruction des Juifs d E
155. tre t moignages crits Varsovie au m me moment Nous mettrons en relief les conclusions de Ringelblum sur les relations entre les Juifs et les Polonais et ainsi constaterons la place que prend la jud it dans cette prise de position DOXA HISTORIQUE la suite de la Premi re Guerre mondiale la Pologne connut un changement politique qui recr a litt ralement le pays Suite la signature du trait e de Versailles en 1919 les partitions de la Pologne datant du XVIII si cle furent annul es Ce nouvel Etat polonais re ut plus de la moiti des anciennes provinces allemandes de Posnanie et la Prusse occidentale en plus d h riter de certaines portions de la Haute Sil sie En 1926 le mar chal Pilsudski prit le pouvoir la suite d un coup d tat Durant les neuf ann es qu il resta au pouvoir sa conception de l tat tait multinationale tout en restant d un nationalisme clairement affich Il acceptait les diff rences dans le cadre de la l galit et de l galit Ainsi le mar chal n avait pas une sympathie immod r e pour les Juifs 17 Comme la majorit des t moignages ont t recueillis apr s la guerre Ringelblum n a pu les consulter 18 MINCZELES Henri Une histoire des Juifs de Pologne religion culture politique Paris ditions La D couverte 2006 p 231 22 mais il en estimait certains Au cours des ann es 1930 la polonisation de la soci t s accentu t notam
156. ui donne un sens nouveau non plus une v rit d ad quation de correspondance exacte entre le discours pr sent et les faits pass s mais une v rit de d voilement qui permet de saisir le sens des v nements Un grand livre d histoire ne contient pas seulement des informations exactes il nous apprend aussi quels sont les ressorts de la psychologie individuelle et de la vie sociale De toute vidence v rit d ad quation et v rit de d voilement ne se 9 contredisent pas mais se compl tent Cette notion de v rit se retrouve au c ur de la th se en question puisque cette derni re cherche comprendre comment plusieurs historiens qui se basent pourtant sur les m mes sources peuvent obtenir des r sultats diff rents La r ponse r side dans ce mouvement d crit plus haut de l historien sur la ligne du temps Comme le philosophe Paul Ric ur l explique dans son essai Histoire et V rit l histoire poss de le caract re 8 TODOROV Tzvetan M moire du mal tentation du bien Enqu te sur le si cle Paris Robert Laffont 2000 p 136 9 Ibid p 135 12 mouvant d une connaissance qui fonctionne toujours par rectification de l arrangement officiel et pragmatique du pass Chaque ouvrage s inscrit donc au sein de l ensemble plus vaste du champ historiographique qui se forme et se d forme suivant les parutions Si la connaissance historique est en perp tuelle mutation
157. urope Paris ditions Folio Histoire 2006 p 1937 67 Lorsqu Hilberg crit ces lignes de nombreux t moignages et essais d montrent que les Polonais r agissent positivement ou n gativement au sort des Juifs Adam Czerniakow note dans ses carnets les mauvaises relations que les administrateurs de la municipalit de Varsovie ont avec le Judenrat Il crit plusieurs reprises que les Polonais font payer les Juifs pour tout et pour rien Comme nous l avons soulign plus haut le pr sident du Judenrat re oit l ordre de faire payer les Juifs du ghetto pour la d sinfection des maisons qu ils ont laiss es derri re eux De plus il affirme que les Juifs se font chasser des postes d cisionnels Le maire de la ville Starzynski vient de l galiser le comit civil et de nommer les membres de l ex cutif on n a pas nomm de Juifs maintes reprises Czerniakow fait la d monstration des injustices que les Polonais font subir aux Juifs videmment les Polonais n agissent pas tous de cette mani re envers les Juifs Toujours Varsovie Abraham Lewin note que durant les rafles de juillet 1942 une chr tienne s agenouille sur le pav et prie Dieu de retourner l p e contre les bourreaux Elle venait de voir un gendarme tuer un enfant juif Lewin constate que pour une fois une Polonaise catholique semble prendre conscience du sort des Juifs Hilberg le souligne la majorit des
158. ux concepts L un d eux qui sera la plaque tournante de la m thode utilis e dans cette recherche se retrouve dans les r gimes d historicit Ce concept form et appliqu principalement par l historien fran ais Fran ois Hartog se d finit comme tant les modes d articulation des trois cat gories de temps du pass du pr sent et du futur et de la fa on dont leurs articulations ont vari selon les lieux et selon les poques Selon Hartog ce r gime d historicit rapport qu une soci t a au pass au pr sent et l avenir est marqu actuellement par le pr sentisme qui privil gie la m moire traces laiss es dans le pr sent par des pass s successifs l histoire reconstruction et mise distance de ces pass s Pour expliquer le cheminement de cette th orie Hartog prend l exemple de Saint Augustin qui dans le livre XI de ses Confessions se retrouve dans l incapacit de dire le temps qu il est Saint Augustin pr curseur des notions contemporaines sur le temps pr sent explique qu il se trouve dans trois temps simultan ment la m moire le pr sent du pass l attention le pr sent du pr sent et l attente le pr sent du futur Dans les anciens r gimes d historicit comme celui d Augustin le pass clairait lavenir Aujourd hui selon Hartog nous croyons au contraire que c est le pr sent qui d termine le pass en ce sens que nous travaillons la science h
