Les qualités de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en
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1. la fin des ann es 1970 la confiance des d cideurs politiques dans la re cherche acad mique tait s rieusement branl e Dans ce climat de scepticisme vis vis des sciences humaines et sociales les programmes f d raux d ducation furent d mantel s durant l re Reagan Terell Bell secr taire d tat duca tion s opposa m me son propre camp pour viter la suppression du D parte ment de l ducation Toutefois le NIE connut de s v res coupes budg taires et devint au milieu des ann es 1980 une unit int gr e au sein de l OERI Office of Educational Research and Improvement dont l objectif tait de remplacer les programmes f d raux par des projets de recherche appliqu e limit s sur le court terme M me si l administration Reagan tait hostile la recherche en sciences sociales et aux valuations f d rales elle s attacha collecter et diffuser des donn es sur les r sultats scolaires afin de promouvoir sa r forme de l excellence la suite du rapport Nation At Risk Normand 2004 Au sein du D partement F d ral de l ducation le r le du NCES National Center for Education Statis tics s en trouva renforc notamment sous l action de son commissaire Emerson Elliot de POERI et de l adjoint au secr taire d tat Chester Finn Toutefois il faut attendre la fin de 1980 pour que le PES Planning and Evaluation Service du D partement de l ducation responsable des va2. il les encourage ou les soumette la critique Il est clair que seuls les chercheurs d un m me domaine sont assez comp tents pour exercer une autorit directe sur leurs homologues De proche en proche une cha ne de voisinage contribue tendre les garanties de scientificit et le con sensus entre scientifiques Ce contr le mutuel est tabli sur le sens de la respon sabilit et une obsession personnelle qui sous tend le processus d enqu te et de d couverte Polanyi parle d une intention universelle pour caract riser le fait que le chercheur ne sait pas quand il s engage dans l enqu te si ses propositions seront accept es ni s il convaincra ses confr res Cette prise de risque tay e par le ressort puissant de l imagination et de l excitation est cependant constitutive de l appel par lequel le chercheur se saisit d une question Ainsi la commu naut scientifique constitue t elle une soci t d explorateurs o l individu en pens e voit s offrir lui un potentiel immense d enqu tes et de d couvertes qui repose pour l essentiel sur une connaissance tacite non objectivable Il est pourtant difficile de suivre Polanyi 1989 dans son analogie entre l ordre spontan caract risant la circulation de l information dans le monde de la recherche et celui du march d fendu par les conomistes n oclassiques comme Hayek En effet son rejet du planisme ou d un ordre monocentrique et n 1
3. le mod le de l ing nieur pr tend une plus forte connexion entre la recherche scientifique les pratiques d enseignement et les d veloppements internatio naux d une soci t de la connaissance Selon cette conception les r sultats de la recherche peuvent tre appliqu s dans l action p dagogique Le praticien d cide ce qu il met en uvre un moment donn avec l hypoth se que les ressources mises sa disposition sont d j appr t es au monde de la classe La diffusion des bonnes pratiques pr tend jouer un r le semblable en offrant l enseignant des solutions cl s en main et des r sultats concrets Mais comme le montre la sociologie des sciences les praticiens probl mati sent les r sultats en fonction d enjeux et d int r ts qui op rent dans plusieurs mondes Latour 1989 Derouet 2001 En liant des l ments h t rog nes cette traduction g n re des d placements dans la fa on dont les enseignants donnent consistance et r alit aux nonc s scientifiques travers leurs pratiques Cette cha ne d interm diations et d quivalences cr e des asym tries lorsque les acteurs se saisissent des recommandations ou des prescriptions qui leur sont adress es quand bien m me elles s inscrivent dans des modes d emplois ou des dispositifs techniques Akrich 1993 Chazal amp Normand 2003 S y ajoutent des probl mes d information dans la mani re dont les r sultats de la recherche peu vent tr
4. s ou les experts d un domaine particulier leurs conclusions tant jug es souvent partiales et partiel les Ensuite des techniques de m ta analyse servent agr ger des donn es par tir d tudes quantitatives comparables et d j r alis es avant d op rer des traitements statistiques plus approfondis sur des groupes s lectionn s selon des postulats ou des hypoth ses pr cises Enfin une troisi me technique concerne la m thode des essais contr l s randomis s consid r e parfois comme la r gle d or de l valuation de l efficacit des politiques publiques qui s applique dans des domaines aussi vari s que la m decine le social l emploi ou l ducation Ce dernier outillage statistique permet de comparer un groupe s lectionn de mani re al atoire groupe de traitement extrait d un chantillon groupe de contr le afin de tester l efficacit de diff rents programmes ou interventions publiques 74 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation Arch ologie d une politique les d veloppements des essais contr l s randomis s dans l ducation am ricaine origine de la politique en fonction du niveau de preuves est am ricaine La L pr sentation de quelques uns des d veloppements qui ont accompagn l mergence des essais contr l s
5. en ducation n tait pas assez cumulative elle ne contribuait pas assez lam lioration des pratiques p dagogiques elle devait se rapprocher des m thodes en vigueur dans le monde m dical Si Hammersley reconnaissait qu il est n cessaire d am liorer la cumulativit et la comparaison des r sultats il r futait les crit res d valuation propos s par Hargreaves et l id e qu une pression exerc e sur la re cherche servirait davantage les int r ts des praticiens et des politiques Pour lui une valuation selon les crit res de la recherche en fonction du niveau de preuves introduisait un monisme m thodologique pr judiciable la qualit de la recherche sans compter qu il lui paraissait difficile de ramener la complexit sociale des apprentissages une mesure positiviste un traitement standardis et de strictes exp rimentations Pour Hammersley les pressions politiques et les tentatives de contr le de la recherche taient pr judiciables la production d une connaissance scientifique sur le long terme ses yeux seule capable d in former efficacement les pratiques La r duction des budgets et la multiplication des exigences de court terme ne faisaient que renforcer cette tendance n gative Hammersley critiquait aussi le postulat selon lequel la recherche dans une conception instrumentale devrait indiquer aux praticiens la meilleure technique pour r soudre tel ou tel probl me et faire d pendre leur p da
