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ce lien - Médias 19

1. quatre vingt quinze ans et pour vivre jusqu cent deux En ce cas redonnez moi une cinqui me c telette s crie Pan Chao en clatant de rire p 121 Ce dialogue l ger h doniste avec sa chute moqueuse rappelle l esprit boulevardier des sociabilit s journalistiques d autant qu il en reproduit les conditions mat rielles les protagonistes sont des hommes qui discutent autour d un repas Ces passages donnent au texte un caract re humoristique et permettent de confirmer le portrait de Pan Chao en Parisien Mais le roman emprunte bien davantage au reportage en plus de le mettre en sc ne dans ses principales caract ristiques c est dire de pr senter le texte produit comme une uvre de commande produite pour les besoins de son journal par un professionnel dont le voyage est limit dans le temps et qui s inscrit dans l actualit dont il traite un th me bien particulier ici l implantation du train Transasiatique et plus largement de la modernit en Asie centrale il en reprend certaines caract ristiques narratives en particulier la logique testimoniale qui pose le s y connaissent pas semblaient reconnaissants son corset lui faisait tant de mal qu elle se croyait bien faite et la compression partageait ce dos plein et rembourr en deux parties gales s par es par une ligne enfonc e Voyez donc madame dit une femme elle est outrageusement d collet e Vous voulez di
2. tandis que le volume les pr sente en italiques De m me les titres des journaux am ricains cit s page 14 le World et le New York Herald ne sont pas en italique dans le journal alors qu ils le sont dans le volume qui respecte en cela les conventions typographiques Le Soleil a galement tendance crire en toutes lettres les 14 D autres variations concernant la si cles alors que le volume les exprime en chiffres romains ponctuation par exemple page 139 dans le journal on lit je l interviewerai jusqu aux mo lles tandis que le volume termine la m me phrase par un point d exclamation qui certes induit une nuance s mantique mais assez l g re D autres diff rences sont d ordre ortho graphiques notamment en ce qui concerne la transcription de noms trangers Le Soleil crit toujours tsar l o les volumes donnent czar Bucarest o les volumes notent Bukharest et gire p 98 l o les volumes utilisent la graphie h gire Il en va de m me pour les noms propres dans cette cat gorie les variations apparaissent comme de v ritables fautes Ainsi appeler Weisschnitzerdorfer le baron Weisschitzerd rfer est probl matique dans la mesure o sans le tr mas le jeu de mots qui a donn naissance ce patronyme que Charles No l Martin dans sa pr sentation du roman traduit par paysan blanc faiseur de gaffe est perdu On peut faire l hypoth se que cette e
3. 244 Ibid p 17 77 On peut aussi penser que la volont de Verne d illustrer l exploration du monde qui va de pair avec la colonisation laquelle se livrent ses contemporains est la base de cette tendance du texte tout caract riser renvoyer chaque r alit un ordre qui est pr sent comme pr existant D nommer et classer sont en effet le pendant dans le texte de l entreprise occidentale d appropriation du monde De plus l utilisation du type a l avantage de la facilit il permet l crivain comme son lecteur de se confronter moins au monde d routant en particulier lorsqu il s agit d un objet aussi tranger que l Asie centrale qu aux discours communs son sujet dans une logique didactique la rh torique du type peut alors appara tre comme un moyen de donner un vernis de connaissance et de ma trise d un sujet qui se trouve r sum et caricatur saisissable et r utilisable l envi c Enjeux g opolitiques Ce roman quoiqu il pr sente des l ments d anticipation s inscrit dans un contexte g opolitique bien particulier dont il donne voir les enjeux C est ainsi que les st r otypes sont au service d une vision du monde d autant moins fixiste qu elle est tr s marqu e par la conjoncture historique et diplomatique Dans un premier temps il faut relire ce roman en le mettant en perspective avec les enjeux du Grand Jeu Cette expression d signe le conflit pour la domination de l
4. Je vous le r p te cette combinaison me va beaucoup Ces trois passages s ils mentionnent tous des titres de journaux susceptibles de publier le roman signalent toutefois plus la h te de l auteur de se voir publi que le souci du support qu il laisse d ailleurs au soin de son diteur lequel semble trancher en faveur du Soleil pour des motifs plus conomiques que litt raires Il est de plus vident que la publication en feuilleton dans la presse n est pas propre ce roman de Jules Verne Depuis 1836 date de la parution dans La Presse d mile de Girardin de La Vieille Fille de Balzac qui est g n ralement consid r e comme le premier roman feuilleton la plupart des romanciers et m me plus g n ralement des crivains ont fait para tre des uvres dans la presse Ce d veloppement de la fiction dans la presse contribue l expansion de son support puisqu un feuilleton attractif fait grimper les ventes du journal qui le propose Dominique Kalifa dans La Culture de masse en France donne l exemple du Juif errant d Eug ne Sue dont la publication en 1844 1845 dans Le Constitutionnel fait gagner 15 000 abonnements au journal L apparition d une presse bon march qui d bute avec le lancement du Petit Journal par Mo se Polydore Millaud en 1863 et le d but de l re des m dias de masse contribue galement au d veloppement du feuilleton dans la mesure o dans un contexte de forte concurrence entre les titres
5. moi un reporter l ve de Chincholle notre ma tre tous p 17 et ma b vue qui me vaudra certainement les mal dictions de Chincholle p 149 cette deuxi me expression laissant presque penser que Chincholle est le sup rieur hi rarchique de Claudius Bombarnac Le v ritable mod le du XX Si cle est d ailleurs le Figaro journal conservateur connu pour ses reportages et que lisait Jules Verne La r f rence aux five o clocks du XX Si cle le montre Le texte dresse d ailleurs un portrait assez logieux du journal qui est mieux inform que son reporter sur le terrain comme le montre le t l gramme de la page 149 Quoique ce soit ici en sa d faveur le narrateur ne manque d ailleurs jamais de faire valoir les inter ts de son journal qu il prend coeur par exemple lorsqu il souhaite page 178 que Faruskiar s y abonne Le XX Si cle constitue donc une sorte d arch type du grand journal qui est ici repr sent dans les relations de domination qu il entretient avec ses reporters il appara t en effet comme une instance de contr le distance Dans un premier temps on peut souligner que le reporter est sous la coupe de son journal qui lui donne des ordres de mission comme le montre l incipit du roman Toute affaire cessante la date du 15 courant Claudius Bombarnac se trouvera au port Ouzoun Ada littoral est de Caspienne L prendra train direct Grand Transasiatique entre fron
6. Cette pr publication source importante de revenus financiers pour les crivains du XIX si cle tait d ailleurs la structure fondamentale de diffusion du roman populaire sous la forme du feuilleton en constituant m me quelquefois le cadre m me de la r daction rythm e par la p riodicit du journal On sait jusqu quel point pour des uvres comme celle d Eug ne Sue par exemple cette confrontation du texte son public pisode par pisode a pu agir au jour le jour sur l criture m me du r cit 134 Idem p 110 135 La correspondance montre que l auteur ne cesse de retravailler ses textes avant de les donner l diteur puis en suivant ou non les avis de ce dernier et enfin en corrigeant et recorrigeant les preuves que ce dernier lui fait envoyer 136 Correspondance in dite de Jules Verne et Pierre Jules Hetzel 1863 1886 op cit p 182 c est une lettre du 10 novembre 1872 137 Idem p 185 c est une lettre du 24 novembre 1872 40 En ce qui concerne Claudius Bombarnac il y a assur ment eu en concertation avec l diteur une tape de relecture du texte avant sa reprise en volume comme en t moignent ces deux lettres le 19 octobre 1892 Louis Jules Hetzel crit Je suis d sol de ce que vous me dites des fautes du Soleil mais h las Je n y puis rien car vous savez combien nous sommes fautifs la maison malgr mes efforts d s sp r s pour obtenir que les employ s
7. P kin nombre d l ments documentaires se retrouvent d ailleurs d un texte l autre par exemple l habitude des Chinois de croquer des graines de past ques ce qui peut laisser penser que l auteur a r utilis les m mes sources ou s est servi de ses propres crits comme de sources Quoi qu il en soit l uvre de Jules Verne appara t de ce fait comme un tout coh rent qui rend compte de la diversit du globe en l unifiant dans une vision coh rente et lisible r pondant ainsi aux injonctions de son diteur Enfin les m thodes de travail de Jules Verne laissent entrevoir un crivain qui crit avec beaucoup de discipline son travail proc de en effet d une r daction programmation sc narique pour emprunter une expression de la critique g n tique Pierre Marc de Biasi d finit ainsi cette forme de travail qui s oppose l criture structuration r dactionnelle d un Stendhal 43 Bruno B GUET dir La Science pour tous Sur la vulgarisation scientifique en France de 1850 1914 Paris Biblioth que du conservatoire national des arts et m tiers 1990 p 151 44 Daniel COMP RE in Jules Verne Ecrivain Gen ve Droz 1991 parle d un quadrillage syst matique du globe p 38 qu il consid re comme une r gle d criture contraignante et f conde 45 Voir le classement des romans par aires g ographiques que propose Jean Yves TADI dans le chapitre qu il consacre Jules Verne dans
8. cordes de cuivre pinc es avec une plume de tchianouris violons dont on joue verticalement de dimplipitos esp ces de cymbales qui cr pitent comme la gr le sur les carreaux de vitre 193 Jean Yves TADI Regarde de tous tes yeux regarde op cit p 44 58 surtout par allusions et le contexte historique ne joue pas un r le tr s important dans l intrigue Le narrateur fait principalement r f rence des v nements dans lesquels l Asie centrale appara t comme un lieu de la mobilit un carrefour o se rencontrent les peuples il se focalise sur des moments phares dans une perspective d histoire bataille C est ainsi qu on note des r f rences assez pr visibles aux grands conqu rants m di vaux qui ont marqu l Europe par la rapidit avec laquelle ils ont constitu leurs empires Attila Tamerlan Gengiz Khan On remarque galement un grand nombre d allusions plus ou moins d velopp es la g opolitique de la r gion au XIX si cle et en particulier la colonisation russe qui a partie li e avec l installation des chemins de fer en Asie centrale par exemple Le major Noltitz reprend alors la conversation en indiquant les incontestables avantages du Grand Transasiatique au point de vue des relations de commerce entre l Asie et l Europe de la s ret et de la rapidit des communications Les anciennes haines disparaissent peu peu devant l influence europ enne C
9. la pr sence d une subjectivit qui tient la plume comme page 120 Nous sommes entre nous et par nous J entends mes num ros les plus sympathiques le choix de l adjectif axiologique euphorique sympathiques renforc par le superlatif laisse clairement entendre la voix d un narrateur De plus le je se pr sente souvent comme le repr sentant d une communaut en particulier celle des 382 reporters ou des Fran ais dont il se fait ainsi le porte parole les propos qu il tient sont globalement assez peu originaux Son go t pour les proverbes les lieux communs et les types 381 Par exemple la toute fin du r cit quand le narrateur rassure ses lecteurs sur le sort de Kinko qui sera graci Que les lecteurs du XX Si cle ne s apitoient pas sur le sort de Kinko Duss je y perdre cent lignes de reportage j aime mieux dire d s pr sent que tout s est arrang 382 On peut citer les appositions Moi Fran ais p 9 et moi un reporter p 17 383 Il en cite plusieurs qui participent la construction de la couleur locale Dans la mesure o le narrateur les mentionne ils peuvent appara tre comme r v lateurs de son rapport au langage en citant des discours pr con us il laisse la langue parler travers lui Cela tient sans doute ce qu il faut six Juifs pour tromper un Arm nien dit un proverbe local p 10 On conna t ce proverbe de
10. criture entre le pr publication et la publication Par ailleurs en ce qui concerne d autres romans on trouve dans la correspondance la trace de ce nouveau travail de correction si on prend l exemple du processus de publication du Tour du Monde en quatre vingts jours on lit ainsi Vous servez vous de la composition du Temps pour le volume in 12 du Tour du Monde en 80 jours Oui sans doute Je vous en prie bien faites moi envoyer l preuve du texte remani il y a quelques fautes que je tiens absoluement faire disparaitre Quelques jours plus tard Jules Verne crit nouveau son diteur Je vous renvoie tout ce que j ai re u du volume in 12 du Tour du Monde en 80 jours mais il est indispensable que je re oive une 2e preuve J ai fait des changements importants entre autres des changements d heures pour me conformer aux indicateurs et si je ne revois pas cela il peut en r sulter des grosses erreurs Je vous en prie instamment mon cher Jules faites moi envoyer une 2e preuve je vous la renverrai par le courrier m me et ne vous retarderai point Je compte bien sur vous pour cela L auteur semble donc reprendre nouveaux frais le travail de correction et de recorrection men au moment du premier tablissement du texte avant sa pr publication au moment de publier le roman en volume Rouletabille publi s la m me ann e 133 Pierre Marc de BIASI G n tique des textes op cit p 109
11. des traits sociaux et notamment professionnels par exemple une de ces camarades de th tre qui ne sont ni minaudi res ni mauvaises langues enfants de la balle pour la plupart n es on ne sait o et m me on ne sait comment mais bonne fille p 82 Qui dit derviche dit mendiant et qui dit mendiant voque le type le plus achev de la salet et de la fain antise p 136 ou encore en bon reporter je ne voulais dormir que d un il et sur une seule oreille p 19 Ils sont r guli rement corr l s des types nationaux dans des expressions comme cet air sui generis des officiers de la landsturm que menace une ob sit pr coce p 31 le traveller anglo saxon p 13 cette gr ce qui distingue les Russes de condition p 51 ces honn tes d bitants de Bibles un de ces missionnaires yankees fourr s sous la peau d un n gociant tr s habiles en affaires p 188 On notera que l articulation entre la connotation associ e la nationalit heurte parfois celle li e la profession c est visible lorsqu il est question des membres des administratifs alors qu en g n ral le roman donne une image plut t positive des Russes et des Chinois on peut lire ce fonctionnaire farouche qui comme tous ceux de la Sainte Russie me para t doubl d un gendarme p 6 et C est un Chinois dans toute l acceptation du mot et capable de toutes les chinoiseries administratives un fonctio
12. repris par l anaphore Ayez donc appris quatre occurrences p 5 les expressions si soigneusement not es sur mon carnet de reporter et apr s avoir si soigneusement potass ma G orgie p 5 font signe vers une forme de bachotage studieux on remarque l adverbe soigneusement renforc par l intensif si Au fil du r cit le narrateur mobilise d ailleurs des fins essentiellement pratiques de nombreuses connaissances g n rales ou plus techniques en histoire en botanique dont le lecteur suppose qu elles lui viennent de ce travail pr paratoire il s agit d abord et avant tout de produire de la copie puisque le reporter est pay la ligne Ce passage de la page 5 dans lequel le narrateur fait montre de sa capacit mobiliser ses connaissances pour densifier son texte t moigne de cette dimension utilitaire du savoir Ainsi apr s avoir si minutieusement potass ma G orgie voici qu un ukase m oblige l abandonner Et je n aurai pas m me le temps de visiter le mont Ararat l endroit o s est arr t e au quaranti me jour du d luge l arche de No ce chaland primitif de l illustre patriarche Et il faudra renoncer publier mes impressions d un voyage en Transcaucasie perdre mille lignes de copie tout le moins et pour lesquelles j avais ma disposition les trente deux mille mots de notre langue actuellement reconnus par l Acad mie Fran aise L apposition ce ch
13. ve TH RENTY ce passage des Lettres d Alphonse Karr publi es dans Le Figaro Paris 11 janvier 1866 illustre la tonalit grivoise Une tr s grosse femme montrait l autre jour de vastes paules avec une g n rosit dont quelques hommes qui ne 120 lorsque la censure emp che la production d un contenu plus politique par exemple sous le Second Empire notamment sous la forme des nouvelles la main Certains passages de Claudius Bombarnac peuvent tre rapproch s de celles ci dont ils transposent l esprit ironique dans le cadre du roman Le d ner est gai et bon Nous apprenons alors quelle est la quatri me r gle formul e par Cornaro noble V nitien dans le but de d terminer la juste mesure du boire et du manger Pan Chao a pouss le docteur ce sujet et Tio King lui r pond avec un s rieux v ritablement bouddhique Cette r gle est fond e dit il sur ce qu on ne peut d terminer une m me quantit de nourriture proportionn e chaque temp rament cause de la diff rence des ges des forces et des aliments de diverses sortes Et pour votre temp rament docteur demande M Caterna que vous faut il Quatorze onces de solide ou de liquide Par heure Non monsieur par jour r pond Tio King et c est cette mesure que s en tint l illustre Cornaro d s l ge de trente six ans ce qui lui laissa assez de force de corps et d esprit pour crire son quatri me trait
14. 205 203 Pierre MACHEREY Pour une th orie de la production litt raire op cit p 206 204 Le probl me de l ad quation des formes et de l acc l ration li e des d couvertes techniques est tr s pr sente chez les avant gardes du tournant du si cle notamment chez les futuristes ou chez Apollinaire 62 c Une discr te anticipation le Grand Transasiatique Le m lange d une r f rentialit revendiqu e et d un romanesque pouss jusqu l anticipation font souvent consid rer Jules Verne comme le p re ou le grand p re de la science fiction Mais si le caract re d anticipation scientifique et qui adopte donc les apparences de la r f rentialit est vident dans certains romans en particulier ceux qui traitent des voyages dans l espace comme De la Terre la Lune 1865 c est moins net dans Claudius Bombarnac dans la mesure o le lecteur moderne est peu au fait des dates de construction des lignes de chemin de fer en Asie centrale et se rend donc difficilement compte que plus de la moiti du roman repose sur un postulat fictif Revenons dans un premier temps sur ces l ments fictifs qui tirent discr tement le roman du c t de l anticipation d finie par G rard Klein comme la description litt raire sous forme de fiction d un monde de l avenir substantiellement diff rent du pass et du pr sent Le temps cesse d tre le lieu de la r p tition des actes de l histoire pour devenir celui de
15. En v rit si je ne tire pas cent lignes de cet incident je n entends rien mon m tier p 159 Par ailleurs le roman donne quelques indications sur la phase de textualisation du reportage le texte explicite ainsi les caract ristiques stylistiques du travail du reporter lequel a la possibilit d utiliser un vaste lexique j avais ma disposition les trente deux mille mots de notre langue actuellement reconnus par l Acad mie Fran aise p 7 additionn de termes trangers dont le narrateur se pla t user voire abuser c est particuli rement manifeste dans les pages qui pr c dent cette d claration qui appara t donc comme un peu ironique Le reportage est galement repr sent comme un texte assez travaill sur le plan formel on lit ainsi Aussi ce brave num ro 11 avec les amplifications antonymies diaphores pitases tropes m taphores et autres figures de cette sorte je le parerai je le grandirai je le d velopperai p 64 On soulignera d ailleurs que le travail r dactionnel et en particulier les images et la pr cision descriptive n ont pas seulement un objectif esth tique il pr sente galement et semble t il surtout un int r t financier pour le reporter pay la ligne comme en t moigne la m taphore du torrent r mun rateur des phrases descriptives p 11 De plus on peut se demander quel point le romancier ne tourne pas ici en d rision une litt rature m d
16. La narration est en effet enti rement la premi re personne du singulier avec une focalisation interne qui ne rend compte que de la perspective du narrateur et la situation de communication est visible Il y a bien s r des modalisateurs comme ce modalisateur temporel page 156 La c l bration du mariage ne doit avoir lieu que demain dans la sans que les spectateurs ne se doutent de rien le narrateur crit au chapitre 14 Quel effet sur le public Toute cette r alit m l e aux fictions de la pi ce cela tait de nature troubler les plus fermes esprits Il n est m me pas bien s r qu une partie des spectateurs n ait pas cru que les Brigands de la For t Noire n avaient jamais eu d autre d nouement 130 matin e Le pr sent sert de p le organisateur au texte et la narration se fait de mani re chronologique sauf en ce qui concerne quelques tr s petites anticipations temporelles Elles ne d cr dibilisent pas la th se du carnet de notes lequel pourrait l instar du journal intime tre tenu au jour le jour mais r dig la fin de la journ e qui est alors ma tris e dans son int gralit Pourtant travers la forme du discours le r cit mode le plus fr quent dans le roman s insinue sans cesse puisque le narrateur cherche raconter une histoire avec une trame chronologique qui suit la progression du train Les tr s nombreux passages rapportant des paroles la plupart du temps au
17. XXI le premier num ro est sorti pour l hiver 2008 et il y en a quatre par an qui incluent chacun un reportage sous forme de bande dessin e ou Usbek et Rica le magazine qui explore le futur trimestriel 19 L ouvrage de Matthieu Letourneux consacr au roman d aventures tudie pr cis ment la p riode 1870 1930 qui constitue la phase de d finition et de pleine application des codes g n riques Matthieu LETOURNEUX Le Roman d aventures 1870 1930 Limoges PULIM 2010 20 Pour un roman qui se d roule l tranger le contexte g opolitique et id ologique est prendre en compte 7 dans le cadre d un discours sur l Autre marqu par une st r otypie essentialiste tr s visible et qui heurte parfois la sensibilit moderne Mais comme l crit Henri Mitterand Le texte du roman ne se limite pas exprimer un sens d j l par le travail de l criture il produit un autre sens il modifie l quilibre ant rieur du sens il r fracte et transforme tout la fois le discours social c est ainsi que Claudius Bombarnac fait montre d une certaine productivit discursive en proposant la vision d une Asie centrale en pleine modernisation La place de l anticipation dans le roman est galement appr hender dans cette logique romanesque de production de sens Ce travail interrogera donc le roman en tant que produit de la civilisation du journal En effet si la presse est assez bien repr sent e da
18. atrice Didier le montre dans la conclusion du Journal intime op cit 396 Insertion qui se manifeste par le titre le sous titre la collection selon les uvres comme le souligne Daniel COU GNAS in Introduction la paralitt rature Paris Le Seuil 1992 397 Cette dialectique qui fait de la lecture s rielle une activit essentiellement ludique dont le plaisir chappe aux non initi s qui ne ma trisent pas suffisamment les codes du genre pour se d lecter des subtiles variations qui font le plaisir les habitu s a t analys e par Juliette RAABE dans son article La s rie comme syst me ludique in Paul BLETON dir Armes larmes charmes op cit 398 Les sc nes de bo tes au contenu myst rieux se r p tent propos des caisses transport s par Fulk Ephrinell mentionn es pour la premi re fois p 16 dont on apprend qu elles contiennent des dents artificielles la page 26 puis de la caisse de Kinko dont l occupant appara t la page 111 alors que le contenant fait sa premi re apparition page 30 et enfin avec le wagon mortuaire qui rejoint le train page 73 et dont on d couvre page 147 qu il transporte en r alit un tr sor et non le cadavre d un dignitaire chinois A chaque fois les interrogations du narrateur propos de ces bo tes cr ent du suspense lequel va crescendo mesure que les bo tes grandissent d une part et que leur 135 l inverse les personnages sont globalement sans myst re
19. de la fin du XIX si cle aux ann es 1930 Le Temps des m dias 2007 1 n 8 p 118 129 DOI 10 3917 tdm 008 0118 c Dans son interaction avec la litt rature Guillaume PINSON Tintin avant Tintin origines m diatiques et romanesques du h ros reporter tudes fran aises vol 46 n 2 2010 p 11 25 URI http id erudit org iderudit 044532ar DOI 10 7202 044532ar Nathalie PREISS Pour de rire La blague au XIX si cle ou la repr sentation en question Paris PUF 2002 Marie ve TH RENTY et Alain VAILLANT dir Presses et Plumes Journalisme et litt rature au XIX si cle Paris Nouveau monde ditions 2004 Marie ve TH RENTY La Litt rature au quotidien Po tique journalistique au XIX si cle Paris Seuil Po tique 2007 Marie ve THERENTY De la nouvelle la main l hsitoire dr le h ritages des sociabilit s journalistiques du XIX si cle Tangence num ro 80 hiver 2006 pp 41 58 http id erudit org iderudit 01354Sar Site M dias 19 http www medias19 org S Sur la vulgarisation scientifique Bruno B GUET dir La Science pour tous Sur la vulgarisation scientifique en France de 1850 1914 Paris Biblioth que du conservatoire national des arts et m tiers 1990 159 Bernadette BENSAUDE VINCENT Un public pour la science l essor de la vulgarisation au XIX si cle R seaux 1993 volume 11 n 58 pp 47 66 doi 10 3406 reso 1993 2304 u
20. galement que le narrateur insiste beaucoup sur la micro soci t que constituent les passagers du train on lit par exemple le moment est venu d entrer en relation plus intime avec 276 Mich le RIOT SARCEY Thomas BOUCHET et Antoine PICON dir Dictionnaire des utopies op cit p IX 277 Laurent LOTY Science et politique en fiction in Mich le RIOT SARCEY Thomas BOUCHET et Antoine PICON dir Dictionnaire des utopies op cit p 210 92 le seigneur Faruskiar Peut tre sera t il moins ferm pr sent qu il ne voyage plus incognito Nous sommes ses administr s pour ainsi dire Il est comme le Maire de notre bourgade roulante et un Maire se doit ceux qu il gouverne p 142 ou il est convenu que le major abandonnera sa place du troisi me wagon pour en venir occuper une c t de la mienne l int rieur du premier Nous tions d j deux habitants de la m me ville eh bien nous deviendrons deux voisins dans la m me maison ou plut t deux amis dans la m me chambre p 60 Cette communaut fonctionne comme une soci t en r duction d autant qu elle rassemble des personnes de classes sociales diff rentes des aristocrates le baron Weissschnitzed rfer sir Treveyllan des membres des couches interm daires le major Nolitz le narrateur et populaires de la soci t Kinko le couple Caterna La plupart des aspects de la vie sociale y sont repr sent s les affaires avec les deux r
21. in Librairie de jeunesse et litt rature industrielle au XIX si cle Paris Honor Champion 2006 p 580 581 100 Pour autant Claudius Bombarnac n appara t pas v ritablement comme un personnage exceptionnel ou particuli rement h ro que Le lecteur sait peu de choses de son caract re ce qui est li la narration personnelle l auteur ne peut proposer un portrait d taill de son personnage pour des questions de vraisemblance puisque le texte est suppos tre le contenu du carnet d un reporter donc un document priv l usage de celui qui le r dige quelques traits mergent toutefois Outre sa bonne humeur qu il souligne lui m me moi j ai un naturel heureux p 28 qui a d ailleurs partie li e avec sa sociabilit il aborde tour tour tous les autres voyageurs on note galement chez Claudius Bombarnac une apparente conscience professionnelle on verra que si elle est revendiqu e cette qualit est nuancer dans les faits Pendant ma promenade une pens e m obs de si le voyage allait s accomplir sans que j en pusse rien tirer pour mon journal La direction m en rendrait responsable et elle aurait raison Quoi pas une aventure de Tiflis P kin Ce serait ma faute videmment Aussi suis je d cid tout pour viter un tel malheur p 35 Le reporter qui est en train de se constituer en personnage type dans les productions de la Belle poque et dont Jules Verne explore i
22. n ration plus focalis e sur les grands travaux que sur la logique utopique tant ami avec F lix Nadar qui fut le secr taire de Ferdinand de Lesseps et grand lecteur des journaux d douard Charton Le Magasin pittoresque et Le Tour du Monde Cette impr gnation saint simonienne de l uvre de Jules Verne est visible notamment dans la probl matique r currente de l appropriation et de la ma trise de la nature qui adopte la forme d une mise en valeur par l homme Dans Claudius Bombarnac cette probl matique est bien s re illustr e par la pr sence du Grand Transasiatique et par ses cons quences en terme d am nagement du territoire comme le montre ce passage ces plantations de saksaouls les ing nieurs de la ligne ont joint en divers endroits certains rev tements de terre glaise pilonn e et le long des parties les plus menac es d envahissement une ligne de palissades p 52 et de d veloppement conomique par exemple quand il est question de la foire de Taschkend au chapitre XIV Cet cho du socialisme utopique 7 appara t galement dans les modalit s de cette conqu te du monde les saint simoniens et en particulier leur chef de file Enfantin d fendent une colonisation ordonn e laquelle font cho nombre de romans de Verne dans lesquels ce sont des militaires qui prennent la t te de ce mouvement de colonisation qui dirigent la mise en valeur des terres nouvelles et qui org
23. paysantes qui s inscrivent dans une qu te du pittoresque rappelle les pratiques des r cits de voyage Elles sont fort jolies ces Asiatiques avec les longues tresses de leurs cheveux les chevrons transversaux de leurs corsages leurs robes de dessous vives couleurs relev es de dessins chinois en soie de Khotan leurs bottes brod es hauts talons leurs turbans de coquette forme sous lesquels apparaissent des cheveux noirs et des sourcils r unis par un trait p 145 Cette description qui semble prise sur le vif avec son double mouvement le regard part de la t te aux pieds puis remonte contribue faire passer le roman pour un v ritable r cit de voyage l ancienne D autres descriptions rel vent quant eux de la sc ne faire comme les vocations de bazars Ces passages valeur didactique qui renvoient l image d une Asie centrale traditionnelle semblent heurter de front les principes du reportage lequel est plut t motiv par l v nement et s inscrit beaucoup plus dans le temps court de l actualit et apparenter le texte au r cit de voyage ou un roman naturaliste toutefois il faut souligner que le reportage parfois recourt galement ce type de mise en sc ne ainsi que le souligne Marie ve Th renty Dans le reportage la description pittoresque s intercale comme un pis aller dans les blancs de l actualit et signale les failles du reportage voire sa faillite Ces passages
24. qu est le journal plut t qu des codes g n riques propres chaque rubrique c est ainsi que le propos du narrateur reporter ne cesse de souligner que son lecteur recherche avant tout dans le reportage donc ce que Claudius Bombarnac doit produire ce qu il trouve dans le feuilleton Les plaintes du narrateur qui ne consid re finalement son voyage comme d cevant que parce qu il ne ressemble pas ce qu il recherche pour tre en mesure de r pondre aux attentes du lectorat vont dans le m me sens En somme je ne demande pas des accidents de voyage non rien que de petits incidents dignes du XXe Si cle p 42 Dans cette perspective le personnage appara t alors 404 des comme un double du lecteur s riel qui en lisant cherche moins conna tre qu reconna tre sch mas narratifs connus et un peu modifi s Si l on suit cette hypoth se le roman semble mettre en vidence l id e que la constitution de l horizon d attente d un lecteur de la fin du XIX si cle est fait d un m lange de lectures qu il n y a pas v ritablement de cloisonnement entre les attentes vis vis de la fiction et d un texte suppos enti rement r f rentiel et vrai comme le reportage puisque dans le r el Claudius Bombarnac se plaint du manque du romanesque notamment lorsqu il crit page 56 Mais ce n est pas en leur compagnie que je trouverai le h ros romanesque objet de mes d sirs Bien s r ce discours est biais dan
25. reconnaissables leurs costumes la mode europ enne D autres gravures qui repr sentent des sc nes spectaculaires ou romanesques le combat contre les bandits ou le mariage des deux repr sentants de commerce rappellent plut t les illustrations des romans d aventures et contribuent l inscription de Claudius Bombarnac dans ce genre Quant aux illustrations r alis es 443 par Henri Faivre pour Hachette elles sont moins nombreuses et moins riches de sens si celle de la page de titre montre le reporter crivant dans un carnet les autres s attachent principalement pag p p p 445 rendre des sc nes d action le baron allemand courant apr s son chapeau Faruskiar abattant la 435 Idem p 183 436 Ce d tail est absent du texte dans lequel les probl mes de vue sont apparemment r serv s des personnages dont ils soulignent le caract re monomaniaque Miss Bluett et le baron Weissschnitzerd rfer 437 Des croquis pouvaient figurer dans des articles en particulier ceux consacr s des crimes comme le montre Elsa DE LAVERGNE in La Naissance du roman policier fran ais Du Second Empire la Premi re Guerre mondiale Paris Classiques Garnier 2009 on en rencontre galement dans certains romans populaires notamment policiers tels que Le Myst re de la chambre jaune de Gaston Leroux 438 Par contre dans certains r cits de voyage figurent des portraits de leurs auteurs dans le second volum
26. ro sme qui les a sauv s lorsque Faruskiar a cherch jeter le train dans un ravin pour s emparer du tr sor Or c est l intervention de journaux chinois qui sauve le jeune Roumain gr ce une efficace campagne de presse Le roman montre bien la puissance de la presse dont il salue ici la capacit se montrer plus humaine que l administration laquelle est 320 Dans le volume les trois t l grammes sont en italiques 321 Par exemple dans ce passage de la page 93 amp Si je disais aux lecteurs du XX Si cle que j ai visit les cent coles de la ville ses trois cents mosqu es presque autant de mosqu es qu il y a d glises Rome ils ne me croiraient pas malgr la confiance que m ritent incontestablement les reporters Aussi m en tiendrai je la v rit vraie 322 Cette image peut galement tre lue comme une r f rence discr te au New York Herald qui est d ailleurs mentionn page 14 puisque la trompette est galement l attribut professionnel du h rault herald en anglais or on sait que Jules Verne avait une certaine admiration pour le mod le am ricain de la presse incarn par ce journal et en particulier par son dirigeant James Gordon Bennett au point de lui consacrer une nouvelle d anticipation La Journ e d un journaliste am ricain en 2890 323 L expression qui d signe les m dias de mani re canonique voire galvaud e a t employ e l origine par Alexis de Tocqueville d
27. se relier avec le Transcaspien travers la Chine et le Turkestan chinois Et il a sagement agi ajoute le major Avec les Anglais c tait seulement l Inde reli e l Europe Avec les Russes c est le continent asiatique desservi tout entier p 97 98 De m me ce passage quoique tout impr gn d un racialisme caract ristique de l poque donne une image somme toute tr s positive des Chinois Ces Chinois ne sont pas des agents moins experts que les n tres et ils font d excellents m caniciens Il en est de m me des ing nieurs qui ont tabli tr s habilement la voie travers le C leste Empire C est coup s r une race tr s intelligente tr s apte aux progr s industriels cette race jaune Je le crois major puisqu elle doit un jour devenir ma tresse du monde apr s la race slave s entend p 71 261 G rard SIARY r sume Trois Chine sont en effet distinguer dans les r cits de Jules Verne la Chine des grands espaces qu il balise la suite des grands voyageurs la Chine pittoresque dont il diffuse la vulgate la Chine de paravent qu il raille la Chine moderne qu il exalte Chine des grands espaces et Chine pittoresque ne sont pas n cessairement associ es Chine de paravent et Chine moderne Le premier couple rel ve de l inventaire puiser Le second d une vision de la Chine qui structure le r cit sans peser sur la description de r f rent dans son article
28. sente Claudius Bombarnac n effectue pas de voyage int rieur en parall le son itin raire en Asie centrale il n est pas vraiment diff rent la fin de son p riple m me si l explicit du roman laisse entendre qu il a gagn quelques amis au cours de l aventure Le mod le du r cit de voyage appara t donc surtout dans son jeu avec le reportage qu il compl te parfois il fournit de la mati re en cas de manque de p rip tie et contribue planter le d cor mais avec lequel il entre en tension dans la mesure o les rythmes des deux genres sont diff rents le r cit de voyage rend compte des l ments qui appartiennent au temps long de l histoire et se veut un cho fid le de la moindre anecdote tandis que le reportage plus ancr dans la modernit se focalise sur des LO r r 2 r or r 3 v nements pr cis th matis s et mis en sc ne selon des m thodes proches de celles de la fiction b Les mod les m diatiques une po tique emprunt e la presse Le sous titre du roman Carnet d un reporter fait imm diatement penser que la presse est un des mod les narratifs du roman Mais si cette expression laisse supposer une dette du roman l gard du reportage on peut aussi s interroger sur les influences de la presse en g n ral sur le texte et en particulier sur sa po tique D abord tout le roman para t marqu par une certaine tonalit boulevardi re qui est le propre de la presse du XIX si
29. t son apog e entre 1858 et 1885 les Russes se concentrent sur l Asie centrale o ils progressent rapidement la prise de Merv en 1884 constitue un moment de grande tension car les Anglais s attendent voir les Russes s en prendre ensuite leurs possessions Herat tandis qu une nouvelle guerre oppose les Anglais et les Afghans qui demandent l aide des Russes lesquels refusent une confrontation directe avec leurs adversaires anglais il en ira de m me quand des r volt s indiens solliciteront une aide russe Puis le conflit se r sorbe progressivement entre 1885 et 1907 avec la fixation par trait des fronti res de diff rentes entit s territoriales et des zones d influence de chacune des puissances en Afghanistan en Iran au Pamir Ce conflit extr mement complexe dans ses enjeux comme dans ses m thodes appara t fr quemment dans Claudius Bombarnac au travers d allusions des temps forts de ce conflit comme Le Transcaspien faisant concurrence au chemin de fer qui fonctionne entre H rat et Delly D ailleurs les Anglais n ont pas t aussi heureux en Afghanistan que nous l avons t en Turkestan p 56 Ce passage rappelle les positions des Anglais en Inde et H rat ainsi que leurs checs r p t s en Afghanistan en 1838 et entre 1878 et 1880 suite une occupation brutale du pays les Anglais sont contraints de quitter les lieux De nombreuses remarques concernent la rivalit entre les Russes et les Ang
30. un public jeune Ces crit res sont d ailleurs rappel s dans l Avertissement de l diteur qu Hetzel signe en 1866 pour l dition en volume des Voyages et aventures du capitaine Hatteras dans le cadre de la cr ation de la collection des Voyages Extraordinaires qui r dite en grand format parfois avec des modifications textuelles et avec des illustrations les premiers romans de Verne Son but est en effet de r sumer toutes les connaissances g ographiques g ologiques physiques astronomiques amass es par la science moderne et de refaire sous la forme attrayante et pittoresque qui lui est propre l histoire de l univers De plus le didactisme de l uvre de Jules Verne en g n ral est fortifi par l horizon d attente li ses conditions d dition les ditions Hetzel dont Jules Verne est un des auteurs phares ont en effet un catalogue qui d termine pour partie la r ception de leurs publications La pr sence de textes comme Histoire d une bouch e de pain lettres une petite fille sur la vie de l homme et des animaux un immense succ s de Jean Mac paru originellement chez Dentu en 1861 et r imprim ensuite seize fois chez Hetzel souligne le choix d une ligne ditoriale empreinte d un didactisme qui se veut adapt l enfance Dans sa contribution La Science dans le livre pour enfants Dominique Diguet cite la pr face du Magasin d ducation et de r cr ation 1864 ducation r cr ation
31. voir un d placement qu il soit dans le temps ou dans l espace pr sentent galement de mani re plus ou moins explicite une confrontation avec l alt rit qui du moins dans un v ritable r cit de voyage peut adopter plusieurs modes Il existe donc au moins deux grands types de rencontre le premier incarn par un voyageur auto centr comme Chateaubriand implique un sujet qui ne d crit l autre que pour mieux marquer la distance qui l en s pare le second au contraire trahit un trouble de l identit chez celui l m me qui devrait rester ma tre 219 Jean CHESNEAUX Jules Verne Un regard sur le monde Nouvelles lectures politiques Paris Bayard 2001 p 266 67 du regard il repose sur la conscience qu acquiert le voyageur fran ais d appara tre son tour comme un r 220 tranger pour les Orientaux Dans le cas de Claudius Bombarnac qui est un r cit de voyage fictif le questionnement sur l identit para t moins pr sent peut tre parce que le texte ne na t pas d une rencontre in situ et la repr sentation des autres passe surtout par la mobilisation d une st r otypie massive Signalons dans un premier temps qu on peut r partir en deux grands groupes les Autres que rencontre le narrateur il y a d une part les populations locales d Asie centrale qui semblent faire partie du d cor et sont voqu es dans une logique la fois r f rentielle et pittoresque Objets de discours ces trang
32. 1840 et 1870 et qui ont de plus presque toutes t reprises entre 1875 et 1885 Toutes ces allusions au monde du spectacle vivant qui doivent certainement beaucoup au go t personnel de l auteur font signe vers un th tre succ s et de divertissement selon Robert Pourvoyeur on peut les analyser comme des contre points populaires aux nombreuses citations latines et comme telles assez litistes du narrateur Il est d ailleurs int ressant de constater que ces r f rences permettent la cr ation d une certaine connivence entre l auteur et son lectorat originel qui partage au moins en th orie la m me culture Robert Pourvoyeur souligne galement que leur mode d insertion dans le roman varie Quand la mani re d introduire les citations elle de pr sente de plusieurs fa ons diff rentes le placage d un v nement ext rieur non n cessaire au r cit mais permettant de placer l allusion comme par exemple la chute du baron Weissschnitzerd rfer l arriv e de la panth re etc la vue d un costume rappelant assez facilement un personnage Farukhiar un Tadjik etc l vocation de son pass par Caterna ou l ex cution d un morceau par le couple des com diens et enfin la citation illustrant directement le r cit On peut galement montrer que des effets de sens se d gagent du choc entre la r f rence dramatique et le roman la comparaison entre Faruskiar et Moral s un personnage ma
33. Bourdon Les cheveux sont g n ralement noirs ainsi que la barbe qui est tr s abondante Les yeux ne sont jamais relev s des coins et sont presque toujours bruns Le nez est tr s beau les l vres sont fines les dents sont petites Le front est haut large et l ensemble de la face est ovale p 104 La pr sence de cette note de bas de page les notes de l auteur tant rares il faut sans doute y voir un hommage particulier sa r f rence signale une autre lecture du narrateur 1 M l ing nieur Boulangier n oubliera pas qu il a fait l loge d un repas identique dans le r cit de son voyage p 79 Ces mentions d autres r cits de voyage qui apparaissent comme fiables semblent donc inscrire le roman dans la lign e de ce type de texte Alors que Claudius Bombarnac d plore la diff rence entre le monde et la fiction laquelle triomphe in fine il est int ressant de noter que la relation que le roman entretient avec ses r f rences est peu probl matis e le narrateur adh re pleinement aux propos des voyageurs dont il lit les relations de voyages Or Christine Montalbetti souligne que le r cit de voyage atteste le plus souvent de sa r f rentialit en citant mais pour les mettre distance d autres textes fictionnels ou non Si le mod le du r cit de voyage est ici si peu contest c est peut tre en raison de la logique didactique du roman vernien cherchant instruire le jeune lecteur comme le st
34. Claudius Bombarnac qualifie d ailleurs ce passage d int ressante conversation on pourrait alors penser que le major incarne le bon p dagogue puisque l adjectif employ par le narrateur est valorisant Par ailleurs dans une discussion sur Tamerlan provoqu e par une question de M Caterna p 102 le major parvient lier des connaissances pr cises avec des chiffres comme cent mille captifs des indications g ographiques et factuelles une grande culture g n rale sur les boiteux c l bres et un certain humour dans l association entre un trait physique la boiterie et l expression figur e faire du chemin On a d ailleurs l impression que le savoir du narrateur est second qu il n est que la transcription de celui du major on retrouve souvent des dispositifs visant lui attribuer le propos qui va suivre page 134 avec une citation au discours direct ou qui pr c de comme en ce qui concerne la faune pamirienne page 130 Dans une perspective m talitt raire qui assimile les fonctions du narrateur et de l auteur on pourrait voir dans ce processus une image du travail de transmission vernien les romans naissent de tout un travail pr paratoire de l auteur qui s est nourri de textes scientifiques qu il transpose dans ses fictions Pourtant comme souvent chez Jules Verne le savoir valoris et ins r avec art dans la forme romanesque est galement tourn en d rision le narrateur se moque ainsi d
35. Il s agit d une interview non sign e qui para t le 13 juillet 1902 dans la Pittsburgh Gazette sous le titre Jules Verne Says the Novel Will Soon Be Dead reproduite in Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 op cit p 178 pour la citation ci dessus 419 De plus m me si Jules Verne ne l voque pas on pourrait signaler le d veloppement de la photographie qui reproduite dans la presse peut venir concurrencer les descriptions du romancier au moins sur le plan purement documentaire 420 L insistance de Verne a tre publi dans la presse peut se lire comme une cons quence de son hypoth se concernant la disparition des romans en volume laquelle laisse place aux feuilletons D ailleurs dans La Journ e d un journalisme am ricain en 2890 le feuilleton d sormais diffus par t l phone existe toujours 421 Ce d veloppement est emprunt l intervention de Matthieu LETOURNEUX Anticipation et r trofuturisme g n rique pr sent e le 21 mars 2013 dans le cadre du s minaire du LIRE XIX si cle l universit Lyon 2 422 Bernadette BENSAUDE VINCENT crit dans Un public pour la science l essor de la vulgarisation au XIX si cle Le d clin qui s observe au d but du XX si cle aussi bien dans les p riodiques que dans les livres montre n anmoins la fragilit de la litt rature de vulgarisation En d pit des ambitions des auteurs et r dacteurs qui pr tendent toujours l originalit et l
36. Le Roman d aventures Paris PUF 1982 46 La plupart de ces reprises qui portent surtout sur des points de d tails qui cr ent des effets de r el sont signal s en note dans Claudius Bombarnac 47 Toutefois il n a semble t il pas repris ses travaux sur les voyageurs puisque aucune des exp ditions qu il raconte dans son Histoire des grands voyages et des grands voyageurs et en particulier dans le troisi me volume consacr au XIX si cle ne figure parmi celles qu il mentionne dans le roman On peut donc penser que les reprises de ses autres uvres romanesques rel vent surtout d une logique de connivence et de parodie 13 par exemple Il y a des crivains qui ne peuvent travailler qu avec un canevas pr cis selon le principe d une criture programmation sc narique criture programme qui anticipe sur la textualisation en lui assurant le guidage d un plan initial Flaubert et Zola travaillaient galement ainsi Jules Verne proc dait en effet par tapes successives une phase de documentation entra ne un travail de textualisation et d absorption progressive des sources tandis AN AIN 50 a re qu en parall le le romancier entame un processus d criture r criture qu il d taille ainsi J tablis d abord les grandes lignes de ce qui va constituer mon nouveau roman Je ne commence jamais un livre sans savoir ce que seront le d but le milieu et la fin Jusqu maintenant
37. Sib rie occidentale impressions de voyage d une parisienne par Marie de Ujfalvy Bourdon 1876 1878 et il est publi dans le premier volume du Tour du monde de 1879 pages 1 96 http gallica bnf fr ark 12148 bpt6k344107 f4 image et dans le second pages 49 97 http gallica bnf fr ark 12148 bpt6k344119 f52 tableDesMatieres 17 fait le couple Ujfalvy Bourdon et cette perspective correspond mal l image que donne le roman d une r gion qui entre lentement dans la modernit De plus l itin raire du voyage du couple Ujfalvy Bourdon ne recoupe que tr s partiellement celui de Claudius Bombarnac Toutefois la pr cision des descriptions compl t es par des gravures et les longs passages historiques ont certainement permis Jules Verne de planter le d cor de son histoire la plupart des r f rences aux Impressions de voyage d une Parisienne apparaissent dans des passages descriptifs vocation des maux d une mosqu e de Samarcande des caract ristiques physiques des Tadjiks de la platitude de la steppe Certains passages du roman semblent galement avoir t emprunt s ce r cit de voyage notamment celui qui concerne Khodjend que Jules Verne voque la page 119 et dont Marie de Ujfalvy Bourdon crit Au jour Khodjend nous apparut dans toute sa splendeur elle est situ e sur le bord du Syr Daria dans les eaux duquel les montagnes hautes et glac es du Mogol Tag baignent leur pied Ces montagnes sembl
38. Unis avait envoy la reine Victoria pour inaugurer le c ble transatlantique 27 On peut ici se reporter aux images qui accompagnent l article pr c demment cit de Christian Robin 28 Ce dont il faudra tenir compte dans l analyse cette absence de connaissance directe du m tier de reporter explique peut tre en partie que ce soit le mod le de l crivain en manque d inspiration qui transparaisse dans la figure de Claudius Bombarnac 29 On peut les lire dans Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 r unis et comment s par Daniel COMP RE et Jean Michel MARGOT Gen ve Slatkine 1998 30 C est d ailleurs le caract re romanesque du r cit que retient Blaise Cendrars grand lecteur de Jules Verne la Prose du Transsib rien et de la petite Jehanne de France contient une allusion voil e Claudius Bombarnac Nous avions vol le tr sor de Golconde Et nous allions gr ce au transsib rien le cacher de l autre c t du monde Je devais le d fendre contre les voleurs de l Oural qui avaient attaqu les saltimbanques de Jules Verne in Blaise Cendrars Du Monde entier Paris Gallimard 1947 p 30 9 l intrigue et le reportage r el ou fictif Avec Le Voleur d enfants reportage sensationnel qui para t en 1906 en feuilleton dans Le Matin Louis Forest propose un excellent exemple de ces fictions d actualit tout le texte est constitu de faux articles refl tant la diversit du contenu d un v ritable
39. agit de listes et assez inv rifiables soit qu ils apparaissent sous forme n gative comme s ils n avaient plus v ritablement leur place dans le roman Au chapitre I le long passage de d finitions scand de ayez donc appris comme plus loin les descriptions de villes que le narrateur ne visite pas semblent symptomatiques d un savoir qui ne se sent plus tr s l gitime dans le r cit Par ailleurs la relative bri vet du roman son go t pour les effets parodiques et m talitt raires semblent galement prendre acte de la crise que traverse le roman scientifique D ailleurs il est int ressant de noter que l autre roman de Verne publi en 1892 Le Ch teau des Carpathes est galement assez diff rent du reste de la production vernienne en ce qu il s apparente une certaine veine fantastique voire gothique m me si les ph nom nes tranges re oivent une explication de type scientifique comme s il s agissait encore de renouveler le roman par la reprise et l adaptation parodiques des proc d s d autres sous genres Forme hybride int grant des l ments du roman de vulgarisation scientifique du roman d aventures du reportage du carnet de travail de l crivain et du r cit de voyage Claudius Bombarnac est travers par les probl mes qui se posent au roman de la fin du XIX si cle C est donc un texte de l entre deux tiraill entre plusieurs genres et qui peine se positionner Sa pi tre et l impute un
40. aucun inconv nient jouer un colonel des chasseurs d Afrique et marquis de vieille noblesse fran aise en costume japonais Un jour Perpignan j ai jou le colonel de Mont clin de la Closerie des Gen ts en tenue d officier japonais Et ce qu il a t applaudi ajoute Mme Caterna p 124 L image de la France et des Fran ais est donc loin d tre si valorisante que ce que laisse penser la mobilisation massive d une st r otypie globalement d pr ciative l gard des autres nations si le texte peut la rigueur tre qualifi de patriotique il est loin du chauvinisme Jules Verne crit d ailleurs dans sa correspondance qu il r ussissait assez mal les personnages de Fran ais et Jean Chesneaux d ajouter M me quand ils se faufilent au centre de l intrigue romanesque au point de lui donner son titre les Claudius Bombarnac les Clovis Dardentor les C sar Cascabel les Jean Marie Cabidoulin des noms qui font intentionnellement sourire sont plut t des d brouillards un peu poseurs et un peu h bleurs tr s II R publique Aucun Fran ais n atteint jamais dans le cycle des Voyages la d termination 255 prom th enne et la passion faustienne d un Hatteras d un Nemo d un Cyrus Smith d un Lidenbrock Ce roman pr sent comme le produit d un narrateur homodi g tique propose une repr sentation de l Autre plus complexe qu une st r otypie massive et souvent la limite d
41. cinquante cinq sont assez int ressantes d abord elles montrent 7 PES 5 x E 434 Claudius Bombarnac en reporter Il est ainsi repr sent en train d crire dans un carnet attribut symbolique du journaliste cette image fait d ailleurs cho au texte puisque comme lui elle figure le reporter l uvre De m me l importance du t moignage direct et de l exp rience personnelle 431 Le premier volume mettant en sc ne Lavar de date de 1894 la s rie des Aventures de Rouletabille commence en 1907 et celle de Fantomas en 1911 432 Guillaume PINSON d crit tr s bien cet apparent paradoxe des romans de reporters dont les h ros n exercent jamais leur profession ils semblent constituer un type romanesque Dans les deux cas d signations du reporter et indices du reportage et compte tenu de l absence peu pr s compl te de mise en sc ne du journaliste en train d crire ses reportages le statut du h ros comme reporter au sein de son univers fictif ne se comprend qu en vertu d un rapport un hors texte de r f rence un contexte social et institutionnel plus ou moins fix o le reporter fictif va puiser la motivation implicite de certaines de ses qualit s Tintin avant Tintin origines m diatiques et romanesques du h ros reporter tudes fran aises vol 46 n 2 2010 p 11 25 ici p 18 433 Elles figurent galement dans Jules VERNE Claudius Bombarnac Le Pilote du Danube pr fac
42. conciliables Une grande tension entre r f rentialit et s rialit traverse tout le roman le reportage et le roman d aventures s opposent en effet sur la question de la m diatisation du rapport au monde Le roman vernien est certes n cessairement d pendant de ses sources l auteur ne conna t pas par lui m me son sujet et ce d autant plus qu une bonne partie est fictive mais il n y a aucune tentative pour cacher le caract re intertextuel du propos au contraire le narrateur se pla t citer ses lectures suivant une pratique habituelle dans les r cits de voyage La mobilisation massive de st r otypes caract ristique du roman d aventures qui campe ainsi son d cor peu de frais partir de la ma trise des codes du genre par le lectorat pose le m me probl me en th orie le reportage se doit de faire table rase des pr suppos s et de cr er une image de son objet nouveaux frais partir de la seule exp rience du reporter De m me la perspective didactique impos e pour partie par des contraintes ditoriales se heurte la logique parodique Pour le reporter l information dont la v rit est souvent contestable fait largement fonction de remplissage en l absence de mat riau plus divertissant la mise au jour de telles strat gies d criture discr dite quelque peu les savoirs int gr s dans le roman Le postulat de Claudius Bombarnac savoir l analogie des modes de textualisation du roman
43. correcteurs et compositeurs fassent leur m tier et m me qu ils ne touchent pas au texte apr s le bon tirer pour faire de mauvaises plaisanteries ou faire signer l auteur des inconvenances Un petit mot tr s aimable Herv aurait peut tre un r sultat crit par vous Bien entendu vous recevrez l in 18 de Claudius Bombarnac mais au pr alable je reviens sur une niaiserie que je vous ai d j signal e Il s agit de la page 120 dont j ai fait suspendre le tirage cause de l histoire des zenbukis qui passe dans le Soleil mais qui me semble devoir tre att nu e pour un public qui aime tant avoir un pr texte bon ou mauvais pour faire du rigorisme je vous envoie deux projets de modification et je crois que si vous en trouvez un 3 celui l sera le meilleur venant de vous Vous serez bien gentil de m envoyer votre correction le plus t t possible car nous n attendons plus que cette feuille pour la reliure et nous sommes diablement en retard Et le lendemain Jules Verne lui r pond Je vous renvoie la page de Bombarnac J admets compl tement l arrangement que vous proposez et qui att nue tr s convenablement la chose Je n ai fait de changement que pour obvier une r p tition de mots Ne manquez pas de me faire envoyer le volume in 18 de Bombarnac en derni re preuve pour que je le v rifie une derni re fois Ainsi tout laisse penser que le texte de Claudius Bombarnac qui a paru chez Hetzel e
44. de laisser entendre que tout reportage comporte une part de fiction Il y aurait donc une certaine incoh rence entre la th matique du reportage genre nouveau et la mode au moment o Jules Verne crit et les po tiques assez traditionnelles utilis es pour le mettre en sc ne c Le roman entre formes l gitimes et emprunts la paralitt rature M me si la mention n appara t nulle part Claudius Bombarnac est un roman Mais du fait de la proximit des po tiques du reportage et du roman il est difficile de discerner ce qui apparente r ellement le texte sa cat gorie g n rique moins de mettre le r cit en relation avec le vaste massif paralitt raire de son temps En effet il semble qu il soit plus productif de consid rer Claudius Bombarnac comme un jeu avec les codes du roman populaire et en particulier du roman 348 Cette expression est emprunt e Christian DELPORTE Les Journalistes en France 1880 1950 Naissance et construction d une profession Paris Le Seuil 1999 p 127 349 Comme le rapporte Myriam BOUCHARENC L crivain reporter au c ur des ann es trente op cit p 21 350 De fait les reporters et en particulier les petits reporters ont parfois reconnus avoir invent certains l ments de leurs textes pour les rendre plus attractifs ou simplement par manque d informations comme le souligne Christian DELPORTE en citant un t moignage du reporter et romancier Rolland Dorgel s in L
45. de mani re pointilleuse et ma trisait bien les sujets qu il exploitait dans ses romans il restait avant tout romancier et n h sitait pas imaginer des l ments susceptibles de servir son intrigue 74 On ne sait pas si Jules Verne a pu obtenir ce document mais la description pr cise qui est propos e dans le roman peut faire penser que le romancier l a eu entre les mains 75 Revue fond e en 1843 Le Correspondant est alors l organe de la soci t lib rale et litaire de la monarchie de 20 juin 1889 et compte vingt et une grandes pages Il comporte de nombreuses informations d taill es sur la colonisation russe et ses diff rentes tapes ainsi que sur la construction du Transcaspien les m thodes de travail les r gions travers es et les difficult s rencontr es De nombreux passages recoupent les moments didactiques du roman mais il est complexe d identifier la source pr cise des informations les donn es d Albert de Chenclos sont souvent proches de celles du texte beaucoup plus d taill d Edgar Boulangier voire de celles de la Nouvelle G ographie universelle d Elis e Reclus Le roman ainsi que la correspondance de l auteur avec son diteur montre la diversit des sources de Jules Verne qui ont pour beaucoup partie li e avec la presse Toutefois le romancier ne s attarde pas sur ce sujet s il crit clairement dans ses lettres priv es que la presse lui fournit nombre de ses sources il ne mentionn
46. de presse le feuilleton constitue un produit d appel qui bien choisi peut permettre de faire la diff rence avec un confr re Faire para tre un roman en feuilleton dans un journal n a donc rien de particuli rement original en 1892 et ne signale pas de la part de l auteur de Claudius Bombarnac un travail particulier de mise en sc ne de son texte Jules Verne a d ailleurs publi la tr s grande majorit de ses romans dans divers titres de presse avant leur sortie en volume chez Hetzel manifestement la parution de Claudius Bombarnac dans Le Soleil est plus li e au ph nom ne du roman feuilleton caract ristique du XIX si cle et au mode de pr diffusion des Voyages 93 Idem p 180 c est une lettre du 9 ao t 1892 94 Idem p 182 la lettre est dat e du 31 ao t 1892 95 Voir page 21 le texte de la lettre de l diteur motivant son choix du Soleil 96 Des po mes certaines pi ces des Petits Po mes en prose de Baudelaire ont paru dans Le Figaro en 1864 et du th tre On ne badine pas avec l amour de Musset dans La Revue des deux mondes en 1834 ont galement t publi s dans la presse 97 Dominique KALIFA La Culture de masse en France 1 1860 1930 Paris La D couverte Rep res 2001 98 La Presse avait d j un abonnement bien moins lev que celui des autres journaux contemporains quarante francs par an au lieu de quatre vingts et mile de Girardin se proposait de compenser ce faible prix de vente
