«La plupart des esprits ont besoin de matières étrangères pour se
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1. v ritable exercice intellectuel ou plut t d une pratique intellectuelle Prendre ainsi l habitude de quitter son point de vue pour adopter temporaire ment celui d un autre permet d une part de prendre conscience de sa propre position et d autre part d en tendre celle de l autre La philosophie quant elle oblige l abstraction la distance en quittant le ter rain de la r alit empirique et en confrontant les points de vue th oriques qui ont dialogu au cours des si cles Cet exercice de distanciation de mise en perspective et de dialogue th orique constitue un moyen privil gi d aiguiser des aptitudes argumentatives FOCUS MEDICAL HUMANITIES Comme il a t dit plus haut les r ponses univoques aux questionnements concernant l enseignement et la recherche dans le domaine des medical humanities n existent pas chacun donc la libert de les appli quer selon sa formation et le contexte dans lequel elles vont s implanter A Gen ve nous avons opt pour des enseignements d histoire de litt rature et de philoso phie Les enseignants sont issus de la facult des lettres et dans la mesure du possible enseignent dans les deux facult s Le programme se d roule sur deux axes Le premier est obligatoire et consiste en un ensei gnement ponctuel dans les ann es 1 4 qui porte sur des th mes que les tudiants sont en train d tu dier Tous les cours de cet axe sont pr par s et donn s avec2. FOCUS MEDICAL HUMANITIES Point de vue La plupart des esprits ont besoin de mati res trang res pour se d gourdir et exercer Micheline Louis Courvoisier a Programme Sciences humaines en m decine Medical Humanities Institut d thique biom dicale Universit de Gen ve Depuis une vingtaine d ann es le courant des medical humanities prend de plus en plus d ampleur dans les fa cult s de m decine suisses et europ ennes Cet essor est une r elle aubaine pour tous ceux de quelque origine facultaire qu ils soient qui veulent engager un dialogue intellectuel entre diff rentes disciplines Dans tous les cas il permet aux tudiants en m decine de se familia riser avec des courants de pens e insolites pour eux et on l esp re f conds Depuis plus de deux si cles les coles de m decine ont incorpor des sciences nou velles telles la physique la chimie les math matiques la biologie etc D sormais les sciences humaines et so ciales participent ce noble agr gat et en retour pro fitent de l esprit d ouverture dont t moigne la science m dicale Ce mouvement est donc bien r el mais difficile cir conscrire tant il est multiple Qu entend on exactement par medical humanities Question qui revient constam ment juste titre mais embarrassante car ce champ n est encore d fini par aucune vision commune On se rabat donc sur une d finition tellement large introduc tion des sciences hum
3. aines et sociales des arts visuels et de la litt rature dans la formation des tudiants en m decine qu elle n claire pas celui qui la pose Alors des questions plus pr cises surgissent quelles disci plines Quels sont les objectifs vis s Quels enseignants m decins ou autres chacune des deux solutions ayant ses avantages et ses inconv nients Quel type d va luation Quel format p dagogique Cet enseignement doit il tre optionnel ou obligatoire Une litt rature abondante existe sur le sujet laquelle on s agrippe quand il s agit de concr tiser un tel projet Tous les cas de figures y sont d crits toutes les solu tions y sont propos es et tous les auteurs d fendent ar demment leur point de vue Quelques centaines d ar ticles plus tard on ne peut que constater l parpillement de la r flexion et le sentiment d ins curit intellectuelle proportionnelle cette dispersion qui nous a entre temps envahis Le mode d emploi n existe pas Aux dif f rentes questions pos es on ne peut offrir une r ponse univoque et d finitive En effet les programmes de medical humanities d pendent de nombreux param tres qui vont les modeler l origine facultaire de son initiateur le format p dagogique adopt par la fa 1 Montaigne Essais Paris Gallimard 1965 Livre 3 chap 3 p 60 61 cult de m decine les heures qui sont mises disposi tion les attentes de la facult Il est alors te
