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Le corps, la norme et le spectateur dans le cinéma de Pedro

1. Par son savoir faire cin matographique le cin aste donne corps aux personnages et la di g se Cependant nous pensons avec Jean Marc Leveratto que nous ne pouvons envisager le spectacle uniquement du point de vue de son auteur car le spectateur participe fortement la r ussite du spectacle comme nous venons de le voir Jean Marc Leveratto nous dit ainsi qu il s agit pour le chercheur de se consid rer soi m me comme un spectateur et de consid rer le cin ma du point de vue du spectateur Cette posture permet de ne pas r duire la richesse esth tique de l exp rience du spectateur des consid rations purement techniques l analyse du film ou purement thiques la sociologie des publics Mais de prendre en compte la mani re dont notre corps est affect par l action du film et dont l valuation technique est indissociable d motions qui justifient l authentification et la mesure du moment Eni 43 de plaisir que l on vient de vivre En effet nous ne pouvons pas envisager le spectacle filmique uniquement comme un stimulus susceptible de d clencher des r actions physiologiques ou psychologiques chez le spectateur Le spectacle ne peut tre envisager comme une situation de communication classique m me s il existe effectivement un auteur qui souhaite transmettre sa vision du monde un destinataire le public Au spectacle un ensemble d l ments internes et externes l image d finissent la situation de commun
2. le criminel du film de Lang est tr s ressemblant celui du p re Manolo de La Mauvaise Education En effet ces criminels sont des hommes bien int gr s la soci t qui semblent bien sous tous rapports mais qui en fait sont malades La question est qu est ce qui diff rencie le marginal du d viant puisque l un vit en marge de la soci t et l autre a une conduite qui s carte des normes sociales c est justement cet cart que nous refusons de reconna tre et qui vient nuancer la question de la norme En effet le travesti est un marginal mais le criminel est un d viant et pourtant tous deux sont class s hors norme Le non respect des normes sexuelles suscite le plus souvent la g ne ou la col re C est le cas de certaines personnes face aux homosexuels tr s f minis s qui provoquent le rire le malaise ou l agressivit En fait les travestis et autres marginaux d rangent ceux qui les regardent C est le fait que des attitudes de femmes soient prises par des hommes le renversement des r les hommes femmes qui d range De nos jours les normes de comportement li es au sexe restent ancr es dans les esprits En pla ant le spectateur face ce qu il refuse de voir dans son quotidien Almodovar le sort d une identification mais lui permet d prouver de la g ne face au corps nu ou aux relations sexuelles Almodovar atteint le spectateur dans sa pudeur malsaine et sa peur des tres diff rents Lorsque B nigno va voir au c
3. le film se divise en quatre poques le d but des ann es 60 le d but des ann es 70 l ann e 1977 et l ann e 1980 Plus nous nous enfon ons dans un pass lointain aux personnages plus les cadres droit et gauche de l image sont r duits L image est en plein cran lorsque les personnages sont dans le pr sent et le cadre se fa onne l chelle inverse de la distance au pass Le cadre vient donc clairer le r cit 4 RE Den Pr DURS 59 Nous l avons vu Almodovar d multiplie le cadre Ainsi l int rieur du cadre 1l associe des actions ind pendantes des discours des temps et des espaces autonomes Gr ce cela le spectateur est projet dans la m me confusion que les personnages Tout comme eux il cherche comprendre trouver sa place et une identit Almodovar va encore plus loin dans sa manipulation du spectateur en mettant en sc ne le spectaculaire Matador et Parle avec elle sont des films qui convoquent la tauromachie Aftache moi Matador et Femmes au bord de la crise de nerfs le cin ma Tout sur ma m re le th tre Talons aiguilles le cabaret et la t l vision kika la photographie et La fleur de mon secret met en sc ne le monde de l dition Le cadre intervient souvent pour border ce qui est de l ordre du spectaculaire Almodovar ins re donc dans ses films de fausses publicit s de faux journaux t l vis s et des extraits de film ce qui lui donne une bonne raison de d
4. 18 Ibid p 69 19 faut reconna tre le caract re spontan de la jouissance artistique il n en reste pas moins que cette capacit d appr cier les uvres d art s amplifie avec la culture artistique Le corps du spectateur prend la mesure de l efficacit du spectacle d apr s sa propre culture Notre repr sentation du monde est fond e sur des valeurs profond ment integr es notre univers mental C est toute notre culture m urs croyances institutions lois morale philosophie qui d finit notre rapport au monde sous forme de syst mes de pens es d id ologies de codes ensembles de signes organis s communs aux membres d un m me groupe culturel couleurs nationales coutumes Tous ces codes sont int rioris s et r activ s par la lecture de l image ils renvoient une m moire collective C est ce qui explique que des objets esth tiques provenant d autres cultures puissent arr ter mon attention voire me s duire imm diatement du fait de leurs formes et de leurs couleurs singuli res A l inverse un objet esth tique qui ne m est pas familier peut tre difficile appr hender dans le sens o je n ai pas forc ment acc s un second degr de lecture de l uvre Certains films n cessitent par exemple de conna tre l histoire du pays dont le film parle ou le contexte de production de l uvre D autres sont remani s et adapt s pour tre diffus s dans un autre pays que celui d o il prov
5. FD Sibony Le corps et sa danse Paris ditions Du Seuil 1995 p 255 ERA Ibid 15 motionnelle De m me le corps de l acteur s appuie sur le texte et sur le jeu des autres corps qui lui font face Ainsi le jeu repose sur l criture d un personnage et une mise en sc ne du corps de celui ci Effectivement l me du personnage fait l objet d une criture pr alable par le cin aste et lorsque le personnage appara t dans l image 1l est d j construit travers ses caract ristiques li es au corps D autre part le personnage ne se d finit pas que par rapport des individualit s mais galement par rapport d autres personnages en compl mentarit ou en Opposition Le personnage est diff rent selon le montage le cadrage le jeu de l acteur le choix de l acteur et l criture du sc nario cependant chez Almodovar le corps est constant ou permanent dans le sens o se sont souvent les m mes acteurs qui incarnent des r les ressemblants des types de personnages Par cette r currence c est le discours d Almodovar qui se p rennise au fil de ses oeuvres Ainsi Almodovar poss de incontestablement une pl iade d acteurs f tiches Carmen Maura qui durant huit ans jouera dans presque tous les films d Almodovar Victoria Abril qui sera l g rie d Almodovar dans plusieurs films Nous retrouvons aussi r guli rement Rossy De Palma Marisa Paredes Angela Molina et plus r cemment Pen lope Cruz Du c t des homm
6. Les deux femmes se parlant plus depuis des ann es Raimunda n avait pu lui avouer s tre fait viol e par son p re lorsqu elle tait enfant De m me le titre Affache moi R sonne comme une parole tandis que La fleur de mon secret et Tout sur ma m re invoquent le secret et la confidence Avec la mort du G n ral Franco en 1975 une nouvelle air d bute en Espagne Elle se caract rise par la fin de la censure et le retour des libert s d mocratiques qui vont permettrent aux cin astes d aborder des sujets jusqu alors interdits au sein de la movida madril ne renouveau artistique n de la fin du franquisme Ainsi Almodovar nous dit ce qui m int resse dans ce moment historique est l ivresse de libert que vivait l Espagne en opposition l obscurantisme et la r pression des ann es 60 Les personnages d Almodovar symbolisent donc l chec de la socialisation la d viance par rapport aux normes Mais pour lui cette d viance n est pas une menace pour l ordre social au contraire elle contribue au changement social La d viance peut tre positive et ce qui est consid r comme d viant ici ne l est pas forc ment en d autres temps et lieux 73 CONCLUSION Nous l avons vu P dro Almodovar se distingue des mod les cin matographiques pr existants 1l poss de son propre style filmique au sens o l emploie Monique Carcaud Macaire Pour elle au degr z ro de sa d finition le style correspond au syst me des
7. Tout un syst me symbolique sous tend les repr sentations corporelles fragment es Par exemple pour signifier le d sir du personnage le cin aste peut cadrer la bouche du personnage Almodovar joue de la mati re cin matographique dans le sens o 1l utilise le gros plan et le morcellement du corps pour pi ger le spectateur dans son jeu L exemple le plus frappant est dans Kika D s le g n rique Almodovar offre des gros plans sur la poitrine d une femme en sous v tements En fait ces images du corps d nud sont celles que le personnage Ramon est en train de prendre avec son appareil photo Tout comme la cam ra d Almodovar l objectif de l appareil de Ramon se rapproche au plus pr s du corps tel point que Ramon dans l empressement et l excitation tombe sur son mod le en train de poser Ici le cin aste joue sur la m canique du sexe qui repose sur la consommation optique et le voyeurisme du gros plan transformant le corps en marchandise Ainsi le spectateur est comme Ramon qui approche le corps au point d en toucher la chair 1l veut lui aussi r pondre une pulsion scopique Le spectateur n en prend conscience que lorsque Almodovar s opposer son d sir de voir Mais il est trop tard comme le personnage le spectateur s est laiss all au d sir 1l comprend mieux le comportement du voyeur et le juge en connaissance de cause Dans Parle avec elle Almodovar va plus loin en jouant encore une fois de l rotisme mais
8. fragile et intense en tout cas tr s expressif La danse est une s duction et nous le constatons lorsque Zahara jette sa fleur Enrique qui est dans le public Par ce geste elle lit ce dernier comme la personne s duire En fait la s duction poss de une double port e il y a s duction de la danse sur le corps danseur qu elle veut porter ailleurs et s duction que le corps dansant rayonne quand il meut d autres corps qu il veut emporter avec lui Il s duit le corps des autres s il a s duit son corps s il a pu vraiment partir En effet la danse fait na tre des d sirs m me ceux qui sont interdits D une part le corps dansant s duit car il offre son public des gestes et un espace nouveau parmi ceux c toy s au quotidien D autre part la danse explicite parfois plus nettement la s duction la femme danse pour s duire l homme Le but de cette s duction pour le travesti est de sentir exister son propre corps de s assurer de son existence par le corps de celui qu il s duit Chez le cin aste les corps des travestis cherchent aussi s duire par la danse pour rappeler la soci t que l individu est habit de d sir un d sir qui chez eux semble tre en panne Ainsi les corps travestis d Almodovar s panouissent presque exclusivement dans la danse Elle est pour eux bien plus qu un tat second du corps elle correspond une identit et une place retrouv es D autre part le costume prouve au
9. le juge dans Talons Aiguilles se travesti Juliette la m re sup rieure des r demptrices humili es de Dans les t n bres est une lesbienne toxicomane le cur dans La mauvaise ducation est homosexuel et p dophile la police est ridiculis e dans En chair et en os et enfin la famille traditionnelle est critiqu e dans kika Talons aiguilles ou Tout su ma m re C est dans la forme filmique qu Almodovar d truit aussi les usages de la dictature en inversant les formes franquistes Affirmant son go t pour le populaire Almodovar montre que des groupes minoritaires peuvent cr er des valeurs Ces groupes revendiquent leur droit l existence et Almodovar exalte la qualit morale des comportements anormaux Dans l univers de Pedro Almodovar les bons les r dempteurs du mal de ce monde sont les travestis les toxicomanes les exclus de la soci t les mauvaises m res Mais pour qu ils deviennent expression majoritaire de la soci t 1l est essentiel que les valeurs de la marginalit minoritaire soient reconnues publiquement Leur acceptation publique et collective est la seule capable de les constituer en r f rence dominante Dans son ntroduction l anthropologie du spectacle Jean Marc Leveratto reprenant les mots de Duvignaud nous d crit un aspect du spectacle th tral qui caractact rise aussi selon nous les films d Almodovar Ainsi il doit tre l occasion pour les spectateurs de se confronter l expression de pas
10. multiplier le cadre Monique Carcaud Macaire nous explique que ces contrepoints narratifs ne sont pas que de simples clins d il parodiques portant sur la communication t l visuelle ils participent l conomie du r cit filmique Elle ajoute la probl matisation du spectaculaire et le questionnement des ordres de figuration indiquent une r flexion sur l image en g n ral et les repr sentations en tant que transferts possibles du monde D s lors nous constatons que le cadre d Almodovar fait le lien entre l espace social monde d apparence de faux semblant et de repr sentation de soi et l espace de v rit int rieure de retour sur soi de qu te identitaire Ainsi Almodovar donne naissance des processus de miroitement et d identification qui viennent manipuler le spectateur ou plut t guider sa lecture et l emp cher de juger les personnages En effet les images qui d filent au sein du cadre de la t l vision agissent comme le spectacle et la danse Tous deux mettent en sc ne le corps sont un espace de repr sentation pour le corps La danse est un moment o le danseur se donne l autre o 1l transmet toute son nergie et c est en cela qu elle agit comme un miroir Le public le corps social se regarde et se cherche dans le corps dansant comme dans le corps qui s anime sur son cran de t l vision Le miroir n est pas qu une machine regard il symbolise tout moyen de se reconna tre de s imager sans s
11. ne pour annuler la repr sentation cette occasion 1l propose au public de le distraire en lui racontant l histoire de sa vie Agrado se lance alors dans une num ration des parties de son corps qui ont t modifi es par la chirurgie esth tique On m appelle Agrado parce que toute ma vie ma seule pr occupation t de rendre la vie agr able mes semblables Je ne suis pas seulement agr able je suis mille pour cent authentique Voyez comme c est beau du sur mesure tout le corps humain Ajustage des yeux 80 000 le nez 200 nichons 2 70 la pi ce silicone dans les l vres le front pommettes hanches et le cul le litre co te dans les 100 000 limage des mandibules 75 000 pilation d finitive au laser 60 000 par s ance Le discours ressemble une confession intime mais il est aussi teint de la revendication de disposer enti rement de son corps m me s1 cela passe par la prostitution et la chirurgie esth tique En fait son discours agit comme une catharsis et occupe la m me fonction symbolique que la danse Chez Almodovar la parole est elle aussi lib ratrice Le mot catharsis vient du grec catharsis qui signifie purification vacuation purgation et en psychanalyse la catharsis est donc une m thode curative consistant lib rer le patient d un complexe refoul en l amenant une formulation dans le domaine conscient Agrado par sa prestation se lib re d une repr sentation normative
12. nous consid rons 1l ne nous reste plus qu nous fier nos instincts C est en quelque sorte de cette fa on que proc dent les personnages d Almodovar tiraill s entre raison bon sens d sir et instinct Peut on pour autant dire qu ils n ont aucune valeur aucune qualit morale Ordinairement la valeur est la qualit en rapport avec sa conformit une norme Pour les personnages la valeur est la qualit en rapport avec sa proximit leur propre id al Par sa manipulation des outils cin matographiques et par un emploi subtil de la repr sentation du corps Almodovar provoque et interpelle le spectateur La forme du film rappelle toujours la th matique le sujet du film d ailleurs d j amorc e dans le g n rique 93 1 Introduction l anthropologie du spectacle Jean Marc Leveratto p 67 68 106 E Cl ment C Demonque L Hansen Love et P Kahn La Philosophie de A Z Paris ditions Hatier 1994 p 158 EFP Sartre L existentialisme est un humanisme ditions Gallimard 1996 p 43 71 Almodovar r ussit faire ressentir au spectateur les motions des personnages 1l profite du dispositif cin matographique pour lui faire passer plus que du sens de v ritables sensations Le spectateur est alors dans l impossibilit de juger les personnages L un comme l autre sont dans le d sir la pulsion et la passion dans un tat qui perturbe le jugement et la conduite Il ne peut donc pas juger les
13. s insurger contre le violeur et le juger comme un criminel Citons un nouvel exemple o la forme sugg re le fond lorsque Ramon offre sa bague Kika le cadre du bar qui devient cadre de l image prend la forme arrondie d un anneau Ce th me de voyeurisme est voqu par des images symboliques comme le gros plan sur un il dessin la main dans l institut de beaut de Kika qui voque toute la th matique du regard Ainsi dans Kika le cadre est le moyen par lequel Almodovar fait entrer le spectateur dans l intimit des personnages et le rend complice de voyeurisme Dans Talons Aiguilles le cadre de la t l vision est celui qui assure le passage entre un espace public et un espace priv Almodovar nous montre qu aujourd hui les fronti res entre ces deux espaces ne son plus aussi videntes la t l vision comme dans la soci t nous sommes en repr sentation de nous m me Il signifie cela lorsque Rebecca avoue publiquement dans le journal qu elle pr sente quotidiennement qu elle a tu son mari Celle ci justifie son crime elle prouve le besoin que les gens comprennent les circonstances d un tel meurtre Elle confond les espaces parce qu elle n a pas de rep res parce qu il y a eu un point de rupture dans son pass notamment le rejet de l enfant par sa m re Le probl me non r solu l emp che de se construire au pr sent et la pousse faire les m mes erreurs que par le pass Ainsi elle tue ceux qui lui volent
14. soulignant le th me du voyeurisme 1 2 2 Le corps incarn Au cin ma le statut du corps est complexe dans le sens o le corps est la fois d sincarn comme nous venons de le voir et incarn par un acteur En effet dans Le Cin ma les auteurs nous disent que l identit du personnage se double de celle du com dien qui l incarne Le personnage emprunte au com dien son apparence physique sa voix et il n est pas toujours facile pour le spectateur de faire la part de ce qui appartient au propre de l un ou de l autre Le com dien n est jamais un interpr te neutre Au cin ma acteur et personnage partagent donc le m me corps car c est bien gr ce au corps que l acteur peut incarner un personnage Le corps devient le support de l aspect physique et de la psychologie du personnage mais aussi de ses dialogues et de ses actions Il manifeste ce que le personnage est et ce qu il fait Ainsi dans Le corps et sa danse Daniel Sibony nous explique que MA l exp rience de l acteur est de celles o corps et me corps visible et corps latent non seulement communiquent mais sont deux formes d une m me pr sence physique et mentale qui vient faire v nement s exposer aux mots et aux histoires grosses d v nements qu elles PE Frey A L t et F Vanoye Le cin ma Saint Amand Montrond ditions Nathan 2002 p 144 14 font na tre dans le corps qui les porte qui les joue Il ajoute
15. tre voire de l extr me mais il est aussi investi de toutes nos craintes et nous demandons plus que jamais la m decine de le maintenir en bonne sant de pr venir ses imperfections et ses maux de le d livrer de toute souffrance Les nouvelles techniques biologiques ouvrent des perspectives vertigineuses pour son utilisation conservation de sperme et d ovules f cond s dons d organes m res porteuses Q L Pa 7 transsexualisme manipulations g n tiques Cette d finition r v le que le corps s associe au para tre dans le sens o 1l est appr hend par autrui sous l angle du regard Notre corps est principal repr sentant de ce que nous sommes aux yeux de l autre et c est pourquoi nous attachons tant d importance ce que nous paraissons notre image Nous vouons un v ritable MA culte notre corps parce que contrairement notre me il est imm diatement d voil l autre Au premier coup d il le corps d autrui participe l image que je me fais de lui bien que les apparences soient trompeuses Notre culture du corps est donc celle d un corps vu p n tr du regard des autres perc jour C est le cas dans les publicit s par exemple o le corps se met de plus en plus couramment nu et d voile son intimit Le th me du corps est aussi devenu un v ritable champ d investigation pour les artistes et cr ateurs du 20 si cle qu ils s expriment par les arts plastiq
