Révolution tranquille et gouvernance: trois chantiers
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1. les ann es 50 ont t la seule d cennie du xx si cle o les migrations interprovinciales ont donn un solde positif au Qu bec au cours des deux d cennies ant rieures 1967 1968 les inscriptions tous les ordres d enseignement augmentaient tr s rapidement les changements dramatiques dans le r gime des relations de travail en particulier dans le secteur public ont eu un mepND la revolution tranquille indd 51 11 08 17 16 49 52 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE impact sur la mont e des corporatismes sur la d t rioration du climat social et sur l explosion salariale dans la p riode subs quente il ya eu aussi dans tout le monde occidental et au Qu bec aussi fortement qu ailleurs dans l apr s Seconde Guerre mondiale la mont e d un grand relativisme moral qui n a pas t sans rappeler le vent id ologique ayant souffl sur le monde Atlantique la fin du xvur si cle enclenchant alors ce qu on a nomm la R volution Atlantique Godechot Palmer il ya enfin l arriv e sur la sc ne occidentale de l id ologie des droits de la personne dans la foul e de la D claration des Nations Unies de 1948 et de la l gitimit de demandes illi mit es vis vis de l tat qui vont amener le citoyen r clamer de l tat dit providence qu il soit l instrument de la r alisation de toutes sortes de gratifications et se d respon sabiliser relativement de sa2. la vague d mographique qui va donner aux jeunes personnes arrivant maturit une valence extraordinaire dans la popu lation qu b coise au tournant des ann es 70 2 au mouve ment mondial qui au Qu bec comme dans tout le monde occidental fait que cette bouff e de jeunesse c est dire cette cohorte importante de personnes non branch es sur les r seaux de pouvoir et avec beaucoup de temps libre et d es poirs va participer un vaste mouvement de contestation de l ordre tabli et des canons en place avec leurs moyens c est dire leurs voix 3 la maturation de la t l vision et des nouveaux moyens de communication qui ont d cupl leurs auditoires et leur force de frappe mais aussi 4 l interven tion plus muscl e de l tat f d ral d abord et de l tat provin cial plus tard comme sources de subventions pour les indus tries culturelles et les activit s connexes Artistes et litt rateurs vont b n ficier d aides financi res plus grandes au cours de 15 Yvan Lamonde et Esther Tr panier L Av nement de la modernit culturelle au Qu bec Qu bec Institut qu b cois de recherche sur la culture 1986 mepND la revolution tranquille indd 67 11 08 17 16 49 68 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE cette p riode devenir bien davantage clients de l tat qu au paravant et apprendre pr senter l tat leurs revendica tions comme les autres groupes corporatistes m
3. Mesthene Technological Change New York Men tor 1970 mepND la revolution _tranquille indd 73 11 08 17 16 49 74 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE on a fait comprendre que leurs revendications sur la forme que doit prendre l appareil de production sont l gitimes Peu peu vont se mettre en place une culture de b n ficiaire et de d pendance l tat et une d responsabilisation des personnes et des groupes qui n existaient pas la fin des ann es 50 Cet tat de fait sera en bonne partie caus par la conver gence de plusieurs forces qui vont jouer ailleurs aussi mais qui auront une force de frappe peut tre plus significative au Qu bec tant dans les faits que dans le discours cause du conservatisme relatif de la soci t qu b coise d avant 1960 pour ce qui est de l intervention tatique Il s ensuivra culture de d pendance accrue par rapport l tat rosion du capital social et affaiblissement de la soci t civile e demandes exhauss es cause du langage des droits et de l galitarisme effets pervers de cette d pendance sur le sens des responsa bilit s impact sur les comportements les perceptions et les repr sentations conduisant tant l accroissement des demandes des citoyens qu la formation de groupes d int r t pour la chasse aux rentes dans un mode de production devenant de plus en plus bureaucratique d Esprit du temps On peut dire que pa
4. volution dans leur gouvernance dans le cas de la culture rien de moins qu une nouvelle r volution culturelle ne saura d contaminer une culture trop marqu e par l irresponsabilit g n ralis e Est il d fendable ou m me excusable de quitter le podium sans esquisser tout au moins de quoi pourrait avoir l air la nouvelle r volution culturelle susceptible d inverser la vapeur de faire que le citoyen redevienne producteur de gouvernance et apte bien faire ce travail Probablement que non On me permettra donc de le faire en deux points Pun plus g n ral l autre plus particulier comme un coup de poing En g n ral il suffira de rappeler en un raccourci qui pourra sembler abusif qu la source d une culture d ficiente est le triomphe de l indistinction l indiff renciation la d sint gration et l incapacit hi rarchiser et que cela r sulte d un amalgame de quatre forces toxiques massifica tion centralisation bureaucratisation et d sinformation Et on a dit combien ces forces toxiques ont jou un grand r le au Qu bec au cours des derniers cinquante ans La nouvelle r volution culturelle va donc prendre sa source dans un double combat combat 1 un effort concert pour combattre ces quatre forces pour les saboter pour les emp cher de jouer leur r le n faste combat 2 redonner la diff renciation l int gration et la capacit de multihi rarchisation de s
5. du Canada pour qu un citoyen du Qu bec qui ne pouvait avoir acc s des soins de base fournis par le monopole public dans des d lais convenables soit autoris officiellement les cher cher du c t du priv Un citoyen qui pouvait avoir acc s l imagerie par r sonance magn tique pour son chien n avait pas le droit officiellement d y avoir acc s pour lui m me m me si le monopole public n tait pas en mesure de le lui donner Face un monopole public inad quat naturellement la pression monte et les citoyens sont de plus en plus amen s contourner le r gne du syst me public en allant de plus en plus dans le maquis vers le priv Le budget Bachand de mars 2010 a pris un virage prudent et timor dans ce dossier le tabou des tickets mod rateurs a t exorcis Une r volu tion culturelle Disons plut t initiatives symboliques qui dans le court terme restent bien modestes et frileuses on sent le besoin d y aller sur la pointe des pieds et bien doucement dans cette terre sainte des acquis sociaux grand p turage des vaches sacr es Malgr cette prudence le vide s est fait autour du ministre Bachand on a fait la d monstration que courage politique est un oxymoron et que les dogmes prennent automatiquement le pas sur la raison On a parl ouvertement dans ce m me budget de reddi tion de compte en ducation on a t cependant combien plus doucereux en sant parce que les diff
6. du d rangement sera cependant d mographique Sans aucun doute les accompagnateurs politico bureau cratiques de ce mouvement vont y mettre du leur on va voter bien des lois scolaires dans les ann es 60 allongeant l ge de fr quentation scolaire obligatoire consolidant plus de 1 000 commissions scolaires en une soixantaine et les obli geant assurer l enseignement secondaire etc Mais cet ajus tement avait d j commenc d s les ann es 40 et s tait pour suivi avec force dans les ann es 50 en proportion de l augmentation de la client le r clamant des institutions sup pl mentaires Dans les ann es 60 on r pond seulement aux goulots d tranglement subs quents qui se mat rialisent En effet les baby boomers ne mourant pas en arrivant l adolescence on va inventer en cascade les c geps pour mepND la revolution tranquille indd 53 11 08 17 16 49 54 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE prendre le relais des polyvalentes en 1967 et l Universit du Qu bec cr e en d cembre 1968 pour prendre le relais des c geps une cascade d tablissements pour accueillir l norme vague d tudiants que les institutions existantes n auraient su accueillir et qu une population qu b coise dont le revenu cro t vite n aurait pas accept qu on sacrifie La d mocratisation de l ducation est le slogan qu on utilisera pour d crire la mise en place de ces nouvelles struc tures d accueil dan