6. randomis s en ducation le montre Leur his toire est li e celle de la raison statistique dans le champ de la m decine Desrosi res 1993 Marks 1999 Le d veloppement de la statistique m dicale fut d abord attach aux efforts des statisticiens comme Fisher Neyman et Pearson pour mettre au point des m thodes d valuation des donn es exp rimentales et tirer des conclusions scientifiques C est gr ce aux travaux de Fisher que l essai clinique randomis fut introduit en m decine apr s la Seconde Guerre mondia le partir d exp rimentations conduites aux tats Unis par le Service F d ral de la Sant publique et les essais en Grande Bretagne du British Medical Re search Council dans le traitement de la tuberculose Depuis les r formateurs th rapeutiques ont investi les essais contr l s randomis s afin d obtenir des va luations jug es plus fiables et de mod rer l usage des th rapies nouvelles par les m decins Cette rupture avec la tradition clinique alors qu elle consacrait la su pr matie des statisticiens sur les cliniciens a permis la promotion de crit res d excellence dans la recherche en m me temps qu elle faisait progresser la cause du capitalisme pharmaceutique Dodier 2003 Dans le domaine de l ducation les d veloppements de la politique en fonction du niveau de preuves et des essais contr l s randomis s sont le corol laire des changements intervenus aux tats Unis dans les modes d
7. riser le nouveau mode de gouvernance pla ant les tablissements d enseignement sup rieur et les laboratoires de recherche dans la comp tition mondiale Dewatripont Thys Cl ment amp Wilkin 2002 Sociologie d tat tout comme son cole la sociologie de l ducation semble mal quip e pour appr hender le nouvel ordre de la formation tout au long de la vie construit par les organisations internationales Charlier 2005 Hutmacher 2005 Sauf repenser les questions de justice et les reformuler en tenant compte des d placements qui se sont op r s depuis quelques ann es Elle devra toutefois se pr server des tentatives de cl ture de la critique op r es par un retour positiviste qui profite de son incapacit s inscrire momentan ment dans la continuit de grands r cits et rendre compte de la pluralit des r f rences au Bien Derouet Besson 2005 Le renouvellement d un positionnement critique rend plus que jamais n cessaire par del la recherche des similitudes et des diff rences propres au travail comparatif et la production d une solidarit Martuccelli 2005 un examen rigoureux et circonstanci des nouveaux discours de la m thode R f rences bibliographiques ACKER F 1997 Sortir de l invisibilit Le cas du travail infirmier in Conein B amp Th venot L dir Cognition et information en soci t Paris s rie Raisons Pratiques 8 EHESS 65 94 AKRICH M 1993 Les objets techniques et leu
8. valuation des programmes f d raux par le D partement de l ducation Les ann es 1970 ont marqu une rupture avec les grandes enqu tes comme celle conduite par James Coleman sur les effets de la discrimination positive mais aussi avec les programmes de planification mis en place dans les agences f d rales selon la m thode du PPBS Planning Programming Budgeting System Sous la pr si dence Nixon la National Science Foundation fit l objet de violentes attaques des conservateurs reprochant ses projets de d veloppement du curriculum jug s trop id ologiques et trop subversifs en m me temps qu ils d non aient le gas pillage des fonds allou s ce type de recherches Vinoskis 2002 La cr ation du National Institute of Education NIE a contribu limiter cette d rive alors que lhostilit du Congr s conduisait r duire son budget du tiers et limiter l tendue des programmes f d raux d valuation Lorsqu en 1978 le Congr s sol licita lavis d experts comme Robert Boruch de la Northwestern University pour analyser les pratiques d valuation du NIE ceux ci exig rent une am lioration de la conception et de la rigueur des analyses statistiques en demandant que le nouveau D partement f d ral de l ducation r value les r sultats des program mes d ducation compensatoire n 18 2006 2 ducation et Soci t s 75 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand
9. 242 TH VENOT L 1997b Les formes de savoir collectif selon les r gimes pragmatiques des comp tences attribu es ou distribu es in Reynaud B dir Les limites de la rationalit T 2 Les figures du collectif Paris La D couverte 299 321 TH VENOT L 1998 Pragmatiques de la connaissance in Borzeix A Bouvier A amp Pharo P eds Sociologie et connaissance Nouvelles approches cognitives Paris CNRS 101 139 TH VENOT L 2004 Les enjeux d une pluralit des formats d information in Delamotte E dir Du partage au march Regards crois s sur la circulation des savoirs Lille ditions du Septentrion 333 347 TH VENOT L 2005 L action au pluriel Sociologie des r gimes d engagement Paris La D couverte TOOLEY L amp DARBY D 1998 Educational Research a critique London Office for Stan dards in Education OFSTED VAN HAECHIT A 2004 La posture critique en sociologie de l ducation tentatives d tat de lieux et perspectives d avenir ducation et Soci t s 13 5 10 VINOKSIS M A 2002 Missing in Practice Development and Evaluation at the US Department of Education in Mosteller F amp Boruch R eds Evidence Matters Rando mixed Trials in Education Research Washington D C Brookings Institution Press n 18 2006 2 ducation et Soci t s 9
10. 8 2006 2 ducation et Soci t s 85 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand hi rarchis s accompagne d une philosophie lib rale privil giant une logique de march r sultant de l agr gation de rationalit s individuelles Ce mod le d une rationalit optimisatrice caract risant la th orie g n rale du comportement humain chez les conomistes ne r siste pas la prise en compte de formes de coordination et d valuation plus larges que la logique marchande Th venot 2004 De m me la formulation d un savoir commun common knowledge trop souvent caract ris e par un calcul strat gique ou la poursuite d int r ts indivi duels tend m conna tre les modalit s d ajustement des tres humains leur environnement et les rep res qu ils mobilisent l appui de leurs jugements Le m rite de Polanyi quand il pointe les indices et les rep res mobilis s par le cher cheur dans sa qu te exploratoire reste de sp cifier un r gime d engagement dans la recherche souvent sous estim par les pist mologues En effet en montrant un mod le d action alternatif une forme de planification de la recherche il met en valeur l importance des liens de proximit et la diff rence des formats d information du travail scientifique Th venot 2005 Le chercheur souvent camp dans la figure de l individu autonome produisant des connaissances dans une coordination plusie