47. decins sont de bons repr sentants des lites sociales montantes de la fin du XIX si cle comme le montre Christophe Charles qui leur consacre un paragraphe intitul s les m decins les voies de la r ussite au sein d un chapitre sur l essor des classes moyennes Page 155 le narrateur s inscrit explicitement du cot de la bourgeoisie En faisant mon petit tour de train de la t te la queue comme un bon bourgeois travers les rues de sa bourgade je suis rejoint par le major Noltitz Le reporter qui est le mieux pay au sein de sa r daction et qui occupe un poste prestigieux dans le journal signant ses articles il peut pr tendre une certaine notori t est souvent un exemple d ascension sociale Dans le roman le personnage semble chercher se distinguer la fois des classes populaires comme le montre son attitude assez condescendante l gard du couple Caterna voire de Kinko dont il fait son prot g dans une logique un peu paternaliste et des lites anciennes que le narrateur se fait un plaisir de tourner en ridicule en la personne des aristocrates Francis Treveyllan ou Weisschnitzerd rfer L id e que le reporter incarne une forme de r ussite sociale m ritocratique peut aussi tre lue en filigrane dans le parall le explicite entre Claudius Bombarnac et l Am ricain Fulk Ephrinell J allais m y mettre Une crainte m arr te Pourvu que cet Am ricain je parierais qu il
48. du r cit de voyage des chapitres I et XVI montrent les difficult s administratives qui peuvent entraver les d placements elles signalent galement les diff rences de traitement des voyageurs en fonction de leur nationalit et de l tat des relations diplomatiques Du reste il fallait encore se procurer une autorisation pour prendre le Transcaspien autorisation que l administration russe n accordait pas 183 Chapitre VII 184 Svetlana GORSHENINA Explorateurs en Asie centrale op cit p 66 56 volontiers aux Anglais p 43 Enfin le texte se pr sente comme le journal de bord d un voyageur et peut donc tre lu comme le compte rendu des conditions mat rielles du voyage est ainsi voqu e la possibilit d accidents plus ou moins graves de la collision avec un dromadaire au d raillement ou d attaques de bandits de grand chemin toutefois il est difficile de d terminer quel point ce type d pisode ne rel ve pas de sch mas plus romanesques en particulier dans une logique de roman d aventures que r f rentiels Svetlana Gorshenina consacre n anmoins un paragraphe aux ennuis et dangers de la route dans lequel elle crit Bien que les voyageurs trop s rs d eux m mes essaient de minimiser le risque d un voyage en Asie centrale cette r gion du monde n offre aucune garantie du point de vue de la s curit surtout la p riph rie des r gions colonis es hors des routes habituelles Plu
49. emprunts des langues trang res diverses foisonnent soit pour d signer une r alit qui n a pas de nom en fran ais c est le cas des l ments de costume ou des instruments de musique mentionn s au chapitre I soit dans une logique plus r f rentielle les propos en anglais le fameux wait a bit qui revient r guli rement de Fulk Ephrinell ou les jurons allemands Donner vetter p 1401 du baron Weissschnitzerd rfer permettent de caract riser les personnages en leur attribuant le langage de leur pays d origine Ces 234 Jean CHESNEAUX in Jules Verne un regard sur le monde op cit crit p 165 amp En homme de son temps il s abandonne sans gu re de r serves au discours raciste et ethnocentrique alors dominant dans cette perspective l expansion europ enne appara t comme la fois n cessaire et salutaire quitte rendre hommage ceux qui tentent de lui r sister 74 emprunts sont g n ralement mis en sc ne dans le texte sous la forme de citations gr ce des guillemets ou des italiques et expliqu s Daniel Comp re crit ce sujet La mention m me br ve un mot permet de convoquer un langage qui a priori n appartient pas l auteur Ce type de citation qui s loigne un peu de la pratique classique est un des moyens utilis s par Verne pour naturaliser un terme tranger il est d abord ins r dans le texte souvent avec des guillemets et expliqu comme dans un diction
50. et coh rente dans la logique du r cit Construction et m tamorphose d un type populaire dans la culture m diatique le mauvais gar on in Jacques MIGOZZI dir Le Roman Populaire en Question s Limoges PULIM Litt ratures en marge 1997 p 40 357 Qui a la pr tention de faire le tour du monde en trente neuf jours p 79 358 P 97 Comme place j ai vu mieux que cela la Porte Saint Martin dans le Fils de la Nuit Et moi au Ch telet dans Michel Strogoff 359 Daniel COU GNAS Introduction la paralitt rature op cit p 88 124 policier dans lequel le narrateur est souvent un proche du d tective sur le mod le des aventures de Sherlock Holmes racont e par son acolyte Watson Le roman de Jules Verne n a pas non plus le caract re foisonnant du roman populaire les mod les du genre des Myst res de Paris 1842 1843 d Eug ne Sue aux Aventures de Fant mas de Pierre Souvestre et Marcel Allain dont le premier volume para t en 1911 sont traditionnellement de gros romans qui donnent lieu des s ries avec beaucoup de personnages lesquels forment souvent des doublets or Jules Verne livre ici un roman relativement bref dont les personnages sont assez peu nombreux peine une quinzaine peu de p rip ties et qui n a pas donn naissance un cycle des aventures de Claudius Bombarnac contrairement ses coll gues journalistes que sont le Rouletabille de Leroux ou le L
51. exemple la fin du chapitre XIV Pourquoi le major Nolitz a t il fait cette question au 298 Une forme de caract risation externe est n anmoins pr sente avec l insertion du t l gramme du r dacteur du journal pour lequel travaille le narrateur XX Si cle compte sur z le intelligence activit adresse de son correspondant Ce portrait tr s valorisant et qui appara t dans les premi res lignes du roman semble donc promettre au lecteur un v ritable h ros par de toutes les qualit s de l aventurier 299 A part G d on Spilett dans L Ile myst rieuse mais il n est alors reporter qu en puissance puisqu il se trouve sur une le d serte avec ses compagnons 101 jeune Chinois et quelle pr occupation de son esprit r pond elle elles enclenchent une dynamique d identification au personnage Mais si Claudius Bombarnac en tant que narrateur semble vouloir donner une image positive de lui m me et de sa profession par exemple lorsqu il crit ils ne me croiraient pas malgr la confiance que m ritent incontestablement les reporters Aussi m en tiendrai je la v rit vraie p 93 on soulignera la d rivation qui provoque un effet d insistance le lecteur peut se demander s il n est pas un mauvais reporter Il ne semble pas tr s bien inform ni tr s prudent dans les informations qu il donne ainsi n est il pas capable d apprendre par lui m me et sur le terrain ce que sa r daction sait Pari
52. exemple cette comparaison dans l article que lui consacre douard Blanc en 18957 La t che accomplie par les Russes en Asie centrale au cours de ces derni res ann es pr sente avons nous dit en m me temps un int r t d actualit et de comparaison un int r t intrins que pour tous les g ographes en ce moment o le partage des continents entre les nations europ ennes est une question l ordre du jour Parmi les instruments qui ont servi r aliser ce programme le plus consid rable et un des plus efficaces est le chemin de fer Transcaspien Sa construction travers les d serts et les sables constitue un probl me des plus int ressants en lui m me au point de vue de l art des travaux publics Cette voie ferr e pr sente en outre un grand int r t de comparaison relativement aux chemins de fer sahariens question importante au premier chef parmi toutes celles qui touchent l Alg rie Il peut tre utile de comparer le chemin de fer Transcaspien d j ex cut avec le chemin de fer Transsaharien aujourd hui l tat de projet Le rapprochement a souvent t fait d j car il s impose de lui m me mais il n est pas sans importance d tablir le parall le avec pr cision et de bien d terminer jusqu quel point le succ s de l une des entreprises est garant de la r ussite de l autre de bien montrer ce qui est acquis pour les ing nieurs la suite de la magnifique uvre du g n ral Annenkoff et ce qui au contraire reste encore
53. existence qui couvrent un large lectorat comme la Revue des Deux Mondes et qui sont lues et pris es par un public de familles conservatrices et cultiv es crit Jacques PREVOTAT dans La Vitalit des revues dans la d bat religieux p 149 in Jacqueline PLUET DESPATIN Michel LEYMARIE et Jean Yves MOLLIER dir La Belle poque des revues 1880 1914 Paris ditions de l IMEC pp 147 160 76 Ce journaliste n est pas recens dans les annuaires de la presse des ann es 1880 1890 ni sur le site M dias19 ni dans la Civilisation du Journal op cit 77 L vocation du train de pose est beaucoup plus sommaire dans Le Correspondant on r unissait le personnel dans un train dit train de pose comprenant trente cinquante wagons deux tages la plupart constitu s en v ritables ateliers et capables d abriter environ 1500 hommes p 1125 78 Le proverbe mervien Si tu rencontres une vip re et un Mervien commence par tuer le Mervien et d p che ensuite la vip re figure dans Le Transcaspien qui l attribue M Wolff p 1133 et dans le tome 6 de la Nouvelle G ographie universelle L Asie russe Paris Hachette 1881 page 492 qui le traduit de mani re l g rement diff rente Si tu rencontres une vip re et un Mervi commence par tuer le Merci et d p che ensuite la vip re et le g ographe donne la r f rence compl te de sa source G Wolff Narative of a mission to Bokhara Dans la
54. go ts de l auteur partir des titres qu il fait figurer dans ses romans in Jules Verne Biographie Paris Julliard 1978 374 Pour reprendre le titre et le sous titre de l ouvrage sous la direction de Jean Claude YON Le Th tre fran ais l tranger au XIX si cle Histoire d une supr matie culturelle Paris Nouveau Monde ditions 2008 375 Ils ignorent par exemple qui est Tamerlan p 100 128 diff rentes bo tes aux contenus inattendus ou le retour de Kinko qu on croyait mort s apparente toute une tradition comique Sur le plan po tique galement l abondance des dialogues qui est galement caract ristique des feuilletonnistes qui tirent la ligne peut rappeler le th tre Pour autant sauf de rares exceptions comme l exemple cit plus haut de la comparaison entre Faruskiar et Moral s on ne saurait v ritablement parler de th tralit de l intrigue dans la mesure o beaucoup de citations th trales jouent un r le d coratif et permettent de faire vivre le type du com dien qui les mobilise sans qu il y ait vraiment interf rence avec la structure de l intrigue Mais surtout la th matique du th tre peut tre lue au prisme de la m talitt rarit elle introduit en effet la probl matique de l artefact et pose la question des rapport entre art et r alit Le couple Caterna qui juge ce qu il d couvre en Asie centrale au prisme du monde fictif du th tre et qui est e
55. ici celui de la presse Il semble que la r daction de Claudius Bombarnac ait t assez longue et laborieuse puisqu elle s tend entre 1890 et la fin de l ann e 1891 l auteur d clare que le roman est enti rement termin dans une lettre du 12 ao t 1891 mais l diteur ne re oit l int gralit du texte qu la fin de la m me ann e Pour autant le texte conna t encore de nombreux remaniements sous l impulsion de l diteur comme le montre cette lettre de Jules Verne Louis Jules Hetzel du 14 f vrier 189284 83 En s appuyant sur le manuscrit de 1890 disponible sur le site de la biblioth que municipale de Nantes sur la correspondance entre le romancier et son diteur Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 tablie par Olivier DUMAS Volker DEHS et Piero GONDOLO DELLA RIVA Tome I 1886 1896 Gen ve Editions Slaktine 2004 ainsi que sur la pr face de Charles No l MARTIN l dition moderne de r f rence Jules VERNE Claudius Bombarnac Le Pilote du Danube pr face de Charles No l MARTIN Lausanne ditions Rencontre 1970 p VII XII 84 Publi e dans la Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op 23 Je vous renvoie instamment une partie des preuves de Bombarnac et je vous prie instamment de les faire corriger le plus vite possible et de me les renvoyer Le nouveau r le de Faruskiar co
56. journal il y a des interviews des d p ches des gros titres attribu s trois reporters Bernard Binard et Barbarus avec quelques interventions d un r dacteur La po tique adopt e est enti rement celle du journal et tout est mis en uvre pour brouiller les fronti res entre r alit et fiction de nombreux personnages du roman sont des contemporains beaucoup de figures du monde politique m diatique et culturel font une br ve apparition au d tour d un faux article et les effets d cho entre le support de publication et le contenu du roman sont fr quents les trois reporters sont ainsi cens s travailler pour Le Matin ce qui place leurs articles fictifs sur le m me plan que ceux des v ritables journalistes Le roman semble ici se dissoudre enti rement dans le moule journalistique ce qui n est pas le cas dans Claudius Bombarnac qui mobilise beaucoup de ressources romanesques On suivra donc le parcours de cr ation du roman de ses sources m diatiques sa publication dans la presse Dans un premier temps une tude de la gen se de l uvre mettra en vidence l importance des sources m diatiques dans la constitution du d cor mais galement de l intrigue du roman toutefois il faudra d terminer si cette influence ind niable du journal se lit galement dans la po tique du r cit Un travail sur la publication en feuilleton et une comparaison avec la version du roman parue en volume chez Hetzel permettra gale
57. l criture du fait divers comme le souligne le narrateur p 144 Pour autant Claudius Bombarnac ne peut tre v ritablement assimil un roman populaire au sens strict le choix d une narration personnelle et au pr sent est peu courante dans ce genre exception faite du sous genre du roman 355 Jean Claude VAREILLE Le Roman Populaire fran ais 1789 1914 Id ologies et pratiques Le trompette de la B r zina Limoges PULIM Nuit blanche diteur Litt ratures en marge 1994 p 88 356 Si les Voyages Extraordinaires font s rie dans la mesure o tous les volumes de Jules Verne sont publi s chez le m me diteur avec des couvertures qui signalent leur parent les liens qui les unissent sont moins apparents que ceux qui lient les romans des s ries paralitt raires qui s articulent le plus souvent autour d un personnage phare Rouletabille Fant mas Lavar de On peut renvoyer la notion d effet personnage d finie par Michel ROLLAND J emploie le terme de texte personnage pour rendre compte de cet effet particulier engendr par la s rialit d un Lenny Caution par exemple non pas tant le support d un ensemble de de r cits que le r cit lui m me Autrement dit chaque roman chaque nouvelle chaque film est moins un nouvel pisode de ce qui ailleurs se nommerait saga que l actualisation la re mise en circulation de cette portion de discours autonome qu importe ici l auteur ou le r alisateur
58. l Am rique mais elle est comprendre au regard de sa veine antimercantiliste De m me la d valorisation de certains personnages se fonde sur leur manque de sociabilit ou de chaleur le baron Weisschniterd rfer est r guli rement repr sent comme un objet la bombe teutonne p 121 sir Treveyllan ne parle jamais le narrateur le souligne plusieurs reprises or la parole est souvent pr sent e comme le propre de l homme Le caract re obsessionnel de la plupart des 241 A e A A x personnages les rend tr s pr visibles et donne leurs actions un aspect un peu m canique Or ce 236 G rard SIARY dans Jules Verne et l Extr me Orient crit m me Pouss es leur paroxysme les valeurs occidentales d bouchent sur la tentation d en finir avec la vie De vendre la mort aussi tels les repr sentants de CB cet Am ricain et cette Anglaise qui vendent des dents et des cheveux sans doute tir s de cadavres Signalons toutefois que G rard Siary se trompe quelque peu du moins en ce qui concerne les produits vendus par Fulk Ephrinell il s agit de dents postiches artificielles in Jean Pierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent ans apr s actes du colloque de Cerisy 2 au 12 ao t 2004 Rennes Terre de Brume 2005 p 296 237 Christian CHELEBOURG Jules Verne L oeil et le ventre Une po tique du sujet Paris Caen Lettres modernes Minard 1999 p 154 238 Au cours d un en
59. l Orient Un fou fait plus de questions en une heure 131 lesquels renvoient un discours social en t moigne Finalement la parole du je de ce roman semble moins exprimer une singularit qu une doxa le propos ne serait donc pas si diff rent de la narration omnisciente la troisi me personne qu on rencontre habituellement chez Jules Verne Mais dans ce cas pourquoi l auteur a t il choisi de faire assumer le propos par la premi re personne du singulier Le je pr sente un certain int r t en ce qu il est utilis dans de nombreux types de textes on peut ainsi l analyser comme un des points de jonction des diff rents genres litt raires qui servent de mod les textuels au roman D abord ce je contribue remplir le contrat g n rique expos dans le sous titre le texte est cens tre celui du carnet d un reporter ce qui suppose une narration le premi re personne du singulier Dans le reportage comme dans le r cit de voyage la premi re personne du singulier renvoie un narrateur t moin qui s identifie d ailleurs avec l auteur et le personnage de mani re se porter garant de ce qui est racont ce qui correspond bien certaines all gations du narrateur de ce roman comme la page 127 plusieurs reprises le Turkestan septentrional a subi de violentes secousses on n a pas oubli le tremblement de terre de 1887 et Tachkend comme Samarkande j avais pu voir des
60. l accueil de l in dit ventuellement r volutionnaire Il suffit pour ce faire de comparer le trajet du Grand Transasiatique invent par Jules Verne et celui de son mod le r el le Transcaspien On s appuiera pour ce faire sur des documents contemporains ou presque de la r daction du roman l article du Correspondant du 10 juin 1889 d j mentionn comme source deux articles tir s des Annales de G ographie Le Chemin de fer transcaspien 1895 de l explorateur douard Blanc et Le D veloppement des possessions russes en Asie Politique commerciales et grands travaux 1897 de Maurice Zimmermann ainsi que sur des travaux historiques plus modernes Svetlana Gorshenina donne le trajet r el du chemin de fer transcaspien ainsi que les dates des diff rentes tapes de la construction du train laquelle commence en 1880 sous la direction du g n ral Annenkof Le chemin de fer passe d abord de Mikhajlovsk Kizil Arvat le 1 septembre 1881 puis Ashkhabad 1885 la voie ferr e s oriente vers Merv 1886 et franchissant l Amou Darya Tchardjou passe par Boukhara 1887 Samarcande 1888 Taschkent et Krasnovodosk 1894 deuxi me tape de ce projet En 1894 il relie Samarcande Andijan avec des embranchements vers Tashkent et Nouveau Marguilan et en 1898 Merv Kouchka La derni re tape reliant Boukhara Termez est mise en service en 1916 205 Cette pseudo g n alogie du genre
61. l est ne soit pas un chroniqueur chroniquant pour le compte d un World ou d un New York Herald et charg d accompagner le train direct du Grand Transasiatique Voil qui m enragerait Tout plut t qu un rival p 14 Or on sait que pour Jules Verne les tats Unis sont d une part le pays de la m ritocratie et de la r ussite individuelle et d autre part une puissance montante semblable celle des classes moyennes de la fin du XIX si cle Claudius Bombarnac appara t donc comme une image assez juste du positionnement social m dian du reporter dans la soci t fran aise la Belle poque en d pit du fait que le roman se passe l tranger Le chapeau haut de forme reste jusqu en 1914 le chapeau l gant qui distingue une certaine classe La cape dite famili rement chapeau melon apparue vers la fin de l Empire est d abord consid r e comme chapeau n glig puis admise dans l usage courante mais jamais pour une c r monie En 1885 on commence faire des feutres souples r serv s aux matin es et aux voyages mais ils demeureront d un usage tr s limit jusqu aux premi res ann es du XX si cle La casquette aux formes tr s diverses devient dans la seconde moiti du XIX si cle la coiffure des classes laborieuses ainsi que celle de beaucoup de fonctionnaires civils puis sa commodit la fait adopter comme coiffure de voyage et de sport en particulier par les chasseurs 291 Christ
62. l estomac et me voil au r gime du lait rien que du lait Je suis revenu en nourrice et je t te 3 4 litres de lait par jour Une lettre du 30 juillet 1892 montre qu un mois plus tard rien n est encore r gl au grand dam de l crivain Que faites vous de Bombarnac Je voudrais bien tre fix ce sujet et il n y a pas de temps perdre si vous voulez l avoir comme livre d trennes au prochain jour de l an Est ce que nous en sommes encore aux h sitations assez humiliantes de l Jlustration Non je l esp re Mais dois je croire que le Temps ne veut plus rien publier de son ancien collaborateur Dites moi donc un peu tout cela je vous en prie Dans ma pens e vous le savez Bombarnac a t fait en vue du Figaro et je ne sais si l id e vous est venue de le faire lire de ce c t Enfin je suis fort perplexe Ces passages sont int ressants parce qu en plus de montrer les probl mes rencontr s au moment de pr publier le roman dans la presse ils proposent des hypoth ses au sujet de ces difficult s se d gage l image d un Jules Verne qui en d pit de ses succ s pass s souffre d un triple manque de l gitimit aux yeux du syst me m diatique Il se d peint en effet comme un auteur pour la jeunesse en soulignant qu il n est question de ses uvres qu l occasion des trennes avec ce que 104 Idem p 155 105 Sans qu on puisse vraiment savoir pourquoi 106 Elle est pour la premi re fois menti
63. l int rieur du wagon voisin La vision utilitariste du monde qui est pr sent e comme propre aux Anglo Saxons au prix d une double g n ralisation celle du caract re d un repr sentant de commerce toute sa nation et de la confusion entre Anglais et Am ricains revient sans cesse le ridicule clate tout particuli rement dans la n gociation qui accompagne le mariage dans le train Avant de r pondre miss Horatia Bluett se tournant vers Fulk Ephrinell lui dit les l vres pinc es Il est bien entendu que la participation de la maison Holmes Holme sera de vingt cinq pour cent dans les b n fices de notre association Quinze r pond Fulk Ephrinell quinze seulement Ce ne serait pas juste puisque j accorde trente pour cent la maison Strong Bulbul and C Eh bien disons vingt pour cent miss Bluett Soit monsieur Ephrinell Mais c est bien parce que c est vous ajoute M Caterna qui murmure cette phrase mon oreille En v rit j ai vu le moment o le mariage allait tre tenu en chec pour un cart de cinq pour cent Enfin tout s est arrang Les int r ts des deux maisons ont t sauvegard s de part et d autre p 176 177 235 Daniel COMP RE Jules Verne crivain op cit p 59 60 75 Il est d ailleurs r v lateur que les deux repr sentants fassent commerce de produits qui ont trait au corps cheveux et dents Jules Verne semble ici donner voir sur un p
64. la collaboration de Catherine CHAMPION et Henri CHAMBERT LOIR R ver l Asie Exotisme et litt rature coloniale aux Indes en Indochine et en Insulinde Paris ditions des l cole des Hautes tudes en Sciences sociales 1993 Sarga MOUSSA La Relation orientale Enqu te sur la communication dans les r cits de voyage en Orient 1811 1861 Paris Klincksieck Paris 1995 160 Sarga MOUSSA dir L Id e de race dans les sciences humaines XVII et XIX si cles Paris L Harmattan 2003 Mich le RIOT SARCEY Thomas BOUCHET et Antoine PICON dir Dictionnaire des utopies Paris Larousse 2007 b Sur le voyage comme pratique perspective historique Catherine BERTHO LAVENIR La Roue et le Stylo Comment nous sommes devenus touristes Paris ditions Odile Jacob 1999 Matthieu FLONNEAU et Vincent GUIGUENO dir De l histoire des transports l histoire de la mobilit Rennes Presses universitaires de Rennes 2009 Henry PEYRET Histoire des chemins de fer en France et dans le monde Paris Soci t d ditions fran aises et internationales 1949 8 Sur l Asie centrale g ographie et g opolitique a G n ralit s Catherine POUJOL Dictionnaire de l Asie centrale Paris Ellipses 2001 b G opolitique de la r gion au XIX si cle Articles contemporains du roman Edouard BLANC Le chemin de fer transcaspien Annales de G ographie 1895 t 4 n 16 pp 325 345 http www
65. latente dans les romans de Jules Verne c est dire l impr gnation structurelle du texte par des savoirs Il l oppose la science patente qui n est jamais int ressante parce qu il la recopie et et que ce n est pas elle qui fait l uvre litt raire On se moque qu il sache par c ur des la classification des poissons ou celles des strates de la terre qu il trouve chez Cuvier ou ailleurs Ce n est pas de la science ce n est pas int ressant Ce qui est int ressant c est d analyser les structures de son r cit o l on voit comment elle est l uvre Et la critique litt raire c est a C est de dire que la science est dans un endroit latent et 19 toujours possible de retrouver lesdites citations dans les textes originaux il se pla t int grer ce qu il emprunte dans le corps du texte sous forme de vignettes descriptives dynamis es par le regard et la voix d un personnage souvent le narrateur ou de sc nettes dialogu es qui constituent alors des p rip ties mineures du roman D autres documents de travail sont galement av r s par la Correspondance on sait ainsi que Jules Verne avait sa disposition des cartes du trac du Transcaspien et divers documents le concernant comme le montrent ces extraits de lettres son diteur Les Russes ont actuellement un chemin de fer de l Asie centrale qui va d Orenbourg fronti re de l Oural Samarkande Trajet de Moscou Samarkande 6 jours Ce railway
66. lecture personnelle et parodique plut t en terme de m thode de travail que de biographie stricto sensu tous les autres mod les textuels d j envisag s La parodie qui repose sur la connivence avec le lecteur appara t alors comme une sorte de sursaut face la menace d un puisement de l inspiration b La s rialit facteur de coh sion interne du roman Ce m lange d l ments emprunt s plusieurs matrices g n riques est toutefois rendu possible par les caract ristiques communes en termes de modalit s de r daction de support de publication et de po tique D abord les formes litt raires qui ont laiss des traces dans le roman de Verne sont toutes caract ris es par leur forte codification qui impose aux auteurs les produisant un certain nombre de contraintes En effet le reportage comme le roman populaire ou le vaudeville appartiennent cette litt rature industrielle qui repose sur une dynamique de production r tribu e avec un cahier des charges assez pr cis de mani re r pondre aux attentes des lecteurs plut t que sur un processus de cr ation libre et d sint ress e ou pour reprendre la distinction tablie par Tzevetan 390 Bulletin de la soci t Jules Verne n 35 36 1975 Daniel COMP RE Claudius Bombarnac Verne Saverna Caterna p 94 391 L expression est de Sainte Beuve qui d plore en 1839 le prolif ration de ce type de textes dans La Revue des deux Mond
67. leurs sabres d chargeant leurs pistolets et qui vous faisaient escorte si vous tiez en compagnie d un haut fonctionnaire moscovite ou d un colonel de la Staniza p 16 Tout au long du roman l uniformisation imput e la modernit est mise en exergue par un narrateur qui se demande o il va bien pouvoir trouver de quoi alimenter ses textes Mais enfin je ne suis pas venu dans l Asie centrale pour voyager en terre fran aise Du nouveau que diable du nouveau de l impr vu de l intensif p 145 De m me les changements de connotation de l adjectif moderne montrent bien les doutes du narrateur quant l apport b n fique du progr s technique on peut relever un port moderne dont l atmosph re s encrasse des fum es de la houille vomies par la chemin e des steamers p 22 dans lequel la modernit correspond une industrialisation nocive Dans la citation suivante la modernit appara t cette fois comme symbole de platitude de fadeur ce que montrent les privatifs une ville moderne trac e l querre tir e au cordeau sur un large tapis de sable jaune Aucuns monuments aucuns souvenirs des appointements en planches des maisons en bois auxquels le confort commence ajouter quelques habitations en pierre p 40 Sans le remettre enti rement en question le texte conteste le progr s ou plus exactement le met en d bat ainsi dans cette discussion entre le narrateur et Pan Chao c es
68. nation une caract ristique et la mani re dont le langage peut tre le v hicule des st r otypes Pareillement une expression comme la v ritable Chine celle des paravents et des porcelaines p 181 peut tre lue de mani re tr s ironique pr senter la v rit comme l adh sion du monde aux clich s para t un peu exag r surtout lorsqu il est question de la Chine pays sur lequel Jules Verne produit par ailleurs un discours assez original On aurait alors affaire une forme d exhibition du romanesque par le roman que l usage massif de clich s tr s conventionnels inscrirait dans une rh torique caract ristique du roman d aventures genre dont l auteur prendrait discr tement ses distances gr ce un usage ludique des st r otypes lesquels perdraient de par leur sur abondance toute cr dibilit S inscrivant alors dans le dialogue entre une uvre sp cifique et les codes plus ou moins subvertis du genre duquel elle proc de Claudius Bombarnac rejoindrait alors les questionnements associ s la notion de s rialit b Un texte raciste Truff e qu elle est de st r otypes qu on peut certes lire pour partie sur un mode s riel et ludique l uvre de Jules Verne a donn lieu de multiples interpr tations oscillant entre une l gende noire qui fait de ces romans les reflets des discours racistes de leur temps et une l gende dor e qui for ant un peu la main aux faits consid re Jules Ve
69. ologique complexe Les romans de Jules Verne ont d ailleurs laiss une empreinte non n gligeable sur leur lectorat dont nombre de textes se font l cho par exemple Les Mots de Jean Paul Sartre au point que Michel Serres a pu crire que les Voyages Extraordinaires furent la jeunesse de quelques g n rations ce que dut tre l Odyss e la jeunesse grecque Des approches critiques se d veloppent galement partir des ann es 1950 on peut citer quelques jalons en 1949 la revue Arts et lettres consacre un num ro Jules Verne en 1957 les Mythologies de Roland Barthes proposent un texte intitul Nautilus et Bateau ivre en 1960 Marcel Mor publie Le Tr s Curieux Jules Verne L universit s int resse progressivement aux Voyages Extraordinaires avec sa th se d tat Jules Verne et le roman initiatique en 1972 Simone Vierne fait figure de pionni re en la mati re La cons cration de EN L Acad mie fran aise lui d cerne pourtant une r compense pour l ensemble de son uvre en 1872 2 L expression est de Jean Pierre Picot Rep res chronologiques in Europe Jules Verne janvier f vrier 2005 n 909 910 p 240 3 On peut citer des exemples de ces tr s nombreuses adaptations comme le film Voyage au centre de la Terre de Henri Levin 1959 la bande dessin e Le Tour du Monde en quatre vingts jours de Ramon de La Fuentes qui a adapt plusieurs romans de Jules Verne
70. orie du roman Paris Gallimard 1978 Judith LYON CAEN La Lecture et la Vie Les Usages du roman au temps de Balzac Paris Tallandier 2006 Henri MITTERAND Le Discours du roman Paris PUF 1986 Mona OZOUF Les Aveux du roman Le XIX si cle entre Ancien R gime et R volution Paris Fayard 2001 Tzevetan TODOROV Po tique de la prose choix suivi de Nouvelles recherches sur le r cit Paris Seuil Typologie du roman policier 1980 b Sur le roman d aventures Matthieu LETOURNEUX Le Roman d aventures 1870 1930 Limoges PULIM 2010 Blog de Matthieu LETOURNEUX http www roman daventures com Jean Yves TADI Le Roman d aventures Paris PUF 1982 157 d Sur le roman populaire Lo c ARTIAGA dir Le Roman populaire 1836 1960 Des premiers feuilletons aux adaptations t l visuelles Paris Autrement M moires Cultures 2008 Paul BLETON dir Armes larmes charmes Qu bec Nuit blanche diteur Collection tudes paralitt raires 1995 Daniel COU GNAS Introduction la paralitt rature Paris Seuil Po tique 1992 Umberto ECO De Superman au surhomme Paris Grasset 1993 Michel NATHAN Splendeurs et mis res du roman populaire Lyon PUL 1990 Francis MARCOUIN Librairie de jeunesse et litt rature industrielle au XIX si cle Paris Honor Champion 2006 Jacques MIGOZZI dir Le Roman Populaire en Question s Limoges PULIM Litt ratures en marge 1997
71. p rip ties de la d fense Jamais information n aura mieux m rit d tre exp di e par un t l gramme si cher qu il co te Cette fois je ne risque pas de m attirer une semonce p 180 Tout comme dans Le Testament d un excentrique 1899 transpara t l id e d une interd pendance entre le reporter et son journal qui prend compl tement en charge en guidant ses d placements et en assurant sa s curit mat rielle son employ lequel lui doit en contre partie ob issance et reportages Plus que comme une puissance conomique le journal appara t comme une sorte d autorit morale non incarn e il est toujours question du XX Si cle ou de la direction du XXe Si cle pp 4 13 15 34 sans plus de pr cisions Claudius Bombarnac cherche l approbation de cette instance sup rieure J ai fait de mon mieux pour remplir mes devoirs de reporter tout le long de la route et puisse la direction du XX Si cle se d clarer satisfaite malgr les impairs et les gaffes que l on sait p 220 Non seulement les t l grammes du journal ram nent le reporter ses devoirs professionnels en l admonestant par exemple t chez l avenir tre mieux inform p 1481 mais la seule pens e de son journal et en particulier des lecteurs de celui ci peut tre au nom d une sorte de devoir d information semble raviver sa conscience professionnelle D ailleurs je compte sur le major Noltitz qui est au courant
72. par Michel Strogoff et ceux travers s par Kin Fo dans Les Tribulations d un Chinois en Chine Le reporter narrateur ponyme voyage en train transcaucasien puis transasiatique avec une petite tape en bateau sur la mer Caspienne entre les deux de Tiflis aujourd hui Tbilissi en G orgie P kin il traverse ainsi la G orgie l Azerba djan le Turkm nistan l Ouzb kistan le Tadjikistan et la Chine pour employer des termes de g ographie contemporaine Il faut toutefois signaler qu une partie de ce voyage rel ve de l anticipation puisque le train transasiatique emprunt par Claudius Bombarnac et ses compagnons de voyages s arr te en r alit Tashkent aujourd hui en Ouzb kistan il conviendra donc de s interroger sur cette dimension peu visible la premi re lecture L vocation de ce voyage constitue le motif principal du roman qui se pr sente comme la transcription du carnet d un reporter le texte emprunte nombre de caract ristiques stylistiques au r cit de voyage comme la forte r f rentialit mais aussi l exhibition des sources et des travaux des voyageurs ant rieurs ou la structure lin aire du r cit qui se fait l cho des m saventures du voyage au pr sent de narration Sur le plan th matique la question du rapport l Autre et plus g n ralement la dialectique de l identit et de l alt rit occupe une place assez importante et s illustre par un usage massif de st r otypes et par un go t tr s mar
73. par un lectorat plus vaste que celui de ses concurrents ainsi que le signale Anne Marie THIESSE in Le Roman du quotidien Lecteurs et lectures populaires la Belle poque Paris Le Seuil 2000 99 A partir de la bibliographie comment e tablie par Daniel COMP RE la fin de Jules Verne Parcours d une uvre Encrage Amiens 2005 on peut calculer que soixante et onze des quatre vingt textes sur les quatre vingts qui composent les Voyages Extraordinaires ont t publi s dans la presse 26 Extraordinaires qu une intention de faire cho au contenu du roman gr ce une publication dans la presse On est m me tent de croire que c est l habitude de Jules Verne de lire toutes sortes de textes et de publier dans la presse qui a motiv le traitement de son sujet un nouveau train en Asie centrale sous une forme qui rappelle le traitement m diatique d une telle question cette strat gie narrative appara t alors comme une forme d hommage voire de remerciement la presse b Un processus de publication difficile Comme l ont montr les passages pr c demment cit s de la correspondance entre l auteur et son diteur c est Louis Jules Hetzel qui se charge de placer le roman ce que lui demande d ailleurs 100 enfin Je ne Jules Verne dans plusieurs de ses lettres par exemple celle du 13 mars 1892 penserai pas plus Bombarnac que s il n avait jamais exist Mais pensez son placement Il tait en
74. partie qui se rattache aux monts Nan Chan Stations assez rares et encore ne s agit il que d une agglom ration de huttes entre lesquelles la maison du cantonnier produit l effet d un monument p 178 La phase de r daction du reportage appara t d abord comme une hi rarchisation des informations les personnages jouent le r le central tandis que les parties descriptives ou didactiques constituent un arri re plan leurs aventures Le travail du reporter passe ainsi par une s lection de figures qui lui paraissent dignes d int r t c est dire susceptibles de lui fournir de la mati re 308 Si l absence de verbes dans ce passage donne l impression de notes prises sur le vif le texte reste assez labor du fait de la construction en tableau 309 Pascal DURAND crit Et l on peut tenir le reportage pour l expression journalistique d un tat de soci t dans lequel est cens r gner d une classe l autre le temps synchrone d une contemporan it g n ralis e la fois comme vidence v cue par tous et comme devoir assign chacun Yves de La Haye l a fait tr s justement valoir Sois de ton temps est l imp ratif cat gorique de l espace public bourgeois la fin du si cle et de cette morale de la modernit la presse d information en g n ral comme le genre du reportage en particulier ont t les principaux vecteurs Temps d un pr sent abstrait auquel r pondra la mise en relation de deux espa
75. phrase laisse penser que le travail du reporter est de rendre compte de ce qu il voit dont il se porte garant par l emploi de la premi re personne du singulier et par sa signature au bas de l article pour autant ce propos est mis en doute par les pratiques de Claudius Bombarnac qui ne se prive pas de d crire des lieux qu il ne visite pas en r alit notamment Kokhan Faire de la vue le sens privil gi du reporter n a rien 106 d exceptionnel le grand reporter et inventeur du scoop Gaston Leroux crit ainsi dans Le Matin du 1 f vrier 1901 Le reporter vit dix vies humaines Il assiste aux existences les plus clatantes et suit les v nements les plus prodigieux Nul n a comme lui la joie de vivre puisque nul n a comme lui la joie de voir Ah Vivre Voir savoir voir et faire voir Le reporter regarde pour le monde il est la lorgnette du monde Se pose alors la question de la subjectivit du reporter probl matique dont le narrateur a conscience puisqu il crit Je me d fie habituellement des impressions en voyage Ces impressions sont subjectives un mot que j emploie parce qu il est la mode bien que je n aie jamais bien su ce qu il veut dire p 28 Le reporter en tant qu il est un t moin la lorgnette du public se doit donc de ne pas laisser son tat d esprit empi ter sur ce qu il raconte de mani re ce que son texte soit pour le lecteur une fen tre transparente donc sur le m
76. popu laires de JULES VERNE C est un roman de voyage et d aventures Qui transporte le lecteur au milieu des inci Dents les plus dramatiques dans les r gions Les moins connues de l Asie et le fait assister A des sc nes de m urs les plus pittores Ques JULES VERNE Raconte avec une verve et un entrain tour Dissant la course soixante dix kilom tres A l heure de son h ros CLAUDIUS BOMBARNAC Il nous d peint de main de ma tre les ca Ract res des personnages de son roman CLAUDIUS BOMBARNAC Et travers une histoire d amour pleine de fra cheur et de po sie il nous fait arriver un d nouement original et impr vu 35 Le 8 octobre le journal lance une sorte de compte rebours avec le modalisateur temporel apr s demain qui commence l annonce laquelle r sume les grandes lignes de la campagne publicitaire du journal et qui est remplac le lendemain le 9 octobre par demain NOTRE NOUVEAU FEUILLETON Apr s demain 10 octobre le Soleil com Mencera la publication de CLAUDIUS BOMBARNAC Grand roman in dit par JULES VERNE Cette nouvelle uvre du grand romancier Captivera les lecteurs du Soleil par son in T r t dramatique aussi bien que par la verve et l entrain de son style Une histoire d amour s y d roule au milieu des aventures les plus pittoresques Enfin le 10 octobre date du lancement de Claudius Bombarnac une annonce concise et essentiellement informative par
77. preneur et qu elle d taille les conditions du march Il serait trop long de vous dire mes n gociations au sujet de Bombarnac au reste dans une pr c dente lettre je vous ai tenu un peu au courant des difficult s que l on rencontre dans les journaux et que le genre m me de Bombarnac compliquait encore pr s de certains qui font de leurs reporters des dieux Il y avait longtemps que je guignais le Soleil pour y faire passer un de vos romans car quoique ce soit un journal un sou je consid re que sa client le tr s nombreuse est une de celles sur lesquelles vous pouvez avoir le plus d action mais je n ai jamais voulu entamer quoi que ce soit avec ce journal car avant le 14 juillet dernier cel e t pu nous faire du tort pr s de certains esprits N ayant pu r ussir comme je l avais voulu d autres c t s j ai pris le parti de m entendre avec eux pour Bombarnac dont ils commenceront la publication prochainement ils publieront raison de 0 50c la ligne mais l encore il a fallu pour r ussir organiser une de ces combinaisons dont je vous parlais et la part aff rente la maison Hetzel sera compens e et au del par des paiements en publicit un taux absurde dont nous nous serions bien pass s et par le droit de reproduire gratuitement deux gros volumes in 18 mais je vous le r p te il faut tre tr s content de cette affaire parce que le Soleil lance tr s bien ses feuilletons au lieu de se borner les ins rer et par
78. preuves de ces terribles commotions Ce court passage associe en effet la connaissance th orique que peut poss der le lecteur ainsi que le pr suppose le pronom on qui l associe au propos et sa validation empirique par le narrateur qui rend compte de son exp rience et l impression qu elle a provoqu e chez lui comme en t moigne l adjectif qualificatif terribles Au th tre et l op ra la premi re personne du singulier est omnipr sente puisque chaque personnage sur sc ne tient un discours dans cette optique le je du roman serait pour l auteur une mani re de rendre son texte vivant et dynamique La mise en sc ne de l nonciation cr erait alors une sorte de dialogue fictif entre le narrateur et ses destinataires qui redoublerait les nombreux dialogues entre les personnages du roman int grant ainsi le lecteur dans l uvre La premi re personne du singulier peut galement appara tre dans des romans on soulignera ici que sauf dans le roman policier la narration la premi re personne du singulier est rare dans le roman populaire alors qu elle est assez habituelle dans des textes appartenant des sous genres du roman jouissant d une plus grande reconnaissance litt raire dans la tradition romantique Ce choix d une narration personnelle tout en conservant la forme du roman d aventures pourrait alors relever d une strat gie auctoriale visant faire acqu rir au romancier plus de l gitimit
79. qu leur accoutrement Autrefois en Asie centrale ils n avaient droit de porter que le topp sorte de bonnet rond et une simple corde pour ceinture sans aucune garniture de soie sous peine de mort Et m me dit on ils ne pouvaient entrer qu ne dans certaines villes et qu pied dans certaines autres Maintenant ils coiffent le turban oriental et roulent carrosse si leur bourse le permet Qui pr tendrait les en emp cher puisqu ils sont sujets du tsar blanc citoyens moscovites jouissant de droits civils et politiques gaux ceux de leurs compatriotes turkom nes p 43 De m me C est peut tre Tachkend que les Juifs sont r unis en plus grand nombre D ailleurs c est partir du jour o cette ville eut pass sous l administration moscovite que leur situation s am liora absolument De cette poque date la pleine libert civile et politique dont ils jouissent p 117 Ainsi ce que le texte peut avoir de raciste aux yeux du lecteur moderne g n ralisations abusives et conversions de faits sociaux en caract ristiques biologiques n tait certainement pas per u l poque de sa premi re r ception car ce mode de pens e s apparentait une doxa et devait correspondre l horizon d attente id ologique voire pist mologique dominant de l poque Le texte oscille entre la volont d ouvrir la complexit du monde et la tentation de reconduire des repr sentations fig es 233 Cette p
80. qu il fait mine d voquer Il souligne galement la mauvaise foi du genre qui pr tend soutenir les valeurs morales de la civilisation de fait le roman s ach ve toujours par un retour aux codes de la morale bourgeoise avec r ussite sociale et ou mariage pour le h ros mais dont l int r t repose en r alit sur les passages qui bafouent cette vision du monde le divertissement se trouvant dans les sc nes marqu es par la sauvagerie du milieu o se trouve l aventurier 126 d instruction L ambition p dagogique des publications de la maison Hetzel se heurte en effet ce que Matthieu Lettourneux qualifie de mauvaise foi du roman d aventures et qu il consid re comme constitutif du genre alors qu en apparence le roman d aventures pr ne un certain ordre moral il ne cesse de le transgresser Coexistent ainsi un discours moral et l vocation d un monde r gi par l instinct et la sauvagerie l loge de la rationalit et l importance du hasard dans l intrigue quant au triomphe du h ros il ram ne l ordre de la civilisation mais le personnage central ne parvient se surpasser qu en tirant sa force de la sauvagerie Cette tension entre d sir implicite mais r v l par la structure des romans et refus de la transgression rel ve selon Matthieu Letourneux de la dialectique plus que de la tromperie on peut faire l hypoth se qu une h sitation similaire est l uvre dans les romans de J
81. que pour fournir des articles de journaux et ma plume ne ch mera pas en route p 7 on note la g n ralisation qui vient inscrire Claudius Bombarnac dans la communaut des reporters incitant donc le lecteur placer l exag ration du c t de toute une profession plut t que du seul individu j ai l id e que ce bonhomme me fournira de la copie p 12 n oublions pas notre double r le de reporter pour les faits d interviewer pour les gens tant la ligne p 29 Cette caisse est une cage et si la cage s ouvrait si le fauve se pr cipitait sur le pont quel incident de voyage quelle mati re chronique p 36 En v rit si je ne tire pas cent lignes de cet incident je n entends rien mon m tier p 159 Quoiqu assez plat le personnage de Claudius Bombarnac en tant qu il figure un reporter est plus complexe qu il n y para t au premier abord le Fran ais d bonnaire semble 4 302 parfois c der le pas un journaliste peu scrupuleux toutefois il se rach te partiellement aux 300 Cet loge de Dumas en reporter souligne le caract re encore flou et peu norm du reportage la fran aise qui reste tr s li la fiction litt raire surtout ses d buts 301 L exag ration a peut tre galement partie li e avec une repr sentation typique du Gascon h bleur qui sera illustr e par Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac en 1897 30
82. re sur le terrain des changes et des confrontations a Une vision originale de l Asie fardeau de l homme blanc 257 Ce qui est assez tonnant dans la mesure o le texte s apparente galement de l anticipation plus propice l utopie qu la r f rentialit 258 Pierre MACHEREY Pour une th orie de la production litt raire III Quelques uvres Paris Fran ois Masp ro 1966 p 223 259 Henri MITTERAND Le Discours du roman Paris PUF 1986 p 16 83 la fin du XIX si cle l image de la Chine en Occident est globalement assez n gative maint crit de l poque fait de la Chine un pays arri r tous gards Et m me si le roman de Jules Verne ne s associe pas cette d pr ciation g n rale du pays il se fait n anmoins l cho de certains des clich s qui circulent son propos Ainsi il insiste avec force moyens rh toriques un polyptote suivi d une d rivation sur leur pr tendu refus du changement vous ne changerez pas et rien ne changera le temp rament des C lestes Comme ils sont conservateurs l exc s ils conserveront cette vitesse quels que soient les progr s de la locomotion p 170 Pan Chao lui m me vante cet immobilisme Ah si vous saviez combien l existence y est facile un adorable far niente entre paravents dans le calme des yamens Le souci des affaires nous pr occupe peu le souci de la politique encore moins I
83. saint simonien Le Producteur annon ait l av nement du rail Une puissance de locomotion semblable ne peut tre introduite chez les hommes sans op rer une vaste r volution dans l tat de la soci t Produits industriels inventions d couvertes opinions circuleraient avec une rapidit jusque l inconnue et par dessus tout les rapports d homme homme de province province de nation nation seraient prodigieusement accrus Toutefois Jean Chesneaux montre que Jules Verne ne reprend pas toutes les th matiques saint simoniennes la question de la place des ouvriers et des femmes dans la soci t est quasiment absente chez le romancier d une part et d autre part que leur influence se dilue au fil du temps pour faire place plus de scepticisme Pourtant il semble que Claudius Bombarnac fasse preuve d une certaine nostalgie et d un rapport assez ambivalent la modernit qui semble remettre en question l id e d une vision euphorique du progr s La modernit de l Asie centrale qui passe essentiellement par l adoption des objets et des pratiques europ ennes conduit en effet une uniformisation du monde sur des mod les que le texte ne valorise pas vraiment l image des Occidentaux n tant pas des plus positives comme pour montrer que la modernit technique n am ne pas n cessairement un progr s moral et intellectuel Le texte est ainsi travaill par la question de cette perte d identit qui est v c
84. savez de ce pays tout ce que j en ignore et ce serait pour moi un plaisir de m instruire La suite de ce passage donne d ailleurs un exemple int ressant de transition entre le mod le de l expos et un autre mode d insertion du savoir dans la fiction celui du dialogue didactique la question du narrateur Et les Anglais demandai je au major Noltitz de quel il ont ils vu les progr s de la Russie travers l Asie centrale relance ce qui appara t a posteriori comme une transcription 412 La lettre de Louis Jules Hetzel qui demande Jules Verne de corriger un passage qu il juge choquant pour les lecteurs t moigne bien de l identit de la cible ditoriale 413 On peut citer les publications d douard Charton et notamment sa revue Le Magasin pittoresque ainsi que les travaux de Camille Flammarion et de Louis Figuier 414 Jacques NOIRAY crit Sous la double tonalit du s rieux ducatif et du pittoresque r cr atifs les Voyages Extraordinaires fournissent le meilleur exemple d une tentative de fusion de la litt rature comme fiction comme criture et de la science comme document comme discours dans L inscription de la science dans le texte litt raire l exemple de Vingt mille lieux sous les mers in Christophe REFFAIT et Alain SCHAFFNER dir Jules Verne ou les inventions romanesques Amiens Encrage Universit 2007 p 30 141 des propos explicatifs du major Quelques lignes plus loin
85. sont nos yeux deux termes qui se rejoignent L instructif doit se pr senter sous une forme qui provoque l int r t sans cela il rebute et d go te de l instruction l amusant doit 38 Il s agit de Cinq semaines en ballon 1862 du Voyage au centre de la Terre 1864 de De la Terre la Lune 1864 1865 et des Enfants du Capitaine Grant 1864 1865 39 Daniel Comp re rapporte ainsi les termes du contrat de 1865 in Jules Verne Parcours d une uvre Encrage Amiens 2005 p 19 40 Si pour l ann e 1892 le nombre de volumes gale celui des romans ce n est pas toujours le cas Vingt Milles lieues sous les mers compte pour deux volumes 41 Ce concept d horizon d attente est th oris par Hans Robert JAUSS qui le d fini comme le syst me de r f rences objectivement formulable qui pour chaque uvre au moment o elle appara t r sulte de trois facteurs principaux l exp rience pr alable que le public a du genre dont elle rel ve la forme et la th matique d uvres ant rieures dont elle pr suppose la connaissance et l opposition entre langage po tique et langage pratique monde imaginaire et r alit quotidienne in Pour une esth tique de la r ception Paris Gallimard 2002 p 54 42 Francis MARCOUIN Librairie de jeunesse et litt rature industrielle au XIX si cle 2006 Paris Honor Champion 12 cacher une r alit morale c est dire utile sans cela il passe au futile et vide les t
86. souligne que son journal a de l argent Monsieur Bombarnac les chroniques que vous fournirait ce Ki Tsang pourraient co ter cher Bah major le XX Si cle n est il pas assez riche pour payer sa gloire Payer de son argent oui mais nous autres nous paierions de notre existence peut tre p 72 De plus on peut souligner que les tarifs annuels suppos s du XX Si cle sont l v s Il ne refusera pas de s abonner au XX Si cle j en suis s r Paris 48 francs d partements 56 tranger 76 p 178 titre de comparaison l abonnement au Soleil co te 17 F pour un an Paris 22 en province et 32 l tranger celui au Figaro titre qui publiait beaucoup de reportages 20 F Paris et 24 F en province Les rares informations d livr es par le roman sur Le XX Si cle laissent penser que c est un journal bourgeois Marc Martin montre en effet que les reportages sont 313 L Annuaire de la presse de 1892 donne les tarifs d taill s du Soleil Ab 3m 5 fr 6m 10fr 1 an 17fr dep 3m 6 fr 6m 12 fr 1 an 22 fr U P 3 m 9 fr 6m 18 fr 1 an 32 fr le n Sc 111 plut t publi s dans les titres de presse les plus hupp s qu il qualifie de presse de notables les titres plus populaires se contentant des d p ches d agences De plus on note deux r f rences tr s logieuses Charles Chincholle reporter et chef des infos au Figaro
87. t de l poque du roman qui pr f re le th tre lyrique et insiste par ailleurs sur le caract re tr s contemporain 369 Matthieu LETOURNEUX Le Roman d aventures op cit p 389 Le roman d aventures peut tre d crit comme un syst me jouant avec les r gles et le discours moral pour laisser libre cours aux fantasmes de son lecteur 370 Robert POURVOYEUR Le R pertoire de ce bon M Caterna Bulletin de la Soci t Jules Verne n 33 34 1975 371 Parmi les uvres de th tre lyrique il y a seulement deux op ras Norma et Lohengrin la majorit est emprunt e des op ra comiques ou des op rettes 372 Manquent cette liste relev e et explicit e par Robert Pourvoyeur Le Mariage aux olives qu il n identifie pas et dont il suppose que c est peut tre un canular de Jules Verne ironisant que le profusion de spectacles dont l intrigue tourne autour du mariage Robert Pourvoyeur semble avoir oubli dans son d compte Tamerlan et L obcession ce qui monte le total des r f rences des uvres dramatiques vingt huit chiffre auquel on peut ajouter la mention de noms de grandes figures du monde du spectacle Des notes explicatives dont le contenu emprunte largement l article de Robert Pourvoyeur accompagnent chacune de ces r f rences au fur et mesure de leur apparition dans le roman 127 pour le lecteur originel des uvres cit es dont onze ont t cr es entre 1840 et 1860 treize entre
88. texte comme le journal du sacre et du goupillon des five o clock sans oublier le b nitier 4 La Recherche du temps perdu III Paris Gallimard La Pl iade 1954 p 590 318 Claudius Bombarnac reporter XX Si cle Khotan Turkestan Chinois Ce n est pas corps mandarin que railway ram ne P kin c est tr sor imp rial valeur quinze millions envoy de Perse en Chine ceci annonc dans journaux de Paris depuis huit jours t chez l avenir tre mieux inform 112 On notera la tonalit extr mement jussive de ce t l gramme accentu e par la n cessit t l graphique d utiliser le moins de mots possible pour des questions d conomie dans lequel les futurs ont une valeur de certitude et quivalent des imp ratifs Le journal appara t comme une instance autoritaire aux yeux du reporter lui m me comme le marque le choix du terme ukase d cret imp rial et incontestable du tsar russe pour qualifier ses d cisions page 6 Ainsi apr s avoir si minutieusement potass ma G orgie voici qu un ukase m oblige l abandonner Par ailleurs rappelons que sur le plan financier c est le journal qui se charge des d penses du reporter lequel doit se montrer raisonnable ainsi que le signale le narrateur La pens e me vient alors que ce nom illustre vaut la peine d tre envoy la direction du XX Si cle ce nom et aussi quelques lignes relatives l attaque du train aux
89. un monsieur romanesque p 29 ou en filant la m taphore th trale du grand premier r le que je cherche p 74 La recette du bon reportage conseille aussi d incorporer au r cit des anecdotes c est pourquoi Claudius Bombarnac souhaite des accidents comme en t moigne le r cit de ses pens es au moment de l attaque du train par le bandit Ki Tsang la page 165 Ah je voulais des incidents des accidents des impressions de voyage Eh bien la chronique ne manquera pas au chroniqueur la condition qu il se tire sain et sauf de la bagarre pour l honneur du reportage et la 311 Le terme est bien s r anachronique mais la r f rence sa troupe ambulante p 69 pose de fait le reporter en directeur de th tre recrutant des acteurs pour sa chronique 312 Marie Eve TH RENT Y La Litt rature au quotidien op cit p 122 109 gloire du XX Si cle La r p tition du substantif accidents rappelle ses lamentations du d but du texte dans lesquelles il regrettait de n avoir rien raconter comme page 144 Au diable le Grand Transasiatique et son monotone parcours Le Great Trunk de New York San Francisco est plus mouvement Au moins les Peaux Rouges attaquent quelquefois les trains et la perspective d tre scalp en route ne peut qu ajouter au charme du voyage De m me le narrateur se r jouit go stement d apprendre le mariage de Fulk Ephrinell et d Horatia Bluett
90. va d Orenbourg Mikailoff port de la Caspienne puis de l par Merv Samarkande probablement par Boukhara S il existe une carte avec trac de ce railway pourriez vous me la procurer ou au besoin me la faire copier et le plus t t possible a m irait joliment J ai bien re u la carte que vous m avez envoy e Je n avais de doute que sur le point de savoir si le trac passait ou non par Khiva et je le connaissais depuis Ouzoun Ada sur la Caspienne jusqu Samarkande avec prolongation probable sur Tachkend J ai aussi ma disposition la collection de l Illustration et il n est pas n cessaire de m envoyer ledit num ro Mais ce qui me manque c est le trac d Orenbourg Ouzoun Ada Il n est pas n cessaire que j eusse une carte Un simple indicateur des stations me suffirait Pourriez vous me procurer ce bout d indicateur 7 Si j ai pu croire qu il y avait un railway d Orenbourg Ozoun Ada c est que d apr s un tr s s rieux article du Correspondant je vois qu on va en 6 jours de Moscou Samarkande Mais il est probable que c est par le chemin de fer Transcaucasien par Tiflis qu on rejoint la Caspienne puis qu on la traverse pour atteindre Ozoun Ada la t te de ligne du 7ranscapien Du reste puisqu l poque o je me mets je suppose le railway allant de Samarcande P kin travers l Asie centrale je pourrais imaginer celui d Orenbourg Ozoun Ada si j en ai besoin re x eus or 74 Kany
91. 2 C est peut tre aller un peu loin dans l interpr tation onomastique mais il faut souligner que dans Bombarnac 103 yeux du lecteur par son amiti pour Kinko qui le place du c t des sentiments plut t que de l argent dichotomie structurante du syst me des personnages du roman et lui fait crire Que les lecteurs du XX Si cle ne s apitoient pas sur le sort de Kinko Duss je y perdre cent lignes de reportage j aime mieux dire d s pr sent que tout s est arrang p 218 Dans son intervention consacr e Jules Verne et la presse Christian Robin souligne d ailleurs les sentiments contrast s de l auteur l gard du monde m diatique il est question de son relatif scepticisme l gard du journalisme qu il se pla t repr senter par des personnages en mentionnant des titres de journaux mais sans le prendre v ritablement au s rieux ni lui accorder une grande confiance Le roman Claudius Bombarnac propose donc un portrait d un reporter qui semble rig en type socioprofessionnel La forme du texte qui se pr sente comme un carnet fait toutefois probl me d une part elle est responsable du caract re lacunaire du portrait un carnet de travail n est pas tr s personnel ne retrace pas toute la vie de qui le tient est destin son seul usage et ne dresse pas explicitement son portrait et d autre part la vision finalement assez critique du travail du reporter concorde mal avec l
92. 5 Daniel COMP RE Jules Verne Parcours d une uvre Amiens Encrage 2005 Pierre MACHEREY Pour une th orie de la production litt raire III Quelques uvres Paris Fran ois Masp ro 1966 Jean Michel MARGOT Jules Verne en son temps vu par ses contemporains francophones 1863 1905 Cahier Jules Verne II Amiens Encrage 2004 Jean Pierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent ans apr s actes du colloque de Cerisy 2 au 12 ao t 2004 Rennes Terre de Brume 2005 Robert POURVOYEUR Le r pertoire de ce bon M Caterna Bulletin de la Soci t Jules Verne n 33 34 1975 Fran ois RAYMOND dir Jules Verne 1 Le Tour du Monde La Revue des lettres modernes n 456 461 Paris Minard 1976 3 Christophe REFFAIT et Alain SCHAFFNER dir Jules Verne ou les inventions romanesques Amiens Encrage Universit 2007 Fran ois REYNAUD et Simone VIERNE dir Jules Verne et les sciences humaines actes du colloque de Cerisy 11 au 21 juillet 1978 Paris ditions 10 18 1979 Marc SORIANO Jules Verne Biographie Paris Julliard 1978 Jean Yves TADI Regarde de tous tes yeux regarde Paris Gallimard 2005 Europe Jules Verne novembre d cembre 1978 n 595 596 Europe Jules Verne janvier f vrier 2005 n 909 910 Revue Jules Verne Conversations avec Michel Serres Jules Verne la science et l homme contemporain Amiens Encrage 2002 n 13 14 2 Th orie litt raire
93. 5 Daniel COMP RE raconte que Jules Verne aurait aim si ger l Acad mie Fran aise mais qu il n y a jamais postul sachant que sa candidature serait d bout e Le romancier semble tablir une corr lation entre l absence de l gitimit litt raire de son uvre et son genre puisqu il crit en avril 1877 son diteur Dans l chelle litt raire le roman d aventures est plac moins haut que le roman de m urs in Jules Verne Parcours d une uvre Encrage Amiens 2005 p 23 386 Le pacte autobiographique mis en vidence par Philippe Lejeune n est donc pas respect 387 Jules Verne d clare dans un entretien avec Robert Sherard d j cit J ai toujours avec moi un carnet et comme un personnage de Dickens M Pickwick je note d embl e tout ce qui m int resse ou qui pourrait me servir pour mes livres in Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 op cit p 91 388 P 25 que l on me pardonne si je fais un abus de l gotisme dans ce r cit car il est rare que la personnalit d un auteur ne se m le pas ce qu il raconte voir Hugo Dumas Lamartine et tant d autres 389 Daniel COMP RE Jules Verne Parcours d une uvre op cit p 25 133 On peut m me tablir une cha ne de mots avec un m tagramme interne qui n a rien de surprenant quand on conna t l int r t de Verne pour les jeux avec les mots vERNE savERNA catERNA bomARNAc Bombarnac note que l association des pen