7. les ressources disponibles l exp rimentation en mati re de gouvernance est d ficiente et l augmentation exponentielle des co ts continue Le budget Bachand de 2010 annonce que les choses vont changer mais dans un avenir encore trop mal d fini prudence oblige quand pr vaut l tat d esprit d crit plus haut Moins visible mais tout aussi important un autre pro bl me a germ en sant comme en ducation cause de la massification de la bureaucratisation et des corporatismes Il ya eu insensiblement att nuation de l affectio societatis cest dire engagement de tous les acteurs contribuer active ment avec tous leurs moyens de bonne foi toujours et de mani re cr atrice au travail commun quilibres conflictuels mepND la revolution tranquille indd 65 11 08 17 16 49 66 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE et confrontations ont eu des effets toxiques sur les partena riats au c ur de ces m tiers impossibles que sont dixit Freud gouverner duquer et gu rir des m tiers qui b tissent fon damentalement sur la collaboration et la complicit avec Pautre Dans le droit fran ais le manque d affectio societatis peut entra ner la dissolution d un partenariatl Culture Avec l affectio societatis on d borde les aspects sectoriels et on entre dans le monde merveilleux de la culture Or quand on passe au plan culturel les choses se compliquent s rieuse ment La culture est un conc
8. nouvel tat d esprit Il y avait eu des transformations dans l apr s Seconde Guerre mondiale mais tout se faisait plus lentement C est la combinaison de nouvelles voix tatistes et de la puissance mergente des m dias qui va faire la diff rence Il va se cr er un pouvoir social au sens de Tocqueville beaucoup plus puissant que ce qui existait auparavant Jacques Parizeau dira mepND la revolution _tranquille indd 75 11 08 17 16 49 76 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE comme seul il peut le faire que tout ce charivari et tout ce tohu bohu qu on va tiqueter R volution tranquille tient cinq ministres une vingtaine de fonctionnaires et une poi gn e de chansonniers C est excessif videmment mais il y a l un brin de v rit et une fine intuition Au cours de la d cennie qui va suivre cette mentalit d ayants droit fortement articul e en termes de droits sociaux va s accr diter r pandue par des journalistes ou des commen tateurs qui se font les nouveaux magistrats de l imm diat et dont les opinions plus ou moins fond es sur l id ologie ou leur statut pr sum d intellectuel sont mises avec d autant plus d assurance qu elles sont moins nuanc es Humoristes journalistes c l brit s et commentateurs ont vendu ce message de l tat thaumaturge et du citoyen devenu b n ficiaire La charit est devenue insultante les communau t s inutiles Le Qu bec tait deven
9. ou putatifs la mani re de certaines fables d antan dans les quelles tous les maux taient all grement attribu s la Conqu te au f d ral ou autres nes de service Enfin quant savoir si certains d rangements dans ces divers secteurs ont t de magnifiques r ussites cela d pend des secteurs des horizons temporels et des crit res retenus Des d veloppements improvis s ont eu des effets b n fiques extraordinaires et permanents dans certains domaines mais ils ont fait long feu ailleurs et ce pour toutes sortes de raisons qui souvent tiennent au fait qu on a justement beaucoup improvis De l nos trois questions dans les trois secteurs quelle a t la source des changements dans ces secteurs quoi peut on attribuer les d rapages s il y en a eus et quel est le degr d inach vement des travaux enclench s quel d blocage est n cessaire ces trois questions les r ponses sont claires le changement a souvent t d clench par la d mographie les d rapages sont venus d un tatisme excessif et le d blocage ne peut venir que d une nouvelle gouvernance b Faits stylis s Par faits stylis s ou importants j entends des constats g n raux d ordre empirique mais pas n cessairement quantifi s sur lesquels les observateurs en sont arriv s s entendre m me s il y a d saccord sur les mani res de les pr senter de les expliquer et de les interpr ter des cons
10. pas voulu l cher prise m me quand il est devenu clair que tous les intervenants professeurs parents tudiants se consid raient mal servis par le monopole public 5 Pierre Hamel et Bernard Jouve Un mod le qu b cois Montr al Presses de l Universit de Montr al 2006 mepND la revolution tranquille indd 55 11 08 17 16 49 56 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE qui imposait un r gime p dagogique inad quat L impact de ce monopole d tat et de sa bureaucratie a t catastrophique diront les conomistes et sociologues qui ont crit un livre noir accablant Mais rien ne saurait mieux exprimer la faillite que les spectaculaires taux de d crochage scolaire et les d nonciations de Jean Paul Desbiens dit fr re Untel qui dans sa pr face au livre de Migu et Marceau a dit son amer d sappointement avec verve mais aussi avec la l gi timit de celui qui avait lanc un d bat important sur l du cation au Qu bec la fin des ann es 507 Le syst me scolaire a bien accueilli un plus grand nombre d tudiants mais il y a eu faillite qualitative quoi tient cette faillite Desbiens d nonce dans la pr face du livre de Migu et Marceau l incurie des parents qui ne constituent pas une force organis e sauf en cas de crises pointues et localis es et de l opinion publique fugace distraite facilement mani pulable en cette mati re mais surtout une Sainte Alliance entre
11. promouvoir un financement plus grand pour les arts et les 17 Pierre Lemieux R flexions libres sur l tat et la culture dans Florian Sauvageau dir Les Politiques culturelles l preuve La culture entre l tat et le march Qu bec Institut qu b cois de recherche sur la culture 1996 p 151 169 18 Paul B langer et Pierre Paquet La crise culturelle de la soci t qu b coise dans Claude Ryan dir Le Qu bec qui se fait Montr al Hurtubise HMH 1971 p 87 98 mepND la revolution tranquille indd 69 11 08 17 16 49 70 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE lettres mais pour immuniser les programmes qui financent les artistes contre les vagues de compressions budg taires que les gouvernements sentent le besoin d imposer de temps en temps pour des raisons fiscales Voir dans cette explosion le reflet d une r volution cultu relle attribuable l tat qu b cois est abusif Les tats provincial et f d ral vont financer davantage les arts et les lettres les activit s th trales et musicales l dition de livres les festivals mais beaucoup de ce grand dynamisme culturel tant dans lavant 1960 qui se rappelle le r le crucial de CKAC par exemple qu apr s 1960 va merger du priv et du secteur sans but lucratif l et pas uniquement de l action tatique b Volet Il noyau dur et culture publique commune Pour notre propos la culture d borde largement le seul ter re
12. rences sont impor tantes entre ces deux mondes Premi re diff rence dans le cas de l ducation un sys t me priv de rechange est d j en place et autoris m me s il est en butte aux attaques constantes de la Sainte Alliance mepND la revolution tranquille indd 63 11 08 17 16 49 64 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE alors que pour les soins de sant de base le monopole public n autorise pas encore officiellement de syst me de rechange Seconde diff rence dans le monde de l ducation le syst me priv est consid r comme de bon aloi sauf par certains bureaucrates et certaines guildes syndicales du secteur public alors que dans le monde de la sant le priv est encore honni par les jeux du pouvoir social quelle que soit l importance de la concurrence priv e et d une tarification directive pour une bonne gouverne Il est remarquable que dans un domaine aussi clairement de juridiction provinciale bien des pontifes f d raux aient senti le besoin de nous faire comprendre que l id ologie est trop puissante pour leur per mettre un devoir de r serve sur ces questions Voil d ailleurs qui explique pourquoi dans le secteur de la sant les experts savent ce qu il faudrait faire mais leurs avis sont rarement suivis Le syst me de soins demeure enlis dans les fondations que lui a donn es la r forme Castonguay du d but des ann es 70 un syst me mergeant d une id olo gie tec