11. Dossier Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation ROMUALD NORMAND Unit Mixte de Recherche ducation amp Politiques 19 All e de Fontenay BP 17424 69347 LYON cedex 07 es insuffisances de la recherche en ducation constituent un th me impor L tant des d bats qui agitent le monde de l ducation tant en France qu l chelon international Prost 2002 Schuller amp al 2006 Les chercheurs se voient reprocher de ne pas apporter de solutions coh rentes et convaincantes aux probl mes du moment Les travaux scientifiques sont consid r s comme trop loign s des pr occupations des praticiens incapables de fournir des r sultats pr cis br ve ch ance contradictoires dans leurs conclusions voire tautologi ques quand ils ne sont pas jug s inaccessibles Les scientifiques des diff rentes disciplines sociologie psychologie histoire philosophie etc sont accus s de ne pas faire d efforts suffisants pour diffuser leurs r sultats ni pour s engager dans une collaboration troite avec les enseignants ou les administrateurs Cette criti que est aussi fortement relay e par les experts au sein des grandes organisations internationales Charlier 2005 Lors dun forum organis les 20 et 21 juin 2005 par la Commission europ enne afin de d gager des principes communs dans les comp tences et la qualification des enseignants l horizon 2010 certains contri buteurs avan ai
12. a de m me dans la science o m me dans la physique des hautes nergies les scientifiques qualifient les entit s du laboratoire selon des propri t s ontologiques diff rentes du positionnement pist mique auquel les invitent leurs instruments de mesure Knorr Cetina 1997 La recherche comme r gime de proximit au sein d une communaut pist mique omme l ont montr de nombreux travaux sur les situations de travail les C apprentissages l uvre dans une organisation ne peuvent tre dissoci s d une communaut de pratiques c est dire d un engagement mutuel un projet commun un r pertoire partag d actions de discours et d objets Lave amp Wenger 1991 Th venot 1997b 2005 Il en va de m me des travaux de recherche Les pratiques des chercheurs ou des enseignants ne sont pas d termin es par des prescriptions des codes de conduite des guides m thodologiques ou des pro grammes de formation r pondant des crit res pr cis contrairement ce que laisse entendre une nouvelle orthodoxie qui pr tend am liorer la qualit de la recherche en imposant des bonnes pratiques pour transformer les proc dures existantes Hodkinson 2004 Si des r gles existent elles n ont pas l effet perfor matif attribu le d veloppement de la connaissance en ducation s appuyant principalement sur des jugements et des affinit s entre chercheurs difficilement objectivables Le d faut de prise en compte de ces commu
13. ations o s op re une articulation probl matique entre cognition et norme Th venot 1997a 2005 Comme le montrent des travaux de sociologie pragmatique le passage du singulier au g n ral se fonde sur un horizon commun mettant en sc ne des personnes et des choses dans une dynamique de repr senta tions et d preuves de r alit Celles ci sont m connues ou ignor es par le mod le de l ing nieur qui demeure attach rabattre l valuation de l efficacit sur une normalit une r gularit ou une typicit qui l gitiment le rapprochement entre information et diversit des usages Th venot 1998 2005 Or au del des n 18 2006 2 ducation et Soci t s 83 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand op rations cognitives proprement dites la nature des informations et la forme des objets sur lesquelles s appuient les jugements des acteurs qui gouvernent l administration de la preuve peuvent donner naissance une coordination probl matique et des d convenues impossibles r duire au format d une action intentionnelle ou un environnement d objets saisi par ses fonctionnalit s Th venot 1993 La mise en s rie des tres selon des crit res formels propices l abstraction de la mesure et son transport sous estime le r gime d engagement familier et les capacit s distribu es des tres humains dans l activit p dagogique Normand 2001 Il en v
14. e autour de th mes ayant profond ment divi s les chercheurs de l Association pour la Recherche en ducation Britannique n 18 2006 2 ducation et Soci t s 79 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand Oancea 2005 La conf rence d Hargreaves et les rapports Tooley et Hillage fu rent au centre de la pol mique m me si la critique de la recherche en ducation avait commenc bien plus t t Ces d veloppements s expliquent par une relative fragmentation de la communaut des chercheurs et l adoption de positions m thodologiques et philosophiques antagonistes Les institutions et les agences gouvernementales ont aussi nourri la critique l gard des sciences de l duca tion comme aux tats Unis o la revue Educational Researcher et les colloques de l American Educational Research Association montrent de 1995 1998 d pres discussions et de virulents d bats sur la nature de la recherche en ducation son organisation ses liens avec le monde politique Donmoyer 1997 Slavin 2002 Un des plus importants contradicteurs d Hargreaves dans sa d fense de la recherche en fonction du niveau de preuves fut sans doute le sociologue Martin Hammersley ethnographe et sp cialiste du travail enseignant qui a relat la con troverse dans un livre Hammersley 2002 Dans le premier chapitre il r pon dait point par point aux trois arguments avanc s par Hargreaves la recherche
15. e elles d rive de la nature de l innovation conceptuelle l invention de la roue ne peut tre pr dite parce que la pr diction consisterait n cessairement dire ce qu est une roue c est dire l inventer De m me aucune invention aucune laboration d un 86 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation nouveau concept ne peut tre pr dite parce que la pr diction n cessite l labora tion de ce concept Une autre incertitude concerne l impr visibilit des actions futures d un agent individuel Pour un observateur inform muni de donn es et de capacit s de g n ralisation l avenir d un individu pourrait tre une suite d tapes d terminables Mais tant que ce dernier n a pas d cid entre plusieurs actions incompatibles il ne peut pr dire laquelle il choisira L observateur lui m me est incapable de pr dire son propre avenir puisqu il d pend de d cisions qu il n a pas prises Par cons quent il ne peut pr voir l influence des actions futu res de l individu sur ses propres d cisions ce qui est vrai de tous les agents et de tous les observateurs et produit un important degr d impr visibilit en g n ral Pourtant la connaissance des r gularit s statistiques joue un r le impor tant dans l laboration et la mise en uvre de nos p
16. e traduits en pratiques d enseignement Les diff rences de langage d un 82 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation monde l autre refl tent des formes d activit des cadres oppos s dans l identifi cation des objets pertinents des conceptions divergentes des preuves de r alit et des formes de justification souvent irr ductibles Boltanski amp Th venot 1991 Derouet 2000 Les r sultats sont traduits en arrangements vari s et les cher cheurs eux m mes s informent diff remment des pratiques qu ils tudient surin terpr tant les comptes rendus faits par les acteurs en fonction de leur paradigme d appartenance et de leur propre objet th orique Enfin les r sultats de la recherche sont adress s un public pr cis sans re prendre directement la pens e des scientifiques mais en s effor ant de rendre leurs propos compr hensibles Hammersley 2002 38 82 Comme lont montr Sperber amp Wilson 1989 la situation d interlocution est essentielle la com pr hension mutuelle et la pertinence du message Dans leurs rapports ou leurs conf rences les chercheurs anticipent donc un auditoire plus large que la com munaut scientifique restreinte laquelle ils appartiennent Ils essaient de parta ger leurs connaissances avec des individus qui ne poss de