16. Leveratto De l toile la star L acteur de cin ma et la naissance du film de qualit 29 II LE CORPS DANS LE CHAMP FILMIQUE D ALMODOVAR 1 1 Le corps comme lieu du drame Nous l avons vu notre culture du corps est celle d un corps morcel d un corps p n tr du regard d un corps devenu objet d tude Par nature m me le cin ma fragmente le corps de mille fa ons et l offre l il du spectateur Cependant il repose sur un paradoxe il ne peut s emp cher de d couper le corps et pourtant le corps vit sous les yeux du spectateur sans qu aucune faille n apparaisse Au cin ma le corps ne parle pas de lui m me c est le cin aste qui l anime qui lui donne vie Le cin aste investit dans le corps une multitude de caract ristiques qui vont servir au spectateur pour d chiffrer l identit et les sentiments du personnage Si dans la soci t le corps est soumit diff rentes normes au cin ma le r alisateur est presque le seul ma tre du personnage C est lui qui choisit les limites impos es au corps et il peut se permettre tous les carts par rapport la norme Ainsi il convient d observer les comportements des corps dans le champ filmique d Almodovar comment nous sont ils donn s voir Quels dispositifs sont mit en place pour qu ils s expriment En fait dans son uvre Almodovar questionne le corps Il se propose de le red finir le corps est il seulement soit celui de l tre anim soit le cadavre Est
17. agir motionnellement qu il participe la mise en place du sens et de la cr dibilit Ainsi il doit prendre des ressources en lui m me sans avoir recours des artifices Il doit int rioriser son personnage et d ployer toute une palette motionnelle Le travail d interpr te de l acteur c est d clater son corps en fibres multiples dont chacune sera charg e avec sa voix ses gestes ses passions ses calculs ses pens es et cet ensemble de fibres s offre au passage du texte le texte qu il lit et qui le lie qu il interpr te qui l interpr te Par toutes ces fibres l acteur est lui aussi interpr t pris dans l inter l interstice l interaction l interlocution Le corps m moire de l acteur se charge de ce qui se joue dans le texte qu il d charge dans son jeu Son corps est l me du personnage qu il fait jouer L acteur travail donc du corps Ainsi l acteur est le porte parole de l enjeu du travail du film et son jeu repose sur un v ritable travail d incarnation Etre acteur c est rentrer dans l univers d un personnage et cet univers est d crit dans le sc nario Par son jeu l acteur cherche donc accompagner la mise en sc ne et inversement la mise en sc ne est le support du jeu Par exemple les personnages et les d cors ont une relation symbolique mais galement fonctionnelle C est le jeu en situation c est dire dans un d cor qui conf re l acteur une capacit d obtenir une r action
18. alit absente Par exemple le bleu voque une sc ne nocturne ou le jaune le soleil Les couleurs ont donc une valeur fonctionnelle D autres utilisent la couleur d autres fins Par exemple Krzysztof Kieslowski cin aste polonais a voulu exposer sa vision du monde occidental et sa conception des rapports humains dans une trilogie intitul e Bleu Blanc Rouge Dans ces trois films le traitement de la couleur et de la lumi re est en correspondance directe avec les titres des films et avec la devise de la France Libert Egalit Fraternit Chaque film donc une tonalit diff rente le bleu est dramatique le blanc voque la com die noire et le rouge est plus optimiste marquant une victoire contre l indiff rence Chez lui la couleur est un reflet une ambiance Elle vient non seulement habiller les situations mais aussi les corps et les objets Par son symbolisme elle constitue une trame narrative qui vient surplomber la narration premi re et classique En fait la couleur transmet des affects communs provoque une r action plus ou moins inconsciente chez le spectateur Elle poss de une charge symbolique commune que l homme a parfaitement int gr et c est le cas lorsqu il classe les couleurs selon sa tonalit froide le bleu le gris ou chaude le rouge l orang le jaune Ainsi chaque couleur a un sens d abord tabli objectiv dans le r el et dont se sert Almodovar Quelles transformations ef
19. aussi de la possibilit offerte par le cin ma de d couper le corps en plusieurs tailles et en 11 diff rents espaces temps Dans la sc ne o B nigno se rend au cin ma Almodovar associe use du gros plan sur des fragments du corps et joue avec l chelle des plans et la taille des personnages Il associe ainsi deux gros plans sur le visage d une femme qui prouve du plaisir et ins re entre eux un gros plans sur le sexe de la femme Dans la m me image au premier plan un homme minuscule tente de p n trer le sexe g ant du second plan la cam ra p n tre l intimit du corps Par ce proc d cin matographique Almodovar redouble l effet loupe le gros plan et il rend compte de la densit physique de la pr sence du corps cin matographique Almodovar utilise donc le gros plans et plus particuli rement lorsqu il s agit de filmer les visages Dans Le Corps Enrique Seknadje Askenazi critique cin matographique se propose d tudier le corps au cin ma L auteur cite B la Bal zs crivain et th oricien du cin ma hongrois qui fut sc nariste pour Pabst et auteur d essais esth tiques comme L Esprit du film crit en 1925 Selon Balazs avec le gros plan on sort de la dimension spatiale pour entrer dans une dimension spirituelle Et ce tout particuli rement avec le plan rapproch du visage humain qui prend une valeur en soi et n a pas besoin d tre reli intellectuellement au contexte spatio temporel duquel il a
20. d pend le r sultat esth tique du film et son emploi de la couleur est guid aussi par des choix esth tiques A la mani re du peintre qui travaille le m lange des couleurs sur sa palette le cin aste cherche des nuances qui lui plaisent et 1l les ST Permis de penser mission diffus e sur Arte 2004 CRE Ibid 5I adapte au support sur lequel il travaille Yves Klein disait ce qui me plaisait par dessus tout c taient les pigments purs en poudre tels que je les voyais souvent chez les marchands de couleur en gros Ils avaient un clat et une vie propre et autonome extra ordinaire C tait la couleur en soi v ritablement la mati re color e vivante et tangible Ce qui me d solait c tait de voir que cette poudre incandescente une fois m lang e une colle ou a un m dium quelconque destin la fixer au support perdait toute sa valeur se ternissait et baissait de 83 ton Ainsi pour le cin aste toute la difficult r side aussi dans le fait d enregistrer la couleur de fa on ce qu elle soit rendue perceptible sensible et narrative aux yeux du spectateur La palette chromatique d Almodovar offre de belles images que le spectateur peut regarder en tant que telles comme un tableau une peinture Mais elle est aussi un outil narratif qui repose sur le symbolisme des couleurs et sur leur valeur culturelle Face ces couleurs le spectateur participe la production de sens au lieu de se lai
21. de Daniel Sibony L acteur proc de lui aussi une mise en jeu mouvement e du corps Dans la danse le corps en mouvement est l auteur d une cr ation personnelle L auteur de l uvre Le corps et sa danse d finit la danse comme une qu te fr n tique ou sereine de la place et du lieu d tre Il ajoute que dans le social aussi chacun se place et se d place fait des placements des investissements comme on dit affectifs mon taires de pouvoir toujours de corps t Ainsi le danseur explore l tre avec son corps et la danse constitue un lieu de recherche recherche d une place o exprimer son tre dans sa nature intime recherche d affirmer sa place dans la soci t Pour les travestis que met en sc ne Almodovar la danse est une r ponse l v nement sans recours o le corps est clou devant l impossible mais veut pourtant vivre et se mettre en mouvement C est une r ponse l uvre dans l inconscient Dans le sympt me on somatise dans la danse c est un d sir archa que mais toujours actuel qui prend le soma le corps par ses racines et le jette dans le mouvement La danse est un jet de vie pour sortir de l orni re C est pourquoi la danse le Dictionnaire Hachette multim dia 1998 hp Sibony Le corps et sa danse Paris ditions Du Seuil 1995 Ibid p 9 32 geste sont une ouverture du corps quand tout est bouch Effectivement la danse est une expression du corps
22. de l h pital demande qui est le fils de pute qui a pu faire cette saloperie la violence verbale de cette question para t soudain monstrueuse tandis que sa l gitimit est totalement oblit r e Almodovar joue volontairement de cette confusion B nigno est certes un psychopathe comme le disent les psychiatres dans le film ou du moins un malade mais n est il pas aussi un passionn qui vit un amour absolu pour Alicia De m me que Lydia est mise mort par le taureau lors de la corrida Alicia est mise mort par B nigno un animal qui ne contr le pas ses pulsions Ainsi Almodovar souligne le caract re ambigu des normes juridiques morales et thiques Le fait qu Alicia soit enceinte l issue de ce viol la rapproche de la Sainte Vierge qui enfante sans relations sexuelles D ailleurs B nigno effectue un v ritable rite sur le corps d Alicia objet de son culte Ainsi la fa on de Mich el Powell dans Peeping Tom 1960 ou de Fritz Lang dans M le Maudit 1931 Almodovar met en sc ne des personnages qui 1 Cf Annexe 2 C Tesson L amour mort dans Cahiers du Cin ma avril 2002 8 Cf Annexe 3 C Axelrad Parle avec elle au commencement tait le verbe dans Positif avril 2002 99 T Ibid 100 M Powell Le Voyeur film Angleterre 1960 TE Lang M Le Maudit film Allemagne 1931 66 transgressent les tabous de la soci t parce qu ils sont porteurs de d sirs incontr lables M
23. de symboliser ses caract ristiques et non pas de la condamner ou de la repr senter dans un aspect r aliste Chez Almodovar le corps est objet de jouissance que ce soit pour les partenaires de l acte sexuel ou pour le violeur qui chosifie le corps Cette dualit du traitement du corps montre qu il n y aurait pas de bons ou de mauvais d sirs mais simplement des d sirs Nous en poss dons tous mais nous ne les assouvissons et ne les contr lons pas tous de la m me fa on Le cin aste nous dit ainsi propos de La Mauvaise Education c est la part obscure de ces ducateurs qui m int resse et parall lement la part obscure du r alisateur et de ce pseudo acteur Elle me sert pour parler des r les que chacun adopte dans une situation de passion En tant qu ducateur le p re Manolo est le bourreau Mais dans la vie civile c est la victime Il 2 SN Ne 72 se retrouve confront un amour absolument sinc re mais interdit Ainsi les films 1 A 1A e2 2 d Almodovar racontent les d sirs normaux d tres anormaux que la soci t per oit comme des menaces Il 2 3 Le corps comme ic ne religieuse Chez Almodovar la religion est prise contre pied En effet d une part le corps des personnages ne r pond pas aux lois chr tiennes et d autre part il est l objet sur lequel les personnages transf rent leur culte En effet les personnages ont une pratique du corps qui est celle interdite par la religion ch
24. des c r monies en usage dans une religion l ensemble des r gles qui r gissent la pratique d un culte particulier Les personnages s approprient les rites religieux et les d tournent ils veulent se sentir exister et non pas exister sous le regard de la soci t de la religion ou d autrui Ainsi ils placent leur croyance et leurs espoirs dans le corps Almodovar le signifie travers l association au sein du m me plan d images saintes des ic nes chr tiennes B M A Descamps L invention du corps Paris ditions Presses Universitaires de France 1986 p 17 14 Permis de penser mission diffus e sur Arte 2004 43 et de photographies rotiques de femmes d nud es Cela traduit que les personnages placent au m me plan le corps saint et divin du Christ et celui en chair et en os de la femme Par exemple lorsque Kika se rend chez Nicholas pour maquiller le corps de son fils Ramon qui vient de d c der celle ci d couvre suspendu au mur un panneau d affichage patchwork de figures divines et de corps rotis s C est dans cette atmosph re que le miracle se produit au contact du pinceau de maquillage de Kika Ramon ressuscite En fait les personnages projettent dans le corps la m me intensit de croyance que le font ceux qui croient en une religion C est le corps qui leur procure du plaisir contrairement ce que pr conise la doctrine chr tienne Dans La Mauvaise ducation la religion est la fois s v remen
25. di g se en se demandant pourquoi le t l phone est rouge que symbolise t 1l d important pour qu Almodovar le mette ainsi en valeur Cette question nous pousse chercher quelle est la place du spectateur dans les films d Almodovar En fait le cin aste redistribue les r les gr ce au cadre Les personnages sont spectateurs de la t l vision d une pi ce de th tre d un spectacle d une corrida et le spectateur n ayant plus sa place se trouve dans une position nouvelle Par exemple dans Kika le spectateur est clairement plac au rang de voyeur Nous pouvons alors nous demander quel est l int r t d Almodovar En fait il fa onne le spectateur 1l se joue de lui le rend incapable de juger les personnages Le spectateur est mit distance de ses pr jug s et de tout ce qu il conna t de la soci t qui l entoure de son exp rience quotidienne L uvre d Almodovar pose les m mes questions que Fritz Lang dans M Le Maudit le personnage est il un malade ou un assassin A l heure du jugement qui est en droit de juger les actes p dophiles de M La population qui elle m me est sa fa on coupable Les films d Almodovar ont un effet similaire celui que procure le film de Lang Par exemple dans Kika le spectateur plac au rang de voyeur et se sent coupable de juger car il a lui m me faut Le spectateur ressent le m me sentiment d injustice dans les deux films jugeant que le coupable est mal jug Il en va de m m
26. du corps Il conclut son discours par une phrase qui symbolise toute la pens e Almodovarienne pour tre totalement authentique 1l faut tre conforme l image qu on a r v e de soi m me Chez Almodovar la danse ou la prestation sc nique est un voyage du corps dans la lumi re et une mise en lumi re des attitudes du corps dans le sens ou les corps sur sc ne sont sous les projecteurs face un public attentif et c est par leur prestation qu ils revendiquent le droit un corps et une identit hors norme si nous pouvons parler de normalit Ibid p 100 66 Ibid p 107 67 Dictionnaire Hachette multim dia 1998 40 1 2 2 Des tre de d sirs et de passions Chez Almodovar le d sir est une valeur ambivalente D une part le d sir nous est montr comme une valeur positive o il est une puissance d affirmation et de cr ation Comme Spinoza l affirme au livre IH de son Ethique nous ne d sirons pas une chose parce qu elle est bonne mais au contraire nous la jugeons bonne parce que nous la d sirons Ainsi les personnages trouvent satisfaction dans le d sir de l autre et dans le plaisir sexuel Almodovar nous dit que dans ses films il y a des relations sexuelles parce que les relations sexuelles a fait partie de la vie Et puis parce que c est l un des quelques l ments dont la nature nous a dot s pour jouir donc ces personnages l n ont rien part leur corps et ce plaisir l personne ne va pouvoir l
27. ensemble code de la route avec l univers des couleurs Comment fonctionnent les couleurs au sein du code la route En fait la signalisation se sert de six couleurs le rouge le bleu le jaune le vert le blanc et le noir Ainsi le rouge est toujours reli l id e de danger ou d interdiction feu rouge sens interdit panneau stop le bleu signale une obligation ou apporte une 78 M Pastoureau Dictionnaire des couleurs de notre temps Symbolique et soci t Paris ditions Bonneton 1992 p 49 48 indication Le jaune rel ve de la signalisation temporaire tandis que le vert connote une autorisation Le syst me chromatique du code de la route assimil par tous les titulaires du permis de conduire permet cette norme de fonctionner efficacement Au cin ma une couleur peut convoquer une sensation car la perception est synesth sique Par exemple le jaune citronn que je vois l cran me fait sentir spontan ment le go t amer du citron tout comme un gros plan sur une bouche ouverte me donne l impression d entendre un cri Ce processus se fonde sur notre exp rience sensorielle individuelle Notre exp rience du r el naturalise spontan ment l image en y projetant des bruits et des sons La couleur fait partie int grante du rapport que l homme entretient avec le monde sensible et le cin aste l emploie donc en connaissance de cause Pour certain les couleurs servent cr er une ambiance donner un climat une r
28. grer leur ouvrir un passage pour les dissoudre les consumer les disperser Les luder dans son ludisme Et en jouir La danse est peut tre le seul art le seul niveau d existence o le corps de se prendre pour objet d inter agir sur lui m me est la fois op rateur et r alit brute sur laquelle il op re L alt rit ici ce n est pas d tre autre c est de s engager dans le processus dans la danse processus de vie psychique v cu par mutilations et transformations successives Daniel Sibony nous dit que lib rer le corps c est redisposer du corps comme ouverture du possible comme recours aux impasses o le manque de corps et de pens e est 62 S Tisseron L intimit surexpos e Paris ditions Ramasay 2001 D Sibony Le corps et sa danse Paris ditions Du Seuil 1995 p 123 Ibid p 120 39 trop pr gnant c est prendre appui sur le corps pour explorer l tre possible les possibilit s d tre la danse est la mouvance des corps dans leur qu te d eux m mes de ce qui pourrait les signifier de leur rapport la pr sence donc l tre Le corps pense et se d pense la recherche de son espace de ses points critiques des points singuliers de l tre par quoi 1l peut se faire parlant jouissant parlant d autres aux instants rares o a prend corps o l v nement se fait corps Dans Tout sur ma m re Agrado l ami travesti et prostitu de Manuela monte sur sc
29. il celui d un homme ou d une femme Pour lui le corps ne r pond pas une notion de normalit le corps transgresse les lois physiques du corps et il est la fronti re entre diff rents tats constitutifs de l tre humain Les corps ainsi red finis par Almodovar sont des corps neufs qui bannissent les r gles les pr jug s et la morale Mais du m me coup se sont des corps exclus rejet s des corps en souffrance 1 1 1 Le corps entre la vie et la mort Chez Almodovar le corps n est pas repr sent comme tant vivant ou mort Au contraire le cin aste place sans cesse les corps la fronti re entre ces deux tats Pour lui le statut du corps ne r side pas dans l tat de vie ou l tat de mort car le corps est bien plus complexe Par exemple le corps peut tre physiquement paralys alors que le c ur bat encore Le corps qui refuse de s alimenter de pr server sa sant tend t 1l vers la mort ou la vie Et si nous consid rons que le corps est mortel mais que l me au contraire subsiste apr s la mort peut on alors d finir aussi clairement la limite ou s arr te la vie et o commence la mort 24 De m me l individu malade qui demande la mort ne consid re t 1l pas cette derni re comme une lib ration de ses souffrances Autant de questions auxquelles Almodovar confronte le spectateur entre autre par le biais des personnages Chez Almodovar les corps morts ressuscitent ils semblent endormis et ne sont mort
