les procès criminels, sources d`etude des mentalites rurales
Contents
1. il n est pas capable de les redresser et sait par contre l occasion tre docile l expression correcte ou ais e d un usager habituel de la langue fran aise Ses transpositions difficiles ses h sitations devant la crudit d un langage familier sa lenteur surtout dans l tablissement d un texte pourtant bref marquent d ordinaire son souci de traduction patiente et litt rale Il faut ajouter ces expressions directes la teneur d un corps d criture constitu par confiscation de pi ces crites comptes correspondances journaux chansons libelles joints la proc dure pour constituer des preuves ventuelles Si lecture et criture ne sont pas des capacit s tr s r pandues la possession de telles pi ces l est davantage car elles ne sont pas n cessairement autographes et leur d tenteur sachant ce qu elles contiennent peut tout instant les actualiser par l interm diaire d une personne comp tente La servante ill ttr e serre ainsi parmi ses papiers l autorisation crite de suivre ses ma tres dans une ville d eau telle que l a fait tablir son fianc capable tout au plus de la signer ou de la parapher d une grossi re marque L crit occupe donc aupr s m me d une popu lation analphab te qui ne renonce pas le ma triser et l utiliser une fonction de r serve de pr caution de s lection d alerte qui distingue fortement ses usages de ceux d une population trang re l critur2. LES PROCES CRIMINELS SOURCES D ETUDE DES MENTALITES RURALES H est possible sans trop de sp cieuse ruse de montrer l oeuvre dans l organisation de la justice criminelle d Ancien R gime le dessaisissement du pouvoir local communaut ou seigneur la cap ture effective de la proc dure et de la d cision par les instances royales multiplication des cas royaux exigence d un juge gradu connaissant bien l Ordonnance criminelle jeu de l appel automatique pour toute peine afflictive ou inf mante offre all chante de d gager le fiscal d une charge on reuse d s les premiers actes accomplis Il ne resterait plus dans les justices des Ordinaires qu un th tre d ombres dont les r les seraient prescrits les r citatifs rituels et sans int r t peu propices en tout cas l expression vivante et concr te des audaces des scrupules des interdits et des griefs qui d notent les aspects critiques d s menta lit s Mais ce sont justement les minutes des Ordinaires que les sacs proc s ont conserv es au greffe du Parlement de Toulouse et qui m me apr s 1772 embrassent pour la plupart toutes les pi ces depuis la plainte jusqu la premi re sentence Or cet gard aucun doute n est possible c est bien dans la parfaite connaissance r ciproque du milieu local que se d roule l instruction avec le luxe d informations et de r ac tions qu en attendait fort naturellement l ordonnance de 1670 Et encor
3. e Elle dispose des indications et du mode d emploi ce qui la place dans une situation tr s semblable celle du non sp cialiste de notre poque par rapport l informatique par exemple La p n tration peut d ailleurs tre plus intime l gard d un syst me de signes plus simple comme celui de l arithm tique Il s av re que des gens incapables de lire peine pratiquants de la signa ture peuvent comprendre et transcrire des s ries de nombres et m me effectuer des op rations l mentaires telles que l addition ou la sous traction Par contre les techniques de la multiplication et de la division sont mal connues et des propri taires terriens assez cultiv s pour crire dans une langue correcte et ais e pr f rent poser en colonne d addition la m me quantit douze fois r p t e plut t que d op rer la multiplica tion correspondante Ecriture style op rations de calcul peuvent nous r v ler les proc d s rh toriques logiques math matiques des niveaux mentaux que d ordinaire ne nous livre pas la fixation graphique Grammaire et artimaire peuvent tre analys s dans de tels documents parce qu ils prouvent le fonctionnement de cet outillage mental Il est plus difficile au del de ces probl mes d expression et de conception de d signer les sources pr cises r pondant tel objet d en qu te C est le hasard des situations criminelles qui livre notre attention les formes ou le
4. e le lieu troit de l auditoire fait il figure de r duction ou de projec tion d un monde plus vaste et plus riche mais c est celui du quartier du village ou du bourg qui reste sans cesse port e de r f rence dont on voit que les mouvements viennent retentir dans cette salle du ch teau ou de l auberge o se tient l audition Car le pr cieux t moignage pres que toujours n cessaire d faut d indices rep rables et probants ne peut venir que de l ext rieur proche sur convocation pr cise mais par d claration libre apr s une pes e de conscience assist e d une discr te concertation Du texte le plus convenu celui que r p tent ou anonnent mot pour mot une file de t moins successifs nous savons du moins qu il s est impos tous en vertu d une force irr sistible ou d une r solution commune d assentiment obligatoire parmi les habitants du lieu et non point en vertu de l exigence judiciaire c est une parole propos e un tribunal mais pr form e pr contrainte selon les pressions efficaces du milieu d appartenance ou des forces qui le dominent Bien que le texte fran ais des r ponses l interrogatoire ou jau brief intendit ne soit g n ralement pas authentique l accus ou le t moin ne pratiquant que la langue d oc il convient d avoir gard cette forme crite et traduite parce que le greffier n est pas radicalement diff rent des d posants il reproduit leur gaucherie de langage parce qu
5. s habitudes de comportements Tout au plus est il possi ble de signaler des secteurs privil gi s et d abord assur ment les seuils de recours la justice toujours riches d information sur le sens des obli gations de communaut Le plaignant par sa seule d marche avoue qu il ne trouve plus la ressource d une solidarit efficace et qu il engage une entreprise de violence judiciaire pour obtenir satisfaction Car il est bien rare qu il s adresse la justice pour d couvrir un coupable m me s il feint de ne pas le conna tre Il conna t son homme et sait que chacun le conn t aussi mais il veut forcer l entourage renoncer ses excuses d i gnorance et d impuissance pour le compromettre dans une action vi dente et r pressive Les efforts du plaintif pour faire admettre son geste pour recruter par pression ou app t les t moins d cisifs qui en tra heront l opinion apparaissent souvent plein dans les r criminations voire m me dans les r ticences d un public exc d Ce que le recours judiciaire met en question est tr s vari avec pourtant des noeuds constants et efficaces l ordre des familles la s curit des propri t s le point d honneur fragile dans une concurrence de formes de civilit qui contraignent d concertent ou menacent les plus humbles Encore faut il tenir compter pour l urgence de certaines questions des angoisses et des obsessions de chaque p riode Les proc s de
6. s sorci res de Saix tels que F Le Nail les a retrouv s dans les archives des Hautes Pyr n es fournissent sur l instance l acceptation et la pra tique du recours magique des points de vue que l on chercherait en vain dans une proc dure de d nonciation du XVIIIe si cle non que la croyance soit amoindrie ni que le risque de d voilement soit plus re dout mais parce qu il est devenu impossible chacun de se pr senter comme solliciteur sinc re ou pudique d un secours magique C est que du XVIe au XVIIIe si cle l action criminelle est descendue du souci des actes de l se majest d h r sie ou d atrocit la routine d un contentieux banal o trouvent cho des inqui tudes autre fois ressenties comme trop intimes ou trop infimes pour oser les expri mer La documentation n en est que plus attentive et circonstanci e sur tout ce qui rel ve de la sensibilit l injure et la l sion des droits d usage et de possession Yves CASTAN
Download Pdf Manuals
Related Search