17. ent l id e que la diffusion des travaux de recherche devait tre renforc e afin de permettre aux enseignants d am liorer leurs pratiques en s adap tant aux nouvelles exigences d une soci t de la connaissance L un des ateliers concluait sur la n cessit d lever les standards de qualit de l enseignement et de la recherche en collectant des donn es de fa on plus syst matique Cette conception de l utilisation des donn es dans la recherche evidence based research ou de l enseignement en fonction du niveau de preuves eviden ce based teaching est d j tr s pr sente dans le monde anglo saxon Au sein de l OCDE le CERI Center for Educational Research and Innovation a marqu son int r t pour cette m thodologie en organisant une s rie de conf rences afin de promouvoir une politique en fonction du niveau de preuves evidence based n 18 2006 2 ducation et Soci t s 73 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand policy consid r e comme le compl ment indispensable l am lioration de Pef ficacit de l enseignement La premi re s est tenue Washington durant le mois d avril 2004 sous la houlette du D partement de l ducation am ricain Les con tributeurs ont pes avantages et inconv nients des m thodes de la recherche en ducation du point de vue de leur rigueur et de leur pertinence pour l analyse des donn es Depuis d autres manifes
18. entres d excellence en octroyant un financement particulier aux institutions engag es dans certains domaines en soutenant la production de revues syst matiques et d essais contr l s randomis s afin de mieux r pondre ces nouveaux objectifs strat giques Le gouvernement installa aussi un centre l Institut de l ducation de Londres avec pour mission la promotion de la recherche en fonction du niveau de preuves lEvidence for Policy and Practice Information and Co ordinating Centre EPPI Centre De plus fut cr le National Educational Research Forum NERF pour d finir les priorit s dans le financement de la recherche en ducation afin qu elle r ponde mieux aux besoins des utilisateurs D but 2001 le NERF a produit un document plus ambitieux en faveur d une strat gie de coordination nationale de la recherche en ducation L un des objectifs tait l tablissement de synth ses efficaces des r sultats de la recherche pour les usagers inspir es des directives de la Cochrane Collaboration dans le domaine de la sant L EPPI Centre et l International Campbell Collaboration taient pr sent s alors comme des parte naires incontournables Au cours des ann es 1990 la qualit de la recherche en ducation a fait l objet de beaucoup de d bats et de controverses dans le monde universitaire et politique britannique Le British Educational Research Journal s est fait l cho des arguments avanc s de part et d autr
19. es aux compromis locaux Paris M taili DEROUET J L dir 2000 L cole dans plusieurs mondes Paris De Boeck Universit DEROUET J L 2001 La constitution d un espace d int ressement entre recherche admi nistration et politique en France dans les trente derni res ann es propos de l mergence d une science de l administration scolaire in Dutercq Y dir Comment peut on administrer l cole Paris PUF DEROUET J L 2005 Repenser la justice en ducation ducation et Soci t s 16 29 40 DEROUET J L 2006 Entre la r cup ration des savoirs critiques et la construction des standards du management lib ral boug s glissements et d placements dans la circu lation des savoirs entre recherche administration et politique en France de 1975 2005 Revue Fran aise de P dagogie 154 janv f v mars DEROUET BESSON M C 2005 La ruse des petits la saintet des grands et la critique sociale ducation et Soci t s 16 229 237 DESROSI RES A 1993 La politique des grands nombres Histoire de la raison statistique Paris La D couverte DEWATRIPONT M THYS CL MENT F amp WILKIN L dir 2002 European Universities Change and Convergence Bruxelles ULB DODIER N 2003 Le ons politiques de l pid mie de sida Paris EHESS DONMOYER R 1997 The issue revisiting the Talking truth to power problem Edu cational Researcher 26 2 GAUTHERINN J 2002 Une discipline pour la R pub
20. eurs anglo saxons comme Hammersley qualifient de mod le des Lumi res la fa on dont la recherche en ducation appr hen dait jusqu ici la pratique en produisant connaissances et id es susceptibles d in fluencer le travail des praticiens et des politiques Ce mod le est aujourd hui en concurrence avec celui de l ing nieur o la recherche est un apport de solu tions techniques imm diatement applicables l image des sciences de la nature Ce mod le de l ing nieur porte en lui une id ologie de la technique une exten sion de la conception des sciences de la nature au monde social qui domine les soci t s contemporaines Habermas 1973 Comme l crit Beck 2001 sur un fond de d senchantement de la pr tention rationnelle des Lumi res la v rit s op re une transformation radicale des relations qu entretient le travail scienti fique l int rieur et l ext rieur de son domaine propre La modernisation con duit une scientificisation de la science en proie au scepticisme et soumise la n 18 2006 2 ducation et Soci t s 8 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand critique alors que la d finition de la v rit se doit d tre socialement et politi quement acceptable entre conventionnalisation m thodologique et f odalisation de la pratique scientifique Cette domestication de la recherche en ducation n est pas nouvelle L
21. gogie d une th orie scientifique en leur faisant utiliser les techniques les mieux appropri es Les tra vaux des psychologues des philosophes des sociologues ont montr que la p da gogie est plus une pratique qu une technique qu elle s adosse une diversit de jugements en situation non r ductibles l application de r gles pr d finies La connaissance que mobilise l enseignant dans sa classe les formes de jugement et d valuation qu il met en uvre sont difficiles op rationnaliser partir de r sultats mesurables Ce caract re pratique du travail p dagogique est renforc du fait que les enseignants travaillent avec des groupes d l ves et non avec un client 80 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation comme les m decins Cela ne veut pas dire que la recherche en ducation ne peut pas contribuer l am lioration des pratiques mais qu elle ne peut le faire qu en apportant au fur et mesure des connaissances qui modifient les concep tions ou les situations partir desquelles les enseignants orientent leur action Hammersley rejette galement le parall le tabli par Hargreaves avec la m deci ne Pour lui en m decine contrairement l ducation il y a un cart entre les chercheurs et ceux qui utilisent leurs travaux Les recherches s