159. vec Shmuel Krakowski l uvre a l tude Finalement nous analyserons l essai de Gunnar S Paulsson Secret City The Hidden Jews of Warsaw 1940 1945 Paulsson fils d un p re juif survivant de l Holocauste et d une m re catholique fit ses tudes en histoire aux Etats Unis Il s agit de comprendre comment ces historiens de Pologne ou d ailleurs ont travaill cette histoire dont ils sont si proches En utilisant comme mat riau premier des sources provenant de t moins journaux m moires correspondances etc les historiens ont d crit les pers cutions des Juifs mais aussi les relations qu ils avaient entretenues avec les Polonais catholiques Nous chercherons d couvrir les diff rences et les ressemblances entre les critures de ces quatre historiens en observant la perspective que chacun d eux utilise pour expliquer la mort de ces trois millions de Juifs polonais CHAPITRE 1 CADRE HISTORIOGRAPHIQUE ET M THODOLOGIE Parler d histoire sans prendre en compte son historicit c est se condamner d embl e n y rien comprendre Krzysztof Pomian Comme cette th se se veut avant tout un essai pist mologique qui cherche a reconna tre les facteurs d terminant criture de l histoire des relations entre les Juifs et les Polonais de 1939 a 1945 Vhistoriographie et la m thode utilis e ne sont pas n gligeables Aussi allons nous consacrer quelques pages a ce sujet Depuis la second
160. vec la r sistance polonaise Armia Krajowa qui op rait en Pologne durant l Occupation allemande entre 1942 et 1945 relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande et la v rit se trouve probablement dans une zone grise Cependant ce conflit historiographique soul ve d autres questions concernant l criture de l histoire en elle m me Comment en effet peut on obtenir des r sultats diff rents en travaillant partir des m mes donn es Qu est ce qui influence les historiens vers de telles conclusions Afin de r pondre ces questions nous nous pencherons sur le cas pr cis des historiens juifs travaillant sur les relations entre les Juifs et les Polonais de 1939 1945 Il s agit de comprendre comment les historiens juifs de Pologne ou d ailleurs travaillent cette histoire dont ils sont si proches En utilisant comme mat riau premier des sources provenant de t moins journaux m moires etc les historiens ont d crit les pers cutions des Juifs mais aussi les relations qu ils avaient avec les Polonais catholiques Nous analyserons ainsi quatre uvres traitant des relations entre les Juifs et les Polonais sous l Occupation allemande Chacune de ces uvres a t crite durant une p riode historique diff rente t moignant ainsi de l importance du lieu et de l poque de r daction dans l analyse historique Nous verrons donc successivement l uvre d Emanuel Ringelblum
161. versity Press 1986 p 140 140 voir DREIFFUS Havi Changing perspectives on Polish Jewish Relations During the Holocaust dans Search and research Lectures and Papers 18 J rusalem Yad Vashem Publications 2012 p 19 61 119 archives auraient pu clairer les r flexions de l historien sur les relations entre les Juifs et les Polonais durant l Occupation allemande notamment celles concernant les proc s intent s contre les szmalcownicy et autres d nonciateurs polonais CONCLUSION Nous avons constat que Gunnar S Paulsson m me s il utilise les m mes sources que les autres historiens l tude arrive des conclusions bien diff rentes Ce qui distingue Paulsson ne r side pas dans une certaine religiosit m me si l historien ne s identifie pas comme tant juif il tra ne avec lui le bagage de la pers cution travers son p re un des survivants juifs du Ghetto de Varsovie Cette histoire qu il crit est celle de sa propre famille tout comme celle de Ringelblum d Hilberg et de Gutman Pourtant nous avons constat que Paulsson diff re des historiens juifs en raison de la posture qu il prend Nous l avons vu les ann es 2000 apportent avec elles de nouvelles tendances historiographiques en ce qui a trait l histoire de la Pologne durant la Seconde Guerre mondiale On y voit entre autres qu il r tablie l histoire des relations entre les Juifs et les Polonais Comme d autres histo
162. zo L histoire comme champ de bataille Paris dition La D couverte 2011 299 pages ARTICLES PROST Antoine Histoire v rit s m thodes dans Le d bat no 92 novembre d cembre 1996 p 127 140 ETUDES SUR L ANTISEMITISME MINCZELES Henri Une histoire des Juifs de Pologne Religions culture politique Paris Editions La D couverte 2006 384 pages POLIAKOV L on Les juifs et notre histoire Paris Editions Flammarion 1973 246 pages POLIAKOV L on L histoire de l antis mitisme tome I amp IT Paris Edition Calmann Levy 1997 982 pages

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