94. A La r f rence un itin raire du Transcaspien est int ressante dans la mesure o cette source semble mise en abyme dans le roman ce qui contribue une assimilation entre l auteur et le narrateur et permet une lecture m talitt raire du roman Ceci je viens de l apprendre en consultant l indicateur horaire que j ai achet la gare Il est accompagn d une longue bande cartographique pli e et repli e sur elle m me qui donne le complet d veloppement du railway entre la mer Caspienne et les c tes orientales de la Chine J tudie donc mon Transasiatique en quittant Ouzoun Ada comme j ai tudi mon Transg orgien en quittant Tiflis p 43 Quant l article du Correspondant dont il est question intitul Le Transcaspien et qui a peut tre motiv l intrigue de Claudius Bombarnac il est sign d Albert de Chenclos il est paru le 10 non pas dans des endroits patents in Revue Jules Verne Conversations avec Michel Serres Jules Verne la science et l homme contemporain Amiens Ancrage 2002 n 13 14 p 86 70 P 268 il rapporte un passage de Mme de Ujfalvy Bourdon 71 Lettre du 12 septembre 1890 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit page 131 72 Idem p 131 lettre du 16 septembre 1890 73 Idem p 132 lettre du 19 septembre 1890 Le propos est ici tr s r v lateur du travail vernien si Jules Verne se documentait
95. Anne Marie THIESSE Le Roman du quotidien Lecteurs et lectures populaires la Belle poque Paris Seuil 2000 Jean Claude VAREILLE Le Roman Populaire fran ais 1789 1914 Id ologies et pratiques Le trompette de la B r zina Limoges PULIM Nuit blanche diteur Litt ratures en marge 1994 4 Sur la presse a Histoire de la presse Marie Laure AURENCHE douard Charton et l invention du Magasin pittoresque 1833 1870 Paris Honor Champion 2002 Christophe CHARLE Le Si cle de la presse 1830 1939 Paris Seuil 2004 Christian DELPORTE Les Journalistes en France 1880 1950 Naissance et construction d une profession Paris Seuil 1999 Patrick EVENO Histoire de la presse fran aise de Th ophrase Renaudot la r volution num rique Paris Flammarion 2012 Dominique KALIFA Philippe REGNIER Marie ve THERENTY Alain VAILLANT dir La Civilisation du journal Histoire culturelle et litt raire de la presse fran aise au XIX si cle Paris Nouveau monde ditions 2011 158 Jacqueline PLUET DESPATIN Michel LEYMARIE et Jean Yves MOLLIER dir La Belle poque des revues 1880 1914 Paris ditions de l IMEC 2002 b Sur le reportage Myriam BOUCHARENC L crivain reporter au c ur des ann es trente Lille Presses universitaire du Septentrion 2004 Marc MARTIN Les Grands Reporters Les d buts du journalisme moderne Paris Audibert 2005 Marc MARTIN Le Voyage du grand reporter
96. Asie qui opposa indirectement les Russes et les Anglais tout au long du XIX si cle les premiers progressent en Asie centrale dans une logique de colonisation qui rejoint par ailleurs leur d sir d un acc s aux mers chaudes pour des raisons conomiques et strat giques lequel se r sume dans le slogan Vers l Oc an Indien refrain de tous les discours g opolitiques russes les seconds qui sont implant s aux Indes prennent peur et redoutent un d ferlement russe sur leurs possessions coloniales d o une immense m fiance et des man uvres pour freiner la progression russe Les historiens consid rent aujourd hui que ce conflit reposait surtout sur des repr sentations il est en effet douteux que les Russes aient vraiment voulu envahir l Inde ils focalisaient plut t leurs efforts pour acc der aux mers chaudes sur les D troits turcs dans le cadre cette fois de la Question d Orient qui proc de de la m me logique de conflit indirect et a fortiori qu il y ait eu de part et d autre une politique d finie sur le long terme de conqu te en r alit les Russes comme les Anglais profitaient surtout des conflits entre petits tats rivaux en Asie centrale et en Inde pour mener une politique de vassalisation Et plus qu une guerre ouverte entre deux grandes puissances 245 Cette expression traduite de l anglais Great Game qu on doit un des acteurs qui est aussi une des victimes du Grand Jeu le capitaine ang
97. F mentionn dans une lettre du 6 juin 1896 page 247 165 Idem page 201 la lettre est dat e du 19 septembre 1893 48 Et si la post rit a reconnu la valeur du Ch teau des Carpathes qui a eu de multiples r ditions Claudius Bombarnac reste parmi les uvres mineures peu r dit es et peu connues peut tre parce qu il n est pas all au bout de son projet de roman de la presse ainsi que le soulignent Guillaume Pinson et Pierre Olivier Bouchard dans leur pr sentation l dition num rique du Voleur d enfants reportage sensationnel de Louis Forest En effet notre connaissance il s agit du premier roman francophone dont la narration est quasi exclusivement d l gu e aux journalistes fictifs ici en l occurrence un trio de reporters nomm s Barnard Binard et Barbarus et un anonyme r dacteur qui remplit la fonction d une sorte de r dacteur en chef Jusqu preuve du contraire il n existe pas avant cela de romancier qui ait eu l audace de renoncer sa voix de romancier pour laisser une criture journalistique fictive le soin de guider le r cit Le Claudius Bombarnac de Jules Verne 1892 en livrant les impressions du journaliste ponyme s arr tait juste avant cette fronti re po tique ce n taient pas les articles de Bombarnac que l on lisait mais une forme de journal intime un cahier de notes que le h ros prenait sur le vif le roman tait d ailleurs sous titr Carnet
98. Il s agit donc d adopter une lecture qui tienne compte de ce cotexte au sein de la soci t m diatique de la Belle poque mais galement du contexte d criture du roman Une approche historicis e permettra galement de prendre en compte le discours de l uvre le roman v hicule en effet des repr sentations de son temps en particulier 14 Paul Bleton qui a consacr une partie de ses travaux la notion de s rialit en fait le crit re d finitionnel de la paralitt rature il souligne qu il faut prendre en compte la s rialit de production et de consommation Paralitt rature entre s rialit et innovation in Jacques MIGOZZI dir Le Roman Populaire en Question Limoges PULIM Litt ratures en marge 1997 15 Les tudes sur la paralitt rature sont globalement post rieures celles sur Jules Verne on peut signaler les colloques de Cerisy de 1967 sur la paralitt rature de 1982 sur R cit policier et litt rature et de 1986 sur roman feuilleton et roman populaire qui donnent voir l mergence progressive d une r flexion qui s labore au sein des universit s notamment Nancy Lyon Limoges et Qu bec mais aussi dans des revues Tapis Franc Belph gor et des associations comme l Association des Amis du roman populaire 16 Jean Yves Tadi souligne que Claudius Bombarnac est un roman mineur si tout le monde se souvient de Phil as Fogg personne ne se rappelle Bombar
99. Jules Verne et l Extr me Orient in Jean Pierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent ans apr s op cit p 290 262 Le rapprochement avec un objet typique le paravent pour le valet Soun dans les Tribulations d un Chinois en Chine la potiche ou le magot semble signaler le caract re d shumanis de leurs attitudes forg es enti rement de l ext rieur dans une logique d ali nation par la tradition 85 On peut toutefois se demander quel point on peut qualifier d ouverture l Autre ou de tol rance des positions tout de m me tr s eurocentr es si la Chine est valoris e c est seulement dans la mesure o elle adopte les pratiques europ ennes En cons quence les interpr tations du regard de Verne sur la Chine peuvent varier soit on suit une perspective tr s critique dans la lign e des travaux d Edward Said dans L Orientalisme 1978 et de ses continuateurs des tudes post coloniales et on consid re Jules Verne comme un tenant de l imp rialisme europ en position d fendable dans la mesure o l Autre est surtout valoris du fait qu il tend s acculturer soit on adopte une lecture proche de celle de G rard Siary qui crit Non Jules Verne n anticipe pas mon avis la mondialisation la r duction de l Autre au M me occidental Il proclame seulement tout comme Loti mais sans le d plorer la fin de l exotisme achev e par le r gne de la technique elle m me promue en vecteur p
100. Le trial me dit d un ton de bonne humeur Jamais je n oublierai Khodjend monsieur Claudius Et pourquoi n oublierez vous jamais Khodjend monsieur Caterna Vous voyez ces p ches r pond il en me montrant un lot de fruits qu il tient la main Elles sont magnifiques Et pas ch res Un kilogramme pour quatre kopeks c est dire douze centimes 64 Sur le plan mat riel ils voyagent gr ce des moyens de trans ports assez archa ques chevaux arbas tra neaux et sur le plan id ologique leurs travaux ethnologiques ils r alisent beaucoup de mesures de cr nes et leur adh sion la th orie des races tirent le r cit vers une forme de fixisme 65 J ai donc fait ma visite report rienne en me promenant sur les bords du Syr Daria Ce cours d eau qui baigne le pied des hautes montagnes du Mogol Taou est travers par un pont dont la section m diane offre passage aux embarcations d un certain tonnage Le temps est tr s chaud La ville tant prot g e par son paravent de montagnes les brises des steppes ne peuvent arriver jusqu elle et c est une des plus touffantes du Turkestan 18 Eh r pondis je cela tient ce que la p che n est pas rare en ce pays C est la pomme de l Asie et c est une de ces pommes l que madame Adam a croqu e Alors je l excuse s crie Mme Caterna qui mordait m me une de ces savoureuses p ches p 114 A la page 85 le majo
101. Quelques ann es pass es en Europe sans doute ont certainement europ ennis ses mani res et m me son costume Sa moustache est fine son il est spirituel sa coiffure est plus fran ais que chinoise Il me para t tre un aimable gar on d un caract re gai et qui ne doit pas monter souvent la Tour des Regrets pour employer une m taphore de son pays Son compagnon au contraire dont il a parfaitement l air de se moquer d ailleurs est le vrai type du magot de porcelaine t te mobile cinquante cinquante cinq ans la figure chafouine le haut de l occiput demi ras la natte sur le dos le v tement traditionnel robe veste ceinture pantalon bouffant et babouches multicolores une potiche de la famille verte p 34 Dans Les Tribulations d un Chinois en Chine Jules Verne oppose de la m me mani re ceux qu il qualifie avec m pris de Chinois de paravent aux Chinois europ anis s comme Kin Fo qui est le h ros de l autre grand roman chinois de Jules Verne et Pan Chao Le texte souligne par ailleurs plusieurs reprises la dynamique de modernisation qui est l uvre en Chine Ce qui n est pas douteux reprend Pan Chao c est que l Empereur de la Chine a t fort avis en donnant la main aux Russes de pr f rence aux Anglais Au lieu de s obstiner tablir les railways strat giques de la Mandchourie qui n auraient jamais eu l approbation du Tsar le Fils du Ciel a pr f r
102. Un cheminement vagabond Nouveaux entretiens sur la sociocritique Paris Honor Champion 2011 p 44 45 Or ce type de perspective articul autour de la notion de s rialit d velopp e l occasion des travaux sur la paralitt rature permet d tudier les logiques g n riques et se r v le particuli rement int ressant pour un roman comme Claudius Bombarnac car il repose largement sur un jeu avec les codes du sous genre du roman d aventures L adoption d une lecture s rielle peut galement permettre de replacer un texte au sein de massifs textuels avec lesquels il interagit leur faisant cho ou au contraire s en distan ant le journal dans lequel il est pr publi en feuilleton la collection dans laquelle s int gre le volume mais aussi plus largement les discours sociaux ou id ologiques de son poque de r daction Ce type d approche qui emprunte les m thodes et les pr suppos s de la sociocritique permet d appr hender des textes moins connus et souvent moins riches tels que Claudius Bombarnac dans lequel on retrouve difficilement les grands mythes verniens Paru en 1892 d abord au rez de chauss e du quotidien Le Soleil puis en volume chez Hetzel ce texte para t en effet assez dat dans la mesure o il a pris naissance dans un cotexte qui nous semble ancien celui de la mode du reportage litt raire et des romans de reportage d une part et celui des romans d aventures d autre part
103. Zo COMM RE CLAUDIUS BOMBARNAC DE JULES VERNE LE ROMANESQUE REFOND PAR LE REPORTAGE Universit Lumi re Lyon 2 Dossier de Master dirig par M Olivier Bara Mai 2013 Sommaire TOC HO nt en NN E anis dat le p 4 I GEN SE DE L UVRE 0 ne nn p 11 H Les SOURC S ganna a edit A a a a aiaa p 11 a Conditions de travail du romancier oooeeseeessseseseeerererererererererererererererererererererererererererererere p 11 EA AERA ALLAR IAEE E OADE A E ES E E A EEE I A IE A EEIE EES p 14 c Autres influences potentielles osnnennessenenenneeseesseeseesesssesseserssressessrssressesstssessteseeseesseeseeseessee p 21 2 La publication dans presse nero nent series ti etats dt ess tas p 25 a Le r sultat d une volont particuli re de l auteur amenant p 25 b Un processus de publication difficile 0sn0nennoenneenenseneseeseesseessessrssressessresresseeseeseesseeseeseessee p 27 c Les conditions de publication dans Le SORI li rade ie p 30 3 Quelle s diff rence s entre la pr publication dans la presse et la publication en I O EEI RA E CS ns p 39 a L hypoth se d une sp cificit du texte publi en feuilleton p 39 b mais un Fep rasendecerant sine nn nn dise p 41 g Laquestion dela reception AS re Reina tennis p 47 II LA TH MATIQUE DU VOYAGE p 55 1 vocation du VOVADE Te nn de nan NE NA nn de uns p 55 a Forte r f rentialit description
104. abitants quel est le pays lui m me ce qu il produit du double point de vue naturel et industriel Ouvrez Les Tribulations d un Chinois en Chine ensuite Claudius Bombarnac et vous serez difi s in Jules Verne en son temps vu par ses contemporains francophones 1863 1905 Cahier Jules Verne II Amiens Encrage 2004 p 194 212 Michel SERRES explique que chez Jules Verne part dans le domaine des moyens de communications il n y a pas v ritablement d anticipation mais uniquement de la science Revue Jules Verne Conversations avec Michel Serres Jules Verne la science et l homme contemporain Amiens Ancrage 2002 n 13 14 p 78 83 Science et non science fiction 213 Cet article de Gordon Jones Jules Verne at home para t dans Temple Bar Londres en juin 1904 la citation est tir e des Entretiens avec Jules Verne op cit p 215 65 fiction en particulier en ce qui concerne l anticipation le journaliste Robert Sherard voque d ailleurs cette question dans un entretien qui date de 1903 Il tait in vitable ainsi que Jules Verne le fit remarquer que je lui parle de H G Wells Je pensais bien que vous alliez me demandez cela dit il On m a envoy ses livres et je les ai lus C est tr s curieux et j ajouterai tr s anglais Mais je ne vois pas de comparaison entre son uvre et la mienne Nous ne proc dons pas de la m me mani re Je trouve que ses romans ne reposent pas sur de
105. abr g e intitul e L tonnant Reportage de Claudius Bombarnac Paris Hachette Biblioth que verte 1976 167 Le roman para t en feuilleton dans Le Matin entre le 25 juin et le 23 septembre 1906 Il est r dit sur le site M dias 19 http www medias19 org index php id 614 mais aussi aux ditions du Masque en octobre 2012 168 Jean Yves TADI crit Tous les romans de Jules Verne ou presque racontent un voyage et empruntent la forme du r cit ou m me du journal de voyage technique d j utilis e plusieurs reprises par Edgar Poe Dans ses moins bons moments il ne fait pas autre chose que d crire un itin raire le suivre sur le carte en donner les tapes in Regarde de tous tes yeux regarde Paris Gallimard 2005 p 41 169 Daniel COMP RE rappelle que cette appellation date de 1866 elle appara t pour la premi re fois l occasion de la parution des Voyages et aventures du capitaine Hatteras et que les Voyages Extraordinaires se composent de soixante deux romans et de quinze nouvelles englobant ainsi des textes assez h t rog nes d autant qu ils int grent galement des textes non romanesques in Jules Verne Parcours d une uvre Encrage Amiens 2005 170 Ibid p 24 49 sorte de quadrillage du globe qui laisse peu de zones inexplor es 7 Claudius Bombarnac constitue ainsi une occasion pour Jules Verne de faire d couvrir les r gions d Asie centrale entre les territoires parcourus
106. affaiblissement g n ral des id aux de la science observable d s la d cennie ant rieure qu il rapproche du d veloppement d une pens e fin de si cle sceptique et religieuse qui s oppose largement au positivisme ant rieur Il souligne galement que les grands vulgarisateurs Figuier Charton meurent au tournant du si cle de m me que de beaucoup de collections et de magazines in Bruno B GUET dir La Science pour tous Sur la vulgarisation scientifique en France de 1850 1914 Paris Biblioth que du conservatoire national des arts et m tiers 1990 423 Au del de leurs diff rences de tonalit s et d intertextualit Le Ch teau des Carpathes s inspire largement du roman gothique anglais en proposant toutefois une explication scientifique du fantastique les deux romans qui ont d ailleurs t publi s dans le m me volume ainsi qu en volumes simples partagent la th matique de la cl ture myst rieuse le bo te de Kinko puis le wagon plomb dans Claudius Bombarnac le burg dans Le Ch teau des Carpathes De plus la pr sence de personnages roumains cr e une forme de continuit entre les deux textes d autant que les descriptions de Mariota et de Zinca et les patronymes respectivement Koltz et Klork sont assez proches 144 r ception par le public est peut tre li e cette h sitation entre divertissement et didactisme entre les ambitions stylistiques de l auteur et la proximit du texte avec les codes g
107. age tir de la toute premi re page du texte Il est midi et le d part du bateau est annonc dans une heure Sur les quais sur le pont du Grand Duc Constantin se pressent les gens du pays Persans ou Arm niens affubl s de longues robes sales leurs barbes teintes en rouge brique les normes bonnets noirs en laine de brebis sous lesquels ils disparaissent comme des pingles coiff es d un bouchon offrent un spectacle assez nouveau et suffisamment r jouissant De m me le r cit de voyage de Marie de Ujfalvy Bourdon a pour p le organisateur le pr sent du reste les premi res lignes de ce texte marquent bien l inscription du genre qui appara t comme un prolongement du journal intime dans son moment d nonciation C en est fait mon mari M de Ujfalvy charg par le ministre de l instruction publique d une mission en Russie et dans l Asie centrale quittera Paris le 10 ao t 1876 Je suis r solue le suivre l inverse le reportage utilise le plus souvent une narration r trospective au pass simple qui le rapproche des pratiques traditionnelles du roman De plus le mod le d une narration lin aire au jour le jour rendant compte du moindre v nement qui est clairement l uvre dans Claudius Bombarnac se heurte alors aux imp ratifs de dynamisme qui sont ceux la fois du roman et du reportage sauf la fin le r cit para t assez r p titif Or ce trait qui pourrait tre int ressant dans la me
108. ages Extraordinaires in Jean Pierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent ans apr s op cit la citation provient de la page 104 304 Tels que le roman de Pierre Giffard Le Sieur de Va Partout 1880 qui est particuli rement logieux l gard du reporter Myriam Boucharenc crit que ce roman constitue une v ritable d fense et illustration du reportage Myriam BOUCHARENC Pierre Giffard Le Sieur de Va Partout un premier manifeste de la litt rature de reportage in Marie ve TH RENTY et Alain VAILLANT dir Presses et Plumes Journalisme et litt rature au XIX si cle Paris Nouveau monde ditions 2004 pp 512 521 la citation est tir e de la page 518 104 g ographiques et ethnologiques relatifs la r gion transcaucasienne p 4 Tout au long du texte apparaissent les sources du travail du reporter lequel mentionne ses lectures essentiellement des r cits de voyages en particulier ceux de Mme Ujfalvy Bourbon et de l ing nieur Boulangier De m me au cours du voyage le reporter pr pare les tapes venir il est question de piocher l indicateur p 13 du train qui donne les noms des stations travers es et les horaires Le reporter appara t donc pour partie sous les traits d un tudiant comme le montre l utilisation d un vocabulaire qui renvoie au travail scolaire le verbe familier piocher p 18 mais aussi donnez vous la peine d apprendre p 4
109. aim si ger l Acad mie fran aise et voir son uvre consid r e sur le plan litt raire Or la parution de Claudius Bombarnac dans Le Soleil peut contribuer un tel changement d image revalorisant doublement le roman d une part en le destinant un public d adultes et d autre part en l inscrivant dans une s rie qui se veut litt raire En effet Le Soleil cr et dirig par un acad micien douard Herv semble avoir des accointances avec la litt rature l gitime les auteurs des autres romans feuilletons ont en effet partie li e avec des instances de l gitimation C est ainsi que Pierre Magi l auteur de Flot et Jusant appartient la Soci t des Gens de lettres et qu Octave Feuillet qui fait para tre Julia de Tr coeur est membre de l Acad mie fran aise Quant Wilkie Collins l auteur de La Dame en blanc et Charles M rouvel si leur l gitimit litt raire est plus contestable leur popularit et leur succ s sont ind niables Claudius Bombarnac se trouve ainsi apparent des romans publi s des fins de divertissement mais qui m me s ils n ont pas t retenus parmi les chefs d uvre de la litt rature n appartiennent pas vraiment la paralitt rature Si la r ception d un roman est difficile mesurer surtout quand le texte en question n a pas soulev les passions on peut tout de m me penser que le texte n a pas t re u de la m me mani re par les lecteurs de la pr publicatio
110. ainsi pages 14 et 32 Le Soleil pr sente un seul paragraphe que les volumes couperont en deux il s agit probablement d un arrangement destin faire tenir plus de mati re en une seule livraison Enfin en quelques endroits le texte conna t des variations de mots ou de phrases le journal donne ainsi Australie p 15 et les volumes Australasie je sais son nom p 89 remani en un plus myst rieux je sais le nom ou Je regardais Pan Chao je l admirais Comme il mange Quel app tit p 91 corrig en Je regarde mon jeune C leste Avec quel app tit il op re De m me on lit dans Le Soleil Cependant il est un agent de la Compagnie qui ne doit pas quitter son poste c est Popof Popof notre chef de train est un vrai Russe l air militaire avec sa houppelande pliss e et sa casquette moscovite tr s chevelu et tr s barbu alors que dans les volumes on trouve une seule phrase Cependant il est un agent de la Compagnie qui ne doit pas quitter son poste c est Popof un vrai Russe l air militaire avec sa houppelande pliss e et sa casquette moscovite tr s chevelu et tr s barbu on peut faire l hypoth se que le passage a t remodel suite une coupe malencontreuse du feuilleton Mais globalement il n y a pas de modifications vraiment importantes ni significatives m me si certaines diff rences en apparence l g res ont un impact comme celle qui touche le nom du baron al
111. ajoute des personnages son casting Popof Je lui attribue le num ro 7 sur mon carnet p 42 Sir Treveyllan donnons lui le num ro 8 sur mon carnet p 43 je maintiens le num ro 9 que j ai attribu au jeune Pan Chao et le num ro 10 dont j ai gratifi le docteur Tio King p 54 Kinko J en fais aussit t mon num ro 11 p 68 Faruskiar je vais lui donner le num ro 12 dans ma troupe ambulante p 74 le r v rend Morse tout hasard je lui attribue le num ro 13 sur mon carnet p 138 Selon Claudius Bombarnac le reportage n est ni une pure description des lieux travers s ni une s rie de portraits il s agit en effet de donner du relief au r cit de voyage en l orientant vers la fiction Cette posture n a rien de tr s original pour l poque Marie ve Th renty crit ainsi la fiction est cependant loin de dispara tre tant l imaginaire journalistique du XIX si cle para t domin par le mode fictionnel mode pendant longtemps consid r comme distractif cognitif et p dagogique Mais les journalistes mobilisent la fiction sous la forme all g e et moins cons quente de l intertextualit qui permet d voquer l envers fictionnel de tout v nement Le recours l intertextualit romanesque notamment perdure et m me peut tre s accentue la Belle poque En d coule alors la recherche obsessionnelle d un h ros 1l est ainsi question de chercher
112. aland primitif de l illustre patriarche dans laquelle tout substantif re oit un adjectif et qui n apporte pas de nouvelle information par rapport son groupe nominal de rattachement l arche de No est en effet un exemple typique de glose rallongeant le propos De m me la page 18 le narrateur r utilise le m me proc d de pr t rition qui lui est permis par son travail pr paratoire qui vient ici se substituer l exp rience personnelle absente Nous avons laiss Elisabethpol en arri re Qu ai je vu de cette charmante ville de vingt mille habitants b tie cent soixante dix kilom tres de Tiflis sur le Gandja tcha un tributaire du Koura et que j avais sp cialement pioch e avant mon arriv e Rien de ses maisons en briques cach es sous la verdure rien de ses curieuses ruines rien de sa superbe mosqu e construite au commencement du dix huiti me si cle ni de sa place du Ma dan 305 Ce terme un peu vague de documents ne permet pas de d terminer si le narrateur lit la presse ou des volumes pour se pr parer ses voyages les r f rences mentionn es ensuite ne permettent pas non plus de trancher dans la mesure o la plupart des explorateurs ont publi des compte rendus de leurs exploits dans la presse avant de livrer des volumes plus complets 306 Le vocabulaire fait ici clairement signe vers le jargon scolaire des l ves 105 Pour autant le narrateur a conscience du carac
113. alvaud s de la paralitt rature On pourrait ainsi lui appliquer l analyse contest e que propose Serge Lehman dans sa pr face Hypermondes perdus l anthologie Chasseurs de Chim res le roman d anticipation scientifique de la fin du XIX si cle a t d pass par les productions de science fiction am ricaines plus tardives notamment pour des questions stylistiques du fait de son trop grand attachement au beau style de son incapacit faire exploser l acad misme bref s inventer une esth tique la hauteur de ses sujets 6 Serge Lehman oppose ainsi les ouvertures in medias res fulgurantes et habituelles dans les romans de science fiction am ricaine et plus largement leur style efficace et dynamique au travail stylistique plus classique voire plus fade de 242 427 leurs pr d cesseurs fran ais 424 Lors de son intervention La premi re litt rature d anticipation scientifique fran aise au pied de le la lettre le 21 mars 2013 dans le cadre du s minaire du LIRE XIX si cle l universit Lumi re Lyon 2 Ir ne LANGLET a montr les limites de l approche de Serge Lehman Elle a notamment soulign que sa pr face pratique une forme de distorsion historiographique lisant les romans qu il pr sente au prisme de la science fiction post rieure et a une d marche assez essentialiste et t l ologique avec l id e d une impuret originelle qui se r sorbe progressivement dans s
114. an le texte n voque plus la construction de la ligne de chemin de fer que par analogies ou allusions assez vagues comme Ce qui est enti rement termin ce qui assure une communication directe travers l Asie centrale c est la ligne principale du Grand Transasiatique Les ing nieurs n ont pas eu plus de difficult la construire que le g n ral Annenkof n en a prouv pour le Transcaspien Les d serts du Kara Koum et du Gobi se ressemblent p 151 Dans les deux derniers tiers du roman la r f rentialit repose plut t sur des remarques de type historique allusions des explorateurs la colonisation russe g ographiques ethnographiques et passe l arri re plan derri re l intrigue qui se met en branle Par souci de didactisme sans doute mais galement du fait de sa conception particuli re de l anticipation l auteur semble donc se refuser donner plus d informations fausses que ce qui est n cessaire son intrigue Se pose peut tre aussi pour lui la question du dosage du risque d alourdir voire d craser la narration par trop de passages informatifs Le texte propose galement un tableau assez pr cis des conditions de voyage en particulier de celles des Europ ens en Asie centrale la fin du XIX si cle Sur ce sujet la r f rence au r el s labore de mani re plus subtile qu propos de l Asie ou du train c est en effet au lecteur de d gager les informations Ainsi on peut faire l hypot
115. an Chao et Tio King y ont s journ et rayonne dans le monde entier de par sa langue mais aussi ses artistes les Caterna partent jouer Shanga et ses artisans comme Kinko et sa fianc e et plus 250 Appara t ici l id e que la fin le progr s conomique et social justifie les moyens brutaux mis en uvre au cours de la colonisation 251 Dans ce passage qui figure page 96 du roman on soulignera l habilit rh torique qui consiste faire faire l loge de la France par un tranger L dessus Pan Chao d ajouter en riant C est encore Paris qu on les les baisers de dame fabrique le mieux ce qui rend le jugement plus impartial en apparence 81 g n ralement son prestige Tiens l H tel de France O n y a t il pas un H tel de France p 91 L image qui est donn e de la France est certes valorisante mais terriblement st r otyp e et l on peut se demander quel point Jules Verne ne s amuse pas un peu avec ces repr sentations typiques au d triment de son personnage De m me le couple Caterna au demeurant pr sent comme sympathique ne manque pas de travers son obsession pour le th tre le fait para tre assez frivole et son sentimentalisme est assez ridicule De plus l inculture des deux com diens est assez manifeste ils ignorent qui est Tamerlan Mais enfin ce Tamerlan demande M Caterna ce Tamerlan dont il est toujours question p 106 et ne voient
116. ance de la presse dans ses lectures quotidiennes dont il retirait nombre d l ments documentaires int gr s par la suite dans ses textes Cette phase pr paratoire qui est ant rieure et contemporaine de la p riode de r daction rejaillit en quelque sorte sur le texte d finitif dans la mesure o l auteur inscrit ce processus dans son roman lorsqu il y mentionne de mani re plus ou moins dissimul e certaines de ses sources De plus la publication d une tr s grande partie des Voyages Extraordinaires dans divers journaux semble indiquer une affinit particuli re de l crivain avec ce m dia Il s agira alors de d terminer si au sein du corpus vernien une sp cificit de Claudius Bombarnac comme roman de la presse se d gage de ses conditions de production et de diffusion 1 Les sources a Conditions de travail du romancier i N 36 Dans un premier temps il convient d voquer bri vement les habitudes de travail de Jules Verne La puissance imaginative de l univers vernien a beaucoup t mise en valeur en particulier par les critiques d inspiration psychanalytique ou mythographique mais cette uvre est galement le 35 Christian ROBIN dans Jules Verne et la presse souligne que ce go t pour la presse prend sens dans un contexte historique donn Il n est pas tonnant que les journaux aient occup s dans la vie et l uvre de l crivain une place de tout premier plan puisque le Se
117. anisent la vie sociale dans ces communaut s de pionniers Ce trait 269 Pierre MACHEREY Pour une th orie de la production litt raire op cit p 210 270 Au point que Pierre MACHEREY d finit la th matique de la conqu te de la nature par l homme comme le projet id ologique global qui sous tend tout le travail de Verne in Pour une th orie de la production litt raire op cit 271 En ce qui concerne Claudius Bombarnac il y a peut tre galement un effet de source dans la mesure o les travaux de l ing nieur Edgar Boulangier qui ont massivement inspir le roman traitent norm ment des questions de mise en valeur du territoire 272 Pour reprendre le titre du sixi me chapitre de l ouvrage de Jean CHESNEAUX 89 n voque t il pas les vues bien connues d Enfantin sur l arm e pacifique des travailleurs sur l emploi de l arm e aux travaux publics l arm e consid r e comme prototype de la soci t future avec sa hi rarchie et sa discipline Ces vues avaient t soutenues dans Le Globe le journal d Enfantin en 1830 1832 Dans Claudius Bombarnac il est r guli rement question de la colonisation russe men e par des g n raux dans les phases de conqu te et de mise en valeur des territoires c est le g n ral Annenkof qui se charge de la construction de la ligne de chemin de fer La th matique du chemin de fer peut galement tre relue selon cette optique dans la mesure o d s 1825 le journal
118. ans De la d mocratie en Am rique 1833 pour parler de la presse am ricaine 324 P 219 Les journaux s taient empar s de l affaire Le Chi Bao de P kin et le Chinese Times de Tien Tsin avaient r clam la gr ce du jeune Roumain Ces cris de mis ricorde taient arriv s aux pieds du Fils du Ciel l endroit m me o sont plac es ses imp riales oreilles D ailleurs Pan Chao a fait parvenir Sa Majest une supplique relatant les incidents du voyage en insistant sur ce point que sans le d vouement de Kinko l or et les pierres pr cieuses du tr sor seraient au pouvoir de Faruskiar et de ses bandits Et par Bouddha cela valait autre chose que six mois de prison Oui Cela valait quinze mille taels c est dire plus de cent mille francs et dans un acc s de g n rosit le Fils du Ciel venait de les envoyer Kinko avec la remise de sa peine 114 gratign e tout au long du r cit Il en souligne galement les limites notamment ses rapports parfois un peu flous avec la v rit De plus le roman soul ve le probl me du secret d tat Ce passage de la page 168 semble en effet s en prendre aux dangers d une trop grande transparence m diatique au point que le lecteur a l impression que le bandit Ki Tsang a attaqu le train parce qu il a lu dans la presse qu il contenait un tr sor Ainsi c tait Ki Tsang qui venait d attaquer le train du Grand Transasiatique sur les plaines du Gobi Le pirate du Y
119. ans le r cit c est en r alit un pr sent de fiction qu on pourrait analyser comme un futur possible par rapport au moment de l criture puisqu on a affaire avec ce texte un roman d anticipation scientifique dans lequel la fiction prend le relais de la r alit sans coup f rir tout comme les rails du Grand Transasiatique se greffent discr tement sur le v ritable trac du Transcaspien En ce sens l accroche publicitaire publi e le 29 septembre et reprise le 3 et le 7 octobre dans Le Soleil se r v le tr s juste lorsqu elle promet un double d paysement la fois spatial et temporel Avec CLAUDIUS BOMBARNAC nous sommes entra n s dans une course vertigineuse au milieu d un fantastique ultra moderne Un chemin de fer de six mille kilom tres de longueur construit par la f conde imagination de JULES VERNE nous fait traverser une vitesse de 70 kilom tres l heure les pays les plus abracadabrants L expression fantastique ultra moderne est particuli rement frappante dans la mesure o elle met l accent sur le caract re futuriste du roman lequel n est pas particuli rement vident la lecture Mais dans la mesure o le substantif assez fort fantastique a au vu du contenu du roman le sens de romanesque on peut toutefois penser que le caract re superlatif de cette tournure rel ve surtout de la rh torique publicitaire 2 Le rapport l Autre En g n ral les textes qui donnent
120. ant la premi re l attention au texte et le travail stylistique la deuxi me des principes didactiques et moraux et la troisi me des trames romanesques et des codes g n riques se r v le ici Ainsi Claudius Bombarnac peut appara tre comme un roman de la presse dans la mesure o il met en sc ne un reporter dans l exercice de ses fonctions dans un contexte apparemment contemporain de celui de sa r daction Cependant au del du traitement de la th matique de la presse qui s inscrit dans la probl matique plus vaste des conqu tes de la modernit qui traverse tous les Voyages Extraordinaires les rep rages s av rent d cevants le roman a bien t inspir par des sources journalistiques avant d tre publi dans un quotidien mais ces caract ristiques ne sont en rien propres Claudius Bombarnac De plus il y a finalement peu d interaction entre le support de publication du roman et le texte le roman n a pas t remani pour coller au plus pr s au journal et ce dernier Le Soleil qui semble s tre impos plut t par d faut que par choix est assez loin des pratiques journalistiques voqu es dans le roman notamment puisqu il n accueille pas de reportage Ce manque relatif de corr lation entre support et contenu pourrait expliquer pour partie la pi tre r ception d un roman qui n a manifestement rencontr qu un tr s faible succ s la fois comme feuilleton et comme volume comme en t moignent ces lettres
121. aou est travers par un pont dont la section m diane offre passage aux embarcations d un certain tonnage p 119 L vocation des villes se fait de mani re 173 On pourrait citer d autres exemples notamment propos de la flore domestique comme page 117 51 plus ou moins rapide parfois le narrateur lance une liste de noms comme au chapitre II Saganlong Poily Elisabethpol Karascal Aliat Bakou tandis que dans d autres cas le lecteur a droit une description pr cise de la ville en g n ral au pr texte que le narrateur la visite comme celle de Boukhara au chapitre XI La r f rentialit du texte repose galement sur des allusions tr s nombreuses aux populations d Asie centrale dont les noms pars ment le texte comme dans ce passage du chapitre I les diverses populations nomades des gouvernements de la Transcaucasie se d composent ainsi par familles Kalmouks descendants des leuthes quinze mille Kirguizes d origine musulmane huit mille Tartares de Koundrof onze cent Tartares de Sartof cent douze Noga s huit mille cinq cent Turkomans pr s de quatre mille Mais Jules Verne ne se contente pas de proposer des listes il mentionne galement des pratiques sociales caract ristiques des peuples auxquels il fait allusion telles que leurs habitudes vestimentaires comme dans le chapitre I lorsque le narrateur r capitule ses connaissances sur la G orgie gastronom
122. appartenance la bourgeoisie L inscription des reporters dans les classes favoris es peut tre lue dans le texte m me notamment avec la comparaison dans la bouche de Claudius Bombarnac faite de barri res visibles et invisibles Barri re du latin qui au sommet d fendant l lite du pouvoir et du savoir barri re du capital de plus en plus important pour survivre parmi les entrepreneurs barri re des fili res qui trient les classes moyennes entre les culs de sacs et les promotions barri re de l instruction inachev e et de la formation inadapt e des ouvriers exclus d s le d part du banquet barri re de la pauvret et de de l loignement des paysans trop r cemment int gr s dans la nation in Histoire sociale de la France Paris Le Seuil 1991 p 339 288 Stendhal dont les Souvenirs d egotisme paraissent en 1892 et Schopenhauer connaissent une r ception tr s riche la fin du XIX si cle en France Les mentionner inscrit donc le roman la pointe de modernit et des modes culturelles 289 Cette dynamique est tr s explicite puisque le narrateur parle de son talage d rudition latine p 92 290 Fran ois BOUCHER Histoire du costume en Occident des origines nos jours Paris Flammarion 2008 p 394 98 vraiment monsieur le reporter je vous admire Il vous faut des incidents Comme il faut des malades au m decin Vienne une belle et bonne aventure p 71 or les m
123. aract ristiques int ressantes Tout d abord sur le plan id ologique la contrainte didactique qui s impose l auteur le conduit donner une vision somme toute originale de l Asie si le discours est assez eurocentr et st r otyp c est une r gion en pleine mutation qui est repr sent e Le fil rouge du roman est en effet constitu par le spectacle de son accession la modernit tant technique que sociale puisque le progr s incarn par la colonisation russe est symbolis par des infrastructures locomotive t l graphe bicyclette et par une l gislation lib rale en particulier l gard des femmes et des minorit s Ce propos n est toutefois pas d pourvu d arri res pens es faire l loge de la colonisation russe est vraisemblablement un moyen d tourn de valoriser les pratiques de la France en la mati re Et le choix d un roman d anticipation semble montrer la p rennit et la supr matie du mod le europ en en particulier fran ais puisque les exc s d un capitalisme rapace associ dans le r cit aux Anglo saxons sont stigmatis s travers les figures ridicules de Fulk Ephrinell et d Horatia Bluett tandis que l Angleterre se voit reprocher son arrogance et l Allemagne sa lourdeur l oppos la France est repr sent e comme un pays de culture attractif gr ce au personnage de Pan Chao qui rayonne de par le monde au travers du couple Caterna Toutefois la tonalit moqueuse qui baigne tout le ro
124. arav de de Paul d Ivoi Sur le plan de l criture galement la production soign e de Jules Verne se distingue de celle des auteurs paralitt raires qui misent plut t sur un style aux effets souvent faciles beaucoup de m taphores et d hyperboles assez us es associ un langage simple Le vocabulaire sp cialis ou compliqu est rare puisqu on n entre que superficiellement dans le r el les champs lexicaux exploit s sont toujours les m mes On ne requiert du lecteur aucune comp tence linguistique et ou technique approfondie On peut toutefois se demander si ce jeu avec les codes d un genre qui se caract rise par la rapide obsolescence de ses produits n est pas pour quelque chose dans l oubli dans lequel se trouve aujourd hui Claudius Bombarnac D autres l ments peuvent rapprocher ce texte d un sous genre particulier de la paralitt rature le roman d aventures Selon Jean Yves Tadi un roman d aventures n est pas seulement un roman o il y a des aventures c est un r cit dont l objectif premier est de raconter p 363 des aventures et qui ne peut exister sans elles et Matthieu Letourneux souligne que Par del les variations on peut rep rer un certain nombre de traits convergents une place centrale accord e l action et de pr f rence l action violente une certaine dynamique du r cit retranscrite dans P criture toute relative l action l importa
125. art des villes cons quentes travers es par le Transcaspien il est fort probable que Jules Verne en ait tir des informations Si le roman mentionne certaines des sources de l auteur il ne souligne pas toujours tout ce qu il leur doit Avec les sources du romancier sous les yeux on se rend compte en effet que Claudius Bombarnac principalement dans les passages qui ne rel vent pas directement de l intrigue tient dans une large mesure du patchwork d emprunts dont le degr de textualisation et d absorption varie Si Jules Verne cite parfois explicitement certaines phrases sans qu il soit 66 Lequel se r f re d ailleurs galement Elis e Reclus soulignant la valeur et la justesse de ses travaux tout en regrettant ses positions politiques en l occurrence son anarchisme revendiqu 67 Cet entretien Jules Verne at home His own account of his life and work r alis par Robert Sherardt pour McClure s Magazine en 1893 et publi en janvier 1894 appara t dans les Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 r unis et comment s par Daniel COMP RE et Jean Michel MARGOT Gen ve Slatkine 1998 p 91 92 68 Par exemple il semble que bien qu Elis e Reclus propose une large tude de P kin avec une carte d taill e Jules Verne n ai pas pris l ses informations sur la ville les deux textes sont tr s diff rents et apportent des donn es contradictoires 69 Michel SERRES insiste sur l importance de la science
126. article du Correspondant Comme l a fait remarquer le savant chroniqueur scientifique du Temps les Am ricains seuls s taient fait remarquer par la construction rapide des chemins de fer p 1131 53 Merv Boukhara Samarkande Tachkend Kachgar Kokhan Sou Tch ou Lan Tch ou Ta Youan il s journera plusieurs heures ce qui me permettra de voir ces cit s vol de reporter p 42 Ces mentions constituent un contrat avec le lecteur et ont valeur de programme le lecteur s attend d couvrir ces villes avec le narrateur dans la suite du r cit tandis que d autres indications g ographiques ont apparemment une pure valeur r f rentielle Pendant ce trajet de trois heures voici le nom des deux stations auxquelles la locomotive s est arr t e afin de pourvoir divers besoins Gh ours point d amorce de la route de Meschhed d o les hauteurs du plateau de l Iran sont visibles Artyk dont l eau est abondante quoique l g rement saum tre p 69 Claudius Bombarnac mentionne parfois le temps de l arr t en gare cinq heures du soir autre station Nia o le g n ral Pevtzoff avait tabli un observatoire m t orologique Ici l arr t n est que de vingt minutes p 152 La pr cision du texte concernant le trajet effectu par le narrateur est encore renforc e par les deux cartes dont Jules Verne fait accompagner son roman et sur lequel est trac le 179 parcours de Claudius Bombarnac O
127. assez moroses de l auteur Je suis tr s afflig de voir que dans fous les journaux il y a des comptes rendus de livres quelconques ne fussent ils que de quelques lignes et de ceux que nous publions rien si ce n est aux approches du jour de l an Bombarnac n a m me pas eu la chance d tre signal par la critique a me chagrine mais a ne A 163 m emp che pas de piocher J ai re u mon compte semestriel et je vous renvoie le re u ci inclus Je suis navr voyant ce compte Les livres sur lesquels je comptais Bombarnac Carpathes le public n en veut pas C est d courageant Il est vrai on ne peut pas toujours avoir la vogue Je le sais Peut tre devriez vous faire un nouvel effort d annonces de r clames Il n y a pas un Malot pas un Pont Jest qui ne soit annonc urbi et orbi Pour moi l effort ne se fait qu au jour de l an Est ce assez Pensez y 163 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op Cit p 193 c est une lettre du 6 avril 1893 164 Une note de la Correspondance signale que Ce 37 compte porte sur 8 107 15 F Net 13 148 65 F au total et m me si la fin de sa vie le romancier semble avoir connu moins de succ s qu ses d buts les comptes des ann es 1895 sont bien moins d plorables que celui ci le 38 compte s l ve 22 398 75F il en est question dans une lettre du 11 mai 1894 page 205 et le 41 20 409
128. barnac int gre nombre de d tails relatifs la mat rialit de son voyage ainsi qu on l a montr Mais surtout dans ce texte une sorte de mise en abyme montre le travail du romancier l emploi constant par le reporter de termes renvoyant la fiction pour parler des articles qu il doit composer permet au lecteur de comprendre que c est la fabrique du roman qui est ici d voil e autant sinon plus que celle du reportage sous la forme d une sorte de liste des ingr dients n cessaires un h ros romanesque des aventures L auto r flexivit du roman populaire se manifeste non seulement par ce jeu de d voilement de ses propres conditions d existence autant que par la tentation de d tourner ses propres codes la parodie est ainsi tr s fr quente dans les textes s riels dont l criture suppose une ma trise des codes du genre qui peuvent donc tre d tourn s et en particulier dans le roman d aventures C est dans cette optique qu on pourrait analyser plusieurs personnages comiques du roman lesquels apparaissent comme les d tournements d autres figures verniennes le mutisme et le flegme de Sir Treveyllan qui font partie du type de l Anglais ne sont pas sans rappeler les premi res vocations de Phil as Fogg qui appara t comme une m canique bien huil e au d but du Tour du monde en quatre vingts jours Quant au ridicule baron contenu g n re des p rip ties 399 Tels que romanesque page
129. barnac tente d ailleurs de clarifier la r alit qu il met en uvre c est ainsi que le texte essaie de rendre compte des enjeux g opolitiques de la r gion par de longues pauses didactiques mais aussi et peut tre plus habilement par le syst me des personnages l opposition entre l Anglais Treveyllan et le Russe Nolitz propose ainsi une vision de la rivalit coloniale qui oppose leurs patries respectives en Asie Et cette politique dit en finissant le major fait notre sup riorit sur l Angleterre Personne ne peut tre sup rieur aux Anglais Telle est la phrase que j attendais de sir Francis Trevellyan phrase que les gentlemen du Royaume Uni prononcent dit on en venant au monde Il n en fut rien p 98 Toutefois le mutisme absolu de Sir Treveyllan s il participe du comique du roman complique un peu les choses quoique le narrateur se charge ici de r pondre sa place ce qui r sout le probl me De m me en ce qui concerne la question de la technique on peut penser que la description fine de la locomotive et de son fonctionnement page 47 entre autres tend d mystifier ce que la machine en elle m me pourrait avoir de terrifiant en la ramenant ses processus purement m caniques Par ailleurs si le roman la fin du XIX si cle se trouve concurrenc par les sciences sociales naissantes quand il s agit d voquer les faits sociaux ce n est peut tre pas le cas des uvres de 410 Dan
130. berges le caquetage des relais le coup de vodka des yemtchiks et parfois la rencontre de ces honn tes brigands dont la race finira par s teindre Monsieur Bombarnac me demande Fulk Ephrinell est ce s rieusement que vous regrettez ces belles choses Tr s s rieusement ai je r pondu Avec les avantages de la ligne droite du railway nous perdons le pittoresque de la ligne courbe ou de la ligne bris e des grandes routes d autrefois p 16 Pour autant le narrateur ne s en tient pas ces remarques pessimistes et s interroge par la suite sur l impact des moyens de transports sur l criture des voyageurs Les id es d un homme lorsqu il est cheval diff rent des id es qui lui viennent lorsqu il est pied La diff rence est plus notable encore lorsqu il voyage en chemin de fer L association des pens es le caract re des r flexions l encha nement des faits en s op rant sous son cr ne ont une rapidit gale celle du train On roule dans sa t te comme on roule dans son wagon Aussi je me sens en une disposition d esprit particuli re d sireux d observer avide de m instruire et cela avec une vitesse de cinquante kilom tres l heure C est ce taux kilom trique que notre train doit conserver travers le Turkestan pour tomber une moyenne de trente quand il parcourra les provinces du C leste Empire p 46 Cette id e du d placement comme changement de la perception ici li e au moye
131. ce comparatiste lorsqu il cite son guide de Samarcande De ce point par une rue troite mais rectiligne notre arba arrive sur la place du Righistan qu il ne faut pas confondre avec la place du m me nom Boukhara fait observer na vement ma brochure p 101 le lecteur est en effet susceptible de confondre toutes ces villes qui lui sont rapidement pr sent es souvent avec les m me proc d s narratifs une description la faveur de la promenade qu y fait le narrateur le plus souvent accompagn d autres voyageurs dans une perspective comparatiste qui plus est Paradoxalement il semble que le d placement n apporte pas vraiment de changement ce qui am ne le lecteur partager le d sir du narrateur d une irruption d un peu d aventure dans la monotonie du voyage Ce caract re d ceptif du roman au moins dans les premiers chapitres est peut tre rapprocher du d but de banalisation des voyages qui n ont plus le caract re d aventure exceptionnelle qui marque les r cits des voyageurs du d but du si cle Le narrateur voyageur professionnel et passablement blas incarne parfaitement cette mutation d autant qu il emprunte 197 Jean Yves TADI Regarde de tous tes yeux regarde op cit p 175 Verne est l h ritier des grands projets encyclop diques fran ais du XVIII et du XIX si cle le dernier tant le Grand Dictionnaire de Pierre Larousse il montre toutefois que cet encyclop dism
132. ce qu il raconte voir Hugo Dumas Lamartine et tant d autres Shakespeare est une exception et je ne suis pas Shakespeare pas plus d ailleurs que je ne suis Lamartine Dumas ou Hugo p 28 Outre des r f rences litt raires et philosophiques la suite de ce passage mentionne Schopenhauer Claudius Bombarnac s enorgueillit aussi de ses connaissances historiques comme le montrent des remarques telles que ce roublard d Alexandre a fait du n ud qui rattachait le joug au timon du char de Gordium Cela a valu au conqu rant mac donien l empire de l Asie ou encore Et pouvait il mieux exprimer son admiration qu en envoyant cette c l bre r plique de Buridan la femme du Dauphin et non la reine de France comme il est dit improprement dans le fameux drame de la Tour de Nesle p 130 Cette culture au moins apparente et tr s ostentatoire contribue donc classer le reporter parmi les intellectuels au sens large et contemporain du terme Enfin le roman laisse galement penser que le reporter fait partie d une certaine lite sociale En effet les illustrations de L Benett montrent toujours le narrateur avec un chapeau qui permet d ailleurs de le rep rer et de le reconna tre ce couvre chef devient alors un signe distinctif et caract ristique du personnage ce qui lui conf re une certaine importance symbolique or le chapeau par opposition la casquette des ouvriers marque au XIX si cle l
133. ce qu il y a l un public qui vous est sympathique et qui sait appr cier vos uvres J H 111 Il a donc fallu plus de six mois pour placer le roman et l auteur semble assez amer de voir son uvre si souvent rejet e Ce long d lai explique peut tre pour partie son enthousiasme dont t moigne cette lettre du 31 aout 1892 113 tre publi dans Le Soleil Je suis enchant de votre combinaison et tr s satisfait d avoir un roman au Soleil dont j appr cie la nombreuse client le Je compte que vous lui ferez bien annoncer le Bombarnac d autant qu il ne publie pas ses romans en premi re page du journal Je vous le r p te cette combinaison me va beaucoup De plus si Le Soleil est moins prestigieux que les titres sollicit s au d but par Louis Jules Hetzel c est tout de m me un titre important il a en 1880 le neuvi me plus fort tirage des titres parisiens avec 45 000 tirages quotidiens et historiquement c est un titre audacieux puisque c est le premier quotidien politique adopter des prix vraiment modiques passant de dix centimes un sou en 1873 d marche et tarifs qui seront repris par tous les grands quotidiens notamment le Figaro des 110 Zdem p 181 la lettre est reproduite in extenso 111 La premi re allusion l Illustration date de mars 1892 mais les n gociations ont commenc avant et apr s la fin de la r daction du roman donc entre fin 1891 et mars de l ann e suivante et l
134. centrale nous ne connaissons pas de parias p 98 Une tr s l g re correction que Jules Verne apporte au texte du Correspondant qui lui sert de source se r v le galement tr s significative l o l auteur de l article Albert de Chenclos parle de farouches Turkomans le romancier reprenant ce passage change compl tement la connotation de l expression puisqu il est question sous sa plume de vaillantes tribus turkom nes p 59 Bien s r c est un d tail et Claudius Bombarnac n est pas le roman dans lequel transparaissent le plus les sympathies de Jules Verne l gard des nationalit s revendiquant leur ind pendance d autant que l analogie entre les colonisations russes et fran aises rend le terrain particuli rement glissant Mais il est tout de m me int ressant de voir que faire de Jules Verne le fer de lance des politiques imp rialistes est assez r ducteur et gomme les ambigu t s id ologiques de son uvre Ainsi le genre du roman par sa tendance absorber tous les discours est particuli rement apte mettre en perspective des visions contradictoires d un m me objet c est ici tr s visible en ce qui concerne la Chine Cette capacit de mise en dialogue qu ont les romans est tr s bien repr sent e par ceux de Jules Verne dont Daniel Comp re a soulign l esth tique polyphonique qui passe par des emprunts linguistiques des citations des d l gations de paroles b Tradition et m
135. ces int gr s l un l autre l espace nation et l espace monde entre lesquels la navette du reportage aura pour fonction de tisser un infatigable r seau et d abord significativement dans un contexte de conqu tes coloniales in La Civilisation du journal op cit p 1013 1014 310 Qualifi plusieurs reprises de cicerone expression qui renvoie habituellement un guide professionnel 108 Occupons nous de ma comptabilit de reporter Rien de plus simple Elle consiste ouvrir un compte d informations ceux de mes compagnons avec lesquels je dois tre en relation pendant le voyage C est mon habitude je m en suis toujours bien trouv et en attendant les inconnus j inscris les connus sur mon carnet avec un num ro d ordre N 1 Fulk Ephrinell am ricain 2 Miss Horatia Bluett anglaise 3 Major Noltitz russe 4 M Caterna fran ais 5 Mme Caterna fran aise 6 Baron Weissschnitzedorfer allemand En ce qui concerne les deux Chinois ils n auront un num ro que plus tard lorsque je serai fix sur leurs qualit s p 40 Ces num ros semblent destin s faciliter la prise de notes mais sont aussi pour le reporter un moyen de s approprier ses personnages en les r ifiant en en faisant en quelque sorte ses cr ations il emploie ainsi r guli rement un d terminant possessif comme page 45 Tous mes num ros sont l Au fur et mesure du voyage il
136. ci les potentialit s narratives et romanesques revendique aussi une certaine r sistance physique J ai eu l paule effleur e d une balle simple gratignure dont je me suis peine aper u p 166 Cela semble aller de pair avec un caract re courageux et r solu particuli rement visible au chapitre XXIV lorsque le train va tre pr cipit dans le ravin et que le reporter et Kinko sauvent les autres voyageurs Le personnage est galement caract ris par une curiosit qu il se pla t souligner Une ardente curiosit me d vore Il faut que je la satisfasse Il y a des moments o un chroniqueur est m tamorphos en fille d Eve p 65 l illustration qui accompagne ce passage fait d ailleurs du reporter une figure du voyeur qui regarde par un trou l int rieur de la caisse de Kinko Ces traits de la personnalit de Claudius Bombarnac en font une figure globalement sympathique mais pas v ritablement un h ros les journalistes chez Jules Verne le sont assez rarement et jouent souvent des r les comiques de second plan Il est d ailleurs significatif que alors qu il cherche un h ros pour son reportage Claudius Bombarnac ne se propose jamais d occuper lui m me cette fonction Ce faisant il se place dans une posture de spectateur qui tend en faire un alter ego du lecteur un certain nombre de questions rh toriques font d ailleurs penser que le narrateur se pose les m mes questions que son public par
137. cle Celle ci est en effet tr s marqu e par des sociabilit s particuli res qui donnent lieu des changes plaisants dont les textes mettant en sc ne des journalistes se font l cho depuis les ann es 1830 on trouve ainsi des vocations de ces traits d esprit dans certains 2 i Fe ne 344 romans dans les m moires des journalistes mais galement dans les journaux en particulier 342 Michel COLLOMB La Litt rature Art D co Sur le style d poque Paris M ridiens Klincksieck 1987 p 200 Le reportage est issu de cette nouvelle relation l Histoire qui consiste la dire en m me temps qu on la fait Il est indissociable de l v nement r cit nouvelle modalit de la perception historique introduite par les mass m dia Il faut toutefois pr ciser que Michel Collomb parle de la p riode qui suit la Premi re guerre mondiale 343 Marie ve TH RENTY De la nouvelle la main l histoire dr le h ritages des sociabilit s journalistiques du XIX si cle il s agit d une sociabilit qui se caract rise par des changes linguistiques mots d esprit et informations r cits de canards et de mystifications et des manifestations ext rieures de connivence et de complicit l clat de rire tant le signe caract ristique de l change journalistique in Tangence num ro 80 hiver 2006 pp 41 58 344 On peut citer ces deux exemples emprunt l article cit ci dessus de Marie
138. comme archives historiques Les journalistes ont si bien appris colorer les v nements de tous les jours que leur lecture donnera la post rit une image plus vraie que ne pourrait le faire le roman historique ou descriptif et quant au roman psychologique qui va bient t dispara tre vous le verrez mourir d inanition Ce diagnostic la fois terriblement pessimiste l gard du devenir du roman et vraiment logieux envers la presse explique sans doute le recours au reportage dans Claudius Bombarnac qui peut alors tre lu comme une forme de transition un passage de relais entre deux genres qui auraient finalement les m mes pr rogatives particuli rement en terme de r f rentialit On notera toutefois que le texte de 1892 peut se lire comme une promesse de survivance du roman sous d autres formes ce que pr voit d ailleurs Verne dans l interview de 1902 Non seulement le mod le romanesque s impose au narrateur reporter tout au long du r cit mais de plus Claudius Bombarnac est clairement un vrai roman et non un faux reportage Ind pendamment des incertitudes concernant le devenir du roman en g n ral Claudius Bombarnac doit se confronter aux mutations du roman d aventures lequel se d tache progressivement dans les ann es 1890 1905 de la vulgarisation scientifique en perte de vitesse alors ce dont t moigne notamment la chute du lectorat des revues proposant ce type de contenu bon niveau 418
139. cond Empire puis la Ile R publique connurent une p riode faste pour la presse in Jean Pierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent ans apr s actes du colloque de Cerisy Rennes Terre de Brume 2005 p 91 36 Pour une tude plus compl te voir les travaux de Daniel COMP RE et en particulier Jules Verne crivain Gen ve Droz 1991 dont la premi re partie s intitule Contrats et contraintes 37 On peut penser aux travaux de Marc Soriano dans le premier cas et de Michel Serres dans le second 11 produit d un travail contraint structur par les exigences de l diteur qui vise un certain march ainsi que par des codes internes aux Voyages Extraordinaires La collaboration de Jules Verne avec Hetzel p re jusqu en 1886 puis fils a ainsi d termin certaines caract ristiques des romans verniens Tout d abord un contrat pr cis lie l diteur et son auteur qui doit lui livrer chaque ann e trois volumes compos s dans le genre de ceux qu il a primitivement dit s et faits pour le m me public et de la m me tendue partir de 1871 un nouveau contrat ram ne le nombre de volumes dus deux par an pour l ann e 1892 il s agit de Claudius Bombarnac et du Ch teau des Carpathes La r f rence aux volumes pr c dents conditionne galement le type d uvre publi e par Jules Verne il doit s agir de romans m lant aventures donc divertissement et didactisme et destin
140. conomique 248 Le mot colonisation n appara t toutefois jamais lui m me dans le texte 249 Edouard BLANC Le Chemin de fer transcaspien article d j cit 80 Si les Russes avaient inutilement essay en 1870 de fonder Tachkend une foire qui p t rivaliser avec celle de Nijni Novgorod cette tentative devait r ussir quelque vingt ans plus tard Actuellement c est chose faite gr ce l tablissement du Transcaspien qui raccorde Samarkande et Tachkend p 116 et en faveur de la libert et de l galit l auteur rappelle l abolition de l esclavage les lois mettant fin aux discriminations l gard des Juifs et interdisant de battre les femmes pr sent la femme est libre m me en m nage p 118 Les pratiques coloniales russes ne sont mises en question qu une seule fois J aurai le temps de visiter cette curieuse ville dont la transformation physique et morale a t profonde gr ce aux proc d s un peu arbitraires de l administration russe p 84 et cette critique reste tr s mesur e d autant que la suite du paragraphe explique comment l ancien nid de malfaiteurs est devenu l une des importantes cit s de la Transcaspienne Cette vision assez idyllique de la colonisation quoique assez exigeante pour le colonisateur n a rien d exceptionnel dans l uvre de Verne pas plus que dans les discours de l poque Ce propos prend sens en contexte et dans un