30. je tisse avec les autres spectateurs sans consid ration justement de la diff rence d ge de sexe ou de statut social De plus le plaisir du spectacle s accroit du plaisir de partager avec autrui les m mes motions C est aussi cette communion avec autrui qui me pousse assister au spectacle en faire un rituel Certain spectateur prolongent m me cette exp rience du spectacle travers un autre rituel celui de se r unir au sein d un club d amateurs pour partager et transmettre le plaisir du spectacle autrui En effet si nous appr hendons les uvres d arts comme des empreintes de personnes le plaisir que me procure la r v lation publique de leur pr sence le fait qu elles se donnent moi menjoint de faire partager ce plaisir autrui Sous cette forme elles constituent un patrimoine qui met ceux qui les re oivent dans l obligation de les transmettre aux g n rations 40 futures Transmettre sur le film rel ve d un devoir de m moire c est une mani re de p renniser une uvre travers le temps Cette transmission passe par le corps En parlant de ce qu il aime le spectateur engage son propre corps dans la situation et l utilise pour faire sr 41 sentir autrui ce qu il ressent Tout spectateur qui vit l exp rience du spectacle et qui ressent son efficacit son int r t culturel est capable de le transmettre son plaisir autrui tout en prolongeant le sien Le spectateur clas
31. ma est de pouvoir d couper le corps le morceler tout en en amplifiant sa pr sence et sa pr gnance C est en cela que r side tout le paradoxe le corps cin matographique est n cessairement morcel lorsque le cin aste l crit et pourtant 1l est lu comme tant homog ne par le spectateur Toutefois il est tr s difficile pour le cin ma de rendre compte de la densit physique des corps et des personnages L image est en deux dimensions et met donc distance du corps Par exemple la chair film e sous la lumi re peut n appara tre l image que comme une simple texture et non comme une surface sensible En fait lors de la projection du film le cin ma donne l illusion du vrai Les conditions de r ception du film sont psychologiquement tr s particuli res Assis dans le noir dans un tat de passivit le spectateur n a pas la ma trise du d roulement des images il est tr s vite submerg par le flux de la projection tout moment le film lui offre une quantit importante d informations sensorielles cognitives et affectives Les conditions de r ception du film favorisent l imaginaire si bien que l image cin matographique mat riellement plane sugg re des impressions li es au touch comme l paisseur la densit la l g ret la duret la fluidit ou la rugosit Le cin ma produit un corps cin matographique compos d images en mouvements et l image du corps y est soumise des effets d apparition et de disp
32. moyens et des r gles qu elles soient prescrites ou invent es mises en jeu dans la production d une uvre Il s agit donc d un ensemble de propri t s de r gularit s distinctives dans l emploi qui est fait des codes dans le message n d une criture Ainsi chaque cin aste poss de une mani re subjective personnelle et m me unique de penser et d crire le monde Le style se caract rise donc par la mani re d utiliser les moyens d expression du langage cin matographique Gr ce au questionnement de l esth tique et de la s mantique des uvres d Almodovar l interrogation du texte filmique que nous avons effectu dans cette recherche nous voyons que le cin aste fait coexister deux axes conceptuels antagoniques la tradition et la modernit D une part le cin ma d Almodovar s inspirant du contexte socio politique de son pays vise mettre en rapport le corps portant les s quelles de son modelage par Franco et le corps travesti lib r du totalitarisme de celui ci En somme Almodovar nous montre des personnages qui r apprennent vivre avec leur corps couter leur d sir ressentir et prouver Les personnages ne sont plus condamn s au silence et c est pourquoi ils parlent ils dansent ils font l amour ils s expriment par tous les moyens possibles Pour sortir le corps des discours pass s tenus sur lui Almodovar confronte des personnages marginaux ceux qui sont cens s incarner la norme le juge L
33. prostitue pour gagner de l argent et se faire op rer Ainsi tout le paradoxe est l il n estime pas son corps actuel il le sacrifie le d truit pour en obtenir un neuf et rena tre dans un corps qui importera Ainsi ce corps qu il poss de ne vaut rien pour lui 1 1 2 Le corps travesti le masque le double et la repr sentation de soi Almodovar met en sc ne des personnages complexes en marge du clivage homme femme dont le corps et l esprit se contredisent parfois De nombreux personnages sont homosexuels c est dire qu ils trouvent la satisfaction de leurs d sirs sexuels avec des individus du m me sexe D autres se travestissent d sireux d adopter l apparence et l attitude de l autre sexe D apr s le dictionnaire Hachette se travestir c est se d guiser pour le carnaval pour un bal costum ou un r le de th tre en prenant l habit d une autre condition 47 ou de l autre sexe Ainsi nous constatons de nos jours encore qu il est difficile de penser le travestissement en dehors d un contexte qui le cautionne Pour les personnages d Almodovar le travestissement n est pas synonyme de d guisement et de f te mais de mal tre ou plut t de difficult tre Les homosexuels et les travestis souffrent en effet d avoir un corps qui n est pas en ad quation avec leur sexualit et leurs envies ils se sentent trangers leurs corps Les personnages ont le sentiment d appartenir au sexe oppos et prou
34. qu il nous semble percevoir Plus pr cis ment puisque l image est limit e dans son extension par le cadre il nous semble percevoir une portion seulement de cet espace C est cette portion d espace imaginaire qui est contenue l int rieur du cadre que nous appellerons le champ Le cadre se situe donc de niveaux D une part le cadre est construit et travaill par le cin aste C est par le choix de l chelle des plans de la composition interne des plans et des angles de prise de vue que le cin aste d cide des limites du cadre D autre part le cadre est inconsciemment pr sent pour le spectateur qui par le dispositif de r ception des films en vient l oublier moins que le cadre soit volontairement donn voir au spectateur comme le fait Almodovar qui souligne souvent ses cadrages par un cadre interne Le cadre de la t l vision le cadre du trou de serrure le cadre form par les rideaux de la sc ne de spectacle le cadre r tr ci sont autant de formats donn s l image et de symboles donn s aux spectateurs par Almodovar Les cadres Almodovariens sont donc paradoxalement la d finition du mot des ouvertures sur le pass sur l intimit Le cadre n enferme pas les personnages en lui et nous le voyons lorsque Almodovar effectue un recadrage l int rieur m me d un plan Par exemple le miroir encadre et clate le visage 1l laisse entrevoir ce qui se passe dans le dos du personnage les fen tres ouvrent s
35. qui vise au bonheur qui permet de lib rer son me Elle permet au corps errant et d sirant dans la sph re sociale de cr er son propre lieu o 1l ne serait plus un corps souffrant En fait la danse appara t pour les personnages comme une sorte de renaissance du corps et de l esprit A travers elle ces derniers cherchent une place o exister honn tement c est dire en conformit avec leur vraie nature puisqu il est impossible pour eux de le faire dans la soci t Chez Almodovar les corps qui ne trouvent pas leur place dans la normalit trouvent leur salut dans la danse En effet elle est pour les travestis l espace o le corps peut jouir de sa libert d faut de pouvoir en jouir dans la soci t Dans Talons aiguilles L tal imite la m re de Rebecca qui est une chanteuse c l bre Lors de sa repr sentation nous sentons que le corps dansant a trouv sa place D une part il ma trise l espace se d pla ant sur la sc ne et hors de la sc ne D autre part 1l est accept comme tel par le public Le corps de L tal est par coiff maquill f minis Ses gestes sont sensuels et d licats son regard et intense et L tal s duit son public par sa pr sence L assistance est complice elle mime les gestes du danseur et reprend sa chanson elle consent entrer dans le monde que L tal met en sc ne Le corps de L tal est applaudi suite sa prestation et non rejet comme dans la soci t La sc ne est do
36. se confond alors avec l extimit pour reprendre les termes de Serge Tisseron Le psychanalyste nous explique que l intimit ne peut se d finir que par confrontation des deux domaines qui s y opposent l espace public et l espace priv Le premier engage ce que l on partage avec le plus grand nombre et le second ce que l on partage avec des personnes choisies L espace intime quant lui est ce que l on ne partage pas ou seulement avec quelques tr s proches et aussi ce que chacun ignore de lui m me c est la fois son jardin secret et l inconnu de soi sur soi Par opposition il propose d appeler extimit le mouvement qui pousse chacun mettre en avant une partie de sa vie intime autant physique g Tisseron L intimit surexpos e Paris ditions Ramasay 2001 p 49 50 35 A ce titre nous pouvons citer l exemple du costume d Andr a La que psychique Balafr e personnage incarn par Victoria Abril dans Kika Animant une mission de t l r alit elle se prom ne en permanence avec une cam ra fix e sur la t te rentrant dans l intimit de tous saisissant des situations priv es et les rendant publiques la t l vision Ainsi elle ne conna t pas les limites entre ces deux espaces et cela se traduit dans ses costumes v tements de cuir noir collants au corps au point de se d chirer sous la force d une imposante poitrine Poitrine qui n est qu un artifice puisqu elle fait par
37. selon les poques les avanc es techniques et surtout selon les objectifs du cin aste Actuellement la pellicule la plus utilis e est celle de 35 millim tres mais la pellicule de 16 millim tres reste classique et professionnelle Ce format varie aussi selon le support de diffusion des images cin matographique En effet la t l vision s empare des films pr vus pour le grand cran et les films sont alors recadr s Le rapport largeur hauteur des deux crans n est pas le m me et une partie de l image cin matographique n est alors plus visible sur l cran de t l vision Cependant l arriv e des t l viseurs 16 9 permettent la diffusion sans r tr cissement de l image A ce propos il semble que le cin ma s introduit dans les foyers et plus seulement dans les salles pr vues cet effet D autant plus que le syst me Dolby St r o qui permet d obtenir un son identique celui obtenu dans les salles Est ce la marque de la perte de la sp cificit cin matographique Car le film est pr vu pour tre re u dans des conditions sp cifiques venant favoriser l imaginaire et l identification du spectateur Le cadre d signe aussi les limites de l image ou du champ film l espace couvert par la cam ra qui la projection se confond avec les fronti res de l cran Les auteurs de 53 Esth tique du film nous disent nous r agissons devant l image filmique comme devant la repr sentation tr s r aliste d un espace imaginaire
38. sur Arte 2004 16 1 2 3 Incorporation et techniques du corps Nous venons d observer les caract ristiques des corps qui apparaissent l cran il nous faut donc maintenant nous int resser aux corps qui sont face l cran L Introduction l anthropologie du spectacle de Jean Marc Leveratto nous aide comprendre le r le consid rable jou par le spectateur dans la construction du spectacle nous rappelant tout d abord qu il n existe pas d art sans spectateur que l art ne se produit qu en situation qu en pr sence d un tre humain qui en fait l exp rience Pour se faire l auteur fait appel aux travaux de Marcel Mauss sociologue et ethnologue fran ais sur les techniques du corps et les applique au spectacle Il dit si on lui redonne la suite de Marcel Mauss sa fonction d acte traditionnel efficace c est dire de conduite rituelle poss dant une efficacit prouv e sur les choses et les personnes pour tous ceux qui sont familiaris s avec cette conduite le u21 terme de techniques du corps s applique parfaitement au spectacle Puis il pr cise que l exp rience du spectacle est celle d une situation rituelle dont l efficacit d pend de la 72 Effectivement le spectacle est mobilisation d objets techniques dont le corps fait partie comparable au rituel sur plusieurs points Par exemple choisir un film se renseigner sur celui ci sortir de chez soi pour aller au cin ma ou encore pa
39. t d tach et qui reste hors champ Effectivement ce sont les affects les traces visibles de l int riorit d une personne qui sont donn es lire sur le visage sans que la parole n intervienne Le visage parle de lui m me et comme le pr cise Enrique Seknadje Askenazi observer un visage qui s exprime c est assister un monologue muet Peuvent tre cr es gr ce au montage des dialogues tout aussi muets entre des visages diff rents des regards Ils sont l accord ou la confrontation de 3 OA passions et d tats d me Ce qui importe ce n est plus le rapport entre le corps et une situation un objet ou un autre corps mais ce qui transpara t sur le visage La cam ra va encore plus loin en fragmentant le visage par des tr s gros plans sur un il ou une bouche Ces derniers sont des l ments symboliques du voyeurisme et du d sir et ils donnent voir de micros mouvements contraction des l vres ou tremblement de l il par exemple et non plus une expression globale du visage Ils sont un l ment narratif dans le sens o ils tracent un autre visage de la personne ils trahissent ou confortent ce qu elle para t Les visages r v lent leur v rit d eux m mes et la surface du corps est le lieu o se r v le l me D autre part l auteur nous pr cise que le suspense est cr par l attente impatiente de la mise en mouvement des muscles du visage montr en gros plan Il se r sout quand le visa
40. tal le p re Manolo les religieuses et prot ger le corps le m decin B nigno la police et 1l pose la question du statut social et de la valeur individuelle De m me dans Parle avec elle le silence est associ la mort et 1l vient contredire la parole qui tient en vie En voulant lib rer le corps de la m moire de Franco qui emp che l individu de se r aliser Almodovar probl matise le traditionnel et la modernit et cela travers des structures binaires Dans cette structure binaire le spectateur ne sait o se placer et 1l refuse d ailleurs de le faire la victime laquelle il s identifie est en fait le bourreau et les marginaux qui lui paraissent s1 diff rent de lui se r v lent en fait tr s attachants De m me lorsqu il existe d j un spectateur dans le film le spectateur regarde la situation dans laquelle il regarde et 74 zo aT ressent dans le monde r el ce qui se passe dans le monde imaginaire Ainsi le spectateur est submerg d motions contradictoires 1l est dans le ressenti et non plus dans les pr jug s Le fait de sympathiser avec des marginaux sur le mode imaginaire am ne le spectateur mieux les accepter dans le r el D autre part le spectateur est manipul volontairement par le cin aste qui veut lui faire ressentir ce que c est que de ne plus avoir son libre arbitre comme se fut le cas sous Franco Almodovar impose au spectateur de voir ou de ne pas voir de s identifie
41. 104 Th Ibid 70 simplement d un homme meilleur Il donne voir et permet aux g n rations successives d am liorer en l essayant comme on essaie un costume une image de la personne humaine Almodovar met en sc ne des personnages qui subissent toutes sortes de contraintes qui s opposent leur panouissement et r duisent les fronti res de leur libert Par ce biais le spectateur compatissant est amen dans le monde r el accepter des conduites sociales r prim es jusqu alors L uvre d Almodovar porte donc la trace du regard humaniste du cin aste dans le sens o ce mot d signait la Renaissance toute doctrine qui a pour objet l panouissement de l homme Selon La philosophie de A Z L humanisme pose que l homme est la valeur supr me c est dire un tre dont la dignit doit tre affirm e et prot g e contre toutes les formes d assujettissement qu il soit religieux id ologique politique ou conomique En ce sens l humanisme t revendiqu par des philosophies tr s diverses comme l existentialisme ath e de Sartre Ainsi dans L existentialisme est un humanisme Sartre propose sa conception de l existence selon laquelle l homme doit s affirmer et se construire ind pendamment de toute r f rence ou de tout mod le religieux Pour lui l homme est pleinement responsable si les valeurs sont vagues et si elles sont toujours trop vastes pour le cas pr cis et concret que
42. INTRODUCTION P dro Almodovar est un cin aste espagnol qui compte une quinzaine de films son actif Prim au festival de Cannes en 2006 avec Volver Son nouveau film il est le symbole de la Movida madril ne renouveau artistique n de la fin du franquisme Ses uvres sont donc empruntes de libert et de provocation mais aussi de contestations sociales et politiques Ma recherche s inscrit dans l optique d approcher au plus pr s le processus de cr ation du cin aste et proposer un axe de lecture possible de son uvre Ainsi il conviendra de noter les points communs entre ses films afin d en d gager une fa on de faire une pratique cin matographique singuli re D s lors nous pouvons noter que les titres de ses films se rapportent presque tous au corps car c est bien de lui dont Almodovar entend nous parler Ainsi Femmes au bord de la crise de nerfs et En chair et en os rappellent la mati re organique du corps Talons aiguilles ses accessoires Le Labyrinthe des Passions et la Loi du d sir ses tats d me et Aftache moi La Fleur de mon secret Tout sur ma m re et Parle avec elle convoquent la parole La Mauvaise ducation est quant lui le titre qui pourrait r sumer tous les autres et fait directement allusion l ducation donn e l Espagne par Franco Ainsi l uvre d Almodovar est indissociable de l histoire de son pays C est pourquoi il confronte le corps tous les tabous de la soci t espagnole et to
43. a maquiller afin de ne pas la travestir La maquiller alors qu elle ne se sent pas femme rel ve pour elle du travestissement car elle value cette notion par rapport sa propre norme son comportement son identit S Tisseron L intimit surexpos e Paris ditions Ramasay 2001 p 139 140 gt 0 Ibid l Permis de penser mission diffus e sur Arte 2004 31 psychique De m me pour les transsexuels o est la limite entre le d guisement et le travestissement Ainsi nous pouvons noter la structure duelle des personnages Figures du double du transfert et de la substitution sont pr sentes le p re d Est ban est devenu Lola dans Tout sur ma m re L o auteur de romans sentimentaux est domin e par son pseudonyme Amanda Gris dans La Fleur de mon secret et Pepa fait de la postsynchronisation avec Ivan son compagnon qui vient de la quitter dans Femmes au bord de la crise de nerfs Le double pr sent tous les niveaux de la repr sentation et du repr sent dans le cin ma d Almodovar affirme l ambigu t du corps et celle de l identit 1 2 Une r conciliation possible avec le corps 1 2 1 L identit retrouv e dans la danse Le dictionnaire Hachette d finit la danse comme une suite de mouvements rythmiques du corps une volution pas r gl s le plus souvent la cadence de la musique ou 2u 53n de la voix en somme une mise en jeu mouvement e du corps pour reprendre les mots
44. ahara qui n est autre que Ignacio dans La mauvaise ducation fait cho la prestation de L tal Zahara est introduite sur sc ne par le travesti qui vient de finir sa prestation Celui ci pr sente Zahara comme la myst rieuse la fascinante la seule et unique l inimitable Zahara Ainsi le travesti Zahara m me s il imite quelqu un rend l interpr tation unique du fait de son jeu de son identit et de son v cu propre Cela souligne aussi que la danse r v le l identit l tre profond et unique de celui qui la r alise Dans cette sc ne Almodovar rotise le corps et lui conf re toute sa sensualit Le corps est film comme celui des femmes c est dire de bas en haut La cam ra longe le corps lentement cr ant du suspens jusqu au moment o elle s immobilise en gros plan sur le visage Les costumes qui habillent les corps participent la sensualit La fonction premi re du v tement des accessoires qui parent notre corps est de l humaniser en le diff renciant de celui de l animal Mais le v tement n est pas seulement une marque d humanit c est aussi la marque d une identit sociale d une affirmation du rang social de la personnalit Ainsi certaines circonstances et certains lieux exigent de porter un costume et une apparence sp cifique Chez les travestis repr sent s par Almodovar le v tement se confond avec le sous v tement et m me avec le corps nu Le costume devient une seconde peau L intimit