13. R volution tranquille et gouvernance trois chantiers ducation sant et culture GILLES PAQUET L avenir juge clair et int gre mais qui arrive h las toujours trop tard ALEXIS DE TOCQUEVILLE La d mographie explique peu pr s les deux tiers de tout DAVID FOOT On ne peut expliquer disait Tocqueville que des faits circons crits Voil pourquoi expliquer la R volution tranquille est un objectif en toute rigueur inaccessible C est le grand m rite des organisateurs de ce cycle de conf rences sur les cinquante ans de la R volution tranquille que d avoir d coup le ph no m ne R volution tranquille au Qu bec en morceaux s par s plus ou moins tanches et d en avoir confi la radiographie un ventail de personnes aux mani res de voir fort disparates On m a demand moi d bronzeur de certains exc s mythocratiques dans le traitement de la R volution tran mepND la revolution tranquille indd 47 11 08 17 16 49 48 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE quille un constat sur des chantiers o il y a eu ind niable ment grands d rangements l ducation la sant et la culture Je ne peux le faire que sur le mode du questionne ment c est dans mon ADN depuis ma prime jeunesse au pied de la Pente douce Qu bec R volution attribution piphanies et faits stylis s Avant d entrer dans ces chantiers particuliers quelques clari fications et quelques fa
14. Report 1943 p 5 18 mepND la revolution _tranquille indd 78 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 79 d assurer par toutes sortes de mesures un effet de cliquet de mettre des taquets qui emp cheraient que les Canadiens fran ais ne retombent dans leurs anciens errements C est le sens de la strat gie f d raliste qui a abouti la Charte des droits de 1982 et l habitus centralisateur du gouvernement f d ral qui perdure Cette caricature de l avant 1960 convenait aussi aux nationalistes qui frustr s par la progression pas de tortue vers la souverainet ont t fort aise d attribuer cette lenteur l hypoth que de la tradition et des anciennes lites person nalistes Pour ces souverainistes l activisme exhauss de l tat qu b cois ouvrait la porte une strat gie d mancipation par la souverainet En fait la p riode pr c dant la R volution tranquille ven est pas une de Grande Noirceur non plus qu une p riode o les Canadiens fran ais auraient t d cervel s par les v ques comme le sugg rait Jacques Godbout avec le plus grand s rieux dans L actualit Et l apr s R volution tran quille n a pas t un moment aussi glorieux et nickel qu on a voulu nous le faire croire Le colbertisme n a pas eu que des effets positifs il faut jauger les gains et les pertes On sent que le terrain des op rations est bien d fini autour des enjeux c
15. ais souvent avec plus de vigueur et de succ s que les autres groupes cause de leur visibilit m diatique Le Rapport Massey L vesque 1949 1951 pose la pierre angulaire de la politique culturelle du gouvernement f d ral Le Conseil des Arts du Canada est cr en 1957 Au Qu bec le Rapport Tremblay sur les probl mes constitutionnels 1953 donne une place au volet culturel mais malgr les divers livres de diverses couleurs sur une politique culturelle putative Laporte 1965 L Allier 1976 Laurin 1978 Richard 1983 Bacon 1988 et les diverses actions et initiatives gouverne mentales auxquelles ces livres de couleurs ont donn nais sance ce n est pas avant les ann es 90 avec le Rapport Arpin et l initiative de Liza Frulla que le Qu bec va se donner une poli tique culturelle videmment la communaut artistique et l intelli gentsia jouent depuis plus d un si cle un r le important dans le pouvoir social dont on a parl plus haut De l d coule automatiquement une propension plus grande de l tat du Qu bec quand il prendra du galon dans l apr s 1960 r pondre leurs requ tes Or malgr le fait que bien des ini tiatives vont faire long feu en tant que d finition d une poli tique culturelle cette cohorte va s exprimer avec force et va obtenir des gratifications Ces gratifications seront mainte nues quels que soient les partis politiques au pouvoir au Qu 16 Diane Saint Pierr
16. ani res de voir et croyances qui affectent les mani res d tre de penser et d interpr ter Lajus tement mineur de certains comportements peut suffire quand l environnement change peu mais l ajustement des repr sentations s impose quand les changements sont dra matiques Or entr e de l tat avec effraction dans la soci t qu b coise la longue marche des technocrates et l immense bouillonnement de rationalisations de ces intrusions tant chez les f d ralistes que chez les ind pendantistes ont t bien davantage que de simples r am nagements administratifs il y a eu r volution tranquillisante et d responsabilisante La culture publique commune et la sensibilit des Qu b cois ont t entam es le citoyen a t pris en charge par l tat et insen siblement d pouill de sa capacit se prendre en main comme la suite d un coup d tat c Coup d tat 22 Fran ois Pierre Gingras et Neil Nevitte La R volution en plan et le paradigme en cause Revue canadienne de science politique vol 16 n 4 1983 p 691 716 23 Gilles Paquet Gouvernance mode d emploi Montr al Liber 2008 mepND la revolution _tranquille indd 72 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 73 Nous dirons qu il y a eu coup d tat L corce de croyances mentalit s etc qui se constituent en mani res d tre de pen ser et d interpr ter a t affect e par l tatisme
17. au des arts et des lettres Elle se d finit comme les traits dis tinctifs qui caract risent une soci t ou un groupe social mode de vie conventions croyances principes mentalit s etc qui se constituent en mani res d tre de penser d in terpr ter d agir et de communiquer Grosso modo on parlera de r gles d interpr tation partag es Il n y a aucun doute que culture publique commune qu b coise il y a et qu elle a volu comme celle de toutes les 19 Elz ar Lavoie La constitution d une modernit culturelle popu laire dans les m dias au Qu bec 1900 1950 dans Yvan Lamonde et Esther Tr panier dir L Av nement de la modernit culturelle au Qu bec p 253 298 mepND la revolution _tranquille indd 70 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 71 soci t s au cours des cinquante derni res ann es Est ce que son noyau dur s est transform dans les ann es 60 En tant qu historien mes heures je ne crois pas Mais cela ne veut pas dire que l corce organisationnelle et institutionnelle autour de ce noyau dur est rest e intouch e et que ces modi fications n ont pas eu d effets importants Pour ce qui est du noyau dur un grand nombre d obser vateurs ont sugg r que le Qu bec est rest 1 un ensemble social d agents rationalit limit e 2 confront un contexte turbulent et la concurrence de nouveaux entrants 3 ne poss dant tout mom
18. ce p 127 9 Gilles Paquet Ontario Higher Education as Governance Fai lures Optimum Online vol 40 n 1 2010 p 60 66 mepND la revolution tranquille indd 58 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 59 l incurie des citoyens parents etc et embaum s comme acquis SOCIAUX Sant Le syst me de soins de sant a aussi chang dramatiquement apr s la Seconde Guerre mondiale au Qu bec Cela s est fait sous la triple pression de la vague d mographique des exp riences dans d autres juridictions au Canada mais aussi des initiatives du gouvernement f d ral qui dans l apr s guerre a t le grand orchestrateur de politiques sociales saveur keyn sienne La Saskatchewan avait instaur l assurance hospitalisa tion en 1947 et le f d ral mis le doigt dans la sant en 1948 En 1957 une loi habilitait le gouvernement f d ral n gocier une entente avec les provinces La double pression d initia tives provinciales qui mena aient de rendre difficile la mobi lit g ographique dans le pays et de l exp rience de Beveridge en Angleterre a fait que le d bat sur les assurances sociales qui durait depuis les ann es 20 a d bouch d une mani re plus abrupte que pr vue sur une intervention f d rale muscl e et ce malgr l opposition du Qu bec La pression se fera encore plus forte quand la Saskat chewan va introduire l assurance maladie en 1962 En 1964 une co
