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1. C C est une m taphore qui tient compte de la pression contextuelle provenant de l accumulation des livres des textes des journaux On est entour d une telle quantit de papier que cela produit ce qu on appelle en informatique du bruit Les messages se brouillent C est la Tour de Babel 158 voix et images J accumule beaucoup de coupures de journaux j imagine que je pourrais faire un livre avec cela la fois texte et manchette avec aussi des illustrations pour reproduire manifester cette Tour de Babel et aller chercher aussi par une sorte d effet de d paysement des jeux de si gnifications Si je prenais des coupures de journaux de 1969 1970 elles produiraient un effet de d paysement surtout si je les pla ais en contexte avec d autres elles prendraient une valeur r v latoire par rapport ces attitudes r flexes que l on a quand on lit des journaux De l on pourrait faire une critique pas une critique th orique pas un discours sur mais une critique immanente au texte Ce que j ai fait une fois c est de prendre une description des tortures que l on avait fait subir un pr tre anglo chilien sous le r gne de Pinochet et puis j ai mont cela avec une description que l on trouve chez les alchimistes de l uvre au noir Cela donne un sens totalement nouveau un fait d actualit par sa jux taposition un texte alchimique L effet voulu dans cette op ration c est une contagion Le cor
2. Paul Chamberland la po sie le v cu recherche et exp rimentation Caroline Bayard et Jack David Voix et Images vol 2 n 2 1976 p 155 172 Pour citer ce document utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 200051ar DOI 10 7202 200051ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al II a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 04 entrevue 155 Paul Chamberland la po sie le v cu recherche et exp rimentation C B Ton cheminement depuis 1962 est non seulement int ressant mais aussi plein de rebondissements Tu d butes avec Gen ses texte mythologique harmonique pou utiliser la formule de Philippe Haeck tu continues sur ta lanc e avec Terre Qu bec et L Af
3. bon il faut t ter le terrain J ai commenc parler de certains r ves les miens faire valoir la f condit du r ve pour la transformation du soi pour l expression du soi Puis les gens se sont mis raconter tel r ve qu ils jugeaient sans doute plus anodin Et finalement ce qui m a int ress c est que deux jours apr s ils racon 166 voix et images taient tous tr s facilement leurs r ves C est m me all jusqu au point o on r vait les uns des autres et je me suis rendu compte de la f con dit d un tel atelier B Tu mentionnes parfois les interdits que le po te doit affronter dans l int gralit de sa personne et de sa vie Pourrais tu en citer quelques uns C Dans l criture tous les interdits esth tiques C est un lieu commun maintenant de faire valoir la transgression II y a des modes de trans gression qui du reste tombent dans une recherche de la nouveaut pour la nouveaut C est curieux dire mais il subsiste en g n ral un interdit de la simplicit d abord parce qu il y a de fausses simplicit s qui finissent par renforcer les interdits La vraie simplicit s obtient comme un r sultat au bout d une asc se ou d une purification C B Et les interdits syntaxiques orthographiques C Oui surtout les interdits orthographiques Malgr le fait que l orthographe du fait de la pression culturelle se transforme en d bandade aujourd hui Pour d passer la question de l crit
4. peut tr s bien travailler dans l l mentaire B Mais il y a toujours un code un syst me de r f rence s mantique qui pr c de ou finit le po me id ogrammatique Tu n chappes pas une langue pr existante entrevue 161 P C Situ te sers uniquement de ces signes dont tout le monde conna t le sens si tu t en tiens uniquement aux signes connus circulation t l phone tu vites le syst me de r f rence au code verbal C B Tu te d finis comme un relai g n rateur de la communaut utopique venir Quel effet cette d finition a t elle eu sur ton criture P C C est une formule qui d finit tout simplement le lieu de mon criture Comme si la substance de ce que j cris tait en grande partie dict e partir du futur J entends ceci non dans un sens na f mais au sens de ce que le futur est r ellement dans le pr sent en tant que ten dances et possibilit s De sorte que l on puisse d velopper des anten nes qui permettent de capter dans le mouvement m me du pr sent les potentialit s qui pourront se d velopper dans le futur C est en grande partie l une des motivations profondes de mon criture Et aussi c est ce qui maintient ma volont critique de d molir les cha nes associatives les imprints neurologiques qui nous emp chent de per cevoir C est dans ce contexte l qu un syst me mental comme le marxisme lui aussi ne peut pas chapper ce travail de d capage de
5. y av it d autres modes d autres territoires Et que peut tre j avais acc s des territoires plus froids peut tre pourrais je appeller fra cheur ce froid l Le voir non pas comme un d faut mais comme une qualit sp cifique Et que cette fra cheur l est l enveloppe d un feu d une violence tr s grande Le volcan dans un verre de cristal Le volcan peut alimenter quelque chose de tr s sp cial En fin de compte je peux cr er une intimit fra che avec des gens dans une situation publique Mais c est encore tr s potentiel Je pourrai aller plus loin Cela rejoint la question de la p d rastie et travers elle ce que j appelle l isosexualit c est l image du Prince de Sexamour une sexualit ouverte orgiaque ce qui ne veut pas dire le climax seulement elle inclut la tendresse la caresse Mais dans la transparence Je me sens solaire plut t que lunaire Je place tout cela dans une ouverture totale dans la franchise abrupte brutale J D Tu parlais de Janis Joplin Tu cites aussi dans tes livres de nom breux chanteurs de rock Jim Morrison les Beatles Crosby Still and Nash Ressens tu le besoin d largir ton public comme Charlebois et Duguay P C J ai commenc prendre conscience que mon champ d influence mon champ d action n tait pas aussi large que celui de Charlebois ou de Duguay Peut tre va t il aller en s largissant Je n en sais rien Pour l instant il est plus restrein