22. histoire de la recherche en ducation aux tats Unis en t moigne Lagemann 2000 Brown a d crit comment dans les ann es 1920 Pusa ge des m taphores de la m decine et de l ing nierie a permis aux psychologues du QI de rompre avec une tradition d sorganis e sur le plan philosophique et scien tifique d tre reconnus comme professionnels b n ficiant d une autorit conf r e par l invention d une expertise r pondant mieux au management en ducation Brown 1992 Reste que le mod le des Lumi res est en crise et ne parvient plus faire partager sa vision des sciences a fortiori en ducation car les principes de justice dont il se r clame ont moins d cho dans l espace public face la mont e des pluralismes thiques et m thodologiques Derouet 1992 2005 De plus les sciences de l ducation qui ont longtemps pous ce mod le ne parviennent pas faire consensus une sp cialisation et une fragmentation croissante de la disci pline miettant son unit originelle Gautherin 2002 Sans doute le mod le de la Raison est il prisonnier de son nationalisme m thodologique qui comme l explique Beck 2003 enferme la th orie critique dans des formes et des strat gies d occultation des r alit s cosmopolites dans une circularit nationale con tribuant transformer en absolu anhistorique des univers conceptuels et des routines de recherches propres aux sciences sociales L alternative propos e
23. idit impersonnels ou une formalisa tion de l engagement scientifique De plus pour Polanyi l acceptation de propositions scientifiques est une affaire d autorit Elle s exerce par le contr le des chercheurs entre eux partir de d cisions fond es sur des convictions sur la m thode et la production de r sultats qui valent leurs auteurs la reconnais sance d un m rite scientifique Si la fiabilit et l exactitude des donn es contri buent la reconnaissance du m rite ils ne suffisent pas Un autre l ment entre aussi dans l valuation des contributions d un chercheur l int r t manifest pour ses travaux par les autres chercheurs de sa discipline Chacun tudie les tra vaux de ses confr res et cherche en faire usage pour mettre en valeur ses pro pres comp tences Cette proc dure assure les plus grands progr s de sa pratique et les avanc es successives dans sa discipline Elle rel ve d un travail de coordi nation par ajustement mutuel Toutes les institutions attach es avancement des sciences et leur diffusion savent qu il existe un champ possible de progr s pr t tre r v l par les initiatives non contr l es de quelques chercheurs Comment s assurer alors que ce corps de connaissance est suffisamment valide et int ressant du point de vue scientifique Le principe du contr le mutuel assure que chaque chercheur exerce une surveillance sur les membres de sa communaut scientifique qu
24. l for Excellence in Government or ganisme f d ral de promotion de l excellence en ducation Depuis 2001 lob jectif de la Coalition for Evidence Based Policy est d aider la mise en uvre de programmes d valuation de l efficacit adoss s des m thodes et des techniques rigoureuses et objectives l image de celles du monde m dical elles sont ten 76 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation dues l ducation la pauvret la pr vention du crime ou l usage des stup fiants l offre et le financement des prestations de sant Parmi les membres du conseil d administration on trouve Robert Boruch Diane Ravitch proche de Chester Finn et de la Nouvelle Droite Robert Slavin et l conomiste Robert Solow En 2004 ils ont particip activement la mise en place du premier atelier sur la po litique de recherche en fonction du niveau de preuves voqu plus haut avec le soutien financier du CERI Center for Educational Research and Innovation de l OCDE et de l Institut des Sciences de l ducation qui a remplac en 2002 le National Institute of Education NIE et l Office of Educational Research and Improvement OERI Consid rant que la mise en uvre des essais contr l s randomis s avait permis de substantielles avanc es en m decine ils ont d fe
25. les g n ralisant la recherche en ducation qu il juge alors incapable de rendre service au syst me ducatif britannique appui de son argumentation il tablit une comparaison avec le domaine de la sant o le mouvement pour la m decine en fonction du niveau de preuves evidence based medecine commen ait merger Il deman de alors que la TTA am liore la diffusion des r sultats de la recherche aupr s des enseignants et leur donne la possibilit de porter eux m mes des projets plut t que de s en remettre une recherche acad mique ayant peu d effet direct et b n fique sur les pratiques Un peu plus tard il d fendait le principe d une recher che en ducation davantage appuy e sur des tudes exp rimentales et des essais contr l s randomis s s int ressant ce qui marche What works dans les pra tiques et l am lioration des r sultats Hargreaves 1999 Ses prises de position interpell rent les d cideurs politiques Quelque temps plus tard dans la revue New Statesman Chris Woodhead inspecteur chef 78 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation des coles et directeur de l OFSTED Office for Standards in Education agence d terminant les modalit s et niveaux de performance des tablissements scolai res remettait en cause la pr tendue
26. lique la science de l ducation en France 1882 1914 Bern Peter Lang GEWIRTZS amp CRIBB A 2006 What to do about values in social research the case for ethical reflexivity in the sociology of education in British Journal of Sociology of Edu cation 27 2 avril 141 155 HABERMAS J 1973 La technique et la science comme id ologie Paris Gallimard HACKING I 2002 L mergence de la probabilit Paris Le Seuil HAMMERSLEY M 1997 Educational research and teaching a response to David Har greaves TTA lecture British Educational Research Journal 23 2 141 161 HAMMERSLEY M 2002 Educational Research Policymaking and Practice Londres Paul Chapman Publishing HARGREAVES D H 1996 Teaching as a Research Based Profession possibilities and pros pects Teacher Training Agency Annual Lecture London Teacher Training Agency HARGREAVES D H 1999 Revitalising educational research lessons from the past and proposals for the future Cambridge Journal of Education 29 2 239 249 HERZLICH C 2005 Sant et maladie Analyse d une repr sentation sociale Paris EHESS HILLAGE J PEARSON R ANDERSON A amp TAMKIN P 1998 Excellence in Research on Schools London Department for Education and Employment HODKINSON P 2004 Research as a form of work expertise community and methodo logical objectivity British Educational Research Journal 30 9 26 HUTMACHER W 2005 Enjeux ducatifs de la mondialisation ducatio