19. d le tato bureaucratique qu b cois dont l ducation est une instanciation C est seule ment au cours des derni res ann es que l on a commenc accepter avec beaucoup de prudence et une grogne vi dente et tapageuse dans certains milieux le fait que les ins titutions de gouvernement n ont plus le monopole de l action publique dans un monde ou pouvoir ressources et informa tion sont vastement distribu s La gouvernance propose une nouvelle mani re de voir qui face des univers fragment s un pluralisme social profond et des l gitimit s parses sug g re des gouvernes participatives et d centralis es Or cette transition d une gouverne tatique centralis e et bureaucra tique vers une gouverne plurielle et distribu e s est amorc e dans la douleur et reste grandement faire Au d but en ducation il fallait videmment travailler la hache et faire face au probl me quantitatif de la horde d mographique Un appareil d tat a sembl tre le seul m canisme capable de parer au plus urgent On verra dix ans plus tard la m me vague d mographique engendrer une modification en profondeur de l assurance ch mage quand il deviendra clair que le march du travail ne pouvait pas absorber si ce n est dans un grand d sordre l afflux de nou veaux entrants sur le march du travail Mais une fois le gros du choc d mographique pass Pap pareil d tat n a
20. e Au c ur de ces deux points de vue on trouve une diff rence de style et des exc s hurluberluesques de langage qui ne sont pas du c t d Aquin mais aussi un accord de prin cipe sur la centralit de l tat Or les effets non voulus et non pr vus de cet tatisme compulsif qu il soit unic phale bic phale ou multic phale qu on c l bre de toutes parts ont transform la culture publique commune elle a t r volu tionn e par la flamb e d tatisme des ann es 60 Dans les mots de Daniel Innerarity La crise de l tat providence correspond une crise de la solidarit L tat mepND la revolution _tranquille indd 80 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 81 est parvenu en fait masquer les relations sociales et engen drer une irresponsabilit diffuse et aveugle face aux cons quences sociales de nos actes L tat est un interm diaire qui obscurcit les relations sociales en masquant la solidarit r elle derri re des m canismes anonymes et impersonnels tel point qu elle finit par devenir invisible Gary Caldwell a crit des pages terribles sur la sorte de d culturation qui en est sortie une culture publique com mune o s est tiol le sens des devoirs et des vertus o l on ne sait d sormais plus d instinct que faire sinon fuir devant les responsabilit s o l on a pris l habitude de la d pendance d une vie de b n fic
21. e La Politique culturelle du Qu bec Continuit ou changement Qu bec Presses de l Universit Laval 2003 mepND la revolution tranquille indd 68 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 69 bec parce que se mettra en place une bureaucratie de subven tionneurs et des guildes de subventionn s La g n ration des baby boomers tant de mani re signi ficative d une plus grande taille que celle qui l a pr c d e va produire plus d artistes et de litt rateurs comme plus de menuisiers et de m decins et en toute probabilit avec plus de vari t c est dire des meilleurs et des pires que ceux de la g n ration ant rieure L esprit de 1968 va donner une vigueur additionnelle ce brouhaha et il y a donc eu beau coup de place non seulement pour les grands artistes mais aussi pour les saltimbanques et les amuseurs de m me que pour les chasseurs d octrois et de pr bendes gouvernemen tales Entre 1957 et 1967 on est pass de cinquante centres culturels ou salles de concerts cent cinquante au Qu bec 8 Cette explosion est videmment effet d cho de l action ta tique en r ponse aux demandes d une vague d mographique dont l establishment culturel et les groupes d int r t ont r ussi faire reconna tre leurs cr ances par l tat Plus encore ces groupes n h siteront pas utiliser leur temps d antenne et leurs grands t nors chouchous du public pour non seulement
22. e Or quand l tat devient le ma tre d uvre et l allocateur des gra tifications on voit merger des groupes d int r ts voulant y avoir acc s Un oligopole d int r ts tout aussi militants que ce qu on a vu dans le monde de l ducation a surgi dans le domaine de la sant et des confrontations encore plus dra matiques sont produites cause des enjeux de vie et de mort mais aussi en raison de l mergence au Qu bec de syndicats omnipraticiens sp cialistes etc qui vont utiliser les m mes tactiques que les syndicats ouvriers y compris la gr ve pour 10 Marc Renaud R forme ou illusion Une analyse des interven tions de l tat qu b cois dans le domaine de la sant Sociologie et Soci t s vol 9 n 1 1977 p 131 32 mepND la revolution _tranquille indd 60 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 61 arriver leurs fins En sant comme en ducation c est l quilibre conflic tuel une situation dans laquelle chaque groupe sait qu il ne peut se d barrasser ni de ses partenaires ni de ses opposants Chacun sait qu il devra faire des compromis pour atteindre ses objectifs mais personne ne veut s y r soudre Ce qui fait que les probl mes de gouvernance et d organisation de la pro duction des soins demeurent dans ce secteur aussi non r so lus On n a encore r ussi assurer ni le meilleur usage possible des ressources dans le syst me socio technique des so
23. ent qu une information incompl te et imparfaite et 4 qui a d velopp au fil du temps une culture concr te plus ou moins bien ajust e ses besoins et aux d fis pos s par l environnement Cet ensemble d habitus est tout moment imparfaite ment ajust au contexte mais il a n amoins montr un cer tain nombre de caract ristiques rep rables et a volu dans le temps On peut dire qu il a servi relativement bien le Qu bec Pas question donc de tomber dans un culturalisme na f non plus que de sombrer dans une vision paradigmique qui partir de changements politico administratifs de surface inf re qu il y eu changement de mentalit en criant lapin C est une position clairement d boulonn e depuis long 20 Gilles Paquet et Jean Pierre Wallot Un Qu bec moderne 1760 1840 Montr al HMH 2007 21 Gilles Paquet Tableau d avancement Petite ethnographie interpr tative d un certain Canada fran ais Ottawa Presses de l Universit d Ottawa 2008 mepND la revolution tranquille indd 71 11 08 17 16 49 72 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE temps Mais ce qui se cristallise autour de ce noyau dur son corce organisationnelle si Pon peut dire a chang en r action aux transformations dans l environnement mesure que Qu bec passait en mode acc l r d un tat lib ral un tat providence dans l apr s 1960 Cela n a pu qu entamer ou ro der un certain nombre de m
24. ept valise tr s difficile circons crire et pas facile arpenter Et pourtant c est un d fi incon tournable puisque pour certains pour plusieurs la R volution tranquille a t d abord et avant tout une r vo lution culturelle a Volet I arts et lettres C est par un abus de langage que l on consid re parfois la culture comme repr sent e de mani re privil gi e par les arts les lettres les industries culturelles qui en seraient la fine pointe les r v lateurs les fiduciaires Certains ont abusive ment sugg r que la modernit culturelle du Qu bec en ce 13 Daniel Innerarity La D mocratie sans l tat Paris Climats 2006 p 193 14 Vincent Cuisinier L Affectio societatis Montpellier LITEC 2008 mepND la revolution tranquille indd 66 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 67 sens restreint de la notion de culture arts lettres aurait vu le jour dans l apr s 1960 En fait la modernit culturelle du Qu bec en ce sens restreint date de bien avant la Seconde Guerre mondiale Cela n est plus d montrer Il y a eu galement des avanc es importantes dans les ann es 40 et 50 Donc pas question de sugg rer que ces r ali t s se seraient mat rialis es pour la premi re fois dans les ann es 60 Pas question non plus videmment de nier que ces activit s ont t exhauss es dans les ann es 60 et 70 Cet exhaussement est en bonne partie attribuable 1