141. d un reporter Dans le cas de Forest le pas est franchi et le roman est pr sent comme un reportage sensationnel II LA TH MATIQUE DU VOYAGE Le voyage est videmment un des th mes majeurs de l uvre de Jules Verne ne r pond elle pas au titre g n ral de Voyages Extraordinaires Ce faisant le romancier s inscrit dans la continuit des auteurs de voyages fictifs la diff rence de nombre de ses pr d cesseurs tels que Cyrano de Bergerac il reprend les proc d s du r cit de voyage imaginaire mais toutes les merveilles sont justifi es par des connaissances v rifiables Ses textes s inscrivent en effet dans une perspective didactique et sont caract ris s par leur tr s grande r f rentialit Le romancier semble de plus avoir recherch une certaine exhaustivit l int gralit de ses textes propose une 166 D apr s Marc JAKUBOWSKI Jules Verne l uvre d une vie Guide du collectionneur vernien ditions Le Sphinx des glaces 2004 Claudius Bombarnac en volume simple a connu trois parutions entre 1892 et 1905 et en volume double avec Le Ch teau des Carpathes trois parutions entre 1892 et 1914 Fait significatif ce roman ne figure pas encore dans l dition Omnibus des uvres de Jules Verne ni dans la Pl iade et sa seule r dition moderne part celle des ditions Rencontres qui publie l int gralit des Voyages Extraordinaires en 1970 semble tre une version
142. de ces ouragans qui dit on arr tent les locomotives du Grand Transasiatique p 75 un de ces honn tes d bitants de Bibles un de ces missionnaires yankees fourr s sous la peau d un n gociant tr s habiles en affaires p 138 un de ces anciens chefs de bandes p 139 un de ces accidents l p 160 un de ces poignards de th tre p 165 Ces tournures semblent convoquer un horizon m moriel qui est globalement celui d un lecteur de roman d aventures Du fait de ce caract re tr s XIX si cle du roman l anticipation est peu perceptible pour le lecteur contemporain malheureusement il semble qu on n ait pas de t moignages de la r ception contemporaine mis part les lamentations de l auteur dans sa correspondance devant le mauvais accueil fait son roman mais sans plus de pr cisions Ce caract re de vraisemblance au milieu d inventions parfois tr s fantaisistes mais pr sent es avec le plus grand s rieux correspond une conception particuli re de l anticipation comme prolongement de la r alit dont Jules Verne s est d ailleurs expliqu Le journaliste Gordon Jones qui rencontre le romancier en 1904 raconte ainsi Avec son habituelle modestie M Verne s leva contre l id e qu on puise le qualifier d inventeur Je n ai fait que des suggestions remarqua t il des suggestions qui apr s m re r flexion devraient selon moi reposer sur une base pragmatique et qu
143. de ces travaux J ai le pressentiment que nous deviendrons bons amis et en d pit du proverbe qui dit Quand bien m me ton ami serait de miel ne le l che pas je me promets de l cher mon compagnon de voyage pour le profit de mes lecteurs p 39 Le journal joue donc le r le de banquier et de guide autoritaire du reporter voire de Sur moi ou de Dieu id e que pourraient soutenir les manifestations de la voix du journal dans la vie du reporter l tranger et dans le roman les trois t l grammes bien s r fictifs du journal sont en effet clairement s par s du reste du texte tant cit s avec leur en t te leur style t l graphique sans 319 Marc MARTIN Le voyage du grand reporter de la fin du XIX si cle aux ann es 1930 article cit p 121 en r alit les directeurs de journaux ou les r dacteurs en chef qui d cident de l envoi de leur reporter Les journaux payent voyage et s jour et ils ne r pugnent pas le faire car ce genre d article attire et retient les lecteurs 113 ponctuation et m me en italique pour les deux derniers ce qui les met clairement en valeur et introduit de l h t rog neit nonciative syntaxique et typographique dans le r cit la premi re personne de Claudius Bombarnac Le roman revient galement sur le r le social de la presse en d veloppant des th ses assez conventionnelles sur le sujet Certes ce texte n incite pas forc ment fai
144. de la science fiction place H G Wells 1866 1946 l auteur de de La Machine remonter le temps 1895 de L Ile du Docteur Moreau de L Homme invisible 1897 et de La Guerre des mondes 1898 en p re de la science fiction moderne De fait ses romans semblent tracer les grandes axes de travail du genre 206 G rard KLEIN Science fiction in Mich le RIOT SARCEY Thomas BOUCHET et Antoine PICON dir Dictionnaire des utopies Paris Larousse 2007 p 212 Le sens fort que donne G rard Klein la notion d anticipation ne correspond pas vraiment au texte de Jules Verne dans lequel seul le train semble concern par l anticipation 207 Svetlana GORSHENINA Explorateurs en Asie centrale op cit p 103 63 Au moment o Jules Verne crit Claudius Bombarnac au d but des ann es 1890 le Transcaspien progresse partir de Samarcande de fait le parcours du Transasiatique suit celui de son mod le jusque l et le pr c de jusqu Tashkent Mais apr s un d but extr mement r f rentiel et pr cis l auteur se met inventer le trac d une ligne de chemin de fer qui non seulement n existe pas mais ne semble pas avoir t pr vue dans les articles cit s plus haut comme dans les crits d Edgar Boulangier qui datent des ann es 1890 galement il n est jamais question de prolonger le Transcaspien jusqu en Chine Svetlana Gorshenina rappelle toutefois qu il y a eu de nombreux projets utopiques d une grande art
145. de race tait alors pr sent e comme un fait scientifique av r Sarga Moussa crit ainsi En anthropologie mais aussi en histoire et en litt rature l id e de race acquiert ainsi au cours du XIX si cle le statut de v rit incontestable permettant non seulement de classer les groupes humains mais aussi de les distinguer selon leurs aptitudes suppos es leurs qualit s inn es Elle fait l objet d une essentialisation et d une hi rarchisation sur lesquelles s appuieront des discours et des doctrines racistes Dans le m me ouvrage Corinne Samidayar Perrin ajoute que la r f rence la race s impose dans toutes sortes de domaines qu ils rel vent de l histoire naturelle des sciences humaines alors en mergence arch ologie sociologie ethnographie ou de la litt rature Elle souligne toutefois que la notion qui s labore dans la premi re moiti du XIX si cle et rayonne dans tous les discours partir de l histoire naturelle et de la m decine laquelle constitue la fin du si cle la science dominante et impose ses m thodes et ses mod les toutes les autres disciplines reste assez floue Le terme de race appara t fr quemment dans le roman avec des usages assez vari s Ainsi on le trouve utilis dans son usage premier celui de l histoire naturelle lorsqu il est question des moutons de petite race p 129 mais surtout appliqu aux tres humains au sens de subdivisions de
146. descriptifs seraient alors lire comme la manifestation 335 Myriam BOUCHARENC L crivain reporter au c ur des ann es trente Lille Presses universitaire du Septentrion 2004 p 170 336 Idem p 138 Cette fa on de tailler dans le r el distingue le reporter du voyageur litt raire qui se laisse volontiers solliciter par mille d tails guider par sa curiosit et son inspiration du moment 337 On en trouve d ailleurs de nombreux exemples dans le r cit de Marie de Ujfalvy Bourdon 338 Marie ve TH RENTY La Litt rature au quotidien Po tique journalistique au XIX si cle Paris Le Seuil Po tique 2007 p 294 118 dans le r cit de l absence d v nement notable que d plore la narrateur dans les deux premiers tiers du roman et peuvent tre lus au prisme de l hybridit du genre du reportage qui reprend les codes de genres l ayant pr c d Le roman refl terait ainsi l hybridit du genre du reportage qui cr e une po tique et des pratiques nouvelles mais int gre aussi des m thodes emprunt es des genres plus anciens tout en cherchant s en distinguer pour se construire une identit propre La narration au pr sent d nonciation qui rapporte apparemment les v nements de mani re lin aire rapproche galement le roman de la po tique du r cit de voyage le Voyage Merv d Edgar Boulangier utilise ainsi les temps du discours pr sent pass compos comme en t moigne ce court pass
147. discours direct rappellent galement le mode du r cit De plus la pr sence de passages descriptifs et de rappels historiques qui se veulent documentaires avec une vis e informative pour le narrateur et destination du lectorat fictif que sont les lecteurs du XX Si cle et didactique pour l auteur qui crit pour le public des lecteurs du Soleil et du jeune lectorat de Hetzel tire le texte du c t du r cit en brisant l imm diatet qui est cens e caract riser le discours Dans de tels passages la pr sence du narrateur semble intermittente comme page 100 Incendi e par les arm es de Cyrus trois cent vingt neuf ans avant J sus Christ Samarkande fut en partie d truite par Gengiz Khan vers 1219 Devenue la capitale de Tamerlan cette situation dont elle pouvait certainement s enorgueillir ne l emp cha pas d tre ravag e par les nomades du dix huiti me si cle Mais surtout plus que le m lange entre discours et r cit qui est fr quent dans les romans la premi re personne du singulier dans lesquels le narrateur raconte une histoire c est la valeur du je qui pose question cette premi re personne est clairement identifi e d s les premi res lignes du volume elle renvoie Claudius Bombarnac reporter au XX Si cle lequel fournit par la suite diverses informations biographiques N anmoins le je qui raconte n introduit pas de propos tr s personnels tout au plus quelques jugements faisant croire
148. du Danube pr face de Charles No l MARTIN Lausanne ditions Rencontre 1970 II CORPUS SECONDAIRE OUVRAGES CRITIQUES 1 Sur l auteur et son uvre a Jules Verne par lui m me Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 r unis et comment s par Daniel COMP RE et Jean Michel MARGOT Gen ve Slatkine 1998 Correspondance in dite de Jules Verne et Pierre Jules Hetzel 1863 1886 tablie par Olivier DUMAS Volker DEHS et Piero GONDOLO DELLA RIVA Tome I 1863 1874 Gen ve ditions Slatkine 1999 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 tablie par Olivier DUMAS Volker DEHS et Piero GONDOLO DELLA RIVA Tome I 1886 1896 Gen ve ditions Slaktine 2004 b Sur sa bibliographie Piero GONDOLLO DELLA RIVA Bibliographie analytique de toutes les uvres de Jules Verne Soci t Jules Verne Paris 1977 Marc JAKUBOWSKI Jules Verne l uvre d une vie Guide du collectionneur vernien ditions Le Sphinx des glaces 2004 c Sur l uvre Christian CHELEBOURG Jules Verne L il et le ventre Une po tique du sujet Paris Caen Lettres modernes Minard 1999 Jean CHESNEAUX Jules Verne Un regard sur le monde Nouvelles lectures politiques Paris Bayard 2001 Daniel COMP RE Claudius Bombarnac Verne Saverna Caterna Bulletin de la Soci t Jules Verne n 35 36 1975 Daniel COMP RE Jules Verne crivain Gen ve Droz 1991 15
149. du narrateur se pose explicitement en instance qui raconte le reportage et en t moin qui a v cu ce qui est narr C est donc travers le t moignage d une exp rience v cue et ressentie que le reporter atteste la v racit de ce qu il crit De m me cette h ro sation paradoxale de journalistes qui ne sont h ros qu en dehors de leur profession est galement l uvre dans plusieurs comics am ricains Umberto Eco s est int ress au cas de Superman et montre qu en d pit du caract re absolument exceptionnel du personnage d origine extra terrestre il dispose de super pouvoirs qui le rendent quasiment invisible il est loisible au lecteur de s identifier l image de Superman En effet ce dernier vit parmi les hommes sous l identit mensong re du journaliste Clark Kent un type apparemment peureux timide m diocrement intelligent un peu gauche myope soumis sa coll gue Lois Lane une femme dominatrice et capricieuse qui le m prise car elle est perdument amoureuse de notre h ros D un point de vue narratif la double identit de Superman a une raison d tre puisqu elle permet d articuler de fa on extr mement vari e le r cit de ses aventures les quivoques les coups de th tre un certain suspense de polar Mais d un point de vue mythopo tique la trouvaille est carr ment g niale en effet Clark Kent incarne exactement le lecteur moyen type bourr de complexes et m pris s par ses semb
150. du public et de les d clarer inf rieurs Claudius Bombarnac et d autre part du genre du roman d aventures La p riphrase le grand romancier populaire pour Jules Verne est d ailleurs int ressante l adjectif populaire est en effet ambig dans la mesure o il peut renvoyer soit un public populaire des uvres de Jules Verne comme dans l expression contemporaine roman populaire soit l importance quantitative du lectorat vernien sans distinction de classe sociale on peut penser que Le Soleil titre conservateur et dont le lectorat para t surtout bourgeois fait plut t usage de cette derni re signification Toutefois l ambigu t demeure et la mobilisation des topo du roman d aventures pour rendre compte de Claudius Bombarnac laisse planer le doute Le 5 octobre para t encore une nouvelle publicit qui reprend largement les motifs pr c demment utilis s pour mettre en valeur le feuilleton venir NOTRE PROCHAIN FEUILLETON Tr s prochainement le Soleil commencera 34 la publication de CLAUDIUS BOMBARNAC grand roman in dit par JULES VERNE Nous n avons pas besoin de faire l loge du romancier qui a crit Le Tour du Monde en quatre vingts jours Vingt mille lieues sous les mers Michel Strogoff Les Enfants du Capitaine Grant et tant d autres uvres qui ont cr un genre nouveau auquel le public a fait un clatant succ s CLAUDIUS BOMBARNAC Est la hauteur des romans les plus
151. e de l intrigue mais leurs travaux sont assez diff rents les illustrations originales sont tr s pr cises avec beaucoup de d tails et assez sombres tandis que les dessins de 1936 sont beaucoup moins documentaires et utilisent une technique qui rappelle la ligne claire 446 On peut penser que celle de L on Benett a pu tre guid e peut tre par Jules Verne et par son diteur assur ment puisqu il a travaill du vivant de l auteur 447 Michel COLLOMB La Litt rature Art D co op cit 448 Le magazine Vu est ainsi cr e en 1928 par Lucien Vogel 449 Le personnage cr e par Herg appara t pour la premi re fois dans Tintin au pays des Soviets en 1929 450 Toutefois d s le troisi me volume de ses aventures Tintin en Am rique qui date de 1932 le sous titre Reporter du Petit Vingti me dispara t de plus Tintin part en Am rique pour vaincre les gangsters et non pour enqu ter leur sujet 451 Guillaume PINSON Tintin avant Tintin origines m diatiques et romanesques du h ros reporter tudes fran aises vol 46 n 2 2010 p 11 25 la citation provient de la page 21 151 concorde pas avec la fictionnalisation du reporter de bande dessin e telle que l invente Herg Le lecteur de journaux qui lit un vrai reportage a sous les yeux la fois l action du reporter et le r sultat textuel de ce reportage Tous les grands reportages sont homodi g tiques le je
152. e constitue un fait majeur du XIX si cle compl t par une r volution des communications que le roman voque par de nombreuses allusions au t l graphe on peut souligner l effet d cho et de bouclage entre l incipit et l excipit qui proposent chacun le contenu d une d p che Le narrateur ne s attarde par sur le caract re moderne de cette invention sans doute parce que le t l graphe dans le roman a surtout partie li e avec la th matique de la presse on peut rappeler qu elle date dans sa forme m canique t l graphe de Chappe de la fin du XVIIT si cle et du milieu du XIX si cle dans sa forme lectrique celle qui est utilis e dans le roman avec les travaux de Morse brevet s en 1843 Le narrateur souligne par ailleurs le caract re novateur des formes de journalisme qu il pratique il est en effet question des n cessit s si modernes de l interview p 4 mais la remarque vaut aussi pour le reportage C est donc la peinture d une Asie centrale en mutation qui int gre progressivement un grand nombre d innovations techniques modernes que propose ce roman 267 Jean Chesneaux nuance toutefois le propos en montrant que si le pessimisme vernien tait pr sent presque le d but de l uvre Jules Verne a pu instiller dans ses romans une doctrine du progr s parce qu il s est pris au jeu et que l vocation des nouveaut s techniques l int ressait vraiment 268 Les remarques concernant le reportage et p
153. e dont les informations sont souvent p rim es aux yeux du lecteur d aujourd hui nous int ressent en tant qu elles sont incorpor es la fiction ou alors au titre de l histoire des id es 198 On lit par exemple En somme je ne demande pas des accidents de voyage non rien que de petits incidents dignes du XXe Si cle 60 une voie trac e d avance en compagnie d autres voyageurs chevronn s qui connaissent d j la r gion Fulk Ephrinell Popof le major Nolitz Pierre Macherey crit Le voyage mesure qu il impose d tape en tape son avance se d couvre aussi comme in luctablement pr c d en ce sens la ligne de chemin de fer est hautement symbolique d un monde d j massivement investi par l homme La d mocratisation toute relative des voyages en cette p riode de premi re mondialisation est g n ralement associ e la mise en place de nouveaux r seaux de communication et en particulier au d veloppement des chemins de fer dans le monde entier Dans ce contexte les r flexions m ta litt raires du narrateur sont particuli rement int ressantes dans la mesure o elles associent la mort des motifs pittoresques au sens litt ral de dignes d tre peints donc d crits en contexte litt raire au d veloppement des trains Non m criai je ce n est plus le charme des voyages en poste en tro ka en tarantass avec l impr vu du chemin l originalit des au
154. e il existe de vastes r servoirs remplis de ce combustible min ral que l on verse dans les r cipients du tender et il est br l sur les grillages sp ciaux dont sont munies les machines C est ce naphte qui est employ bord des steamboats du Volga et autres affluents de la mer Caspienne p 48 Ce long passage tr s didactique dans lequel se m lent informations conomiques g ographiques et techniques est inspir Jules Verne par ses lectures pr paratoires ici il s agit d une textualisation assez nette de l article d j voqu du Correspondant D autres passages mentionnent galement des dates indices canoniques de r f rentialit comme la section initiale entre Mikha lov et Kizil 179 Voir les cartes reproduites au d but de l dition de Claudius Bombarnarc sur M dias 19 A noter toutefois que Le Soleil ne publie pas ces cartes ce qui contribue sans doute d r aliser le propos 180 Sur la question de l anticipation voir infra II 1 b 54 Arvat section commenc e en d cembre 1880 achev e en dix mois novembre 1881 Cinq ans apr s la premi re locomotive entrait Merv le 14 juillet 1886 et dix huit mois plus tard on la saluait Samarkande p 53 Toutefois dans la mesure o Jules Verne invente une partie du parcours du Transasiatique au del de Samarcande d crite au chapitre XII et qui constitue le terme du v ritable Transcaspien au moment de la r daction du rom
155. e 25 octobre et le chapitre VIII le 27 octobre et le chapitre IX le 29 octobre et le chapitre X et il en va de m me en novembre et d but d cembre Claudius Bombarnac se pr te visiblement assez bien une publication en feuilleton parce que c est un roman tr s a r qui pr sente des paragraphes courts des s quences narratives assez br ves et beaucoup de dialogues ce qui facilite les coupes De plus si l intrigue principale est assez peu intense elle pr sente beaucoup de petits l ments qui g n rent une forme de suspense et encouragent le lecteur poursuivre sa lecture et donc acheter le journal du lendemain se succ dent ainsi les interrogations au sujet du contenu des caisses de Fulk Ephrinell de celle de Kinko du wagon myst rieux puis celles concernant chacun des personnages que le narrateur rencontre tour tour De plus le d coupage accr dite le genre pr tendu du texte par une assimilation entre la publication ainsi que la lecture et l criture le carnet de travail l instar du journal intime mais surtout du journal se caract rise par une criture r guli re La pr sentation m me du feuilleton contribue ce rapprochement dans la mesure o chaque livraison est pr c d e d une date comme les entr es d un dix jours 148 Page 147 149 Page 23 150 On lit en effet dans le journal Cependant il est un agent de la Compagnie qui ne doit pas quitter son poste c est Popof Popof no
156. e dans le roman que le noms des auteurs des textes auxquels il se r f re sans pr ciser leur support de publication Cette discr tion est peut tre li e au fait que la lecture de la presse comme travail pr paratoire n est pas sp cifique ce roman comme le montre ce passage d un entretien avec Robert Shepardt Pour vous donner une id e de mes lectures je viens ici la biblioth que de la Soci t industrielle d Amiens chaque jour apr s le repas de midi je me mets imm diatement au travail et je lis d un bout l autre quinze journaux diff rents toujours les quinze m mes et je peux vous dire que tr s peu de choses chappent mon attention Quand je vois quelque chose d int ressant c est not Ensuite je lis des revues comme La Revue bleue la Revue rose La Revue des deux mondes Cosmos la Nature de Gaston Tissandier l Astronomie de Flammarion Je lis enti rement les bulletins des Soci t s scientifiques et en particulier ceux de la Soci t de G ographie car vous remarquerez que la g ographie est la fois ma passion et mon sujet d tude J ai toutes les uvres de Reclus j ai une grande admiration pour Elis e Reclus et tout Arago Je lis aussi et je relis car je suis un lecteur tr s attentif la collection Le Tour du monde qui est une s rie de r cits de voyages c Autres influences potentielles Juillet A la Belle poque il s agit d une des vieilles revues de pr s d un demi si cle d
157. e de 1883 du Tour du Monde une gravure de Marie de Ujfalvy Bourdon sign e de G Vuillier accompagne son texte http gallica bnf fr ark 12148 bpt6k344192 f394 tableDesMatieres 439 D autres rappellent beaucoup les photos prises par Paul Nadar lors de son voyage au Turkestan en 1890 voir Anne Marie BERNARD et Claude MAL COT introduction choix de photographies et de textes L Odyss e de Paul Nadar au Turkestan 1890 op cit 440 Jules VERNE Claudius Bombarnac Le Pilote du Danube pr face de Charles No l MARTIN Lausanne ditions Rencontre 1970 p 174 441 Idem p 134 442 Idem p 25 et p 229 443 Jules VERNE Claudius Bombarnac Paris Hachette 1936 444 Claudius Bombarnac porte ici un chapeau un pardessus et fume son aspect rappelle assez les d tectives de cin ma 445 Les passages illustr s par Henri Faivre ont souvent t galement trait s par L on Benett ce sont les moments cl s 150 panth re Ces illustrations sont int ressantes dans la mesure o elles proposent des r ceptions possibles du roman on remarque que la th matique de la presse pourtant centrale dans le r cit y occupe une place somme toute secondaire Pourtant il existe manifestement une affinit particuli re entre le reportage et l image Michel Collomb montre en effet qu apr s 1918 des photographies accompagnent nombre de publications de reportages dans la presse suivant le mod le am ricain Progressivement l
158. e de Charles No l MARTIN Lausanne ditions Rencontre 1970 434 Idem p 3 149 comme fondement du reportage est rendue gr ce un travail sur les jeux de regards Claudius Bombarnac est toujours montr en train d observer quelque chose par exemple ses compagnons de voyage le fait qu il porte un monocle attire l attention du lecteur sur l il du personnage Le travail de L on Benett souligne galement l hybridit g n rique du roman la pr sence du reporter dans les images discr dite l hypoth se du carnet de voyage des croquis de la main d un journaliste ourraient accompagner un article mais il est peu probable qu il livrerait autant p pag p p q d autoportraits Ces illustrations oscillent visiblement entre deux tendances certaines gravures s inscrivent clairement dans la lign e de celles qui accompagnent les r cits de voyages notamment ceux publi s dans Le Tour du Monde et poss dent le m me caract re documentaire Elles repr sentent des sc nes telles que la danse des derviches ou des b timents pittoresques une mosqu e Samarcande par exemple Pour r aliser ces gravures L on Benett a manifestement mis en uvre un proc d semblable celui de Jules Verne de m me que le romancier a ins r des passages informatifs en les mettant en sc ne sous forme de dialogue l illustrateur a adapt des images au roman en y int grant des portraits des personnages de l intrigue
159. e ferr e n gale ce railway m me en Am rique la ligne du Canada a cinq mille kilom tres la ligne Centrale et Union cinq mille deux cent soixante la ligne de Santa F quatre mille huit cent soixante quinze la ligne Atlantique Pacifique cinq mille six cent trente la ligne du Nord Pacifique six mille deux cent cinquante p 42 Ce ne sont que coudes brusques pentes qui exigent de puissantes locomotives et l des machines fixes pour haler le train accroch des c bles mouvants en un mot un travail hercul en sup rieur aux travaux des ing nieurs am ricains dans les d fil s de la Sierra Nevada et des Montagnes Rocheuses p 129 L insertion dans le roman de nombreux toponymes fait galement signe vers la r alit notamment lors des num rations de stations travers es par le train Toutefois dans les principales villes et intertextualit Nice Publications de la Facult des lettres arts et sciences humaines de Nice 1998 pp 3 15 177 Jules Verne a beaucoup crit de romans maritimes et a effectu lui m me plusieurs voyages en mer notamment bord de ses propres bateaux il en poss dera trois successivement le Saint Michel le Saint Michel II en 1875 et le Saint Michel III en 1877 qu il revend en 1886 avec lesquels il effectue des croisi res en M diterran e et en Mer du Nord 178 L id e que le mod le am ricain s impose en terme de chemin de fer est galement pr sente dans l
160. e fiction Le personnage central Spider Jerusalem est un h ros d cal plus proche des personnages de romans noirs que des super h ros traditionnels un provocateur cynique dont la vulgarit n a d gale que la consommation de drogues et qui place son travail sous le signe de la V rit Ces comics sont int ressants et peuvent tre rapproch s de Claudius Bombarnac aussi tonnant que a puisse para tre car toute l intrigue du r cit est articul e autour de la profession et de l id al journalistique du personnage central Le lecteur suit ainsi les d marches du journaliste travers la Ville un univers urbain ultra moderne qui sert de cadre la majorit du r cit et d couvre ses techniques muscl es d interview ses m thodes de travail la limite de l ill galit Il assiste galement la r daction de ses articles qui se distinguent de la narration par leur pr sentation ils sont r dig s en lettres d imprimerie et apparaissent dans des cadres color s et de ses notes personnelles La pr sence r currente de deux assistantes et du r dacteur du Word le journal qui emploie un temps Spider Jerusalem permet l insertion d un discours tr s provocateur dans sa forme mais assez traditionnel sur le fond le h ros milite en faveur d une presse libre qui fonctionne v ritablement comme quatri me pouvoir et dont le seul objectif doit tre la mise au jour et l expression de la v rit On peut citer un passage du troisi me v
161. e je travaillais ensuite sous une forme plus ou moins imaginaire qui r ponde la perspective que je m tais fix e Mais bon nombre de vos suggestions rejet es il y a vingt ans car consid r es comme impossibles sont devenues des faits r els Insistai je Oui c est vrai r pondit M Verne Mais ces r sultats ne sont que l aboutissement naturel de la tendance scientifique de la pens e moderne et en tant que tels il n y a aucun doute qu ils ont t pr dits par bien d autres que moi Ils taient in vitables qu on les anticipe ou non et le plus que je puisse revendiquer c est peut tre d avoir projet un peu plus loin dans l avenir que la majorit de ceux qui m ont critiqu Par cette m thode Jules Verne s oppose aux pratiques plus proprement fictionnelles de son contemporain H G Wells qui correspondent mieux la conception contemporaine de la science 211 La seule que recense Jean Michel MARGOT insiste au contraire sur le caract re documentaire et tr s fiable des romans verniens en 1985 quatre pages sign es par Charles Canivet qui est galement journaliste litt raire au Soleil paraissent la fin du deuxi me volume de L Ile h lice Dans cet loge assez conventionnel de l uvre de Jules Verne il crit Vous voulez savoir ce que c est que la Chine ce pays qui fait tant parler de lui en ce moment comment on y vit quelles sont les m urs et les coutumes de son demi milliard d h
162. e l dition et de la diffusion et en marge des dispositifs de contr le bibliographiques pour reprendre la d finition de l Association Fran aise de Normalisation 329 Voir ce sujet Sylvain VENAYRE La presse de voyage in La Civilisation du journal Histoire culturelle et litt raire de la presse fran aise au XIX si cle op cit p 465 480 330 Le r cit de voyage litt raire perdure malgr l apparition du reportage avec des plumes comme Blaise Cendrars Ella Maillard Nicolas Bouvier ou Annemarie de Schwarzenbach que ses voyages au Moyen Orient conduisent parfois croiser le trajet de Claudius Bombarnac au XX si cle 116 un usage particuli rement abondant le r cit de voyage devient ainsi dialogue du texte et des images On peut faire l hypoth se que l intertextualit est d autant plus forte la fin du XIX si cle et ensuite puisque que le d veloppement du tourisme d une part et de l ducation d autre part provoque une production toujours plus importante de r cits de voyage Dans Claudius Bombarnac Jules Verne mentionne ainsi un certain nombre de textes pr sent s comme des lectures du personnage qui guident la perception de ce que d couvre le narrateur Celui ci semble accorder une grande confiance ses pr d cesseurs ainsi que le montre l inclusion pure et simple d une citation Je reproduis ici ce que j ai retrouv en lisant l int ressant r cit de Mme de Ujfalvy
163. e la d mocratie 1789 1914 Paris Seuil 2002 Christophe CHARLE Histoire sociale de la France Paris Seuil 1991 Francis DEMIER La France du XIX si cle 1814 1914 Paris Seuil 2000 b Histoire culturelle Dominique KALIFA La Culture de masse en France 1 1860 1930 Paris La D couverte Rep res 2001 10 Usuels Encyclopedia Universalis http www universalis fr Dictionnaire historique de la langue fran aise sous la direction d Alain REY Paris Le Robert 2006 162 Dictionnaire des expressions et locutions par Alain REY et Sophie CHANTREAU Paris Le Robert 1979 Tr sor de la Langue fran aise en ligne http atilf atilf fr 163
164. e pour le feuilleton 129 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 195 130 Les lettres de l diteur manquant cette date il est difficile d en savoir plus 131 Elle fait pendant la g n tique des manuscrits aussi appel e avant textuelle 132 La femme de Rouletabille s appelle ainsi Johanna dans le texte de Rouletabille la guerre publi en feuilleton en 1914 dans Le Matin et Ivana dans les volumes correspondants Le Ch teau noir et Les tranges noces de 39 montre d ailleurs que ces pratiques de r criture ont partie li e avec le fonctionnement du feuilleton Il ajoute que les remaniements li s une pr publication dans la presse n affectent pas que les uvres appartenant la litt rature industrielle mais galement celles qui sont livr es au journal sous une forme consid r e comme achev e d veloppant l exemple de Madame Bovary de Flaubert roman pr publi dans La Revue de Paris il montre qu au moment de sa pr publication le texte a connu des modifications auctoriales dict es par la crainte de la censure ainsi que des suppressions allographes exerc es d autorit par les responsables de la revue sans l autorisation de l auteur 4 De plus le caract re extr mement progressif de la dynamique d criture de Jules Verne qui retravaille norm ment ses textes semble accr diter la th se d une nouvelle relecture r
165. e roman trouve preneur en ao t 112 Toutefois il ne faudrait pas accorder trop d importance cette joie manifeste de Jules Verne tre publi dans le Soleil dans la mesure o sa correspondance avec son diteur pr sente beaucoup de formules du m me type lorsqu il est question d autres romans plac s dans d autres journaux 113 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 182 114 Dans une lettre du 25 septembre 1892 idem p 183 on lis une formule similaire Je vous r p te que la publication de Bombarnac dans le Soleil me fait le plus grand plaisir et puissent les lecteurs de ce journal en prouver autant 29 ann es 1880 Par ailleurs si Le Soleil ne fait pas partie des journaux que lit r guli rement Jules Verne on peut penser que leurs affinit s id ologiques les deux tant conservateurs sont possiblement impliqu es dans l enthousiasme de l auteur En guise de compl ment cette vocation un peu longue des tapes de la difficile pr publication de Claudius Bombarnac on peut revenir sur les titres de presse qu avait sollicit s Louis Jules Hetzel Cette liste peut tre incompl te est en effet int ressante dans la mesure o la publication du roman dans certains journaux aurait eu des effets significatifs en terme de r ception Ainsi l Illustration aurait pu int grer les cartes et les gravures de L Benett qui accompagnen
166. e sorte de transfert des pratiques russes aux fran aises C est finalement un texte tr s tourn vers son pays d origine que nous avons affaire en cet ge des nationalismes qu est le XIX si cle il convient de s interroger sur la vision de la France que propose le roman par une sorte d effet retour Si un certain chauvinisme est bien pr sent le discours n est pas si univoque que cela en effet le narrateur est fran ais il crit Moi Fran ais et m me Gascon et fait plus loin r f rence aux coll giens de Bordeaux lorsqu ils musent sur les quais de la Gironde p 10 et aux bords de la Garonne p 15 Il tend mobiliser et valoriser des r f rences fran aises qui apparaissent alors comme incontournables son vin je me contente de boire mon flacon de Kach lie comme nous buvions notre Ch teau Lafitte au temps regrett o le soleil en distillait encore sur les coteaux de Pauillac p 10 ses productions industrielles des soieries qui ne valent pas les soieries de Lyon p 91 ses personnalit s notre grand chimiste Sainte Claire Deville p 44 notre grand Dumas p 91 ses productions artistiques la plupart des uvres cit es sont fran aises ses femmes comme dans 251 le passage sur les zenbukis Il insiste galement beaucoup sur l influence de la France dans le monde Il donne ainsi l image d une grande puissance qui attire les trangers Kinko P
167. e texte se r duit alors jusqu devenir seulement une l gende des images tandis que les magazines de 448 0 reportages photographiques se d veloppent dans les ann es 1920 le reportage photo convient mieux que le texte un go t de plus en plus net pour la factualit la photographie restituant directement le choc de l v nement Cette proximit entre un certain type de reportage et l image explique peut tre qu il existe tout un imaginaire populaire et graphique du reporter on pense bien videmment Tintin qui est reporter au Petit Vingti me mais ce n est pas le seul Guillaume Pinson souligne la proximit entre les Aventures de Tintin et les romans de reporters qui constituent un cha non essentiel entre le reportage r el et la bande dessin e laquelle emprunte finalement assez peu au reportage En r alit du grand reportage chez Herg au moment du premier Tintin il demeure moins une posture id ologique qu une po tique tout cela sur fond d aura h ro que Depuis la fin du XIX si cle le grand reportage est un genre dont le geste fondamental est celui du rassemblement Comme l a brillamment montr G raldine Muhlmann dans son Histoire politique du journalisme situ s derri re ce t moin ambassadeur qu est le reporter les lecteurs sont invit s se rassembler autour de valeurs de marques symboliques et de traits culturels qui transparaissent dans le r
168. ec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 166 101 Par exemple il crit le 2 mai 1890 Louis Jules Hetzel Maintenant j ai toujours Le Ch teau des Carpathes 1 vol qui par son genre conviendrait bien au Temps et surtout l Illustration cause des illustrations qu il comporte Qu en voulez vous faire in Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op Cit p 114 102 Apprenant que Pierre Jules Hetzel a plac Le Tour du Monde en quatre vingt jours au Temps Jules Verne lui crit le 12 juillet 1872 si vous le donnez au Temps a me fera bien plaisir je vous assure Correspondance in dite de Jules Verne et Pierre Jules Hetzel 1863 1886 tablie par Olivier DUMAS Volker DEHS et Piero GONDOLO DELLA RIVA Tome I 1863 1874 Gen ve Editions Slatkine 1999 p 173 103 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 151 toutefois le second sous titre mentionn montre bien que si le roman est achev il va encore conna tre de nombreuses modifications dont la correspondance se fait l cho avant sa publication 27 5 104 premiers chapitres si vous devez commencer le 1 Janvier dans le Magasin mais par la suite il n en est plus jamais question au contraire le 12 mai 1892 Jules Verne d fend son passage sur les baisers de dames que l d
169. effet habituel que l diteur de Verne assume cette fonction d agent litt raire pour utiliser une expression anachronique la correspondance montre ainsi que les ditions Hetzel cherchaient un journal susceptible d accueillir la pr publication de chaque nouveau roman de Verne qui ne paraissait pas dans Le Magasin d Education et de R cr ation L auteur donnait son avis et proposait parfois des titres de presse qui lui semblaient particuli rement appropri s au roman en question mais dans l ensemble Jules Verne se pliait aux suggestions de son diteur et se souciait surtout du respect de son texte En ce qui concerne Claudius Bombarnac le processus de publication est manifestement assez difficile La correspondance entre l auteur et son diteur permet d en suivre les diff rentes tapes Dans une lettre du 12 ao t 1891 Jules Verne d clare Oui mon 2e roman Bombarnac Carnet d un reporter enfin Voyage en Asie centrale est enti rement termin partir de ce moment des solutions concernant la pr publication du roman sont voqu es Tout d abord il est question de faire paraitre Claudius Bombarnac dans Le Magasin d Education et de R cr ation la revue destin e un jeune public des ditions Hetzel puisque Jules Verne crit le 8 novembre 1891 son diteur J attends les preuves de Bombarnac je n ai pas trop de temps pour corriger les 100 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne av
170. en 1976 ou la pi ce de th tre Les Naufrag s du fol espoir adapt e d un roman posthume de Jules Verne par H l ne Cixous et mise en sc ne par Ariane Mnouchkine la Cartoucherie de Vincennes en 2010 4 Pierre MACHEREY Pour une th orie de la production litt raire III Quelques uvres 1 Jules Verne ou le r cit en d faut Paris Fran ois Masp ro 1966 p 183 5 Idem p 183 184 il ajoute il ne s agit pas de r duire l uvre en lui reconnaissant un sens manifeste ou cach ce qu il faut expliquer au contraire c est cet trange pouvoir qu elle a de varier en elle m me cette diversit qui a priori lui donne sa coh rence 6 Michel SERRES souligne la dimension p dagogique et extraordinairement marquante de l uvre vernienne dans Jouvences Sur Jules Verne Paris ditions de Minuit 1974 p 13 7 Soulignons que nombre d crivains avaient d j salu l uvre de Jules Verne auparavant comme Butor qui le rapprochait de Lautr amont Michaux luard ou Perec 8 Daniel Comp re lie cette red couverte et le fait que les romans de Jules Verne soient tomb s dans le domaine public en 1966 in Jules Verne Parcours d une uvre Encrage Amiens 2005 tandis que Christian Chelebourg l associe plut t la conqu te de l espace incarn e par le programme Apollo de la NASA dans les ann es 1960 5 l crivain et sa r habilitation en tant que grand crivain de langue fran aise paraissent d f
171. ent menacent souvent l unit d un texte auquel elles contribuent toutefois donner une certaine originalit 3 qui pr sentent toutefois des points communs et donnent une certaine coh sion interne au roman Certes Claudius Bombarnac ne fait pas partie des chefs d uvre de Jules Verne la premi re lecture il ne para t ni tr s inspir ni tr s marquant Il est en effet tiraill entre trop de mod les h t rog nes qui l entra nent dans des directions trop oppos es et qui convoquent des horizons d attente trop disparates Toutefois au del du constat d un chec relatif que sanctionne l oubli quasi complet dans lequel est tomb le roman il convient de montrer que la tentative pr sente un certain int r t d abord les formes mobilis es partagent assez de points de recoupement pour qu une structure romanesque parvienne les subsumer Ensuite sur un plan plus historique ce roman est int ressant en tant que roman de crise l auteur semble chercher un nouveau mod le romanesque pour l poque de la Terre explor e des trains et du reportage dans ses limites galement Claudius Bombarnac est un roman de son temps un roman d actualit a Enonciation les valeurs du je Le roman Claudius Bombarnac qui rel ve selon son sous titre du genre du carnet de travail poss de apparemment les caract ristiques stylistiques du discours tel que le d finit Benv niste en l opposant au plan du r cit
172. ent abaisser un regard d daigneux sur la ville qu elles prot gent des vents du steppe sib rien protection qui fait de Khodjend la ville la plus chaude et la plus touffante du Turkestan De m me les remarques de Jules Verne sur les droits qu acqui rent les juifs gr ce la colonisation russe ne sont pas sans rappeler certains propos de la voyageuse comme Avant la venue des Russes il n tait pas permis un juif d aller cheval mais ne seulement ni de s habiller comme les autres un kafetan de couleur brune avec une ceinture sans ornement tait son seul v tement De la sorte on tait s r de le reconna tre Aussit t apr s la prise de Tachkend par les Russes nous dit le g n ral Kaufmann les juifs port rent des kalats de soie et de riches ceintures la distinction devenait difficile Enfin de m me que le texte d Edgar Boulangier celui de Marie de Ujfalvy Bourdon fournit la mati re d effets de r el et de passages anecdotiques au roman Quelques indig nes Khodjend est habit par les Tadjiks seulement achetaient des fruits nous f mes de m me et nous pay mes un kilo de p ches quatre kopeks environ douze centimes Les p ches de la ville ne sont pas grosses et n ont pas bonne mine mais leur chair est d licieuse ce sont les meilleures de l Asie centrale Ce passage est transpos dans le roman sous la forme d un dialogue badin J ai rencontr M et Mme Caterna enchant s de leur excursion
173. entrevoir ont l aspect de villas avec balustrades et toits l italienne Singulier effet en Turkestan et dans le voisinage de la Perse Le d sert s tend jusqu aux environs d Ouzoun Ada et les stations du railway forment autant de petites oasis cr es par la main de l homme C est l homme en effet qui a plant ces maigres peupliers glauques auxquels elles doivent un peu d ombrage c est lui qui a fait venir grands frais cette eau dont les jets rafra chissants retombent dans une vasque l gante Sans ces travaux hydrauliques il n y aurait pas un arbre pas un coin de verdure au milieu de ces oasis Elles sont les nourrici res de la ligne et ce ne sont pas des nourrices s ches qu il faut aux locomotives La v rit est que je n ai jamais vu de terrains si d nud s si arides tel point r fractaires la v g tation p 47 Le reporter se pose alors en t moin et fait du talent d observation le signe m me de sa profession j entends voir vison visu Que diable on est reporter ou on ne l est pas p 7 Cette capacit est aussi le gage de la v rit de son propos Si je disais aux lecteurs du XX Si cle que j ai visit les cent coles de la ville ses trois cents mosqu es presque autant de mosqu es qu il y a d glises Rome ils ne me croiraient pas malgr la confiance que m ritent incontestablement les reporters Aussi m en tiendrai je la v rit vraie p 93 Cette derni re
174. eportage On comprend d s lors que Tintin ne peut crire ou que cela soit tr s secondaire ce n est pas derri re l crivain journaliste que cette communaut se soude mais derri re l action du reporter t moin Chez Tintin si ce n est qu une seule occasion dans Tintin au pays des Soviets la mise en sc ne de l criture du reportage ainsi que l existence textuelle de ce m me reportage hypoth tique demeurent hors cadre d l gu es l imagination du lecteur Montrer le reporter en train d crire constitue en fait une erreur narrative qui ne se reproduira plus dans la s rie car cette pause extrait Tintin de ses propres aventures institue un d calage avec lui m me qui s av re intol rable Dans une rare sc ne o Tintin se d signe lui m me journaliste au d but de Tintin au Congo on se souvient de ce moment o une meute de journalistes de diverses nationalit s assaillent le jeune reporter pour tenter de lui acheter son futur reportage Tintin d cline ces offres et explique Je suis d j engag vis vis d autres journaux auxquels j ai donn l exclusivit de mes reportages Mais des reportages venir que sugg rent ce genre de sc nes il ne sera plus question par la suite libre au lecteur de se demander en fin d album si les reportages qu crira Tintin seront diff rents des aventures qu il vient de lire Or pr cis ment c est ici que la po tique du reportage n
175. eporter appartient au monde du spectacle qu il a pour fonction de donner voir des choses inou es au public le cirque Barnum tait en effet r put pour sa m nagerie d animaux exotiques Mais cette r f rence Barnum peut galement appara tre comme une mise en doute de la cr dibilit du journaliste dans la mesure o Barnum montrait de faux ph nom nes la pr tendue nourrice de George Washington g e de 160 ans par exemple Inscrire dans le nom du personnage des caract ristiques qui sont celles de sa profession c est par ailleurs mettre le lecteur sur la piste d une nature du reporter dont l orientation professionnelle prend presque la forme d un destin Cette id e de pr destination transpara t dans le texte dans la mesure o les qualit s du personnage semblent en effet particuli rement ad quates pour construire le type du reporter Il est vrai j aurais t capable de conduire n importe quel tranger travers les d dales de cette capitale si soigneusement tudi e par avance C est un don de nature p 8 Sa profession semble m me tre une sorte de seconde nature comme le laissent penser des passages comme celui ci en bon reporter je ne voulais dormir que d un il et sur une seule oreille p 19 ce m tier supposerait donc un travail sur soi particulier La profession du narrateur semble en effet avoir compl tement conform son esprit et son corps au point que ses motions sont conditi
176. eporters qu en th orie ils sont pr sent s et se pr sentent comme tels mais ne sont que tr s rarement montr s l uvre Leur profession est avant tout un pr texte un moyen de les faire acc der l aventure dans laquelle ils exercent en r alit des fonctions de d tective et ou d aventuriers l inverse Claudius Bombarnac d voile v ritablement la fabrique du reportage m me si le texte semble montrer surtout celle du roman dans une logique m talitt raire et parodique et fait du narrateur moins un h ros qu un employ d vou de son journal la figure perd d ailleurs en romanesque ce qu elle gagne en r alisme Le roman propose d ailleurs explicitement toute une r flexion sur le reportage son origine am ricaine ses fonctions plaire instruire et informer sa po tique proche de celle du roman L auteur se fait ainsi le d fenseur d un mod le de reportage la fran aise litt raire au point de s inscrire dans la lign e du roman avec lequel il partage nombre de points communs Si le reportage ne fournit pas v ritablement sa po tique au roman de Jules Verne il en est la th matique et comme tel est travaill en profondeur dans une perspective r f rentielle assez originale Le traitement du personnage de Claudius Bombarnac par les illustrateurs du roman met 433 d ailleurs en vidence les diff rentes facettes du roman Les gravures de L on Benett pour les ditions Hetzel au nombre de
177. epr sentants de commerce le divertissement avec les com diens et l information avec le narrateur la guerre avec le major la religion avec le r v rent La possibilit d une lecture utopique du fonctionnement de ce petit groupe est renforc e par la cl ture de ce groupe m me si les voyageurs ne sont pas enferm s dans leurs wagons puisqu ils visitent les villes o s arr te le train il n emp che que m me pendant ces visites la logique d entre soi persiste le narrateur parcourt Kizil Arvat et Doutchak avec le major et ils sont accompagn s par les Caterna dans leur promenade Samarcande De m me leur petit groupe fonctionne de mani re relativement autonome ainsi on est tent de voir les voyageurs du Grand Transasiatique comme une image en r duction de la soci t et peut tre m me d une soci t id ale on pourrait alors interpr ter le d placement du train comme la m taphore d un mouvement vers le futur dont les passagers de la premi re classe qui sont les h ros du roman constitueraient les pionniers De plus il semble qu on puisse tirer quelques valeurs de la vie commune des voyageurs du Grand Transasiatique On constate d abord le caract re extr mement cosmopolite des passagers preque tous les continents sont repr sent s puisque le texte mentionne un moment deux n gres que M Caterna appelle volontiers des hommes sombres p 107 qui n interviennent pas dans l intrigue mais semblent donn
178. eprises elle est une fois consign e en d tail et comme en direct par le narrateur dans son carnet p 195 197 puis r sum e deux fois la premi re comme une introspection de Claudius Bombarnac p 198 et la seconde travers un dialogue entre les voyageurs du train p 201 202 Par ailleurs le roman fait s rie dans la mesure o il renvoie r guli rement aux autres volumes des Voyages Extraordinaires soit sous la forme d un clin d il discret par exemple le fait que la fianc e de Kinko habite la m me rue que celle des h ros des Tribulations d un Chinois en Chine soit de mani re plus explicite avec le personnage du baron von Weisschnitzerd rfer qui est clairement une reprise parodique de Phil as Fogg ou avec 358 la r f rence la reprise th trale du roman Michel Strogoff p 96 La place importante occup e par les dialogues dans le roman apparente galement celui ci la paralitt rature de m me que la faible longueur des paragraphes comme l crit Daniel Cou gnas la page paralitt raire est a r e peu r barbative L usage assez massif des points de suspension comme dans ce passage de la page 157 Le wagon est forc pill d valis L or et les pierres pr cieuses d une valeur de quinze millions sont arrach s la garde des C lestes qui succombent apr s une courageuse d fense Quant aux voyageurs est galement typique du roman populaire mais aussi de
179. er la population du train un caract re repr sentatif On peut alors tre tent de lire dans ce texte une sorte d internationalisme qui selon Jean Chesneaux est parfois pr sent en filigrane chez Jules Verne La caricature des douanes et l insistance sur la lourdeur des formalit s impos es aux voyageurs rejoindraient alors le discours de certains romans du m me auteur sur le caract re arbitraire des fronti res En effet en d pit du nombre de st r otypes nationaux dans le roman et des jugements pas toujours valorisants exprim s sur les nations repr sent es dans le train la mise en sc ne d une logique de vivre ensemble dans la paix sinon dans l harmonie est r currente les moments de repas pris en commun illustrent d ailleurs bien cette id e De m me une certaine solidarit voire une amiti se fait progressivement jour entre les diff rents 93 passagers on peut renvoyer l explicit dans lequel le narrateur d clare laisser un v ritable ami en ces contr es lointaines p 219 en la personne de Noltitz et revoir r guli rement Pan Chao et Tio King Par ailleurs des conceptions en faveur de la d mocratie semblent percer par instants dans ce roman les aristocrates sont assez maltrait s le baron Weisschnitzerd rfer et sir Treveyllan sont ridiculis s le seigneur Faruskiar est un brigand tandis que les figures populaires sont plut t valoris es les Caterna Kinko et Zinca sont du c t des sent
180. ers ne sont pas individualis s et sont presque toujours mentionn s en tant que groupes au pluriel proc d qui les place automatiquement distance du narrateur comme du lecteur D autre part il est question des passagers du Grand Transasiatique ou du moins des treize qui font l int gralit du voyage pr sent s de mani re plus individualis e m me s ils n chappent pas la logique typifiante du narrateur et sont pr sent s comme les repr sentants de leur nation ils jouent un r le dans l intrigue Ils ne sont pas tous Europ ens rappelons que Noltitz et Popof sont russes Fulk Ephrinell et le r v rend Morse am ricains Horatia Bluett et Francis Treveyllan anglais Weissschniterd rfer allemand Pan Chao et Tio King chinois Kinko roumain M et Mme Caterna fran ais Faruskiar mongol mais ma trisent tous les codes culturels et en particulier linguistiques de l Europe a Une rh torique du type Les st r otypes foisonnent litt ralement dans ce roman et sont exprim s l aide de diff rentes tournures dont la plus fr quente est celle qui associe un d terminant d monstratif un substantif qualifi par un adjectif de nationalit par exemple jurons teutoniques p 205 on trouve aussi l emploi de termes g n ralisants race type natures vrai traditionnelles qui permettent d tendre les caract ristiques d un individu toute une cat gorie Par
181. es Ah s crie M Caterna des messieurs roues Et ces messieurs taient d origine turkom ne Apr s celle l il n y avait plus qu fuir une ville ce point d shonor e par ces chefs d uvre de la locomotion m canique et c est ce que fit notre train huit heures du soir p 106 107 Le reporter revendique d ailleurs cette inscription dans le pr sent lorsqu il crit d autres que moi de pr voir l avenir je me contente du pr sent p 133 On soulignera galement que tout le r cit se fait dans un apparent pr sent d nonciation qui est le temps du journal intime comme celui de l article de presse qui dans la mesure o Claudius Bombarnac est en r alit un roman est en fait un pr sent de narration Le pr tendu statut de carnet de travail du texte pose galement question 307 Comme le rapporte Marc MARTIN Les Grands Reporters Les D buts du journalisme moderne Paris Audibert 2005 p 144 107 en terme de style le r cit est tonnamment soign pour des notes de travail mis part ce passage en style plus t l graphique marqu par l absence de d terminant et les phrases nominales Ciel assez beau avec un vent de nord qui menace de fra chir Au large de longues ris es verd tres courant la surface de la mer Il est possible que la nuit soit plus dure qu on ne le supposait l avant du paquebot nombreux passagers Turkom nes en guenille Kirghizes aux ye
182. es 134 Todorov dans Po tique de la prose ces genres s inscrivent dans la logique de la litt rature de masse plus que dans celle de la grande uvre La s rialit appara t donc comme une des grandes probl matiques de ce type de textes et joue plusieurs niveaux d abord au moment de la r daction l auteur ayant un d lai de livraison contrainte que connaissait bien Jules Verne du fait ng rge 393 des modalit s de son contrat avec son diteur Hetzel et dont on peut sans doute lire l cho dans les pr occupations de son personnage Il semble d ailleurs que si elle est source d inqui tude cette pression appara t comme plut t b n fique dans la mesure o elle am ne le narrateur produire un texte alors m me qu il ne cesse de souligner que les circonstances ne l y aident pas Cette contrainte temporelle n est d ailleurs pas sans rappeler celle qui permet la production du journal intime genre dont ne rel ve pas m me fictivement Claudius Bombarnac mais avec lequel le carnet de travail pr sente un certain nombre de points communs Ensuite la s rialit est aussi s aue 1396 intertextualit une uvre inscrite dans un genre donn se doit de renvoyer tout en s en distinguant d autres textes du m me genre De plus si l on consid re avec Daniel Comp re que ce roman est une parodie un jeu sur les codes romanesques en particulier ceux du roman d aventures o
183. es Journalistes en France 1880 1950 Naissance et construction d une profession op cit 351 Pour une d finition plus pr cise de la notion de paralitt rature on peut renvoyer Daniel COU GNAS Introduction la paralitt rature Paris Le Seuil Po tique 1992 122 d aventures que de le comparer avec les grandes uvres de Jules Verne dont il n a pas vraiment la puissance Ce roman appara t en effet comme une tentative pour renouveler le romanesque Les personnages du roman sont ainsi proches de ceux des romans populaires notamment de par leur manque de profondeur psychologique tous narrateur compris sont assez plats et l on peut parfaitement appliquer Claudius Bombarnac ce propos de Michel Nathan l inverse de ce qui se passe dans le roman d analyse le personnage ne s inscrit pas dans une dur e il n a aucune profondeur Il est uni dimensionnel et ne conna t d autre cat gorie que l espace D o la multiplication des espaces qui compense l absence de temps la pluralit de paysages et de d guisements qui compense l absence de profondeur et de devenir De m me les personnages voluent peu fix s d s le d but dans un type coh rent ils correspondent d un bout l autre du roman au premier jugement qu a port sur eux le narrateur exception faite de Faruskiar c est pourquoi la sc ne de rencontre avec chacun des personnages se r v le d terminante pour la suite car
184. es est justifi e par la pr sence de M Caterna et sa qualit d ancien marin profession dont il a conserv le sociolecte On peut faire l hypoth se que le go t av r de Verne pour les voyages en mer trouve ainsi un moyen de s exprimer Le lexique renvoyant au chemin de fer est plus attendu et pars me le texte la description qui accompagne la premi re apparition du Grand Transasiatique au chapitre V en t moigne Le n tre comprend une locomotive avec boggie port sur quatre petites roues ce qui lui permet de suivre des courbes plus resserr es un tender avec r servoirs d eau et de combustible un fourgon de t te trois wagons de premi res vingt quatre places chacun un wagon restaurant avec office et cuisine quatre wagons de seconde et un fourgon de queue en tout douze voitures en comptant la locomotive et son tender Les wagons de premi re classe sont pourvus de cabinets de toilette m nag s l arri re et leurs si ges par un m canisme tr s simple peuvent se transformer en lits de repos ce qui est indispensable pour de longs trajets p 41 La mobilisation du champ lexical des chemins de fer s accompagne d une perspective comparatiste qui met en perspective le Grand Transasiatique et d autres lignes g n ralement am ricaines la Conqu te de l Ouest constituant un mod le d avancement ferroviaire rapide ce qui contribue inscrire le train vedette du roman dans la r alit Aucune voi
185. es querelles de chapelles des savants cette grande cit pourrait bien occuper un des quatre emplacements o les g ographes s accordent placer le Paradis Terrestre Je laisse cette discussion aux ex g tes de profession p 99 De m me la pr cision des explications de son ami le major est pr sent e comme l g rement ridicule Qu on me passe un peu d rudition ce sujet d ailleurs ce n est pas moi qui parle c est le major Noltitz p 128 On pourrait d ailleurs se demander avec Jacques Noiray si les listes diverses de particularit s vestimentaires comme dans l incipit ou de noms d explorateurs qu exhibe le roman ne sont pas une mani re un peu ostentatoire pour l auteur de se d barrasser tout en le remplissant d un contrat didactique qui lui avait t impos Cette critique d une forme de science pr sent e comme trop pointilleuse peut galement prendre sens dans tout un courant vulgarisateur assez critique vis vis des pratiques acad miques et qui pr ne un savoir plus ouvert et plus populaire de grandes figures de la vulgarisation scientifique au XIX si cle comme Auguste Comte Fran ois Vincent Raspail ou Camille Flammarion adoptent en effet une posture contestatrice l encontre de la science l gitime et de son litisme 415 Jacques NOIRAY article cit p 49 50 La confiance apparente dans la science ses savoirs et ses discours est contest e de l int rieur m
186. es v ritables crits des reporters de l poque qui doivent d fendre une profession relativement jeune qui s impose progressivement b Le genre du reportage Le texte propos dans le roman est cens tre un document de travail d un reporter le lecteur s attend donc d couvrir les coulisses du reportage voir la construction progressive des textes qu il peut alors lire dans les colonnes des grands journaux de l poque De fait les diff rents ingr dients du reportage sont bien mis en vidence les connaissances livresques les observations de terrain et la mise en r cit Claudius Bombarnac souligne en effet r guli rement l importance d un travail pr paratoire qui passe essentiellement par la lecture de documents traitant du sujet qui sera celui de son reportage J avais soigneusement pr par pourtant et largement approvisionn de documents on entend arnaque le terme appara t pour la premi re fois en 1833 quand la premi re syllabe elle pourrait ventuellement renvoyer l v nement m diatique qui clate soudain 303 Dans cet article intitul Jules Verne et la presse Christian Robin s int resse aux relations de Jules Verne avec des journalistes donc aux divers entretiens de lui qui ont t publi s puis la mani re dont les journaux ont servi de sources et de supports de publications aux romans de l crivain et enfin la th matique de la presse dans les Voy
187. est une nouvelle re qui s ouvre pour ces populations et en cela il faut convenir que l uvre des Russes m rite l approbation de toutes les nations civilis es Ne sont elles pas justifi es ces belles paroles prononc es par Skobeleff apr s la prise de Gh ok Tep lorsque les vaincus pouvaient craindre les repr sailles des vainqueurs Dans la politique de l Asie centrale nous ne connaissons pas de parias p 98 Ces vocations de la progression russe en Asie centrale et des craintes que cette avanc e provoque chez les Anglais sont difficilement compr hensibles pour le lecteur fran ais contemporain qui est assez peu au fait de la g opolitique de l Asie au XIX si cle elles taient sans doute un peu plus claires l poque o Jules Verne publie son roman dans la mesure o les v nements dont il parle rel vent de l actualit au sens large On peut toutefois faire l hypoth se que le faible succ s de Claudius Bombarnac est peut tre pour partie d l extr me abondance de r f rences pr cises et parfois obscures Il en va de m me pour les allusions aux explorateurs europ ens en Asie centrale qui renvoient eux aussi l actualit et dont nous avons g n ralement oubli les noms alors que la presse de l poque se faisait largement l cho de leurs exploits dans une logique de concurrence tr s marqu e par le nationalisme On peut citer ce paragraphe du chapitre XV qui accumule fr n tique