6. P C Ce que je dirai maintenant pour ajouter cette formulation l c est que c est une science telle qu on peut l entendre par le mot gnose Un savoir qui implique une transformation de l tre Le mod le scientifique jusqu Einstein c tait le mod le des sciences physiques fond sur la s paration entre l observateur et le champ observ On a voulu faire la m me chose en sciences humaines C est une belle rigolade Et on peut voir dans quelle mesure Marx avait d j subverti ce mod le l Le mo d le scientifique un savoir rigoureux communicable qui n est pas de l ordre des sentiments un savoir op ratoire c est dire qui permet des transformations ne sera possible qu en fusionnant les deux d marches art et science En remettant tout ensemble en discernant les plans mais aussi en les conjuguant Sortir du logocentrisme du rationalisme est important L criture ne serait plus pratiqu e comme une fa on d obtenir des bons textes et de perp tuer une sorte de consommation bourgeoise des beaux arts mais par tout le monde des degr s divers comme un des modes de connaissance de soi m me On pourrait imaginer que chaque individu pendant une phase de sa vie pratiquerait l criture Et ce que je veux dire par l c est que chacun exp rimenterait l expression langagi re non pas n cessairement pour obtenir des r sultats esth tiques mais des produits qui le renseignent par feed back sur le processus en lui
7. grammes de tes perceptions de ce qui est au dedans de toi et sur la page tu me sembles tre leur fr re Les as tu jamais lus P C J ai constat des similitudes C est assez naturel que cela se pro duise parce que il y a la mise en place en Am rique du Nord d un nouveau mode de conscience d une nouvelle structure de l esprit Les Allemands ont une expression pour cela Zeitgeist travers le texte de Leary j ai senti que je vivais ce qu il vivait comme beaucoup d autres en Am rique et autour de la terre sans doute J tais branch un centre qui nous activait qui tait r ellement l auteur Quand j ai d cid de faire cette photo sur la couverture de Demain les dieux na ftront c tait pour signifier je suis un scribe c est la posture des scribes gyptiens Je ne suis pas auteur mais secr taire Le secr taire doit avoir un bon ins trument Pouvoir crire avec un maximum de richesse Donc une ap propriation de son mat riau L art au sens essentiel du terme c est l art au sens que les constructeurs de cath drales taient des artistes finalement Pas dans le sens d une petite propri t bourgeoise d un ter ritoire original mais une appropriation individu e Ce n est pas le r alisme socialiste J D Lorsque tu te sens un v hicule un instrument pour les autres et pour ce qui te traverse au moment m me o tu cris te sens tu capable ou m me en train de changer ce qui te p n tre P C Je pourr
8. acun vit sa singularit ro tique sa singularit d tre de d sir et se retrouve semblable dans l au tre alors il n y a plus qu une seule sexualit qui se manifeste d autant de fa ons qu il y a d individus et de relations Toutes les formes commu niquent entre elles Je pourrais renvoyer au texte de Fournier le Nou veau Monde amoureux Ce qui est d cisif pour moi l dedans c est qu il en va de ma propre vie J ai horreur de la clandestinit de l hypocrisie Je me sens totalement tranger au monde de Jean Genet par exemple et ce n est pas l une condamnation mais une constatation Ma trajectoire c est d ouvrir de plus en plus et cela correspond au personnage du Prince de Sexamour un territoire de cr ativit dans l rotisme en participation avec tous les autres Si je n y r ussis pas j ai l impression que mon quilibre va tre compromis Ce que j prouverais l ce serait comme un refus de ma nature elle m me L criture ne m appara trait plus que comme une com pensation B Tu dis aussi je me sers de l criture en homme de science je formule des hypoth ses je hasarde des th or mes j enregistre des ora cles je traite de concepts je fixe la trame de la conscience je cherche entrevue 169 tirer les enc phalogrammes les plus pr cis de la performance linguis tique de mon cerveau D finirais tu une certaine po sie actuelle et la po sie venir comme une uvre de science
9. ai dire que ce n est jamais tranch en pratique Cette source l c est le Soi J ai eu une vision d j de cela Mon ego ne doit pas dispara tre S il n y a plus d ego le soi ne pourra plus se manifester il ny aura plus d instrument Donc ainsi que les mystiques islamiques ont d velopp cela je suis le t moin C est dire que Dieu se regarde et se fait tre travers moi Pour reprendre leurs termes je suis Dieu je renvoie un reflet Dieu je suis l il travers lequel Dieu se regarde ce moment l ma densit propre doit tre compl tement d velopp e II n y a pas de pertes Et en m me temps je suis l une des radiations de ce soleil l C est une vision paradoxale je l ai eue un jour Je voyais un soleil cen tral extraordinairement brillant et j tais comme un mouvement de vi bration la p riph rie de ce soleil l mais ce soleil l n tait pas ailleurs qu au centre de moi De sorte qu il tait le centre pour tout le monde qui le percevait comme leur centre il y avait une sorte de boucle ce moment l je me suis dit et c est la question de l art et de la fid lit je ne dois pas tre angoiss je dois tre le plus disponible possible C est s r que je suis un interpr te et c est normal Il se sert de diff rents interpr tes je transmets et s il y a des t tonnements des erreurs des impr cisions cela fait partie du message mais le message se corrige continuellement lui m me Telle e