45. aire clater l objet lui m me ou tout au moins engager le questionnement sur le corps dans un processus de fractionnement irr ductible Ainsi si le corps est unit nous sommes habitu s le fractionner pour l crire ou pour le lire et le cin ma n y chappe pas cette coutume P dro Almodovar morcelle sans cesse le corps et pourtant le spectateur le lit comme un corps coh rent et entier comme nous le verrons Are Ibid P Bourdieu La distinction ditions de Minuit 1979 p 210 i Ouvrage collectif Le Corps Rosny sur Bois ditions Br al 1992 Texte de Franck Despujol Corps et culture l apport de l anthropologie p 13 1 1 2 Enjeux actuels li s au corps Si le corps humain tait autrefois un objet qu il convenait de cacher et d ignorer il est devenu de nos jours au centre de toutes nos pr occupations aussi diverses soient elles En effet comme le soulignent les auteurs de La Philosophie de A Z la soci t de consommation le valorise notre corps est cette manifestation de nous m me qui r v le tout notre tre et doit pour cette raison tre entretenu et ind finiment perfectionn avec le plus grand soin soins de beaut habillement gymnastique mais il est du m me coup un moyen puissant pour agir sur le d sir du consommateur et nous le voyons s taler longueur de publicit s Le corps est le lieu suppos de notre accomplissement et le sport nous invite l exp rience du bien
46. ait Petite fabrique de l image Paris ditions Magnard 2003 p 110 34 Jean Marc Leveratto Introduction l anthropologie du spectacle Paris ditions La Dispute 2006 p 40 Ibid p 42 Thid 20 Ainsi avec son corps le spectateur juge aussi de la valeur thique d un spectacle Le corps du spectateur est par ses r actions spontan es un instrument de mesure de la normalit thique du spectacle Il faut noter le souci du spectateur de d fendre sa dignit personnelle en mesurant l acceptabilit sociale du spectacle auquel il participe Cela explique que certains spectateurs quittent la salle de cin ma lorsqu un film leur para t intol rable Par exemple bon nombre de spectateur n ont pas support la sc ne du viol dans le film de Gaspar No Irr versible Cela prouve tout l engagement du corps et de l esprit dans le spectacle ainsi que la facult cognitive des images Cependant une telle r action ne prouve t elle pas toute l efficacit du spectacle En fait les spectateurs tous dans la m me posture physique et mentale r agissent l unisson parce qu ils sont fascin s et touch s par le m me spectacle Cela apporte au spectateur une confirmation de l harmonie entre ses motions et celles des autres spectateurs une validation du jugement port et un attachement commun aux m mes valeurs Le spectateur peut valuer la normalit de sa r action gr ce au lien social ph m re que
47. anuela accepte de faire don du c ur de son fils un malade qui doit tre transplant et c est alors la question de l identit qui se pose Si le c ur de son fils bat dans un autre corps comment envisager l identit du transplant et celle d Est ban Comment envisager la mort comme fin en soi Evidemment la tristesse de la m re endeuill e la pousse insuffler son fils un souffle de vie et elle consid re donc que son fils vit toujours travers l homme qui a re u son c ur Est ban est en quelque sorte r incarn dans une autre personne son souvenir est p rennis travers le transplant La situation est ironique en mourant Est ban sauve la vie d un homme Almodovar insiste sur le fait que la mort peut frapper tout moment et introduit ainsi dans son cin ma la notion de destin l id e que certaines choses chappent notre contr le La question de l identit est soulign e dans ce m me film par l adoption du fils de Rose par Manuela En effet suite la mort de Rose Manuela prend en charge l ducation du fils de celle ci et le nomme Est ban L enfant est le symbole vivant de Rose et d Est ban tous deux morts C est donc travers lui qu Est ban et Rose ressuscitent Leurs corps sont morts mais 25 Manuela les fait vivre dans son esprit par le souvenir C est un refus de la mort un refus d accepter que le corps soit p rissable ou plut t un besoin pour continuer vivre de projeter l image des dispa
48. appelle l acte de contrition c est dire qu il se repentit d avoir p ch Il dit c est ma faute c est ma faute c est ma tr s grande faute et Zahara lui donne la r plique voix basse oui par ta faute par ta faute Ainsi elle r pond au pr tre et le dialogue est presque r el entre les personnages Almodovar aime donc voler la liturgie catholique en voler la destination et en faire un vecteur de communication humaine Les personnages sont parfois d sesp r s et ils prient non pas parce qu ils ont la foi mais par n cessit Leur religion 1dol tre le corps mais pas celui du christ Ils humanisent la religion et incarnent Dieu le corps du christ dans un corps mis nu et rotis 76 Ibid 45 Chez Almodovar m me les religieuses du film Dans les t n bres 1983 pr f rent croire aux plaisirs r els que procure le corps plut t qu en un Dieu immat riel 46 IT LE CONTROLE DE LA NORMALITE PAR LE SPECTATEUR Les films d Almodovar placent le spectateur dans l incapacit de juger les personnages D une part parce que le spectateur ne peut s identifier aux personnages m me s ils s y attachent ou aux d cors du fait de leur fantaisie Almodovar cr e son propre univers sa propre soci t compos e de personnages marginaux voluant dans un paysage haut en couleurs Certes le spectateur reconna t les objets ceci est un t l phone cependant 1l d passe sa passivit et son immersion dans la
49. arition dus au caract re insaisissable de la projection De la m me mani re d une image m me fixe et isol e peut na tre une impression sonore C est le cas lorsque la source du son est montr e l image bouche ouverte pour le cri marteau frappant l enclume clocher de village radio ou quand la sc ne voque une ambiance sonore comme les images de foule de f te foraine ou de cha ne d usine En fait notre exp rience sensorielle du r el naturalise spontan ment l image fixe en y projetant des bruits et des sons Le cin ma muet explorait la suggestion sonore et cela faisait appel la participation du spectateur Le cadrage morcelle le corps cin matographique Nous constatons qu Almodovar aime cadrer les visages en gros plan placer sa cam ra au plus pr s des d tails du visage Le gros plan transforme la perception de notre corps en le fragmentant par un cadrage tr s rapproch Il constitue une violence faite l homog n it l unit corporelle en en faisant clater la repr sentation Pour Almodovar le visage est le lieu de fixation de l affectivit et de l me Sa cam ra n en finit pas de le scruter pour en d coder les signes Le visage sa valeur motive et J C Fozza A M Garat et F Parfait Petite fabrique de l image Paris ditions Magnard 2003 p 165 10 son nigme sont autant de territoires qu Almodovar explore de film en film et qui constitue un lieu de fixation fantasmatique
50. artient Il ne porte pas sur Alicia un regard neutre mais un regard passionn et il n a pas la relation normale d un m decin et de son patient Le corps d Alicia se comporte comme un cadavre et ne communique pas il ne peut donc avoir consenti l acte sexuel ou pire il ne peut s en tre d fendu B nigno pratique une m decine inhumaine qui d shumanise la femme et la justice le lui fera payer Sur un plan pathologique la passion amoureuse de B nigno pour Alicia est gouvern e par un d sir de possession irr pressible juste pour lui dans le coma port e de regard et de main point par o l obsession du contr le aimer l autre sans qu il vous r siste confine un tat de mort id al ou de chosification organique absolue ses cuisses sa poitrine Cette forme d amour se rapproche de la n crophilie Comme le souligne Catherine Axelrad dans la revue Positif Le film ne nous montre pas un minable violeur engrossant une malade sans d fense mais un authentique innocent dont la parole est porteuse d amour et de vie En effet plus de la moiti du film se consacre montrer B nigno aux petits soins pour Alicia comme il l a t pour sa m re malade Le spectateur se rend complice de B nigno le trouvant touchant et d vou Qui d autre qu Almodovar pouvait nous convaincre que B nigno le bien nomm bienfaisant et inoffensif a commis cet acte par et avec amour Il y parvient si bien que lorsque le directeur
51. b rer d finitivement du mythe de la compl mentarit entre hommes et femmes et de tous les st r otypes dans lesquels 1l a pi g les comportements depuis deux si cles il convient de reconna tre la bisexualit psychique de chacun et d accepter la rivalit entre les sexes Pour les hommes comme pour les femmes la p riode contemporaine est caract ris e par l absence de mode d emploi qu il soit professionnel familial ou social et la r f rence est plut t que chaque individu quel que soit son sexe doit trouver son truc C est comme cela que fonctionnent les personnages Almodovariens Le cin aste confirme je crois en fait que les deux sexes se rapprochent de plus en plus l un de l autre L homme a de plus en plus d attitudes qui autrefois taient r serv es aux femmes Je crois qu tre homme ou tre femme c est la fa on dont on se ressent C est l identification avec soi m me pas avec les autres A travers ses films Almodovar questionne et red finit le travestissement Il montre que se travestir porter un masque est un jeu tol r dans la soci t dans le cadre d un bal costum ou dans le monde du travail mais auquel nous emp chons tout le monde de jouer comme les travestis Cette notion d acceptation sociale du d guisement est mise en parall le avec l acceptation individuelle de soi Dans Kika lorsque Kika maquille Juana homosexuelle pour la rendre plus f minine cette derni re lui dit de ne pas trop l
52. bien s r et apr s dans toutes les d marches qu il faut faire Maintenant en Espagne la s curit sociale commence payer l op ration et c est vrai que les travestis ont gagn le changement d identit sur leur 48 p Le cas est illustr dans La Mauvaise carte d identit Mais tout a se fait doucement ducation o le travesti se prostitue pour gagner de l argent et oublier son mal tre en attendant se faire op rer Le personnage de L tal dans Talons Aiguilles synth tise la rencontre entre deux conditions En effet il est la fois L tal le travesti et le juge Dom nguez Ainsi c est travers le masque et le jeu que ce personnage trouve son panouissement et sa place sociale alors que sans ces masques le personnage n a aucune vie Il se cherche entre ces deux identit s ou plut t il se retrouve dans la synth se de ces identit s et dans le simulacre du corps Le personnage dispose de son corps et le transforme lorsqu il est L tal il se d guise en femme lorsqu il est juge il porte une fausse barbe et des lunettes et lorsqu il fait tomber ses masques 1l est d muni de tout accessoire En effet apr s son spectacle L tal se met nu et fait tomber son masque au sens propre et figur d une part il se d shabille et se d maquille laissant appara tre les formes les traits et la voix d un homme et d autre part il a une relation sexuelle avec Rebecca ce qui le place dans la normalit de la relatio
53. cam ra cach e qui filmerait l insu des int ress s et le travelling vertical qui m ne de l appartement du p re celui du fils fait r f rence un espace sans mur un espace p n trable identique ceux de t l r alit o les cam ras sont partout permettant de suivre les individus d une pi ce l autre sans interruption La cam ra curieuse d Almodovar va m me jusqu filmer le viol de Kika effectuant un parall le entre la sc ne qui se joue dans la r alit di g tique et la sc ne quasiment identique peinte sur une toile Lentement la cam ra passe d un plan de Kika sur le lit un gros plan sur le tableau les cadres du tableau et de l image filmique se confondant Telle la cam ra infrarouge qui s introduit dans les chambres 55 des lofteurs et autres pensionnaires des jeux de t l r alit pour les surprendre mais qui ne r ussit rendre compte que d ombres mouvantes Almodovar filme le viol de Kika en ne montrant la sc ne que par le tableau qui la mime Ainsi Almodovar refuse temporairement au spectateur de voir 1l d fit sa curiosit puis lui offre ce qu il ne voudrait pas voir le viol de Kika Ainsi le spectateur est prit entre son d sir et son refus de voir mais dans tous les cas 1l se sent coupable D autant plus qu Almodovar tourne en d rision la situation dramatique qu est le viol ce qui entra ne un redoublement de la culpabilit le spectateur ne peut m me pas
54. ciologie l ethnologie les sciences politiques la psychologie la d mographie la linguistique ou la philosophie Ces derni res constituent les sciences humaines proprement dites Toutes ces disciplines cherchent crire le corps ainsi qu en faire une lecture A la Renaissance par exemple le monde est rendu intelligible et on cherche donc comprendre comment fonctionne le corps humain La d couverte de ce dernier par le monde scientifique est issue de l observation et de la dissection des cadavres Le corps devient alors un objet d exp rimentation d analyse et d observation Dessins et sch mas r v lent les muscles les nerfs et les r seaux sanguins A l heure actuelle le domaine m dical fournit de nouveaux modes de repr sentation du corps vivant comme la radiographie ou l chographie et 1l existe un sp cialiste relatif chacun de nos organes le cardiologue s occupe de notre c ur le n phrologue de nos reins et le neurologue de notre syst me nerveux La m decine propose donc une repr sentation didactique qui d shabille et morcelle le corps Elle diss que le corps au sens propre et au sens figur elle le morcelle pour l tudier plus en profondeur La d marche d Almodovar est symboliquement la m me puisqu il scrute et d coupe le corps afin d analyser le genre humain et de d montrer toute sa complexit Le corps est l objet d une multiplicit de points de vue et de th ories et chaque discipline qui l tudie en p
55. couleur vient d une part valoriser l identit culturelle car la couleur est bien un ph nom ne culturel qui se vit et se d finit diff remment selon les poques les soci t s les civilisations Pour lui Le rouge est la couleur qui pour moi repr sente la vie Ca repr sente aussi les sentiments les sentiments les plus violents Le rouge repr sente la passion et le feu En Espagne le rouge a veut dire le feu et a repr sente aussi pour moi le risque le go t du risque et puis c est le sang Pour moi la couleur rouge est une couleur essentielle Quand on ose utiliser le rouge c est une couleur qui est vraiment tr s expressive Alors a d pend des cultures dans ma culture a repr sente tout a Dans les cultures orientales c est la couleur des condamn s mort et justement c est la couleur de l tre humain par excellence puisque nous sommes tous condamn s mort Le rouge pour moi a repr sente l intensit et la passion qui sont deux l ments dont je souhaite qu ils soient pr sents dans mes films D autre part nous constatons que la couleur est li e l esth tique chez Almodovar Le cin aste nous dit le rouge a me plait parce que a va bien avec le blanc a va bien avec le noir et parfois en fonction de la couleur avec laquelle j ai alli le rouge par exemple le rouge et le bleu c est Talons aiguilles Ainsi Amodovar sait que du choix des couleurs et de leurs applications de leurs traitements
56. de l identit les tabous li s aux mythes de la f minit l angoisse de l ouverture du corps aux limites de l art dans la complexit des mod les philosophiques religieux et psychanalytiques Tous ces artistes objectivent le corps en le rendant uvre Ils posent le probl me du tabou li au corps et contribuent lib rer la relation au corps dans la soci t Ils pratiquent un art militant charg de revendications sociales 1 2 Le corps au cin ma Dans le champ cin matographique le corps est aussi le lieu de symbolisation des normes du comportement social le corps est porteur de sens d indices de signes Il y est un v ritable moyen d expression comme nous le constatons dans les films muets o le film parle sans dialogues Le corps est donc la fois le support de la communication et la communication elle m me Le corps cin matographique est un corps en repr sentation un corps repr sent dans le sens o 1l est crit par le cin aste gr ce au sc nario au cadrage au montage et interpr t par l acteur Il s agit d une fabrication du naturel D autre part la particularit du corps au cin ma est qu il est n cessairement fragment par les op rations de cadrage et de montage alors m me que le spectateur en fait une lecture homog ne int gre ces fragments comme unit http www film orlan carnal art com 1 2 1 Le corps fragment Tous les arts ont trait du corps mais la sp cificit du cin
57. de la norme que soul ve Almodovar en montrant qu elle est individuelle pourquoi certains acceptent et jouissent du spectacle et d autres non Cela d pend de l image 67 que chacun se fait de la norme Pour la m re de Rebecca le spectacle de L tal est un hommage son succ s pass et L tal est le meilleur ami de Rebecca Par contre pour Manuel le comportement de L tal d passe la limite d acceptation et de tol rance qu il s est fix e De m me Almodovar pose la question plus g n rale pourquoi le d guisement est il accept lors d un carnaval par exemple et pas dans un spectacle de travesti Pourquoi le carnaval se d roule dans la rue en plein jour alors que le spectacle du travesti est r serv un lieu pr cis et la nuit comme s il devait surtout tre cach de la vue de tous Ainsi Si le cin aste ne consid re pas les personnages comme des pervers mais la r action du public prouve que le tabou du corps existe encore Ainsi lorsque le film Attache moi est sortit aux Etats Unis les ligues de vertus se sont indign es et ont voulu le censurer Pourtant les films d Almodovar ne racontent que les d sirs normaux d tre anormaux qui cherchent entrer dans la normalit Les personnages ont envie d aimer de fonder un foyer En fait Almodovar retire l id e de culpabilit de ses films il ne juge pas les personnages mais tente de les comprendre Il nous explique de fa on tr s simple la psychologie du person
58. dimensions Cependant elle donne l illusion d en avoir une troisi me de pr senter du relief et de la profondeur Pour un cin aste la couleur sert r v ler toute la densit physique des corps des objets et des situations Le contraste des couleurs et de l clairage permet aux formes et aux volumes de se d tacher de se mettre en relief d augmenter la profondeur dans l image de lui donner corps Au cin ma couleur et lumi re sont indissociablement li es puisque chaque corps appara t color parce qu il absorbe toutes les couleurs de la lumi re blanche et ne r fl chit que celle qui lui correspond La lumi re r v le donc les couleurs Il existe un certain symbolisme des couleurs qui vient plus ou moins inconsciemment orienter notre lecture de l image Effectivement nous pouvons parler d usages et codes sociaux de la couleur car elles ont des fonctions et des significations dans la soci t d aujourd hui Prenons l exemple du code de la route Michel Pastoureau dans son Dictionnaire des couleurs de notre temps nous explique que le code de la route repose sur la couleur en tant qu il est un syst me de signes L histoire la sociologie la psychologie la s miologie et la linguistique s y croisent et s y recroisent pour faire fonctionner un syst me qui compte certainement parmi les plus performants produits par la culture occidentale et qui ou Quelle relation entretient le s est progressivement tendu la plan te dans son
59. e dans Parle avec elle o la fa on dont le corps de la danseuse est film et la mani re dont B nicio en prend soin rendent le personnage de B nigno attachant comme M qui est plut t introverti et timide au premier abord Cela ne permet pas au spectateur de dire c est un malade 1l doit tre emprisonner car Almodovar lui apprend nuancer son jugement Le spectateur s est laiss pi g il a prouv de la compassion et de la gratitude pour B nicio qui s est s1 bien occup de la femme dans le coma D ailleurs le fait qu Almodovar laisse une grande place au destin prouve aussi au spectateur qu il n est pas seul juge et le th me du double indique qu il ne faut pas se fier aux apparences F Lang M Le Maudit film Allemagne 1931 47 11 1 Le spectateur face la norme 11 1 1 De l emploi narratif culturel et esth tique de la couleur Dans les premiers temps la couleur au cin ma est une donn e technique et ses utilisateurs visent la rendre discr te Il s agit pour eux de donner au r cit plus de cr dibilit en reconstituant des nuances r alistes et fid les Cependant elle devient progressivement une mati re de l expression cin matographique puisque dans une certaine mesure c est par rapport elle que s orientent la signification du r cit ainsi que la r action du spectateur Les cin astes ont bien comprit tous les enjeux li s la couleur En effet l image cin matographique est en deux
