L`ART À UNE ÉCHELLE DE MASSE Sur The Shapes Project d`Allan
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1. 19 Jbid p 9 Catherine Queloz Les embl mes de la multitude op cit p 26 21 Catherine Queloz Les embl mes de la multitude op cit p 26 comprendre certaines des tr s smithsonniennes s ries que sont The Dog From Pompei 1990 Lost objects 1991 et Natural Copies 1994 partir de leur ancrage dans des modes de production naturels non industriels qui g n rent par d finition des artefacts sp cifiques L artiste expliquait aussi r cemment qu il a mis quinze ans obtenir des formes asym triques et identifiables au premier coup d oeil Ses formes sont donc de plus en plus assimilables des individus Et jamais elles n ont t aussi biomorphiques que pour la premi re mat rialisation de The Shapes Project chez Petzel cette grande tribune peupl e de 7 056 oeuvres uniques mais ayant le m me air de famille De plus en plus sp cifique et de moins en moins g n rique la r d marche de l artiste pourra toujours tre analys e travers la distinction entre la copie et le mod le Bien videmment j ai une pr f rence pour les id alisations et la conceptualisation dans mon travail il me semble que c est vident Mais force de voir en lui le dramaturge de la standardisation on finit par manquer certaines volutions de ses oeuvres et de son discours Car il n est pas certain qu on puisse encore lire son travail r cent l aune de la r flexion post2. esth tique s rielle de McCollum et le minimalisme n est pas d montrer Mais l artiste new yorkais agit aussi en parfait l gataire de la critique institutionnelle puisqu il invente des dispositifs visant soustraire l oeuvre sa raret programm e et questionner la convention de son unicit La plupart des s ries de l artiste r pondent ainsi ce paradoxe d tre des s ries d objets uniques mais produits en grande quantit C est le cas des Surrogates Plaster Surrogates des Individual Works 1987 ou des Drawings 1988 Les artistes semblent accepter sans se poser de questions d avoir pour destin de produire des objets rares des objets pour un usage exclusif C est d apr s moi la raison pour laquelle l activit avant gardiste reste coup e du grand public Les Drawings s rie de plusieurs milliers de dessins abstraits noirs sur fond blanc tous uniques et dessin s la main par vingt cinq assistants selon une combinaison de formes qui ne se reproduit jamais et la brocante g n rique des ndividual Works de petits objets moul s r alis s en gypse partir d un assemblage de deux moules chacun tant diff rent des autres fonctionnent comme les deux premi res parties d une trilogie qui culmine avec The Shapes Project Dans les trois s ries la masse et la multitude sont la fois repr sent es analys es et critiqu es comme formes et comme concepts politiques et la di
3. le concept de diff rence n est pas r ductible celui d unicit 1 et les diff rences entre les oeuvres doivent tre tenues pour non pertinentes elles concernent la taille les proportions et la couleur du cadre pour la plupart dans une gamme troite de dor et de marron L hypoth se d une singularit r elle de chaque objet est I Voir Jacques Attali Bruits Essais sur l conomie politique de la musique Fayard 2001 i Craig Owens Repetition and difference tandis que la combinaison sp cifique de ces trois variables taille couleur du cadre proportion semble constituer chaque surrogate en tre singulier la r p tition potentiellement infinie d objets essentiellement identiques nous emp che de confondre la diff rence et l unicit op cit p 9 Allan McCollum The Shapes Project 2005 corian chaque 53 3 x 35 5 17 7 cm courtesy galerie Thomas Schulte Berlin donc rejet e et tout sp cialement en ce qui concerne les Plaster Surrogates puisque chaque surrogate vient du m me mod le 1 Pour Owens les Surrogates sont des simulacres qui ne font que simuler la diff rence Cette interpr tation est facilement transposable l ensemble de la production de l artiste ses oeuvres ne sont que des signes d oeuvres rien d autre Mais une lecture tr s diff rente est possible Catherine Queloz analysant les Drawings propose une approche exactement oppos e