25. forcen de l apr s 1960 et par la c l bration mythocratique de cet ta tisme consid r comme r dempteur qui l a accompagn e Dans une formulation proche de celle d Emmanuel Mesthene on peut dire que l tatisme de l apr s 1960 d fini par l appropriation et la prise en charge par l tat d une portion de la socio conomie sant ducation etc qui va doubler entre 1961 et 1984 a eu un impact d termi nant comparable l arriv e de la voiture automobile sur les m urs au d but du xx si cle l tatisme a t une technolo gie sociale qui a cr des opportunit s pour r aliser de nou veaux objectifs par des moyens in dits Comme les nouvelles technologies mat rielles ou sociales transforment les possibles et les futuribles les choix des personnes et groupes changent aussi pour tirer profit des opportunit s offertes par ces nouveaux outils mesure que ces choix in dits deviennent des habitudes et qui plus est des habitudes c l br es comme modernes et progressistes les perceptions et les normes changent et non seulement les comportements se modifient ils mais les croyances et les repr sentations aussi On verra monter dans cette p riode des demandes de plus en plus grandes par rapport l tat tant de la part des citoyens qui on dit qu ils ont des droits sociaux la sant ducation etc que des groupes corporatistes divers qui 24 Emmanuel G
26. hnocratique et tatiste qui veut rationaliser par des m thodes bureaucratiques Cette forme d intervention de l tat ici comme ailleurs a fait long feu mais on demeure ankylos dans et par ce mod le Voil ce qui explique que toutes les commissions qui se sont succ d es depuis quarante ans n ont pu apposer que des b mols et des di ses sur une partition demeur e inchan g e les acteurs dominants sont rest s les m mes et on a tout au plus pu bricoler dans les marges du syst me pour le 12 G rard B langer L conomique de la sant et l tat providence Montr al Varia 2005 chapitre 11 mepND la revolution tranquille indd 64 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 65 rendre un brin plus participatif avec la Commission Rochon pour accro tre un brin la responsabilisation avec la Commis sion Clair pour d centraliser un brin avec la r forme Couillard sans pouvoir vraiment entamer les relations de pouvoir qui cimentent le syst me Pas question donc de voir dans la situation actuelle une piphanie Les blocages observ s au Qu bec continuent d enrayer l appareil de production des soins les r seaux int gr s de production de soins existent pas de mani re telle qu on puisse dire qu on en a pour notre argent les modes de finan cement n incitent pas la productivit et l innovation les files d attente s allongent on ne fait pas le meilleur usage pos sible de toutes
27. iaire On ne sait plus d instinct comment s en tirer par ses propres moyens au point d oublier les r gles les plus l mentaires comme refuser l intimidation par la force et venir en aide nos semblables quand ils sont agress s f Une autre r volution culturelle Cette d rive invisible incolore et inodore du Je laconique et r solu au On irresponsable pour reprendre les mots de Mau rice Blanchot vers un tat des choses o tout est arbitr sans gard aux responsabilit s sorte de generalized no fault society a t mise en sc ne et d nonc e autant par des ana lystes patent s que par des artistes qui ont su griffonner des images de cette nouvelle culture et en ont montr les exc s Les Bougons L ge des t n bres etc Les Bougons n ont pas 30 Daniel Innerarity La D mocratie sans l tat p 244 245 31 Gary Caldwell La Culture publique commune Qu bec Nota bene 2001 chapitres 1 et 13 mepND la revolution tranquille indd 81 11 08 17 16 49 82 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE choqu on en a ri L ge des t n bres a t plus mal re u le message tait trop cinglant on a ri jaune Est ce que la culture de d pendance est maintenant dans l ADN du citoyen Ou se pourrait il simplement que le citoyen ait simplement pris de mauvaises habitudes dont il a de la difficult se d barrasser l habitude du statut de b n ficiaire et la tol rance des abus de po
28. ile qu elle sera faire comprendre deux g n rations qui ont v cu dans l illusion de l galitarisme doctrinaire de l irresponsabilit totale et des cr ances illimit es est la condition n cessaire pour r soudre ce qui est fondamentalement une crise de responsa bilit s 34 John Kekes The Illusions of Egalitarianism Ithaca New York Cornell University Press 2003 Thomas S Axworthy La crise de la responsabilit au Canada Revue parlementaire canadienne vol 28 n 2 2005 mepND la revolution tranquille indd 85 11 08 17 16 49 86 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE La social d mocratie n est pas une assurance tous risques sans gard la responsabilit mais plut t une mani re de concevoir le fardeau de la charge du citoyen qui on demande qu il redevienne un producteur de gouvernance avec tout ce que cela implique de responsabilit s et qui on est pr t donner tous les droits dont il a besoin pour tre la hauteur du fardeau de sa charge mais pas davantage Certains des plus jeunes ont d j compris que l tat est tout au plus capable de servir de m canisme s ret int gr e fail safe mechanism en cas de crise et qu on ne peut plus compter sur lui pour se prot ger de tous les situations d tats ind sirables Ils en ont tir les conclusions qui s imposent et reprennent le gouvernail Quant aux baby boomers et ceux qui ont h rit de leur tat d espr
29. ins de sant ni un contr le raisonnable des co ts Ce qui fait qu avec un rythme de croissance des co ts beaucoup plus rapide que le rythme de la croissance conomique au cours des derni res d cennies une portion de plus en plus grande du budget du gouvernement du Qu bec coule vers le domaine de la sant La sant est pass e rapporte t on de quelque 30 des d penses des programmes du gouvernement du Qu bec en 1980 quelque 45 aujourd hui et cela pourrait grimper 65 d ici vingt ans Ce n est clairement pas viable long terme moins d accepter que le Qu bec devienne un gros h pital Dans ce domaine comme en ducation les pressions sur le syst me ont fait en sorte que le citoyen a cherch se d ga ger de plus en plus du carcan du r gime public non sans mepND la revolution tranquille indd 61 11 08 17 16 49 62 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE grandes difficult s Deux grands obstacles se dressent 1 la Sainte Alliance politique bureaucratique et corporatiste qui d fend le monopole public mais aussi 2 les prisons mentales qui sont n es des op rations du pouvoir social comme dirait Tocqueville Ces prisons mentales agissent comme un Bonhomme Sept Heures jetant ses foudres sur toute tentative pour entamer le sacro saint monopole public en sant une vache sacr e qui doit tre prot g e contre l intrusion du m chant priv et en cons quence sur toute d marche de rem
30. ise en question de la gratuit absolue des soins autre vache sacr e quel que soit le caract re pervers des incitations qu elle suscite visant mettre en place des incitatifs suscep tibles de stimuler augmentation de la productivit et de sus citer l innovation Ces prisons mentales ont une r sistance surprenante quand on sait que les valuations des syst mes de soins de l Organisation mondiale de la sant assignent le trenti me ou le quaranti me rang dans l ordre mondial au syst me canado qu b cois et que la premi re place est d volue au syst me fran ais qui a en son centre deux l ments tabous dans notre syst me des frais mod rateurs sur tout et un pr sence tr s substantielle du priv L affaire Chaoulli illustre bien l importance de ces prisons 11 Pouvoir social au sens de Tocqueville r f re un ensemble de relais qui imposent sur tel ou tel sujet une opinion dominante devant laquelle le pouvoir politique se sent comme paralys ou qu il doit du moins tenir pour un param tre essentiel de son action devant laquelle la critique est par ailleurs impuissante voire plus ou moins discr tement censur e Raymond Boudon Tocqueville aujourd hui Paris Odile Jacob 2005 p 168 mepND la revolution _tranquille indd 62 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 63 mentales dans le probl me de gouvernance non r solu des r gimes de soins Il a fallu un arr t de la Cour supr me