60. e de l Espagne Chez Almodovar le corps subit donc les valeurs religieuses politiques conomiques ducatives et familiales de l Espagne Il refuse d tre cette masse que les m dias manipulent au contraire il affiche au grand jour toute sa singularit L auteur de l article Almodovar le franquisme et la d mocratie crit dans la plus part des pays d velopp s les ann es 80 furent un temps de d senchantement d mobilisation des citoyens rupture des liens sociaux refuge dans la sph re priv e dualit de la soci t rejet de l Etat d saffection du politique Almodovar est devenu le symbole de la rupture avec Franco En fait le cin aste surfant sur la vague du lib ralisme proc de au d mant lement implacable du franquisme au quotidien Ses films rejettent les valeurs sociales publiques au profit des valeurs sociales priv es primat de l individu et de ses relations interpersonnelles couple et tribus m l ses th mes de pr dilection la religion de l ego la fin des certitudes le culte du succ s la glorification de l indiff rence la dogmatique du plaisir etc Entre ses mains le traitement provoquant devient moquerie des valeurs de l Espagne franquiste raillerie des institutions publiques et priv es de la dictature sarcasme des modes 102 Permis de penser mission diffus e sur Arte 2004 69 sociaux de sa classe dirigeante Les personnages se jouent donc des institutions
61. e et la mort et introduisent les notions de destin et de double Pour Almodovar rien n est tabli tout vise changer Enfin dans Volver la m re de Raimunda et de Sole morte dans un incendie appara t sous les traits d un fant me Almodovar met en sc ne des personnages qui comme nous tous ne peuvent admettre qu il n y plus rien apr s la mort Ils d sirent que quelque chose d eux leur survive car ils ont peur d une mort annonc e in vitable Ainsi les femmes enfantent En effet l enfant est le symbole d un lendemain meilleur d un espoir pour le futur Il offre la perspective d une vie ternelle acquise gr ce notre descendance Mais parfois les relations parents enfants sont montr es comme n tant pas source de bonheur C est le cas dans Talons aiguilles o Rebecca cherche en vain conqu rir l amour de sa m re L encore la mort n est pas clinique elle se ressent sous milles autres formes car elle est aussi celle de l esprit tortur celle du psychisme en souffrance C est le statut m me du corps qui est remit en question et pour Almodovar les fronti res de la mort sont signifi es comme incertaines De plus le cin aste met r guli rement en sc ne des femmes endormies dont l tat est proche de l inconscience de la mort Nous pouvons noter aussi que le corps de Zahara dans La Mauvaise ducation symbolise le corps entre la vie et la mort En effet le travesti fait chanter le p re Manolo et se 26
62. e et les pr jug s Ainsi chez lui nous retrouvons au fil des films des items r currents des personnages cl s la prostitu e la religieuse la drogu e le travesti le transsexuel la com dienne la figure paternelle d faillante et d grad e Ces figures se cumulent dans chaque film et parfois m me sur un seul personnage Nous pouvons alors nous demander si Almodovar n impose pas lui aussi des normes du corps des st r otypes des comportements des regards des attitudes corporelles En fait sa volont n est pas de montrer des st r otypes ou des caricatures au contraire 1l prend pour point de d part nos clich s notre vision conventionnelle des marginaux puis d truit cette image convenue en montrant toutes les nuances du travestissement du corps Chez Almodovar le personnage d viant est la fois victime de la soci t et bourreau car 1l est tout de m me responsable de ses actes C est le cas dans Parle avec elle o l infirmier B nigno commet la faute de violer une patiente dans le coma En effet le regard m dical pos sur un corps doit tre neutre d barrass de toutes passions comme la curiosit Ibid p 42 65 le voyeurisme ou le d sir sexuel Le m decin doit se comporter en professionnel Cependant il est vrai que d une certaine fa on le corps appartient au m decin qui peut l ausculter le toucher l op rer Et c est ce titre que pour B nigno le corps de la malade l h pital lui app
63. e l attrait et de la s duction rouge l vres fard couleur des p ch s et sp cialement des p ch s de chair le rouge est 801 aussi la couleur des tabous et de la transgression des tabous La couleur rouge est aussi 80 M Pastoureau Dictionnaire des couleurs de notre temps Symbolique et soci t Paris ditions Bonneton 1992 p 168 50 celle du sang du feu ou de l interdiction le sang est associ l id e d impuret par exemple Dans la culture espagnole le rouge est une couleur dominante que l on associe notamment la corrida et donc la mort Dans le cas d Almodovar nous pouvons v ritablement parler de science des couleurs Avec lui la couleur est charg e de symbolisme et le cin aste fait voluer ses personnages dans un univers part gr ce sa palette chromatique La couleur est donc un moyen d expression subjectif qui repose sur une connotation commune des couleurs En effet chaque r alisateur se sert de la tonalit des couleurs pour exprimer son propre univers ce qui signifie que la couleur est un moyen abstrait de transmettre du sens des motions Almodovar repr sente en effet un autre monde diff rent de l univers quotidien un monde myst rieux et imaginaire o la couleur est lib r e d une imitation r aliste Almodovar d leste tous soucis de r alisme offrant une repr sentation du monde ouvertement fauss e o le faux semblant r gnent en ma tre Chez Almodovar la
64. e leur enlever Le d sir de l autre le corps la chair et la peau sont intimement li s En effet le corps est un appas et un app t une monnaie d change de l amour un instrument de l inconscience dans la s duction Pour Lacan le d sir est un rapport d tre manque ce n est pas manque de ceci ou manque de cela mais manque d tre par quoi l tre existe Le cin aste montre que c est le m me d sir qui anime l acte sexuel m me s il s exprime sous la forme d un viol Le d sir des personnages est l effort qu ils d ploient pour pers v rer dans l existence le d sir est d sir d accroissement de la puissance d exister L ignorance et l ali nation du d sir sont sources de servitude et de malheur Le d sir est souvent v hicul par l imagination et correspond une libert d esprit et la recherche d une vie heureuse Cependant le corps avant de devenir chair doit tre reconnu comme conscience nous sommes quelqu un Le corps sans conscience est un corps d truit et un corps humili provoque un rabaissement de la conscience Un corps qui porte un secret un tabou est un corps souffrant un instrument du silence et un meurtre de la conscience C est le cas par exemple lorsque le corps est viol En fait le corps est sujet lorsqu il est dans le ressentit dans l prouv du psychisme mais il devient objet lorsqu il cesse de Ss appartenir Le corps enveloppe de l me est le principal instrument de soumission de l espr
65. e r duire cette image d tre projet par cette image vers un regard qui vous reconna t mais qu il vous faut traverser pour tre reconnu par vous m me et E 88 A trouver place dans le trajet identitaire Le public se regarde au miroir de lui m me travers le corps dansant ou le corps t l visuel et peut prendre ainsi conscience de son existence SF Curot M Carcaud Macaire P Roger et D Serceau Etudes cin matographiques styles filmiques 1 classicisme et expressivisme ditions Lettres modernes minard Paris Caen 2000 p 175 6 Ibid p 166 7 Ibid 58 Ibid 60 Le cin ma fonctionne de la m me fa on car l image cin matographique est un duplicata presque parfait un miroir d formant de la r alit L image cin matographique agit comme un miroir et oblige donc une identification formelle ou primaire En effet Christian Metz dans les ann es soixante s est attach l aide de la psychanalyse et de la linguistique analyser le dispositif cin matographique ainsi que le ph nom ne de perception chez le spectateur Pour lui l identification primaire laisse parfois place l identification secondaire o le spectateur se rallie la cause d un personnage se reconna t en lui Cependant Almodovar bouscule la place du spectateur et l identification en montrant ce dernier le dispositif spectatoriel En effet les films d Almodovar se caract risent comme les films modernes pa
66. e r gulation entre les partenaires de la vie sociale Ils expriment symboliquement la position respective des protagonistes la nature de leur relation la reconnaissance mutuelle de leurs statuts dans leur sym trie ou leur compl mentarit ils sont les l ments d une mise en sc ne dans laquelle les protagonistes cherchent imposer une certaine image d eux m me et des autres travers leur tenue ou leurs marques de r f rence dans un rituel qui vise pr server la face des interactants Les valeurs religieuses sont elles aussi imposantes instaurant des pratiques rituelles institutionnalis es des r gles de comportements d thique des commandements r pertori s dans la Bible La force des valeurs religieuses vient de leur caract re sacr surnaturelle comme impos es aux hommes Ces valeurs s expriment travers des rites pri res p lerinages Ainsi nous comprenons que le corps est in vitablement assailli par une multitude de normes qui r duisent les fronti res de sa libert Effectivement la vie sociale est influenc e 4 D Picard Du code au d sir le corps dans la relation sociale Paris ditions Bordas 1983 p 6 Ibid p 193 64 par des r gles implicites et explicites par des valeurs des normes des r les qui tendent structurer et orienter les conduites La norme est cette liste interminable d interdits et d injonctions qui assument certaines fonctions dans l organisation des relat
67. ermet un d chiffrement plus pouss Ainsi si la m decine dans sa lecture du corps occulte tout ce qu il y a de vivant et de v cu en l homme la psychanalyse en revanche est l instrument qui a lib r le corps Dans cette discipline l me n est pas mise part au contraire elle est infuse dans le corps et tous deux interagissent Le dictionnaire La philosophie de Z nous explique que la psychanalyse tudie la vie psychique des tres humains dans sa double composante consciente et inconsciente Inventeur de la psychanalyse Freud 1856 1939 s interroge sur les causes de maladies graves et spectaculaires paralysies troubles de la vue ou du langage tats passag rement proches de la folie qui peuvent atteindre des patients chez lesquels aucune l sion organique aucune anomalie physiologique ne sont constat es Il fait alors l hypoth se que si ces troubles r sistent la m decine traditionnelle c est que leur origine doit tre purement psychique Sous hypnose dans les d buts et par la suite au cours de s ances pendant lesquelles le psychanalyste les incite simplement parler libres associations d id es vocation des r ves les patients reconstituent en quelque sorte l histoire qui les a conduit un tat de souffrance dont ils ignorent les causes Ce travail sur soi sous le contr le du psychanalyste peut aboutir l acceptation ou la r solution consciente des conflits qui avaient jusque l
68. es techniques du corps que ma participation une exposition de peinture Dans la salle de cin ma le spectateur est pris dans une machinerie dont les m canismes sont devenus de v ritables rites depuis l invention du cin ma le spectateur assis dans l obscurit isol du projecteur plac dans une cabine derri re lui est tourn vers l cran son point de vue tant celui de l objectif de la cam ra Ce dispositif cin matographique est con u pour favoriser l imaginaire du spectateur et la rupture avec la r alit Le spectateur doit tre pr t croire l histoire qui lui est racont e entrer dans la di g se s identifier aux personnages et aux situations oublier la r alit laquelle 1l appartient La notion de croyance est d ailleurs une condition indispensable l exp rience rituelle et celle du spectacle o le spectateur accepte d oublier qu il est au cin ma De ce fait le spectateur est souvent compar au r veur et 1l est vrai que le spectateur de cin ma est d poss d de lui m me de son identit sociale et de ses soucis Sans pour autant pouvoir parler de passivit le spectateur est in vitablement fascin par les images Nous constatons donc que l aspect magique est une caract ristique commune au rituel et l image cin matographique qui mettent tous deux en sc ne des fant mes D finissant les techniques du corps Marcel Mauss crit le corps est le premier
69. es 1l faut compter avec Javier Bardem Miguel Bos et Antonio Band ras l un des acteur f tiche d Almodovar depuis Le Labyrinthe des passions Almodovar dit d ailleurs a me plait beaucoup de voir les actrices pleurer et quand je dis pleurer c est pour moi une catharsis quand l actrice est capable de faire ressentir sa douleur travers les larmes C est le cas de l actrice principale du film Femmes au bord de la crise de nerfs Carmen Maura dont les larmes coulent lorsqu elle fait le doublage des dialogues d un film et entend dans son casque les je t aime virtuels et raisonnants de l homme qu elle aime sans retour Almodovar ajoute J ai eu la chance de travailler avec de merveilleuses actrices de celles qui ont le mieux pleur en espagnol Ainsi qui dit corps dit repr sentation et transmission L image est polys mique et offre une multitude d interpr tations Ces interpr tations d pendent d une part des donn es visuelles de l image composition formelle organisation de l espace mise en sc ne personnages Jeu d acteur Cependant nous allons voir qu elles d pendent aussi du spectateur de sa m moire de sa culture de sa pratique sociale de son inconscient et de son imaginaire 1 Li 2 a 2 8 R Fontanel R flexions sur les repr sentations du corps au cin ma Intervention coll ge au cin ma l Institut Lumi re de Lyon novembre 2003 19 FU Permis de penser mission diffus e
70. et le plus naturel instrument de l homme Ou plus exactement sans parler d instrument le l premier et le plus naturel objet technique et en m me temps moyen technique de l homme 1 25n 1 LS 2 1 A 2 c est son corps L exp rience du spectacle passe donc par le corps c est gr ce lui que le spectateur ressent des motions les partage avec les spectateurs d termine la qualit du spectacle selon divers crit res transmet son exp rience autrui et enfin constate l efficacit du rituel Les motions prouv es r sultent de l incorporation par le spectateur du spectacle de DE a 26 je sa participation affective la situation En effet les images qui d filent sous les yeux du spectateur font remonter la surface des souvenirs incorpor s travers les motions qui sont des troubles de la conscience s accompagnant de r actions organiques vari es d sordonn es et confuses palpitations gorge nou e p leur tremblements ou m me 27n vanouissement Tout spectateur poss de donc la capacit d prouver du plaisir de jouir d un spectacle et d en saisir la valeur de fa on presque spontan e Ainsi le spectacle rel ve Ibid p 45 Marcel Mauss Les techniques du corps Sociologie et anthropologie Paris ditions PUF 1966 Jean Marc Leveratto Introduction l anthropologie du spectacle Paris ditions La Dispute 2006 p 25 HEC Ibid p 103 18 d u
71. fectue Almodovar sur le r el au moyen des couleurs Sur quels effets joue t 1l Comment le sens que nous conf rons aux couleurs dans notre quotidien est ici manipul orient utilis pour cr er une di g se selon Souriau la di g se d signe l univers fictif le pseudo monde dans lequel les v nements de l histoire sont cens s se d rouler coh rente mais diff rente du r el La couleur attire l 1l force le regard du spectateur le sort de la simple saisie des images qui d filent sous ses yeux Chez Almodovar 7 K Kieslowski Trois couleurs Bleu Blanc Rouge films Pologne 1993 1994 49 l utilisation de la couleur d payse Le cin aste nous pr sente un monde o la couleur ne vient pas garantir un effet de r el Le spectateur est amen focaliser sur des objets des choses particuli res mises en vidence par la couleur et 1l peut ainsi difficilement entrer dans un processus d identification Le spectateur en se questionnant sur la couleur devient alors lui m me producteur de sens Chez Almodovar ce sont les objets et les v tements qui sont color s t l phone ongles v tements d cors chaussures l image est satur e de rouge 165 Le rouge est la couleur de l amour et de l rotisme Dans son Dictionnaire des couleurs de notre temps Michel Pastoureau sp cialiste des embl mes des couleurs et des codes sociaux le rouge est la couleur de la passion et de ses dangers la couleur d
72. fournit de sacrifices pour interpr ter le r le et tant 1l comprend ce que fut la vie de son fr re L encore le spectacle a agit comme une lib ration des motions comme une catharsis Chez Almodovar les spectacles de danse sont ceux des travestis Se r fugier dans du pouvoir institu c est aussi une fatigue celle de se confronter au verbe pouvoir qui demande tre conjugu je peux ceci il peut cela Et quand l essentiel est impossible Alors on d pose son je dans l institution dans l espoir qu il puisse Dans la danse les personnages d Almodovar mettent leur identit en lumi re ils s y r v lent et la sc ne face au public est le seul lieu o cette identit peut jaillir et tre accept e Pour les travestis le trauma violent choc motif qui marque la personnalit d un individu r side dans le fait de ne pouvoir tre ce qu ils sont dans la soci t C est lors de leur spectacle que le trauma se gu ri mais temporairement le temps d une chanson En effet la danse est un moyen de gu rison de l me et de l esprit c est en elle que s inscrit symboliquement leur mal Le corps qui danse est un corps qui prouve et c est seulement dans cet espace que le corps des travestis trouve son autonomie Dans la danse les motions ne passent pas par le langage et c est en cela que ces motions sont alors traumatiques La danse recherche ces traumatismes cach s dans le corps et dans l espace elle veut les int
73. ge 1 Ouvrage collectif Le corps Rosny Sur Bois ditions Br al 1992 p 185 texte de Enrique Seknadje Askenazi Du corps au cin ma le visage et la chair Ibid 12 s anime Les corps sont vus dans leur profonde nudit car le cin ma a la possibilit gr ce au gros plan sur le visage de montrer l homme tel qu il est ce qu il fait et ce qu il pense ses actes et ses intentions D autre part le cin ma diss que le corps en une multitude de fragments 1l les scrute et les value par le syst me du montage selon des codes d expressivit Exprimant le d sir comme les gros plans sur les l vres la poitrine ou le sexe chez Almodovar ou la terreur comme dans Elephant Man de David Lynch qui illustre la monstruosit du corps le cin aste reconstitue par l op ration magique du montage un corps cin matographique morcel un corps imaginaire aux apparences continues Evidemment 1l existe diff rentes th ories conceptions et pratiques du montage Andr Bazin pr f rait un cin ma sans montage o le corps de l acteur est en prise directe avec le monde les tres et les objets Un tel montage pr sente la r alit des situations sans artifice Almodovar quant lui se sert du montage pour renforcer la r alit et le symbolisme du corps Le cin aste nous dit pour moi le cin ma c est une repr sentation de la r alit mais qui est tr s proche de la r alit Cela dit ce qui m int resse c est justeme
74. ication et offre donc une multitude de r ceptions et d interpr tations possibles du message C est ce 4 Ibid p 76 Jean Marc Leveratto De l toile la star L acteur de cin ma et la naissance du film de qualit 22 que nous rappelle Jean Marc Leveratto lorsqu il crit le corps du spectateur n est pas tant un animal plus ou moins habitu comme le chien de Pavlov r agir automatiquement au type de stimulus repr sent par l uvre qu un animal dress par le spectateur pour son propre 441 plaisir Au contraire le spectacle est une situation d interaction entre l individu et une uvre d art Ainsi l analyse des films de Pedro Almodovar doit d une part se plonger dans les images et chercher rendre compte de la fa on dont le cin aste les organise formellement pour captiver le spectateur L chelle des plans la posture des personnages ou l orientation de leurs regards par exemple sont des l ments qui impliquent plus ou moins fortement le spectateur dans le spectacle et qui font na tre en lui de l int r t et des motions D autre part l analyse doit se tourner vers la r ception du spectacle par le spectateur Il nous faut analyser 2 2 2 2 46 le sens des films sans le s parer des motions prouv es et transmises par les spectateurs Jean Marc Leveratto Introduction l anthropologie du spectacle Paris ditions La Dispute 2006 p 23 Ibid p 12 46 Jean Marc