4. de Sherrie Levine Troy Brauntuch Jack Goldstein Robert Longo Philip Smith expos es Pictures Mais Owens s en tient dans la plus grande partie de son essai l id e que McCollum op re une critique sp cifique de la production en s rie qui d rive de la production de masse sans lui tre identique Dans un syst me de production capitaliste explique t il la suite de Jacques Attali 7 la qu te de la diff rence est vou e l chec la s rialisation est une ruse du capitalisme avanc La diff rence est un leurre elle ne peut tre qu un objet de consommation et sa production strictement contr l e Le texte d Owens dans la stricte lign e du Syst me des objets de Jean Baudrillard fait des Surrogates les signes de l av nement d une culture de la r p tition Il a ainsi orient les r flexions de la critique sur la Allan McCollum The Shapes Project 2005 corian chaque 53 3 x 35 5 x 17 7 cm courtesy galerie Thomas Schulte Berlin mani re dont McCollum traite la diff rence au sein de la r p tition Plus exactement et pour ne pas utiliser ce qui est devenu un concept caricatural pour chansons commerciales et politique culturelle au rabais la diff rence Owens a d termin une lecture purement g n rique des oeuvres de l artiste am ricain La question qui se pose est donc la suivante les formes sont elles interchangeables ou non La r ponse d Owens est tr s claire
5. et pigment tir d une s rie de 12 r pliques de la souche d un orme mort suite la maladie hollandaise des ormes sur le sol du Wan s Sculpture Park Knislinge Su de 1998 McCollum applique des crit res de jugement et un regard modernes unicit particularit voire identit des artefacts des objets qui chappent habituellement ce type de cat gorisation L artiste qui n en est pas une ambigu t pr s investit ses oeuvres d une tension libidinale porteuse d une charge critique Il joue en m me temps sur la croyance en la possibilit d une authentique sp cificit des objets sur une foi un peu surann e en la modernit Il lie par exemple explicitement son r cent projet au fantasme moderne Il est porteur d une r f rence au d sir d mocratique et au r ve Et presque cette croyance poignante et enfantine en la Modernit un fantasme am ricain assez courant qui peut tre la fois touchant et effrayant 6 McCollum a d ailleurs conscience des ambigu t s de son projet produire m thodiquement syst matiquement de la diff rence faire tenir une forme autonome au sein d une masse mais s il souligne que certaines d entre elles sont douloureuses c est aussi parce qu il donne sa d marche un sens litt ralement existentiel qui rappelle l h ro sme d Opalka Le syst me de base qui permet la r alisation des formes est pr se
6. fleuve avec Thomas Lawson McCollum revenait sur son amour des grandes quantit s en art D s ses premiers travaux l artiste s est vertu tout quantifier le nombre de pi ces que ses syst mes lui permettent de fabriquer celles qui ont d j t r alis es celles qui ont t expos es Sa production ne pouvait qu tre massive Songeons aux Elias Canetti Les propri t s de la masse Masse et puissance trad R Rovini Paris Gallimard coll Tel 1966 1986 p 27 Gilles Deleuze Mille Plateaux Paris Minuit 1997 p 271 Voir Introduction to the Shapes Project http home att net amcnet2 album shapes intro html 4 David Robbins The Compass is the map The Velvet Grind Selected essays Interviews Satires 1983 2005 d par Lionel Bovier et Fabrice Stroun Zurich Dijon JRPIRingier Les Presses du r el 2006 p 283 5 5 Allan McCollum interviewed by Thomas Lawson 1992 publication originale A R T Press Los Angeles 1996 voir http home att net allanmcnyc Lawson_AMc_Interview html non pagin rss dhert mu a PE Allan McCollum Drawings 1988 89 crayon sur papier mus e dim variables tous unique Surrogate Paintings ersatz de tableaux qu il commence en 1978 puis aux Plaster Surrogates partir de 1982 moulages en pl tre peint dont la technique de fabrication accro t notablement la capacit de production de l artiste La filiation entre l
7. outils p dagogiques etc 8 La cr ation suit un strict syst me num rique qui emp che que ne se produise deux fois la m me combinaison sur les 31 milliards de formes que son syst me lui permet de r aliser McCollum en a d j assembl virtuellement 214 000 000 La massification de l oeuvre d art peut tre d finie comme un ph nom ne la fois conomique technologique et esth tique Elle constitue chez McCollum au m me titre que les fantasmes 8 Introduction to the Shapes Project op cit Voir ce sujet No l Carroll A Philosophy of Mass Art New York Oxford University Press 1998 chap IT La nature de l art de masse p 196 X est une oeuvre de l art de masse si et seulement si 1 X est une oeuvre d art instances multiples ou types technologiques de Gropius les exp rimentations de Fluxus ou l utilisation de la s rigraphie par Warhol une interpr tation litt rale du projet avant gardiste d int gration de l art dans le quotidien les oeuvres doivent tre poss d es par tous non par quelques uns Il existe donc pour l artiste une forme grandes quantit s qui outre sa banalit dans le monde quotidien qui peut lui conf rer le statut de symbole pertinent de ce m me quotidien permet aussi virtuellement une diffusion massive McCollum se livre une tentative d extension exponentielle du domaine de l avant garde via la multiplicatio