31. it de b n ficiaire ils offrent une r sistance aussi vocif rante que d sesp r e qui n est pas sans ressembler celle du dormeur debout qui ne veut pas s veiller C est un tat pathologique navrant mais obligatoi rement temporaire On s veille toujours d un tel somnam bulisme plus ou moins tard avec des cons quences plus ou moins catastrophiques mepND la revolution tranquille indd 86 11 08 17 16 49
32. its stylis s Y a t il eu dans les trois domaines qui nous int ressent v ritable r volution Si d rangements fondamentaux il a eu peut on les attribuer ce ph nom ne mal d fini qu a cens ment t la R volution tranquille Et peut on pr sumer que ces transformations pour autant qu elles ont pu avoir des effets de discontinuit ont engendr de vastes sauts en avant vers des situations dramatiquement meilleures vers des pi phanies Quant aux faits stylis s il s agit de faits bien tablis qu on a tendance oublier et qui peuvent clairement interpeller cer taines argumentations canoniques un peu courtes En un mot dans l un et l autre cas il s agit de rappeler certains aspects du contexte qui peuvent relativiser certaines inf rences t lescop es 1 Gilles Paquet Oublier la R volution tranquille Montr al Liber 1999 mepND la revolution tranquille indd 48 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 49 a Clarifications Une r volution est un changement soci tal une discontinuit un changement qualitatif Voil qui est diff rent d un simple changement social davantage continu La m taphore du H O qui passe d un tat solide un tat liquide puis un tat gazeux au fur et mesure que la temp rature s accro t de fa on continue est utilis e par Edward Tiryakian pour d partager le changement social continu du changement qui r volutionne quand l vol
33. les politiciens les syndicats d enseignants et les bureau crates en faveur du maintien et de l extension du monopole Les client les captives sont moins r tives moins malcom modes que les client les libres p xiv 6 Jean Luc Migu et Richard Marceau Le Monopole public de l du cation Sillery Presses de l Universit du Qu bec 1989 Gilles Gagn dir Main basse sur l ducation Qu bec Nota bene 1999 Gilles Paquet Pathologies de gouvernance Montr al Liber 2004 chapitres 12 et 13 7 Jean Paul Desbiens Les Insolences du fr re Untel Montr al di tions de l homme 1960 Jean Paul Desbiens pr face l ouvrage de Migu et Marceau Le Monopole public de l ducation mepND la revolution tranquille indd 56 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 57 Or m me si le combat des parents pour avoir voix au cha pitre continue et qu il y a des chances que le pouvoir parental puisse s imposer davantage dans lavenir certains misent sur la loi 88 qui pr tend la d mocratie scolaire par un jeu de conventions entre le gouvernement et les commissions sco laires et entre les commissions scolaires et les divers tablisse ments les cyniques voient ces stratag mes comme des supercheries bien peu susceptibles de donner un pouvoir r el aux parents Il reste que les derniers trente ans ont vu des efforts vari s pour corriger le tir et mettre l accent sur davantage de d cen tra
34. lisation et de participation des parents m me si cela n a pas donn des r sultats aussi probants qu on le voudrait La tendance la centralisation la bureaucratisation et au jacobinisme demeure h g monique et le d bat r cent autour du cours d thique et de culture religieuse limpo sition d une religion d tat disent certains r v le claire ment un certain c sarisme Dans une soci t pluraliste et une d mocratie lib rale la vision du monde saveur r publicaine qui statue que l tat doit incorporer les valeurs de la communaut politique constituer une sorte de personne en plus grand et en plus important et d finir la mani re morale pour la communaut de d finir ses droits est oppressante Le monopole public de l ducation est naturellement amen imposer l unifor mit au nom d un galitarisme abusif et donc rendre impossible la vari t requise au nom d une certaine pro grammation citoyenne C est condamner le monde de l ducation un arrimage ni tr s heureux ni coh rent entre un syst me d ducation bureaucratique et un environnement bariol mais aussi mepND la revolution tranquille indd 57 11 08 17 16 49 58 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE disent certains la m diocrit et la production syst ma tique du d crochage scolaire et de l analphab tisme Les soci t s qui ont choisi la vari t et la concurrence dans l du catio
35. lution rapide et chaotique du Qu bec au cours des derniers soixante quinze ans e Que dans les secteurs de l ducation et de la sant il y a eu un bond en avant certain au cours des derniers cinquante ans mais que les forces qui ont enclench ces grands sauts sont bien plus complexes qu un simple volontarisme poli tique et que les nouvelles institutions mises en place dans l improvisation souffrent encore aujourd hui de leurs enfan tements difficiles le degr d inach vements des travaux et les probl mes de gouvernance non r solus sont tels qu on doit parler non seulement d inach vement mais d checs Que l tatisme d lirant de l apr s 1960 a affect drama tiquement la culture publique commune on a tranquillis ind ment la soci t qu b coise au point de la faire tomber dans un certain somnambulisme au point que deux ten dances toxiques ont t r nergis es ce que Proudhon nommait d j au milieu du xIx si cle la paresse des masses le manque de responsabilit qui est l origine de tout autoritarisme et le pr jug gouvernemental c est dire la propension pour le citoyen douter de ses capacit s propres et s en remettre l tat Et enfin que si les grands d rangements en ducation et en sant ne semblent pas tre tr s prometteurs sans une mepND la revolution tranquille indd 83 11 08 17 16 49 84 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE r
36. mmission royale recommande la cr ation d un r gime national de soins de sant qui s inspire de celui de la Saskat chewan Le gouvernement f d ral est donc forc de s engager davantage en assurant tous les services m dicaux La Loi sur les soins m dicaux vot e en 1966 fournit aux Canadiens l as surance maladie universelle mepND la revolution tranquille indd 59 11 08 17 16 49 60 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE Le Qu bec tous partis confondus va s opposer ces pro grammes f d raux Duplessis Lesage et Johnson vont s oppo ser de fa on partisane diront ils ces programmes violaient les priorit s qu b coises On va donc cr er des comit s et des commissions pour analyser les modalit s d application des programmes f d raux et on peut dire que c est reculons avec retard et dans le d sordre que le Qu bec va s ajuster Le gouvernement Lesage voudra se donner une image de grand r formateur et implantera l assurance hospitalisation en 1961 quatorze ans apr s la Saskatchewan mais la bureaucratie cr e pour administrer le plan ne r ussira fonctionner efficacement que vers 1967 Ce sera le m me processus pour l assurance maladie qui vot e Ottawa en 1966 ne sera en place au Qu bec qu en 1970 M me si l ajustement se fait avec retard il se fera selon Pesprit du temps l tat payeur unique va s auto instituer en monopole public dans la prestation des soins de bas