75. ient Les effets de r el le lieu de l action l allure ou la d marche du personnage ne sont en fait r els que pour les spectateurs appartenant la m me culture que le film Si le spectateur occidental peut tre sensible la forme de l objet il aura du mal s impliquer motionnellement dans le spectacle provenant d une autre culture ce qui diminuera d autant la capacit de l objet spectaculaire lui parler soutenir son attention 35 5 4 gt 1 1 2 Ainsi m me si nous poss dons tous une sensibilit emporter son adh sion affective esth tique notre exp rience artistique est culturelle et il est parfois difficile d prouver l efficacit esth tique d un objet tranger notre culture Jean Marc Leveratto crit le spectateur carte ou valide la qualit du spectacle en utilisant notamment son propre corps comme instrument de mesure de la situation du lieu des objets et des personnes Ces personnes ne se r duisant pas aux corps de l artiste ou des acteurs mais int grant galement ceux des autres spectateurs dont la r action identique sanctionne la validit de l expertise Le partage affectif que cette exp rience et cette culture du plaisir permettent d entretenir ou de cr er m me de mani re ph m re est pr cis ment ce qui oblige le spectateur conditionner l efficacit esth tique du spectacle son acceptabilit morale 3 J C Fozza A M Garat et F Parf
76. in ma L amant qui r tr cit le corps exhibe le plus profond de son intimit son sexe L homme prouve un vertige face l immensit du plaisir explorer Le spectateur peut se sentir g n mais cela lui fait prendre conscience du regard qu il porte la nudit du corps de la pulsion que l image du corps nu entra ne Par ce proc d le spectateur est rendu complice voyeur Dans Talons aiguilles lorsque L tal fait son spectacle Almodovar par la pr sence du mari de Rebecca dans le public traduit une r action semblable celle que peut avoir le spectateur Le spectacle n est pas son go t En effet Manuel est plut t r fractaire au monde dans lequel il se trouve ainsi qu aux travestis Il demande L tal des comptes sur son identit lui demandant si son pr nom est masculin ou f minin De m me Manuel le mari de Rebecca propose par ironie que L tal offre son sein la m re de Rebecca soulignant par l l ambigu t de l identit de L tal Il remet le corps de L tal sa place dans le sens o il souligne le d calage entre le personnage f minin qu interpr te L tal et son corps masculin Le mari de Rebecca incarne la r action typique de la soci t face aux individus diff rents Il fait l objet d une curiosit malsaine face la cr ature trange qu est L tal regardant sous la jupe de celui ci s il poss de toujours un sexe masculin symbole de virilit et de puissance C est nouveau la question
77. ions sociales La norme assigne une place et un r le aux acteurs sociaux Les comportements les attitudes les postures sont appr hend s partir d un ensemble de normes qui se pr sentent souvent sous forme de couples d oppositions dont l un des termes est valoris alors que l autre au contraire est n gativ Ces oppositions de type binaire ne laissent pas place un terme neutre distingu s oppose vulgaire sobre excentrique discret curieux Tout comportement se classe n cessairement dans l une ou l autre de ces cat gories De m me les individus sont class s selon des cat gories binaires tant hommes ou femmes enfants ou adultes Si nous poursuivons dans ce raisonnement nous classons les individus en les pla ant soit dans la norme soit hors de la norme dans un espace normatif ou en dehors de cet espace mais jamais entre les deux C est justement dans cet entre deux que viennent se placer les corps d Almodovar Effectivement nous parlons de la conduite et d un cart de conduite mais en fait nous ne mesurons pas l intervalle entre la bonne ou la mauvaise conduite Pour le cin aste nous ne pouvons r duire toute la complexit de l individus et du corps un cercle normatif duquel nous nous trouvons inclus ou exclus La norme doit s appr hender sous l angle de l individualit et non sous celui d une ligne de conduite comme nous le verrons Almodovar par le contenu de ses films remet en question la norm
78. it Le d sir est donc d autre part n gatif dans le sens o 1l est la recherche d un objet que l on imagine ou que l on sait source de satisfaction Il est donc accompagn d une souffrance d un sentiment de 8 E Cl ment C Demonque L Hansen Love et P Kahn La Philosophie de A Z Paris ditions Hatier 1994 p 85 Permis de penser mission diffus e sur Arte 2004 7 Christian Roche M mo BAC Philosophie Paris ditions Bordas Paris 1999 41 1 llu Nous le manque ou de privation De plus peine assouvi il s empresse de rena tre voyons dans les sc nes de viol et notamment dans Kika o le fr re de Juana ne peut calmer sa pulsion sexuelle m me pas l arriv e de la police La pulsion est comme l instinct animal d origine biologique faim soif besoin sexuel agressivit mais alors que l instinct animal comporte g n ralement des buts d finis et des techniques de satisfaction relativement stables la pulsion humaine est surtout caract ris e par la force qu elle exerce sur l individu Elle peut s orienter sur divers objets transfert perversions et se satisfaire par des moyens tr s diversifi s La pulsion vise r duire un tat de tension organique d plaisant ce qui cr e un plaisir C est le cas de la pulsion sexuelle ou libido Evidemment la sc ne est burlesque et la pulsion est caricatur e outrance Ce qui compte c est de faire comprendre comment fonctionne la pulsion
79. l acteur supporte et assure le passage entre dehors et dedans passage incessant entre la sc ne qui se voit et celle qui s prouve entre les deux sc nes passe le jeu l acteur joue un certain jeu 1l est sensible ce jeu et non pas au personnage qui n est que l effet de son jeu L interpr te est dans le v cu de cette interpr tation L acteur op re un d placement de son v cu et de son jugement sur le r le interpr ter En fait dans le jeu l acteur travaille le masque tout en cherchant la cr dibilit Il joue selon certains codes et doit faire croire que son jeu et cr dible Il travaille la spontan it et le naturel pour cr er l illusion du vrai et satisfaire les apparences Cependant il n est pas une marionnette et son jeu n est pas m canique Il est parfois difficile pour lui de d voiler son intimit surtout en pr sence de toute une quipe de tournage sur le plateau Ainsi le metteur en sc ne est celui qui va l aider travailler ses r pliques et les jouer Il est celui qui m taphoriquement va d shabiller son me son esprit Il dirige les acteurs quant l intonation de la voix aux postures du corps aux gestes afin que l acteur habite son personnage Il demande l acteur de jouer un r le et non pas un texte donc jouer c est inventer cr er son personnage L acteur doit fusionner avec le personnage 1l ne doit pas masquer son univers motionnel au contraire c est parce qu il a la capacit de r
80. l attention de sa m re son beau p re puis son mari Elle surexpose son intimit et confond les diff rents r les sociaux dont elle est investie elle est la fois l pouse l enfant la pr sentatrice t l vision et la coupable Cela provoque une certaine g ne de l quipe de tournage qui en m me temps est mue La r action est la m me pour le spectateur de Talons aiguilles 56 Dans La Fleur de mon Secret le cadre se fait plus discret plus secret comme l indique le titre La cam ra semble ici plus pudique et le cadre est moins marqu que dans Kika Le cadre surgit dans les moments de v rit que vivent les personnages comme lors de la tentative de suicide de L o la femme crivain Le cadre pouse les bordures de la baignoire et du rideau de douche et le personnage surgit dans le cadre par le bas Le cadre indique que le personnage en qu te d identit double identit au niveau du nom au niveau de son statut d pouse d laiss e m ritant d tre recadr e 73 Lorsque l diteur Angel appelle L o le visage de celui ci est plac gauche du cadre sur un fond noir Dans la partie droite du cadre la vue surplombe la ville en mouvement 57 76 Ce plan laisse penser que l homme t l phone cot de la fen tre Pourtant 1l semble aussi que le cadre soit divis en deux parties autonomes En effet deux sc nes se jouent parall lement dans le cadre divis et chacune d elle se d
81. l prend des notes et demande des conseils un travesti lors d un spectacle 1l ne ressent pas le besoin psychique de se transformer n1 le besoin sexuel de coucher avec des hommes mais 1l contredit sa nature profonde pour satisfaire ses besoins financiers son exigence de c l brit 30 Almodovar bouscule donc toutes les r gles sociales les deux sexes se rapprochent de plus en plus l un de l autre sans qu il n y ait jamais de jugement moral d Almodovar qui cherche simplement dire pourquoi les personnages sont ainsi Il exprime la volont de repr senter l tre dans sa nature ni bonne ni mauvaise simplement telle qu elle Almodovar et ses personnages bannissent donc la culpabilit ce qui permet au cin aste de manifester une vision tol rante et contemporaine du corps tiraill entre la norme et la condition humaine A ce sujet Serge Tisseron nous dit aujourd hui les mod les sont en train de changer L androgynie en tant que principe concerne la libert de choisir sa sexualit de remplir divers r les sociaux d aller et venir entre masculinit et f minit L androgynie a repr sent le d fi principal aux st r otypes de la virilit et de la f minit Ces mod les aujourd hui n ont plus cours les mannequins masculins ont volontiers des corps fins et les mannequins f minins sont de plus en plus androgynes avec des hanches troites et des poitrines plates Il ajoute pour nous li
82. me des motions Ainsi le cin aste affirme pour moi le cin ma c est une repr sentation de la r alit mais qui est tr s proche de la r alit Cela dit ce qui m int resse c est justement de repr senter cette r alit je ne vais jamais faire de films naturalistes Ce qui m int resse ce 68 n est pas l artifice mais la repr sentation des motions et la repr sentation on l obtient avec 102 des artifices lt Ill 2 2 Le regard humaniste de P dro Almodovar Nous l avons vu les conduites sociales sont d termin es par des normes elles m me d pendantes des valeurs qui traversent une soci t Les valeurs existent dans la conscience collective et elles repr sentent des mani res d tre ou d agir que l on reconna t comme id ales Almodovar dans chacun de ses films pose les questions que faire lorsque les normes cens es refl ter les opinions collectives d une soci t ne refl tent plus justement cet id al collectif Que faire si les soi disant valeurs d un pays ne visent plus la socialisation l int gration sociale Ou encore comment lutter lorsque les normes deviennent un instrument de contr le de le nation Evidemment tout film parle d une fa on ou d une autre de la soci t dans laquelle il s inscrit et l uvre d Almodovar est indissociable de son contexte de production Les uvres du cin aste sont donc n cessairement empruntes et impr gn es de la culture de la vie politique et social
83. n entre homme et femme Le personnage se r v le aussi dans l expression de ses sentiments pour Rebecca Cette derni re d shabille le corps de L tal elle le d v tit et lui enl ve sa fausse poitrine ses fausses hanches 48 Le grand journal mission diffus e sur Canal 2005 29 35 36 De m me le fait que L tal offre un de ses faux sein la m re de Rebecca est un geste symbolique important Plus qu un accessoire c est un bout de son corps et de son identit que L tal lui offre 37 38 Dans La mauvaise ducation c est le personnage de Juan qui incarne un triple r le Afin de r ussir sa vie sociale Juan emploi le r le A l tat brut Juan est un jeune homme qui est pr t tout pour tre acteur Au pr s d Enrique 1l se fait passer pour son fr re Ignacio et dans le film que tourne Enrique 1l interpr te le r le du travesti Zahara Ainsi 1l falsifie son identit par opportunisme et son corps en paye le prix Son corps s ouvre de force aux hommes Enrique de qui il veut obtenir un r le et du p re Manolo duquel il profite de l argent et obtient qu il tue son fr re Par ce personnage ambigu Almodovar distingue Ignacio dont il va de la survie de changer de corps de Juan qui se d guise intimement et physiquement afin d appartenir la sph re sociale Juan emprunte des r les des mod les des attitudes 1l imite le travesti alors qu il ne l est pas Nous le voyons lorsqu i
84. n primordiale par la parole D autres l ments entrent en jeu l habillement dans sa r f rence des modes aux conventions des groupes sociaux et la mani re dont chacun interpr te ces r f rences la pr sentation de soi ais e ou embarrass e et la tenue recherch e affect e neutre ou excentrique les mimiques aussi les gestes les postures du corps la tonalit de la voix Tous ces facteurs qui ont le corps pour support constituent des indices des symboles ou des signes qui tissent un r seau dense de messages qui circulent entre les individus Ils tendent tre codifi s par la culture sous forme de r gles de politesse d usages de normes esth tiques 94 et morales Ainsi le corps est soumit consciemment ou non au Jugement et cela par rapport aux diff rentes normes Par exemple nous pouvons trouver des manuels de savoir vivre qui r gissent l interaction corporelle Cet ensemble de r gles culturelles prend figure de norme dans le sens o 1l r git le comportement et fournit un type de r action conventionnel dans des situations comme les rencontres ou les rapports entre sexes Ces r gles de bonne conduite tendent former un syst me coh rent et d finir un code qui enserre la relation corporelle la manifestation et la tenue du corps dans des cat gories pr cises qui conf rent aux postures aux gestes et aux mimiques une valeur de signes ces signes sont un moyen d change de communication et d
85. nage principal de Attache moi Ricky Dans le cas des personnages de Aftache moi le h ros est un enfant qui n a pas connu sa famille et donc la famille c est son r ve Son r ve c est cette famille traditionnelle et une vie normale pour lui c est a parce que personne ne va le laisser vivre une vie conventionnelle Et donc tout ce qu il fait tous ses projets tout ce qu il pense deviennent finalement une imitation assez comique de ce que serrait pour lui la normalit et donc il commence par enlever une femme parce qu il faut qu il fonde une famille normale Mais finalement a devient quasiment impossible car ce sont deux personnages qui sont trop marginaux et qui ne pourront pas avoir une vie normale Mais ce qui m int resse c est que ce qu ils recherchent c est la normalit Almodovar refuse les normes du corps des comportements des st r otypes des regards ou des attitudes corporelles Il symbolise la libert du corps dans le fait que ce dernier choisit de se d voiler au regard du spectateur ou de s en cacher Parfois le cin aste refuse au corps d tre vecteur d une s duction l image pour viter une captation du spectateur Mais d autres fois il rotise le corps le lib re du tabou Par exemple le corps de Marina est impudique puisqu elle est actrice de films pornographiques le corps ne conna t pas de lois si ce n est La loi du D sir Almodovar s inspire de la r alit de faits divers et cherche exprimer le r alis
86. nc le lieu o l identit se r v le par le biais du corps ES 42 55 Ibid 33 Dans le m me film La m re de Rebecca prend conscience de sa responsabilit dans le meurtre qu a commit sa fille pr sent en prison Elle se trouve sur sc ne et la chanson qu elle interpr te r sonne comme une catharsis dans le sens psychanalytique du terme En effet elle est une lib ration sous forme d motion d une repr sentation refoul e dans l inconscient et responsable de troubles psychiques Ses gestes sont violents brutaux intenses et ses larmes coulent La sc ne se joue dans une grande solennit En effet la chanteuse est seule sur sc ne face au public sous l ordre d un de ses gestes la musique commence jouer le public est en adoration pour la chanteuse il l coute en silence entre en communion avec elle et le spectacle devient un rituel quasiment religieux Almodovar nous fait comprendre que la m re entre aussi en communion avec sa fille qui elle d die sa chanson par le biais d un montage qui alterne des images de la m re en pleine prestation et celles de la fille en prison Le lien est fait par la continuit de la bande son Becky chante sur sc ne et dans le m me temps Rebecca entend la chanson de sa m re la radio depuis sa cellule La voix poss de donc un encrage dans deux espaces diff rents mais dans un temps unique similaire Ici la danse ou plut t les gestes qui accompagnent le chant
87. ne v ritable exp rimentation par le corps et parle parfois plus notre corps qu notre conscience Jean Marc Leveratto crit ainsi C est par l interm diaire de ces motions que s value la qualit d un spectacle et que s effectue sa transmission autrui La qualit d un film ne se r duit pas celle de sa r alisation mais int gre la valeur de l exp rience personnelle dont il est l occasion Puis il d finit la nature de cette exp rience comme tant le moment de la rencontre artistique ce qui se passe au contact de l uvre tout aussi bien que l change verbal et crit que ce moment alimente ce qui se passe du fait de ce contact qui me pousse transmettre autrui mon plaisir et mon d plaisir et en d battre en priv comme en public L art ne se passe qu au contact d un spectateur qui pr te son corps la situation et prouve l efficacit motionnelle de ce qu il lit coute ou regarde Ainsi le spectacle est une situation dans laquelle j prouve physiquement au sens la fois de faire l exp rience et de mesurer le plaisir procur par une production artistique 2 se 230 d termin e Car le spectacle auquel j assiste est lui aussi incorpor dans une exp rience artistique bien plus vaste constitu e par la somme de toutes mes exp riences artistiques de tous les spectacles exp riment s par le corps Cette culture artistique rende le spectateur juge de l efficaci
88. nent des fa ons quotidiennes de se comporter dont l individu n a m me pas conscience Enfin les besoins constituent avec les r gles de droit et les mod les un troisi me type de norme Ces besoins sont essentiellement subjectifs car 1ls d pendent de chacun et de la situation dans laquelle je me trouve Certains besoins sont objectifs par exemple se nourrir cependant l encore les besoins varient selon les soci t s et 1l existe donc une multitude de mode d alimentation travers le monde Les besoins sont cr s par l offre et la publicit nous fait parfois d sirer un produit au point que nous le croyons n cessaire obligatoire pour nous La norme se pr sente donc comme une sorte de r f rence par rapport laquelle nous pourrions mesurer un cart et dont l ampleur loigne plus ou moins de la norme Elle est une sorte d id al qui s applique tous les domaines l E Cl ment C Demonque L Hansen Love et P Kahn La Philosophie de A Z Paris ditions Hatier 1994 2 G Ignasse et M A Genissel Introduction la sociologie Paris ditions Ellipses 1995 p 97 nE Ibid p 99 63 Le corps est donc le lieu de symbolisation des normes Par exemple 1l joue un v ritable r le dans la relation sociale et dans l interaction quotidienne Dominique Picard nous pr cise que lorsque des personnes se trouvent en situation d interaction la communication entre elles ne passe pas uniquement n1 peut tre m me de fa o