8. cence programm e Il n importe pas ironiquement ou du moins pas seulement des pratiques du monde industriel pour les critiquer Il les examine aussi avec une forme inattendue d humanisme Donnant une lecture presque tragique du suicide calcul perp tuel du parc des objets il abandonne peu peu la patine commerciale et corporate et investit ses objets s riels d une charge entropique et affective 28 Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 2 Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 30 Jean Baudrillard La Soci t de consommation Paris Gallimard coll Folio essais 2003 p 54 31 On peut comprendre dans cette perspective son insistance jamais d mentie sur la question du travail et sur la valeur physique de la t che Comme chez Xavier Veilhan la cha ne de production de la Ford T Ford T 1999 ou comme dans le mat rialisme de John Miller la tra abilit de la production et de la consommation a une valeur critique ce que je vois n est pas un objet fini muet un bibelot sans histoire mais son autonomie est un effet elle a t produite Regardez n importe quel objet dans la pi ce o vous tes et r fl chissez au nombre de mains qui ont t impliqu es dans leur fabrication Il n est pas rare d ailleurs qu il int gre dans ses catalogues des photos de ses assistants de son atelier Ou q
9. de trois types 13 Hal Foster soulignait d j cette dimension extra terrestre lorsqu il crivait propos des Surrogates que tout se passe comme si nous contemplions notre propre conomie de l objet d art partir d une tout autre culture d une tout autre plan te de la sorte une distance critique s tablit l int rieur m me de cette conomie qui semblait menacer de l enfermer voir L art de la raison cynique dans Le Retour du r el Bruxelles La Lettre vol e 2005 p 149 4 Rosalind Krauss entr e Entropie dans L Informe mode d emploi Centre Pompidou Paris 1996 voir http home att net allanmcenyc Rosalind_Krauss html 15 Craig Owens dans Repetition and difference Allan McCollum Surrogates cat d expo Londres Lisson Gallery 1985 16 Gilles Deleuze Diff rence et r p tition Paris PUF 2000 p 375 cit par Craig Owens dans Repetition and difference Allan McCollum Surrogates op cit p 8 diff rents de r p tition savoir la r p tition intrins que l acte de consommation la m moire et in fine la pulsion de mort qui donne l oeuvre de l artiste am ricain sa puissance critique et cette particularit qui fait qu elle n est pas totalement r ductible aux recherches de la g n ration Pictures cette exposition organis e l Artist Space par Douglas Crimp en 1977 a form le noyau historique de l appropriation avec les oeuvres
10. deux ans de production L investissement motionnel dont il entoure ses oeuvres va dans le m me sens la question de sa pr f rence pour l une des formes de The Shapes Project McCollum r pond qu elles sont un peu comme ses enfants associant son fantasme d miurgique de masse un d sir enfantin et m me un peu na f l id e de faire un objet d art pour chaque tre humain est facilement lisible comme un r ve d enfant le genre de chose qu un enfant de six ans pourrait avoir envie de faire Il avait d j d crit les Individual Works comme de tr s ballardiens hybrides entre objets industriels et naturels Des intestins synth tiques Des f ces Des jouets Des oeufs Faberg 7 Il rappelle ses oeuvres leur dimension vivante et leur biomorphisme Je Le travail de John Miller peut tre lu comme un commentaire sur l histoire de la circulation de la marchandise de sa production The Middle of the day construit autour du temps de travail sa diffusion m diatique les jeux t l vis s The Lugubrious Game dans l exposition conomies parall les ou physique la consommation comme pulsion primitive signal e par l analit des s ries d objets recouvertes l impasto marron 33 Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 34 Allan McCollum interviewed by Thomas Lawson op cit non pagin 35 Rectificatif publi sur le site de l ar