10. aintenant de relations g n rales entre des enfants et des adultes chatouiller par exemple en soi cela fait partie des jeux rotiques et cela a l air de se d rouler tr s naturellement mais en fait il y a l des bloquages des n uds L ventail d une communication totale n est pas tabli Le fait de l avoir v cu dans une situation o ces hang ups l n exis taient plus me l a montr pr cis ment Souvent c est une autre forme subtile pour maintenir l interdit on r duit les choses en disant oh oui c est un go t particulier la p d rastie ma foi n est qu un go t parti culier c est subtil parce que la question n est pas l cela n est ni faux ni vrai mais en disant cela on r duit la p d rastie la singularit Je dirai que si chacun est totalement lui m me et chaque relation totale ment elle m me comme je l ai constat maintes fois c est dr lement 168 voix et images un go t particulier ce que peuvent alors vivre un homme et une femme entre eux Cette situation l h t rosexuelle et monogame entre deux adultes ce que l on voit c est le mod le on ne se rend pas compte de la richesse de perversions qu un homme et une femme peuvent vivre dans leur relation J ai vu des tres autour de moi je pense deux couples en particulier qui vivent totalement leur relation et comme je la vis par symbiose avec eux on se rend compte qu ils inventent Dire que la p d rastie
11. ble dans l homosexualit le butch par exemple Mais l enfant en partant est compl tement r fractaire cela C est formidable tout ce qu il faut pour dresser un enfant L interdiction d une v ritable communi cation rotique amoureuse entre un adulte et un enfant elle se passe de toute fa on toutes les m res aimantes sont p d rastes quand elles aiment leur propre enfant et c est finalement ce qui rend un tre affec tueux et chaleureux mais comme cela est prot g par le code familial les apparences sont sauves Certains contextes permissifs m ont permis de vivre des choses que je n avais m me pas entrevues Si l enfant tablit un rapport g n ral avec l aduite qui consiste dans ce qu on appelle l imitation une appropria tion en quelque sorte de ce que l adulte vit et que l adulte r ponde cette demande dans une perspective non autoritaire de r ciprocit et qu on se rende compte que comme base de p dagogie c est la fois quelque chose de tr s simple et de tr s efficace je ne vois pas pourquoi lorsqu on arrive au niveau de la sexualit de la communication roti que cela cesserait d tre vrai Mais ce qui est tr s d licat c est com ment op rer avancer l dedans Il y a cependant des r gles tr s simples qui suppriment des complexit s inutiles II faut se laisser guider par l enfant Ce qui est fascinant un moment donn c est comment un mode tr s nettement rotique pour moi en transparence m
12. comme entraves et r tr cissements Une fois lanc dans ce mouvement l il faut tre extr mement prudent C B Comme un explorateur en terre inconnue P C Oui un explorateur est prudent cause du terrain L c est la m me chose C est aussi vrai dans le domaine de la vie elle m me dans 162 voix et images nos relations o on peut entrer en conflit avec l ordre des valeurs l ordre l gal policier Ii faut tenir compte de la r pression possible La prudence s impose galement au niveau du corps Il ne faut pas se d truire et g cher le travail C est un peu comme la pratique de la schi zophr nie ou de la parano a mais en les renversant en choisissant d en faire ce que j appelle une m tano a No a connaissance La para no a est l l ment type de la situation moderne urbaine comme Bur roughs l a explor en d tail de fa on rigoureuse et clatante Mais en tant m tano aque schizophr ne exp rimental on peut tre en m me temps un auto th rapeute un militant du bonheur dans le domai ne de l exp rience en s associant chaque fois que c est possible des compagnons chercheurs les dangers de se faire enfermer en soi m me peuvent tre vit s C est donc sur un fond d audace dans la confiance que l explorateur se lance en assumant avant de partir la possibilit d y rester On ne peut pas jouer et tirer son pingle du jeu en m me temps L criture pour moi et c est une des g
13. de papier eux m mes mais qui seront conserv s comme r activables pour le go t et le besoin des hommes futurs Peu de chose J ai du mal imaginer dans l avenir des arm es de sp cialistes tels qu on les connait aujourd hui 160 voix et images fouillant tel secteur de la litt rature de la fin du XX si cle J ai beaucoup de mal imaginer cela Peut tre restera t il la milli me partie de ce qui s est crit et peut tre ce milli me sera t il refondu dans une sorte d uvre comparable celle d Hom re Laquelle est quand m me le r sultat d une fusion de traditions orales de la soci t ach enne Ce sont des images comme celles l qui me viennent Mon sentiment est aussi que nos langues actuelles non seulement le fran ais mais l anglais aussi n ont pas beaucoup de temps vivre Il va y avoir un bouleversement linguistique et elles deviendront des langues mortes Je pense que peut tre m me le langage l crit auront un autre statut beaucoup plus subordonn beaucoup plus secondaire que maintenant Du point de vue de la civilisation ce qui me fascine c est que l criture par exemple ses d buts tait un moyen de communication sacr uti lis dans un contexte d initiation comme v hicule entre initi s L criture a t la base du pouvoir du pouvoir royal pharaonique la masse tant analphab te Aujourd hui tout le monde est alphab tis Cela nous fait beaucoup illu sion Nou
14. dissolution I y a tout un syst me mental cr e au XIX si cle qui bien videmment en lui m me et par son auteur implique des antennes puissantes Mais le texte marxiste travers tous les textes produits partir de lui s est fossilis Il faudra qu il soit secou comme les autres d cap C est la situation m me de la th orie qui est en cause C B Tu con ois le marxisme comme une th orie plus que comme la mise en pratique d un mode d emploi P C Oui le marxisme est une th orie au sens pr cis du terme une th orie du monde r cent Ce qui n est pas quelque chose qui se d molit ais ment Il s agit d ailleurs d en r cup rer le noyau pour le porter plus loin Ma d marche n est pas une r futation elle n a rien voir avec une argumentation elle se situe au niveau d une transformation Je ne suis pas anti marxiste mais post marxiste Je me trouve dans une situation de post marxisme Ce qui ne veut pas dire que je parviens l tre de fa on satisfaisante a c est une autre paire de manches Entre affirmer des intentions et pouvoir les r aliser il y a toute une marge Quels sont les crit res au nom desquels on pourrait valuer un travail post marxiste n y a ni points de rep re ni consensus mais des cher cheurs isol s qui ne peuvent m me pas se communiquer leurs recher ches de fa on satisfaisante Il faut tre r solument audacieux pour rom pre avec ce qu on sent tr s bien