188. et du reportage para t quelque peu contestable et provoque des tensions qui font cran entre le texte et le lecteur De plus le recours un nombre important de mod les g n riques r cit de voyage reportage roman notamment d aventures mais pas seulement th tre est responsable du caract re assez d stabilisant et finalement d cevant du roman qui ne correspond en d finitive aucun horizon d attente dans la mesure o il ne remplit pleinement aucun pacte de lecture La narration ne joue en effet pas le jeu de la r f rentialit m me fictivement car les codes et toute une intertextualit romanesques sont tr s explicitement mobilis s notamment gr ce aux renvois des uvres de fiction autres romans de Jules Verne et pi ces de th tre ce qui g ne une lecture au prisme du reportage Le texte ne peut pas passer non plus pour un reportage cause de la forme du carnet de travail qui pousse une lecture m talitt raire du roman au prix d un rapprochement entre narrateur et auteur Le mod le du roman d aventures dont Claudius Bombarnac semble vouloir d voiler nombre de codes n est pas non plus totalement suivi le romanesque et le rythme tr pidant propres ce type de texte ne sont v ritablement pr sents que dans le dernier quart du roman et l intrigue est un peu trop sage 429 Matthieu Letourneux 428 Dans la pratique une s rialit du reportage se met progressivement en place au
189. et l Espagne Lamartine en 1835 Voyage en Orient et Nerval Voyage en Orient en 1851 327 A ce sujet on peut renvoyer l ouvrage de Marie Laure AURENCHE douard Charton et l invention du Magasin pittoresque 1833 1870 Paris Honor Champion 2002 et en particulier au chapitre XI Le Tour du Monde ou la litt rature de voyage pp 375 409 Elle explique la gen se du Tour du Monde dont la cr ation d coule du succ s des parutions ant rieures dirig es par Charton en particulier des Voyageurs anciens et modernes qui rend compte des diff rentes entreprises d exploration du globe ainsi que de sa volont de proposer une publication sur les voyages la fois s rieuse elle re oit la caution scientifique de la Soci t de G ographie dont Charton devient membre en 1859 et attrayante Le Tour du Monde est le premier journal consacr au voyage qui soit illustr Les premiers num ros publi s chez Hachette en 1860 ne proposent pas encore de relations de voyage contemporaines in dites contenu qui fera l originalit et le succ s du titre d s l ann e suivante Ce titre de presse s inscrit alors dans une dynamique de vulgarisation comme les autres publications pr sid es par douard Charton mais galement de communication 328 Les archivistes et les historiens qualifient de litt rature grise tout document dactylographi ou imprim produit l intention d un public restreint en dehors des circuits commerciaux d
190. et m me l argot dans le cas de Pan Chao et ma trisent les r f rences culturelles l gal du narrateur Noltitz cite Sainte Beuve Pour autant un certain d s quilibre demeure les seuls trangers non occidentaux qui sont sujets et non objets du discours singuli rement peu nombreux du reste pour un roman qui se passe en Asie centrale sont ceux qui ont accept les valeurs et les pratiques europ ennes en ce sens la description de Pan Chao est tr s r v latrice L un est un jeune homme d allure distingu e vingt cinq ans environ charmante physionomie malgr son teint jaune et ses yeux brid s Quelques ann es pass es en Europe sans doute ont certainement europ ennis ses mani res et m me son costume Sa moustache est fine son il est spirituel sa coiffure est plus fran aise que chinoise Il me para t tre un aimable gar on d un caract re gai et qui ne doit pas monter souvent la Tour des Regrets pour employer une m taphore de son pays p 34 Cette valorisation de l acculturation toujours au profit des pratiques occidentales est r v latrice d une conception du monde qui pose sinon une hi rarchie des races du moins une supr matie et un universalisme des valeurs et des pratiques europ ennes Pourtant il faut souligner le caract re polyphonique et m me polyglotte du roman qui d faut de s ouvrir vraiment l Autre dans l intrigue le fait davantage au c ur m me du texte les
191. et se dirige vers la locomotive Presque aussit t le train a repris sa vitesse normale et Popof repara t un instant apr s Qu est il donc arriv Popof Ce qui se voit souvent monsieur Bombarnac Un dromadaire vient de se faire craser Pauvre b te Pauvre b te qui aurait pu causer un d raillement Fichue b te alors De m me la parent est vidente entre la fin du chapitre III du roman et ce passage du Voyage Merv le romancier reprend les donn es du voyageur et les dramatise en faisant des personnages du roman des acteurs de l v nement qu il rapporte sous la forme d une p rip tie Dans tous les cas il est certain que l huile min rale existe en pleine mer Caspienne dans la cha ne de montagnes sous marines qui divise cette mer en deux bassins et dont quelques sommets mergents forment des cueils appel s pierre de naphte par les indig nes Il sort constamment de ces lots des gaz et du p trole qui surnage la surface de l eau Rien n est plus facile que de l enflammer comme on le fait parfois sur la c te de Bakou pour l agr ment des touristes de distinction Plus largement le roman de Jules Verne reprend jusqu Merv seulement la structure du r cit de voyage Sur le plan id ologique galement le roman est proche du texte d Edgar Boulangier ils partagent la m me germanophobie et une critique semblable des modalit s de la colonisation anglaise qu ils op
192. eule vocation Dans Claudius Bombarnac les tr s nombreuses donn es chiffr es qui n ont aucun impact sur l intrigue indiquant la population les dimensions d un pont le nombre de wagons d un train jouent certainement ce r le d effets de r el Il est int ressant de noter que Roland Barthes lorsqu il propose une r fl xion sur ce vraisemblable dont il trouve des exemples chez Flaubert et chez Michelet en souligne la modernit et fait d ailleurs le lien entre 280 Mikha l Bakhtine souligne d ailleurs le r le du personnage comme facteur de stratification du langage du roman et d introduction de la plurivocalit sur les plans linguistique et axiologique in Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard 1978 p 140 281 C est alors le pacte de lecture postulant l adh sion du lecteur au propos qu il admet dans le cadre du roman et l intertextualit qui sont au principe de la vraisemblance suivant une logique de suspension volontaire de l incr dulit explicit e par Coleridge 282 Roland BARTHES dans L effet de r el th orise la notion et en d finit le fonctionnement S miotiquement le d tail concret est constitu par la collusion directe d un r f rent et d un signifiant le signifi est expuls du signe et avec lui bien entendu la possibilit de d velopper une forme du signifi c est dire en fait la structure narrative elle m me la litt rature r aliste est certes narrati
193. eut tre lire dans une perspective litt raire et pas seulement id ologique sans pittoresque sur quoi un r cit de voyage ou un reportage ou un roman d aventures peut il fonder le d paysement c Le caract re utopique du texte 91 Dans son introduction au Dictionnaire des utopies Mich le Riot Sarcey souligne le caract re extr ment polymorphe de l utopie le non lieu de l utopie a t dispers dans une multitude de lieux souvent l cart de l ordre dominant et g n ralement en dissonnance avec les id es majoritairement partag es En effet contrairement au sens du mot qui les signifie les utopies en litt rature histoire religion architecture science et technique sont toutes inscrites dans l histoire 7 Si Claudius Bombarnac ne semble pas proposer un discours particuli rement marginal l usage massif de st r otypes le montre bien ni contestataire certains l ments du roman peuvent toutefois tre analys s au prisme de l utopie dont Laurent Loty souligne qu elle est une politique fiction un mode d exp rimentation par l imaginaire d hypoth ses anthropologiques conomiques et politiques La lecture du texte comme utopie est permise par la cr ation d une sorte de hors temps au sein du roman En effet les dates sont nombreuses dans le texte mais celles qui font r f rence au moment d nonciation fictif le moment o Claudius Bombarnac crit son carnet sont incompl tes ne ren
194. exception des quelques plumes prestigieuses de Jules Verne ou Camille Flammarion la vulgarisation n a pas r ussi constituer un genre litt raire part enti re in R seaux 1993 volume 11 n 58 pp 47 66 p 53 Quant Bruno B GUET il situe le d clin de la vulgarisation entre 1895 et 1914 143 Cette mutation du genre du roman d aventures va de pair avec des modifications ditoriales les pr cieux livres d trenne et de prix sont concurrenc s voire remplac s par des livraisons de petits fascicules peu co teux que les jeunes lecteurs peuvent se procurer leurs propres frais mettant ainsi fin la logique de transmission de l adulte l enfant que mat rialisait le don du volume cartonn Le savoir appara t donc de plus en plus comme une contrainte contourn e par le recours des pseudo savoirs valid s seulement dans un cadre intertextuel celui du roman d aventures Bien s r Verne reste le mod le du roman de vulgarisation scientifique et son ouvrage comme les pr c dents semble assumer ses missions de description et d explication du monde On peut toutefois se demander si Claudius Bombarnac ne peut pas tre lu au prisme de l essoufflement d un genre auquel son auteur a donn ses lettres d or On a d j montr que les discours didactiques sont la fois int gr s et contourn s dans le texte soit qu ils soient explicitement pr sent s comme ennuyeux soit qu ils soient quasiment illisibles lorsqu il s
195. f rence de G d on Spilett dans L Ile myst rieuse 1874 qui incarne plut t les caract ristiques morales du bon reporter La presse joue toutefois un r le particuli rement important dans Claudius Bombarnac dans la mesure o les fonctions sociales du journal sont souvent voqu es o la fabrique d un reportage sert de fil rouge la narration et o le narrateur et personnage central est reporter On s attachera donc dans un premier temps mettre en avant ce que le roman dit de la presse en analysant ce propos dans une optique r f rentielle tout en soulignant qu il contient une part non n gligeable de discours sur ce qu est la presse et sur ce qu elle devrait tre a La figure du reporter respect des lois du genre ni m me leur masque mais proc de de l intention d alt rer la nature tripartite du signe pour faire de la notation la pure rencontre d un objet et de son expression La d sint gration du signe qui semble bien tre la grande affaire de la modernit est certes pr sente dans l entreprise r aliste mais d une fa on en quelque sorte r gressive puisqu elle se fait au nom d une pl nitude r f rentielle alors qu il s agit au contraire aujourd hui de vider le signe et de reculer infiniment son objet jusqu mettre en cause d une fa on radicale l esth tique s culaire de la repr sentation idem p 87 88 284 Idem p 87 88 96 Tous les personnages du roman incarnant de mani
196. fur et mesure de la codification du genre 429 Jules Verne avait d ailleurs conscience du d fi pour partie impos par son diteur qui vise un public enfantin avec la volont de l instruire que repr sentait sa t che d int resser le lecteur sans viol ni adult re ni passion extra lettre Jules Hetzel du 3 d cembre 1889 cit e in Daniel COMP RE Jules Verne crivain op cit p 28 147 explique en effet que le roman d aventures se doit de th matiser la confrontation entre la sauvagerie et la civilisation si le h ros r ussit in fine restaurer l ordre de la civilisation il n y parvient qu en tirant sa force d un d passement de la sauvagerie lequel n cessite qu il recoure aux moyens de l ennemi Or aucun des personnages positifs de Claudius Bombarnac n est tent par la transgression Kinko viole certes le r glement de la Compagnie en voyageant clandestinement mais il est loin de mettre en p ril les valeurs de la civilisation L hybridit du roman qui pr sente un certain caract re ludique pour le lecteur rapproche ce texte des productions paralitt raires qui proc dent du m me type de lecture430 et proposent la m me confrontation entre r alit et fiction confrontation dans laquelle le romanesque triomphe en d finitive Toutefois le faible succ s de cette uvre est sans doute li son inad quation aux codes des genres dont il s inspire N anmoins Claudius Bombarnac pr sente quelques c
197. ginale in 8 comporte cinquante cinq illustrations par L Benett six grandes gravures en chromotypographie et deux cartes en couleurs 157 Voir annexe sur M dias 19 158 Ce prospectus se compose de quatre pages une couverture illustr e d une gravure repr sentant une sorte de lampe p trole et du feuillage et qui pr sente le sommaire de la revue une double page int rieure expliquant les objectifs de la publication mettre le monde au courant des progr s des Sciences et ses caract ristiques illustration co t bas r daction scientifique journal r dig par des hommes de Science pour des amateurs de Science et enfin une quatri me de couverture donnant des informations pratiques prix de l abonnement une liste de titres d articles r cents et un bulletin d abonnement 46 enjeux didactiques de l uvre vernienne fonctionne aussi comme un garant de la respectabilit du journal et donc de son contenu L ancrage s riel du roman est alors diff rent le roman publi au rez de chauss e d un journal forme s rie avec le reste du contenu du journal c est dire les articles mais aussi les feuilletons Dans ce contexte on peut se demander quel point le d sir de Jules Verne de publier dans la presse politique n est pas un moyen pour lui de raccrocher son uvre la litt rature l gitime On sait en effet que l auteur des Voyages Extraordinaires souffrait de son manque de reconnaissance officielle qu il aurait
198. gne Bonvalot Capus Papin Breteuil Blanc Ridgway O Connor Dutreuil de Rhins Joseph Martin Grenard Edouard Blanc les Su dois avec le docteur Swen Hedin Par petites touches l auteur donne une grande profondeur et une grande ouverture historique son texte comme pour transmettre au lecteur des connaissances g n rales un vernis d encyclop disme ce qui correspond bien la foi dans l ducation qui fonde les ditions Hetzel rappelons pour m moire que la collection dans laquelle publie Verne s appelle la Biblioth que d ducation et de R cr ation Pourtant alors que le voyage se d veloppe dans l espace et dans le temps il semble paradoxalement au lecteur que le r cit n avance pas vraiment cette impression d autant plus trange que les textes de Verne en bons romans d aventures sont habituellement men s tambour battant est sans doute due la r p tition de certains motifs ainsi le narrateur ne cesse de souligner combien le paysage est morne on lit par exemple page 176 Peu vari le paysage Toujours ce monotone d sert du Gobi La description des villes insiste le plus souvent sur les caract ristiques r currentes et en particulier sur le fait qu elles sont doubles une ville ancienne et une seconde plus r cente c t de m me que Boukhara Merv et Samarkande Kachgar est une ville double p 134 Le narrateur semble d ailleurs ironiser propos de cette tendan
199. gne le texte revient sur la r ception assez complexe de cet auteur L incroyable succ s des romans de Wilkie Collins en son temps tait d j fond sur cette ambigu t il plaisait la critique la plus exigeante Dickens et les amateurs de feuilleton qui jouait l poque le r le du cin ma populaire chez nous s arrachaient ses livres W WILIKIE COLLINS La Dame en blanc Paris Ph bus 1995 162 Charles M rouvel 1832 1920 est l un des plus c l bres auteurs de romans populaires Anne Marie THIESSE Le Roman du quotidien op cit p 189 elle retrace galement son parcours biographique il s illustra dans le genre du roman sentimental et psychologique avec des romans tels que Chaste et fl trie 47 journal diff re tr s peu de celui publi dans Le Soleil il para t probable que le bourgeois lisant le feuilleton de son quotidien parmi les articles d actualit et d autres romans l gitimes n a pas eu sur le roman le m me regard que l enfant qui un adulte a fait don du volume et qui le met en relation d une part avec ce que l cole lui apprend et d autre part avec d autres romans pour la jeunesse en particulier ceux du m me auteur L ambigu t g n rique du roman lui a ainsi permis de s adapter des supports et des publics assez diff rents L hybridit de l uvre vernienne qui oscille entre litt rature l gitime litt rature pour la jeunesse en constitution et paralitt rature emprunt
200. h se que les trangers dans le train transasiatique constituent une sorte d chantillon sociologique repr sentatif si on reprend la liste des num ros de Claudius Bombarnac par exemple dans sa version de l excipit du roman on remarque qu elle correspond assez bien la typologie des voyageurs en Asie centrale propos e par Svetlana Gorshenina tant sur le plan des nationalit s que des motivations L assouplissement de la l gislation russe concernant les trangers et surtout le d veloppement des chemins de fer en Asie ont en effet provoqu un afflux plus important d trangers dans cette r gion pour l ann e 1884 quarante trangers ont ainsi re u l autorisation de se rendre au Turkestan en train Le d pouillement des archives de l mirat de Boukhara pour les ann es 1880 r v le que la plupart des voyageurs justifient leurs d placements par le tourisme on pourrait ranger dans cette cat gorie le baron Weisschnitzerd rfer et par d faut sir Trevellyan et en particulier la chasse des animaux exotiques on peut peut tre voir un rappel de cette activit dans le passage o Faruskiar abat une 181 Voir infra 182 Svetlana GORSHENINA Explorateurs en Asie centrale Voyageurs et aventuriers de Marco Polo Ella Maillard Gen ve ditions Olizane 2003 35 panth re Beaucoup partent galement en Asie pour travailler et Svetlana Gorshenina pr cise que l ambition de faire fortune concerne toutes les cla
201. i est assez h t roclite portant tour tour sur le Panth on Jeanne d Arc des nouveaut s litt raires 38 r serv l autre feuilleton Julia de Tr c ur et la page 4 la publicit Le roman de Jules Verne para t donc en cinquante six pisodes Sa parution est beaucoup plus irr guli re vers la fin de la publication ce qu on peut expliquer par la logique interne du journal qui semble privil gier les feuilletons r cemment commenc s lorsque la place manque ou par un tiolement de l int r t du lectorat pour Claudius Bombarnac Si la publication de Claudius Bombarnac dans Le Soleil semble avoir t dans un premier temps une sorte de pis aller dans la mesure o Le Soleil ne fait pas partie des premiers titres sollicit s par Louis Jules Hetzel ni de ceux mentionn s par l auteur le romancier se satisfait ensuite de ce choix Il semble de plus que le journal se mobilise largement pour promouvoir et mettre en valeur le roman dont il fait son feuilleton Toutefois les suites de la correspondance de Jules Verne avec Louis Jules Hetzel montrent que cette collaboration qui semblait pourtant d buter sous les meilleurs aupices ne s est pas tr s bien pass e ce qui explique peut tre que Claudius Bombarnac soit le seul texte de Jules Verne qui ait t publi dans Le Soleil Sans parler du faible succ s du roman sur lequel on reviendra une lettre de Jules Verne Louis Jules Hetzel dat e du 20 Mai 1893 7 rappor
202. i pr sentent toutefois des points communs et donnent une certaine coh sion interne au OMAN Rene re Rs de p 135 a nonciation les valeurs du je Drnnrrnrrrrrrrnrrrrrrreenrerrrrersreneneerereenseerersnenenenres p 136 b La s rialit facteur de coh sion interne nrrrrrrrrrrrrrrrererererererereeenene p 136 c Un roman de Crise 7 hs ete ed nn ne net nn Et eee be p 145 CONCHIMIO PEE E EE dd date es ml lee ts de p 151 Bibliographies MR Re ane dr tte p 159 INTRODUCTION En tant qu crivain Jules Verne a longtemps t boud par les instances de l gitimation de son vivant il ne peut acc der l Acad mie fran aise pour qui il reste un amuseur l usage de la jeunesse Il conna t en revanche un succ s durable aupr s du grand public et appara t comme une valeur s re pour les diteurs qui r ditent massivement ses romans les plus populaires lesquels font galement l objet d adaptations graphiques dramatiques ou cin matographiques Ses uvres semblent toucher des lectorats vari s puisque Pierre Macherey signale que deux groupes sociaux tr s diff rents se sont reconnus dans les textes de Jules Verne la bourgeoisie fran aise de la troisi me R publique qui en fit la commande et la marqua de son sigle en en faisant un ouvrage couronn par l Acad mie fran aise et le peuple de l U R S S il qualifie en cons quence les productions verniennes de ph nom ne id
203. iatique qui entend dire le monde mais dont les efforts stylistiques menacent de faire cran entre son objet et le public Le roman en proposant une sorte de recette du bon reportage a un caract re assez normatif il promeut ainsi une certaine conception du reportage qui partant d un fait d actualit ici l ach vement de la ligne du Grand Transasiatique allie un aspect informatif qui passe par la description des peuples des paysages de la faune et de la flore alli e une certaine profondeur historique et une dimension plus divertissante gr ce des personnages r currents et au r cit d anecdotes du voyage Toutefois on peut aussi penser que le caract re normatif du texte et le d voilement des trucs du reporter sont pour partie satiriques dans la mesure o le r cit ne devient vraiment int ressant qu en recourant des pratiques romanesques ce qui semble montrer l chec des strat gies du reportage On soulignera d ailleurs qu alors que le carnet du reporter est cens tre un document priv le narrateur se pr occupe de la r ception de son texte il fait ainsi souvent mention de ses destinataires les lecteurs du XX Si cle par exemple lorsqu il crit Les 110 lecteurs du XX Si cle se demanderont donc comment on parvient chauffer les machines en un pays o il n y a pas un morceau de charbon extraire ni un morceau de bois couper p 47 c R le et fonctionnement du journal
204. iel Comp re souligne d ailleurs qu au tout d but de sa carri re d crivain Jules Verne voulait de venir un nouveau Balzac et produire une nouvelle Com die Humaine c est Pierre Jules Hetzel qui l aurait alors r orient vers le projet des Voyages Extraordinaires qui convenait mieux son projet de biblioth que d ducation On a d j montr l aide des travaux de Jean Marie Viprey que Verne fait un usage massif de la formule g n ralisante caract ristique du style balzacien un de ces 411 La plupart des machines verniennes sont des hapax des inventions in dites et qui ne sont destin es tre reproduites d truits la fin des romans 140 Verne non que des tudes ne soient pas produites sur les populations lointaines en particulier par certains des explorateurs que cite le narrateur au fil du texte mais du fait des destinataires du roman Certes Claudius Bombarnac est pr publi dans un quotidien politique lequel s adresse videmment aux adultes mais in fine il doit para tre chez Hetzel dans une collection destin e la jeunesse laquelle n a pas acc s aux crits des sociologues et autres ethnologues La r f rentialit dans le roman et la possibilit pour ce dernier de parler du monde n est donc pas un probl me au XIX si cle bien au contraire si le roman vernien semble un peu tardif pour s inscrire dans cette perspective son objet et ses destinataires diff rents de ceux du r
205. ierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent 8 l information appara t souvent comme un enjeu romanesque que ce soit grande chelle comme dans la sc ne du t l graphe de Michel Strogoff qui se veut un clin d il de l inauguration du c ble transatlantique par le pr sident des tats Unis ou au d but de P tit Bonhomme lorsque le h ros aid de son chien vend des journaux dans la rue De plus les illustrations des Voyages Extraordinaires repr sentent souvent des journaux lus par des personnages vendus la cri e et laissent ainsi entrevoir la place centrale qu occupait le journal dans la vie sociale au XIX si cle L univers m diatique semble donc inspirer Jules Verne qui lisait norm ment de journaux et de revues pour se documenter et pour son plaisir semble t il toutefois contrairement beaucoup d crivains du XIX si cle qui collaborent r guli rement un titre il n appartient pas directement au monde de la presse et en a donc surtout une connaissance de l ext rieur Cependant il fr quente un certain nombre de journalistes dont le grand reporter Pierre Giffard et en tant qu crivain succ s il est assez souvent l objet d articles et d interviews en particulier de la part de journalistes anglo saxons L originalit de Claudius Bombarnac au sein des Voyages Extraordinaires r side dans la place centrale qu y occupe la presse elle offre en effet la th matique du roman pu
206. iffusion ils sont publi s dans la presse g n raliste l in raire de Paris J rusalem de Chateaubriand commence para tre dans Le Mercure de France en 1807 ou bien dans des organes plus sp cialis s en particulier Le Tour du Monde nouveau journal des voyages lanc en 1860 par mile Charton et Louis Hachette ainsi que dans toute une litt rature grise compos e des bulletins de diverses soci t s scientifiques se faisant l cho des explorations g ographiques religieuses rendant compte des missions ou des p lerinages ou colonistes accompagnant la 329 ro 330 gt Mais le mod le ancien du r cit de voyage vient heurter progression de la colonisation certaines pratiques nouvelles du reportage D abord il y a conflit entre la mobilisation de sources livresques typiques du r cit de voyage et le postulat d un rapport direct et renouvel au monde qui fonde le reportage Dans le roman l influence du r cit de voyage appara t en effet dans la mobilisation de toute une intertextualit bien s r des r f rences litt raires peuvent mailler tout type de texte mais le r cit de voyage en fait 325 Sarga MOUSSA La Relation orientale Enqu te sur la communication dans les r cits de voyage en Orient 1811 1861 Paris Klincksieck Paris 1995 326 Chateaubriand publie en 1811 Itin raire de Paris J rusalem Paris en allant par la Gr ce et revenant par l gypte la Barbarie
207. il m ne une intense campagne publicitaire qui s intensifie au fur et mesure que la date du d but de la publication du roman se rapproche en variant les annonces de mani re mettre en vidence des points vari s du roman Ainsi le 24 septembre on lit NOTRE PROCHAIN FEUILLETON Le Soleil publiera prochainement CLAUDIUS BOMBARNAC Grand roman de JULES VERNE L auteur du Tour du monde en quatre vingts jours des Enfants du capitaine Grant de Michel Strogoff et de tant d autres Romans populaires a crit CLAUDIUS BOMBARNAC Sp cialement pour les lecteurs du Soleil qui Savent si bien appr cier le roman la fois Honn te et amusant La nouvelle litt raire du grand ro Mancier de la jeunesse JULES VERNE Aura aupr s du public autant de succ s que celles qui l ont devanc e Dans ce grand ro 120 Voir infra I 1 121 Voir en annexe sur M dias 19 une copie de la premi re page du Soleil du 24 septembre 1892 la r clame est ici plac e un emplacement particuli rement strat gique puisqu elle se trouve en haut gauche de la page c est dire le premier endroit o se pose l il du lecteur occidental lequel lit de gauche droite Toutes les publicit s qui suivront adopteront la m me pr sentation en colonne en jouant beaucoup sur la typographie et la mise en page 31 man in dit que nous allons publier Claudius Bombarnac On verra se d rouler travers des incidents Tant t dramatique
208. iments et comme tel s opposent au couple repoussoir des repr sentants de commerce Pour autant les positions assez conservatrices de l auteur sont galement bien pr sentes plut t que l galit l utopie qu offre le roman valorise une hi rarchie sociale comprise et accept e par tous comme le montre ce dialogue entre M Caterna et le narrateur Mon Dieu je le sais quoique nous vivions sous le r gime d mocratique le r gime de l galit le temps est encore loin o l on verra le p re noble d ner c t de la pr f te chez le pr sident de cour d appel et la dugazon ouvrir le bal avec le pr fet chez le g n ral en chef Eh bien on d ne et on danse entre soi Et ce n est pas moins gai monsieur Caterna Ni moins comme il faut monsieur Claudius Si on lit Claudius Bombarnac comme une utopie et qu on tente d en tirer une lecture politique on retrouve des id es proches de celles d fendues par la r volution de 1848 importance des nations et de leur droit l ind pendance exaltation de la libert pr sente dans le roman surtout sous la forme de la libert de mouvement de la solidarit et du peuple contre l aristocratie L uvre de Jules Verne se r v le riche de ses tensions parfois la limite de la contradiction qui refl tent bien les grandes questions et les grands courants du XIX si cle Elles ont t sources d interpr tations politiques de l uvre tr s vari es voire com
209. incarne enti rement dans le mat riau du r cit Au sein de Claudius Bombarnac roman de voyage qui explore une contr e exotique les d placements du narrrateur ont de multiples fonctions ils fournissent la structure et la plupart des p rip ties de l intrigue mais sont galement porteurs de discours sur l Autre et sur le vivre ensemble Le propos oscille entre des traits assez conventionnels dans le genre du roman d aventures globalement le regard fonctionne selon une perspective comparististe et eurocentrique et le texte use et parfois abuse dans une logique parodique de st r otypes et des caract ristiques plus originales propres l uvre vernienne une po tique qui s ouvre largement aux langages de l Autre et sur le plan id ologique une r fl xion de type historique qui se focalise sur les mutations chappant ainsi au racisme le plus grossier De plus le roman se distingue d autres romans d aventures dans lesquels la r f rentialit est surtout bas e sur des traits s riels sa vocation didactique motive l insertion de longs passages purement informatifs souvent dynamis s gr ce la mise en dialogue qui freinent le rythme d une intrigue peinant se mettre en place Toutefois ces d veloppements se justifient galement au sein du r cit au nom d une vraisemblance fond e sur des effets de r el il s agit de faire vrai en faisant appara tre dans le texte des d tails dont c est la s
210. initives quand Voyage au centre de la Terre figure au programme de litt rature compar e de l agr gation de lettres modernes en 1980 Les publications et les th ses se multiplient au point qu la fin des ann es 1980 et la situation n a pas chang depuis Jean Michel Margot recensait environ cent quarante ouvrages ou articles consacr s l auteur par an Les approches choisies sont diverses Christian Chelebourg met en vidence cinq grandes orientations des travaux consacr s Jules Verne l rudition bio bibliographique la recherche socio id ologique les fastidieuses listes d erreurs les approches pist mologiques les lectures d inspiration linguistiques et enfin les explorations de l imaginaire Ces travaux vari s sont le plus souvent tr s laudatifs pour l uvre qu ils tudient leurs pr faces signalent souvent tr s explicitement cette logique de revalorisation Il s agit alors de dresser le portrait de Jules Verne en crivain ce qui a eu pour cons quence une focalisation sur les plus grands romans notamment Vingt Mille Lieux sous les Mers et Le Tour du Monde en quatre vingts jours une insistance sur la singularit de l uvre et sur son caract re litt raire accompagn e d abondantes comparaisons avec des crivains dits l gitimes Toutefois ces approches qui mettent en vidence des caract ristiques fondamentales de l uvre de Jules Verne ont tenda
211. inverse si le narrateur rapporte toujours les individus des repr sentations typiques face ses compagnons de voyage il proc de plut t de mani re inductive de l individu un type national comme l illustre assez bien l vocation de sa premi re rencontre avec Fulk Ephrinell Devant moi un type tout diff rent et qui n a rien d oriental trente deux trente cinq ans figure barbiche rouss tre regard tr s vif nez de chien d arr t bouche qui ne demande qu parler mains famili res pr tes toutes les treintes un homme grand vigoureux large d paules puissant de torse la mani re dont il s est dispos apr s avoir rang son sac de voyage et d boucl son tartan couleurs voyantes j ai reconnu le traveller anglo saxon habitu aux longs d placements plus souvent bord des trains ou des paquebots que dans le confort s dentaire de son home en admettant qu il ait un home Ce doit tre un voyageur de commerce J observe qu il tale force bijoux bagues aux doigts pingle la cravate boutons aux manchettes avec vues photographiques breloques tapageuses la cha ne de son gilet Bien qu il n ait pas de boucles aux oreilles ni d anneau au nez je ne serais pas surpris que ce f t un Am ricain je dirai plus un Yankee p 13 222 Ibid Le st r otype met en sc ne une image d autrui souvent instrumentalis e en fonction de ce que l on esp re ou ce que l on redoute po
212. ipule d ailleurs le contrat de l auteur avec son diteur Jules Verne a tout int r t ne pas mettre en doute les sources attribu es au narrateur qui figurent dans le roman en tant que lectures du personnage Le poids de la biblioth que typique du r cit de voyage 331 Sophie LINON CHIPON V ronique MAGRI MOURGUES et Sarga MOUSSA dir Miroirs de textes r cits de voyage et intertextualit Nice Publications de la Facult des lettres arts et sciences humaines de Nice 1998 p VIII 332 Claudius Bombarnac contient nombre de r f rences tant des uvres de fiction qu des t moignages toutefois ici on s int ressera plut t aux r cits de voyage mentionn s dans le texte de mani re mieux mettre en avant l inscription du roman dans la logique r f rentielle 333 Entre criture du monde et r criture de la biblioth que Conflits de la r f rence et de l intertextualit dans le r cit de voyage au XIX si cle par Christine Montalbetti La citation quivaut alors au renvoi tout en conomisant au lecteur inscrit l effort de la qu te du livre o le partage entre citation et renvoi ne s appuie plus sur des diff rences statutaires mais seulement sur quelque chose comme un conflit des paresses in Sophie LINON CHIPON V ronique MAGRI MOURGUES et Sarga MOUSSA dir Miroirs de textes r cits de voyage et intertextualit op cit p 14 334 Le fait qu il les cite montre qu il ne tr
213. iques on peut citer Pour toute liqueur du kimis boisson tir e du lait ferment de jument d un go t d encre plut t fade tr s nourrissante quoique tr s liquide Il faut tre Tartare rien que pour regarder ce kimis p 68 religieuses notamment lors du passage sur Bakou en tant que m tropole des adorateurs de feu au chapitre II Parmi tous les faits sociaux que Jules Verne mentionne il se montre particuli rement sensible aux langues trang res il se pla t ainsi donner l tymologie des toponymes par exemple C est le Kara Koum le d sert noir p 51 ou P kin autrement dit Chim Kin Fo appellation qui signifie ville du premier ordre ob issant au ciel p 209 ou accumuler les emprunts pour voquer au plus pr s les r alit s pittoresques auxquelles se trouve confront son personnage on peut nouveau renvoyer au long passage descriptif du chapitre I Tous ces l ments qui contribuent la r f rentialit du roman apparaissent comme un donn auquel le narrateur se trouve confront en arrivant toutefois Claudius Bombarnac montre souvent que son appr hension de toutes ces r alit s trang res est 175 tay e par un savoir th orique qui renvoie d une part au travail pr paratoire de l crivain Verne et d autre part aux caract ristiques du genre du r cit de voyage toujours tiraill entre r f rentialit et intertextualit 76 174 Ces num ratio
214. isque le personnage central et narrateur est reporter et qu il voyage pour r diger un reportage le texte qui nous est donn lire est son carnet de travail On peut donc penser que la po tique du roman s inspire de celle du reportage De plus la lecture de la correspondance de l auteur avec son diteur laisse penser que les sources de l auteur appartiennent galement la civilisation du journal Enfin la pr publication du roman s est faite dans un quotidien Le Soleil ce qui permet de formuler l hypoth se d un jeu entre le rez de chauss e et le reste du journal Toutefois d s la lecture du sous titre du roman carnet d un reporter l hybridit g n rique du texte appara t et laisse soup onner que l auteur n a pas pouss jusqu au bout sa tentative de mim tisme l gard de l criture journalistique Claudius Bombarnac semble donc rester au milieu du gu entre le roman d aventures dont le h ros est reporter mais sans que sa profession n ait v ritablement d impact sur ans apr s actes du colloque de Cerisy 2 au 12 ao t 2004 Rennes Terre de Brume 2005 p 102 26 Au chapitre XVII Versets et chansons du roman le reporter britannique Harry Blount emp che son confr re et concurrent Alcide Jolivet d acc der au t l graphe et donc de faire parvenir l information son journal en dictant la premi re page de la Bible au t l graphiste Or c est ce m me texte que le pr sident des tats
215. issance et construction d une profession Paris Le Seuil 1999 Et dans l ouvrage de Christophe CHARLE Le Si cle de la presse 1830 1939 Paris Le Seuil 2004 on trouve les tirages du Soleil pour 1912 24 000 il est consid r comme royaliste et rang avec L Humanit et L Action fran aise parmi la presse militante parisienne son engagement dreyfusard am ne son d clin 8000 exemplaires en 1914 116 Du moins il ne le mentionne pas dans ses lectures m diatiques Le Temps Le Figaro et Le Gaulois dans ses Entretiens Le fait qu il demande son diteur dans une lettre 25 septembre 1892 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 183 de demander au Soleil de lui envoyer le journal pendant le temps de la publication du feuilleton semble aller dans ce sens 117 L Annuaire de la presse de 1892 donne pour Le Soleil les informations suivantes SOLEIL LE quot 1873 42 rue Notre Dame des Victoires place de la Bourse Dir Polit Ed HERV de l Acad mie fran aise Ab 3m 5 fr 6m 10 fr 1 an 17 fr dep 3m 6 fr 6m 12 fr 1 an 22 fr U P 3 m 9 fr 6m 18 fr 1 an 32 fr le n Sc Conservateur lib ral Fond en 1873 par M Edouard Herv il a t le premier grand journal politique quotidien 5 centimes Il est le journal de tous ceux qui sont rest s fid les la Monarchie de Juillet R dacte
216. it pour elle de remplir ce cadre id ologique pour lequel elle aurait d tre faite L on peut situer l intervention personnelle de l auteur dans le travail de la production litt raire qui commence par un travail collectif dans la mesure o il fait intervenir une soci t une tradition pour dire cela tr s rapidement si on s arr te cette d termination on traite seulement un probl me de communication mais qui finit par tre la prise de position d un individu dans l immense d bat des uvres r elles et des imp ratifs id ologiques c est alors qu intervient la probl matique de l expression ou de la r v lation 7 L id e que la litt rature m me populaire n est pas un pur reflet de la soci t qui l a produite comme le soutient la sociocritique est clairement explicit e par Henri Mitterand dans Le Discours du roman Rien n est neutre dans le roman Tout se rapporte un logos collectif tout rel ve de l affrontement d id es qui caract rise le paysage intellectuel d une poque Qu on n en d duise pas cependant que le roman est tout entier programm par un code g n tique qui lui assignerait par avance ses contenus conceptuels Il est loisible de rep rer dans le texte et ses entours les marques qui lui viennent de l intertexte et qui en font un cho Mais il serait hasardeux de voir en elle la source unique de la production du sens et des formes L auteur de romans occupe une place particuli
217. iteur envisage de censurer en crivant n oubliez pas que ce Bombarnac n est point destin au Magasin d Education dans lequel cette plaisanterie serait d plac e j en conviens Ensuite une publication dans le suppl ment de l lustration est 106 gt x ie z ARTE panay envisag e mais cette solution qui suppose visiblement une publication diff r e ne r jouit pas N 10 l auteur lequel tient une parution rapide de son roman Puis les choses tra nent en longueur ce dont se plaint un Jules Verne assez amer dans une lettre du 17 juin Quoi de nouveau pour Bombarnac Je voudrais bien tre fix cet gard Il faut en finir avec l lustration si l Illustration ne se d cide pas Cela commence devenir un peu humiliant Et le Temps Il me semble que ce Bombarnac doit tre aussi amusant que tout ce que le Temps nous donne Enfin on ne peut pas tre et avoir t Soyons philosophe N anmoins quand les Carpathes et Bombarnac para tront je vous en prie redoublez d effort et faites qu on ne parle pas de ces livres l au jour de l an Envoyez les tous les journaux qui rendent comptent des romans Libert Gazette de France XIX Si cle Soleil que sais je Je n ignore pont que je vis en province et que je n invite pas les critiques d ner Et comment le pourrais je actuellement Mes vertiges sont arriv s un tel point que j ai failli tomber de voiture Il a fallu laisser reposer
218. j ai toujours eu la chance d avoir l esprit non pas un mais une demi douzaine de projets bien d termin s Si je suis court d id es sur un sujet c est ce stade l que je d cide d y renoncer Une fois mon travail pr liminaire termin je dresse un plan des chapitres puis je commence la v ritable criture de ma premi re version au crayon en laissant une marge d une demi page pour les corrections puis je lis le tout et le repasse l encre Je consid re que mon vrai travail commence avec le premier jet d preuves car non seulement je corrige les phrases mais je r cris des chapitres entiers 5 De plus le romancier avait une tr s grande exigence vis vis de son style et consacrait norm ment de temps et d nergie revoir et perfectionner ses textes Au moment o il finit Hatteras Verne crit Hetzel pour lui dire combien il cherche devenir un styliste mais s rieux c est l id e de toute ma vie Je ne tiens pas norm ment tre un arrangeur de faits Ce que je voudrais avant tout c est tre un crivain Claudius Bombarnac est le produit la fois de l imagination prolifique de Jules Verne mais aussi de conditions de travail d termin es par sa collaboration avec un diteur dont le r le s est av r d terminant pour l uvre De plus ce roman qui vient la fin d une longue carri re de romancier a b n fici des techniques de l crivain et des connaissances accumu
219. l tre et l apparence concordent parfaitement et s incarnent textuellement dans une rh torique du type le narrateur sait quoi s en tenir depuis le d but l exception des deux personnages qui sont justement les plus li s aux bo tes myst rieuses Faruskiar et Kinko Appara trait alors discr tement une exhibition du processus de la lecture s rielle qui reposerait sur une dynamique de d chiffrement laquelle ne serait finalement que la mise au jour du connu dans l inconnu et chercherait des variations du c t des d tails de l intrigue le contenu des bo tes plut t que de sa structure ou de ses personnages En outre la s rialit peut galement se manifester l int rieur m me du texte en particulier lorsqu il est destin une publication en feuilleton ou en livraison par des effets de r p tition qu on a d j soulign s dans ce roman et qui sont destin s combler le temps coul entre deux livraisons ou ventuellement permettre un lecteur qui aurait manqu un pisode de suivre le reste de l intrigue Autre caract ristique de ces textes s riels ils sont tr s r flexifs Cette tendance se manifeste dans le reportage et dans le r cit de voyage par le d voilement de ses conditions de possibilit ce sont en effet les p rip ties du journaliste ou du voyageur qui fournissent la mati re d une bonne partie du texte que d couvre leur lecteur Se pr sentant comme un carnet de reporter Claudius Bom
220. l es par lui au cours de la r daction de ses ouvrages pr c dents avec certains desquels il entretient des liens d intertextualit dans une logique parodique assez marqu s b Sources av r es 48 Pierre Marc de BIASI G n tique des textes Paris CNRS ditions 2011 p 74 75 49 Daniel COMP RE crit L criture du texte commence avec la mise au point d un synopsis de roman qui na t de la rencontre d un pays d une action et d un ton Le r cit se r cit se d veloppe d abord autour du savoir in Jules Verne crivain Gen ve Droz 1991 p 46 50 Idem p 46 51 Idem p 47 48 il s agit d une citation emprunt e Marie A Belloc Jules Verne at home The Strand Magazine vol IX f vrier 1895 et que Daniel Comp re traduit d apr s l original Il ajoute On remarquera que l volution mat rielle de l criture accompagne l laboration du texte projet notes parses plan brouillon crayon ajouts marge r criture encre corrections preuves 52 Jean Yves TADI Regarde de tous tes yeux regarde Paris Gallimard 2005 p 259 des propos semblables pars ment toute la correspondance du romancier qui crit Je travaille mort 14 Claudius Bombarnac sous l influence des codes g n riques du r cit de voyage propose une mise en sc ne particuli re de ses sources Certaines d entre elles mentionn es dans le corps du texte apparaissent donc comme des lec
221. l esp ce et avec le sous entendu d une hi rarchie entre elles races aryennes p 10 race slave p 71 notamment race jaune p 128 par exemple race tartare p 50 race d cadente p 86 Le mot race est galement employ pour d signer des cat gories proprement sociales cette race sp ciale et privil gi e des dormeurs en railway p 13 ces honn tes brigands dont la race finira par s teindre p 16 Il en va de m me pour la question de l antis mitisme qui repose sur la m me logique essentialiste que les autres formes de racisme certains passages du roman heurtent la sensibilit contemporaine on lit notamment 228 Jean CHESNEAUX dans Jules Verne Un regard sur le monde Nouvelles lectures politiques op cit p 6 il ajoute p 36 Jules Verne est de toutes ses fibres un homme de son temps et son uvre un regard sur le monde 229 Sarga MOUSSA dir L Id e de race dans les sciences humaines XVIII et XIX si cles L Harmattan Paris 2003 p 9 10 230 Ibid p 385 231 Dans une soci t post r volutionnaire qui cherche des outils en particulier l id e de race pour rendre lisible le social et se r approprier son pass par del les ruptures videntes 232 Souvent reproch e Jules Verne la vision tr s n gative des juifs dans son uvre proc derait selon Jean Chesneaux plut t d un antimercantilisme que d un v ritable antis
222. l est vident que le jeune C leste a mille et dix mille fois tort p 184 Toutefois on peut s interroger sur le cr dit qu il faut accorder aux propos du jeune Chinois en pla ant dans sa bouche un mot italien au milieu d un entretien en fran ais avec le narrateur l auteur en fait avant tout un personnage cosmopolite dont les repr sentations de son pays natal rel vent peut tre plus du fantasme nostalgique que de la r alit De m me le narrateur reprend les st r otypes concernant la cruaut des supplices chinois ces coquins dignes des tortures les plus raffin es de la justice chinoise p 1991 il caricature galement la maniaquerie de leurs fonctionnaires C est un Chinois dans toute l acception du mot et capable de toutes les chinoiseries administratives un fonctionnaire qui fonctionne je vous prie de le croire et qui en remontrerait ses coll gues de la vieille Europe p 216 dont le narrateur s amuse un grand gros gris gras et grave personnage C est le gouverneur de la ville p 186 Jules Verne reprend galement les clich s sur la soi disant impassible autorit chinoise p 130 Mais en r alit Claudius Bombarnac propose plut t l vocation d une Chine pittoresque en mobilisant les clich s attendus sur la po sie des expressions chinoises plusieurs sont cit es en traduction monter souvent la Tour des Regrets pour employer une m taphore de son pays p 34 ai
223. lables ainsi par un vident processus d identification n importe quel petit employ de n importe quelle ville d Am rique nourrit le secret espoir de voir fleurir un jour sur les d pouilles de sa personnalit un surhomme capable de racheter ses ann es de m diocrit Une analyse similaire peut tre formul e au sujet de Spider Man Peter Parker orphelin lev par son oncle et sa tante est un lyc en brillant et introverti en proie aux brimades de ses camarades de classe Suite la morsure accidentelle d une araign e radioactive il acquiert des super pouvoirs et devient justicier Toutefois pour gagner un peu d argent sa famille est assez pauvre il trouve un petit boulot de journaliste local au Daily Bugle Le Quotidien dans la version fran aise dirig par J Jonah Jameson qui porte un jugement tr s n gatif sur les super h ros Pour ces deux personnages de la culture populaire am ricaine et mondiale que sont Superman et Spider Man la profession de journaliste ne conditionne m me pas la marge leur condition d aventuriers au contraire elle sert de masque de leur v ritable identit h ro que Elle leur donne galement une attache au r el travailler et qui plus est comme salari s les rapproche de leur lectorat de plus sur un plan purement narratif elle est source de connivence avec le lecteur qui conna t les deux faces du personnage contrairement la plupart des autres figures des comics Ces c
224. lais par exemple les jalousies traditionnelles de l Angleterre l gard des grandes uvres que le g nie moscovite a men es bonne fin p 40 On a toutefois l impression que l auteur s il semble assez au courant de cette guerre lointaine n exploite pas v ritablement les possibilit s narratives qu un tel contexte pourrait lui offrir on peut par exemple 247 Les rep res et le d coupage chronologique sont emprunt s Alexei TERESHCHENKO dans Le Tournoi des ombres in Jacques PIATIGORSKVY et Jacques SAPIR dir Le Grand Jeu XIX si cle Les enjeux g opolitiques de l Asie centrale op cit 79 s tonner de voir qu il n y a aucun personnage d espion dans le roman Mais il faut peut tre en d duire que la peinture du Grand Jeu n est pas le v ritable enjeu du roman elle en constitue plut t une toile de fond L Asie centrale voqu e dans le roman est ainsi moins la r gion imm moriale et fig e qu on peut trouver dans des r cits de voyages comme celui de Marie de Ujfalvy Bourdon qu un territoire pris dans une histoire complexe et en pleine recomposition politique Il semble en effet que la grande probl matique id ologique de ce texte soit plut t la colonisation le texte voque celle des Russes en Asie centrale mais de mani re renvoyer celle des Fran ais La construction du train Transcaspien est en effet l poque pens e comme le mod le d un possible train transsaharien on trouve par
225. lais Arthur Conolly est pass la post rit gr ce au roman de Kipling Kim 1900 1901 qui donne voir cette p riode et ses enjeux 246 Svetlana GORSHENINA Explorateurs en Asie centrale op cit p 45 78 le Grand Jeu a donn lieu des crises ponctuelles des guerres indirectes entre les alli s des Russes et ceux des Anglais et surtout toute une politique d influence passant notamment par l envoi d explorateurs qui se livrent souvent l espionnage On peut rep rer diff rentes phases dans le Grand Jeu au XVIII si cle les deux puissances investissent chacun de leur c t et dans une logique coloniale l Asie Puis entre 1801 et 1829 ont lieu les premi res escarmouches Napol on et le tsar Paul I envisagent de descendre sur l Inde ce projet marquera beaucoup les Anglais Les Russes progressent au d triment de l Iran techniquement alli de l Angleterre qui se garde toutefois d intervenir dans cette guerre et de l Empire Ottoman Entre 1829 et 1858 les ench res montent la Russie en position de force craint que les Anglais ne s en prennent au Turkestan et fait alors le choix d une politique plus offensive pour les en dissuader Des tensions ont lieu entre l Iran et l Afghanistan et la guerre de Crim e 1854 1856 conduit la Russie des r formes internes de m me la r volte de Cipayes 1858 en Inde pousse l Angleterre revoir les modalit s de sa domination Le Grand Jeu conna
226. lan symbolique une logique 236 d exploitation compl te Christian Chelebourg va plus loin dans son interpr tation Le voyageur qu il s appelle Fergusson ou Phileas Fogg Robur ou Nemo Hatteras ou Kin Fo est un d vorateur d espace un mangeur de terre En grec qui est la langue des savants cela s appelle un g ophage Les h ros verniens sont fondamentalement g ophages dans un sens que l idiome largit ils ne se contentent pas de manger de la terre ils d vorent notre plan te la Terre Ce terme ne signifie plus ici un l ment particulier comme c tait le cas dans le jeu sur le nom de Terrien mais l ensemble des l ments qui composent l espace Et comme Robinson a son double burlesque en la personne de Tartelett le g ophage l a en Fulk Ephrinell l un des compagnons de voyage de Claudius Bombarnac qui prom ne de Tiflis P kin quarante deux caisses de dents artificielles CB III drolatique insigne du parfait g ophage Partag e par l ensemble des voyageurs verniens la g ophagie est ce qui unifie les motifs imaginaires reli s la conception alimentaire de l espace elle est le lieu d une nouvelle motivation de la cr ation litt raire d un nouveau complexe fortement articul des composantes biographiques Cette critique tr s dure des Am ricains peut para tre inattendue sous la plume d un auteur qui a A 1e 088 239 PR souvent exprim dans des interviews comme dans ses romans son admiration pour
227. le Tr sor de la Langue fran aise en ligne 286 Dominique KALIFA Philippe R GNIER Marie ve TH RENTY Alain VAILLANT dir La Civilisation du journal Histoire culturelle et litt raire de la presse fran aise au XIX si cle Paris Nouveau monde ditions 2011 p 1016 287 Christophe CHARLE d crit la soci t fran aise de la Belle poque comme th oriquement ouverte et pourtant 97 sans dire que si mon journal m a envoy en Russie c est que je parle couramment le russe l anglais et l allemand p 7 Il para t galement poss der une certaine ma trise du latin dont il se pla t d tourner des citations comme errare humanun est p 10 Nec tecum possum vivere sine te p 49 il comprend sans la traduire la maxime du livre de Cornaro Abstinentia adjicit vitam p 78 ou Omnia jam fieri quoe posse negabam p 97 Plus largement le narrateur semble vouloir se construire un ethos d homme cultiv en mobilisant des connaissances litt raires diverses dont ce passage constitue un exemple Un homme triste les verra tristement D mocrite aurait trouv aux rives du Jourdain et aux gr ves de la mer Morte un aspect enchanteur H raclite aurait trouv maussades les sites de la baie de Naples et les plages du Bosphore Moi j ai un heureux naturel que l on me pardonne si je fais un abus de l gotisme dans ce r cit car il est rare que la personnalit d un auteur ne se m le pas
228. le jugement du narrateur au sujet de ses compagnons de route ne varie pas ou peu D s sa premi re apparition et avant m me qu il lui ait parl Kinko est sympathique au narrateur comme le montre cette description qui glisse selon l ordre canonique du physique au moral Cet homme dont je distingue parfaitement les traits me para t g de vingt cinq vingt six ans Il porte toute sa barbe qui est brune C est un vrai type de Roumain ce qui confirme mes id es sur sa correspondante roumaine Il a un bon regard bien que sa physionomie d note une grande nergie et n en faut il pas pour se faire exp dier sous forme de colis pendant un si long trajet p 64 L erreur du narrateur au sujet de Faruskiar qu il prend pour un grand seigneur et un h ros alors que c est un bandit manifeste toutefois les limites de cette d marche d ductive et met en question la validit de cette logique du type De m me l assignation des r les comiques des personnages secondaires dont la sottise et les manies sont tourn es en ridicule est habituelle dans la paralitt rature le voyageur Weisschnitzerd rfer goinfre r leur toujours en retard et qui perd ses papiers au moment de passer la douane p 139 140 s inscrit bien dans cette tradition quoiqu il soit plus antipathique que les personnages cit s en note Cette logique du type caract ristique du roman s riel contredit le mod le du reportage dans la mesure o le reporter e
229. le pittoresque et l extr me modernit ce dernier l ment tant le plus int ressant dans la mesure o il renvoie v ritablement au roman Le 30 septembre nouvelle publicit NOTRE PROCHAIN FEUILLETON JULES VERNE N a jamais montr plus d entrain d esprit et De bonne humeur que dans CLAUDIUS BOMBARNAC Roman in dit que le Soleil publiera pro 33 Chainement Cette uvre nouvelle du c l bre auteur de Michel Strogoff de Vingt mille lieux sous les mers et du Tour du monde en quatre vingts jour compl te de la fa on la plus heureuse la s rie des livres du grand romancier populaire CLAUDIUS BOMBARNAC Sous la plume exp riment e de JULES VERNE nous fait faire le voyage le plus int ressant A travers des pays qui la fin du dix neu vi me si cle sont encore pour nous presque l gendaires Les personnages que met en sc ne l imagination f conde de JULES VERNE Se meuvent et se m lent dans une intrigue Mouvement e et puissante qui met en relief des caract res originaux trac s de main de ma tre Aussi croyons nous pouvoir pr dire que les lecteurs du Soleil qui se comptent par centaine de mille feront tous le meil leur accueil CLAUDIUS BOMBARNAC On peut souligner ici que le Soleil inscrit Claudius Bombarnac dans une double s rialit en le rapprochant d une part des autres volumes des Voyages Extraordinaires en ayant soin de mentionner ceux qui ont re u le meilleur accueil
230. lemand De plus il est pratiquement impossible sauf exception de d terminer ce qui rel ve de la faute imputable aux compositeurs du Soleil et ce qui a t modifi apr s la publication en feuilleton par Jules Verne c La question de la r ception Pourtant si les textes de la pr publication dans la presse et du volume diff rent assez peu on peut postuler que les r ceptions n ont pas t semblables dans la mesure o les environnements textuels des deux textes ne sont vraiment pas les m mes Malheureusement il est assez difficile de le mesurer d autant que la r ception de Claudius Bombarnac a suscit tr s peu de commentaires la diff rence d autres romans plus connus de Jules Verne Tout d abord la publication du roman dans Le Soleil a donn lieu un d coupage en feuilleton qui n a manifestement pas t effectu par l auteur Pour le journal il s agit en effet de remplir pleinement chaque jour l espace d volu au feuilleton dans le rez de chauss six colonnes en petits caract res Jules Verne s inqui te d ailleurs de la r ception de son roman en g n ral et souligne l impact n gatif que peut avoir le d coupage sur un texte Vous me direz dans quelque 147 Dans une lettre Louis Jules Hetzel du 20 octobre 1982 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op Cit p 187 la publication du roman en feuilleton a commenc depuis 43 tem
231. litt raire on sait que Jules Verne souffrait de ne pas tre plus reconnu qu un sage pendant toute une ann e p 14 Qui fait bon choix a bonne chance p 29 en d pit du proverbe qui dit Quand bien m me ton ami serait de miel ne le l che pas p 39 384 Dans Le Myst re de la chambre jaune de Gaston Leroux la narration est ainsi assum e par Sinclair l ami du d tective qui assure la m me fonction de double du lecteur dans le r cit que le Watson des Aventures de Sherlock Holmes d Arthur Conan Doyle 132 comme crivain part enti re De plus le je permet galement l identification du lecteur au narrateur ce qui peut favoriser la fonction didactique du texte une sorte de transfert d exp rience se produit mais moins sur le mode d un apprentissage th orique que comme une imitation empirique Par ailleurs il est vident que Claudius Bombarnac n est pas une autobiographie puisqu il n y a pas identit de l auteur du narrateur et du personnage ni m me un roman autobiographique puisque Jules Verne n a jamais voyag en Asie centrale bord d un train qui est de toute fa on pour partie imaginaire Pourtant un certain nombre d l ments rapprochent l crivain de son personnage ne serait ce que la tenue d un carnet Jules Verne prenait norm ment de notes en lisant en particulier la presse ou en voyageant bord de son voilier et les utilisait ensuite au moment de r dige
232. lus g n ralement la presse seront d velopp es par la suite 88 Dans ce texte un certain substrat th orique pourrait permettre d accr diter la th se d une vision valoris e du progr s technique Pierre Macherey montre ainsi que dans beaucoup de romans de Verne revient un image qui souligne la continuit des uvres de la nature et de l homme pla ant les secondes dans une relation de continuit plut t que de contradiction avec les premi res Derri re le train toujours courent les m mes images la fum e s enroule le long des essences aux noms les plus rares le train prend possession de la for t du d sert l habitant l ornant autant qu un temple ou des colonnes d oiseaux il va jusqu au bout du contraste au point de se confondre avec l univers multiple qu il poss de en lui imposant son trajet Claudius Bombarnac propose ainsi une version de cette image Vers les hautes zones du ciel volent des gypa tes des vautours puis au milieu des tourbillons de vapeur blanche que notre locomotive laissait en arri re s entrem lent des nu es de corbeaux de pigeons de tourterelles et de bergeronnettes p 130 On peut aussi faire le lien entre cette vision positive de la technique et l id ologie saint simonienne qui a influenc le romancier d une part du fait de son int r t pour la technique en g n ral et d autre part de ses fr quentations il connaissait un certain nombre de saint simoniens de la deuxi me g
233. man notamment gr ce l usage d une ironie caract ristique d une certaine criture m diatique l emp che de devenir pesamment patriotique L humour qui se manifeste d un bout l autre du r cit joue galement un r le assez important il contribue pour une part mettre distance tous les discours tant id ologiques que scientifiques et ce faisant se heurte au didactisme affich des textes verniens En contrepartie il donne une certaine vivacit un roman dont les dialogues truff s de bons mots et de calembours constituent 430 Juliette RAABE in La s rie comme syst me ludique d finit le mode de lecture s riel comme ludique dans Armes larmes charmes sous la direction de Paul BLETON op cit 148 certainement une des caract ristiques les plus attachantes Cette l g ret vient largement compenser l ennui dont souffre le narrateur et qu il se fait un devoir de communiquer son lecteur elle donne galement une certaine th tralit au roman Et surtout Claudius Bombarnac se r v le tre un v ritable roman de reporter la diff rence de nombre de ses coll gues fictifs de la Belle poque Claudius Bombarnac n est pas un h ros il fait seulement son m tier le r cit qu il en fait en d voile d ailleurs les ficelles En cela il est tr s diff rent de personnages comme le Rouletabille de Gaston Leroux le Fandor de Souvestre et Allain ou le Lavar de de Paul d Ivoi qui ne sont r