11. es changements d chelle l chelle molaire il met en sc ne la forme masse et ses rapports infructueux avec le projet des avant gardes tout en figurant un espace politique ambigu la soci t de contr le sous le masque d mocratique l chelle mol culaire il propose une r flexion id ologique et montre qu il n y a pas de projet d art pour la masse qui tienne puisqu il n existe pas quelque chose comme la masse FE mure A Allan McCollum Three Perfect Vehicles 1988 2004 peinture acrylique latex sur fibre de verre renforc e au b ton chaque 203 x91 cm Allan McCollum Over Ten Thousand Individual Works peinture acrylique sur pl tre chaque 5 cm de diam tre longueurs variables tous unique 1987 1989 2 Toni Negri Pour une d finition ontologique de la multitude http multitudes samizdat net article29 html cit par Allan McCollum courriel du 20 septembre 2007 gg are m Allan McCollum custom sur commande Shapes Copper Cookie Cutters collaboration avec artisans qui ont enterprises domiciles dans l tat de Maine 2005 08 Ni art ni industrie Personne ne songerait aujourd hui contester le pouvoir critique de l oeuvre de McCollum entre mise en lumi re du marketing grotesque de la diff rence et r sistance l assimilation des tres formes ou individus une masse indiff renci e Mais la nature de son commentaire diff re sensiblement et de plu
12. et crit qu ils pr sentent la multitude comme un ensemble d l ments uniques pour celui qui veut bien tre attentif aux petites diff rences Elle souligne galement le d sir de retrouver dans cette notion m me de masse toujours consid r e comme informe et apparemment homog ne l individuel le particulier le diff rent La dimension politique de toute r flexion sur la masse n tant plus souligner qu en est il de The Shapes Project Quelle repr sentation de la masse y trouve t on la galerie Petzel le projet figurait un espace politique sous la forme d un stade d une tribune d une masse silencieuse qui nous regarde Et l vidente dimension all gorique du projet explique qu il re oive les interpr tations les plus contradictoires Le projet sugg re t il une mentalit d mocratique ou fasciste se demande McCollum On pourrait lui r pondre qu entre les deux interpr tations les plus radicalement oppos es l important n est pas de trancher mais qu il soit pr cis ment impossible de le faire ce que je vois n est en d finitive une masse indiff renci e que si je le d cr te mais rien ne m y oblige Il n est d ailleurs pas impossible que McCollum ait chang d avis sur la question depuis ses premi res s ries la mise en sc ne d une masse individualis e 21 gt remplace progressivement la repr sentation critique de la s rialisation Par exemple on peut
13. ff rence y est produite selon un protocole strict mais ambigu Ibid non pagin 7 Catherine Queloz Les embl mes de la multitude Allan McCollum Gen ve Centre d art contemporain de Gen ve 1993 p 26 CCE MUNIE EEE REX TS SOUONNTNNUEENNENUNElEEErEES LETTETEITICIIITILITEI LIT ILIZEL I IIEZ UNE Allan McCollum vue d atelier 200 Une oeuvre pour chaque tre humain vivant sur la plan te Jusqu pr sent la diffusion des oeuvres de McCollum s est faite par lots Ainsi les Drawings sont vendus par collection de 15 180 Pourtant les formes de The Shapes Project dont le mode d existence est d abord num rique autoriseraient une diffusion massive et individualis e et par l m me une extension potentiellement infinie du public Chaque shape est unique chacun peut en poss der une Avec le logiciel Illustrator McCollum con oit et assemble des formes assez simples quatre formes par shape qui peuvent tre ensuite mat rialis es sur tous les supports dans toutes les tailles et conna tre des appropriations multiples qui franchissent l occasion la fronti re entre l art et le non art Comme les Visible Markers 1997 elles peuvent tre utilis es pour diff rentes fins pas seulement pour des projets artistiques ou de design mais aussi pour diverses pratiques sociales comme cadeaux remerciements marques d identit embl mes insignes logos jouets souvenirs