15. ers tout le mod le bourgeois et c est en connaissance de cause que je le romps Cet interdit il faut le vivre dans la solitude en essayant de rompre avec le ressentiment l amertume l agressivit la rage que la soci t cr e chez le d viant Cela c est le premier point Parce que cela vous entra ne vers des modes de transgression qui sont ali n s eux aussi Vous devenez semblable l image monstrueuse qu on plaque sur vous l image du child molester Duvert est tr s net l dessus Il d mystifie l image en entrevue 167 donnant des statistiques tr s pr cises les enfants brutalis s ou as sassin s par des child molesters gt si on compare cela aux enfants mal trait s ou viol s par leurs propres parents c est vraiment tr s dispro portionn Ensuite la structure paradoxale de l interdit consiste en ce que l image du monstre est charg e de masquer son contraire parce que ce qui est interdit c est la tendresse Cela s applique d autres univers et d autres interdits mais particuli rement au monde homosexuel Le grand interdit dans cet univers c est la tendresse Le c ur de l interdit c est ce qui serait la chose du monde le moins interdire Quel est ce paradoxe C est tous implement l crasement de la sexualit infantile Parce qu il s agit de cr er un bloc occidental chauviniste m le et bien connu On est viss dans son r le et le r le consiste r cup rer ce qui est r cup ra
16. est vrai il dit je l ai v rifi prouv v cu I faut qu il y ait la marque individuelle l originalit du sentiment de l imagination de la pens e Je suis toujours fascin par les gens avec qui je vis C est assez fr quent qu on entende ce qu ils disent et qu on l crive cela fait des po mes ex traordinaires ou un aphorisme extraordinaire B Est ce qu avec la calligraphie tu essaies pr cis ment de transmettre ce syst me de perception et de notation de voix diff rentes qui parlent diff rents moments C La calligraphie est le niveau d quivalence de cette vari t La cal ligraphie est le dispositif qui permet de le faire Comme une st r o criture Elle comporte cet l ment de l individualit j y ai t je ne parle pas en l air je parle de ce que je sais Comme l explorateur qui dit j y ai t Mais de plus en plus de gens peuvent y aller Une calligraphie c est finalement une graphie et jamais deux graphies ne seront semblables C est le caract re d imprimerie qui arrive tre propre chacun La potentialit de ce moyen l m a toujours beaucoup motiv Si tout le monde se mettait calligraphier non pas que je dise qu on doive faire cela chacun signerait ainsi son livre J ai un peu le sen timent que je pourrais m abstenir de signer mes livres La calligraphie est une signature en elle m me Il y aurait ce paradoxe de l anonyme et de l individuel qui surgirait II y a une poq
17. est un go t particulier c est ne rien dire du tout Je pense que la p d rastie est un go t g n ral Je veux dire par l qu une communication affective et rotique entre l enfant et l adulte me parait tre une n cessit de l esp ce celle de l amour que l esp ce a pour ses petits Si la communication avec l enfant est totalement assu m e en termes rotiques comme dans d autres termes ce moment l ce qui se passe c est une sorte de re fusion entre l enfant et l adulte ce qui est mis en circulation et casse les moules bourgeois autoritaires c est que l enfant ressuscite chez l adulte et que l adulte transform par l enfant prend une allure totalement nouvelle pour l enfant Chez ce der nier cela active un adulte Cela correspond ce que j appelle l homme enfant en puissance chez l un aussi bien que chez l autre Un aspect fondamental de mon combat se situe l Mon uvre est l dedans au moins autant que dans l criture ou dans le mode d exp rimentation de la vie communale Je me sens un cr ateur aussi forte ment dans l rotisme que dans l criture Ce qui est terrible c est que jusqu maintenant j tais dans une situation parano aque telle que je ne pouvais pas me manifester Cela commence changer Je peux me manifester aupr s de plus en plus de gens qui sont amen s vivre leur recherche sur le plan de leur propre sexualit je me suis forg le con cept un peu barbare d isosexualit ch
18. ficheur hurle textes historiques catastrophiques toujours selon Haeck Quelle direction prends tu partir de clats de la pierre noire d o re jaillit ma vie et Demain les dieux na tront P C clats de la pierre noire ce sont des po mes de 1969 1970 a me para t toujours tre une sorte de moment de transition entre ce qui est avant et ce qui va suivre Parce que d j dans ces textes l je l explique la fin du livre c est comme la fin d un cycle un cycle apr s lequel j arr te d crire Mais c est tr s difficile d finir exactement les ruptures les re d parts ce qui va suivre dans quelle direction petit rire Je ne sais pas Ce qui a pr c d clats me para t comme un pr ambule Un moment pr c dant ce qui est manifest dans Demain les dieux na tront Comme si la pr paration tait un pronostic Mais ce point de vue n est pas n cessairement objectif Quant la teneur ce qu il y a d existant en soi dans le livre il me semble qu on pourrait peut tre utiliser une image pour comparer mes deux phases Jusqu clats c est comme si le Qu bec tait le champ o mon imagination et ma pens e s exer aient Avec la terre du Tiers Monde le paysage de ia d colonisation avec tous les mouvements toutes les luttes des ann es 60 Apr s deux ans de s jour en France commence cette p riode de ma vie o j ai crit clats Alors se pr pare s accomplit ce silence cette obscuri
19. ils tr s r ceptifs tes perceptions sur la mat rialit du texte C l universit ou au niveau de l cole secondaire C B Aux deux niveaux C Pas toujours Certains oui Pour moi c tait un mode de lib ration de lib ration jusqu au niveau musculaire cause des conditionnements de l criture jusque dans le corps Tr s souvent des gens se sont mis prendre des feuilles normes et barbouiller crire de toutes sortes de fa ons Mais la plupart du temps ce qui se produisait c est que les gens prouvaient le besoin de se mettre parler C tait davantage sur le plan oral que graphique que les choses prenaient de l ampleur Cela m a frapp Mais j ai rencontr mes limites j tais moins pr t que je ne pensais Duguay tait beaucoup plus apte entra ner des gens dans une exploration de la musculature vocale C B De toute fa on il est nettement le po te de l oralit C Oui Cela s est pass assez souvent la fin Nos exp riences se sont rapproch es de celles du centre Essalem en Californie qui fait des exp riences avec le corps la voix les sens On a fait des choses int ressantes en improvisant beaucoup Vers la fin particuli rement on s est lanc dans l exploitation des r ves Je me souviendrai toujours d un atelier de r ves que j avais form C tait un groupe assez large huit ou dix personnes La plupart disaient non je ne veux pas raconter mes r ves Je me suis dis
