Au but de Thomas Bernhard
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1. c est ainsi que commence La Cave Un jour au lieu d aller l internat il a pris le chemin de l exact oppos celui de la Haute cole des marginaux des pauvres des fous la cit de Scherz hauserfeld Chronologiquement il ne pouvait pas savoir qu il contracterait dans son magasin en sous sol une maladie qui lui ferait toucher le fond pendant quatre ans Mais l auteur en r digeant le sait et le texte prend en charge la maladie au fond comme une longue m taphore Aller dans le sens oppos La Cave ne cesse de r it rer cette indication simple d une oppo sition radicale et qui allait de soi prend le sens d un interdit symbolique Et dans Le Froid le jeune homme se demande ce qu il a tir de sa volte face spontan e Mon vasion du lyc e ma place d apprenti mes tudes musi cales je voyais ces signes de ma d sob issance lentement amplifi s jusqu la folie et la m galomanie grotesque p 101 Autrement dit l cart dans ce monde g n rateur de mort est n cessairement sanctionn et compte tenu de son ex p rience v cue il lui para t s opposer aux hommes avec la puissance arbitraire de la nature il y a plusieurs acceptions de nature dans l uvre de Thomas Bernhard et l une est ce m canisme aveugle qui perp tue le laminage de Pindividu sensible C est l la signification de la m taphore de la maladie la d sesp rante puissance de ce monde stupide Vision anhistori2. tranger au lieu trouve pr cis ment aux Pays Bas la maison d une m re qui l accueille au double sens du terme Il est vident que la sc ne 17 montre autre chose la m re n est pas la m re de l auteur mais celle d une fille avec laquelle elle entretient les relations conflictuelles que l on sait Mais il n emp che que la pi ce montre aussi comment le succ s d un au teur dramatique conduit sa reconnaissance sociale en d pit de son alt rit et de sa solitude Et cette reconnaissance engendre par un m canisme priv assez myst rieux qui est tout l objet de la pi ce la reconnaissance de cet tranger par une figure maternelle qui finit par accepter sa valeur ici sa valeur litt raire oppos e celle dans l autobiographie de l enfant de la honte Pour ainsi dire celle qui s appelle la m re accueille adopte celui qui s appelle l auteur dramatique En ce sens derri re un jeu de multiples illusions de fausses pistes et de dissimulations c est un certain Thomas Bernhard qui all goriquement ou symboliquement serait arriv au but L art de Thomas Bernhard est au th tre plus encore que dans la prose un art de l irritation virtuose C est pourquoi m me si on croit les avoir d j vues ou d j comprises il faut sans cesse re jouer les pi ces de Thomas Bernhard dont la complexit se d voile progressivement nous Extrait de Notes sur le th tre de
3. malgr le calme conquis mais chaud Certes il a fallu tout ce temps pour qu il puisse mettre de l ordre en lui prenne une distance heuristique quant son rapport cette tranche de son histoire Mais il pioche et tranche chaud au corps corps avec son criture dans toute la chaleur de sa haine de sa hargne ind fectible De l vient sans doute l extr me originalit de la litt rature bernhardienne Mais elle est en m me temps ins parable de son creuset autrichien et d un espace infiniment plus large qu il ne faut pas ignorer L crivain Partiste et l intellectuel autrichien contemporain ne peut pas ne pas sentir sous ses pieds le sol traditionnellement absolutiste r actionnaire et immo biliste d o il est issu L absence d un espace public et d une vie culturelle a fissur en profondeur le sujet de la monarchie habsbourgeoise et l a exil dans une vie priv e souvent n vrotique Quant la p riode qui fait le tour nant du si cle o se croisaient l Empire bic phale en d composition et une bourgeoisie tardive mais rapidement enrichie et qui n avait de cesse de se rallier l esth tisme fastueux de l aristocratie tension qui a donn lieu la m taphore de fin de monde elle avait certes engendr une pouss e moderniste impressionnante mais un peu la fa on d une flamb e qui ne laisse qu un trou noir Au lendemain de la Premi re Guerre l essor co