14. lan McCollum The Shapes Project 2005 7 056 formes monoprints toutes uniques impression digitale sur papier non acide sign es chaque 15 x 11 cm courtesy Friedrich Petzel Gallery New York le moment de la fiction sinon de la science fiction Plus qu un accomplissement strict du programme des avant gardes et plus que l invention d un art de qualit pour tous le projet fonctionne surtout comme un commentaire sur l tat de la culture Le travail de McCollum est un produit de la culture du multiple C tait propos d oeuvres ant rieures de l artiste la th se de Rosalind Krauss C tait aussi celle de Craig Owens dans Repetition and Difference 1 Mais quelle est la nature de ce commentaire Dans son texte de 1983 Owens s int resse propos des Surrogates aux possibilit s critiques de la r p tition et de la s rialit dans l art l re du capitalisme tardif reprenant le Deleuze de Diff rence et r p tition Plus notre vie quotidienne appara t standardis e st r otyp e soumise une reproduction acc l r e d objets de consommation plus l art doit s y attacher et lui arracher cette petite diff rence qui joue d autre part et simultan ment entre d autres niveaux de r p tition et m me faire r sonner les deux extr mes des s ries habituelles de consommation avec les s ries instinctuelles de destruction et de mort 16 D apr s Owens c est la superposition
15. moderne sur le statut de l objet dans le capitalisme tardif Pour reformuler cette id e McCollum cite aujourd hui plus volontiers Toni Negri et Raymond Williams que Baudrillard ou Adorno The Shapes Project laisse donc au spectateur le libre choix de sa r ponse et fonctionne comme un test de Rorschach massif mettant en jeu la d finition du concept politique de masse Plus exactement l oeuvre de McCollum retraverse des degr s Allan McCollum Shapes contreplaqu en bouleau lamin laqu chaque fois diff rents le d bat Peque 30 x 46 x 14 minimaliste sur la g n ricit et la sp cificit des objets en lui superposant une r flexion d ordre politique La politique est d abord un exercice du regard semble penser McCollum The Shapes Project fonctionne donc comme un dispositif non pas pour penser mais pour voir la diff rence la mani re dont Raymond Williams affirmait qu en fait la masse n existe pas en tant que telle qu il n existe que des mani res de regarder les gens comme des masses 2 Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 3 Allan McCollum interviewed by Thomas Lawson op cit non pagin 2494 Raymond Williams cit par McCollum dans le communiqu de presse de l exposition The Shapes Project http petzel com index_mccollum2006 html voir Culture and society The Hogarth Press London 1993 p 300 D autres que
16. n presque mystique des artefacts artistiques Allan McCollum Surrogate Paintings 1978 79 acrylique et mail sur bois et papier mus e vue d ainstallation 112 Workshop New York City 1979 Mais qu entend on par production de masse Les r ponses ne sont pas les m mes dans l industrie et dans l art McCollum a d ailleurs rappel que dans l industrie le terme production en petite s rie d signe au minimum une production de 10 000 unit s Aussi du point de vue industriel n a t il toujours r alis que de petites s ries short runs Cette chelle est naturellement variable selon le domaine de production et il est certain que dans le cas de certaines techniques l impression par exemple la mise la disposition du public de technologies semi professionnelles relativise pareil jugement Il n en reste pas moins qu avec une production 2 X est produit et diffus par une technologie de masse 3 X est produit et pens pour tre accessible au moindre effort virtuellement au premier contact pour le plus grand nombre et m me pour un public qui n a re u aucune ou quasiment aucune formation et ce par ses formes par exemple ses formes narratives son symbolisme les sentiments qu elle appelle et m me son contenu 10 Voir Danto Andy Warhol and the politics of prints dans Andy Warhol Prints A Catalogue Raisonne 1962 1987 by Frayda Feldman Jorg Schellmann Claudia Defendi Dist
17. ncadr es apr s les avoir pr alablement d dicac es une par une Ce fut d apr s Hal Foster le meilleur potlatch de l ann e un geste la fois h ro que et absurde En offrant ses oeuvres McCollum s est soustrait pour l occasion l conomie de march et ce geste qui n a rien de d tach rappelle la logique de The Uncanny de Mike Kelley ou du O sme de Jim Shaw les panoplies d objets surr alistes ou les tas d objets industriels que forment Brillo boxes de Warhol L accumulation d objets comme forme de terreur et de fantasme f tichiste y est coupl e une exploration de la culture populaire Il se peut que j ai envie de poss der un magn toscope Sony mais se trouver face face avec tous les magn toscopes Sony du monde serait vraiment une exp rience terrifiante Il existe une limite quelque chose comme une masse critique au del de laquelle la peur que contient l objet f tiche submerge son c t rassurant le d truit Son curieux bestiaire permet donc de mettre en vidence jusqu au point critique les forces libidinales l oeuvre dans la production et de la consommation ce que Hal Foster appelle la politique motionnelle de la consommation f Le plus int ressant le plus ambigu aussi chez McCollum est donc ce curieux m lange entre une affection pour les objets industriels un modernisme benjaminien et une critique du fonctionnement capitaliste port e pa