20. is dite parl e chant e B Tu t apparentes ces tentatives P C J y ai particip ma fa on parce qu on a eu beaucoup d autres nuits de la po sie apr s la premi re beaucoup de shows de po sie auxquels j ai particip assez r guli rement Dans des coll ges des caf s des bo tes J aime assez le faire et puisque j ai le go t de le faire je comprends toujours d une fois l autre quelle n cessit profonde cela correspond C est par cela qu une certaine identification qu une pr sence celle de la po sie de la vie du processus m me de la vie peut tre r anim e dans une lecture un show Cela permet un con tact direct avec les autres avec des gens qui coutent Tu sens un feedback s tablir Cela t alimente te permet de rentrer en contact avec la source On s imagine que c est seulement dans une sorte de grand silence de solitude qu on va trouver la source Mais on la trouve aussi dans une situation de communion C est galement vrai B Dans clats ce qui frappe le lecteur non averti mais sensible tout de m me la visualit d un texte c est la typographie Tout coup tu te mets utiliser des espaces blancs des vides de l italique des capitales tu brises les mots scinde le m tre Quelles ont t les tapes de cette typographie expressionniste Qu est ce qui s est pass avant clats et de quel besoin est n ce changement C Ce qui me frappe qua
21. nd compte que quand on pense ou que l on crit ce grand texte l agit toujours dans notre texte Alors je me dis c est assez naturel logique coh rent de reproduire le processus dans notre criture J ai t fascin par le livre de Norman O Brown Body s love qui est fait d une quantit incroyable de citations qu il d coupe litt ralement et int gre dans le texte C est un des exemples les plus vidents de ce processus l et c est dans un ouvrage o ce genre est habituellement peu utilis On attendrait plus cela en po sie par exemple B Tu crois que cela d clenche chez le lecteur un processus li la r flexion ou aux sensations C Tout d pend quel niveau cela joue Parce que si on utilise des d coupages de journaux c est peut tre plus au niveau des sensations c est moins conceptuel Parfois cela peut se manifester au niveau de m mes mots que l on peut retrouver dans une citation Le mot appar tient deux contextes diff rents alors on obtient un jeu m taphorique Pour moi l l ment qui entre en ligne de compte l dedans c est le d placement constant des sens le jeu des connotations Un des effets que cela peut produire est une sorte de destruction de cha nes associa tives r flexes chez le lecteur et en m me temps la cr ation d un canevas o se r g n re un nouveau sens B Le collage est alors en quelque sorte une nouvelle m taphore une m taphore r volutionnaire
22. nd je pense cette p riode l c est le go t de plus en plus prononc de la mat rialit du texte Un go t qui va se re porter presque totalement sur la calligraphie Le livre devient un objet et je veux prendre contr le de tout ce qui constitue le m dium enrichir multiplier les ressources du message Tout cela s est fait spontan ment est n d un besoin spontan C est un travail qui s est d roul de lui entrevue 157 m me pour produire une unit entre la mat rialit du texte et tous les niveaux de la signification C B Y a t il eu des tapes qui ont pr c d clats C Dans l Inavouable qui est une uvre simple et classique il y a tout de m me des l ments qui annoncent Eclats mais ils sont tr s minces B Dans une section d clats sous titr e la Pyramide de Ch ops tu adoptes une approche stylistique comparable celle de Bissett celle du collage montage de textes dont l origine est tr s diff rente Rimbaud Spinoza Ren Vailland des extraits de ton journal Quel effet cherchais tu produire sur le lecteur C Un effet qui tait produit sur moi et qui s est d velopp ensuite Il y a ce que j appelle le grand texte fait de tous les textes de tout ce que l on peut lire J ai voulu tablir un r seau m taphorique entre des textes qui peuvent tre divers pour les faire se r pondre les uns aux au tres et finalement si on observe le processus on se re
23. omme l criture automatique il me semble que ce qu il reste de ces th ories sur l criture automatique sur cette question voir le texte de Breton dans Point du jour ce sont les limites et m me l impossibilit de l criture automatique en fin de compte Je lisais aussi chez lui on a fait des plagiats d criture automatique Mais comment peut on plagier l cri ture automatique Comment peut on faire de la fausse criture auto matique qui ressemble la vraie Il fait remarquer un moment donn que quand on se lance dans l criture automatique il y a un second filet de texte qui intervient qu est ce qui arrive Il y a les images qu ont engendr es les mots qui viennent d tre dits et qui ont suscit de nouvelles images Je cherche saisir la pens e le sentiment de l image tels qu ils se font sans jamais les forcer C B Tu cites Herm s gypte gypte il ne restera de toi que fables incroyables et rien ne durera de toi que des mots taill s dans la pierre As tu parfois l impression qu il en sera de m me avec les textes crits en ce moment au Qu bec P C Oui non seulement au Qu bec mais aussi sur la terre il n en res tera rien J ai le pressentiment profond que tout cela passera au feu C est une vision apocalyptique pas une pr diction un pressentiment On pourrait aussi r pondre d une autre fa on Malgr la disparition mat rielle de tous ces textes il restera les monuments