27. luations f d rales conduites sous la direction de Alan Ginsburg s int resse la mise en uvre d essais contr l s randomis s m me s il existait d j quelques exp rimen tations connues comme celle du Tennessee o on avait cherch mesurer l effet de la taille des classes sur la r ussite des l ves Dans les ann es 1990 POERI connut une forte expansion et finan a en s appuyant sur des laboratoires r gio naux de recherche d veloppement quelques valuations de projets jug s inno vants comme Success for All alors dirig par Robert Slavin qui devint ensuite Pun des chefs de file du mouvement international du school improvement Normand 2005 La question des essais contr l s randomis s r apparaissait d but des ann es 2000 avec acuit sur lagenda politique aux tats Unis Mosteller amp Boruch 2002 Notamment une loi examin e au Congr s appelait une plus grande rigu eur dans la recherche en ducation appuy e sur des exp rimentations contr l es et l usage appropri des comparaisons entre groupes dans les tudes quantitatives Scientifically Based Education Research Evaluation and Statistics and Infor mation Act 2000 La loi ne fut pas vot e mais elle montrait la d termination des d put s r organiser la recherche en ducation L affaire fut reprise par un groupe d experts et de chercheurs pour la promotion de la politique en fonction du niveau de preuves financ par le Counci
28. miologie et des essais contr l s randomis s en m decine L institution qui porte son nom est aujourd hui l initiative d une coop ration internationale dans la pr paration et la mise en uvre de revues syst matiques pour de nombreux domaines de la clinique m dicale Une controverse scientifique les enjeux du travail de la preuve en Grande Bretagne epuis 1994 la Teacher Training Agency TTA cr e pour mettre en uvre des standards dans la formation initiale et continue avec l id e que la qualit exige un renforcement des comp tences des enseignants et la dif fusion de bonnes pratiques veille l am lioration de la qualit de la profession enseignante dans les pratiques p dagogiques et la r ussite scolaire des l ves Normand 2003 En 1996 David Hargreaves minent chercheur en ducation lors de la conf rence annuelle de la TTA tint un discours qui eut un grand re tentissement dans la communaut scientifique britannique Hammersley 1997 Ancien inspecteur en chef des coles de Londres il appartient au paradigme de l am lioration de l cole school improvement et fut un des fers de lance de la critique de la formation des enseignants jug e inadapt e car trop acad mique Lorsqu il prit la parole la TTA il tait professeur en sciences de l ducation l Universit de Cambridge Hargreaves 1996 Dans son allocution il reprend plusieurs critiques adress es la sociologie de l ducation en
29. n et Soci t s 16 31 51 n 18 2006 2 ducation et Soci t s 89 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand JAVEAU C 2003 Le savant et le politique revisit s les rapports d aujourd hui entre les champs politiques et scientifiques Sociologie politique et critique en ducation Revue de l Institut de Sociologie 2001 1 4 Universit Libre de Bruxelles KARSENTI B amp QU R L 2004 La croyance et l enqu te Aux sources du pragmatisme Paris EHESS s rie Raisons pratiques 15 KNORR CETINA K 1997 Les m taphores dans les laboratoires scientifiques in Conein B amp Th venot L ds Cognition et information en soci t Paris s rie Raisons Pratiques 8 EHESS 47 64 LAGEMANN E C 2000 An elusive science the troubling history of educational research Chicago Chicago University Press LATOUR B 1989 La science en action Paris La D couverte LAVEJ amp WENGER E 1991 Situated learning legitimate Peripheral Participation Cambridge Cambridge University Press MACINTYRE A 1997 Apr s la vertu Paris PUF MARKS H 1999 La m decine des preuves Histoire et anthropologie des essais cliniques 1900 1990 Paris Les Emp cheurs de penser en rond MARTUCCELLI D 2005 Les nouveaux d fis de la critique repositionnement critique et production de la solidarit in Derouet J L amp Derouet Besson M C coord La sociologie de l ducation l preuve de
30. naut s pist miques au nom du contr le de l efficacit et de la qualit de la recherche peut contri buer miner une forme d organisation essentielle au progr s de la connaissance scientifique Cette th se tait d j d fendue par le chimiste et philosophe Michael Polanyi dans The Tacit Dimension 1983 Pour lui la connaissance tacite est une part incontournable de tout savoir et vouloir liminer les l ments personnels dans le travail scientifique afin d tablir une connaissance d tach e et objective constitue une erreur d sastreuse M me l laboration d une th orie math mati que exige une connaissance tacite pr alable des rep res partir desquels s la bore la d monstration La poursuite d une d couverte scientifique est guid e par 84 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation le sentiment d une r alit cach e dont on per oit des indices et dont les mani festations ne se sont pas encore r v l es Le travail scientifique s labore dans les capacit s d anticipation du chercheur dans sa conviction qu il y a quelque chose d couvrir dans son sens de la responsabilit exercer son jugement personnel pour d couvrir la v rit Impossible de r duire cette anticipation et cette d cou verte une laboration de crit res de val
31. ndu l id e que les m mes m thodes pouvaient tre appliqu es avec le m me succ s la recherche en ducation afin d am liorer les pratiques p dagogiques et la r us site des l ves Dans cette optique le D partement de l ducation des tats Unis a pro pos aux praticiens un mode d emploi convivial user friendly guide leur per mettant d identifier et de mettre en uvre les bonnes pratiques p dagogiques s appuyant sur des preuves rigoureuses de l efficacit fournies par la m thode des essais contr l s randomis s Ce mode d emploi d crit plusieurs tapes et fournit une s rie d items auxquels doivent se conformer les praticiens qui veulent va luer le plus rigoureusement possible l efficacit de leurs pratiques Le document fait r f rence un ensemble de travaux dans le domaine de la sant et de l du cation Les praticiens sont invit s chercher des informations compl mentaires sur un site forum appel What Works Clearing House qui pr sente un inven taire des bonnes pratiques Plus int ressante encore est la mention des travaux de l International Campbell Collaboration qui d apr s le guide offre des revues syst matiques de la litt rature scientifique labor es suite des recherches sur l efficacit des in terventions dans le domaine social du comportement et de l ducation Donald T Campbell fut un minent chercheur d fenseur d une conception de la soci t exp
32. nt pas leur vision du monde Cela est aussi vrai pour les chercheurs de la m me discipline car y coexistent des fronti res internes et une division du travail autour d objets soi gneusement d limit s Plus les chercheurs sont loign s les uns des autres plus la traduction s av re n cessaire De m me le fait de rapprocher la recherche d un groupe de praticiens peut la rendre moins pertinente pour un autre Si diff rents types de traduction des r sultats de la recherche sont possibles en fonction des publics ou de l loignement des perspectives entre chercheurs et praticiens cela ne supprime pas pour autant la tension entre un mode universaliste auquel pr tend la recherche et un mode particulariste li l engagement des acteurs dans le monde Des m diateurs peuvent jouer le r le de traducteurs de la recherche aupr s des praticiens comme le laisse penser la recherche en fonction du niveau de preuves mais outre qu il sous estime les comp tences et l expertise n cessai res le temps et l nergie demand s leur reconnaissance dans le champ acad mi que ce mod le de l ing nieur tend r duire la diversit des sources d o il est possible d inf rer des bonnes pratiques et le r le de l exp rience et du jugement dans ce processus La conception de la recherche en fonction du niveau de preuves fait l co nomie d une tension inh rente au partage et l objectivation des connaissances dans des situ