18. ngs 1988 89 crayon sur papier mus e coll part d p t Mamco galeries Friedrich Petzel New York et Thomas Schulte Berlin avec tout l appareil de l exposition d art du socle au cadre Comme pour les s ries pr c dentes et en d pit des intentions initiales de l artiste les shapes ont t jusqu pr sent vendues par lots de 144 le plus souvent Avec une quipe r duite entre huit et neuf personnes travaillaient plein temps sur le projet pour la fabrication des 9 000 premi res formes impression encadrement l atelier de l artiste se rapproche davantage de la PME que de la cha ne industrielle The Shapes Project porte donc bien son nom il s agit d un pur projet Avec ses anticipations amus es qui affichent une scientificit presque parodique le chiffrage de la population est tir d un rapport de l Organisation des Nations unies la touche de futurologie et le r ve de l artiste qui crit l avance le roman de son oeuvre et de ses continuateurs il rel ve pour 1 Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 2 Pd eventually like to do something much stronger with a larger distribution factor One fantasy has been to let them function as donor awards for some huge charitable operation like UNESCO Dream on Or something that involves true mass production Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 Al
19. nt achev Mais le projet consistant toutes les construire est bien trop vaste pour que je puisse le terminer seul avant la fin de ma vie C est pour cette raison que je l ai organis e de sorte que d autres personnes puissent continuer en mon absence McCollum a d j fait le deuil de la non unicit des objets Elle ne constitue pas pour lui un enjeu critique mais un point de d part Et s il se r f re aujourd hui sans nostalgie au projet avant gardiste ce n est pas simplement comme une farce ou une utopie dont il est de bon ton de clamer l chec Il cherche aussi le perp tuer et lui rendre un hommage de working class hero 46 Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 Ibid 48 Introduction to the Shapes Project op cit
20. r le display le fantasme de la masse indiff renci e la masse critique qui symbolise ses exc s 38 David Robbins op cit p 83 Une journaliste am ricaine charg e du compte rendu de l exposition chez Petzel s est sentie poursuivie par le mauvais oeil apr s avoir vue les Shapes raconte McCollum 40 Jessica Helfand The Illusion of Certainty Design Observer voir http home att net amcnet2 album shapes 2006exhibition html 4l Roberta Smith Allan McCollum The Shapes Project New York Times Art in Review op cit 4 Anonyme Allan McCollum The New Yorker Goings On About Town 15 d cembre 2006 op cit 3 un d ner de plus d une centaine de personnes apr s le d ner de mon vernissage l automne dernier j ai d dicac en guise de cadeau une shape encadr e et sous verre chaque invit Hal Foster m a dit que j avais gagn le prix du meilleur potlatch de l ann e Courriel du 20 septembre 2007 Jean Baudrillard a mis en relation la notion de potlatch d abord utilis e dans le champ de l ethnologie avec le fonctionnement de la soci t de consommation et avec cette id e du gaspillage n cessaire presque d finitoire de notre soci t Il met en avant une question politique qui a plus voir avec la d finition du concept politique de masse David Robbins op cit p 90 45 Hal Foster op cit p 149 Allan McCollum Parables 1998 99 b ton moul