37. n ont des r sultats norm ment plus impressionnants Un certain ajustement s est fait au Qu bec et il faut en remercier Daniel Johnson p re gr ce la concurrence entre le priv et le public et aux initiatives et innovations qu elle a suscit es mais le progr s a t plus lent qu il aurait fallu et la r sistance de la Sainte Alliance muscl e Trop d intervenants ont d nonc cet chec qualitatif du syst me d ducation pour qu on puisse viter un constat d inach vement Au c ur de cet inach vement est un probl me de gouvernance non r solu et potentiellement non r soluble tant qu on maura pas accept de v ritablement remettre en question le monopole public et ses rigidit s Ce n est pas un probl me strictement d ducation non plus que proprement qu b cois puisque d autres juridictions ont aussi t d tourn es de leurs trajectoires originales par d autres formes de Sainte Alliance saveur tatiste corpora tiste et syndicaliste La force d inertie de ces arrangements est robuste ils savent r sister aux assauts et ce faisant pr server des syst mes scolaires fort co teux inefficients et non viables long terme m me au niveau universitaire C est l le c t sombre des monopoles d tat cr s au nom d id aux tout aussi fumeux que sacr s chez les bien pensants bien commun d mocratie galitarisme pallier l ignorance ou 8 Gilles Paquet Pathologies de gouvernan
38. propre condition cela est pleine ment captur par le slogan de Mai 1968 soyez r aliste demandez l impossible Il ne s agit videmment pas d une liste compr hensive mais seulement indicative de certaines forces en jeu dans les milieux externe et interne De ces faits stylis s je conclus que les chromos Grande Noirceur et R volution Tranquille sont ind ment r ducteurs pour caract riser l avant et l apr s 1960 au Qu bec si l on cherche une explication persuasive et non pas seulement une 4 Peter H Amann The Eighteenth Century Revolution French or Western Boston Heath 1963 mepND la revolution tranquille indd 52 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 53 fabulation inspirante ducation Le syst me d ducation qu b cois a subi de nombreuses transformations dans les ann es 60 La grande cause de ces transformations est cependant moins le volontarisme des politiciens et des bureaucrates qu une grande vague d mo graphique dont les effets ont commenc se faire sentir d s avant 1960 C est pour r pondre aux besoins criants de cette grande vague d mographique qu on va devoir commencer construire tout un r seau d coles et d institutions sanitaires d j sous le r gime Duplessis L tat va tre le grand improvi sateur de ces transformations forc es pour parer au plus urgent parce que le priv et le sans but lucratif sont d bord s La grande cause
39. r le truchement d une tatisation acc l r e et par le soin qu on a mis c l brer les droits des citoyens leurs demandes tant syst matiquement l gitim es par un tat qui voulait se rendre indispensable les citoyens mepND la revolution tranquille indd 74 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 75 se sont laiss s persuader que l tatisme constituait la voie royale L augmentation extraordinaire de l action tatique va entra ner le d veloppement d une mentalit de cr ancier vis vis l tat changer les expectatives et affecter les mani res de voir les sensibilit s et les rapports l autre Il y aura tiole ment de tout un ensemble d institutions famille commu naut paroisse etc qui taient des syst mes de protection parall les Il s ensuivra une d perdition de capital social et cela va faire en sorte que le citoyen en arrivera croire que seul l tat est un protecteur fiable Cet impact conjugu la grande vague d mographique qui a fait sauter les verrous un peu partout dans les ann es 60 l arriv e de nouvelles technologies de communication qui vont dramatiquement amplifier la force de frappe de cette bullition culturelle au sens large et donner une importance beaucoup plus grande aux d finisseurs de situation et bullition de ce que faute de mieux on peut nommer l esprit de 1968 vont contribuer dramatiquement l implantation de ce
40. rier le meilleur et le moins bon leur pouvoir de contrer l entropie 32 Alain Finkielkraut La D faite de la pens e Paris Gallimard 1987 33 Malcolm K Sparrow The Character of Harms Cambridge Cam bridge University Press 2008 mepND la revolution tranquille indd 84 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 85 Voil qui est bien vague diront certains Pour eux ce genre de propos ressemblerait probablement trop ces cartes g o graphiques du xvif si cle fort l gantes mais pas tr s utiles pour la navigation De l la n cessit d une approche plus directe Cette approche plus directe sugg re qu il faut effectuer un recadrage 180 dans notre mani re de voir prendre conscience qu il n y a pas d Immacul e Conception des droits dans une soci t vraiment d mocratique que les droits sont accord s au citoyen comme instruments pour l aider rem plir ses obligations Il faut donc commencer par condamner la tendance transformer les pr f rences de chacun en droits et de les tra duire en demandes par rapport l tat Il faut commencer limiter ces cr ances et ces droits ce dont le citoyen ou loffi ciel a vraiment besoin pour remplir le fardeau de sa charge pour remplir ses obligations et assumer pleinement ses res ponsabilit s comme producteur de gouvernance Plus les res ponsabilit s sont grandes plus grandes sont les droits Cette simple norme pour diffic
41. s les ann es 60 La population tait favo rable la r forme des structures vague d mographique oblige des r formes s imposaient mais elle n a pas t impressionn e par la qualit du produit des nouveaux tablis sements polyvalentes c geps La grogne a commenc d s les ann es 60 C est que l improvisation dans le d sordre a t encoura g e par des ambitions de massification et de bureaucratisa tion qui ont fait que la qualit et la rigueur m taient pas tou jours au rendez vous L tatisation de l ducation qui a men une imposition des programmes par le minist re a provo qu non seulement la grogne des professeurs mieux arm s pour contester le gouvernement par le nouveau r gime de relations de travail mais aussi celle des parents et des tu diants car il y aura un taux de d crochage navrant Ces ten sions perdurent Les changements r cents dans la gouver nance des commissions scolaires qu on a pens un moment abolir par les soins de la loi 88 constituent seulement les der niers soubresauts en date d un processus de r ajustement ayant pour objectif nous dit on de relaxer un tant soit peu la rigidit de l appareil tato bureaucratique fort lourd mis en place dans les ann es 60 Le probl me de gouvernance n est toujours pas r solu et mepND la revolution tranquille indd 54 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 55 c est le probl me central du mo
42. siasme certains sociologues imprudents n h siteront pas d clarer la culture canadienne fran aise d avant 1960 primitive et sociologiquement inad quate Le genre de chromos simplistes du genre de vie des Canadiens fran ais d avant 1960 qui inspire ces propos se base sur 1 des observations tr s pointues de petites commu naut s par quelques sociologues am ricains Saint Denis de Kamouraska par Horace Miner dans les ann es 30 et Drum mondville par Everett Hughes dans les ann es 40 et 2 sur des travaux de deux historiens du Canada anglais Donald Creighton et Arthur Lower qui vont ensuite g n raliser ce diagnostic l ensemble du Canada fran ais d avant 1960 et propager l image d un Canada deux vitesses qui se serait 27 Pierre Fortin Six observations sur la croissance qu b coise la mani re de Gilles Paquet dans Caroline Andrew Ruth Rubbard et Jeffrey Roy dir Gilles Paquet homo hereticus Ottawa Presses de l Universit d Ottawa 2009 p 284 299 mepND la revolution _tranquille indd 77 11 08 17 16 49 78 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE perp tu jusqu au milieu du xx si cle Arthur Lower pr sente une image manich enne saisissante du Canada des ann es 40 Selon ce dernier ce serait l ensemble composite de deux genres de vie Pun the medieval rural Catholic way of life au Canada fran ais l autre the hurly burly of the English man of busine