33. ondon Peter Smith POLANYI M 1989 La logique de la libert Paris PUF PROST A 2002 Pour un programme strat gique de recherche en ducation Paris La Docu mentation fran aise SCHULLER T JOCHEMS W MOOS L amp VAN ZANTEN A 2006 Evidence and policy research European Educational Research Journal IV 1 57 70 SLAVIN R E 2002 Evidence based education policies transforming educational practice and research Educational Researcher 31 15 21 90 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation SPERBER D amp WILSON D 1989 La pertinence Cognition et communication Paris Minuit TH VENOT L 1993 Essai sur les objets usuels Propri t s fonctions usages in Conein B Dodier N amp Th venot L dir Les objets dans l action De la maison au laboratoire s rie Raisons Pratiques 4 Paris EHESS 85 111 TH VENOT L 1995 Rationalit ou normes sociales une opposition d pass e in G rard Varet L A Passeron J C dir Le mod le et l enqu te Les usages du principe de rationalit dans les sciences sociales Paris EHESS 149 189 TH VENOT L 1997a Un gouvernement par les normes Pratiques et politiques des for mats d information in Conein B amp Th venot L dir Cognition et information en soci t Paris s rie Raisons Pratiques 8 EHESS 205
34. ont surtout condui tes en laboratoire et n impliquent pas souvent les cliniciens De plus des sociolo gues comme Becker ont montr que l exp rience clinique pouvait tre utilis e pour l gitimer le choix de traitements en s cartant des r gles et des proc dures scientifiques Acker 1997 Herzlich 2005 D autres travaux ont soulign la di mension pragmatique du clinicien qui fait davantage confiance son intuition et aux connaissances de son entourage qu la mobilisation de savoirs ou de princi pes abstraits Il a t aussi prouv que l usage de la recherche en fonction du ni veau de preuves en m decine avait des inconv nients La litt rature de recherche varie en qualit et certains domaines scientifiques sont plus faciles capitaliser que d autres Pour ce sociologue ces carts rendent difficile la normalisation des pratiques et peuvent conduire des conclusions erron es sur l efficacit relative de tel ou tel traitement Il existe aussi de nombreux biais car les revues syst mati ques des travaux et m thodes les plus efficaces sous valuent les r sultats n gatifs cr ant des distorsions dans le jugement des cliniciens Enfin ces m thodes sont surtout utilis es des fins de contr le des co ts et des budgets en m decine ce qui explique aussi pourquoi beaucoup de m decins y sont hostiles Du mod le de la raison au mod le de l ing nieur les limites d une traduction eaucoup de cherch
35. rimentale et grand avocat des essais contr l s randomis s appliqu s dans le domaine social Davies 2004 L International Campbell Collaboration re prenant ses id es a constitu un r seau international de chercheurs qui pr pa rent d veloppent et diffusent des revues syst matiques de l efficacit des interventions publiques dans les domaines de l ducation du crime de la justice et de la protection sociale Disposant de relais r gionaux l chelle plan taire le r seau est financ par des fondations des tats Unis les gouvernements cana dien et scandinaves En ao t 2002 le D partement de l ducation a sign avec elle un contrat de 18 5 millions de dollars pour cr er un partenariat avec l Ame rican Institute for Research situ e Washington et charg e de l animation du site forum What Works Clearing House La Campbell Collaboration fournit des n 18 2006 2 ducation et Soci t s 77 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand recommandations et des protocoles s appuyant sur des conceptions quasi exp ri mentales de la recherche notamment les essais contr l s randomis s Elle tient aussi un registre des essais qu elle a repris au centre Cochrane install en Grande Bretagne Ce dernier a ouvert ses portes Oxford en 1992 avant que ne soit cr e en 1993 la Cochrane Collaboration Peile 2004 Cochrane tait lui aussi un sp cialiste de l pid
36. rojets dans la connaissance des attentes coordonn es et programm es des individus Sans ces connaissances nous ne pourrions choisir entre diverses possibilit s selon leurs chances de succ s ou d chec d o le poids de la th orie des probabilit s dans l histoire de la statis tique Hacking 2002 Une caract ristique essentielle de la vie humaine d rive donc de l imbrication du pr visible et de l impr visible Pour emp cher que les pr dictions formul es et les r gularit s identifi es soient d rang es par l innova tion conceptuelle ou les cons quences impr vues des d cisions MacIntyre sugg re qu il serait possible de concevoir une organisation efficace limitant l impr visibi lit mais l op ration s av re impossible sauf accepter le principe d une organisa tion totalitaire Il en conclut que la pr tention de l expert est ruin e parce qu il n a aucune loi de g n ralisation et que son pouvoir pr dictif demeure tr s faible En cons quence le concept d efficacit directoriale qui justifie la comp tence directoriale et bureaucratique dans les soci t s modernes n est qu une fiction morale contemporaine Cette qu te de l efficacit entre cynisme et c cit tend bien souvent r duire les pr tentions du chercheur la critique et au d senchantement du r el Javeau 2003 Van Haecht 2004 Pourtant la recherche en ducation sp ciale ment en sociologie ne se limite pas
37. rs utilisateurs de la conception l action in Conein Dodier N amp Th venot L dir Les objets dans l action Paris EHESS s rie Raisons Pratiques 4 35 57 BECK U 2001 La soci t du risque Sur la voie d une autre modernit Paris Aubier BECK U 2003 Pouvoir et contre pouvoir l re de la mondialisation Paris Aubier BOLTANSKI L amp TH VENOT L 1991 De la justification Les conomies de la Grandeur Paris Gallimard BROWN J 1992 The Definition of a Profession The authority of metaphor in the history of intel ligence testing 1890 1930 Princeton Princeton University Press CEFA D 1998 Ph nom nologie et sciences sociales Alfred Sch tz Naissance d une anthropo logie philosophique Gen ve Droz CHAZAL D amp NORMANDR 2003 Les valuations en 6e les difficult s de traduction dune politique nationale Recherches 38 9 19 CHARLIER J coord 2005 L influence des organisations internationales sur les poli tiques d ducation ducation et Soci t s 13 5 11 88 ducation et Soci t s n 18 2006 2 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Les qualit s de la recherche ou les enjeux du travail de la preuve en ducation DAVIES P 2004 Systematic reviews and the Campbell Collaboration in Thomas G amp Pring R eds Evidence Based Practice in Education Londres Open University Press DEROUET J L 1992 cole et justice De l galit des chanc