21. ributed Art Publishers U S 3 dition 2003 Dans ce texte Danto associe l utilisation de la technique s rigraphique une pratique artistique d mocratique Thomas Schulte Berlin Allan McCollum The Shapes Project 2005 Monoprints 2006 impressions laser sur papier non acide toutes uniques sign es et num rot es cadre en m tal verre tablettes chaque 15 x 11 cm courtesy Friedrich Petzel Gallery New York pm ET Allan McCollum The Shapes Project 2005 courtesy galer d passant virtuellement 31 milliards de formes c est dire d oeuvres uniques soit une chelle multipli e par 10 et virtuellement par 100 000 au regard de ses pr c dents projets les Individual Works ont t produits 30 000 exemplaires les Surrogates 6 000 7 000 l oeuvre de McCollum atteint une chelle de masse qu elle ignorait jusqu alors J ai essay de mettre l accent sur la dimension potentielle du projet et j ai fait des propositions un peu la mani re d une offre publique Toutefois en d pit de cette monumentale ambition les Shapes continuent fonctionner comme des oeuvres d art traditionnelles Loin de toute int gration l univers quotidien et loin de toute diffusion de masse l le projet a t montr dans de tr s classiques white cubes Allan McCollum Drawings 1988 89 crayon sur papier mus e dim variables tous unique Allan McCollum Drawi
22. ropos de Stella voir Robert Smithson the collected writings ed Jack Flam University of California Press 1996 p 20 Allan McCollum custom sur commande Shapes Rubber Stamps collaboration avec artisans qui ont enterprises domiciles dans l tat de Maine 2005 08 standardisation et de la s rialisation fonctionne aussi comme un discours de classe et de distinction Les r f rences aux masses sont bourr es d id ologie et m prisantes et effrayantes quelque chose que je n appr cie pas en tant que produit de la classe ouvri re Avant d ajouter Une grande part de mes d sirs en tant qu artiste vient de mon agacement devant la mani re dont les lites regardent en bas vers les objets communs produits en masse en d pit du fait qu ils pourraient avoir de la valeur pour ceux qui les poss dent les conservent et les appr cient Sa critique de la notion d unicit est donc institutionnelle la convention de l unicit de l oeuvre d art mais aussi sociale Il op re une r duction de l art et de l industrie de simples modes d expression qu il se refuse hi rarchiser questionnant ainsi le syst me de classe que nous appliquons aux diff rents types de travail cette id e que les mains des artistes ont plus de valeur que celles des travailleurs en usine Ainsi manifeste t il sa solidarit l gard des travailleurs mais aussi des objets commerciaux l obsoles
23. s en plus de ce que laissait supposer l analyse d Owens en 1983 il se place en marge de la critique ironique postmoderne de la s rialisation telle qu elle est pratiqu e par Cindy Sherman ou Sherrie Levine Son oeuvre n est ni cool ni d tach e ni m me strictement analytique Pour commencer et contre tout ce qui a t dit et crit sur McCollum champion du postmodernisme et de la neutralit expressive le display et les oeuvres de l artiste sont franchement expressionnistes comme peuvent l tre les cr atures bizarres de Cronenberg le pod d eXistenZ 1999 la machine crire insecto de du Festin Nu 1991 les voitures hypersexualis s de Crash 1996 Leur h sitation entre le m canique et le vivant est un avatar de la surface puriste impure quelque chose qui vient d construire le mythe de la perfection industrielle mais aussi celui du monumental artistique Car une partie de la critique de McCollum porte pr cis ment sur les effets de normalisation engendr s par le discours critique sur l industrie et ses produits et non pas sur le statut de ces produits Pour l artiste la critique de la 26 Thomas Lawson extraits de Des usages de la repr sentation et de la n cessit de faire quelques distinctions Appropriation dans Private view 1980 2000 Collection Pierre Huber JRPIRingier 2005 p 52 27 Dans Entropy and the new monuments Smithson voque cette surface p
24. stions plus pertinentes peut tre seraient formuler Le modernisme est il d mocratique Y a t il une universalit de la culture transposable dans des formes g n riques Le d sir d mocratique peut il seulement s appliquer litt ralement l art Et quel sens y a t il parler d une galit des formes McCollum vite toutefois de tomber dans une application trop litt rale du principe d mocratique il ne supprime pas le jugement de go t ni les discriminations Il ne produit pas une masse indiff renci e Sa d marche consiste plut t jouer formellement sur l opposition entre une masse con ue comme un tat d galit absolue o il ne saurait s agir de diff rences la vision de Canetti et plus largement celles de th oriciens politiques modernes comme Adorno et la multitude un espace o des singularit s qui travaillent agissent et parfois d sob issent en tout tat de cause consistent Pour reprendre les termes de Deleuze son oeuvre oscille constamment entre deux chelles l chelle molaire celle de la masse et l chelle mol culaire celle des individus Et cette oscillation fonctionne comme une forme de r sistance la standardisation Car ce qui int resse aujourd hui McCollum n est pas l galit des formes le mod le de la masse selon Canetti mais la production de la sp cificit en amenant le spectateur op rer d