234. mation de la distraction mais galement du style 2 Un roman tiraill entre diff rentes matrices textuelles Claudius Bombarnac subit les influences explicites de mod les textuels assez diff rentes Jouant les uns par rapport aux autres ils convoquent des po tiques et des horizons d attentes assez h t rog nes par cons quent la lecture de cette uvre de Jules Verne demande un constant effort d ajustement L inscription g n rique du roman fait donc probl me et au del il semble qu on puisse diagnostiquer dans cette mise l essai de nouveaux protocoles une tentative pas forc ment r ussie de r pondre une crise du r cit Dans un premier temps on insistera sur les caract ristiques propres chacun des genres auxquels emprunte ce roman avant de s attacher leurs points de convergence 115 a R cit de voyage contre reportage Le r cit de voyage est un genre ancien qui conna t cependant d importantes mutations au XIX si cle aux uvres collectives et vis e encyclop diques du XVIII si cle le romantisme va opposer des textes plus subjectifs qui rendent compte des impressions personnelles du voyageur Avec le d veloppement des voyages de grandes plumes comme Chateaubriand Lamartine ou Nerval apportent tout au long du si cle leur contribution au genre contribuant ainsi sa l gitimation Les r cits de voyages sont alors l objet d une forte demande sociale et d une grande d
235. me du texte par une ironie qui s tend tous les aspects du discours scientifique 416 Avec un substrat id ologique progressiste associant progr s technique scientifique et moral dont il est probl matique d affirmer que Jules Verne y adh rait pleinement 417 Sur ce sujet on peut renvoyer l article d j cit de Bernadette BENSAUDE VINCENT Un public pour la science l essor de la vulgarisation au XIX si cle elle montre toutefois que vulgarisateurs comme scientifiques acad miques partagent des convictions communes foi dans la science et d sir de produire une vulgarisation d un 142 Pourtant Claudius Bombarnac peut galement appara tre comme un roman de crise du genre dans la mesure o il semble moins s assumer comme fiction encyclop dique et r f rentielle que des romans ant rieurs du m me auteur la fin du XIX si cle ce type de roman se trouve en effet pris entre deux feux D un c t il semble concurrenc par le reportage du moins aux yeux de Jules Verne qui d clare quelques ann es plus tard Je ne pense pas qu il y aura encore des romans en tout cas pas sous la forme de volumes dans cinquante ou cent ans Ils seront remplac s par le journal quotidien qui a d j exerc tant d emprise dans la vie des nations en plein essor Les romans ne sont pas une n cessit poursuivit Verne m me aujourd hui ils perdent leur m rite et leur int r t Ce sont les journaux que le monde conservera
236. me temps Si la r flexion du narrateur participe videmment de l illusion r f rentielle contribuant attribuer le texte un vrai voyageur install dans un vrai train et non l auteur tranquillement install dans son bureau d Amiens c est galement un moyen de proposer un programme stylistique avec une esth tique de la vitesse pour le roman qui contribue tirer le roman du c t de la modernit artistique dans le projet sinon dans le r sultat Toutefois ce programme de donner voir les modifications de vision du monde qu entra nent les technologies modernes n est pas d velopp dans le roman sur le plan po tique Ce texte appara t donc comme une prise de conscience des enjeux li s aux nombreux changements techniques g opolitiques de la fin du XIX si cle le voyage est menac par la banalisation et la massification et les r cits risquent de devenir fades en cons quence moins de se renouveler sur le plan formel c est peut tre implicitement la t che d volue au reportage Mais Jules Verne ne va pas au bout de cette logique ne serait ce que parce qu on attend de lui des romans d aventures destination du jeune public et le roman retrouve rapidement une structure et des p rip ties plus romanesques et plus traditionnelles 202 Marie TH BAUD SORGER in Matthieu FLONNEAU et Vincent GUIGUENDO dir De l histoire des transports l histoire de la mobilit op cit p
237. ment de montrer s il y a interaction entre le support et le contenu du feuilleton effets d chos discordance Ensuite une partie plus historique sur la th matique du voyage s articulera autour de la tension entre s rialit qui appara t notamment dans le texte par la pr gnance des st r otypes et qui caract rise les genres paralitt raires et r f rentialit fondement du reportage et rendu n cessaire par la contrainte didactique impos e au romancier En termes de discours il s agira galement de mettre en perspective le poids des st r otypes et la productivit du texte permise et encourag e par le fait que 31 Les Cinq Sous de Lavar de 1894 de Paul d Ivoi constitue un bon exemple de ce type de roman dans lequel le reporter appara t comme un alter ego d mocratique car salari du moins en th orie du mod le plus aristocratique de l aventurier Mais de fait le h ros journaliste ne travaille pas il fait le tour du monde pour pouvoir h riter d un cousin dont la mort le rend riche condition qu il rel ve le d fi de se lancer dans son p riple avec cinq sous seulement en poche 32 L expression est de Marie ve Th renty La naissance de la fiction d actualit in Marie ve TH RENTY et Alain VAILLANT dir Presses et Plumes Journalisme et litt rature au XIXe si cle Paris Nouveau monde ditions 2004 33 A l exception d une note de l auteur rappelant qu il s agit d un roman et non de la
238. ment les noms d explorateurs avec une vis e r f rentielle Jules Verne s inscrit dans la plus grande actualit dans la mesure o certains voyages sont en cours au moment o il crit et de renvoi aux textes les concernant dans une perspective bibliographique Les voyageurs des peuples aryens ont tous lutt pour reconna tre le plateau de Pamir Sans remonter jusqu Marco Polo au XII si cle qui voyons nous Les Anglais avec Forsyth Douglas Biddueph 194 De br ves notes biographiques accompagnent la premi re apparition de ces noms dans le roman 195 La premi re partie a montr que l Asie centrale tait assez pr sente dans la presse et faisait en particulier l objet de nombreux articles dans les revues l poque o para t Claudius Bombarnac Le lecteur du Soleil savait donc probablement d crypter les allusions du narrateur qui taient certainement moins claires pour le jeune lecteur du volume 196 Cette num ration vertigineuse rappelle celle du savant Paganel dans Les Enfants du capitaine Grant 1865 1867 suite un pari il donne le nom de cent explorateurs du continent australien Il y a certainement un caract re ludique dans ce namedropping effr n 59 Younghusband et le c l bre Gordon mort dans les r gions du Haut Nil les Russes avec Fendchenko Skobeleff Prjev lky Grombtchevsky le g n ral Pevtzoff le prince Galitzine les fr res Groum Grjima lo les Fran ais avec d Auver
239. mesure o la page 79 de Claudius Bombarnac pr sente la m me traduction que l article du Correspondant on peut penser que l auteur l a emprunt Albert de Chenclos plut t qu Elis e Reclus 79 Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 r unis et comment s par Daniel COMP RE et Jean Michel MARGOT op cit p 91 92 il s agit du m me entretien que celui cit pr c demment 21 Il est un peu hasardeux de pr tendre identifier des sources du roman que l auteur ne mentionne nulle part on peut cependant montrer que le propos de Jules Verne sur l Asie centrale s inscrit dans un contexte propice la fin du XIX si cle est une p riode riche en exp ditions d explorations qui donnent lieu des communications diverses dans la presse Tout d abord on peut penser avec Anne Marie Bernard et Claude Mal cot les auteurs de la pr sentation des photographies prises par Paul Nadar au cours de son voyage au Turkestan en 1890 que Jules Verne a d avoir connaissance de ses clich s Ils rappellent en effet les liens de Jules Verne avec la famille Nadar on sait que F lix le p re de Paul a servi de mod le au personnage d Ardan dans De la Terre la Lune paru en 1865 La proximit entre les noms de Paul Nadar et de Claudius Bombarnac est d ailleurs remarquable Anne Marie Bernard et Claude Mal cot soulignent galement la grande proximit des illustrations de L on Benet qui signait Benett avec certains clich s de Paul Nadar et ajoute
240. mi les st r otypes les plus courants certains tracent grands traits le portrait d une nation Ainsi les st r otypes nationaux constituent ils des repr sentations simplifi es voire simplistes particuli rement des autres nations que la sienne Franck Robert ajoute cette d finition tr s g n rale du st r otype national quatre autres caract ristiques la r duction simplificatrice la r p tition dans la dur e la production dans un espace collectif et l expression d un 220 Sarga MOUSSA La Relation orientale qu te sur la communication dans les r cits de voyage en Orient 1811 1861 Paris Klincksieck Paris 1995 p 60 221 Robert FRANCK Qu est ce qu un st r otype dans Une id e fausse est un fait vrai Les st r otypes nationaux en Europe sous dir Jean No l JEANNENEY Paris ditions Odile Jacob 2000 p 17 68 jugement h tif en g n ral n gatif Il souligne galement que la repr sentation de l Autre sur le mode du st r otype participe de la construction en miroir d un image de Soi de l d coule probablement l importance du discours sur l Autre au XIX si cle moment de la cristallisation d une identit nationale Le roman de Jules Verne n chappe pas du tout cette logique et les types nationaux sont l gion dans Claudius Bombarnac signalons toutefois que l adjectif national pose quelques probl mes d emploi dans la mesure o de nombreuses populatio
241. mitisme 72 Beaucoup de Juifs qui ferment leurs habits de droite gauche comme ils crivent le contraire des races aryennes Peut tre les fils d Isra l ne sont ils pas les ma tres en ce pays ainsi qu ils le sont ailleurs Cela tient sans doute ce qu il faut six Juifs pour tromper un Arm nien dit un proverbe local et ils sont nombreux les Arm niens dans les provinces transcaucasiennes p 10 De m me le st r otype du Juif aimant l argent est particuli rement net dans ce passage Monsieur me dit un bon petit Juif en me montrant une certaine habitation qui me semble fort ordinaire vous tes tranger Absolument Alors ne passez pas devant cette maison sans vous arr ter un instant pour l admirer Qu a t elle d admirable C est l qu a demeur le c l bre t nor Satar qui donnait le contre fa de poitrine Et ce qu on le lui payait Je souhaite ce digne patriarche de donner un contre sol encore mieux pay p 10 11 Pour autant y regarder de plus pr s on constate que l vocation des Juifs si elle est extr mement caricaturale est surtout pr texte l loge de la colonisation russe en Asie centrale en ce qu elle a men une politique d int gration notamment l gard des Juifs un certain nombre de passages vont dans ce sens Parmi les voyageurs qui se prom nent sur le quai plusieurs Juifs sont reconnaissables leur type plut t
242. mme l hippophae rhamno des un arbousier de la famille des l agn es qui est employ fixer les sables dans l Europe septentrionale p 52 De m me la faune est voqu e r guli rement sur un mode descriptif Parmi les autres animaux de la faune pamirienne apparaissent aussi des loups des bandes de ces moutons sauvages de grande taille cornes noueuses gracieusement recourb es lesquels s appellent arkars de leur nom indig ne Vers les hautes zones du ciel volent des gypa tes des vautours puis au milieu des tourbillons de vapeur blanche que notre locomotive laisse en arri re s entrem lent des nu es de corbeaux de pigeons de tourterelles et de bergeronnettes p 130 ou de mani re plus dynamique gr ce au r cit de deux incidents mineurs du voyage la collision avec un dromadaire la fin du chapitre VID et l attaque d une panth re abattue par Faruskiar p 136 Les l ments caract ristiques du paysage reviennent r guli rement dans le texte dunes sable d sert sont fr quemment mentionn s La g ographie impr gne galement le texte gr ce la mention des noms de cours d eau de reliefs et de villes ce court passage du chapitre XIV illustre la pr gnance des toponymes dans le roman Notre halte Khodjend a dur trois heures J ai donc fait ma visite report rienne en me promenant sur les bords du Syr Daria Ce cours d eau qui baigne le pied des hautes montagnes du Mogol T
243. mme administrateur de la Cie apporte des modifications dont vous ne pouvez pas vous douter dans le roman Mais comme cette modification me pla t infiniment que je trouve extr mement moderne je ne recule pas dans ce remaniement et j esp re le mener bonne fin Je vous le r p te cela modifiera profond ment les choses mais le livre y gagnera J att nue sensiblement les r les Caterna du moins dans leur blague et les ram ne au plan qu ils ne doivent pas d passer Quant au baron allemand c est autre chose je le garde tel quel En y r fl chissant j ai compris qu il n y avait pas de roman possible avec un bonhomme qui veut faire le Tour du Monde en 49 jours et le fait en 300 Au 50 jour il aurait perdu son pari et la suite ne vaudrait plus rien car ce ne serait alors qu un voyage quelconque J y ai donc renonc Vous voudrez bien me r crire le nom imagin par vous de ce baron allemand car j ai de la peine le lire sur vos notes D autres corrections suivent encore dans une lettre du 1 mars 1892 le romancier dit vouloir retravailler certains passages Oui j ai probablement d voil trop t t le pass de Faruskiar et c est pour cela que j ai tant de h te de revoir les preuves Je n venterai la m che que plus tard apr s l arriv e Kachgar et la pr sentation de l administrateur du Grand Transasiatique Je pr f re garder au baron allemand sa qualit de faiseur de tour du monde il se tient bien co
244. mme cela Si plus tard j tais hant de ce sujet je le ferais d une autre fa on J ai parfaitement lu que Zeitung avait recommenc ses farces et j en profiterai Claudius Bombarnac pourra croire d abord que c est le v ritable Zeitung qui est dans la caisse personnage peu int ressant et qu il conna t pour l avoir vu Paris Mais il sera d tromp en voyant Kinko lui tr s int ressant et auquel il s attachera Ce sera infiniment mieux Entre mars et mai des preuves du roman font ainsi plusieurs allers et retours entre Amiens et Paris ce travail minutieux semble peser l auteur qui crit le 13 mars 1892 Je viens de passer huit jours sur Bombarnac Depuis les derniers remaniements il y a encore des choses contradictoires Il a fallu accorder les fl tes Je vous renvoie aujourd hui les preuves en vous priant de les corriger le plus vite possible et de me les renvoyer Ce sont les derni res et enfin je ne penserai pas plus Bombarnac que s il n avait jamais exist Mais pensez son placement Le caract re tr s progressif du travail de Jules Verne est remarquable apr s la phase de documentation vient la r daction elle m me en plusieurs tapes laquelle est son tour suivie d un temps assez long de correction qui implique plusieurs acteurs l auteur son diteur mais aussi les employ s de la maison d dition Ces passages de la correspondance entre le romancier et son diteur d voilent e
245. moujiks en tenue d migrants de pauvres diables enfin tendus sur les dr mes contre les parois le long des pr larts Ils fument presque tous ou grignotent les provisions qu ils ont emport es pour la travers e Les autres cherchent d j dans le sommeil r parer leurs fatigues peut tre m me tromper leur faim p 27 Le romancier transpose aussi certaines anecdotes du r cit de l ing nieur sous forme de p rip ties romanesques on peut ainsi faire un parall le entre ce passage du chapitre II du texte d Edgar Boulangier et la fin du chapitre VII de Claudius Bombarnac La proximit entre les deux extraits est d ailleurs d autant plus notable que l accident a lieu au m me endroit c est dire avant l arriv e du train la station de Gh ok T p Mais malgr toutes les pr cautions on ne va pas Merv sans craser un chameau Le cr puscule nous permet de voir encore le poste cosaque de Koutol verste 66 avec son mirador abandonn depuis la pacification puis la nuit tombe tout fait Bient t un choc se fait sentir dans tout le wagon la machine vient de tamponner deux dromadaires de belle taille et nous roulons sur ces grands corps broy s Le propri taire ahuri l ve les bras en l air il est bien temps On ne lui payera point ses b tes et il doit s estimer heureux de ne pas tre condamn payer lui m me les avaries de la locomotive car elle a re u un rude coup elle aussi et les r parations no
246. mportance que ce dernier accordait l ducation ne pouvant s accommoder de l id e que l accroissement des connaissances ne d bouche pas sur un mieux tre g n ral La modernit est repr sent e par de nombreux marqueurs dans Claudius Bombarnac qui peint l extension l chelle mondiale des nouvelles techniques C est vident en ce qui concerne le chemin de fer dont le narrateur souligne plusieurs reprises l implantation r cente sur tous les continents le plus souvent dans une perspective comparatiste par exemple les Russes proc d rent l tablissement de cette voie avec une rapidit sup rieure ainsi que je l ai dit celle des Am ricains dans le Far West p 60 D autres v hicules sont galement porteurs de l id e de modernit comme le bateau vapeur steamboat mais galement la bicyclette dont la structure ne cesse d voluer au fil du XIX si cle qui appara t pour la plus grande stup faction des voyageurs fran ais comme le montre la ponctuation la fin du chapitre XII je fus brutalement ramen la r alit moderne Dans les rues oui dans les rues voisines de la gare en pleine capitale de Tamerlan je vois passer deux v locip distes acheval s sur leurs v locip des Ah s crie M Caterna des messieurs roues Et ces messieurs taient d origine turkom ne p 106 107 La r volution des transports et l acc l ration des changes qu elle op r
247. n 379 Et ce peut tre d autant plus qu l inverse du monde donc l exploration semble sur le point de s achever la fiction ne conna t pas de limites 380 C sar Cascabel profite de la repr sentation des Brigands de la For t Noire une pi ce de son invention pour faire arr ter par des Cosaques le d nouement se situant en Russie deux v ritables malfaiteurs qui voyageaient avec lui ayant d couvert leur v ritable identit il leur demande d interpr ter le r le des m chants de la pi ce et fait intervenir la v ritable police plut t que des acteurs pour les mettre hors d tat de nuire Son stratag me fonctionne 129 interp n tration des mod les th atraux et romanesques plus importante que dans le roman de 1892 Toutefois dans les deux r cits le monde du spectacle permet un renouvellement du romanesque gr ce de nouveaux types langages lieux Mais au del de l intertextualit vernienne cette pr sence assez marqu e du th tre dans le roman renvoie toute une s rie de romans de com diens au XIX si cle on peut citer Le Capitaine Fracasse 1863 de Th ophile Gautier L Homme qui rit de Victor Hugo 1869 Pierre qui roule et Le Beau Laurence 1870 de George Sand ou encore certaines uvres de Jules Claretie comme Brichanteau com dien 1896 Toutefois les tensions entre les genres mobilis s dans Claudius Bombarnac et dont le rapport au r el ainsi que les po tiques divergent voire s oppos
248. n aurait alors affaire un jeu presque d ceptif Tout le roman proc de en effet d une dialectique entre le cl t et l ouvert qui n est pas sans rappeler le processus de lecture et en particulier de lecture s rielle puisque comme l auteur le lecteur ma trise les codes du genre lequel processus postule des hypoth ses et attend que le r cit les confirme ou les infirme le narrateur cherchant conna tre le contenu des bo tes est ici clairement un double du lecteur Et si les bo tes s ouvrent sur des objets inattendus 392 Tzevetan TODOROV Po tique de la prose choix suivi de Nouvelles recherches sur le r cit Paris Le Seuil 1980 Typologie du roman policier 393 Voir I 394 Cette logique d j soulign e est assez visible dans ce passage de la page 39 Pendant ma promenade une pens e m obs de si le voyage allait s accomplir sans que j en pusse rien tirer pour mon journal La direction m en rendrait responsable et elle aurait raison Quoi pas une aventure de Tiflis P kin Ce serait ma faute videmment Aussi suis je d cid tout pour viter un tel malheur l adverbe tout renvoyant ici pudiquement aux mensonges et autres productions de l imagination du narrateur 395 Les deux formes se rejoignent en effet dans la p riodicit dans une criture la premi re personne discontinue Ils sont galement souvent un lieu d laboration d autres textes destin s la publication B
249. n de transport emprunt est d autant plus int ressante qu elle rejoint et illustre les questionnements que d veloppe aujourd hui l histoire des mobilit s Le philosophe Bruno Latour crit ainsi Quand on parle de mobilit on oublie toujours de sp cifier que l on ne parle jamais que d un certain ratio entre transformation et transportation et jamais seulement du mouvement plus ou moins rapide d un s 5 3 201 R 2 er certain bien ou d une certaine personne Le caract re tr s peu introspectif du texte qui d pend 199 Pierre MACHEREY Pour une th orie de la production litt raire II Quelques uvres 1 Jules Verne ou le r cit en d faut Paris Fran ois Masp ro 1966 p 213 200 L expression est de l conomiste Suzanne BERGER qui entend rendre ainsi compte de la p riode d expansion du commerce et d intensification des changes de capitaux entre 1870 et 1914 201 Bruno LATOUR Les moteurs immobiles de la mobilit in Matthieu FLONNEAU et Vincent GUIGUENO dir De l histoire des transports l histoire de la mobilit Rennes Presses universitaires de Rennes 2009 p 8 61 pour partie de son ancrage g n rique carnet de travail et non journal intime et l absence de profondeur psychologique du personnage principal font cependant que le passage de la page 46 demeure une exception dans le roman Cette r flexion s inscrit pourtant dans le contexte de la deuxi me moiti du XIX si cle q
250. n effet un processus de r daction qu on est tent de qualifier de collectif puisque Louis Jules Hetzel comme son p re avant lui influe largement sur le contenu du roman Ses interventions sont toutefois d ordre plus sc naristique que po tique En ce qui concerne Claudius Bombarnac il semble que l intrigue du roman ait connu nombre de modifications et que l auteur ait cit p 163 164 85 Jules Verne avait originellement d nomm Kelgranner Quel cr neur le baron We isschnitzerd rfer il le rend plus ambitieux encore puisque dans la version d finitive le baron pr tend faire le tour du monde en seulement trente neuf jours 86 On peut noter ici combien la r daction du roman est en prise avec l actualit la plus imm diate 87 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 165 88 C est faux il est question d un autre jeu d preuves du roman dans les lettres du 23 mars et du 12 mai 89 Idem p 166 24 beaucoup t tonn il est difficile de le mesurer quoique la correspondance concernant les autres romans de la m me poque Le Ch teau des Carpathes et P tit Bonhomme notamment pr sente moins d changes et de modifications 2 La publication dans la presse priori tout semble faire de Claudius Bombarnac un produit de la civilisation du journal sa publication dans un journal notamment conforte cette impression Partant de cet
251. n g n ral d u par la r alit invite le lecteur s abandonner aux joies de la fiction C est d ailleurs ce que fait le narrateur qui adopte le travers de ses amis quoiqu il s en d fende lorsqu il emploie des tournures comme Il est vrai aux approches du plateau de Pamir le d cor changera vue p 76 ou en cette incomparable cit de Samarkande les d cors succ dent aux d cors Bon voil que cela me gagne Certainement le spectacle finira apr s minuit Mais puisque nous partons huit heures il faut se r signer perdre la fin de la pi ce p 105 A l instar des emprunts d autres genres textuels la mobilisation des r f rences dramatiques appara t donc comme un moyen de vivifier un mod le romanesque qui semble s puiser On est tent de faire le parall le entre Claudius Bombarnac et C sar Cascabel 1890 un roman de Jules Verne qui met en 7 A r 380 TA sc ne un cirque et dont le d nouement se joue gr ce un m lodrame ce qui r v le une 376 Dans sa th se La Th tralit dans le roman Stendhal Balzac th se de doctorat en litt rature fran aise Universit Paris Il Sorbonne nouvelle sous la direction de M Dominique Combe soutenue le 7 d cembre 2007 Agathe NOVAK LECHEVALIER souligne qu il ne faut pas qualifier de th tralit toute pratique de r f rence m me massive au th tre Selon elle la th tralit suppose la pr sence des dimensions in
252. n garde juridique Reproduction interdite tous les journaux qui n ont pas de trait avec la maison Hetzel Enfin le feuilleton se cl t par le traditionnel 4 suivre inscrit en bas de la derni re colonne Comme le soulignait Louis Jules Hetzel dans sa lettre du 29 ao t le feuilleton ne se situe pas en premi re page laquelle est consacr e l actualit mais au rez de chauss e de la deuxi me ou de la troisi me page et rarement de la quatri me dont il occupe entre un tiers et un quart de la surface Claudius Bombarnac est publi syst matiquement en page 2 du d but de sa publication le 10 octobre au 22 novembre puis parfois en page 3 par exemple les 22 23 et 25 novembre Ce 123 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 183 124 L adjectif dramatique manque parfois 37 recul du feuilleton vers l arri re du journal para t r pondre une logique interne il semble en effet que lorsqu un nouveau feuilleton arrive celui qui est en cours passe en bas de la page 3 et laisse le rez de chauss e de la page 2 au nouveau venu On peut faire l hypoth se que ce classement par ordre d apparition r pond galement une logique commerciale le nouveau feuilleton susceptible d attirer un nouveau public est mis en valeur plus facile trouver plus pr s des informations tandis que l ancien dont le lectorat est d j fid lis r t
253. n que par ceux de la publication Quoique le texte paru dans le 159 Une lettre du 19 octobre 1892 de Louis Jules Hetzel t moigne des vell it s de son auteur mais surtout de sa lassitude Mon cher vieil ami vous avez peut tre raison pour l Acad mie et poser une candidature de loin vous astreindre faire un s jour sp cial Pars pour les fastidieuses visites officielles et surtout pour les d marches officieuses faire la diable avec la pr occupation de rentrer chez soi une cuisine qui n est jamais agr able et qui est le vrai d faut de l institution je comprends bien que a ne vous tente pas beaucoup Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op Cit p 185 160 Fond e en 1838 la Soci t des Gens de lettres est une association qui d fend les droits des auteurs de grands crivains en ont t membres Hugo Zola Maupassant Sand et l acc s n en tait pas ais pour les romanciers populaires comme le montre Anne Marie THIESSE dans Le Roman du quotidien Lecteurs et lectures populaires la Belle poque Paris Le Seuil 2000 161 W Wilkie Collins 1824 1889 tait l ami et rival de Dickens La Dame en blanc 1860 est un roman populaire qui pr sente de nombreux motifs du genre sosies soci t secr te histoire d amour impossible mauvais mariage captation d h ritage tendance polici re assez s duisant La note de l diteur qui accompa
254. n soulignera toutefois d s maintenant le caract re partiellement fallacieux de ce proc d r f rentiel puisque le roman rel ve pour partie de l anticipation dans la mesure o le train tel qu il appara t dans la fiction va bien plus loin que son 180 l mod le r el Pour autant Jules Verne fonde une partie de la vraisemblance de son texte sur des r f rences la construction d un train v ritable laquelle il consacre de nombreuses remarques par exemple Lorsque le g n ral Annenkof commen a ses travaux Mikha lov il en fut r duit distiller l eau de la Caspienne comme on fait bord des navires au moyen d appareils ad hoc Mais si l eau est n cessaire pour produire la vapeur le charbon est n cessaire pour vaporiser l eau Les lecteurs du XX Si cle se demanderont donc comment on parvient chauffer les machines en un pays o il n y a pas un morceau de charbon extraire ni un morceau de bois couper Est ce qu il y a des d p ts de ces mati res dans les principales stations du Transcaspien Nullement On s est content de mettre en pratique une id e qu avait eue notre grand chimiste Sainte Claire Deville aux premiers temps de l emploi du p trole en France Les foyers des machines sont aliment s l aide d un appareil pulv risateur par les r sidus qui proviennent de la distillation de ce naphte que Bakou et Derbent fournissent d une fa on in puisable certaines stations de la lign
255. nac p 103 Dans un wagon plomb le tr sor de l empereur de Chine qui suscite convoitise embuscade explosion Sinon Claudius Bombarnac aurait ressembl aux pages initiales d un guide touristique celles qui d crivent le voyage en chemin de fer La grande poque de l imaginaire ferroviaire sera plus tardive post rieure Verne Zola et Mirbeau et il cite les uvres de Cendrars La Prose du Transsib rien et de la petite Jehanne de France 19131 et Agatha Christie Le Crime de l Orient Express 19341 entre autres 17 Pas de machine spectaculaire mais une simple locomotive vapeur pas de territoire inconnu explorer mais la voie toute trac e d un chemin de fer pas de h ros de l envergure d un Nemo au grand dam du narrateur le roman appara t donc comme une r criture en mineur et assez d senchant e du sch ma du roman vernien 18 Michel COLLOMB souligne que le reportage a une histoire relativement br ve il na t la conjonction d un courant litt raire le naturalisme et d un ph nom ne socioculturel l mergence de la grande presse la fin du XIX si cle Il conna t son apog e dans l entre deux guerres avant de dispara tre concurrenc par de nouveaux m dias photographie et t l vision in La Litt rature Art D co Sur le style d poque Paris M ridiens Klincksieck 1987 Il semble toutefois qu il y ait une forme de retour du reportage avec le lancement de revues qui en publient comme
256. naire soit dans le corps du r cit soit en note puis il est r p t F al aS 235 compl tement assimil par son nouveau contexte On peut prendre l exemple du terme saksaoul il appara t pour la premi re fois entre guillemets et accompagn d une d finition cet haloxylon ammodendron que les Russes appellent moins scientifiquement saksaoul p 52 puis est ensuite int gr directement dans le texte ces plantations de saksaouls p 52 les saksaouls destin s fixer la dune p 92 Mais plus que la question des nationalit s qui joue certes un r le primordial dans le syst me des personnages on remarque que la dichotomie entre identit et alt rit s articule surtout autour de valeurs antagonistes C est ainsi que tout le roman se polarise autour de la tension entre prosa sme d pr ci et romanesque valoris c est selon ces crit res que le narrateur value ce qui l entoure des paysages aux situations en passant par les personnes Cette opposition structurante est particuli rement vidente dans le traitement des couples dans le r cit le narrateur ne cesse de mettre en perspective la relation froide et distante de Fulk Ephrinell et d Horatia Bluett et celle pleine d affection du couple Caterna par exemple page 82 c tait touchant de voir cet honn te cabotinage si diff rent de la comptabilit galante par doit et avoir du courtier et de la courti re qui conversaient
257. naux dans Robur le Conqu rant o Verne ne d taille pas les titres alors que dans Ma tre du monde le r cit est ponctu jusqu la fin de citations d articles qui Ses R F hier DS maintiennent le suspens offrent des fausses pistes ou des semi v rit s La diffusion de 21 Henri MITTERAND Le Discours du roman Paris PUF 1986 p 7 22 Pour reprendre le titre de l ouvrage collectif de Dominique KALIFA Philippe REGNIER Marie ve TH RENTY Alain VAILLANT dir La Civilisation du journal Histoire culturelle et litt raire de la presse fran aise au XIX si cle Paris Nouveau monde ditions 2011 23 La nouvelle La Journ e d un journaliste am ricain en 2890 originellement parue dans une revue am ricaine rel ve autant de la litt rature d anticipation que de la th matique de la presse de plus bien que sign e par Jules Verne elle est en r alit l uvre de son fils Michel 24 Toutefois le p riple de H T Kymbale est financ par son journal la Tribune de Chicago qui charge son reporter de couvrir ses aventures les conditions du voyage rappellent donc largement celles d un reportage sauf que les d placements du journaliste ne sont pas d termin s par les injonctions de son r dacteur ou par les n cessit s du terrain mais par les d s d un jeu de l oie g ant d autant que le texte fait place des passages de carnet du reporter 25 Christian ROBIN Jules Verne et la presse in Jean P
258. nce laisser au second plan le contexte historique et le 13 cotexte des romans 9 Dans sa Bibliographie documentaire sur Jules Verne Osterm nigen chez l auteur 1982 c est Christian CHELEBOURG qui rapporte cette information dans Jules Verne L il et le ventre Une po tique du sujet Paris Caen Lettres modernes Minard 1999 10 dem p 9 10 11 Le titre de l ouvrage que Daniel Comp re tire de sa th se est tr s symptomatique Jules Verne crivain Gen ve Droz 1991 12 On peut citer par exemple Daniel Comp re Alors Jules Verne pr curseur litt raire Je n irai pas jusque l mais son uvre tout en portant de fa on vidente la marque du XIX si cle t moigne d une nouvelle attitude vis vis de la forme romanesque cr ation d un univers imaginaire qui se cl t sur lui m me avec des retours de personnages et des variations internes adoption d une narration distanci e qui am ne un jeu avec les conventions du r cit travail sur le langage qui laisse entendre dans le texte une polyphonie de voix diverses parti pris d un style pr cis objectif r flexion sur l criture pos e dans le texte de mani re plus ou moins explicite Bref une uvre multiforme qui s apparente la famille des romans r flexifs o l on rencontre galement Bouvard et P cuchet de Flaubert Les Faux Monnayeurs d Andr Gide Les Enfants du limon de Raymond Queneau L Emploi du temps de Michel Butor La Jalousie d Alain Robbe G
259. nce du d paysement qui sans tre toujours central para t toujours jouer un r le dans les uvres enfin la tendance associer le genre une forme de litt rature populaire soit travers un march celui de l dition de masse soit travers des th mes ou un style Ces deux d finitions ne semblent pas vraiment correspondre Claudius Bombarnac puisque l action n occupe pas une tr s grande place dans le roman d ailleurs le narrateur ne cesse de le d plorer au point qu il serait tentant de parler de roman d aventures en creux On peut toutefois se 360 On pourrait montrer que les couples dans le roman jouent un peu ce r le et mettre en vidence le jeu de ressemblance diff rence entre les bandits Ki Tsang et Faruskiar 361 Daniel COU GNAS Introduction la paralitt rature op cit p 101 362 Paul BLETON dir Armes larmes charmes Qu bec Nuit blanche diteur Collection tudes paralitt raires 1995 p 8 Avant propos Production et consommation s rielle par Paul Bleton 363 Jean Yves TADI Le Roman d aventures Paris PUF 1982 p 5 364 Matthieu LETOURNEUX Le Roman d aventures op cit p 13 125 demander si cette logique parodique de la part d un crivain qui ma trise parfaitement les codes du genre Michel Strogoff notamment le montre bien n est pas inscrire dans la ligne pessimiste d un roman crit la fin du si cle par un auteur vieillissant qui pre
260. nd acte du fait que l aventure est mise en p ril par la ma trise toujours plus compl te de la Terre par l homme De fait contrairement aux aventuriers traditionnels Claudius Bombarnac n est pas aux prises avec une nature sauvage puisqu il suit une route toute trac e ce que mat rialise d ailleurs les rails du Grand Transasiatique et d j explor e par nombre d autres voyageurs lesquels ont d j d crit ce que voit le narrateur de plus son travail de reporter contribue cette dynamique de banalisation de l exotisme En effet le reportage en tant qu il met le monde et l extraordinaire sous les yeux du plus grand nombre s oppose la logique un peu aristocratique du roman d aventures traditionnel dans lequel l aventurier met le pied dans des contr es jusque l inexplor es Pourtant le roman propose sous forme de clins d il un certain nombre de motifs propres au roman d aventures Ainsi le r cit cr e bien une forme de d paysement pour le lecteur en voquant des r alit s exotiques par exemple les bazars les costumes notamment par l insertion des termes trangers strat gie caract ristique du genre Certains passages du roman rappellent aussi clairement des sc nes faire du roman d aventures notamment les moments de violence attaque du train par un fauve et rappel du motif de la chasse et du chasseur attaques de bandits L assimilation du reporter un chasseur explicite la page 30 Je suis comme
261. nnaire qui fonctionne je vous prie de le croire et qui en remontrerait ses coll gues de la vieille Europe p 216 L abondance des types tant particuli rement frappante un relev complet des st r otypes et des proc d s de g n ralisations serait fastidieux on peut se demander s il n y a pas une forme de d rision dans cette logique de catalogue La production de types assez inattendus pourrait le laisser penser certaines g n ralisations renvoient en effet des cas improbables ou tellement pr cis que leur constitution en type para t un peu abusive contradictoire presque avec la notion de type tels que cette race des dormeurs en railway p 13 grave comme un chirurgien qui va couper 70 une jambe ou cet air gouailleur du Parisien au milieu d une noce de province p 168 Avec ces expressions qui renvoient la fabrique caricaturale elles font vignettes pour le lecteur on peut penser que l auteur cherche exhiber les proc d s de fabrication d un type et montrer qu on peut en cr er l envi De m me certains jeux sur le langage peuvent faire douter du cr dit apporter en termes de connaissance ces expressions fig es que sont les st r otypes en crivant C est un Chinois dans toute l acceptation du mot et capable de toutes les chinoiseries administratives p 216 Jules Verne sous la plume de son narrateur met au jour le processus mental qui fait associer une
262. nner moins d informations historiques que d autres romans de Verne en r alit il n en est rien Mais il proc de 189 Ce passage donne un exemple de tr s forte textualisation d autres passages didactiques sont beaucoup moins labor s 190 Dans son autobiographie Les Mots Jean Paul Sartre donne voir un exemple de la r ception des textes de Verne entre autres romanciers populaires tels que Z vaco Boussenard Paul d Ivoi et la r verie que ces romans provoquent en lui Jean Paul SARTRE Les Mots et autres crits autobiographies Gallimard La Pl iade 2010 I Lire p 39 41 au point de le pousser essayer d crire un roman leur mani re Ibid II crire p 76 80 191 Et la coiffure des belles G orgiennes le tassakravi compos d un l ger ruban d un voile lain d une mousseline qui encadre de si jolis visages et leurs robes aux couleurs clatantes aux manches largement ouvertes leurs v tements de dessous nou s la taille leur surtout d hiver en velours garni de fourrure et d orf vrerie aux brandebourgs leur mantille d t en cotonnade blanche le tchadr qu elles serrent troitement du coude toutes ces modes enfin si soigneusement not es sur mon carnet de reporter qu en dirai je maintenant 192 Ayez donc appris que les orchestres nationaux se composent de zournas qui sont des fl tes aigres de salamouris qui sont des clarinettes criardes de mandolines
263. ns d Asie centrale ne s inscrivent pas dans la logique nationale caract ristique du XIX si cle europ en elles poss dent une identit culturelle et linguistique particuli re mais pas de territoire correspondant La logique nationaliste serait donc davantage mobilis e pour faire sens pour le lecteur originel plut t que dans une perspective r f rentielle Le degr d individualisation du type varie fortement selon le r le qui lui est accord dans l intrigue du roman l vocation des populations d Asie centrale qui ne servent que d arri re plan civilisationnel reste tr s caricaturale avec des caract risations assez grossi res et rapides par exemple plusieurs Ousb ks types assez communs au front fuyant aux pommettes saillantes au teint bis qui ont t les seigneurs du pays et dont les familles fournissaient les mirs et les khans de l Asie centrale p 43 ou le G orgien et l Arm nien se coiffent de la toque en pain de sucre p 4 Le narrateur ici ne d passe pas le type qu il b tit d ailleurs partir de connaissances pr alables et non d un change de personne personne l expression je reconnais l toute la fiert mongole p 188 montre bien que le d chiffrement du monde inconnu se fait partir d attendus formul s sous la forme de types Par contre quand il est question des acteurs du r cit l laboration st r otypique est un peu plus travaill e et fonctionne dans le sens
264. ns de toponymes tirent peut tre leur origine des sources de Jules Verne qui r clame son diteur une carte avec le trac de ce railway il s agit du transcaucasien dans une lettre du 12 septembre 1890 ou une simple indication des stations dans une lettre du 16 septembre 1890 lesquelles figurent la page 131 de la Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit 175 Voir infra II 176 C est la th se de Christine MONTALBETTI dans son article Entre criture du monde et r criture de la biblioth que Conflits de la r f rence et de l intertextualit dans le r cit de voyage au XIX si cle in Sophie LINON CHIPON V ronique MAGRI MOURGUES et Sarga MOUSSA dir Miroirs de textes r cits de voyage 52 L vocation des moyens de transports emprunt s par le personnage principal et en particulier le Grand Transasiatique est galement l occasion de passages descriptifs qui contribuent la r f rentialit du roman Le narrateur mobilise ainsi un important savoir technique qui se traduit en particulier par l emploi de termes sp cifiques la marine comme il est au vent p 45 rouffle p 29 m t de misaine pavois p 35 tambours p 36 bastingage p 37 on notera que ce vocabulaire est tr s pr sent dans un roman qui a pour objet un voyage en train sur le plan narratif cette abondance de termes maritim
265. ns l uvre vernienne Claudius Bombarnac est le seul de ses romans dont elle constitue v ritablement le point focal Les Voyages Extraordinaires mettent en sc ne plusieurs figures de journalistes dont les plus marquantes sont peut tre Harry Blount et Alcide Jolivet dans Michel Strogoff mais ils assurent rarement des fonctions de premier plan dans l intrigue De plus tous ne sont pas montr s dans l exercice de leur profession G d on Spilett dans L le myst rieuse est reporter mais sur une le d serte il se comporte en aventurier l instar des autres membres de l exp dition de m me dans Le Testament d un excentrique le reporter H T Kymbale voyage travers les tats Unis en tant que possible h ritier d un milliardaire fantasque et non comme journaliste L uvre vernienne met galement en sc ne d autres aspects du monde de la presse l auteur fait volontiers r f rence des journaux r els notamment dans Sans dessus dessous dont une page enti re est constitu e d un catalogue de titres de presse du monde entier et fait appara tre le fameux reporter am ricain Stanley dans Un Capitaine de quinze ans Les ph nom nes de m diatisation sont galement souvent mis en sc ne et peuvent servir d l ment d clencheur une intrigue romanesque La lecture d un article peut faire na tre l aventure comme dans Le Rayon vert dans Sans dessus dessous Un ph nom ne est pr sent comme myst rieux par des jour
266. nsi qu une chanson des chansons chinoises entre autres le Shiang Touo Tching la Chanson de la r verie dans laquelle notre jeune C leste r p te que les fleurs du p cher sentent bon la troisi me lune et celles du grenadier rouge la cinqui me p 181 l exotisme de leurs symboles avec la discussion sur les canards mandarins image de la fid lit conjugale de leur cuisine l invraisemblable cuisine c leste p 208 L auteur semble d ailleurs avoir conscience de d crire une Chine de pacotille on peut alors faire une lecture ironique et pas seulement historique de l expression la v ritable Chine celle des paravents et des porcelaines p 181 260 G rard SIARY dans Jules Verne et l Extr me Orient in Jean Pierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent ans apr s op cit p 284 84 Plus originale est la vision positive d une Chine en mouvement qui appara t dans le roman o une Chine traditionnelle pittoresque et extr mement d paysante pour les Europ ens s oppose 261 une Chine moderne et valoris e comme telle Cette dichotomie est particuli rement visible au travers du duo form par le tr s Parisien Pan Chao et son ami Tio King notamment dans la description qui accompagne leur premi re apparition L un est un jeune homme d allure distingu e vingt cinq ans environ charmante physionomie malgr son teint jaune et ses yeux brid s
267. nt Peut tre plus d cisif encore une mention pr cise dans le texte de Jules Verne d un tout r cent am nagement de la place du Registan Samarcande qui d plore l intrusion de r verb res dans cet espace si beau Beau quadrilat re peut tre un peu g t par ce fait que les Russes l ont agr ment de pav s et orn de cand labres Or une vue de Paul Nadar et il semble le seul avoir choisi ce sujet est pr cis ment centr e sur l un de ces r verb res Par ailleurs les sommaires des revues des ann es 1890 montrent que les articles sur l Asie centrale et orientale sont l gion parce que le sujet est d actualit les exp ditions y sont nombreuses les progr s de la colonisation d un pays ami de la France notables Connaissant les habitudes de travail du romancier on peut penser bon droit qu il a certainement lu certains de ces textes dont on citera quelques exemples comme De Paris au Tonkin travers le Tibet inconnu 1889 1890 de M Bonvalot qui para t en 1891 dans Le Tour du Monde d douard Charton Dans le Bulletin de la Soci t de G ographie Paris les articles sur le sujet sont particuli rement nombreux en 1890 on trouve Des ressources que l Asie centrale peut offrir la colonisation russe avec des cartes dans le texte du lieutenant g n ral Annenkof Notes sur le Thibet de l abb Desgodins tudes de g ographie historiques sur les anciens itin raires
268. nt paru en volume double accompagn du Ch teau des Carpathes d s 1892 La couverture de ce volume double fait signe vers le reste des Voyages Extraordinaires le titre de la s rie figure sur le cartonnage et les motifs qui l entourent ancre livres rames compas globe terrestre renvoient davantage l id e de voyage en g n ral qu aux intrigues de deux romans Cet ancrage s riel renvoie alors le texte la logique de roman d aventures scientifiques vocation didactique qui est celle de toute l uvre de Jules Verne et plus g n ralement d une grande partie de la production des ditions Hetzel et la probl matique du reportage s efface un peu derri re le th me g n ral du voyage Plac au sein de la collection des Voyages Extraordinaires Claudius Bombarnac appara t alors comme un fr re assez falot du Tour du Monde en quatre vingts jours un roman d aventures que le monde moderne prive un peu de substance La publication dans la presse a d abord une implication en terme de lectorat Le Soleil est un quotidien politique donc plut t destin aux adultes De plus la publication se veut s rieuse le 5 novembre on trouve ainsi entre ses pages un prospectus sp cimen pour La Science moderne Revue hebdomadaire illustr e de vulgarisation et d enseignement moderne scientifique sous la direction de George Maneuvrier dit e par Firmin Didot amp C Ce document publicitaire qui rejoint les 156 L dition ori
269. nt prochainement la connaissance Avec CLAUDIUS BOMBARNAC Nous sommes entra n s dans une course Vertigineuse au milieu d un fantastique ultra Moderne Un chemin de fer de six mille ki 122 On a fait le choix de conserver la pr sentation des publicit s la plus proche possible de celle du Soleil de mani re en montrer au maximum les effets visuels 32 Lom tres de longueur construit par la f Conde imagination de JULES VERNE Nous fait traverser une vitesse de 70 kilo M tres l heure les pays les plus abracada Brants Un attrayant et po tique roman d amour se Se d roule sur le Grand Transasiatique et Dans le dining car de ce train cosmopolitite On voit gr ce CLAUDIUS BOMBARNAC Voyageurs fran ais et russes fraterniser en Pleine Chine tandis qu un beau jeune homme Court la poursuite d une s duisante jeune fille dont il est perdument amoureux C est prochainement que nous commence rons la publication dans le Soleil du nouveau roman de JULES VERNE Et nous sommes persuad s que les lecteurs Du Soleil seront heureux d avoir la primeur De CLAUDIUS BOMBARNAC Cette fois la publicit insiste moins sur l auteur ou sur ses uvres pass es en d pit du clin d il au Tour du Monde en quatre vingts jours que sur l intrigue du roman lui m me qui est nouveau pr sent comme un roman d aventures dont trois caract ristiques sont mises en valeur la romance
270. nteragit le roman semble donc tir du c t de la r f rentialit et le je du narrateur devient analogique de celui des v ritables journalistes du Soleil l inverse le roman publi en volume s inscrit dans d autres probl matiques notamment celle de la transmission Objet de prix cartonn et orn de gravures le livre est en effet le plus 151 B atrice DIDIER Le Journal intime Paris PUF 1976 p 188 152 M me si la chose aurait t beaucoup plus flagrante avec un journal comme Le Figaro dans la mesure o Le Soleil ne publie pas de vrai grand reportage il se contente des d p ches d agences ou du syst me un peu ancien des correspondants l tranger 153 Comme l ditorial du 5 novembre qui s intitule Sauvez les enfants 154 Le 5 novembre on lit le compte rendu d un gala donn Brest en hommage aux navires russes La partie financi re du journal semble favorable aux emprunts russes On peut galement lire plusieurs lettres de Russie qui rendent compte de divers v nements le 14 novembre une pid mie de chol ra et des r formes en cours par exemple 155 Une publicit des nouveaut s pour trennes de la maison Hetzel voir annexe sur M dias 19 donne les prix des volumes en format in 8 pour l ann e 1893 le volume double Claudius Bombarnac Le Ch teau des Carpathes co te 9 Fr broch 12Fr cartonn et 14 Fr reli le volume simple vaut 4 50 Fr broch et 6 Fr car
271. odernit la question du progr s La probl matique du progr s traverse tout le XIX si cle les textes de Jules Verne ne font pas exception la r gle quoique l ensemble de la production ne soit pas homog ne sur cette th matique laquelle est tant t valoris e tant t critiqu e Jean Chesneaux rappelle Plusieurs commentateurs de Jules Verne c tait la d marche choisie dans la premi re version de ce travail se sont longuement attach s une sorte de p riodisation binaire du cycle vernien L optimisme se serait peu peu effac devant le pessimisme le savant fou aurait succ d l ing nieur tout d vou au progr s humain les apprentis sorciers aux visionnaires prom th ens Ce dualisme est profond ment remis en cause depuis que Paris au XX si cle est devenu disponible en 1995 766 Ce manuscrit dont la r daction date des ann es 1860 propose une vision tr s sombre d une modernit dans laquelle le progr s technique et scientifique am ne une r gression culturelle et 265 En particulier dans Daniel COMP RE Jules Verne crivain op cit 266 Jean CHESNEAUX Jules Verne Un regard sur le monde op cit p 38 87 morale Sa tonalit extr mement pessimiste qui lui vaut d tre refus par Hetzel en 1863 donne penser que la foi dans le progr s dont font preuve les uvres de Verne du moins au d but de sa carri re est largement une id ologie impos e par son diteur l i
272. olume Royce il est exactement minuit moins deux Tu n as pas le temps de faire valider cet article par la censure et de le faire imprimer J ai des sources authentifi es pour absolument tout ce qu il y a dans cet article Royce Chaque nom est vrai et v rifi Publie le Laisse les gueuler On emmerde le conseil d administration a va tre la plus grosse vente de l ann e Demain c t heure ils pourront tous aller s acheter de nouvelles prostates En platine Et toi et moi Royce on aura dit la v rit in Warren Ellis et Darick Robertson Transmetropolitan 3 Seul dans la Ville Paris DC Comics Panini France 2008 il n y a pas de num ro de page 153 BIBLIOGRAPHIE I CORPUS PRIMAIRE a Manuscrit Manuscrit de 1890 conserv la biblioth que http www bm nantes fr Portail Site Typo3 asp lang FR amp id 2 b Pr publications municipale de Nantes Jules VERNE Claudius Bombarnac pr publication en feuilleton dans le quotidien Le Soleil entre le 10 octobre et le 7 d cembre 1892 c Publications en volume Jules VERNE Claudius Bombarnac Le Ch teau des Carpathes Paris Hetzel 1892 Jules VERNE Claudius Bombarnac Paris Hetzel 1911 Jules VERNE Claudius Bombarnac Paris Hachette 1936 457 Les sites mentionn s ont t consult s pour la derni re fois le 20 mai 2013 154 d dition moderne de r f rence Jules VERNE Claudius Bombarnac Le Pilote
273. oman r aliste comme du public des sciences sociales naissantes permettent vraisemblablement de l y rattacher Le roman de Jules Verne semble bien en effet parler du monde il utilise pour ce faire les proc d s de la r f rence et de la mise en fiction tout un travail de symbolisation du r el est en effet l uvre dans ce roman en particulier par le biais du syst me des personnages qui renvoie nettement des enjeux g opolitiques De m me la tension potentielle entre la fiction et sa vocation didactique n existe pas v ritablement dans ce roman qui s inscrit d une part dans la longue tradition des textes fictionnels destin s enseigner la jeunesse et d autre part dans un vaste courant de vulgarisation des savoirs particuli rement repr sent au XIX si clef avec la parution de nombreuses revues ou manuels notamment chez Hetzel par ailleurs diteur des productions de Jean Mac De plus comme dans les autres romans de Jules Verne les passages didactiques sont incorpor s la fiction gr ce d habiles strat gies narratives telles que l expos scientifique fait par un personnage en posture de ma tre Le plus souvent c est le major Nolitz qui tient ce r le alliant la connaissance pragmatique du militaire t moin des v nements qu il relate celle plus th orique de l honn te homme cultiv cette posture d l ve est d ailleurs explicit e par le narrateur quand il d clare au major page 57 Vous
274. omics vont donc 452 Idem p 15 17 453 Superman est un super h ros de l univers DC Comics cr e en 1932 par le sc nariste am ricain Jerry Siegel et le dessinateur canadien Joe Shuster il para t pour la premi re fois en 1938 Quoiqu il appartienne la premi re g n ration des super h ros il reste tr s populaire et fait l objet de nombreuses variations notamment sous forme de films et de dessins anim s 454 Umberto ECO De Superman au surhomme Paris Grasset 1993 p 114 455 Spider Man est un personnage de l univers Marvel c est une cr ation du sc nariste Stan Lee et du dessinateur Steve Ditko en 1960 Extr mement populaires ses aventures ont galement fait l objet de nombreuses adaptations 152 plus loin que les romans de reporters de la Belle poque dans lesquels le journalisme participait tout de m me de l aventure ici il est ramen au rang de banalit et symbolise m me la normalit 456 en tant qu elle s oppose au romanesque 456 On peut trouver un contre exemple de ce mod le dans les comics de la s rie Transmetropolitan du sc nariste Warren Ellis et du dessinateur Darick Robertson qui d buta en 1997 et compta soixante num ros publi s chez DC Comics aux Etat Unis en France Transmetropolitan est publi en six gros volumes chez DC Comics Panini France partir de 1998 Cette s rie raconte les aventures d un journaliste et ditorialiste politique dans un univers marqu par la scienc
275. on comme le souligne Mona Ozouf dans la conclusion des Aveux du roman Le roman est donc l observateur privil gi d une humanit en transformation Il veut en d crire les esp ces hybrides les intrigues emm l es les chemins de traverse Au XIX si cle les plus grands auteurs en consid rant le roman comme un outil de d chiffrement du monde semblent donc r pondre aux attentes d un public d stabilis face aux bouleversements tr s rapides qui sont l uvre des r volutions se succ dent la soci t se transforme de m me que l conomie et la technique avec la r volution industrielle Cependant il est noter que ces analyses sur le r le d instrument de compr hension du monde du roman renvoient d une part plut t au premier XIX 406 Judith LYON CAEN La Lecture et la Vie Les Usages du roman au temps de Balzac Paris Tallandier 2006 p 23 407 Mona OZOUF Les Aveux du roman Le XIX si cle entre Ancien R gime et R volution Paris Fayard 2001 408 On peut bien s r ici citer Balzac et Zola dont les textes th oriques pr face de la Com die Humaine et Le Roman exp rimental attribue au roman cette fonction de d voilement du monde dont parle Judith Lyon Caen p 162 409 Marie ve TH RENTY montre qu au XIX si cle le roman appara t comme un mod le cognitif et crit Fictionnaliser le r el ce n est pas le transformer mais en proposer un mode de repr sentation imm dia
276. on approche du genre De plus il dramatise la tension entre une science fiction la fran aise qui aurait t oubli e apr s l arriv e dans les ann es 1950 de la SF am ricaine se lamentant sur l absence de tout travail ditorial ou universitaire sur la sp cificit des textes de la Belle poque 425 L anthologie Chasseurs de chim res pr sent e par Serge Lehman est paru en 2006 aux ditions Omnibus Paris elle regroupe des romans d anticipation scientifique fran ais de la Belle poque de J H Rosny Aisn Jacques Spitz Andr Maurois Raoul Br mond Claude David Michel Epuy Maurice Renard Octave B liard Jean de la Hire B R Bruss 426 Idem p XVII 427 Il conclue assez durement passant des enjeux po tiques aux probl matiques id ologiques propos des romanciers fran ais Ce qui les distingue de leurs homologues am ricains c est qu ils n ont pas su ou pas voulu cr er leur propre subculture Sans m me conna tre le d tail de cette tr s longue histoire ditoriale il suffit de lire leurs textes pour sentir quel point les valeurs qu ils d fendent loin d annoncer l mergence d un groupe social saisi par le sentiment de son propre destin les ing nieurs les techniciens reproduisent et amplifient parfois jusqu la caricature celles des auteurs lettr s dont ils h ritent le pessimisme foncier la haine du peuple et le d sir de manger l heure ici comme l bas la merveille scientifiq
277. on du Soleil du 22 novembre Le 1 et le 3 d cembre Claudius Bombarnac s efface pour faire place Julia de Tr c ur en bas de la page 2 et une chronique du jeudi sur la notion de scandale le 1 d cembre et une causerie litt raire le 3 d cembre intitul e Quelques livres revue des nouveaut s pr sentant des ouvrages documentaires en page 3 la page 4 reste d volue la publicit L approche des f tes de fin d ann e nuit au feuilleton le 4 d cembre Julia de Tr coeur para t en page 2 mais le rez de chauss e de la page 3 est occup par une immense publicit pour le Bon March qui d bute son exposition pour les trennes et la derni re page est remplie de r clames d autres grands magasins Le 6 d cembre Claudius Bombarnac ne para t pas non plus la page 2 est enti rement d di e l actualit il y a ce jour l beaucoup de d p ches le bas de la page 3 est 125 Cette hypoth se ne se v rifie pas toujours Julia de Tr c ur d bute ainsi en page 3 le 30 novembre puis passe en page 2 le 1e d cembre Claudius Bombarnac ne para t pas ce jour l en page 3 le 2 d cembre en page 2 le 3 et le 6 d cembre se trouve en page 4 le 5 d cembre et enfin en page 3 le 6 et le 7 d cembre 126 Toutefois Claudius Bombarnac est le seul roman feuilleton du journal entre le 16 et le 30 novembre 127 L adjectif litt raire renvoie ici au traitement de la question et non son contenu qu
278. onde Cette conception du reportage correspond une prise de position dans un d bat entre plusieurs modes de reportages il semble en effet que le grand reportage la fran aise qui se veut litt raire l oppos d un mod le am ricain pr sent comme plus factuel et que les auteurs signent de leurs noms alors que les reportages am ricains sont plus souvent anonymes dans une logique de revendication auctoriale fasse plus de place une certaine subjectivit Jules Verne semble ici prendre parti en faveur des pratiques am ricaines sans qu il soit toutefois vident de savoir si l poque un lecteur non anglophone comme l tait le romancier avait v ritablement conscience des diff rences entre les divers types de reportages Cette insistance sur l observation a pour cons quence une po tique du pr sent qui passe par l vocation des choses vues telles qu elles sont c est dire inscrites dans une modernit qui renverse parfois les st r otypes au grand dam du narrateur qui pr f re visiblement sa vision fantasm e du monde comme le marque le participe pass valeur disphorique d shonor e j tais tout ce sentiment si p n trant de la couleur locale que donnent les merveilles de Samarkande lorsque je fus brutalement ramen la r alit moderne Dans les rues oui dans les rues voisines de la gare en pleine capitale de Tamerlan je vois passer deux v locip distes acheval s sur leurs v locip d
279. onn e par Jules Verne dans une lettre du 1e mars 1892 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op Cit p 165 En admettant que Marc s engagera ferme le retard d un an la publication de Bombarnac le temps que son histoire durera dans l Illustration hebdomadaire tout cela est un peu inqui tant Enfin faites pour le mieux 107 Il crit en effet dans une lettre du 9 ao t 1892 Idem p 180 Je d sire vivement que ce roman soit publi cette ann e car le g n ral Annenkof a repris ses travaux au del de Samarkande et je ne voudrais pas tre distanc Cela a une certaine importance on reviendra sur la question de l anticipation dans la deuxi me partie 108 Jdem p 174 109 Idem p 179 28 cette tiquette peut avoir de d valorisant comme un auteur en train de passer de mode et enfin comme un provincial qui ne peut donc participer aux sociabilit s m diatiques et intellectuelles de la capitale Louis Jules Hetzel donne quant lui une quatri me explication qui met aussi en cause le monde journalistique et son suppos corporatisme l diteur pense que si Claudius Bombarnac a essuy autant de refus c est parce que le roman d voile les coulisses du reportage et fait du reporter ins X 110 FC une figure assez peu h ro que Cette lettre du 29 ao t 1892 est par ailleurs d cisive puisqu elle annonce enfin Jules Verne que son roman a trouv
280. onn es par son activit la surexcitation c r brale d un reporter en qu te de reportage p 36 mes esp rances de reporter p 63 En parlant du Dieu des reporters p 174 le narrateur va presque jusqu faire sur le mode de la plaisanterie de sa cat gorie professionnelle un groupe part voire une sorte de secte 294 Daniel Comp re propose pour sa part de faire le lien entre les noms de Bombarnac et de Jules Verne lui m me voir infra 295 Jean CHESNEAUX Jules Verne Un regard sur le monde Nouvelles lectures politiques op cit p 144 296 Mobilit qui fera crire Pierre Giffard dans son autobiographie romanc e Le Sieur de Va Partout 1880 que le reporter couche sur une valise toujours boucl e Marc MARTIN qui rapporte ce propos le nuance toutefois celui ci n est pas toujours un homme aussi bouscul qu il l affirme entre deux longs d placements il a souvent le temps de poser sa valise ou d crire et publier un livre Le grand reporter doit souvent se livrer des besognes moins nobles que celles qu il consid rent comme les siennes in Les Grands reporters op cit p 20 297 Barnum semble avoir fascin Jules Verne qui l a fait appara tre dans nombre de ses romans comme le souligne Francis MARCOUIN II montre galement que Barnum peut appara tre comme un alter ego de Hetzel et de son curie d auteurs ou de Jules Verne qui joue un r le de montreur de merveilles