43. ss the dynamic Calvinist way of life au Canada anglais Toute une g n ration d historiens et des sp cialistes de sciences humaines au Canada anglais mais aussi au Qu bec va avaler cette couleuvre accepter holus bolus ce chromo comme image exacte du Canada fran ais et r p ter sans une once de critique ce diagnostic de Miner et Hughes Cette d nonciation de l ordre traditionnel convenait par faitement aux progressistes dans lesquels je compte les cit libristes de la premi re heure qui voulaient que le progr s social tel qu ils le d finissent s accomplisse beaucoup plus vite que dans les ann es 50 Pour eux il tait rassurant de pou voir identifier l attachement aux valeurs traditionnelles comme la source du retard dans le rythme du progr s cono mique et social Voil qui permettait de d fendre le dirigisme d tat qui allait commander l acc l ration du changement apr s 1960 et promettre de liquider le carcan traditionnel au plus vite Leur programme s est donc pr sent comme moyen 28 Horace Miner St Denis A French Canadian Parish Chicago University of Chicago Press 1935 Everett C Hughes French Canada in Transition Chicago University of Chicago Press 1943 Donald G Creighton The Commercial Empire of the St Lawrence Toronto Ryerson Press 1937 Arthur R M Lower Two Ways of Life The Primary Antithesis of Canadian History Canadian Historical Asso ciation Annual
44. tats dont il faut tenir compte au moment o on fait le point sur les divers dossiers sectoriels parce qu ils peuvent sugg rer des interpr tations mepND la revolution _tranquille indd 50 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 51 fort diff rentes de celles qui sont en vogue Je donne en rafale un certain nombre de ces faits stylis s propos desquels l accord s est fait dans le groupe des observa teurs au courant de ces dossiers et qui viennent s ajouter ceux que mes pr d cesseurs ont mis en vidence dans les conf rences ant rieures e l urbanisation du Qu bec dans la d cennie des ann es 40 a t ph nom nale il s est urbanis autant de gens dans cette d cennie que dans tout le si cle qui a pr c d e entre 1951 et 1966 il va na tre deux millions de Qu b cois en 1966 grosso modo un Qu b cois sur trois aura moins de quinze ans beaucoup de jeunes plus de personnes l cole qu au travail sans pouvoir mais avec beaucoup de temps libre et de grands espoirs ce qu on nommera Pesprit de 1968 entre 1870 et 1957 le taux de croissance de la valeur ajout e par ann e personne est comparable celui de l Ontario entre 1935 et 1955 le taux de croissance de la production industrielle au Qu bec d passe celui de l Ontario entre 1946 et 1958 le niveau du revenu personnel par habitant au Qu bec progressait de plus de 5 par ann e et gagnait sur celui de Ontario
45. u postmoderne Dans ce joyeux anything goes il devient interdit d interdire la langue se ramollit tout devient culture c est le triomphe de Pindis tinction c est dire qu une sorte de d culturation pr vaut f e Une grande imposture intellectuelle Tout cela se passe sur fond de productivit en d clin la fin des ann es 60 de stagflation mondiale dans les ann es 70 et 25 Marc Laurendeau L bullition culturelle pendant la R volution tranquille dans Yves B langer Robert Comeau et C line M tivier dir La R volution tranquille 40 ans plus tard Un bilan Montr al VLB 2000 p 256 26 Brun Lussato Le D fi culturel Paris Nathan 1989 mepND la revolution _tranquille indd 76 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 77 de descente aux enfers pour l conomie qu b coise Ce qui va catalyser de fa on toxique le processus de d culturation mentionn plus haut est une certaine trahison des lites mais pas celle d nonc e mauvais escient par Pierre Elliott Tru deau L intelligentsia va conspirer pour r pandre de fausses repr sentations c est comme si la banque centrale s tait mise mettre de la fausse monnaie On va syst matique ment d lib r ment et abusivement noircir un avant 1960 personnaliste et communautaire pour d lib r ment et abu sivement pouvoir glorifier un apr s 1960 tatiste qui est loin d tre chrom Dans le feu de l enthou
46. ulturels au sens large d s 1962 dans la controverse qui oppose Pierre Elliott Trudeau et Hubert Aquin Face l option s paratiste qui voit dans un tat national 29 Pierre Elliott Trudeau La nouvelle trahison des clercs Cit Libre vol 13 n 46 1962 p 3 16 Hubert Aquin La fatigue cultu relle du Canada fran ais Libert vol 4 n 23 1962 p 299 325 mepND la revolution _tranquille indd 79 11 08 17 16 49 80 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE monoculturel l expression d une culture globale panouie et la voie de sortie de crise Trudeau propose un tat plurinatio nal bilingue et biculturel l poque et reprend l argumen tation culturaliste conventionnelle en parlant d une nation canadienne fran aise trop an mi e culturellement trop d pourvue conomiquement trop attard e intellectuelle ment trop scl ros e spirituellement pour pouvoir survivre une ou deux d cennies de stagnation pendant lesquelles elle aura vers toutes ses forces vives dans le cloaque de la vanit et de la dignit nationales p 12 cette argumentation Hubert Aquin r pond qu il n y a pas faiblesse culturelle mais fatigue culturelle gaspillage d nergie dans un vain combat pour l affirmation d une culture globale canadienne fran aise qui ne saurait s ins rer dans un r gime f d ral lequel r clame une d globalisa tion culturelle qui lui est contre natur
47. ution traverse certains seuils D abord la question de savoir s il y a eu discontinuit fon damentale est loin d tre r solue Il existe bien des observa teurs s rieux qui ont insist sur la continuit entre lavant et lapr s 1960 avec vidence probante l appui Et il est clair que mes deux pr d cesseurs cette tribune Yvan Lamonde et Lucia Ferretti vont grosso modo dans le m me sens Ensuite on ne saurait donc pas attribuer imprudemment et aveugl ment les changements plus ou moins dramatiques qu on a observ s une cause unique un magma assez informe et assez mal d fini comme la R volution tran quille sans tomber dans une attribution fumeuse En fait tout ph nom ne d attribution cr dible doit pou 2 Edward A Tiryakian A Model of Societal Change and Its Lead Indicators dans Samuel Z Klausner dir The Study of Total Socie ties New York Anchor Books 1967 p 69 97 3 Daniel Latouche La vraie nature de la R volution tran quille Revue canadienne de science politique vol 7 n 3 1974 p 525 536 Gary Caldwell et Dan Czarnocki Un rattrapage rat Recherches sociographiques vol 18 n 1 1977 p 9 58 n 3 1977 p 367 393 mepND la revolution tranquille indd 49 11 08 17 16 49 50 LA R VOLUTION TRANQUILLE EN H RITAGE voir mettre en visibilit les m canismes qui relient la cause aux effets Il ne suffit pas de sugg rer des liens plausibles
48. uvoir de l tato bureau cratie au lieu d avoir d instinct le sens de ses droits et obli gations en tant que producteur de gouvernance Depuis une bonne d cennie les rapports accablants se sont accumul s sur ces mauvaises habitudes Certains ont m me commenc appeler de leurs v ux une autre r volu tion culturelle qui chercherait non pas revenir au statu quo ante mais convaincre les citoyens qu il faut se purger de ces mauvaises habitudes et accepter leurs responsabilit s de pro ducteurs de gouvernance La lev e de boucliers que ces d nonciateurs de toutes sortes ont provoqu e dans le pass r cent permet de prendre la mesure de la profondeur de l ancrage de cette mentalit de d pendance l tat Le pouvoir social est mont au cr neau les d nonciateurs ont t trait s de barbares et de tra tres de Cassandre et j en passe Certains en ont conclu qu il ne faut pas s attendre une autre r volution culturelle qui renverserait la vapeur dans un proche avenir Et pourtant il semblerait bien que ces rappels l ordre sont s rieux que l appel la lucidit est raisonnable Conclusion Que conclure mepND la revolution _tranquille indd 82 11 08 17 16 49 R VOLUTION TRANQUILLE ET GOUVERNANCE 83 Qu il faut oublier les images simplistes et manich ennes de Grande Noirceur et de la R volution tranquille et inventer des tiquettes moins r ductrices pour saisir l vo
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