4. p 82 Il parcourt la ville de long en large seul s asseyant sur des tas de gravats observant la d tresse humaine p 90 qui ne l pargne pas Un peu plus tard il refuse de poursuivre sa scolarit et entre comme apprenti dans un magasin de comestibles de la cit de Scherzhauserfeld quartier de terreur absolue de la ville p 9 C est le th me de La Cave un retrait Un retrait parce qu il chappait au dispositif oppressant de la soci t et puis il voulait vivre et tre actif de mani re utile p 10 C est une p riode de bien tre mais on ne le laissera pas tranquille Il y contracte une grippe s v re qui ne gu rit pas Dans le m me temps son grand p re anarchiste crivain l tre que Thomas Bernhard a le plus aim au monde qui lui a fait une ducation hors institution riche et diverse est hospitalis le lende main l tat de Thomas empire et ind sir dans le logement de ses grands parents o il vit avec sa m re il suivait son grand p re Il tait atteint d une pleur sie purulente et il revient lui dans la salle des vieux l o on met tait uniquement les patients dont on attendait la mort et o il a t soign par des ponctions qui l affaiblissaient au dernier degr Cette proximit la mort c est le th me du Souffle une d cision La mort prend dans ce texte une forme institutionnelle et le souffle est ce qui lui reste pour d cider de 29 vivre
5. sent le r el et d autre part dans l impossibilit m me du projet il reste une substance litt raire extr mement dense comme une sorte d quivalent d un v cu bless et f roce C est encore une des richesses de cette litt rature Les bretelles et le violon On a compris le texte ne s efface pas derri re ce qu il a dire il devient au contraire cela entre autres cette meurtrissure nationale socialiste et catho lique dans ce type de d nonciation L internat est pour le nouvel arrivant un cachot con u avec raffinement contre lui donc contre son existence construit d une mani re inf me contre son esprit L Origine p 13 Meurtrissure de Pen fant d j fort prouv par la criminalit ordinaire et qui vivant ses relations de fa on absolue est dans ce contexte de d tresse rapidement envahi par lPid e du suicide Il n est pas le seul c est monnaie courante autour de lui en ce temps l Quand il est enferm dans la petite pi ce aux chaussures vermoulues o il joue du violon chaque fois qu il se met jouer l id e du suicide lui vient et plus il joue plus il s ab me dans cette id e l Un jour il essaie de se pendre avec ses bretelles et c est un chec alors il se remet au violon p 17 un certain temps lui et le texte entretiendront cette tension 28 entre les extr mes vie mort musiquant la mort et se suicidant au violon jusqu ce que l alternative s estomp
6. tre comme une victime naturelle de la guerre et pensait que la vie tait un tablissement p nitentiaire avec tr s peu de libert de mouvement p 41 En posant pas se suicider il avait conclu avec la vie les compromis les plus r pugnants p 63 maintenant c est elle qui se retirait Mais il avait des questions poser l existence sur son origine son p re qu il n avait pas connu et sur lequel tous faisaient silence sur cette d mo lition syst matique dont il tait victime etc Tirer au clair rendre pr sent s annon ait ce moment l comme n cessit ce que le narrateur appelle son d vergondage sp culatif p 75 Il s tait mis crire et ne se sentait exister que par l D s que son tat s tait am lior il avait voulu ardem ment retrouver la sant C est lui qui a d cid de sa sortie de Grafenhof L autobiographie quant elle est une d cision de plus celle d excaver et de d faire le paquet et en plus devant des t moins comme pr sent en d bal lant ces phrases grossi res et brutales et souvent aussi sentimentales et banales Le Froid p 60 Le sens oppos L homicide historique puis la maladie ont traumatis l existence du narra teur comme une norme b ance o tait suspendue sa vie embryonnaire Entre les deux d j d termin sur ce qu il ne voulait pas du monde il avait 30 d cid d aller dans le sens oppos