281. ophe CHARLE Histoire sociale de la France op cit p 219 292 Christian DELPORTE crit que les reporters sont bien pay s la fin du XIX si cle les moins connus gagnent cinq cent francs par mois les grandes plumes re oivent jusqu vint mille francs par an et leurs frais sont pris en charge par le journal in Les Journalistes en France 1880 1950 Naissance et construction d une profession Paris Le Seuil 1999 293 Marc MARTIN Les grands reporters Les d buts du journalisme moderne A la diff rence d une nouvelle d agence le grand reportage est sign c est l une de ses caract ristiques essentielles Paris Audibert 2005 p 13 99 On peut galement montrer que l individu Claudius Bombarnac avec les caract ristiques que r v lent le roman propose une repr sentation de la psychologie du reporter Dans un premier temps on peut revenir sur le nom Bombarnac dont Jean Chesneaux crit reprenant une analyse de Marcel Mor Le nom du h ros de Claudius Bombarnac journaliste h bleur et nomade voque celui d un des plus illustres gens du voyage de l poque B ombarn ac Barnum y Ce patronyme gr ce au rapprochement avec celui de Phin as Taylor Barnum 1810 1891 grand homme de cirque et homme d affaires am ricain rappelle la mobilit qui caract rise le m tier de reporter le cirque Barnum se d pla ait d ailleurs galement en train De plus il distille l id e que le r
282. ortant dans les romans et parfois d terminent m me la structure de l ensemble cr ant ainsi des variantes du genre romanesque Tels sont la confession le journal intime le r cit de voyage la biographie les lettres etc Non seulement peuvent ils tous entrer dans le roman comme l ment constitutif majeur mais aussi d terminer la forme du roman tout entier roman confession roman journal roman pistolaire Chacun de ces genres poss de ses formes verbales et symboliques d assimilation des divers aspects de la r alit Aussi le roman recourt il eux pr cis ment comme tant des formes labor es de la r alit Le r le des genres intercalaires est si grand que le roman pourrait para tre comme d muni de sa possibilit premi re d approche verbale de la r alit et n cessitant une laboration pr alable de cette r alit par l interm diaire d autres genres lui m me n tant que l unification syncr tique au second degr de ces genres verbaux premiers Tous ces genres qui entrent dans le roman y introduisent leurs langages propres stratifiant donc son unit linguistique et approfondissant de fa on nouvelle la diversit de ses langages 405 Mikha l BAKHTINE Esth tique et th orie du roman op cit p 141 138 Leurs caract ristiques tiennent surtout leur liens avec le syst me m diatique de la fin du XIX si cle Cette structure cherche articuler un ancrage n cessaire dans une actuali
283. ositif de communication Et il le fait du point de vue de l avenir de l humanit en imaginant ce que Reclus avait d j nomm la comp n tration des mondes Autre originalit des textes de Jules Verne au regard de leur cotexte son attention et m me sa sympathie envers les peuples en lutte pour leur ind pendance Quoique cette position h rit e des combats quarante huitards qui ont profond ment marqu s Jules Verne soit difficilement compatible avec ses opinions plut t colonialistes qui triomphent dans une logique de progr s il n en demeure pas moins qu elle traverse toute son uvre Elle est certes bien plus visible dans un roman comme Vingt mille lieux sous les mers avec la figure du capitaine Nemo en lutte contre tous les imp rialismes Cette sensibilit transpara t toutefois par instants dans Claudius Bombarnac l insistance sur la prestance de Faruskiar qui n est jamais appel que le seigneur Faruskiar et qui est qualifi galement de superbe Mongol p 130 par exemple pourrait la rigueur tre lue dans ce sens si l on consid re que le narrateur ne cesse de valoriser un homme qui appartient un peuple colonis la Mongolie est alors sous domination chinoise Il est toutefois plus pertinent d analyser dans cette perspective les passages dans lesquels il est question des r sistances rencontr es par les Russes au cours de leur entreprise de colonisation de l Asie centrale On remarq
284. ouve rien redire ni ajouter leurs propos 117 entre alors en conflit avec les pratiques habituelles du reporter dont le r le testimonial tend s affirmer dans la n gation d une parole ant rieure sur le sujet trait Myriam Boucharenc crit en effet L esprit d enqu te implique que l on se d tourne de la litt rature en vertu d une catharsis invers e qui confie au r el m me le soin de purger le r cit de voyage de tout pittoresque us Ce mode de connaissance impose l crivain une asc se il doit se d pouiller du costume de l homme de lettres oublier les livres et renoncer tous ses beaux voyages immobiles Le r cit de voyage se distingue galement du reportage par les sujets qu il voque ainsi alors que le reportage a un sujet bien d fini qui lui sert de colonne vert brale et ancre son propos dans l actualit le r cit de voyage s attache plut t l vocation du pittoresque et des l ments pui r 336 stables des r gions qu il d couvre Dans Claudius Bombarnac un certain nombre de remarques sur les m urs les costumes ou des faits de langues font signe vers le r cit de voyage comme Si tu rencontres une vip re et un Mervien commence par tuer le Mervien et d p che ensuite la vip re p 84 or les proverbes sont des l ments qui durent et sont le plus souvent d connect s de l actualit De m me le go t du narrateur pour les vignettes d coratives et d
285. ouvrages g n raux Ruth AMOSSY et Elisheva ROSEN Les Discours du clich Paris ditions CDU et SEDES r unis 1982 Roland BARTHES L effet de r el in Communication 11 1968 pp 84 89 doi 10 3406 comm 1968 1158 http www persee fr web revues home prescript article comm 0588 8018 1968 num 11 1 1158 Pierre Marc de BIASI G n tique des textes Paris CNRS ditions 2011 Pierre BOURDIEU Les R gles de l art Gen se et esth tique du champ litt raire Paris Seuil 1998 156 Michel COLLOMB La Litt rature Art D co Sur le style d poque Paris M ridiens Klincksieck 1987 B atrice DIDIER Le Journal intime Paris PUF 1976 Claude DUCHET et Patrick MAURUS Un cheminenement vagabond Nouveaux entretiens sur la sociocritique Paris Honor Champion 2011 Michel FOUCAULT Dits et crits I 1954 1975 Postface Flaubert G pp 321 354 Paris Gallimard 1994 Hans Robert JAUSS Pour une esth tique de la r ception Paris Gallimard 2002 Sylvie THOREL CAILLETEAU Fictions du savoir et savoirs de la fiction Flaubert Goethe Melville Paris PUF 2011 Jean Marie VIPREY Un de ces syntagmes qui propos de la locution un e de ces qui Corpus En ligne 5 d cembre 2006 mis en ligne le 12 f vrier 2008 Consult le 27 d cembre 2012 URL http corpus revues org index713 html 3 Sur le roman a Ouvrages g n raux Mikha l BAKHTINE Esth tique et th
286. ovinciale du personnage principal est soulign e plusieurs reprises Errare humanum est disent volontiers les coll giens de Bordeaux lorsqu ils musent sur les quais de la Gironde p 10 Claudius Bombarnac de Bordeaux Est ce que l Hudson aurait les m mes propri t s que la Garonne de faire les langues bien pendues p 15 Moi Fran ais et m me Gascon je me contente de boire mon flacon de Kach lie comme nous buvions notre Ch teau Lafitte au temps regrett o le soleil en distillait encore sur les coteaux de Pauillac p 10 De m me son patronyme dont la terminaison en ac est caract ristique du sud ouest et son pr nom h rit du latin font plut t signe vers le sud de la France Pascal Durand dans sa contribution sur le reportage dans La Civilisation du journa crit que beaucoup des reporters sont aussi des provinciaux mont s Paris et il mentionne titre d exemple Pierre Giffard qui vient de Dieppe et Fernand Xau de Nantes l origine provinciale du protagoniste appara t alors comme caract ristique de sa profession et joue donc comme un ancrage r f rentiel Autre caract ristique du parcours de Claudius Bombarnac il poss de une certaine culture et tout laisse penser qu il a re u une ducation assez pouss e jusqu au lyc e au moins ce 287 qui n est pas si courant la fin du XIX si cle Il explique en effet qu il est polyglotte Il va 285 Selon
287. persee fr web revues home prescript article geo_0003 4010 1895 num 4 16 5860 Maurice ZIMMERMANN Le d veloppement des possessions russes en Asie Politique commerciale et grands travaux Annales de G ographie 1897 t 6 n 26 pp 187 189 http www persee fr web revues home prescript article geo 0003 4010 1897 num 6 26 5597 Ouvrages modernes Mohammad Reza DJALILI et Thierry KELLNER G opolitique de la nouvelle Asie Centrale Paris PUF 2001 161 Jacques PIATIGORSKY et Jacques SAPIR dir Le Grand Jeu XIX si cle Les Enjeux g opolitiques de l Asie centrale Paris Autrement 2000 c Sur les explorations et les explorateurs Anne Marie BERNARD et Claude MAL COT introduction choix de photographies et de textes L Odyss e de Paul Nadar au Turkestan 1890 Paris Monun Editions du patrimoine 2007 Numa BROC Dictionnaire illustr des explorateurs fran ais du XIX si cle II Asie Paris ditions du Comit des Travaux historiques et scientifiques 1992 Svetlana GORSHENINA Explorateurs en Asie Centrale Voyageurs et aventuriers de Marco Polo Ella Maillard Gen ve Editions Olizane 2003 Michel JAN Le Voyage en Asie centrale et au Tibet Anthologie des voyageurs occidentaux du Moyen Age la premi re moiti du XX si cle Paris Robert Laffont 1992 9 Sur le contexte historique a Histoire politique Serge BERNSTEIN Michel WINOCK dir L Invention d
288. pl tement oppos es Cette h sitation du lecteur sur le discours politique propos par les romans de cet crivain est li e aux variations id ologiques de l uvre et de son auteur dont le positionnement politique est assez complexe De plus l extraordinaire ma trise qu avait Jules Verne des possibilit s polyphoniques de son genre de pr dilection lui a permis de repr senter au sein d un m me texte des postures politiques diverses Il fait ainsi entendre des voix et des discours tr s vari s on pourrait par exemple montrer que le couple Caterna permet l insertion d une parole populaire sur le plan formel et d mocratique sur le plan politique au sein d un roman qui n adh re pas exactement ces options 278 Jean CHESNEAUX souligne qu il est habituel que les textes de Jules Verne valorisent la bourgeoisie au d triment de l aristocratie Son aversion bien bourgeoise conduit Jules Verne peindre de mani re caricaturale Lord Gladover Les Cinq Cent Millions de la B gum Sir Edward Turner C sar Cascadel Sir Francis Trevellyan Claudius Bombarnac et le lieutenant Franz von Grawert Le Chemin de France in Jules Verne Un regard sur le monde op cit p 78 279 En t moigne le titre de cet article de Jean CHESNEAUX Jules Verne tait il de gauche tait il de droite in Europe n 909 910 janvier f vrier 2005 94 id ologiques justement parce qu il s agit d une uvre litt raire o la pens e s
289. politique les Allemands d noncent le trait de contre assurance avec la Russie ce qui ouvre la voie au rapprochement franco russe Un fait culturel participe aussi l accroissement des chiffres la suite des expositions universelles de Paris o en 1867 1878 1889 et 1900 les pavillons russes ont pr par le terrain en s duisant un vaste public avec les beaut s de l artisanat centre asiatiques des expositions internationales s ouvrent Tashkent en 1890 et 1896 Les classes ais es se laissent s duire par le ph nom ne touristique juste le temps que dure une mode pendant la courte p riode entre 1887 et 1893 le Turkhestan voit venir en nombre des voyageurs issus de la noblesse seize en 7 ans sur les dix neufs attest s en 80 ans dont un prince un marquis deux barons sept comtes deux vicomtes Le Turkestan fait m me partie de l itin raire de voyages autour du monde comme celui d un journaliste du Temps Marcel Monnier 1894 1898 Le roman donne galement voir les conditions de possibilit s d un voyage en train en Asie centrale la fin du XIX si cle travers le personnage de Kinko qui voyage clandestinement faute de pouvoir s acquitter du prix du billet Cela co te mille francs de Tiflis P kin p 113 le narrateur et derri re lui l auteur rappelle le caract re litiste des grands voyages m me si les trains proposent plusieurs classes Par ailleurs les sc nes de douane qui sont des topo
290. portage et l horizon d attente du lecteur qui entend certes s instruire mais galement se divertir par cette lecture Mais la g n ralisation op r e par la formule qui inscrit tout le reportage et pas seulement les crits du narrateur en tant que reporter du c t de l imagination pousse le lecteur s interroger Claudius Bombarnac n est il pas finalement le repr sentant d une profession assez peu sympathique On a parfois l impression que le reporter a quelque chose du charognard la comparaison du journaliste avec le m decin est en effet ambigu puisque dans une certaine optique et en poussant un peu loin le raisonnement ces corps de m tier ne tirent finalement leur subsistance que du malheur d autrui D ailleurs au chapitre XXV quand les choses tournent mal le narrateur se f licite surtout d avoir quelque chose raconter Et moi qui demandais des l ments de chronique qui craignais les ennuis d un voyage monotone et bourgeois de six mille kilom tres au cours duquel je n aurai rencontr ni une impression ni une motion susceptible de rev tir la forme typographique De m me le narrateur appara t comme un professionnel int ress qui ne regarde le monde qu autant qu il peut lui fournir de quoi r diger son reportage et donc de l argent et de la gloire on lit des formules comme Je suis de ceux qui pensent qu ici bas tout est mati re chroniques que la terre la lune le ciel l univers ne sont faits
291. posent au mod le russe tr s valoris De Paris Samarkand le Ferghanah le Kouldja et la Sib rie occidentale impressions de voyage d une Parisienne le r cit de voyage de Marie de Ujfalvy Bourdon publi en volume chez Hachette en 1880 et pr publi pour partie dans Le Tour du Monde de l ann e pr c dente est mentionn cinq fois dans le roman pages 101 104 105 118 et 124 et constitue apparemment une autre source du roman Son influence sur Claudius Bombarnac semble toutefois plus limit e que celle du Voyage Merv d Edgar Boulangier c est en effet un voyage dans l Asie centrale intemporelle que 59 Idem p 76 60 L auteur cite en note le r cit d un tel spectacle tir d Un touriste au Caucase de Koechlin Schwartz 61 Idem p 4 ces excellents Prussiens sangl s dans leur uniformes se disent les meilleurs gens du monde et les plus pacifiques mais quelles mines r barbatives Les sauvages Turkhm nes qui nous allons faire ne visite ne paraissent pas si croquemitaines 62 Idem p 174 Les Anglais ne feront ils donc rien pour donner pacifiquement la main aux Russes Dieu sait pourtant que si ces derniers nourrissent les noirs desseins qu on leur pr te et s ils se soucient de s engager dans une grosse aventure en Asie L inde leur importe peu par elle m me ils ne s en empareront que contraints et forc s 63 Le r cit porte alors le titre de D Orenbourg Samarkande le Ferghanah le Kouldja et la
292. pourrait ne pas convenir notre public Mais vraiment cette plaisanterie sur les zenbukis venait tr s naturellement quoiqu un peu grasse et je ne sais s il n y avait pas lieu de la regretter Peut tre pourrait on l adoucir Revoyez la et n oubliez pas que ce Bombarnac n est point destin au Magasin d ducation dans lequel cette plaisanterie serait d plac e j en conviens Mais peut tre pourrait elle passer dans le volume Vous me r pondrez ce sujet et vous bien cordialement Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 169 170 140 Idem p 185 186 141 Idem p 187 142 Page 96 41 Oui me r pond il il y en a partout o se rencontrent des femmes aimables pour les confectionner L dessus Pan Chao d ajouter en riant C est encore Paris qu on les fabrique le mieux gt Mais le volume de 1892 ainsi que celui de 1911 supprime la r plique explicite de M Caterna Oui me r pond il il y en a partout o se rencontrent des femmes aimables pour les confectionner sans toucher au reste du passage qui en devient un peu plus obscur et comme tel plus acceptable Mais part cette diff rence les autres variations entre les deux textes sont mineures et peu significatives Elles sont surtout d ordre typographique dans Le Soleil le texte des deux premiers t l grammes de la r daction du XX Si cle sont en caract res romains
293. pratique culturelle des plus caract ristiques du XIX si cle mais galement sur le plan stylistique On peut ainsi s attacher la tournure g n ralisante un de ces qui propos de laquelle Jean Marie Viprey rappelle La locution un e de ces qui d j tudi e comme styl me dix neuvi miste Bordas vecteur d exophore m morielle Fraser amp Joly est red finie comme support d un d crochage discursif dans le cadre de la polyphonie du r cit Bakhtine Or cette expression caract ristique du style des crivains fran ais du XIX si cle l tude de Jean Maris Viprey souligne en particulier l importance de ce styl me chez Balzac et chez Maupassant que Jules Verne appr ciait beaucoup appara t 208 Ibid p 97 209 Jean Marie VIPREY Un de ces syntagmes qui propos de la locution un e de ces qui Corpus En ligne 5 d cembre 2006 mis en ligne le 12 f vrier 2008 210 Il le d clare dans l entretien avec Robert Sherardt Jules Verne at home His own account of his life and work d j cit in Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 op cit p 92 64 de nombreuses reprises dans le roman un de ces divertissements qui charmaient le touriste p 16 un de ces Yankees dont on a pu dire quand ils tiennent un dollar entre les dents il est impossible de le leur arracher p 17 un de ces industriels de grande route p 72 un
294. probl matique En ce sens l insistance sur le caract re d sertique des r gions travers es et la comparaison entre l oasis d Atek et une de celles du Sahara n est pas anodine Cette oasis justifie son nom et ne d parerait pas le Sahara p 69 Jules Verne donne galement voir les modalit s des conqu tes russes en Asie centrale il mentionne des dates par exemple les territoires du Ferganah nom de l ancien khanat de Kokhan qui fut annex la Russie en 1876 p 124 en s attachant en montrer une image positive de mani re contester en parall le le mod le anglais pr sent comme plus brutal C est une nouvelle re qui s ouvre pour ces populations et en cela il faut convenir que l uvre des Russes m rite l approbation de toutes les nations civilis es Ne sont elles pas justifi es ces belles paroles prononc es par Skobeleff apr s la prise de Gh ok Tep lorsque les vaincus pouvaient craindre les repr sailles des vainqueurs Dans la politique de l Asie centrale nous ne connaissons pas de parias Et cette politique dit en finissant le major fait notre sup riorit sur l Angleterre p 98 Il en souligne galement plusieurs reprises le caract re b n fique il est ainsi question de la marche civilisatrice p 39 des Russes Jules Verne insiste plusieurs reprises sur les efforts d am nagement du territoire en particulier la construction du train de d veloppement
295. ps si ce roman pla t aux lecteurs du Soleil si vous pouvez le savoir La coupe par feuilleton n est pas toujours heureuse pour ce genre de roman En ce qui concerne la division de Claudius Bombarnac la coupe tombe parfois tr s bien par exemple le 11 octobre o elle co ncide avec la fin du premier chapitre ce qui cr e un l ger effet d attente Le train s branle en ce moment les roues de la locomotive patinent sur le rail puis la vitesse s acc l re Nous sommes partis De m me la livraison du 14 novembre se termine sur un fort effet de suspense puisqu elle s ach ve sur le t l gramme du XX Si cle qui annonce que le wagon myst rieux du train ne contient pas le corps d un mandarin mais un tr sor D autres fois la coupe est moins heureuse parce qu elle ne cr e pas d effet d attente et n incite pas lire la suite du roman comme celle du 14 octobre qui se termine par Il est d j deux heures et je songe me diriger vers l embarcad re Il me faut repasser par la gare o j ai laiss mon l ger bagage en consigne Une coupe celle du 17 octobre semble m me avoir entra n un l ger remaniement du texte Mais en g n ral le d coupage respecte le texte du roman et la fin d une livraison co ncide souvent avec la fin d un chapitre le 11 octobre et le chapitre I le 14 octobre et le chapitre III le 16 octobre et le chapitre IV le 18 octobre et le chapitre V le 23 octobre et le chapitre VII l
296. qu pour une approche comparatiste qui tend ramener l Autre au m me 1 vocation du voyage Le voyage joue un r le essentiel dans Claudius Bombarnac dans la mesure o la diff rence de nombre de romans de Jules Verne il constitue un but en soi le voyage de Claudius Bombarnac n est en effet motiv ni par un but atteindre comme celui des enfants du Capitaine Grant ou de Michel Strogoff dans les romans ponymes ni par une fuite devant un danger comme celle de Kin Fo dans Les Tribulations d un Chinois en Chine ni par une mission comme l errance de Nemo dans Vingt mille lieues sous les mers mais plus prosa quement par les n cessit s de sa profession de reporter envoy par son journal essayer le tout nouveau train transasiatique Le voyage se trouve donc au premier plan du r cit dont il est en quelque sorte la colonne vert brale d autant que le narrateur charg de raconter ce qu il voit pour le plus grand profit des lecteurs de son journal peine donner du relief son p riple Claudius Bombarnac cherche alors d sesp r ment un h ros 171 Jean Yves TADI Le Roman d aventures Paris PUF 1982 p 73 et suivantes propose d ailleurs un tableau r capitulatif class par continent et pays des r gions parcourues par les personnages de Jules Verne 172 Tous ces l ments qui constituent le programme la fois du personnage et du roman apparaissent d s l incipit 50 pour dynami
297. r Nolitz d clare Parce que le vieux Merv est trente kilom tres du nouveau et c est peine si vous l entreverrez en passant Donc reportez vous aux descriptions si exactes qu en a faites votre grand g ographe Elis e Reclus et le narrateur d ajouter Les lecteurs ne perdront pas au change Cette remarque qui fonctionne comme les allusions aux travaux d Edgar Boulangier sert la fois de caution scientifique au roman et semble ouvrir un horizon bibliographique au lecteur d sireux d en savoir plus Il est galement possible que ce namedropping pour employer un terme tout fait anachronique permette au lecteur de se familiariser avec les noms des grands esprits de son temps et lui donne un vernis de culture Ce nom laisse aussi penser que Jules Verne a d se servir de la Nouvelle G ographie universelle d Elis e Reclus et en particulier des tomes 6 L Asie russe et 7 L Asie Orientale pour r diger son roman c est d autant plus probable que le romancier a d clar dans un entretien J ai toutes les uvres de Reclus j ai une grande admiration pour Elis e Reclus Il est difficile de cerner la dette exacte de Jules Verne envers les travaux d Elis e Reclus mais dans la mesure o ses travaux abordent non seulement la g ographie physique mais aussi humaine d mographie m urs politique et o il consacre plusieurs pages parfois accompagn s d illustrations et de cartes la plup
298. r des romans Le choix de la premi re personne du singulier qui n est pas si fr quente dans son uvre n est certainement pas anodine si elle est rendue n cessaire par le genre attribu au texte elle permet galement une lecture m tapo tique du texte lequel peut tre analys comme un d voilement de la fabrique du roman par Jules Verne D ailleurs le narrateur semble confirmer lui m me l id e que l crivain se trahit toujours dans son uvre Si on lit cette d claration au second degr elle peut appara tre comme un indice discret de ce que le texte a de r v lateur sur son v ritable auteur Plus en effet que la proximit entre les personnalit s de Jules Verne et de Claudius Bombarnac c est celle de leurs m thodes de travail qui frappe les deux accumulent un monceau de connaissances diverses avant de se lancer dans la production d un r cit qu ils veulent palpitant et dans lequel ils t chent d int grer leurs savoirs de mani re en faire profiter leurs lecteurs On aurait alors affaire une mise en abyme du travail de l crivain lequel se repr senterait apr s une longue carri re avec une certaine dose d humour et d auto d rision sous les traits d un reporter un peu menteur et assez passif qui arrivent des aventures C est d ailleurs la th se de Daniel Comp re qui qualifie le roman de parodique et crit ailleurs Le reporter se transforme en romancier Bombarnac devient Verne 38
299. racialisant par le biais de personnages qui fonctionnent comme des types Stylistiquement ces types apparaissent dans le texte sous la forme de clich s tropes le plus souvent d pr ciatifs relevant la fois de la rh torique et de l id ologie ancr s dans une soci t donn e ils participent donc d une part l illusion r aliste du roman dans le clich le lecteur reconna t du connu au moins lors de la r ception du texte au moment de sa premi re parution et d autre part de la polyphonie romanesque Unit lexicalement remplie et fig e figure us e qui est toujours ressentie comme un emprunt le clich donne voir le discours de l Autre une parole diffuse et anonyme qui est le bien de tous et porte la marque du social Les clich s qui circulent dans un espace culturel d termin ne parlent pas simplement la banalit ils disent une banalit toute particuli re celle qui sous tend les modes de pens e et d action de la communaut dans laquelle elle a cours Les m taphores qui prennent et se r percutent de texte en texte ne sont pas r ussies en vertu de crit res purement esth tiques Si elles parviennent s imposer et devenir monnaie courante c est parce qu elles disent leur mani re les valeurs du contexte socio culturel au sein duquel elles s inscrivent Certaines portent la marque d une br lante actualit d autres r sorbent dans la g n ralit une vision du monde globale Les unes et le
300. ratique d int gration sociale des juifs et de normalisation de leur condition rapproche en effet la Russie de la France r volutionnaire qui a men ce type de politique d int gration civique en 1791 Cette analogie entre deux pays qui est lourdement soulign e au fil du texte est sans doute une des causes de cette insistance sur les figures de juifs 43 Signalons toutefois que pour essentialiste voire raciste qu elle soit la vision du monde de Jules Verne n est ni fixiste ni enti rement d pr ciative l gard des trangers En effet 1l articule la question des races et celle du progr s gr ce la th matique de la colonisation russe en Asie centrale qui est clairement valoris e et pr sent e comme humaniste notamment lorsqu elle abolit l esclavage question laquelle Jules Verne tait tr s sensible Il va sans dire qu il n y a plus d esclaves en ce pays situation qui est ensuite reprise par l anaphore r somptive progr s p 118 Elle est galement lou e lorsqu elle am liore le sort des juifs ou fait preuve de cl mence l gard des populations vaincues et conquises La perspective glisse du biologique au social et laisse envisager une volution Pareillement plusieurs personnages illustrent l chelle individuelle cette dynamique Faruskiar Pan Chao et dans une moindre mesure son acolyte Tio King tout comme le major Noltitz sont r guli rement associ s la France dont ils parlent la langue
301. re tout cela est un peu inqui tant Enfin faites pour le se 92 mieux Je m en rapporte vous car je sais que vous ferez pour le mieux propos de Bombarnac Je pense qu il vaut mieux le publier comme vous dites une poque favorable Je ne puis donc que vous r p ter faites pour le mieux 90 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 tablie par Olivier DUMAS Volker DEHS et Piero GONDOLO DELLA RIVA Tome I 1886 1896 op cit 91 Les interventions des diteurs successifs dans les uvres de Jules Verne sont mises en exergue par tous les critiques de l uvre du romancier dans le cas du roman Claudius Bombarnac on peut citer un passage d une lettre du 22 janvier 1892 de l crivain son diteur J ai donc tenu compte de non seulement de vos observations au crayon rouge mais de bien d autres fautes et d une autre qui date du 12 mai 1892 J ai accept la plus grande partie des corrections indiqu es publi es in Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit respectivement pages 161 et 1691 92 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 165 la lettre date du 1e mars 1892 25 Je suis enchant de votre combinaison et tr s satisfait d avoir un roman au Soleil dont j appr cie la AE Ne 94 nombreuse client le
302. re confiance ce que disent les journaux dans une sorte de double jeu entre le narrateur qui d fend sa corporation tout en amp r 321 mettant en sc ne la d fiance de ses lecteurs et l auteur qui donne voir certaines facilit s du reportage qui se contente parfois d informations de seconde main voire invente comme en t moigne l affaire Faruskiar Pourtant le roman montre le pouvoir des journaux qui sont m me d exercer un certaine influence sur leurs lecteurs condition que ces derniers les croient Le journal se fait en effet volontiers redresseur de tort ou thurif raire ainsi que le souligne le narrateur D cid ment c est un homme ce seigneur Faruskiar c est notre vrai chef c est le personnage que je r clamais et je crierai son nom l univers entier et je ferai sonner en son honneur toutes les trompettes de la chronique p 171 on peut ici noter que la reprise de l image des trompettes assimile indirectement la chronique la Renomm e dont elle semble prendre le relais l ge m diatique Outre l influence de la presse sur son public le roman s attache montrer des journaux jouant le r le de quatri me pouvoir c est dire en position de faire contre poids au pouvoir politique Cette logique est l uvre dans la fin du roman lorsque la justice chinoise juge Kinko pour avoir voyag en fraude dans le Transasiatique tandis que ses amis tentent de le faire disculper au nom de son h
303. re d culott e r pondit A K Et sur le ton de la plaisanterie fond e sur la connivence il faut savoir que Sarcey tait tr s myope ce bon mot rapport ou invent par Aur lien Scholl dans L esprit du boulevard La farce politique Paris Victor Havard 1887 p 255 Sarcey lisait une tude sur les araign es Il y tait dit que l araign e n a pas moins de huit yeux Sapristi s cria Sarcey cela doit tre bien co teux pour celles qui sont myopes 345 Idem p 51 La nouvelle la main raconte g n ralement une rencontre sur le boulevard ou dans les caf s une petite sc ne de sociabilit parsem e de noms propres et de personnalit s rythm e par un petit dialogue et close par un bon mot Le journal fourmille de ces voix d rob es l oral ces conversations en apparence mim tiques mais de fait pur es refond es par la machine journalistique 346 On pourrait aussi citer l pisode des baisers de dames p 89 347 Michel COLLOMB dans La Litt rature art d co op cit en signale trois grands crit res internes le reportage est un texte r f rentiel qui parle du r el qu il d crit plus qu il ne le commente conatif dans lequel l nonciation est mise en valeur de m me que la relation de confiance entre l auteur et le lecteur dans lequel l information est rendue ins parable du r cit qui l a rendu possible p 73 121 narrateur reporter en crois de la v ri
304. re plus ou moins explicite des types la fois nationaux et socioprofessionnels le lecteur a tendance consid rer galement le personnage de Claudius Bombarnac comme un type celui du reporter fran ais ce quoi l incite d ailleurs le sous titre du roman Carnet d un reporter L article ind fini un peut en effet tre compris au sens d un quelconque l article marquant alors l extraction d un exemple parmi d autres d une cat gorie homog ne ici celle des reporters dont Claudius Bombarnac serait un chantillon repr sentatif et non un cas exceptionnel De plus ce proc d de typification contribue l illusion de v rit le narrateur appara t en effet comme une figure vraisemblable car conforme au type du reporter Rappelons rapidement que le terme reporter emprunt l anglais qui l utilise depuis la fin du XVII si cle pour parler de la presse est utilis pour la premi re fois en fran ais par Stendhal qui voque des reporters de journaux anglais dans Promenades dans Rome en 1829 Toutefois ce n est que dans la deuxi me moiti du XIX si cle qu il se vulgarise en m me temps que se d veloppe le genre du reportage dans les journaux fran ais Le roman ne se propose pas de rendre compte de l int gralit de la vie ou du parcours professionnel du reporter il pr sente toutefois quelques l ments significatifs qui permettent de caract riser sociologiquement la profession L origine pr
305. re transasiatique produits par des Europ ens et tous de haute importance strat gique car ils concernent la canalisation des influences et de l expansion en direction de l Orient Certains de ceux qu elle r sume ont effectivement pour destination ultime la Chine en particulier le projet de Ferdinand de Richthofen pr sident de la Soci t berlinoise de g ographie et celui bas sur les id e du colonel russe Bogdanovitch qui devait arriver jusqu P kin Mais au moment o le roman est r dig le vrai train transasiatique c est le Transib rien dont il est d ailleurs question dans le roman aux chapitres V ce sera le Grand Transsib rien qui de l Oural Vladivostok comptera six mille cinq cents kilom tres et XI Avec son Grand Transasiatique Jules Verne semble donc cr er mais pas de toutes pi ces un train qui non seulement n existe pas mais ne correspond aucun projet cette d marche d anticipation pure peut tre lue comme une d claration d ind pendance du romancier l gard du r el assez inattendue chez un auteur aussi attach au savoir positif Pour autant le texte reste dans les limites du vraisemblable tel point que le lecteur contemporain peut se laisser prendre et croire l existence du Transasiatique d autant que ce roman est terriblement inscrit dans son poque d un point de vue id ologique on reviendra sur ce point de par son mode de publication le roman feuilleton est une
306. res et rythmiques le deuxi me paragraphe est ainsi satur d assonances en an et en ou tandis que le troisi me joue plut t sur des harmonies en i et plusieurs allit rations comme celle en r particuli rement d velopp e qui termine le paragraphe qui cr pitent comme la gr le sur les carreaux de vitre Ces effets de r p titions tissent un contenu informatif pr cis en une d ploration assez ironique qui permet au narrateur de placer de mani re assez artificielle toutes les connaissances qu il a acquises Les effets de reprises sonores dynamisent l num ration qui semble mimer la h te du narrateur et entra nent le lecteur dans une r alit exotique et envo tante travers e avec une rapidit typique de la modernit telle qu on la con oit alors Comme l crit Jean Yves Tadi la connaissance n est pas le but de la fiction elle en est un moyen 1 et cela tant sur le plan po tique que th matique b Mobilis in immobile Si le principal d placement voqu dans le roman est de nature spatiale un voyage de Tiflis P kin le d paysement proc de galement d un d placement dans le temps gr ce la profondeur historique qui est donn e au roman L impression d tranget na t galement d une certaine sensation de r p tition qui s explique pour partie par le filtre de la subjectivit du narrateur Du fait de sa relative bri vet Claudius Bombarnac semble au premier abord do
307. rillet La Vie mode d emploi de Georges Perec La Belle Hortense de Jacques Roubaud etc in Daniel COMP RE Jules Verne crivain op cit p 8 13 Claude Duchet propose une d finition du cotexte Le cotexte c est ce qui travaille en m me temps ce qui est crit en m me temps ce qui volue en m me temps et ce qui est lu en m me temps Ce cotexte est indissociable du texte puisque manifest dans la m me phrase qui s crit La phrase s crit la fois textuellement et cotextuellement c est dire en provoquant une s rie de trajets de sens avec le narrateur l cole etc Le texte se nourrit de ses r f rences Quelle que soit la question qui vous happe vous tes toujours renvoy d un ici un ailleurs vous tes en situation d interroger l ici du texte en fonction d un ailleurs Ce sera le propre de chaque crivain de jouer de l opacit de jouer de la transparence Le cotexte est ce qui dans le texte ouvre un en dehors du texte sur un ailleurs du texte sur un domaine de r f rences avec lequel le texte travaille Il distingue le cotexte du contexte d finit comme la portion de l univers avec lequel le texte travaille Parler du contexte d une uvre c est toujours partir d une uvre et de ce qui peut dialoguer du monde avec l uvre Le lien est toujours probl matique L espace contextuel est un espace dans lequel est inscrite la pr sence de l uvre ir Claude DUCHET et Patrick MAURUS
308. rl http www persee fr web revues home prescript article reso_0751 7971 1993 num 11 58 2304 6 Sur les arts du spectacles Patrick BERTHIER Le Th tre au XIX si cle Paris PUF Que sais je 1986 Lo c P GUYON et Sylvie REQUEMORA GROS dir Voyage et th tre Paris PUPS 2011 Anne MARTIN FUGIER Com dienne De Mlle Mars Sarah Bernardt Paris Le Seuil 2001 Agathe NOVAK LECHEVALIER La Th tralit dans le roman Stendhal Balzac th se de doctorat en litt rature fran aise Universit Paris III Sorbonne nouvelle sous la direction de M Dominique Combe soutenue le 7 d cembre 2007 Jean Claude YON dir Le Th tre fran ais l tranger au XIX si cle Histoire d une supr matie culturelle Paris Nouveau Monde ditions 2008 7 Sur le voyage a Sur le r cit de voyage et le rapport l autre perspective litt raire Jean No l JEANNENEY dir Une id e fausse est un fait vrai Les st r otypes nationaux en Europe Paris ditions Odile Jacob 2000 Frank LESTRINGANT et Sarga MOUSSA Homo viator le Voyage de la vie XV XX si cle La Revue des Sciences humaines n 245 Lille Presses de Lille III janvier mars 1997 Sophie LINON CHIPON V ronique MAGRI MOURGUES et Sarga MOUSSA dir Miroirs de textes r cits de voyage et intertextualit Nice Publications de la Facult des lettres arts et sciences humaines de Nice 1998 Denys LOMBARD dir avec
309. rne comme le porte parole des opprim s de la 227 Terre 224 Voir infra 225 Matthieu LETOURNEUX dans Le Roman d aventures 1870 1930 Limoges PULIM 2010 p 221 La relation au monde qu instaure le roman d aventures est moins li e la retranscription du r el qu une s rie de pierres de touches topo qui sont moins des lieux communs que des passages oblig s par rapport auxquels le r cit se constitue et le lecteur se rep re 226 Matthieu LETOURNEUX souligne en effet la tendance de la litt rature s rielle g n rer sa propre parodie dans une logique intertextuelle 227 Marcel MOR dans Le Tr s Curieux Jules Verne d fend la th se d un Jules Verne r volutionnaire souterrain ce que r fute Jean CHESNEAUX dans Jules Verne Un regard sur le monde Nouvelles lectures politiques Paris Bayard 2001 71 De fait Jules Verne est un homme de son temps on a donc toute l gitimit pour lire ses romans comme un t moignage politique sur leur poque C est pourquoi il n y a rien d tonnant retrouver dans ses romans les savoirs ou les opinions tels qu ils se pr sentent en son temps si le lecteur moderne est parfois choqu par certains propos c est qu on est revenu sur la vision essentialiste du monde qui tait dominante au XIX si cle Aussi paradoxal que cela puisse para tre aujourd hui il faut penser que racisme et didactisme n avaient rien de contradictoire puisque la notion
310. rograde vers la fin du journal et la publicit Le Soleil publie en effet plusieurs feuilletons la fois Claudius Bombarnac prend la suite de La Femme en blanc de W Wilkie Collins et voisine avec Flot et jusant de Pierre Madi auquel succ de Julia de Tr c ur d Octave Feuillet pour d cembre est annonc La Roche Morgat de Charles M rouvel D autres rubriques peuvent galement occuper l espace du rez de chauss e en particulier des chroniques th trales des causeries litt raires 77 ou des chroniques du jeudi portant sur des th mes vari s Il semble d ailleurs qu il y ait une sorte de concurrence pour l occupation de l espace journalistique ce qui peut expliquer que certains jours un des feuilletons en cours soit absent Le Soleil compte quatre grandes pages dont la derni re est en grande partie occup e par des publicit s commerciales De ce fait si la publication de Claudius Bombarnac a lieu entre le 10 octobre et le 7 d cembre un rythme globalement r gulier il y a quelques interruptions Ainsi le feuilleton de Jules Verne est absent le 6 novembre et le 9 novembre l attentat anarchiste de la rue des Bons Enfants occupant toute la premi re page le reste de l actualit a t d cal en pages 2 et 3 la page 4 tant r serv e la publicit il n y avait plus de place que pour un seul feuilleton Flot et Jusant en bas de la page 3 Le 23 novembre Claudius Bombarnac para t mais en tant que feuillet
311. rrateur Mais outre ces erreurs on ne peut manquer de remarquer qu en tant que reporter Claudius Bombarnac n est pas des plus fiables alors qu il promet de s en tenir la v rit vraie et semble faire de son t moignage un gage de v rit il appara t rapidement qu il n a aucun scrupule d crire des endroits qu il n a pas vus On lit ainsi apr s une longue description au discours direct attribu e au major Nolitz que la narrateur a l intention de se l approprier J ai mis profit la complaisance du major Noltitz et gr ce lui les lecteurs du XX Si cle ne passeront point pendant la nuit Kokhan Je laisserai ma plume inonder de rayons solaires cette cit dont je ne dois entrevoir que la vague silhouette p 122 De fait on peut dire que ce passage peut s apparenter une interview du major Nolitz au sujet d une cit qu il conna t bien toutefois il y a tromperie puisque le narrateur dit clairement qu il va faire 102 comme s il avait visit lui m me Kokhan D ailleurs le d but du roman inscrivait le reportage sous les auspices de la fiction en convoquant le mod le de Dumas dont le narrateur crit Je me rappelle ce qu en a dit notre grand Dumas dont les p r grinations n ont jamais t vides d incidents il les inventait au besoin ce pr curseur g nial du reportage toute vapeur p 9 Ce passage donne d ailleurs voir clairement la tension entre l objectif de v rit du re
312. rreur est li e des questions pratiques de composition le est tr s rare dans la langue fran aise mais tr s fr quent en allemand et l imprimeur qui composait Le Soleil ne disposait peut tre pas de ce caract re De m me les noms de Shamy p 99 et de Shopenhauer p 76 sont orthographi s de mani re fautive dans Le Soleil la pi ce de Meurice comme le philosophe allemand n taient visiblement pas connus des compositeurs et des 143 Ils figurent pages 2 et 147 toutefois le troisi me t l gramme qui appara t la derni re page est en italique Cette l g re diff rence a toutefois pour effet d att nuer le caract re polyphonique du roman 144 Pages 20 et 99 on lit dix huiti me si cle dans Le Soleil et XVIII si cle dans le volume n anmoins il s agit l seulement d une tendance puisque page 99 le journal crit XII si cle 145 Dans Michel Strogoff c est galement l orthographe czar qui est adopt e sa reprise dans Claudius Bombarnac est donc assez coh rente notamment dans une perspective s rielle 146 M me si en th orie les noms propres n ont pas d orthographe les modifications des noms peuvent brouiller leur caract re r f rentiel ou font perdre des nuances s mantiques 42 correcteurs du feuilleton les volumes corrigent videmment en Schamyl et Schopenhauer On note aussi quelques diff rences dans le d coupage des paragraphes
313. s ce dont t moignent ses lamentations assez grotesques Je n en suis pas moins profond ment humili dans mon amour propre de chroniqueur et tr s chagrin du rappel l ordre que cet impair m a valu Toutefois je me garde bien de souffler mot de ma m saventure m me au major Est ce croyable Paris le XX Si cle est mieux inform que je ne le suis sur le Grand Transasiatique de ce qui concerne ce railway Il sait que c est un tr sor imp rial que nous tra nons la queue de notre train et je l ignorais O d ceptions du reportage p 148 De m me ses h sitations propos de Faruskiar sont peu professionnelles D abord il le prend pour un malfaiteur puis pour un administrateur de la Compagnie du Grand Transasiatique qui les sauve d une attaque de bandits raison pour laquelle il en fait un h ros dans le t l gramme du chapitre XXII avant de d couvrir que c est un voleur de grand chemin qui cherche d tourner le tr sor que transporte le train Et suite cette affaire il fait preuve de mauvaise foi lorsqu il re oit un t l gramme de sa r daction f licitant Faruskiar pour son h ro sme en r ponse au t l gramme du chapitre XXII mais avec norm ment de retard Mais j ai toujours soutenu que cette d p che n tait pas parvenue son destinataire ce qui lui a pargn le d sagr ment d y r pondre cette phrase la derni re du roman laisse le lecteur assez sceptique quant au s rieux du na
314. s es le caract re des r flexions l encha nement des faits ont une rapidit gale celle du train On roule dans sa t te comme on roule dans son wagon Cette formule l encha nement des faits qui se rattache l encha nement des mots nous incline voir dans le train une m taphore du roman Examinons les dangers qui menacent son cheminement d abord des bandits enl vent des rails pour arr ter le train puis d autres l aiguillent vers une voie inachev e Interruption et digression qui troublent la ligne de chemin de fer sont aussi les dangers que court le romancier lorsque sa main trace les lignes de l criture Ces lignes qui traversent le paysage de la page font avancer de conserve le train et le roman sur la m me voie Le terminus de l un constitue le d nouement de l autre Le voyage auquel Bombarnac nous convie est un voyage au long du texte nous voyons le roman en frain de s crire Et ce faisant le roman transforme le r el Verne Saverna en imagin Bombarnac Caterna 30 Le choix d une narration la premi re personne du singulier et au pr sent dans le cadre d un roman relativement court contribue la l g ret du texte dont les passages didactiques et r f rentiels sont ainsi pris en charge par une conscience ce qui contribue les dynamiser Toutefois ces choix nonciatifs et narratifs ne clarifient pas l ancrage g n rique du texte en ajoutant la possibilit d une
315. s pourrait on dire qu il restait dans son probl me une seule inconnue d gager Ce passage est cit par Serge Lehman dans sa pr face l anthologie de romans d anticipation scientifique Chasseurs de chim res Paris Omnibus 2006 p IX 217 Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 180 218 Voir infra U 3 c 66 Si forte que soit la pr gnance du pr sent comme enjeu politique l horizon des Voyages s ouvre largement sur un futur dont les traits sont non moins politiques Bien souvent les anticipations verniennes proposent des fables de politique fiction plut t que de science fiction tiquette bien r ductrice Claudius Bombarnac qui appara t au premier abord comme un roman de voyage attribu un narrateur homodi g tique se r v le un peu plus complexe que ce programme original en effet le mouvement dans l espace se double d un d placement dans le temps Le pass de la r gion travers e et de ses populations est en effet tr s pr sent dans le roman gr ce de nombreuses allusions qui contribuent l ancrage r f rentiel du texte Le prisme de la perception d un narrateur personnel permet galement de faire passer quelques remarques subjectives et assum es comme telles sur un pass dont le pittoresque se meurt sous les coups d une modernit offensive et pour laquelle prime l utilit Quant au pr sent qui est mis en sc ne d
316. s 29 et 56 h ros Claudius Bombarnac en cherche un aux pages 51 56 64 400 Verne n a jamais crit de reportage on peut penser il conna t donc bien mieux les m thodes de travail du romancier que celle du reporter m me si en grand lecteur de la presse il tait au courant des pratiques des reporters d autant qu il fr quentait Pierre Giffard 401 Matthieu Letourneux fait une large place ce trait des romans d aventures dans Le Roman d aventures op cit 136 von Weissschitzerd rfer c est une caricature qui prend sens dans un contexte historique de germanophobie mais aussi un double parodique de Phil as Fogg Enfin reportage comme r cit de voyage ou roman voire th tre par le biais de la rubrique journalistique du feuilleton th tral 0 renvoient tous la civilisation du journal Ce support commun de la presse au sens large incluant la fois les quotidiens mais aussi les revues et donc faisant place des th mes aussi vari s que la fiction la science et sa vulgarisation la caricature l histoire se caract rise par son accroche au monde contemporain ainsi que par la perm abilit des formes qui y sont repr sent es Au sein du journal se c toient en effet des genres tr s divers avec des po tiques particuli res qui constituent mat riellement un tout Le roman de Jules Verne semble montrer que l horizon d attente du lecteur de la fin du XIX si cle renvoie finalement au tout
317. s autres n en ressortent pas moins du syst me de valeurs de la soci t qui les fait circuler La chose est connue elle est toutefois importante rappeler dans la mesure o cette socialit du clich conditionne son exploitation dans les discours litt raires et autres Minard 1999 souligne d ailleurs que c est l il et plus pr cis ment l acuit du regard qui fait le savant a contrario ne pourrait on pas consid rer que les allusions la myopie de certains personnages du roman Horatia Bluett a les yeux tr s bleus d une myope le baron Weissschnitzed rfer est myope comme une taupe sont des allusions leur caract re obsessionnel ils sont physiquement incapables de voir plus loin que le bout de leur nez 242 Ruth AMOSSY et Elisheva ROSEN Les Discours du clich Paris ditions CDU et SEDES r unis 1982 p 9 soulignent que pour que l expression fig e ait valeur de clich il importe n anmoins qu elle constitue l origine une figure de style et proposent de d finir le clich comme une figure de style us e p 10 qui s est galvaud e et appartient d sormais au discours commun 243 Ibid p 49 tout nonc romanesque est per u comme vraisemblable s il se conforme un savoir pr tabli que G Genette d signe comme le discours g n ral et diffus de l opinion publique le clich constitue ainsi l articulation du discours romanesque sur un discours pr tabli
318. s bases scientifiques Non il n y a pas de rapport entre son travail et le mien J utilise la physique lui il invente Je vais sur la Lune dans un boulet de canon lanc par un canon Il va sur Mars dans un a ronef qu il construit dans un m tal qui abolit les lois de la gravitation a c est tr s joli s cria Monsieur Verne sur un ton anim mais montrez moi ce m tal Qu il me le fabrique Avec ce roman c est un peu comme si l auteur proc dait une exp rience ici celle de prolonger une ligne de train r elle et de montrer les cons quences conomiques humaines qu aurait cette entreprise Mais l auteur se livre peut tre en m me temps une exp rience sur les pouvoirs de la fiction Toutefois Jules Verne ne s engage pas non plus dans la voie de la d monstration des conditions de possibilit s techniques de ce qui est avant tout un projet romanesque ainsi pass Samarcande il n est plus question des modalit s de construction de la ligne de chemin de fer Pour autant la correspondance de l auteur montre qu ses yeux l anticipation tait importante il crit en effet le 9 ao t 1892 son diteur Louis Jules Hetzel Je d sire tr s vivement que ce roman soit publi cette ann e car le g n ral Annenkof a repris ses travaux au del de Samarcande et je ne voudrais pas tre distanci Cela a une certaine importance Le motif du train peut alors appara tre comme la m taphore de cette course poursuite en
319. s cesse ce qu il voit au monde du th tre renversant en quelque sorte le sens de la mim sis comme le montre ce passage qui signale bien que c est la pi ce de th tre qui est premi re dans l esprit de M Caterna et que c est partir d elle qu il jauge le monde qui l entoure Et le trial d entonner d une voix de clarinette enrou e l air si connu des Cloches de Corneville J ai fait trois fois le tour du monde en ajoutant l adresse du baron I n en fra m m pas la moiti p 84 Cette attitude qui consiste lire le monde au prisme de la fiction appara t toutefois comme une d rive passablement ridicule parce que les Caterna sont pr sent s comme sympathiques mais aussi un peu caricaturaux dans leur inculture qui confine parfois au mauvais go t Pour h t rog nes qu ils puissent sembler au premier abord les genres litt raires dont on peut voir des l ments dans Claudius Bombarnac pr sentent toutefois assez de points communs pour se retrouver au sein d une m me uvre sans provoquer de rupture majeure dans le texte Il est ici tentant de mobiliser la notion de plurilinguisme d velopp e par Mikha l Bakhtine qui permet de comprendre comment le roman parvient int grer et fondre en son sein des genres tr s h t rog nes les sous genres qu il cite sont d ailleurs pour partie ceux qu on retrouvent chez Jules Verne Bien plus il existe un groupe de genres sp ciaux qui jouent un r le constructif tr s imp
320. s compte de tous les emprunts du romancier semblent assigner deux fonctions cette source la mention du nom de l ing nieur joue comme caution d authenticit du propos en particulier quand ce qui est racont est inattendu comme lorsqu il est question du g n ral russe d vor par des chiens errants page 85 et dispense galement le narrateur de d velopper plus largement certains l ments en invitant le lecteur se reporter d autres crits Sur le plan documentaire le roman doit beaucoup ce r cit de voyage les passages sur la colonisation russe sur la construction et le trajet du Transcaspien ou sur la religion zoroastrienne qui figurent dans le roman sont probablement redevables aux longs d veloppements que leur consacre Edgar Boulangier Jules Verne emprunte 53 Edgar BOULANGIER Voyage Merv in Le Tour du Monde 1887 p 145 208 noter que ce m me volume abrite galement DE ZAISSANSK AU THIBET ET AUX SOURCES DU HOANG HO FLEUVE JAUNE troisi me voyage de M PRJ VALSKY en Asie centrale 1879 1880 et que Jules Verne mentionne le nom de cet explorateur russe dans le corps du r cit http gallica bnf fr ark 12148 bpt6k344208 f148 image 54 Page 67 Askhabad est le chef lieu de la Transcaspienne et je me rappelle fort propos ce qu en a dit l ing nieur Boulangier au cours de cet int ressant voyage qu il a fait jusqu Merv Tout ce que j ai entrevu en quittant la gare sur la ga
321. s des conditions de voyage d un Europ en en Asie centrale la LA ALI SCOR Sa Sn RS Re A Rs Re i nr ne p 55 b Mobilisinimmobile sind ne ra titi Shen a tite p 61 c Une discr te anticipation le Grand Transasiatique ss p 65 2 L rapport FAUTES remontant ll han Lente ie nn tonte p 71 a Unethetorigue d typen is ornet ae iE TE nina p 71 b Untexte raciste tanins mate NE n a a aaa aa a a a a a a a R p 74 c Le poids des enjeux p 0pohHQUEsS ai Reine p 81 3 Prod ctivit di texte niire en AE E a T AERE p 87 a Une vision originale del ASie asian ina h p 87 b Tradition et modernit la question du progr S eeseessseessessessresessessrssrsseesresrsseesresressee p 91 chbecaracterentomaqueduiente in esse tend dames p 95 III PRESSE ET LITT RATURE p 101 1 Repr sentation de la Dress us rent Nm rte ee ur dr nt p 101 a La fig redu reporter diinn eiiie a R E EAR EEE A AAE EEE EER EREA p 101 b Le genre du DOMA ESS ne A R SR er anias densis p 110 c R le et fonctionnement du journal isiiiieieeeeeeeeeeeeecececececececeeeceeeeeeeeeeeeenee p 120 2 Un roman tiraill entre diff rentes matrices textuelles p 120 a R cit de voyage contre reportages nie nd tent naiss p 120 b Les mod les m diatiques une po tique emprunt e la presse ss p 125 c Le roman entre formes l gitimes et emprunts la paralitt rature p 130 3 qu
322. s et tant t comiques une histoire d amour des plus po tiques et des plus originales F4 Cette annonce para t nouveau au m me emplacement le 28 septembre et le 1 octobre On voit que le journal fait feu de tout bois pour promouvoir son feuilleton venir insistant tour tour sur la notori t de Jules Verne et ses succ s pass s auxquels Le Soleil compare Claudius Bombarnac ainsi que sur le caract re divertissant du texte sont ici mobilis s les poncifs les plus rebattus du roman d aventures sans qu ils paraissent d ailleurs sp cialement adapt s Claudius Bombarnac de m me l histoire d amour promise qui doit tre celle de Kinko et de Zinca occupe une tr s faible place dans la narration et les aventures annonc es sont bien moins rocambolesques que celles du Tour du Monde en quatre vingts jours pr c demment cit Le journal ne se prive d ailleurs pas de flatter ses lecteurs au passage selon une strat gie d auto promotion par le biais de la publicit l gard de son feuilleton Le 29 septembre on peut lire une nouvelle publicit qui sera reprise le 3 et le 7 octobre les annonces alternent dans une strat gie commerciale assez raffin e NOTRE PROCHAIN FEUILLETON Ce n est plus en quatre vingts jours c est En cinquante jours que JULES VERNE Pr tend maintenant nous faire faire le tour du monde la suite de CLAUDIUS BOMBARNAC Le reporter du XX Si cle dont les lec teurs du Soleil fero
323. s la mesure o il se trouve dans un roman et prend dans ce contexte une valeur m talitt raire mais il est n anmoins int ressant en ce qu il propose discr tement l id e que finalement c est la fiction qui donne ses codes l int gralit du journal Le triomphe de la fiction se manifeste ainsi dans le mouvement du texte la r f rentialit qui ne dispara t jamais totalement sans doute du fait de la vocation didactique de l uvre vernienne et se manifeste par des listes de toponymes des descriptions accompagn es souvent 402 Dont il est d ailleurs question page 107 avec la mention des chroniques hebdomadaires de Francisque Sarcey 403 Le reportage comme le roman feuilleton sont des produits d appel du journal qui les publie et se doivent de satisfaire les d sirs de la client le 404 II est int ressant de noter que le major Nolitz accuse les Fran ais d agir ainsi les Fran ais n aiment apprendre que ce qu ils savent p 53 mettant ainsi en vidence le mode de fonctionnement du narrateur d s le d but du roman 137 d explications scientifiques est toujours plus en tension avec le romanesque qui domine tout le dernier tiers du roman lequel encha ne les deus ex machina tels que la mort suppos e de Kinko et sa gr ce par l empereur de Chine Le roman rend d ailleurs compte de la tentation de faire d finitivement triompher la fiction sur le r el travers les propos du couple Caterna comparant san
324. s vont se trouver reproduits souvent sans grande laboration En v rit il semble presque que Claudius Bombarnac soit servi par le d coupage qui fragmente ce que le roman peut parfois avoir de r p titif De plus la coupe dynamise la lecture en renfor ant les effets de suspense du texte puisque le temps qui s coule entre deux feuilletons cr e chez le lecteur un effet d attente qui double et rejoint la curiosit du narrateur Par ailleurs le support du texte a des cons quences sur la r ception la publication de Claudius Bombarnac dans la presse tire le roman du c t de l ancrage journalistique qu il revendique D une part parce que le d coupage en feuilleton renvoie la p riodicit du journal mais aussi celui du carnet d un reporter et d autre part parce que le support est galement celui du reportage Lisant le feuilleton nettement s par du reste du journal par son cadre le lecteur est tout de m me dans la logique de lecture de la presse et fait des liens entre l information et la fiction surtout lorsqu elles se font cho Il n y pas de r els effets de renvois par exemple pas d article sur la construction en cours d un train en Asie mais certains articles trouvent un cho id ologique dans le roman notamment ceux qui traitent des nouvelles lois de conscription en Allemagne ou des manifestations d amiti entre la France et la Russie Situ dans un quotidien d actualit avec lequel il i
325. seignant que sur le jour et le mois mais pas sur l ann e on lit par exemple le 13 mai p 3 ou le 15 courant p 3 sans plus de pr cision Le fait qu une partie du roman rel ve de l anticipation mais sur des bases r elles projette par ailleurs le r cit dans le futur proc d classique de l utopie laquelle se situe souvent dans un temps diff rent de celui du lecteur originel Toutefois contrairement d autres textes Paris au XX si cle ou La Journ e d un journaliste am ricain en 2890 dont les titres ont valeur de manifeste utopique ou plut t dystopique en l occurence dans lesquels Jules Verne met fortement en avant ce d callage temporel Claudius Bombarnac est assez discret en la mati re Le titre du journal pour lequel le narrateur travaille en qualit de reporter constitue toutefois un indice puisqu il s appelle Le XX Si cle alors que le roman a t crit la fin du XIX si cle Or cette poque depuis novembre 1871 existait un journal intitul Le XIX si cle qui a probablement inspir l auteur dans le choix de son titre de presse fictif Le roman cr e donc discr tement un espace propice au d veloppement d une utopie Par ailleurs le d placement dans l espace qu op re le roman peut galement tre interpr t dans cette perspective utopique puisqu il transporte le lecteur dans un ailleurs d paysant qui permet une r fl xion nouveaux frais sur la soci t Signalons
326. ser son reportage et ne le trouvant pas se rabat souvent sur l vocation de son environnement qui occupe par d faut la fonction de point focal du r cit a Forte r f rentialit description des conditions de voyage d un Europ en en Asie centrale la fin du XIX si cle La logique r f rentielle prend dans ce contexte de r cit de voyage une importance toute particuli re elle ancre le texte dans le genre qui lui est attribu par le sous titre Carnet d un reporter et fonctionne comme caution de l authenticit du propos L vocation tr s pr cise de certaines r alit s donne penser que le narrateur se trouve r ellement en pr sence de ce qu il d crit dans une logique d illusion r f rentielle dont le lecteur se fait complice La r f rentialit du texte est donc tout particuli rement visible en ce qui concerne l Asie centrale Jules Verne se fait en effet un devoir et peut tre un plaisir consid rant le degr de textualisation qu il accorde certains passages descriptifs d voquer finement la r gion que traverse son h ros Il insiste en particulier sur les caract ristiques de la nature telle que la flore Au revers de ces dunes poussent nombre d arbrisseaux pineux des bouquets de tamaris de chardons toiles et cet haloxylon ammodendron que les Russes appellent moins scientifiquement saksaoul Ses profondes et vigoureuses racines sont propres maintenir le sol co
327. sieurs voyageurs tant militaires que civils perdent la vie en raison des conditions climatiques de l puisement ou des maladies ou des conflits arm s locaux Les prises en otage ou l emprisonnement dans les trous punaises ne sont pas rares tout au long du XIX si cle On retiendra de son propos que manifestement le p ril est plus grand pour les explorateurs que pour les voyageurs qui empruntent les chemins de fer on fera galement l hypoth se que le mod le d une attaque du train par des bandits peut tre un recyclage modernis de ce motif traditionnel du roman d aventures qui aime confronter le h ros un monde d paysant et sauvage comme le souligne Matthieu Letourneux dans Le Roman d aventures Cette extr me r f rentialit du texte caract ristique de nombre de romans du XIX si cle en g n ral dans la mouvance d une esth tique r aliste et de ceux de Verne en particulier correspond ici un projet ditorial sanctionn par un contrat r sum dans l Avertissement r dig par Pierre Jules Hetzel et plac en t te des Voyages et aventures du capitaine Hatteras 1864 Cette vocation du monde correspond galement la m thode de travail de l auteur pour qui les sources jouaient un r le informatif primordial L insertion de ces passages descriptifs est permise par le caract re polyphonique d fini parfois comme le crit re m me de d finition du roman en particulier par Bakhtine qui u