38. s changements sociaux ducation amp Soci t s 16 Paris INRP de Boeck MOSTELLER F amp BORUCH R 2002 eds Evidence Matters Randomized Trials in Educa tion Research Washington D C Brookings Institution Press NORMAND R 2001 L cole normale disciplines p dagogies et politique Th se de doctorat de sociologie sous la direction de Laurent Th venot Paris EHESS 581p NORMAND R 2003 Le mouvement de la School effectiveness et sa critique dans le monde anglo saxon in Van Haecht A dir Sociologie politique et critique en ducation Revue de l Institut de Sociologie Bruxelles ULB 135 166 NORMAND R 2004 Le LifeLong Learning et son double contribution une critique de l conomie politique de l efficacit en ducation ducation et Soci t s 12 73 89 NORMAND R 2005 La mesure de l cole politique des standards et management par la qualit in Pouvoirs et mesure en ducation Cahiers de la Recherche sur l ducation et les Savoirs Hors s rie 1 coordonn par A Vinokur Paris MSH juin OANCEA A 2005 Criticisms of educational research key topics and level of analysis British Educational Research Journal 31 2 april 157 183 PEILE E 2004 Reflections from medical practice balancing evidence based practice with practice based evidence in Thomas G Pring R eds Evidence Based Practice in Edu cation London Open University Press POLANYI M 1983 The Tacit dimension L
39. tations se sont succ d en Su de aux Pays Bas et au Royaume Uni L argument principal est que la recherche doit apporter une contribution significative l am lioration des pratiques p dagogiques et la prise de d cision dans l ducation Le but est de financer et promouvoir des tudes r pondant la question Qu est ce qui marche What works c est dire des travaux ayant une r elle utilit sociale ou conomique Selon les d fenseurs de la politique en fonction du niveau de preuves les praticiens doivent tre incit s une meilleure prise en compte dans leur formation et leur activit professionnelle de r sultats neutres et pr cis dispens s par la recherche C est pourquoi le recensement syst matique d une masse importante de donn es pr sentant toutes les garanties de rigueur et d objectivit doit conduire l laboration et la diffusion de bonnes pratiques Gr ce aux d veloppements de l informatique d multipliant les capacit s de traitement et d exploitation des donn es trois grandes proc dures sont mises en uvre D abord des revues syst matiques de la litt rature de recherche visant identifier et accumuler des donn es sur un th me ou une question de conjonc ture en valuant la qualit des m thodologies utilis es et la consistance des tra vaux Cette technique est per ue comme une prise de distance l gard des notes de synth se r dig es par des chercheurs avanc
40. un travail objectif de description et d ex plication du monde Gewirtz amp Cribb 2006 Les chercheurs formulent des jugements et mettent en uvre des valuations morales chaque tape du pro cessus de recherche Ces choix thiques sont aussi ext rieurs la recherche quand il s agit de son financement de la r cup ration des donn es des modalit s de la coop ration avec des institutions Comme l affirme Sharon Gewirtz se d marquant sur ce point d Hammersley les sociologues n ont pas d autre solution que d endosser la responsabilit des implications pratiques de leur travail Par cons quent la sociologie de l ducation tout en conciliant rigueur et ind pen dance doit s appuyer sur une r flexivit thique plut t que de chercher en vain la neutralit n 18 2006 2 ducation et Soci t s 87 De la formation l emploi des politiques l preuve de la qualit Romuald Normand De quels ressorts critiques dispose t elle encore La sociologie de l duca tion s est constitu e en France comme ailleurs dans les ann es 1960 autour de l galit des chances Derouet 2005 2006 Aujourd hui cette probl matique semble puis e face l mergence de nouvelles conceptions de la justice et d un management n olib ral de plus en plus pr gnant Celui ci a d j p n tr les mi lieux de la recherche universitaire tel point que les Anglo Saxons parlent de capitalisme acad mique pour caract
41. urs donne en r alit consistance un r gime de fami liarit constitu d attachements son entourage Par ajustements successifs de r ussite en d convenue il parvient en extraire des propositions qu il porte ensuite dans un espace pist mique selon une vis e du bien commun En carac t risant le bien du proche et son transport dans une communaut le mod le de Polanyi donne voir les exigences du cheminement du travail scientifique qui loin de se conformer une r gularit et un alignement des pratiques met en sc ne l enqu te selon un horizon pragmatique Karsenti amp Qu r 2004 Il invite aussi r fl chir aux modalit s pist mologiques et aux objets de connaissance mis en uvre par la recherche en ducation dans sa saisie des probl mes publics Conclusion omme l crivait MacIntyre 1997 chap 8 avec l entr e dans la moder C nit la d couverte de r gularit s statistiques a constitu une source impor tante de pr dictibilit du comportement humain Mais contrairement ce que pr tend la recherche en fonction du niveau de preuves les proc dures de g n ra lisation en sciences sociales sont diff rentes de celles obtenues par les statistiques dans les sciences de la nature Th venot 1995 La qualit des g n ralisations et de leurs reformulations ne saurait liminer l impr visibilit de la vie sociale dont Macintyre sp cifie diverses caract ristiques L une d entr
42. valeur des travaux de sociologie de l duca tion en affirmant que les universitaires ne produisaient qu une gangue mal crite Deux rapports furent publi s la demande du D partement de l ducation bri tannique Le premier dirig par Tooley professeur en sciences de l ducation l Universit de Manchester et directeur de l ducation d un cercle de r flexion de la Nouvelle Droite lInstitute of Economic Affairs consid rait partir d une revue d articles de recherche que beaucoup d entre eux taient d fectueux Tooley amp Darby 1998 Chris Woodhead dans l introduction affirmait que la majorit des travaux tait de seconde main et que beaucoup d argent avait t gaspill pour les financer Le deuxi me le Hillage report r dig par des cher cheurs de l Institute for Employment Studies de l Universit du Sussex allait plus loin en abordant directement la qualit et l utilit de la recherche Hillage amp al 1998 Reprenant les id es d Hargreaves appelant la cr ation d un forum ind pendant et une strat gie nationale il consid rait que la recherche en du cation tait trop souvent d connect e des pratiques p dagogiques et inaccessi ble aux enseignants Le gouvernement britannique prit ensuite des initiatives afin que les tra vaux de recherche identifient les pratiques les plus efficaces pour lever les stan dards du syst me ducatif Il chercha promouvoir des c
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