24. ps tortur du XX si cle est introduit comme une immense uvre au noir autour de la terre Le fait des textes dans l histoire au lieu de tout recr er soi m me cela peut avoir quelque chose de plus puissant cela renvoie le lecteur au grand texte qui est autour de lui B Est ce que les profonds bouleversements de ton texte d clats ont t pr c d s ou pr par s ou suscit s m me inconsciemment par cer taines lectures C Andr Breton oui et aussi des lectures tr s suivies en linguistique et en s miologie cela a eu des r percussions sur les relations que j avais avec la forme du texte Tel Quel et Derrida ont aussi compt pour moi B Ont ils chang la vision que tu avais de ton propre texte C Oui et aussi le processus de la production textuelle ce moment l je lisais peu de litt rature proprement dite romans ou po mes J tais davantage pris par une perspective philosophique Althusser et Freud en particulier j ai lu son Interpr tation des r ves ou linguistique et critique avec Derrida C est vraiment ce qui a t d terminant J ai m me pens tudier avec Chomsky La d marche scientifique d Althusser appliqu e aux sciences humaines cela m a s duit Foucault aussi et toute cette question de l pist mologie des sciences humaines B Comment ces linguistes et s mioticiens ont ils modifi le sens de ta production C ls ont pr cis ma vision mat rialis
25. r un flash assimilable par un grand nombre ce qui est tr s bon Cela va op rer dans une tr s large audience et les gens vont se mettre changer en cons quence J ai le sentiment moi d arriver dans un territoire ouvert par Charlebois et d autres Je sais que l Charlebois est pass puis que Duguay est pass avec quelque chose de plus labor du reste de plus complexe Je vais passer moi m me et op rer d autres changements au niveau du m dium du po me C est comme si le terrain avait t travaill et j entre avec plus de profondeur dans ce terrain Je vois ceci comme une compl mentarit dans le travail Un autre que moi arrivera apr s moi avec quelque chose d encore plus complexe et des allers et retours entre cela probablement Je ne suis pas aussi populaire que Charlebois Je n ai pas de chansons dans un juke box Le travail se fait aussi au niveau du juke box Je ne vois pas de scission mais des niveaux dans une m me affaire Interview r alis e par Caroline Bayard University of or et Jack David York University Toronto le 12 mars 1976
26. randes diff rences par rapport au pass l criture est elle m me une uvre Je prends l expression classique ce qui d une part n enl ve absolument rien la rigueur la passion mais implique que je ne peux crire que si je vis exp rimente agis dans un champ humain qui lui est au centre Quelle que soit la diff rence de style de forme tous les textes que j cris sont des rapports de laboratoire et la chose est d autant plus vidente que si j cris mon mode de vie depuis sept ans c est le mode de vie communal Aller choisir de vivre en commune avec des enfants dans un contexte d exp rimentation tr s grand pour consacrer sa vie l criture on ne pourrait premi re vue choisir de pire moyen Ma vie n est pas fond e sur l criture comme priorit Mais ce qui se passe c est que le mouvement de l criture reste aussi fort mais il ne serait pas ce qu il est et les textes non plus ne seraient pas ce qu ils sont si je ne vivais pas ce que je vis qui a tellement l air de m emp cher d crire C est une con tradiction mais une contradiction f conde J cris par fragments l y a toujours un c t plus ou moins inachev dans mes textes Un c t b cl rapide Mais de toute fa on pour moi la notation rapide est parfois le genre le plus rigoureux utiliser Si je regarde aussi dans la production anglophone au hasard des revues USA et Canada je vois des similitudes de fonctionnement C B Jadis
27. rreur tel moment sera corrig e entrevue 171 ensuite ii ne faut pas souffrir de tensions continueiles tel moment je transmets ceci c est parfait c est bien c est comme cela J ai juste continuer m affiner comme instrument Parce que c est le haut point jamais je n arriverai dire j ai la v rit la voil Dieu vous le dit Puisque je n arriverai jamais faire cela pourquoi serais je anxieux coupable de faire une erreur De toute fa on dans l ordre de la manifestation tout ne proc de que par erreur Compenser corriger Cela permet une sorte de gratuit de spontan it dans le mouvement de d tente Puis qu on a confiance dans le Grand feed back J D Lorsque tu donnes un r cital de po sie sens tu une relation rotique se d velopper entre toi et ton public P C Pas tout le temps mais il s tablit une chaleur magn tique parfois et je me sens tr s r ceptif C est comme si ce que je dis tait recr ce moment l tait retransmis Comme si les mots taient purement un support un flot venant de le langue universelle pour utiliser l expression de Rimbaud qui passe ce moment l Mais comme au d part je ne suis pas un personnage chaud hot cela n atteint pas l irtensit l clatement sauf une fois qu a illustr au maximum une Janis Joplin un moment donn je me sentais inf rioris puis j ai graduellement constat que si Janis Joplin tait n cessaire par contre il
28. s interrogations leurs angoisses cause du nouveau programme cadre de fran ais Cela a t une exp rience tr s int ressante La cr ativit dans l criture est devenue un mode d apprentissage Apprentissage de soi m me un mode de communication avec les autres un apprentissage des ressour ces p dagogiques face l apprentissage de la langue C est ma com mune qui m a fait interrompre cette exp rience l parce qu elle a absor b mes nergies v 0O T au entrevue 165 B quel moment as tu interrompu tes activit s avec la Fabrike d kriture C Vers la fin de 1973 De nouveau cela m arrive d y penser J ai envie d en refaire B Avec des enfants C Oui j aimerais beaucoup en faire avec des enfants et des adultes dans le contexte de l enseignement Mais je ne sais pas si les choses ont volu pour que je trouve une situation plus favorable Tout le cloisonnement du monde scolaire tait touffant par exemple les difficult s pour trouver un local On tait compartiment du point de vue de l horaire Et puis aussi tout retombait dans le vide les gens se retrouvaient dans leur contexte habituel et tout le profit s il n tait pas compl tement perdu tait bien r tr ci Cela a cr une sorte d amertume Je me suis dit ce moment l n est ce pas peine perdue C est quand m me attristant tout d un coup de constater cela B Les tudiants les l ves taient