7. La di dascalie devient un texte part enti re dont la pr sentation formelle res pecte le personnage muet le mettant sur un pied d galit avec le personnage parlant La cons quence la plus visible pour le lecteur est l im pression d ensemble le th tre de Thomas Bernhard repose sur la savante juxtaposition de la parole et du mutisme ce qui engendre non pas un r le typiquement bernhardien celui du raisonneur mais deux r les bernhar diens toujours plac s c te c te le raisonneur virtuose devant le person nage silencieux En ce sens les v ritables monologues sont rares dans le th tre de Thomas 20 Bernhard m me s ils existent bel et bien La plupart du temps un person nage parlant essaie par l acte de parole d imposer sa toute puissance sur un autre personnage d nu de parole ou priv de cette derni re par le jeu de contraintes sociales et ou priv es chaque acte de parole qui vaut ten tative de domination le personnage muet r pond comme il le peut par un acte silencieux une r action physique un geste d autant plus irritant pour le locuteur qu il manifeste pr cis ment la r sistance du personnage muet Si bien que le personnage parlant n a pas le choix s il veut an antir d fi nitivement celui qui est d j r duit au silence il faut qu il le noie davantage encore sous le flux des mots Cependant les protagonistes bernhardiens ont beau remplir des pages en ti r
8. Thomas Bernhard Consid rations philologiques et sp culatives 2006 Jean Marie Winkler Professeur en langues et litt ratures germaniques l universit de Rouen il est sp cialiste de l uvre de Thomas Bernhard Il dirige avec Manfred Mittermayer l dition des volumes Dramen I et II des uvres de Thomas Bernhard en langue allemande Suhrkamp Verlag 2004 2005 Manfred Mittermayer Auteur de nombreuses tudes sur Thomas Bernhard il est membre de l Ins titut de recherche Ludwig Boltzmann pour l histoire et la th orie de la bio graphie cr Vienne en 2005 o il pr pare notamment une biographie de l auteur galement membre de l quipe de chercheurs charg e de la pu blication des uvres compl tes de Thomas Bernhard 22 vol Suhrkamp Verlag Il pr pare pour la Cin math que de Vienne Filmmuseum un cycle consacr aux relations entre cin ma et biographie 18 Une dramaturgie de la parole et du mutisme par Manfred Mittermayer et Jean Marie Winkler Dans Au but le discours dramatique cons cutif la pr sence sur sc ne d un auteur dramatique personnage mis en ab me ou habile trompe l il salue explicitement la difficult des r les muets bien plus p rilleux pour les acteurs que les r les texte Tout spectateur de Thomas Bernhard sait combien ses pi ces vivent pr cis ment de cette pr sence brute aux c t s d un ou d une virtuose de la parole et de l esprit d un pers
9. e par Manfred Mittermayer et Jean Marie Winkler 23 Thomas Bernhard une criture de la hargne parcours dans l autobiographie par Claude Amey 24 L unique Et nous sa propri t Thomas Bernhard vu par Elfriede Jelinek 34 Bibliographie de Thomas Bernhard 39 Iconographie page 4 Thomas Bernhard Nathal In Thomas Bernhard et ses compagnons de vie Les archives L Arche diteur Paris 2002 page 118 page 7 Au but mise en sc ne Claus Peymann sc nographie et costumes Karl Ernst Herrmann ao t 1981 Archiv der Salzburger Festspiele Photo NAME page 11 Alfred Stieglitz Rentrer vite la maison 1894 Photographie prise Katwijk aan Zee Pays Bas In Graham Clark Alfred Stieglitz ditions Phaidon Paris 2006 page 22 Thomas Bernhard Une f te pour Boris tapuscrit In Thomas Bernhard et ses compagnons de vie Les archives op cit page 123 page 38 Thomas Bernhard au bord de la Mer du Nord 1956 In Thomas Bernhard et ses compagnons de vie Les archives op cit page 91 Responsables de la publication Thomas Bernhard et ses compagnons de vie Les ar chives Martin Huber Manfred Mittermayer Peter Karlhuber THOMAS BERNHARD 1931 1989 Thomas Bernhard Nathal crivain et dramaturge autrichien n en 1931 aux Pays Bas Thomas Bernhard grandit en Autriche dans la famille de sa m re Sa jeunesse clair e par influence d un grand p re crivain qui lui donne le go t de la litt rature et de