328. ssaie d effacer les st r otypes et cherche le singulier du moins dans les discours sinon dans les pratiques textuelles Le motif du r ve pr monitoire le narrateur r ve que le train est attaqu p 145 rel ve aussi de la panoplie des v nements habituels dans le roman populaire Stylistiquement 352 Michel NATHAN Splendeurs et mis res du roman populaire Lyon PUL 1990 p 135 353 Daniel COU GNAS Introduction la paralitt rature op cit p 164 Les personnages paralitt raires sont au plus pr s de concepts anthropomorphis s ce sont des all gories Fantomas ou le G nie du Crime 354 On peut penser Passepoil et Cocardasse dans Le Bossu 1857 de Paul F val ou La Candeur dans le cycle des Aventures de Rouletabille 1907 1922 de Gaston Leroux 123 galement le roman de Jules Verne rejoint l esth tique du roman populaire sur bien des points en particulier la logique s rielle qui peut expliquer l extr me abondance des types Jean Claude Vareille souligne en effet qu ils ne sont pas l en effet pour particulariser et donc introduire une nuance et un ind i sugg rer un ineffable mais bien pour entrer dans une classe permettre moins de conna tre que de reconna tre De m me les r p titions inscrivent cette fois la s rialit au c ur du roman et non plus le roman au sein d un genre comme le font les types on peut ainsi noter que la sc ne de sauvetage du train est racont e trois r
329. sses sociales ce qu illustre bien le roman avec le couple Caterna qui rejoint la troupe de th tre de la r sidence fran aise de Shanga ainsi que dans une certaine mesure Kinko qui part pour se marier se proposant par ailleurs d exercer sa profession de tapissier en Chine Peuvent intervenir des motifs purement conomiques incarn s dans le roman par les repr sentants de commerce Fulk Ephrinell qui vend des dents artificielles et Horatia Bluett qui ach te des cheveux en Asie D autres voyageurs comme le r v rent Nathaniel Morse ob issaient des motivations religieuses m me si les missions taient assez improductives en Asie centrale ou de charit dans une optique de lobbying national comme celles du major Nolitz qui fonde un hospice P kin pour le compte du gouvernement russe On laissera part Faruskiar dont la pr sence rel ve plus d une logique romanesque que r f rentielle Quant au narrateur qui voyage professionnellement en tant que reporter il est surtout int ressant par sa nationalit Svetlana Gorshenina explique en effet La premi re vague importante de voyageurs fran ais qui compte des touristes traditionnels des chasseurs des artistes et un certain nombre de femmes est li e la construction du chemin de fer transcaspien dans les ann es 1880 Pendant les ann es 1890 le nombre de visiteurs conna t une v ritable explosion explicable surtout par le changement des forces de la sc ne
330. st diff rent de celui qui a t publi auparavant dans Le Soleil il s agit toutefois de savoir quel point il diff re b mais un rep rage d cevant Bien s r entre les deux versions de Claudius Bombarnac il y a quelques diff rences dont la js de 1142 plus notable concerne le passage des zenbukis On lit ainsi dans Le Soleil Il parait m me d apr s ce que nous dit le major Noltitz que ces maintuys saut s la graisse sont plus savoureux encore Et pourraient ils ne pas l tre puisqu ils prennent alors le nom de zenbusis ce qui signifie baisers de dames Comme M Caterna exprime son regret que ces zenbusis ne figurent pas sur la carte du d jeuner je me hasarde dire On peut trouver il me semble des zenbusis ailleurs qu en Asie centrale 138 douard Herv 1835 1899 collabora plusieurs journaux puis fonda en 1873 Le Soleil qu il dirigea jusqu sa mort Depuis 1886 il tait acad micien on reproduit ici la note qui figure dans la Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit 139 Le 12 mai 1892 Jules Verne r pond une lettre perdue de son diteur Une observation cependant A la page 120 ou 220 mais plut t 120 vous avez biff ou fait biffer une dizaines de lignes relatives aux zenbukis mot de cuisine qui signifie baisers de dames En g n ral je fais volontiers le sacrifice de ce qui
331. sure o il accr dite le genre du r cit de voyage en tant qu avatar du journal intime est d plor par le narrateur et par le lecteur car il ne correspond pas l horizon d attente romanesque partag par le roman et le reportage 339 Apparemment car plusieurs reprises des prolepses viennent contredire la mise en sc ne fictive d un r cit qui s crit en m me temps qu il se produit par exemple p 203 Que les lecteurs du XXe Si cle ne s apitoient pas sur le sort de Kinko Duss je y perdre cent lignes de reportage j aime mieux dire d s pr sent que tout s est arrang 340 Comme le souligne Myriam BOUCHARENC in L crivain reporter au c ur des ann es trente Lille Presses universitaire du Septentrion 2004 341 B atrice DIDIER Le Journal intime Paris PUF 1976 p 169 Ce rythme endormeur charmeur pour certains ne vient pas de la continuit mais de la monotonie et de la r p tition 119 L influence du r cit de voyage est donc bien pr sente dans Claudius Bombarnac dont il constitue une source jug e fiable et une explication possible de la pr sence de passages pittoresques et didactiques Cependant ce roman ne pr sente pas toutes les caract ristiques du r cit de voyage ne serait ce que parce que le narrateur n est pas l auteur lequel n est jamais all dans les r gions qu il voque La dimension psychologique et subjective du r cit de voyage romantique est galement peu pr
332. t C est ainsi que Claudius Bombarnac se fait un plaisir de corriger des opinions fausses comme dans ce passage de la page 52 En r alit les sables du Kara Koum ne sont pas plus noirs que la mer Noire n est noire que la mer Blanche n est blanche que la mer Rouge n est rouge que le fleuve Jaune n est jaune La presse est videmment un tr s gros enjeu pour ce roman dont un reportage fournit la trame Cependant il est bien difficile de distinguer dans le texte ce qui rel ve d une po tique propre au reportage de ce qui appartient celle du roman puisqu il semble que la diff rence entre ces deux genres ne soit pas stylistique ou narrative mais r side dans les conditions de production du texte le reporter Pierre Giffard qualifiait ainsi le reportage de roman arriv C est donc moins le contenu que le rapport la r alit qui fonde le genre du reportage lequel viserait donc la v rit par opposition au roman d vou la fiction Quoi qu il en soit le reportage semble plus une inspiration th matique que po tique pour Claudius Bombarnac qui emprunte plut t les po tiques m diatiques d une presse boulevardi re Il est donc difficile de savoir ce qui rel verait d une influence du reportage sur le plan po tique dans la mesure o il s agit d un roman qui se fait passer pour les notes de travail d un reporter on peut d ailleurs se demander si la situation ambigu de ce texte n est pas une mani re discr te
333. t toujours plus riche du fait de la mondialisation et de la r volution des moyens de communication dont il convient de rendre compte et de proposer des explications lesquelles sont sous tendues par des visions du monde qui peuvent varier Toutefois le monde m diatique est aussi soumis une certaine logique conomique le journal est un bien qui se vend il s agit d app ter et de ferrer le chaland par des produits r pondant ses attentes lesquelles sont pour partie model es par la fr quentation de la presse qui propose mais aussi prescrit Le roman de Jules Verne appara t donc comme un produit de la civilisation du journal dont il refl te d ailleurs les tensions et les mutations c Un roman de crise Le lecteur contemporain pourrait s tonner du m lange d extr me r f rentialit et de romanesque chevel quoiqu assez topique toutefois cet trange attelage n a rien d inhabituel au XIX si cle Judith Lyon Caen dans La Lecture et la Vie montre ainsi que les lettres de lecteurs adress s Sue et Balzac marquent un int r t sp cifique pour la repr sentation du social au plus pr s de ce que fut l ambition des romanciers et qui fit souvent scandale d crire et d chiffrer avec les pouvoirs de la fiction les r alit s sociales les plus complexes et les plus sombres Du fait de sa souplesse la forme romanesque appara t en effet comme la plus apte rendre compte d une soci t en mutati
334. t Claudius Bombarnac cette fois qui se pose en thurif raire de la modernit au nom de son efficacit La vitesse ai je r pondu c est du temps gagn et gagner du temps Le temps n existe pas en Chine monsieur Bombarnac et il ne peut exister pour une population de quatre cents millions d hommes Il en resterait trop peu pour chacun Aussi n en sommes nous m me pas compter par jours et par heures C est toujours par lunes et par veilles Ce qui est plus po tique que pratique ai je r pondu Pratique monsieur le reporter En v rit vous autres Occidentaux vous n avez que ce mot la bouche Etre pratique mais c est tre esclave du temps du travail de l argent des affaires du monde des autres de soi m me Je vous l avoue pendant mon s jour en Europe demandez au docteur Tio King je n ai gu re t pratique et maintenant revenu en Asie je ne le serai pas davantage Je me laisserai vivre voil tout comme le nuage se laisse emporter par la brise le brin de paille par le courant la pens e par l imagination p 184 Dans le d bat entre tenants et contestataires du progr s le texte ne tranche pas vraiment se contentant de mettre en perspective les avantages de la modernit rapidit efficacit et ses inconv nients uniformisation des pratiques disparition du pittoresque Si le texte semble parfois pencher du c t du rejet de la modernit cette position est p
335. t re artificiel et assez lourd de ce genre de propos dont il convient de ne pas abuser comme le montrent des remarques telles que cette grande cit pourrait bien occuper un des quatre emplacements o les g ographes s accordent placer le Paradis Terrestre Je laisse cette discussion aux ex g tes de profession p 99 Le travail pr paratoire para t donc n cessaire l criture du reportage parce qu il permet au reporter de comprendre ce qui l environne et parce qu il fournit surtout une abondante mati re de base pour produire de la copie Pourtant cette figure du reporter besogneux semble s opposer celle du reporter aventurier jet dans le monde par sa r daction qui change de projet au lieu de rester trois semaines en G orgie Claudius Bombarnac doit prendre le Transasiatique en r alit il n en est rien puisque le narrateur poss de de nombreuses connaissances sur ce qu il voit et ne semble jamais d stabilis par le monde qui l entoure d un bout l autre du roman les choses sont reconnues et nomm es ce qui laisse supposer de sa part une certaine pr paration Autre l ment important du reportage l observation les choses vues tant appr hend es partir des connaissances livresques acquises au pr alable On remarque en cons quence une pr gnance toute particuli re du champ lexical de la vue et du regard qui introduit souvent une s quence descriptive par exemple Celles que je viens d
336. t le roman ce que ne fait pas Le Soleil ce qui eut contribu ancrer le roman du c t de la r f rentialit De plus la parution du roman dans ce journal ou dans son suppl ment aurait induit des effets de circularit entre le texte du roman et celui des articles puisque que Jules Verne s est inspir d articles de l Ilustration lorsqu il a crit son texte et aurait brouill de la sorte la fronti re entre fiction et information Une publication dans Le Temps aurait t interessante dans la mesure o c est dans ce journal qu ont t publi s Le Tour du Monde en quatre vingts jours et Les Tribulations d un Chinois en Chine auxquels Claudius Bombarnac fait de nombreux clins d oeils le caract re s riel de l uvre et son aspect parodique s en seraient possiblement trouv s renforc s r Fo 119 Quant au Figaro pour lequel Jules Verne d clare avoir crit le roman il se caract rise notamment par ses pr tentions litt raires et par ses reportages il emploie notamment Pierre Giffard qui fr quentait la maison Verne publier un roman de presse en son sein aurait permis de jouer sur le brouillage entre le rez de chauss e et ses environs entre la fiction et le reportage De plus les 115 Ces chiffres un peu d cal s par rapport au contexte de publication du roman de Jules Verne mais on trouve peu d information sur Le Soleil sont tir s de Christian DELPORTE Les Journalistes en France 1880 1950 Na
337. t les deux adjectifs m lioratifs grand et in dit en premi re page renvoie les lecteurs au feuilleton pr sent au rez de chauss e de la deuxi me page NOTRE NOUVEAU FEUILLETON Nous commen ons aujourd hui la 2 page Du journal la publication d un grand roman in dit CLAUDIUS BOMBARNAC Par JULES VERNE Gr ce des strat gies visuelles int ressantes qui mettent l accent sur le titre et l auteur du roman en utilisant des capitales d imprimerie parfois en gras et en les centrant de mani re ce qu ils accrochent particuli rement le regard ces publicit s multiples d clinent des arguments similaires insistant sur l identit de l auteur et ses uvres ant rieures qui ont connu un grand succ s et sur le caract re in dit du roman tout en soulignant les traits qui l apparentent un roman d aventures dans les r gles de l art au m pris de l intrigue v ritable Si le journal profite de ces publicit s pour mettre en place une strat gie d auto c l bration de lui m me d s lors qu il publie un roman pr sent comme excellent et de son lectorat on remarque que la question de la presse qui est un 36 enjeu important de Claudius Bombarnac est relativement absente de ces publicit s on signale seulement que le h ros est reporter Par ailleurs on sait que Jules Verne tait satisfait de ces publicit s ou du moins se r jouissait de leur diversit puisqu il crit le 25 septembre Lo
338. te de l actualit imm diate ou des possibles r actions du lectorat De m me la po tique du roman ne reprend celle du reportage qu la marge Bien s r une telle affirmation fait probl me dans la mesure o semble t il c est le rapport la v rit qui distingue le reportage du roman dans Claudius Bombarnac cette distinction entre discours de la v rit et de la fiction est toutefois assez peu trait e Au contraire le narrateur ne cesse de brouiller les cartes au point d appara tre comme un alter ego du romancier puisque voquant des r alit s qui lui sont inconnues il donne des informations potentiellement fausses car non v rifi es ce qui est tout fait contraire l thique professionnelle du journaliste laquelle sous tend le pacte de lecture du reportage La po tique du roman semble en fait majoritairement redevable des genres plus anciens tels que le r cit de voyage et le roman d aventures que Jules Verne a largement contribu mettre en place Par ailleurs Claudius Bombarnac est manifestement le produit d une tentative de renouvellement d un mod le romanesque en perte de vitesse Toutefois le recours des codes g n riques tr s vari s pose probl me dans la mesure o le roman perd en unit et en coh rence ce 146 qu il gagne en nouveaut et en originalit Les types narratifs mobilis s se r v lent assez h t rog nes au point que certaines de leurs caract ristiques sont difficilement
339. te hypoth se d un lien particulier au monde du journal on t chera donc de voir si le processus de publication du roman la corrobore Pour ce faire on se basera particuli rement sur la Correspondance de Jules Verne avec son diteur qui est alors Louis Jules Hetzel qui a pris la succession de son p re mort en 1886 laquelle nous donne acc s aux diff rentes tapes aboutissant la parution du roman dans Le Soleil entre le 10 octobre et le 7 d cembre 1892 De plus on comparera les coulisses de la publication de Claudius Bombarnac avec celles d autres romans de mani re en d gager des sp cificit s li es son hypoth tique statut de roman de la presse a Le r sultat d une volont particuli re de l auteur Dans un premier temps on peut penser que la conjonction d un texte sur la presse et d un support journalistique pour ledit texte n est pas un hasard qu elle r sulte d un projet de l auteur seul ou encourag par son diteur on sait en effet que le p re comme le fils Hetzel intervenaient beaucoup dans la r daction des romans de Verne De fait dans la correspondance entre l crivain et son diteur certains passages donnent voir la corr lation entre le d sir de l auteur d tre publi rapidement et la mention de titres de presse On peut citer En admettant que Marc s engagera ferme le retard d un an la publication de Bombarnac le temps que son histoire durera dans llustration hebdomadai
340. te qu un contentieux d ordre financier a oppos le journal l diteur Je regrette bien que le Soleil vous fasse des difficult s semblables C est un peu honteux et vraiment ce Soleil l est moins g n reux que celui qui nous claire depuis deux mois Tout cela c est r pugnant 3 Quelle s diff rence s entre la pr publication dans la presse et la publication en volume a L hypoth se d une sp cificit du texte publi en feuilleton Il n y aurait rien eu d exceptionnel ce que le texte pr publi dans Le Soleil ait t retravaill par l auteur avant sa reprise en volume chez Hetzel la pratique tait en effet relativement courante au XIX si cle poque laquelle nombre de textes paraissaient une premi re fois dans la presse Une partie de la critique g n tique la g n tique textuelle se charge m me d tudier ces remaniements effectu s sur un texte d j publi Parfois les changements qui affectent le texte sont d importance Gaston Leroux pour prendre l exemple d un autre auteur de romans d aventures modifie largement ses textes avant qu ils ne soient repris en volume transformant 7 gt 132 notamment les pr noms de ses personnages et le d coupage en chapitres Pierre Marc de Biasi 128 Cette derni re hypoth se est difficile v rifier mais comme on sait que la publication du roman en volume a re u un accueil d cevant on peut penser qu il en t de m m
341. te une posture plus ambivalente et critique l gard d une soci t qu il voit comme trop mat rialiste image que v hicule par exemple Les Tribulations d un Chinois en Chine travers l vocation de la compagnie d assurance am ricaine La Centenaire 241 Christian CHELEBOURG in Jules Verne L il et le ventre Une po tique du sujet Paris Caen Lettres modernes 76 type de figures convient tr s mal un reporter en mal d inattendu pour alimenter ses textes le go t du narrateur pour les personnages chaleureux et actifs ne repose pas seulement sur un besoin de chaleur humaine mais a aussi voire surtout des ressorts assez int ress s ce dont le texte se fait d ailleurs l cho au chapitre XVII notamment mes personnages n ont pas donn jusqu ici ce que j en attendais La pi ce ne se corse pas l action languit p 1421 On pourrait toutefois se demander quel point Jules Verne ne se moque pas un peu de son narrateur qui on pourrait retourner un certain nombre des reproches adress s ses compagnons de route apr s tout lui aussi a une obsession il cherche un h ros romanesque p 56 placer au c ur de son reportage et sa profession lui donne galement un regard utilitariste sur les gens qui l entourent qu il r ifie et s approprie en leur attribuant des num ros Le roman articule donc des probl matiques g n riques la recherche de l inattendu de personnages attachants un discours
342. telles que le reportage L histoire le discours historique historia rerum gestarum est en fait le mod le de ces r cits qui admettent de remplir les interstices de leurs fonctions par des notations structuralement superflues et il est logique que le r alisme litt raire ait t quelques d cennies pr s contemporain du r gne de l histoire objective quoi il faut ajouter le d veloppement actuel des techniques des uvres et des institutions fond es sur le besoin incessant d authentifier le r el la photographie t moin brut de ce qui a t l le reportage les expositions d objets anciens le succ s du show Toutankhamon le montre assez le tourisme des monuments et des lieux historiques III PRESSE ET LITT RATURE 1 Repr sentation de la presse La presse joue un r le th matique plus que po tique et dont l importance varie selon les intrigues dans beaucoup de romans de Jules Verne la couverture m diatique du jeu de l oie g ant qui oppose les h ritiers du milliardaire William J Hypperbone dans Le Testament d un excentrique 1899 ou bien la description des pratiques du crieur de journaux P tit Bonhomme dans le roman homonyme 1891 en t moignent De m me les reporters sont bien repr sent s dans les Voyages Extraordinaires on citera pour m moire les figures comiques de Harry Blount et d Alcide Jolivet dans Michel Strogoff 1876 qui sont montr s l uvre la dif
343. tement compr hensible et accept par tous in La Litt rature au quotidien Po tique journalistique au XIX si cle Paris Le Seuil Po tique 2007 p 150 139 si cle Judith Lyon Caen travaille dans son ouvrage sur le temps de Balzac c est dire la Monarchie de Juillet et des tentatives de mise plat de la soci t fran aise d autre part ce qui para t au premier abord disqualifier une lecture au prisme de ces analyses du roman vernien crit en 1892 et qui se d roule dans un cadre asiatique On peut toutefois faire l hypoth se d une sorte de reconversion des pratiques du roman r aliste dans les uvres de Verne d autant que sur le plan stylistique comme dans la volont de produite un discours sur le monde en particulier par l usage de types il leur emprunte beaucoup Les Voyages Extraordinaires proposeraient donc un regard sur ce qui appara t comme trange et inqui tant dans la seconde moiti du XIX si cle c est dire peut tre moins les bas fonds de la soci t fran aise que le vaste monde dans le cas de Claudius Bombarnac une Asie centrale et orientale travers e de conflits coloniaux complexes et la technique associ e une modernit galopante certes la machine du roman la locomotive n est pas la plus monstrueuse des Voyages Extraordinaires mais sa destruction suivie de son remplacement peut tre analys e comme l image d une modernisation in luctable Claudius Bom
344. tertextuelle citations hypertextuelle d rivations et architextuelle activation de r gularit s g n riques p 609 ses yeux un travail sur la th tralit suppose d interroger la sp cificit de cette r f rence au sein de la transtextualit du roman et les usages particuliers qu en font les romanciers Elle montre ensuite que les uvres de Stendhal et de Balzac mobilisent la r f rence th trale dans une logique de pr visibilit de l intrigue suivant des codes g n riques du th tre et de r glage de l identification des personnages romanesques au regard de types th traux 377 Le narrateur crit leur sujet page 102 Le mieux est de laisser dire nos deux com diens Ils ne voient toutes choses qu au point de vue du th tre Ils pr f rent les bandes d air et de feuillage l azur du ciel et la ramure des for ts les toiles agit es la houle de l Oc an les perspectives d un rideau de fond aux sites que ce rideau repr sente un d cor de Cambon de Rub ou de Jambon n importe quel paysage enfin l art la nature Ce n est pas moi qui essaierai de modifier leurs id es ce sujet 378 Page 146 par exemple Aussi ne suis je pas tonn que M et Mme Caterna qui n ont pas voulu manquer cette occasion de mettre un pied en Chine aient t quelque peu d us Monsieur Claudius me fait observer le trial il n y a pas ici un d cor o l on puisse jouer La Prise de P ki
345. tes au lieu de les remplir ces propos sont extr mement r v lateurs de la mission p dagogique qu assigne l diteur ses parutions ainsi que des m thodes qu il entend mettre en uvre ou plus exactement faire adopter par ses auteurs Par ailleurs le cadre des Voyages Extraordinaires impose l auteur la contrainte d un quadrillage minutieux et en d finitive presque complet du globe c est ainsi que Claudius Bombarnac en d crivant l Asie centrale prend place entre Michel Strogoff 1876 qui voque un voyage de Moscou Irkoutsk en Sib rie et Les Tribulations d un Chinois en Chine 1879 dans lequel les personnages principaux parcourent la Chine Le roman de 1892 reprend d ailleurs un certain nombre d l ments des textes ant rieurs le tarentass voqu au d but de Claudius Bombarnac fait l objet du chapitre IX de Michel Strogoff En tarentass nuit et jour et la posture tr s favorable aux Russes est commune aux deux textes La r f rence Michel Strogoff dans Claudius Bombarnac p 97 peut donc appara tre comme un clin d il au lecteur assidu des Voyages Extraordinaires et souligne que le roman est lire dans la continuit des autres De la m me mani re le lecteur attentif peut rep rer dans Claudius Bombarnac des d tails qui rappellent les aventures de Kin Fo le nom de Kinko par exemple est assez proche de celui du riche Chinois et leurs fianc es r sident toutes deux avenue Cha Coua
346. ti re Europe et capitale C leste Empire Devra transmettre impressions sous forme chroniques interviewer personnages marquants rencontr s sur parcours signaler moindres incidents par lettres ou t l grammes suivant n cessit s de bon reportage XX Si cle compte sur z le intelligence activit adresse de son correspondant auquel il ouvre cr dit illimit p 3 314 Marc MARTIN Les grands reporters op cit p 57 315 Le manuscrit de 1890 porte le nom du Figaro en lieu et place de celui du XX Si cle et Jules Verne crit d ailleurs dans une lettre du 30 juillet 1892 son diteur que Dans ma pens e vous le savez Bombarnac a t fait en vue du Figaro Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op cit p 179 316 Marc MARTIN crit Villemessant puis Francis Magnard les directeurs du Figaro journal qui dispose de ressources publicitaires exceptionnellement abondantes ont t particuli rement actifs dans un premier temps et ont envoy leurs reporters sur le th tre des guerres balkaniques au cours des ann es 1870 puis aupr s des exp ditions coloniales partir de 1881 notamment Pierre Giffard in Le voyage du grand reporter de la fin du XX si cle aux ann es 1930 Le Temps des m dias 2007 1 n 8 p 118 129 p 121 317 Dans La Fugitive 1925 de Marcel Proust Bloch d finit le Figaro dans lequel le narrateur vient de publier un
347. tif il l emporte sur n importe quel tranger in Jules Verne Biographie op cit p 284 255 Jean CHESNEAUX Jules Verne Un regard sur le monde op cit p 188 256 La vision de Verne n est pas sans rappeler celle de Kipling lorsqu il pr sente la colonisation comme un devoir le 82 d veloppe une vision du monde fortement marqu e par les enjeux g opolitiques les int r ts fran ais en particulier de la fin du XIX si cle Les implications id ologiques de son discours ont galement partie li e avec les n cessit s de la narration celle du reportage comme du roman d o une valoriation des personnages pittoresques et romanesques La recherche par Claudius Bombarnac d un h ros pour son reportage apparait alors comme une mise en abyme de l articulation entre le th matique et le po tique 3 Productivit du texte Toutefois il ne faudrait pas lire les romans de Jules Verne uniquement comme la textualisation des discours dominants de leur temps ainsi que le souligne Pierre Macherey dans Pour une th orie de la production litt raire L uvre n existe que parce qu elle n est pas exactement ce qu elle pouvait tre ce qu elle devait tre elle surgit non de l encha nement simple d une production m canique qui conduirait progressivement de l ext rieur d elle m me sa r alit interne elle na t au contraire de l appr hension obscure et certainement pas consciente d s le d but d une impossibil
348. tilise plus volontiers le terme plurilinguisme Il crit ainsi dans Esth tique et th orie du roman Le roman permet d introduire dans son entit toutes esp ces de genres tant litt raires nouvelles po sies po mes sayn tes qu extra litt raires tudes de m urs textes rh toriques scientifiques religieux etc En principe n importe quel genre peut s introduire dans la structure du roman et il n est gu re facile de d couvrir un seul genre qui n ait t un jour ou l autre incorpor par un auteur ou un autre Ces genres conservent habituellement leur lasticit leur ind pendance leur originalit linguistique et stylistique 185 Chapitre V 186 Svetlana GORSHENINA Explorateurs en Asie centrale op cit p 105 187 Matthieu LETOURNEUX Le Roman d aventures 1870 1930 Limoges PULIM 2010 188 Mikha l BAKHTINE Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard Tel 1978 Du discours romanesque p 141 57 Ces parties informatives ont un degr d laboration textuel plus ou moins important le long po me liste caract ristique du style de Jules Verne qui figure dans l incipit donne voir le travail po tique du romancier Le pouvoir vocateur du texte qui accumule les emprunts linguistiques dans une logique de d paysement passe par des effets rh toriques labor s Le passage est ainsi cadr par l anaphore Donnez vous la peine d apprendre et scand d effets sono
349. tonn Dans tous les cas les textes sont accompagn s d illustrations A titre de comparaison la fin du XIX si cle un bon tisserand de la fabrique lyonnaise repr sentant de la premi re r volution industrielle gagne quinze francs par semaine et un m canicien associ la deuxi me r volution industrielle jusqu six francs par jour 45 souvent transmis par le monde des adultes celui des enfants l occasion d une remise de prix scolaires ou des trennes Par cons quent le volume ancre plut t le roman du c t du didactisme ce que la pr sence de deux cartes documents caract ristiques des salles de classes confirme Ces deux supports renvoient galement des ancrages s riels diff rents qui entra nent potentiellement des lectures diff rentes du roman Ainsi le volume prend ostensiblement place au sein de la s rie des Voyages Extraordinaires ainsi que le souligne la page de titre de l dition originale sur laquelle on lit LES VOYAGES EXTRAORDINAIRES Couronn s par l Acad mie fran aise CLAUDIUS BOMBARNAC PAR JULES VERNE 55 ILLUSTRATIONS PAR L BENETT 6 GRANDES GRAVURES EN CHROMOTYPOGRAPHIE 2 CARTES EN COULEURS BIBLIOTH QUE D DUCATION ET DE R CR ATION J HETZEL ET Cie 18 RUE JACOB PARIS Tous droits de traduction et de reproduction r serv s Mentionn e en premier la s rie est clairement mise en avant De plus comme Claudius Bombarnac est un roman assez bref il est galeme
350. travers le Pamir du Dr Nicolas Severtzo Voyage dans l Asie centrale et au Pamir de Gabriel Bonvalot Pamir et Tchitral de Gabriel Capus en 1891 Travers e du Tibet de Gabriel Bonvalot et du prince Henri d Orl ans en 1892 Exploration de l Asie centrale d Henri Dauvergne L hydrographie du bassin de l ancien Oxus d douard Blanc Observations et notes m t orologiques sur l Asie centrale et notamment 80 Anne Marie BERNARD et Claude MAL COT introduction choix de photographies et de textes L Odyss e de Paul Nadar au Turkestan 1890 Paris Monun ditions du patrimoine 2007 81 P 96 82 Ce r cit est le seul qui paraisse sur l Asie centrale dans Le Tour du Monde dans les ann es 1880 1890 22 les Pamirs de Gabriel Capus Il est int ressant de constater que beaucoup des noms de ces voyageurs sont mentionn s dans Claudius Bombarnac en particulier dans la tr s longue num ration de la page 128 ce qui laisse penser que le romancier avait connaissance de leurs exp ditions sinon de leurs crits Jules Verne cite d ailleurs une revue page 133 Des crivains de la Nouvelle Revue ont dit L Asie centrale ne sera un grand pays que le jour o l administration moscovite aura mis la main sur le Tibet ou lorsque les Russes domineront Kachgar La r f rence pr cise de cet article n a pu tre retrouv e mais La Nouvelle Revue publie en 1890 Quelques mots sur la colonisation r
351. tre chef de train est un vrai Russe l air militaire avec sa houppelande pliss e et sa casquette moscovite tr s chevelu et tr s barbu tandis que les volumes ne pr sentent ici qu une seule phrase Cependant il est un agent de la Compagnie qui ne doit pas quitter son poste c est Popof un vrai Russe l air militaire avec sa houppelande pliss e et sa casquette moscovite tr s chevelu et tr s barbu Or la coupe entre le feuilleton du 17 octobre et celui du 18 octobre se trouve apr s Popof ce qui donne l impression qu on a reform une phrase partir de l apposition 44 journal intime mais aussi les contribution un r cit de voyage B atrice Didier souligne d ailleurs la proximit entre ces deux formes Ce n est pas un hasard si le mot journal d signe la fois le diary et le newspaper L au jour le jour est l origine des deux types d criture Dans les deux cas l v nement doit tre retrac tout de suite sans cette distance qui permet l laboration du souvenir la reconstruction le travail de synth se les recherches trop pouss es de style Le journal de reportage tout l oppos du journal purement introspectif fait alors une large place aux conversations Tandis que dans le discours introspectif la relation indirecte triomphe que la parole de l autre n est pas vraiment entendue qu il ne reste qu une r plique mergeant d un tissu de style indirect l au contraire des dialogues entier
352. tre l imaginaire et le r el Cette insistance de l auteur sur le caract re d anticipation de son roman peut tre un indice d une possible 218 lecture utopique du texte Jean Chesneaux souligne d ailleurs l articulation fr quente entre anticipation et utopie 214 Encore qu on puisse inscrire dans les pas de Jules Verne une certaine cole de science fiction r aliste et scientifique dont se r clame par exemple Kim Stanley Robinson chef de file de la Real Science Fiction dans sa trilogie martienne Mars la Rouge 1992 aux tats Unis 1994 en France Mars la Verte 1993 1995 Mars la Bleue 1996 1996 215 Cet article de Robert Sherard Une nouvelle visite chez Jules Verne para t le 9 octobre 1903 dans T P s Weekly et est reproduit dans Entretiens avec Jules Verne op cit le passage cit appara t la page 215 216 Il est int ressant de constater que dans un article consacr au genre en constitution du merveilleux scientifique publi en 1909 dans Le Spectateur et intitul Du roman merveilleux scientifique et de son action sur l intelligence du progr s l crivain Maurice Renard partage l avis de l auteur de Claudius Bombarnac Verne n a pas crit une seule ligne de merveilleux scientifique De son temps la science tait grosse de certaines trouvailles il s est born l en croire accouch e avant qu elle ne le f t Il a peine anticip sur des d couvertes en germination Tout au plu
353. tretien qu il accorde un journaliste de la Pall Mall Gazette en d cembre 1889 intitul Jules Verne at home on peut lire Vous avez une grande admiration pour les Am ricains et le romancier de r pondre Immense Je pense que ce sont les gens les plus merveilleux qui existent in Entretiens avec Jules Verne 1873 1905 r unis et comment s par Daniel COMP RE et Jean Michel MARGOT op cit 239 On peut penser aux personnages de L le myst rieuse 1874 qui sont Am ricains et tr s valoris s comme incarnation d une Am rique moderne technicienne et anti esclavagiste 240 Jean CHESNEAUX Jules Verne Un regard sur le monde op cit p 214 Il s int resse galement au regard que porte Jules Verne sur l Am rique pour montrer qu il conna t une volution dans le temps certes ce pays fascine Verne en tant qu il offre un bon cadre pour l anticipation et qu il repr sente une terre de progr s technique conomique une vision emprunt e aux utopistes fran ais de son temps et en particulier aux saint simoniens et de libert en particulier en ce qui concerne la question du mariage laquelle Claudius Bombarnac fait d ailleurs allusion au chapitre XVII Mais progressivement mesure que les tats Unis prennent de l importance sur la sc ne mondiale la fois sur le plan politique avec la politique du big stick et conomique avec le poids croissant du dollar Jules Verne prend ses distances et adop
354. tures du personnage n cessairement partag es par l auteur qui les incorporent son roman d autres en revanche ne sont cit es que dans la correspondance de Jules Verne Il convient donc de s interroger sur ce traitement diff renci ainsi que sur les fonctions dans le roman des sources du romancier et sur leurs modalit s d insertion textuelle Les sources explicites c est dire cit es dans le roman comme des lectures du narrateur et qui sont donc galement des sources du romancier sont finalement assez peu nombreuses De plus leur pr sentation souvent lacunaire qui a partie li e avec la volont de faire passer le roman pour un carnet de travail et que des r f rences compl tes alourdiraient rend souvent l identification de ces r f rences un peu probl matique Le nom de l ing nieur Boulangier revient quatre reprises pages 39 68 79 et 85 et si le titre de l ouvrage consult par Jules Verne n est pas explicitement mentionn l allusion cet int ressant voyage qu il a fait jusqu Merv p 63 renvoie clairement un texte qui para t en volume en 1888 chez Hachette sous le titre de Les Russes dans l Asie centrale et le chemin de fer transcaspien voyage Merv dont des extraits sont repris dans la revue Le Tour du monde en 1887 Ce r cit de voyage r dig dans les r gles de l art et qui est publi avec des gravures et des cartes a largement inspir Jules Verne Ses renvois au texte qui ne rendent pa
355. u racisme du moins aux yeux d un lecteur d aujourd hui ne le laisse penser Plut t qu une hi rarchie des races qui rel ve de la doxa l poque de la r daction du texte qui n est toutefois pas absente et qui s articule la valorisation de la colonisation pens e comme vecteur de progr s le narrateur 252 Il est question des caresses aussi exag r es que sinc res de l excellente dugazon Mme Caterna ne veux plus la Zinca quitter d clarant qu elle la consid re comme sa fille et qu elle la d fendra avec les entrailles d une m re p 201 or c est la premi re rencontre entre les Caterna et Zinca ce qui rend la r action de Mme Caterna un peu impulsive et d mesur e 253 Robert POURVOYEUR souligne le ridicule du choix de ce costume il montre d ailleurs que le bon accueil fait par un public de province ce type de mise en sc ne tourne en d rision tant les com diens que le th tre en province et son public in Le r pertoire de ce bon M Caterna Bulletin de la Soci t Jules Verne n 33 34 1975 254 Marc SORIANO prend quant lui les choses dans l autre sens Premi re id e force il faudrait plut t parler de Credo Bon sang fran ais ne peut mentir Sans doute il y a chez nous des poltrons des sots ou des ridicules par exemple le m nage Desirandelle dans Clovis Dardentor ou celui des Caterna dans Claudius Bombarnac mais quand un Fran ais se met tre intelligent et ac
356. uche c est la sombre silhouette du fort turkoman dominant la nouvelle ville dont la population a presque doubl depuis 1887 Cela forme un bloc assez confus derri re un pais rideau d arbres 55 Comme Claudius Bombarnac Edgar Boulangier pars me son r cit de listes des noms des stations travers es par le train bord duquel il se trouve il accompagne d ailleurs son ouvrage d une liste des stations avec leurs caract ristiques et d une carte qui donne l avancement des travaux en 1887 56 On pourrait multiplier les exemples de passages que le roman de Jules Verne int gre en son sein comme cette description du train de pose du Transcaspien qui figure dans le volume du Voyage Merv page 198 qui est reprise dans le roman la page 55 15 galement des d tails qui cr ent des effets de r el comme en t moigne la proximit de leurs vocations du pont des bateaux appartenant tous deux la compagnie russe Caucase et Mercure emprunt s par des voyageurs Ils n offrent pas non plus le m me confort Arm niens Caucasiens Persans Juifs boukhares hommes femmes et enfants tous mis rables passagers de troisi me et de quatri me classe sont couch s p le m le sur le pont y pr parent leur lit pour la nuit et s enroulent dans des couvertures aux clatantes couleurs v g tales qui s ach tent fort cher Paris A l avant du paquebot nombreux passagers Turkom nes en guenille Kirghizes aux yeux brid s
357. ue alors que les peuples qui se battent contre la Russie sont plut t bien trait s dans le texte qui insiste sur leur courage et leur vaillance infructueux certes on lit par exemple Cette ville Gh ok T k ne se rendit qu apr s la destruction de ses remparts et le massacre de douze mille de ses d fenseurs mais l oasis d Akhal Tekk tait au pouvoir des Russes p 60 De 263 G rard SIARY Jules Verne et l Extr me Orient in Jean Pierre PICOT et Christian ROBIN dir Jules Verne cent ans apr s op cit p 302 264 Jean CHESNEAUX Jules Verne Un regard sur le monde op cit p 75 Tr s pr sentes dans les Voyages Extraordinaires les aspirations et les luttes des petites nationalit s y refl taient directement la sensibilit personnelle de l crivain quitte bousculer un peu la posture conservatrice qu il affichait si volontiers Cette concordance entre l homme et l uvre ne se retrouvera pas propos d autres th mes politiques 86 m me la valorisation du respect des Russes envers les vaincus tel qu il appara t en tout cas dans le discours attribu un g n ral russe va dans le sens d une dignit accord e aux peuples se battant pour leur ind pendance Ne sont elles pas justifi es ces belles paroles prononc es par Skobeleff apr s la prise de Gh ok Tep lorsque les vaincus pouvaient craindre les repr sailles des vainqueurs Dans la politique de l Asie
358. ue de mani re assez ambivalente par le narrateur d un c t la modernisation est valoris e comme on l a vu dans le cas de la Chine et son caract re pratique est rappel mais de l autre elle sonne le glas d un certain pittoresque que regrette visiblement Claudius Bombarnac ne serait ce que parce que l exotisme est un atout pour ses reportages Cette h sitation entre deux visions de la modernit est tr s explicite dans la discussion entre le narrateur et Fulk Ephrinell d j cit e et au cours de laquelle Claudius Bombarnac d clare Avec les avantages de la ligne droite du railway nous perdons le pittoresque de la ligne courbe ou de la ligne bris e des grandes routes d autrefois Et tenez monsieur Ephrinell est ce que la lecture des r cits de voyage en Transcaucasie il y a quelque quarante ans n est pas faite pour vous laisser des regrets Verrai je un seul de ces villages habit s par les Cosaques la fois militaires et cultivateurs Assisterai je l un 273 Ibid p 108 274 Cit par Jean CHESNEAUX in Jules Verne Un regard sur le monde op cit p 110 275 Ibid p 119 Vers 1880 1890 le r ve vernien de domination de la nature par la science et le travail se d grade au contact de la violence des imp rialismes d tat et de la puissance de l argent 90 de ces divertissements qui charmaient le touriste ces djiquitovkas questres avec cavaliers debout sur leurs chevaux lan ant
359. ue est toujours d truite la fin et la soci t bourgeoise tablie sur ses bases idem p XX 145 CONCLUSION Une lecture de Claudius Bombarnac comme roman de la presse s av re assez d cevante notamment parce qu il n y a que peu d interactions entre le support de publication et le roman Le choix du Soleil appara t en effet comme peu appropri ce journal ressemble fort peu celui voqu dans le r cit Le XX Si cle l absence de reportage dans ses pages freine toute possibilit d cho entre le rez de chauss e et le reste de la publication Si le feuilleton avait paru dans Le Figaro ainsi que l auteur le souhaitait l effet aurait certainement t diff rent et la probl matique de la presse aurait vraisemblablement eu un impact plus important De plus la pr sentation du roman en tant que carnet d un reporter brouille l identit g n rique du texte ce qui est donn lire n est donc pas m me fictivement un travail achev de journaliste Le lien est donc difficile tablir entre le support et le contenu du roman Et si Claudius Bombarnac para t avoir plut t b n fici de sa publication en feuilleton laquelle a contribu dynamiser le texte les coupures cr ant des effets de suspense il n est pas un pur produit de la civilisation du journal dans la mesure o il a t livr achev au Soleil le texte n a pas t modifi pour s adapter son support ni pour tenir comp
360. ui voit une r volution des transports et plus g n ralement des communications bouleverser ses modes de vie et pour qui l impact des volutions techniques sur les mentalit s et les repr sentations est particuli rement sensible La perception de l espace volue tout au long du XIX si cle et une nouvelle compr hension de la mobilit vitesse vertige mouvement synonyme de modernit s op re conjointement la mise en place technique des images en mouvement La massification des m dias comme celle de l acc s aux transports au cours du XX si cle transforme les repr sentations L al atoire n en continue pas moins d irriguer tout un versant de la mobilit y compris motoris e via la p r grination r affirm e comme mode de d couverte des lieux des gens des paysages dans le road movie par exemple et perdure comme contrepoint la ma trise absolue du mouvement dirig et fonctionnel source d interrogations de critiques et producteurs de nouveaux imaginaires 2 Et Pierre Macherey de rappeler qu il ne faut donc pas pr senter l uvre de J Verne contre sa r alit m me comme inspir e par une sorte de manich isme h ro que la pose de l homme affront au chaos naturel Au contraire la nature est pr par e l aventure de sa transformation et l homme ne vit cette aventure qu la condition de se pr ter lui aussi ce mouvement qu il impose dans la mesure o il l accepte et le re oit en m
361. uis Jules Hetzel Les annonces qui ont commenc para tre dans le Soleil annonces vari es diable me prouvent que vous tes de retour Paris Il faut signaler que Jules Verne a tout lieu de se f liciter de l abondance de cette promotion parce qu titre de comparaison les autres feuilletons du Soleil sont moins bien trait s le feuilleton contemporain de Claudius Bombarnac Julia de Tr c ur d Octave Feuillet dont l auteur est pourtant de l Acad mie fran aise donc plus l gitime en tant qu crivain que Jules i A A 124 Verne est toujours annonc par le m me court paragraphe NOTRE PROCHAIN FEUILLETON Tr s prochainement le Soleil publiera en feuilleton JULIA DE TRECOEUR l mouvant et dramatique roman d OCTAVE FEUILLET Il faut maintenant voquer les conditions de publication du roman dans Le Soleil En ce qui concerne la pr sentation du feuilleton on peut en livrer une br ve description une livraison se compose de six colonnes de texte dont la premi re porte un chapeau qui mentionne feuilleton du SOLEIL du date du jour puis CLAUDIUS BOMBARNAC GRAND ROMAN IN DIT PAR JULES VERNE Avant le texte figure galement le num ro du chapitre du roman dont il est extrait si le chapitre a t commenc la veille le num ro s accompagne de la mention Suite En bas de la premi re colonne s par du roman par un trait et en petits caract res on peut lire la mise e
362. ules Verne moins toutefois sur le plan moral que sur celui de la connaissance dans la mesure o le savoir est dans le m me temps valoris et tourn en d rision Par ailleurs il convient d ajouter ces trois mod les narratifs principaux que sont le r cit de voyage le reportage et le roman en particulier le roman d aventures une quatri me influence plus diffuse mais non n gligeable celle des arts de la sc ne Motiv es en interne par la pr sence d un couple de com diens les Caterna qui partent rejoindre la troupe de th tre de la r sidence fran aise de Shanga en qualit de trial et de dugazon p 51 des r f rences pr cises et souvent obscures pour le lecteur contemporain pars ment le texte Dans son article consacr au r pertoire de ce bon M Caterna Robert Pourvoyeur d nombre vingt six citations th trales dont neuf tir es d uvres de th tre parl Le Fils de la Nuit Michel Strogoff Nana Sahib Les Pirates de la Savane La Closerie des Gen ts La Tour des Nesle Les Sonnettes Schamyl et dix sept de th tre 371 Lohengrin Miss Helyett Les Cloches de Corneville La Grande Duchesse de Gerolstein lyrique Le Ca d La Mascotte La Prise de P kin Le Mariage au tambour le Mariage aux lanternes La Dame blanche Norma Le Voyage en Chine Les Mousquetaires de la Reine Hayd e Freischi ts Si j tais roi Les Dragons de Villars Il signale que cette proportion correspond au go
363. un chasseur qui bat les broussailles avant de se mettre l aff t et implicite dans toutes les allusions son regard qui contribuent le caract riser comme pr dateur font galement signe vers un des fopo du roman d aventures La figure du m chant Faruskiar para t aussi assez caract ristique du genre Matthieu Letourneux montre en effet que les personnages n gatifs des romans d aventures sont souvent pour le h ros des figures fascinantes qui ont des projets d autant plus monstrueux qu ils ont mis leur intelligence exceptionnelle et leur savoir d homme civilis au service de leurs passions sauvages Mais le mouvement du roman d aventures vers un monde tiss d imaginaire romanesque et d intertextualit s rielle ainsi que ses rapports assez probl matiques la r f rentialit et la morale cadrent mal avec la logique du roman vernien qui s attache repr senter le monde dans une optique de divertissement mais aussi 365 Dont Matthieu Letourneux souligne d ailleurs qu elle s int gre parfaitement aux codes du genre 366 On rappellera que Faruskiar parle russe qu il accepte de servir de t moin pour le mariage de Fulk Ephrinell et d Horatia Bluett il est bien du c t d une certaine acculturation 367 Matthieu LETOURNEUX Le Roman d aventures op cit p 300 368 Matthieu Letourneux montre que le roman d aventures a surtout pour r f rence les autres textes du genre plut t que le monde
364. unnan avait appris qu un wagon contenant de l or et des pierres pr cieuses d une valeur norme faisait partie de ce train Et peut on s en tonner puisque les journaux m me ceux de Paris avaient publi ce fait divers depuis plusieurs jours Le roman propose une vision un peu brouill e de la presse parce que deux tendances semblent se faire face au discours assez corporatiste et attendu au regard des textes des v ritables reporters du narrateur qui exalte les vertus et les pratiques de sa profession r pond le scepticisme d un romancier qui a coeur de d voiler les m canismes d un genre savoir le reportage dans lequel il reconna t manifestement des strat gies propres la fiction La th matique de la presse est donc trait e avec une certaine ironie qui se manifeste par la tension entre les discours sur le journal et les m thodes du reporter telles qu elles sont voqu es dans le roman Malgr le caract re contradictoire de ces deux positions valorisation de la presse et scepticisme quant son fonctionnement la vraisemblance est toutefois sauve le texte tant pr sent comme un carnet de travail donc un document priv les confessions d un reporter qui y figurent paraissent moins tonnantes De plus la posture m liorative et la posture critique se rejoignent in fine dans leurs exigences vis vis de la presse elles r clament toutes deux du journal des productions de qualit sur le plan de l infor
365. ur soi p 22 223 On peut renvoyer la typologie des nationalismes en France la fin du XIX si cle tablie par Michel WINOCK dans le chapitre consacr l affaire Dreyfus et en particulier au paragraphe intitul La naissance du nationalisme in Serge BERNSTEIN et Michel WINOCK L Invention de la d mocratie 1789 1914 Paris Le Seuil 2008 69 Pour autant une fois l individu associ une cat gorie tout son comportement est lu selon ce prisme la personne tend dispara tre derri re le type comme le montre par exemple le fonctionnement de l anaphore le superbe seigneur Faruskiar Il para t troitement boutonn cet Oriental p 76 la reprise par un hyperonyme fait imm diatement du personnage le repr sentant d une cat gorie plus vaste Signalons toutefois que les types qui correspondent aux personnages importants du roman ne se limitent le plus souvent pas des caract ristiques nationales mais sont affin s par l ajout de pr cisions sur leur classe sociale leur degr d ducation en lieu et place de caract risation psychologique comme si cette derni re tait superflue et que l inscription dans une certaine cat gorie permettait de rendre compte de toute la personnalit Ces personnages m me les plus r currents sont d ailleurs des plus plats leur caract risation est en effet assez pauvre se contentant d attribuer une obsession chacun D autres st r otypes font r f rence
366. urs politiques MM H de K rohant Daniel Ren P Bosq R Fontenay A Rendu de Bonvilliers Critique litt raire Charles Canivet Chronique quotidienne Jean de Nivelles Les petites annonces 2 fr net la ligne sont re ues directement au bureau du journal Publie un suppl ment litt raire grand journal illustr en couleurs de 20 pages sous le titre de Soleil du dimanche vendu 10c 118 Voir sa lettre son diteur du 12 septembre 1890 in Correspondance in dite de Jules et Michel Verne avec l diteur Louis Jules Hetzel 1886 1914 op Cit p 131 119 Dans le manuscrit de 1890 conserv la biblioth que municipale de Nantes et consultable en ligne c est le nom du Figaro qui appara t en lieu et place de celui du XX Si cle dans tout le r cit 30 nombreux indices qui laissent deviner le Figaro sous le XX Si cle qui emploie Claudius Bombarnac auraient cr des effets d cho et de connivence assez amusants c Les conditions de publication dans le Soleil La publication du roman dans le Soleil est donc d cid e en ao t 1892 et elle d bute le 7 octobre de la m me ann e La pr diction de l diteur Hetzel qui crivait dans sa lettre du 29 ao t que le Soleil lance tr s bien ses feuilletons au lieu de se borner les ins rer se v rifie puisque d s le 24 septembre le journal fait en premi re page de la publicit pour Claudius Bombarnac Et jusqu au 7 octobre
367. us retiennent une heure et demie la station suivante Balla Ichem Cependant nous ne sommes pas encore arriv s la station de Gh ok Tep En ce moment des cris se font entendre au dehors Je me h te de sortir du fourgon dont je referme la porte Deux heures apr s le d part nous arrivons au train de pose ce train fameux qui peut abriter quinze cent hommes et s avance tous les jours d une tape vers l Orient Il est arr t devant nous et je compte trente quatre wagons savoir Quatre wagons deux tages pour les officiers en haut les brosseurs Un wagon salle manger pour les officiers Un wagon cuisine pour les officiers Trois wagons cuisine pour la troupe trois compagnies de deux hommes chacune Un wagon ambulance Un wagon t l graphe Un wagon force Un wagon vivres Un wagon r serve pour les boulons et les accessoires de pose n cessaires une longueur de 2 vertes Vingt wagons deux tages pour logement de la troupe et des ouvriers six cent soldats russes et trois cent terrassiers indig nes Suit un long d veloppement assez technique sur la taille des wagons le rythme des travaux 57 Edgar BOULANGIER Les Russes dans l Asie centrale et le chemin de fer transcaspien voyage Merv Paris Hachette 1888 p 78 58 Idem p 112 16 Il tait temps A peine suis je sur la plate forme que la logette s ouvre Popof en sort sans m avoir aper u p n tre dans le fourgon
368. usse de Vsevolodovitch Le Transib rien de Valentin de Gorloff Le probl me russo chinois de Philippe Lehaut Le Transsaharien et le Transcaspien d Edgar Boulangier en 1891 La question du Pamir de Philippe Lehaut ainsi que de nombreux articles sur la Russie et ses relations avec la France Le roman en reprenant et en transposant les informations de ces revues au sein de son intrigue semble poursuivre cette dynamique de diffusion du savoir qu il met la port e et la disposition d un nouveau public Sans qu il soit toujours ais de retrouver les sources exactes de Jules Verne on est assur que la documentation n a pas manqu au romancier gr ce toute une presse scientifique plus ou moins vulgarisatrice La modernit que th matise Claudius Bombarnac en insistant sur la pr sence de symboles tels que le train le t l graphe le p trole la bicyclette le lampadaire pourrait alors tre lue comme le signe du caract re tr s contemporain du roman Il serait alors l avatar litt raire d un mouvement plus global de d couverte de mise en valeur et d inscription dans la modernit de l Asie centrale dont la presse contemporaine se fait l cho En guise de conclusion au paragraphe il convient de d velopper bri vement le processus de r daction du roman de mani re montrer l application des m thodes de travail de l crivain ce cas pr cis m me si l angle d attaque du roman est plut t
369. uvais le type du Tra tre du m lodrame Les Pirates de la Savane p 123 peut appara tre comme un indice discr te de l identit du pr tendu administrateur de la compagnie du Grand Transasiatique D autres allusions sont simplement dr les par exemple quand M Caterna raconte qu il a jou le colonel de Mont clin de la Closerie des Gen ts en tenue d officier japonais p 124 Perpignan en province donc les lecteurs originels devaient percevoir le ridicule de ce choix de mise en sc ne la pi ce en est effet cens e se d rouler en milieu chouan Par ailleurs au sein du roman ces allusions au th tre ont une certaine importance dans la mesure o elles confortent l ancrage r f rentiel du texte Si elles peuvent para tre inattendues dans le cadre de l Asie centrale leur pr sence rappelle l importance voire la supr matie du th tre fran ais l tranger au XIX si cle ce qui conf re un certain caract re patriotiques toutes ces r f rences Toutefois cette repr sentation de la France patrie des arts et dont le prestige rayonne sur le monde est quelque peu contest e par l inculture notoire des Caterna Par ailleurs on peut se demander quel point le texte du roman n est pas redevable de certaines de ses caract ristiques au monde du spectacle on peut ainsi faire l hypoth se que l esth tique du coup de th tre qui se manifeste par l ouverture des 373 Marc SORIANO analyse d ailleurs les
370. ux brid s moujiks en tenue d migrants de pauvres diables enfin tendus sur les dr mes contre les parois le long des pr larts p 30 Cette mise en sc ne du pr sent assign e comme t che du reportage correspond d ailleurs un moment historique donn et une id ologie plus globale de la contemporan it Toutefois cette dynamique fonctionne assez mal dans Claudius Bombarnac car elle se heurte d une part au poids du mod le du r cit de voyage et aux contraintes didactiques qui tirent le r cit vers l intemporel ou le temps long et d autre part aux marques de l anticipation dans le roman qui rendent l ancrage temporel assez flou De plus la logique romanesques fait obstacle au mod le du reportage qui passe au second plan d s qu une intrigue se met en place Enfin le roman donne aussi un certain nombre d l ments sur la mise en r cit n cessaire au reportage Bien s r le reportage rend compte de ce que le reporter voit ce pourquoi le narrateur prend des notes pr cises sur les villes qu il visite de pr f rence en compagnie du guide averti qu est le major Nolitz mais les descriptions apparaissent comme une sorte de pis aller On remarque en effet que souvent lorsque le reporter se plaint de la monotonie du voyage le texte bascule dans une s quence descriptive par exemple Peu vari le paysage Toujours ce monotone d sert du Gobi avec les hauteurs des monts Humboldt sur la droite vers la
371. v rit moins pour emp cher les lecteurs d y croire que pour les laisser penser que certains se sont laiss s prendre au pi ge de la fiction selon les notes de Pierre Olivier BOUCHARD et Guillaume PINSON qui ont propos une dition critique num ris e du texte sur le site M dias19 34 Marie ve Th renty souligne en effet que le journal crit plusieurs mains est un lieu de polyphonie il peut par cons quent y avoir des carts assez importants entre le discours du journal qui n est pas unifi et celui du feuilleton in La Litt rature au quotidien Po tique journalistique au XIX si cle Paris Seuil Po tique 2007 10 Claudius Bombarnac est un roman d anticipation Enfin on interrogera la place de la presse en tant que th matique du roman et on mettra en vidence l hybridit g n rique du texte influenc par des genres m diatiques le reportage mais pas exclusivement le r cit est galement redevable des formes plus fictionnelles Ce travail sur la po tique du roman donnera voir certaines limites d un texte qui cherche renouveler les formes romanesques en les combinant d autres types de r cit I GEN SE DE L UVRE Beaucoup de traits de Claudius Bombarnac notamment dans le processus g n rique du roman permettent de le qualifier de produit de la civilisation du journal Les fr quentes d clarations de Jules Verne sur ses m thodes de travail insistent en particulier sur l import
372. ve mais c est parce que le r alisme est en elle seulement parcellaire erratique confin aux d tails et que le r cit le plus r aliste qu on puisse imaginer se d veloppe selon des voies irr alistes C est l ce que l on pourrait appeler l illusion r f rentielle La v rit de cette illusion est celle ci supprim de l nonciation r aliste titre de signifi de d notation le r el y revient titre de signifi de connotation car dans le moment m me o ces d tails sont r put s d noter directement le r el ils ne font rien d autre sans le dire que le signifier le barom tre de Flaubert la petite porte de Michelet ne disent finalement rien d autre que ceci nous sommes le r el c est la cat gorie du r el et non ses contenus contingents qui est alors signifi e autrement dit la carence m me du signifi au profit du seul r f rent devient le signifiant m me du r alisme il se produit un effet de r el fondement de ce vraisemblable inavou qui forme l esth tique de toutes les uvres courantes de la modernit In Communications 11 1968 pp 84 89 p 88 283 Il oppose en effet un vraisemblable ancien qui prend ses distances avec le r el pour faire sens au sein d une uvre litt raire ce vraisemblable moderne Ce nouveau vraisemblable est tr s diff rent de l ancien car il n est ni le 95 une certaine esth tique r aliste et l mergence de nouvelles modalit s de la repr sentation
373. voquant un reporter dans l exercice de ses fonctions le roman donne galement des informations sur la hi rarchie du narrateur ainsi que sur le journal qui l emploie Quoiqu ayant assez peu de contacts directs avec le monde de la presse la diff rence de nombre de grands crivains du XIX si cle comme Th ophile Gautier ou mile Zola Jules Verne n crit pas r guli rement pour un journal le romancier tait extr mement famillier des journaux comme produits finis Le journal voqu dans le roman est vraisemblablement pour partie inspir de v ritables titres de presse dont il s agira de mettre en vidence ce que l crivain retient On peut dans un premier temps s int resser ce que dit le roman du journal pour lequel travaille Claudius Bombarnac Le XX Si cle Rappelons avant toute chose qu il s agit d un titre de presse fictif dont le nom qui participe de la logique d anticipation de l uvre est manifestement calqu sur celui du XIX Si cle journal de tendance r publicaine fond en novembre 1871 dirig par Edmont About partir de 1872 et auquel ont collabor Guy de Maupassant qui livre un Salon en 1886 et Francisque Sarcey Le r cit donne assez peu d informations sur ce journal fictif il semble n anmoins qu il s agit d un titre assez ais il a les moyens d envoyer un reporter au loin et de le faire voyager en premi re classe dans un train dont les places sont co teuses D ailleurs le narrateur lui m me

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