29. s sommes aussi analphab tes que les masses l taient l po que pharaonique car ce qui compte c est la communication lectroni que La ma trise des ordinateurs et du code lectronique joue le r le que l criture jouait dans le syst me pharaonique Est ce qu une conceptualisation lectronique va sortir de l avenir Je n en sais rien Un autre ph nom ne de civilisation qui m attire qui est en train de se r pandre autour de la terre c est le langage id ogramma tique fond une fois de plus de nouveau sur le visuel et non plus sur le phon tisme C est un langage qui op re un niveau l mentaire comme le langage du code de la route ou celui des modes d emploi Le langage id ogrammatique est en train de se d velopper et de se r pan dre Comme celui du code Michelin les s mioticiens ont tudi cela C est une langue silencieuse une langue internationale qui est en train de se cr er Par l id ogramme tous les peuples de la terre se compren dront m me si leurs langages phon tiques sont diff rents Quel essor cela prendra Je n en sais rien Mais pourtant c est d j en progression On pourrait d j imaginer des livres faits partir de cette id ographie On pourrait faire des po mes dont le registre s mantique serait encore assez l mentaire videmment B Les Br siliens en ont d j fait les Japonais aussi P C Ils ne seraient pas d nu s de po sie de force po tique La po sie
30. sur son fonctionnement dans son imagination et dans son langage Certains passeraient vite parce qu ils obtiendraient finalement des r sultats aussi satisfaisants par d autres fa ons Certains pourraient arriver garder cela comme un fonctionne ment tr s profitable et on pourrait ce moment l les appeller des crivains Mais il serait entendu qu tre crivain ce ne serait qu une des fa ons d tre ce type de chercheur et de gnostique Un rang aujour d hui un peu myst rieux privil gi renvers souvent d ailleurs par le m pris Voil ce que je vois au niveau de l criture Cela se conjugue l exploration du r ve Ce sont des choses qui sont d j sues C B Tu as dit Du po me l acte po tique tout est r inventer Quel est ce tout P C Je pense que c est r inventer la terre l esp ce humaine Mettre sur pied une cologie syntaxique Une cologie de notre rapport la na ture nous m mes tribale en somme Le tenter par classe par groupes du style commune ou dans un r seau de compagnons chercheurs Selon les circonstances les rencontres les v nements C est un tout qu il s agit de percevoir Tout est dans tout C est la for mule des gnostiques C B Celle de Raoul aussi 170 voix et images P C Oui celle de Raoul aussi J D Les po tes am ricains de Black Mountain Creeley Olson parlent souvent de leur lecture de l univers Lorsque tu parles d enc phalo
31. t Avant c tait le Qu bec Aujourd hui c est la Terre Avant c tait Terre Qu bec maintenant c est K b k Terre Comme si le mouvement qui au paravant allait de la Terre vers le Qu bec allait maintenant du Qu bec vers la Terre Tout le mouvement qu on a appel contre culture ou nouvelle culture pour moi ce sont des tiquettes videmment 156 voix et images constitue le champ ouvert de toutes ces transformations un mouve ment auquel je me sens participer profond ment B Dans le tableau d ensemble de la litt rature qu b coise contem poraine entre les valeurs s rieuses et s res des ann es 60 Miron Lalonde Paul Marie Lapointe et les exp rimentateurs les r volution naires de la syntaxe Brossard Beaulieu et les visionnaires du son Duguay o te situes tu C Je me sens proche de Raoul depuis longtemps J ai vu son propre d veloppement C est une vidence qu entre nos manifestations existent des diff rences normes Mais il y a une communaut d inspiration de pens e entre lui et moi Sauf peut tre l aspect show spectacle Par nature je suis beaucoup moins spectaculaire que Duguay M me s il y a des ressemblances de go t et de m urs entre nous depuis la fin des ann es 60 C est depuis le d but des ann es 70 on pourrait d ailleurs choisir la Nuit de la po sie comme point de d part que la po sie de vient po sie grand spectacle non seulement lue ma
32. t m me s il d passe les limites d un milieu sp cialis litt raire Parce qu il atteint beaucoup de jeunes et des jeunes qui ne sont pas sp cialement plong s dans la litt rature 172 voix et images Mon m dium d passe effectivement les moules de la litt rature traditionnelle Je pense c est l image que j en ai Souvent que par mes livres ou un show un journal j ai un champ d action Je me prom ne dans la soci t parall le la soci t alternative Et au Qu bec actuellement je suis connu en fonction de ce r seau l Mes articles dans Mainmise m ont permis cette esp ce de d veloppement C est toujours chaque fois l individu que j atteins J ai remarqu ceci que dans une situation de groupe c est individu par individu que j atteins les gens Comme si j tais l pour favoriser la diff rence individuelle Et c est ce qui se passe au niveau de l audience Dans les t moignages que j ai eus ce sont toujours des gens qui se sont aliment s de mes textes dans un contexte chercheur de th rapie de changement de re cherche d exp rimentation et finalement se r alise graduellement ce qui tait dans mes intentions Communiquer d velopper la communi cation entre les compagnons chercheurs Il subsiste une certaine difficult un certain travail fournir pour la compr hension de mes textes ll ne s agit pas vraiment de divertisse ment Une chanson de Charlebois va op rer un travail pa