89. nt de la repr senter je ne vais jamais faire de films naturalistes Ce qui m int resse ce n est pas l artifice mais la repr sentation d motions et la repr sentation on l obtient avec des artifices les artifices des acteurs des d cors la seule chose qui doit tre authentique se sont les sentiments des personnages Le montage est un outil qui permet l artifice et dont Almodovar sait user Outre le cadrage et le montage Almodovar proc de la d coupe du corps gr ce la composition m me de ses images C est le cas dans La mauvaise ducation lorsque Ignacio se rend pour la premi re fois chez Enrique afin de lui faire lire son sc nario Les deux personnages attabl s discutent et la cam ra cadre leurs visages Au second plan les stores entre ouvert viennent hacher horizontalement les visages des personnages ainsi que l espace Ibid 5 D Lynch Elephant Man film USA 1980 Permis de penser Emission diffus e sur Arte en 2004 13 Cela signifie que la situation n est pas harmonieuse En effet les deux anciens amants ne se sont pas vus depuis longtemps ils discutent d un pass douloureux et Ignacio n est pas celui qu il pr tend tre Dans Tout sur ma m re le corps est morcel d une fa on diff rente C est travers le don d organe que le corps est morcel puisque Manuella accepte que le c ur de son fils Est ban soit greff un malade Dans Kika c est l il qui est repr sent l institut de beaut
90. personnages m me s il peut juger du spectacle qu il vient de voir En fait Almodovar ne refuse pas les normes il souligne simplement le fait que l Espagne et m me toutes les soci t s un moment donn ont oubli une dimension essentielle dans les normes celle de la libert En effet la norme n impose pas que des devoirs elle se base aussi sur des droits et ce sont ces droits de l homme qui sont ba ou s Cette id ologie des droits de l homme base du syst me d mocratique reposent sur deux valeurs la libert et l galit Ces deux valeurs sont n es au Moyen Age d une r action contre la soci t structur e en Ordres privil giant une toute petite partie de la population La valeur libert implique pour chacun le droit d exprimer ses propres id es de diriger sa vie et plus g n ralement de faire tout ce qui ne nuit pas autrui selon Jla D claration des Droits de l Homme et du citoyen de 1789 Cette libert est aussi celle de choisir une religion ou d tre ath e Quant l galit elle s incarne aujourd hui essentiellement dans une galit des droits et une galit des chances dans la vie Almodovar propose donc en quelque sorte des contre valeurs celles propos e par Franco Par exemple pour lui le dialogue la parole est une valeur essentielle l Espagne ayant subit la censure sous le r gime de Franco Elle diff rencie l homme de l animal Pour le cin aste la fiction est toujo
91. r tienne les personnages se travestissent se droguent se TE Cl ment C Demonque L Hansen Love et P Kahn La Philosophie de A Z Paris ditions Hatier 1994 p 84 7 Cf Annexe 1 E Burdeau et J M Frodon P dro Almodovar Il m a fallu dix ans pour crire ce sc nario dans Cahiers du Cin ma mai 2004 42 prostituent aiment les corps du m me sexe Or la religion chr tienne a d velopp un tabou autour du corps il est sacr et intouchable Marc Alain Descamps auteur de L invention du corps nous explique que dans la civilisation chr tienne le corps est tenu pour un myst re Il appartient au cr ateur Son tabou se renforce du fait qu on le consid re comme un objet dangereux C est une occasion de tentation il m ne in luctablement la sexualit donc au p ch et la perdition Aussi faut il le tenir l cart et en rest le plus loign possible On vit distance du corps des autres et de son propre corps Dans la religion chr tienne le corps est effectivement d valu voir interdit Il est rejet au nom d une religion ou d une thique La loi divine interdit par exemple le p ch de la chair c est dire les relations sexuelles en dehors du mariage Almodovar nous confirme que l ducation religieuse est bas e sur deux l ments D abord la culpabilit on est coupable simplement du fait d tre n Et puis la punition le ch timent tu m rites le ch timent et l enfer sera
92. r une certaine propension la r flexivit c est dire parler d eux m mes du cin ma des films de la repr sentation et des arts des relations entre l image l imaginaire Almodovar met par exemple en sc ne la phase de r alisation du et le r el de la cr ation film La Mauvaise Education approche l criture du sc nario et le travail de l acteur et Attache moi met en sc ne une quipe de tournage en pleine r alisation Dans Tout sur ma m re le spectateur voit les acteurs se pr parer dans les loges et r p ter leur texte sous ses yeux Ainsi le spectacle dans le spectacle probl matise la limite entre r alit et illusion et ce type d nonciation filmique positionne le spectateur une place intra fictionnelle Le spectateur peut difficilement se laisser emporter par l identification De plus Almodovar place souvent un personnage ou un public face aux crans aux spectacles Ainsi le dispositif spectatoriel par l interm diaire du double cadre synth tise deux spectacles deux histoires deux sc nes en une seule dans le m me plan la t l vision en marche offre un premier niveau de lecture et le personnage en train de la regarder constitue un second niveau de lecture Almodovar sollicite l il du spectateur pour qu il compare deux espaces de repr sentations coexistant celui du spectacle 1llusion le discours t l visuel et celui du r el fictionnel le personnage en train de regarder Ainsi le spec
93. r ou non De plus Almodovar nous donne voir des choses graves comme l effondrement des valeurs religieuses familiales et sociales sans pour autant blesser l thique du spectateur Les sc nes violentes comme le viol ou le meurtre sont charg es d humour ce qui permet au spectateur de ne pas se poser la question de l acceptabilit morale du spectacle et au contraire d largir son champ de vision et de compr hension du monde Le cin ma d Almodovar transcrit bien l volution du contexte socio historique de l Espagne dans le sens o Almodovar recherche une forme filmique qui r ponde la tradition franquiste censure et dictature politique Paradoxalement c est dans la modernit qu Almodovar trouve cette tradition c est dans la d viance dans la marginalit qu il va trouver la norme et des valeurs essentielles Ainsi l uvre d Almodovar s impose comme un traitement de fond contre l intol rance et l exclusion car elle contribue lentement mais s rement changer les mentalit s 110 Jean Marc Leveratto Introduction l anthropologie du spectacle Paris ditions La Dispute 2006 p 77 75
94. res arts Enfin nous nous attacherons au processus de r ception des films Avec Almodovar le spectateur devient un acteur qu il dirige le cin aste le force voir ou l en prive le pousse s identifier ou l en emp che lui attribue en somme un v ritable r le Ainsi nous comprendrons la conception que se fait Almodovar du cin ma les intentions dont il charge le film et les techniques cin matographiques employ es pour les transmettre au spectateur G n rique du film Femmes au bord de la crise de nerfs RE EL DESEO S A BR Eden rde de un ataque NER VIOS FUA Tre TTE pes Jos Luis Alcaine F 7 r is Jose M de Cossio lmod var LE CORPS DANS LE SPECTACLE 1 1 Le corps un objet d analyse 1 1 1 La d couverte et la connaissance du corps Les enjeux li s au corps sont nombreux et il existe une pratique humaine vis vis du corps En effet le corps humain est un objet d tude un terrain d enqu te pour de nombreuses disciplines Les sciences qui tudient l homme et son activit peuvent tre regroup es en deux cat gories Il existe d une part les sciences qui s attachent l esp ce humaine comme la zoologie l anthropologie physique la pal ontologie la biologie la physiologie ou la m decine D autre part 1l existe les sciences qui tudient la soci t humaine et ses produits comme la g ographie humaine l histoire l arch ologie la so
95. roule un espace diff rent reli par les dialogues entre les deux personnages Angel questionne L o propos de son identit lui sugg rant de se trouver un pseudonyme De m me le reflet de L o est tant t d multipli par les portes vitr es lorsqu elle rend visite Angel ou d form lorsqu elle travail sur son roman Le cadre divis et les miroirs d formants touchent donc 1c1 au th me du double de l identit perdue Tout sur ma M re offre un cadre compos par les personnages eux m me C est le cas lors de la sc ne o Manuela signe des papiers dans le bureau des infirmiers apr s que son fils soit mort Celle ci est assise derri re le bureau avec une amie et les deux infirmiers film s de dos bordent l image C est entre leurs deux corps que nous voyons Manuela et son amie Le cadre et sa composition interne soit le fait que le champ soit rempli de personnages semblent indiquer que Manuela se sent oppress e et pr sage le morcellement du corps de son fils auquel elle va tre confront e Lorsque Manuela s en va retrouver son ex mari pour lui annoncer la mort de son fils Almodovar prend pour cadre le tunnel dans lequel s enfonce le taxi Il signifie que Manuela effectue un retour dans son pass chose difficile pour elle mais que l espoir subsiste puisque nous apercevons une lumi re au bout du tunnel 58 78 79 Dans La Mauvaise ducation le cadre en tant qu ouverture vers le pass est vident En fait
96. rus et l amour que nous avons pour eux dans des objets ou des gens Dans Parle avec elle le corps entre la vie et la mort est au centre de l histoire Benigno et Marco sont tous deux amoureux de femmes dans le coma Alicia et Lydia Benigno infirmier passe tout son temps soigner et parler Alicia persuad qu elle l entend et qu elle ne tardera pas se r veiller Marco quant lui ne voit en Lydia qu un corps mort et 1l n arrive pas lui parler Ainsi Almodovar met en parall le deux fa on de consid rer la mort B nigno fait vivre Alicia travers l attention qu il lui porte Il converse avec elle comme si elle pouvait lui r pondre et ira m me jusqu lui faire un enfant L enfantement d Alicia renforce le flou qui entoure la notion de mort comment un corps cliniquement mort peut il engendrer la vie Comble de l ironie au final B nigno se meurt en prison tandis qu Alicia se r veille de son coma Marco quant lui n arrive pas trouver de vie dans le corps silencieux et immobile qu est celui de Lydia L encore Almodovar nuance nos id es trop arr t es sur la mort Celle ci n est pas que clinique organique ou physique la mort est cette sensation que la vie est plus p nible que la mort et elle peut aussi tre psychique L ironie est similaire dans En chair et en os une m re meurt en mettant au monde son enfant Les films d Almodovar effacent donc la fronti re la plus d cisive pour le corps celle entre la vi
97. s qu au premier abord C est le cas de Ramon que Kika dans le film du m me nom r veille de la mort par deux fois Alors que Kika s appr te maquiller Ramon pour son propre enterrement c est le frottement du pinceau de maquillage sur la joue de Ramone qui le r veille La situation n est pas sans rappeler celle des contes la princesse endormie est r veill e par le bais de son prince charmant Ici Ramon est celui qui est condamn au sommeil ternel et c est l amour de Kika qui le ressuscite Almodovar fait donc appel un imaginaire collectif et peut ainsi jouer sur des motions communes que le spectateur sera plus apte ressentir Lors de sa seconde r surrection c est la lampe de chevet avec laquelle Kika envoie une d charge lectrique a Ramone qui va sauver la vie de ce dernier Ainsi Almodovar dote certains personnages d une sorte d immat rialit qui n est possible que dans la fiction cin matographique Cela conf re au film une atmosph re la fois m lodramatique et burlesque le symbole de l amour qui brave la mort c toie des personnages et une situation risibles D autre part la r surrection de Ramon voque celle du Christ dans la religion chr tienne qui s en trouve d mystifi e D autres personnages posent la question de la d finition de la mort Dans Tout sur ma m re Manuela voit sont fils mourir sous ses yeux En fait la mort de l esprit ne correspond pas celle du corps car le c ur d Est ban bat encore M
98. s cette discipline le probl me du corps est souvent abord dans ses rapports avec l me Pour Platon il fallait op rer une distinction radicale entre la substance pesante et la substance tendue soit entre le corps et l esprit Le corps est ce qui en tant qu objet concret et palpable s oppose l esprit l me c est alors le corps vivant de l tre anim homme ou animal ou le corps mort le cadavre Pour Platon le corps est intimement li l me il est l apparence le reflet le tombeau de l me fournissant au sujet pensant une identit g n tique et physique une individualit Une telle lecture du corps souligne l h t rog n it de l me et du corps Toutes ces disciplines s attachent d chiffrer le sens du corps travers ses caract ristiques observables Au cin ma nous pouvons proc der de la m me fa on nous effectuons une lecture cin matographique du corps issu d une criture cin matographique et c est ce que nous ferons d ailleurs dans notre recherche En effet en observant le corps au sein du champ filmique d Almodovar nous tenterons de d chiffrer le sens que le cin aste a plac en lui D autre part nous constatons que le corps si nous le vivons comme une homog n it g n re pourtant une multitude de discours sur lui Discours biom dical psychologique sociologique esth tique chacun met en avant un niveau de signification dont le corps est porteur mais cet exc s de sens semble bien f
99. s sur les rues et des glises qui la peuple Puis c est le cot sombre de Barcelone qui nous est montr couleurs grises et froides violence prostitution et drogue composent cette micro soci t soit disant sans foi ni lois Les marginaux et les exclus de la soci t cr ent leur propre monde dont l autonomie est symbolis e par le mouvement de rotation qu effectuent les voitures et les prostitu es En effet les corps et les voitures tournent autour d un point central ce qui voque le temps qui passe le cycle de la vie Ils voluent au rythme de la musique marquent chaque mesure par un mouvement comme s ils effectuaient une danse chor graphi e une valse trois temps Rossy de Palma actrice f tiche d Almodovar nous explique la r alit de ce mode de vie le statut actuel des travestis en Espagne Il ne faut pas oublier qu il y a une marginalit norme 28 dans le monde des travestis En Espagne les transsexuels qui ne sont pas officiels qui ne sont pas op r s n ont pas le droit d aller au travail habill s en femmes Ce n est qu apr s le changement de sexe qu ils peuvent seulement prendre l identit de femme l ext rieur Sinon ils sont oblig s d tre dans la marginalit soit dans la prostitution soit dans des cabarets et ce n est pas un choix c est terrible Moi j ai connu des transsexuels je les comprends parce qu il y a beaucoup de souffrances dans tout dans l entourage familial
100. sions et de d sirs de personnages imagin s par un auteur qui sugg rent la possibilit de conduites lib r es des normes sociales existantes La catharsis l motion que le spectacle suscite chez les individus a pour Duvignaud en effet une utilit sociale Elle permet de d gager le groupe des participants des banalit s de la vie collective et de dessiner une image pure de ses d sirs et de ses passions La compassion pour les personnalit s marginales atypiques anomiques mises en sc ne par les grands textes de la litt rature th trale fait de la repr sentation th trale l exact quivalent d un dispositif collectif d exp rimentation psychologique Ces personnages souffrent tous en effet de vivre dans un environnement social qui ne comprend pas leurs motivations et leur impose d accepter l inhumanit de certaines situations Les spectateurs en compatissant avec l individu mis au supplice par la soci t contribuent normaliser des attitudes encore proscrites par la soci t mais que leur incarnation humaine sur la sc ne contribue faire accepter par la collectivit Ainsi loin d tre une occasion futile de divertissement le th tre est le moyen de fabrication d une personnalit r volutionnaire ou pour parler plus 103 Cf Annexe 4 J Vidal Beneyto Almodovar le franquisme et la d mocratie pourquoi la droite triomphe en Espagne dans Le Monde diplomatique avril 2002
101. sique l amateur ou le professionnel formulent des discours sur l uvre d apr s la mesure avec leurs corps qu ils ont fait du spectacle et d apr s Ibid p 44 Ibid p 79 9 Ibid p 25 Ibid p 87 Ibid p 144 21 leur niveau de culture artistique Si le spectateur classique ne peut pas forc ment laborer une critique du film comme celui dont c est le m tier il peut tout de m me transmettre la qualit du spectacle dont il a prit la mesure avec son corps Ainsi le spectacle est une situation rituelle qui occasionne la mise en uvre de techniques du corps de l art de se servir de son corps et du corps d autrui Pour ressentir toute efficacit du spectacle le spectateur doit se pr ter la situation mettre son corps en tat de ressentir les stimulus sensoriels pr sents dans l image du plaisir et des motions Avec son corps le spectateur prend la mesure du spectacle il value la qualit technique du spectacle son efficacit esth tique et sa dignit thique Le corps d autrui auquel je transmet consciemment ou non mon plaisir me permet de valider mon jugement sur le spectacle et m me sur le monde Le spectateur interroge le spectacle en m me temps qu il y participe 1l 12 est la fois tat et acte repr sentation et action j Il concilie esprit critique et conduite de jouissance Le spectacle doit donc satisfaire le corps du spectateur en respectant son sens moral sa sensibilit
102. sont la r ponse l v nement sans recours o le corps est mis devant l impossible mais veut pourtant vivre et bouger Le corps est le lieu o se rappellent les traumas les chocs physiques qui furent v cus puis class s invivables c est l que des paroles et des fantasmes se convertissent en termes physiques nr Enfin dans ce film la danse appara t encore comme lib ration du corps et de l esprit dans la sc ne o les prisonni res enferm es avec Rebecca effectuent leur chor graphie Les corps sont physiquement enferm s cependant ils s vadent par la danse Les femmes ne sont pas en uniforme comme les prisonni res traditionnelles au contraire elles affichent des costumes color s En fait la prison appara t comme une soci t organis e avec ses propres lois et ses interdits officiels et officieux Les corps dansent tous dans une chor graphie organis e et le fait que tous les danseurs exercent les m mes mouvements symbolise la rigueur de la prison ainsi que l uniformisation des comportements que l emprisonnement impose Le corps est enferm et l tre est r duit un num ro l anonymat or par la danse les prisonni res lib rent leurs esprits Dans la danse s exprime la n cessit de trouver un espace de libert et d affirmation de soi 6 Dictionnaire Hachette multim dia 1998 AD Sibony Le corps et sa danse Paris ditions Du Seuil 1995 p 9 34 La sc ne du spectacle du travesti Z
103. spectateur Almodovar souhaite faire r fl chir sur la notion de norme de normalit La philosophie de A Z d finit la norme de la fa on suivante c est un crit re ou principe qui r gle la conduite ou auquel on se r f re pour porter un jugement de valeur La norme est facilement associ e aux notions de loi ou de r gle parce qu elle conduit comme celles ci prescrire les comportements ou les tats auxquels est attach e une valeur particuli re et parce qu elle est comme elles fix e par un individu un groupe ou une institution Les normes inspirent notre conduite au quotidien et varient dans le temps et dans l espace Elles se composent d un ensemble de r gles crites ou non qui assurent l homog n it le contr le la r gularit des conduites sociales Les normes ont un caract re obligatoire c est pourquoi elles ont toujours des sanctions pour contrepartie Parmi elles les r gles de droit occupent une position centrale Ces lois ext rieures l individu sont impos es par l Etat et le droit nonce avec pr cision les r gles obligatoires ainsi que les sanctions s appliquant leur non respect Les mod les sociaux ont eux aussi une fonction importante dans le sens o les mod les jouent un r le exemplaire pour les conduites collectives Il s agit de s identifier telle personne ou tel type de comportement Dans ce cas les sanctions ne sont pas essentiellement juridiques Ces mod les concer