25. texte de 20 27 REVUE DE TEXTES CRITIQUES SUR L ART No 2 M19 d Allan McCollum L ART UNE CHELLE DE MASSE Sur The Shapes Project Allan McCollum Six Shapes de The Shapes Project 2005 JILL GASPARINA Au sein de la masse r gne l galit Elle est absolue et indiscutable et n est jamais mise en question par la masse elle m me Elle est d une importance si fondamentale que l on pourrait carr ment d finir l tat de la masse comme un tat d galit absolue Une t te est une t te un bras est un bras il ne saurait s agir de diff rences entre eux C est en vue de cette galit que l on devient masse 1 Elias Canetti Masse et puissance Bonne ou mauvaise la politique et ses jugements sont toujours molaires mais c est le mol culaire avec ses appr ciations qui la fait Gilles Deleuze Mille plateaux 8 milliards 20 milliards 9 1 milliards 31 milliards 214 millions La note explicative de The Shapes Project la s rie la plus r cente d Allan McCollum commenc e en 2005 regorge de grands nombres Ce styl me renseigne sur la d marche pique de l artiste am ricain ouvrant en grand les vannes de la production artistique il cherche changer l chelle de l oeuvre d art l installer une chelle de masse Aurait il invent un art grand public cet art conceptuel pour les masses dont parle David Robbins En 1992 la fin d un entretien
26. tiste http home att net amcnet2 album shapes intro html 36 Allan McCollum entretiens par courriel avec l auteur 20 septembre 2007 37 Allan McCollum interviewed by Thomas Lawson op cit non pagin produis des objets doux et brillants avec beaucoup de couches d mail pour les rendre plus humains Les coins sont gentiment arrondis ils sont petits ils sont jolis et solides 38 crit il dans une prose attendrie qui voque davantage le domaine de la statuaire enfantine les joujoux baudelairiens que les artefacts industriels Entre bricolage individuel et production de masse The Shapes Project poursuit cette m me recherche d une synth se d un d passement de la dichotomie entre art et industrie jusqu obtention d un objet dont le statut ontologique oscille entre produit industriel fabrication en masse et objet d art conception individuelle C est pr cis ment leur statut inconnu ou plut t in dit qui fait que ces formes sont aujourd hui le lieu de toutes les projections et toutes les lectures les plus divergentes cr atures mal fiques ou bienveillantes tangram blocs de Froebel 40 embl mes grenades main irr guli res lames de couteaux exotiques f absurdes jouets pour les enfants pour les sculptures ou encore blobs 4 Le meilleur potlatch de l ann e En 2006 lors du vernissage de son exposition chez Petzel McCollum a offert 144 de ses shapes e
27. u il insiste sur le travail exigeant que repr sente la production de ses pi ces J ai essay de donner l impression visuelle que les Perfect Vehicles ont t fabriqu s avec un grand soin ce qui est le cas J ai eu besoin d un temps de production vraiment long pour les fabriquer dans mon atelier On pourrait trouver facilement des d clarations similaires au sujet de Drawings ou des Individual Works Et si le choix de l impression num rique dans son r cent projet peut laisser penser qu il d laisse la dimension physique du geste producteur l artiste prend soin de souligner que chaque forme est r alis e manuellement Aussi multiplie t il depuis 2005 les correctifs au sujet de la mani re de fabriquer les artefacts de The Shapes Project Un rectificatif a m me t ajout sur le site de l artiste Contrairement aux erreurs qui ont t faites dans certains articles de presse les formes de McCollum ne sont pas g n r es sur un ordinateur avec un programme invent ou crit Chaque forme est laborieusement cr e par l artiste en utilisant Adobe Illustrator un programme graphique commun d utilisation quotidienne en dessinant de petites formes en les coupant et collant en plus grandes formes leur tour coup es et coll es en plus grandes formes et ainsi de suite le tout en suivant un protocole crit l avance pour viter toute r p tition La premi re exposition en 2006 a n cessit
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