33. te du texte Du texte qui se fait lis m ont donn le sens de l arbitraire du fonctionnement textuel B L utilisation de caract res d imprimerie verts la fin d clats m a int ress e As tu encore envie d exp rimenter avec des couleurs entrevue 159 P C J en aurais bien le go t mais le probl me c est que c est assez co teux Ce sont les conditions de production qui limitent les exp rimentations Mais je ne suis pas aussi attir par les couleurs que par les dessins la mise en page en fin de compte C B Je te cite la parole s tranglait dans le murmure ou de raukes b gaiements Je me demande ce que cela r v le au sujet de tes rap ports avec un syst me de r f rence aux fermes assises s mantiques et orthophoniques Comment te situes tu par rapport aux exigences du lecteur traditionnel P C Je ne poserais pas le probl me de cette fa on l Cela revient cette histoire de la Tour de Babel pour moi Georges Bataille a dit quelque chose d int ressant l dessus lorsqu il a essay d expliquer sa m thode il a dit qu il faisait du langage un usage classique ce qui est relativement vrai Sa prose est la prose classique fran aise D un c t je cherche crire le plus simplement du monde quand une pens e se formule je cherche la transmettre telle qu elle se formule sans modification qui d collerait du mouvement lui m me Sans rattacher ce processus tout ce que Breton a d fini c
34. tu parlais de l criture comme d une magie individuelle Est ce que la calligraphie le collage la typographie r volutionnaire ne t aident pas communiquer cette magie P C Ce que je me trouve crire vient de ce que je capte et entre au tres de ce que les gens autour de moi vivent sentent prouvent et je peux communiquer directement avec eux Donc cela se v rifie Souvent les gens de la commune me disent je n ai pas besoin d crire tu le entrevue 163 fais pour moi Cela devient une sorte de concentration dans l criture de ce qui est v cu par les autres B Tu es scribe et voyeur en m me temps P C Scribe et t moin Avec la double notion celui qui peut donner lec ture ou t moignage et celui qui aborde et rend manifestes dans ses crits ceux qui vivent Je me vois comme un tre d antennes Jusqu maintenant j ai t encore trop prisonnier du rationalisme J esp re que progressivement je vais fonctionner comme un intuitif La raison est je pense clart mesure possibilit mais elle devrait tre emport e par l intuition Je parlais d antennes parce que je l ai v rifi en lisant mes po mes quand des lecteurs viennent me voir ensuite au caf au restaurant sur la rue Saint Denis tre une antenne c est aussi capter ce que des gens vivent ce que je ne connais pas et le retransmettre Je parlais du rap port de laboratoire un individu peut dire ce qui lui est arriv lui C
35. ue d auteurs anonymes Tout simplement il faut tre bien l quant au texte qu on produit comme tant son texte tre pr sent l authentifier en quelque sorte et ceci ne signifie absolument pas qu il est votre propri t au sens o on dirait c est moi qui ai pens cela c est ma pens e ce n est pas la tienne Non ce n est pas du tout cela c est un lien commun qui n est commun que parce que chaque individu l enrichit pas parce que chaque individu s abolit ce qui serait une fausse conception de l auteur collectif 164 voix et images C B Tu parles aussi de l exploration syst matique du cerveau de l exp rimentation du corps magique astral Est ce que ta qu te face l criture et la vie quotidienne s apparente celle de P loquin P C Je ne pourrai pas donner de r ponse cela On s appr cie On est bons amis J ai fait un petit texte une fois sur P lo o j expliquais comment je nous voyais dans le m me astronef On transcrivait on transmettait d une mani re diff rente mais partir du m me paquet d ondes P loquin au fond est exactement un compagnon chercheur comme Duguay comme Denis Vanier ou comme d autres inconnus C B As tu essay d crire des po mes en collaboration avec d autres crivains P C Cela pourra se produire Cela m int resse C est int ressant cela n emp che absolument pas la sp cificit de chaque main ce qu on ap pelle le style C B Quand e
36. ure je puis penser la d marche que Deuleuze et Guatarri d finissent dans l Anti dipe Pour moi il y a une situation qui est de nature chez moi Et c est l interdit autour de la sexualit Cet interdit l est m taphorique bien des niveaux Je pensais Deuleuze et Guatarri car l interdit sur la sexualit c est un interdit vis vis du corps comme moyen de communication En ce qui me concerne je songe l interdit de la p d rastie Pour moi c est ce que j ai vivre c est un destin je ne l ai pas choisi C est un territoire schizo sexuel un territoire politique C B N as tu pas suivi une certaine trajectoire en ce territoire C Certains livres ont compt pour moi m ont aid m rir Par ticuli rement celui de Toni Duvert e Bon Sexe illustr Il parle de cet interdit pour d molir l Encyclop die du sexe en six tomes publi e chez Hachette qui sous des allures lib rales n est qu un rafra chissement de la sexualit bourgeoise de la propri t priv e de l autorit de la famille sur les enfants Pour moi je dirai que de naissance la sexualit est d embl e un territoire o je me sens en transgression Ou bien je me range j touffe et je meurs On peut mourir et devenir un Monsieur tr s bien dans ses livres etc Mais ce n est pas possible Ce que je sens en moi comme force mouvement vitalit est au fond irr pressible Cette voie l je l ai tent e d ailleurs J ai pass trav
37. xactement comment et pourquoi as tu t amen fonder la Fabrike d kriture P C La Fabrike d kriture est devenue par la suite le Laboratoire de po sie pratique Cela a commenc avec mes deux ann es d enseigne ment l Universit de Montr al alors que je dirigeais un s minaire de cr ation litt raire et o bien s r il s agissait d exp rimenter et non d appliquer des recettes d crire dans une perspective normative Peut tre y avait il des fautes de syntaxe de style J ai ensuite quitt l uni versit pour me joindre un groupe de cr ateurs animateurs r unis autour de Fernand Dansereau Le Groupe s est appel In M dia Dan sereau tait cin aste mais travaillait aussi avec le vid o I avait aussi l habitude du bio feedback et de la t l vision L quipe a r uni le th tre la peinture la musique la danse la chanson rassemblant des gens qui s int ressaient la dynamique de groupe l animation Cela a consist en un type de stage la fois fond sur la cr ation artis tique et sur un certain nombre de r gles les r gles du jeu que l on trouve dans la dynamique de groupe On interroge le v hicule collectif pas seulement celui de l individu mais du groupe C est ce moment l que le nom de la Fabrike d kriture m est venu J avais d j fait des ateliers d criture dans les coles avec des professeurs de fran ais de l en seignement secondaire qui voulaient faire face leur

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