4. mps de devenir cr atif de d velopper sa propre vision de cette approche de fixer ses exigences de chercher sa pertinence de donner ses propres r ponses Si cette approche d pend du contexte dans lequel un programme s inscrit certains d nominateurs communs devraient n anmoins faire l objet d un consensus Le premier de ces d nominateurs communs concerne le temps de la r flexion et du regard critique Les tu diants doivent apprendre beaucoup apprendre Cet apprentissage est n cessaire car la science m dicale est en constant et rapide d veloppement et parce que les patients attendent de leur m decin qu il sache tout Mais comme l crivait Plutarque l esprit n est pas comme un vase qu il ne faille que remplir A la fa on du bois il a plut t besoin d un aliment qui l chauffe qui fait na tre en lui une impulsion inventive et l entra ne avidement en direction de la v rit 1 Les exigences en mati re d apprentissage ne laissent pas toujours suffisamment de temps aux tudiants pour m taboli ser leurs connaissances ni pour prendre un peu de recul et r fl chir sur certains aspects complexes de leur future pratique Un enseignement de medical humani ties surtout s il peut s inscrire sur un semestre au moins constitue un des moyens efficaces de d velop per ce regard critique quelle que soit la discipline pri vil gi e pourvu qu il s appuie sur des outils intellec tuels ma tris s Le
5. t plate L id e consiste en m me temps cultiver leur tonnement et leur offrir des outils in tellectuels interpr tatifs nouveaux et explicites les ou tils qui constituent la base de la r flexion de la disci pline enseign e L exigence est une marque de confiance qui n cessite un bon encadrement mais qui propulse plus loin et plus longtemps Le troisi me consiste cultiver des comp tences argu mentatives et une capacit entendre avec discerne ment M decins crivains et philosophes s interrogent depuis des si cles sur ce qu ils appellent l art d couter et sur ce qui fait parfois cran une compr hension mutuelle 2 Et il semblerait qu encore aujourd hui malgr la sophistication des outils d investigation cor porelle ce soit le r cit du malade qui contienne les l ments les plus significatifs de la pose du diagnostic Les medical humanities peuvent contribuer leur mani re enrichir le lien entre le malade et son m decin Ainsi la litt rature n invite t elle pas seulement emmagasi ner passivement l exp rience des autres mais lin vestir temporairement nourrir et alimenter ainsi le point de vue du lecteur Elle consiste en un dialogue entre sa propre perception d une situation et celle des personnages du livre cette confrontation perp tuelle entretient la souplesse interpr tative et compr hen sive Elle rel ve d une exp rience motionnelle m di e mais aussi d un
6. temps de la respiration r flexive ne saurait en aucun cas se confondre avec une offre de distraction ou de simple consommation culturelle Le deuxi me est li au maintien de la curiosit intellec tuelle des tudiants et leur capacit d tonnement La curiosit prend du temps mais elle oxyg ne les neu rones et dynamise l tudiant Elle constitue l un des moteurs fondamentaux de la vie intellectuelle et rela tionnelle Elle peut porter sur d innombrables do maines et les medical humanities n ont certes pas l apanage d en constituer l unique ferment N an moins contrairement une id e re ue et exp rience faite bon nombre d tudiants en m decine ne craignent pas le d paysement intellectuel momentan comme en t moignent leur participation active tant quantita tivement que qualitativement aux divers cours option qui leur sont offerts dans nos domaines La curiosit veill e durant leur parcours scolaire est intacte et ils Bioethica Forum 2011 Volume 4 No 4 149 profitent de l occasion qui leur est donn e pour l entre tenir A nous de les nourrir non pas de ce qu ils conna tront de toute mani re livres grand public ou histoire lin aire des grandes figures m dicales mais de ce qui peut les surprendre et entretenir leur ouverture d es prit A cet effet choisissons plut t de stimuler leur r flexion partir de mat riels qui r sistent une inter pr tation facile e
7. un clinicien sp cialiste du th me en question Le deuxi me consiste offrir des cours optionnels sur un semestre Il s inscrit dans ce qui est appel les cours option obligatoires qui impliquent que les tudiants sont tenus de choisir un cours chaque semestre de la 2 et 3 ann e parmi plus d une cinquantaine de pro positions qui touchent tous les domaines de la m de cine C est cette occasion que nous avons pu consta ter l int r t des tudiants pour les disciplines des medical humanities puisque nous devons souvent re fuser des inscriptions On oppose trop souvent la culture scientifique la culture des sciences humaines et sociales De mani re g n rale mais en m decine encore plus cette opposi tion est st rile et appauvrissante Les medical humani ties constitue un moyen privil gi de lutter contre cette tendance Correspondance Micheline Louis Courvoisier Institut d thique biom dicale Programme Sciences humaines en m decine Medical Humanities CMU 1 rue Michel Servet CH 1211 Gen ve 4 E mail Micheline Louis Courvoisier at unige ch R f rences 1 Plutarque Comment couter Paris Rivages 1995 p 67 2 Caillau JM R flexions sur l art d couter consid r relativement la m decine Bulletin polymathique du Mus um d instruction pu blique de Bordeaux 1818 16 200 5 Bioethica Forum 2011 Volume 4 No 4 150
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