104. sser submerg par l histoire 83 Jaubert Palettes Yves Klein mission de t l vision diffus e sur Arte France 1996 92 1 1 2 Le cadre le miroir et l identification Au m me titre que la couleur le cadre et le cadrage sont des l ments narratifs des mati res de l expression qui viennent chez Almodovar conf rer une place particuli re au spectateur D autre part le cadre dans le cadre est l occasion pour Almodovar d instaurer le spectacle dans le spectacle et du coup de pousser le spectateur vers une identification nouvelle De fa on g n rale le cadre est la bordure qui entoure un tableau un miroir ou une porte ce qui circonscrit ce qui d limite Cependant le mot cadre d signe aussi ce qui constitue le milieu l environnement le paysage le d cor Lorsque nous parlons de cadre au cin ma il s agit du format de l image et nous constatons qu il existe une multitude de repr sentation du cadre Sur le plateau la cam ra est l outil indispensable pour r aliser le film et c est elle qui d termine le format de l image Le cadre mat riel de l image cin matographique est donc impos dans un premier temps par le support d enregistrement des images cam ra et pellicule La cam ra enregistre les images la cadence de 24 images par seconde Selon la largeur de pellicule utilis e le cin aste d cide du format de l image et par l des limites du cadre dans lesquelles se d roule la fiction Ce format varie
105. ssi toute la difficult d exister dans un corps dans lequel on ne peut se sentir bien Pour Ignacio nous voyons combien se faire greffer une poitrine et poss der du coup un corps en conformit avec son esprit est important Il parle de la honte de se montrer sa m re avec un corps qui n est pas encore achev dans sa mutation f minine Pour Tisseron la honte est le sentiment p nible de son inf riorit de son abaissement de son indignit devant sa propre conscience c est l angoisse d tre abandonn une solide d finition et sans appel condamn une errance sans fin voire une exclusion du 60 rL Ibid D Sibony Le corps et sa danse Paris ditions Du Seuil 1995 p 154 38 genre humain La honte provoque donc une d valorisation de soi Durant le film Enrique refuse Juan qui se fait passer pour son fr re Ignacio le r le de Zahara pour son film En effet il sait que Juan ne pourra jamais transmettre les motions que transmet Zahara sur sc ne car la danse n est pas imitation mais r v lation catharsis Afin d interpr ter parfaitement son r le de Zahara Juan se rend au spectacle d un travesti pour l observer et lui demander conseil quant aux attitudes avoir sur sc ne En fait il ne cherche qu imiter Zahara Au final Enrique lui laissera incarner le r le mais dans le but justement de percer au grand jour la personnalit de Juan A la fin du tournage Juan explose en sanglots tant il a
106. t ni s par le refoulement de leurs sources dans l inconscient Ainsi nous sommes encore dans un rapport d encodage et de d codage du corps Le psychanalyste fait une lecture des troubles visibles sur le corps qui r v lent un mal tre de l esprit De m me la psychanalyse proc de une criture du corps dans le sens o elle l associe un trouble du corps particulier un trouble de l esprit Le sympt me hyst rique par exemple nous montre que le corps est travaill par l inconscient la sexualit et le langage il chappe la biologie en tant qu il est travers par le d sir qui le fait basculer du c t de l imaginaire et du fantasme La psychanalyse a plut t homog n is le corps l a pens comme un corps li l me cependant elle le divise tout de m me en lui reconnaissant une part consciente et une part inconsciente L ethnologie quant elle a mit en lumi re le fait que le corps soit un produit culturel non seulement les fa ons dont l homme se sert du corps varient d une soci t l autre mais chaque culture inscrit sur lui ses valeurs ses croyances et ses canons esth tiques Cette discipline est intimement li e l anthropologie Franck Despujol dans son texte Corps et culture l apport de l anthropologie propose une d finition int ressante de l anthropologie du corps C est selon lui l tude des interactions permanentes et multiformes entre le corps et le contexte social et culturel
107. t spectaculaire d un objet et t moin de la qualit culturelle du spectacle Il peut comparer et critiquer les films et transmettre ses appr ciations autrui Il nous faut noter d ailleurs que le spectateur poss de une comp tence artistique grandissante et qu il se transforme petit petit en expert du film C est ce qu affirme aussi Jean Marc Leveratto lorsqu il crit ce plaisir n est pas un plaisir aveugle mais le plaisir r fl chi l exp rience du plaisir et le plaisir de r fl chir les raisons de ce plaisir que m apportent ma participation la situation artistique et l interaction qui s tablit entre mon corps et un objet spectaculaire Au del du simple plaisir produit par la libre activit des sens le spectateur prouve du plaisir l analyse du m canisme qui permet de conqu rir son attention et de satisfaire sa sensibilit Il se demande en effet comment le film peu produire tel ou tel effet sur lui Comment le film l a conduit sympathiser avec tel ou tel personnage ou encore comment le film a t il engendr en lui telle ou telle motion De plus le spectateur acquiert des comp tences techniques qui lui permettent de manipuler lui m me les proc d s de production du fant me La ma trise des outils audiovisuels et la culture artistique permettent au spectateur d analyser les m canismes par lesquels le spectacle se joue de lui Ainsi s il Ibid p 25 7 Ibid p 13 3 Ibid p 14 l Ibid p
108. t critiqu e mais 1l n y a pas de morale de jugement par rapport elle Almodovar nous dit Je crois que pour les Espagnols Dieu dispara t 1l n est plus le destinataire de ce langage qu est la pi t la religion et en revanche ce qui est tr s pr sent c est les personnes avec lesquelles on partage la liturgie Dans La Mauvaise ducation je condamne cette ducation religieuse mais en m me temps j adore la liturgie catholique e Citant la sc ne o Ignacio et Enrique ne sont encore que des enfants et tombent amoureux l un de l autre le cin aste ajoute la liturgie catholique pour moi me semble une liturgie mal fique Pour que l tre humain s exprime pour que les personnages surtout s expriment par rapport aux autres se racontent aux autres Dans cette sc ne o l enfant chante en quelque sorte je vole Dieu cet acte de pi t et j en fais pour l enfant un instrument qui lui permet de dialoguer avec l autre enfant Donc cet acte de liturgie de c r monie l enfant se l approprie et puis il la d die cet autre enfant Dans La Mauvaise ducation tous ces rites ces actes 7 Ibid 44 religieux deviennent des sc nes cin matographiques o les personnages communiquent entre A 76 eux gr ce ces rites 54 Dans ce m me film un autre exemple est frappant il s agit de la sc ne o Zahara entre dans l glise dans le but de parler au p re Manolo Le pr tre est en train de commencer ce que l on
109. ta destination finale Je n ai jamais accept cette ducation et c est pourquoi Jamais dans mes films les personnages ne sont coupables m me s ils ont commit des crimes m me s ils ont commit des choses dont ils peuvent eux se repentir Mais pour moi a fait partie de la vie a fait partie de leur vie Ca ne veut pas dire que les personnages ne soient pas responsables chacun est responsable de ce qu il fait mais l id e de la culpabilit je l ai retir e de mes films S1 le corps ne respecte pas les principes religieux les personnages proc dent tout de m me des rites reposant sur un culte En fait le corps est la seule chose que les personnages poss dent et avec laquelle ils jouissent et c est pourquoi ils croient en lui plut t qu en Dieu En sociologie le rite est un usage auquel la force de l habitude a fait prendre la valeur d un rite et c est en ce sens que les personnages ritualisent leur corps Le rituel consiste en un syst me de conduites formalis es r p titives mais r serv es des situations ou des relations sp cifiques D autre part la pratique d un rituel implique une croyance plus ou moins vive la fois en des valeurs et dans une efficacit r elle ou symbolique Dans les films d Almodovar le maquillage de la peau le travestissement et la danse sont des rituels li s la fois la repr sentation sociale et au sacr Car le mot rite poss de une connotation religieuse d finissant l ensemble
110. tant au niveau des repr sentations qu celui des pratiques Son postulat de base est qu on ne peut isoler le corps comme objet d tude d un champ social de 3n significations dont 1l n est qu un maillon L anthropologue s int resse donc la fa on dont une culture se repr sente le corps et ce qui lui advient Par exemple dans la culture l E Cl ment C Demonque L Hansen Love et P Kahn La Philosophie de A Z Paris ditions Hatier 1994 p 294 Ouvrage collectif Le Corps Rosny sur Bois ditions Br al 1992 Texte de Franck Despujol Corps et culture l apport de l anthropologie p 13 Ibid occidentale la maladie est une alt ration de la sant dont la cause est un disfonctionnement du corps Par contre dans d autres cultures la maladie rel ve du surnaturel elle est l uvre d un esprit ou d une divinit Il s agit donc pour l anthropologue de comprendre comment les savoirs les normes et mod les culturels sont int gr s et transpos s dans les divers usages du corps marcher danser saluer exprimer ses motions marquer d corer son corps le parer et le v tir Il proc de une lecture du corps en tant qu il est porteur de sa culture Pour Pierre Bourdieu le corps dans sa nature est redoubl d une culture devenue nature c est dire incorpor e Dans la philosophie aussi les diff rents th oriciens et courants de pens es proposent une criture et une lecture du corps Mais dan
111. tateur est dans un entre deux et il ne sait plus quelle place occuper celle du spectateur tant d j prise VF Vanoye A Goliot L Et Pr cis d analyse filmique ditions Nathan Lu on 2001 p 27 61 Parfois l effet de miroir est pleinement assum par la foule Par exemple le carnaval est un espace o la foule affiche par son costume son d sir de voir et de se faire voir La foule agit comme un miroitement elle se refl te dans les personnes costum es En fait par ce miroitement la foule accomplit un rituel intime v rifier sa propre existence Chacun endosse individuellement le jeu de la foule jouir de se rendre manifeste de se montrer sa joie de vivre La foule se f te et se prend pour son miroir dans un spectacle qui devient f te cause de ce retour sur soi Ainsi la foule s incarne dans le corps dansant et se regarde 90 exister Chez Almodovar le spectateur l impression de ne pas trouver sa place mais cela fait partie de la mise en sc ne Almodovarienne Le cin aste lui fait ressentir l instabilit que les travestis les drogu s et tous les marginaux prouvent Les corps d Almodovar sont la recherche de leur limite d tre tout comme le spectateur D Sibony Le corps et sa danse Paris ditions Du Seuil 1995 62 11 2 Pour une d finition impossible de la norme 111 2 1 Le corps comme lieu de symbolisation des normes travers son uvre et la place donn e au
112. tie du costume 5 Ibid 36 Dans La Mauvaise ducation le costume de Zahara se confond aussi avec la peau d un corps nu puisqu il recouvre le sexe et le buste du travesti par les motifs du corps f minin Les gants que porte Zahara sont d cor s du dessin de la main f minine avec ses ongles longs et vernis Le costume est alors v ritablement une seconde peau un deuxi me corps celui d une femme dont r ve l homme qu est Zahar 51 L encore l intimit est surexpos e mais cette tendance l extimit est essentielle l tre humain et peut tre encore plus aux travestis Serge Tisseron nous dit qu elle consiste dans le 37 d sir de communiquer propos de son monde int rieur Ainsi costum s dans le cadre du spectacle les personnages prennent le risque de confier quelque chose d eux m mes sentant enfin que leurs interlocuteurs leur public partage les m mes valeurs qu eux Le costume est donc une affirmation de soi C est gr ce ce corps factice cet apparat f minin ce trompe l il qu est le costume que Zahara peut exprimer tout son tre et entrer dans la s duction Zahara joue de son corps de sa sensualit et de sa nudit avec une fleur qu elle fait glisser le long de son corps de son sexe jusqu sa bouche en passant par sa poitrine Sa mise en sc ne et ses gestes expriment et donnent au public une motion caract re charnel Le visage film en gros plan est la fois
113. ues la mode la musique ou le cin ma De nos jours le corps est le lieu et l outil de l affirmation personnelle et nous le sculptons d j dans nos soci t s par les tatouages ou les piercings Les artistes ont d pass le stade du body art de la fin des ann es 1960 qui consistait reconsid rer la place du corps dans la soci t et avec Yves Klein le corps devient support de travail outil de cr ation il est toile il est pinceau 1l est une uvre vivante L artiste se sert du corps comme tampon de couleur laissant une empreinte du corps sur le papier Le corps n est donc plus seulement objet TE Cl ment C Demonque L Hansen Love et P Kahn La Philosophie de A Z Paris ditions Hatier 1994 p 69 de repr sentation mais aussi outil de cr ation la mati re m me de l oeuvre Ainsi Andres Serrano con oit des uvres dont les mat riaux privil gi s sont les fluides corporels sperme sang Eduardo Kac pratique l art transg nique cr ant un lapin nomm Alba dont l ADN poss de une prot ine verte fluorescente Teresa Margolles travaille avec l eau ayant servi laver le corps des morts ou avec de la graisse humaine D autres artistes consid rent le corps comme un accessoire que nous sommes libres de modeler de red finir sans cesse ou de transformer C est le cas d Orlan surnomm e la femme mutante tant son corps a t remodel par la chirurgie esth tique Son oeuvre heurte les concepts classiques
114. ur l ext rieur et nous comptons encore bien d autres cadres dans lesquels l espace se creuse Ainsi le cadre efface les fronti res entre le champ et le hors champ Chez Almodovar le cadre ne se limite jamais aux contours de l image au contraire 1l s exhibe se marginalise et fait v ritablement sens Dans Kika le cadre rel ve du voyeurisme D s le g n rique le spectateur est plac au rang de voyeur car le cadre est celui d un trou de serrure par lequel nous observons une femme d nud e BET Aumont A Bergala M Marie et M Vernet Esth tique du film ditions Nathan Paris 1999 54 68 Le ton est donn par le biais du personnage d Andr a La Balafr e qui pour son mission de t l r alit Le Pire de la Journ e se d place avec une cam ra viss e sur la t te Parfois le cadre est celui des images qu elle obtient en filmant ou en utilisant un t lescope pour p n trer l intimit des gens C est ce m me rapport intimit r alit image qui est pr sent lorsque Ramon prend des photos de lui et Kika en train de faire l amour au point que les images deviennent plus importantes que le moment que vit le couple 70 71 De m me la cam ra s introduit dans l appartement de Ramon et dans celui de son p re prenant pour cadre les portes fen tres grandes ouvertes par lesquelles nous voyons les deux hommes en train de vivre une sc ne intime avec leurs compagnes Ce cadrage donne une impression de
115. urs li e la parole La parole c est la fiction la v rit l amour la 109 haine et la vie Ainsi 1l faut oser se parler dans toutes circonstances comme nous l enseigne le film Parle avec elle Almodovar construit deux histoires sym triques autour du th me de la parole celle de B nigno et celle de Marco Le premier est m decin et s occupe d une femme dans le coma Silvia et le second est au chevet de celle qu il aime Lydia qui est elle aussi dans le coma Silvia se r veillera car B nigno lui parle sans cesse tandis que Lydia d c dera Marco ne r ussissant pas lui parler Dans une autre sc ne B nigno est en prison et Marco ne parvient pas lui parler lui non plus Pour la seconde fois le mutisme de Marco entrainera la mort de B nigno Marco ne r ussira parler B nigno que lors d une visite sur sa tombe ce qui symbolise toute la difficult de parler d exprimer ses d sirs notamment pour un pays format par censure La parole en tant que valeur est aussi mise en sc ne dans Tout sur ma m re o Est ban meurt avant que sa m re Manuela n ait pu lui r v ler l identit de 108 G Ignasse et M A Genissel Introduction la sociologie Paris ditions Ellipses 1995 p 102 10 Permis de penser mission diffus e sur Arte 2004 72 son p re Dans Volver la m re d funte de Raimunda revient du monde des morts pour entendre le secret que sa fille n a pu lui r v ler avant sa mort
116. us les interdits lev s la mort de Franco usage de drogue adult re perversions sexuelles et autres conduites susceptibles d branler les institutions du mariage de la famille ou de l ducation religieuse Dans ce m moire il s agira tout d abord d analyser la situation spectatorielle pour comprendre comment le film agit sur le spectateur mais aussi comment le spectateur agit sur le film Car le spectacle n est pas une situation de communication o le cin aste serait l metteur et le spectateur un simple r cepteur mais plut t une situation o l uvre et son public entrent en interaction Au sein du spectacle cin matographique le corps joue un r le essentiel il est morcel par la technique cin matographique cadrage montage selon les intentions du cin aste 1l est l outil de l acteur qui incarne un r le et enfin 1l est un instrument de mesure de la qualit du spectacle pour le spectateur Nous insisterons aussi sur les notions d incorporation et de transmission qui caract risent tout spectacle Puis nous nous plongerons dans l uvre de P dro Almodovar et tenterons de d construire ses films d en pr lever les l ments constituants afin de comprendre toutes les intentions et les techniques cin matographiques du cin aste Nous d couvrirons ainsi comment Almodovar construit son propre genre cin matographique aux fronti res entre burlesque drame et satire et m me aux fronti res entre le cin ma et les aut
117. vent le d sir de changer de sexe Au sens figurer se travestir correspond donner une apparence mensong re ou trompeuse d o une certaine complicit avec les th mes du double et du masque D ailleurs Almodovar illustre clairement deux mondes celui des travestis qui est en marge du syst me et l espace social Contrairement aux id es re ues ce ne sont pas les travestis qui portent des masques Ce sont les autres individus qui le porte en incarnant des r les sociaux Par exemple les personnages d Almodovar assument leur homosexualit tandis que d autres sont oblig s de la cacher dans leur milieu professionnel par peur du jugement moins que nous ne portions justement un masque pour chapper notre condition sociale pour tre autre que ce que nous sommes pour nous divertir Le monde des travestis est illustr entre autres dans Tout sur ma m re lorsque Manuela part de Madrid pour annoncer la mort de son fils au p re d Est ban L ex mari de Manuela est devenu travesti et 1l se prostitue Barcelone La recherche est mise 7 Dictionnaire Hachette multim dia 1998 21 en sc ne de fa on tr s po tique la musique est planante et le travelling avant qui s enfonce vive allure sous un tunnel y contribue Nous sommes alors plong s au c ur du parcours initiatique de Manuela qui s immerge de force dans son pass Almodovar nous pr sente la ville par une vue du ciel panoramique et flottante ainsi que par des plan
118. yer sa place sont d j en soi des rituels sociaux et culturels par lesquels je me transforme en spectateur Le spectacle en tant que rituel requiert un savoir rituel duquel va d pendre l efficacit du rite Au cin ma ce savoir est constitu par le genre du film poss de cette qualit pratique de r unir dans une seule formule la fois les caract ristiques techniques esth tiques et thiques du spectacle propos Le genre cin matographique est en m me temps une caract risation du genre du film d une mani re de raconter de l humeur qu il suppose du savoir qu il requiert de l ge du spectateur auquel 1l est destin D autre part le choix du film qui s effectue aussi selon mon humeur personnelle le contexte social et mon exp rience cin matographique implique une forte attente du spectateur par rapport au film Le rituel du spectacle s entoure d un ensemble de r gles qui r gissent la pratique du rite Ainsi il existe diff rents genres de spectacles qui requi rent chacun une mise en uvre diff rente du corps du spectateur et une technique d incorporation conforme aux caract ristiques rituelles de la 2 Jean Marc Leveratto Introduction l anthropologie du spectacle Paris ditions La Dispute 2006 1 Tbid p 45 7 Ibid 7 Ibid p 57 17 24 En effet ma participation un concert ne mobilise pas les m mes attitudes situation physiques et psychologiques autrement dit les m m

Le corps, la norme et le spectateur dans le cinéma de Pedro

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