10. la Mer du Nord 1956 38 Thomas Bernhard Bibliographie Th tre L Arche diteur Paris Les C l bres 1976 Elisabeth II Pas com die 1987 texte fran ais Claude Porcell 1999 Dramuscules 1978 1990 r unis en 1988 Un mort 1988 Le Mois de Marie 1988 Match 1988 Acquittement 1988 Glaces 1988 Le D jeuner allemand 1988 Tout ou rien 1988 Claus Peymann quitte Bochum et va Vienne comme directeur du Burgtheater 1990 Claus Peymann s ach te un pantalon et va d jeuner avec moi 1990 texte fran ais C Porcell 1991 Une f te pour Boris 1970 texte fran ais C Porcell 1996 L Ign orant et le Fou 1972 texte fran ais Michel Fran ois Demet 1984 La Force de l habitude 1974 texte fran ais C Porcell 1983 La Soci t de chasse 1974 texte fran ais C Porcell 1988 Le Pr sident 1975 texte fran ais C Porcell 1992 Minetti Portrait de l artiste en vieil homme 1977 texte fran ais et postface C Porcell 1983 Emmanuel Kant 1978 texte fran ais M F Demet et C Porcell 1989 Avant la retraite Com die de l me allemande 1979 texte fran ais C Porcell 1987 Le R formateur 1979 texte fran ais Michel Nebenzahl 1988 Au but 1981 texte fran ais C Porcell 1987 Ma tre 1981 texte fran ais C Porcell 1994 Les apparences sont trompeuses 1983 texte fran ais dith Darnaud 1985 D jeuner chez Wittgenstein 1984 texte fran ais M Nebenzah
11. la salet et que je ne pouvais videmment pas m emp cher d entendre dans la bouche de ce personnage l cho tr s exact de toutes les critiques et de tous les doutes que j aurais pu moi m me afficher en sortant d une pi ce de Thomas Bernhard et plus pr cis ment encore de la pi ce Au but que je venais de lire Et donc j ai dit oui Guillaume L v que parce que brusquement comme le roi Claudius dans Hamlet ma conscience s est vue prise au pi ge d une pi ce dont j ai imm diatement senti que je ne pourrais plus sortir qu en essayant de la comprendre Qu on fasse donner la lumi re s crie Claudius en plein milieu de La Sourici re Lumi re Lumi re Lumi re r pond Polonius en 1 Traduction de Claude Porcell 13 cho C est peu pr s dans le m me trouble en tout cas avec la m me volont de sortir de l obscurit que je me suis rendu compte que les trente quatre premi res lignes de la pi ce Au but venaient de provoquer ma premi re v ri table rencontre avec Thomas Bernhard En premier lieu je me suis dit tout cela n est peut tre qu une supercherie Ce n est jamais qu un auteur prenant la libert d autoriser l un de ses per sonnages dire ce qu il pense d une pi ce dont le titre est Sauve qui peut que personne n a jamais lue ni vue et donc la possibilit pour lui d entre prendre la d molition d un certain type de th tre de certains auteu
12. pi ce ce qui pourrait bien produire chez lui une tendance r examiner sa raison d tre l o il est cet instant en train de regarder ou de subir contraire ment toute attente dans un tel th tre qui n arr te pas de se citer et de se d cliner dans l outrance de toutes ses formes un effet de r alit qui serait bien l envers exact du th tre dans le th tre C est un effet tr s surprenant et si fort que n importe quel dramaturge s en contenterait et ne jugerait pas n cessaire de donner une suite une telle premi re partie Mais c est pr cis ment ce point peut tre quand il touche au but que Thomas Bernhard choisit de faire que tout se renverse 14 pour devenir l auteur dramatique qu il est unique et terriblement cons quent qui crit la deuxi me partie de Au but celle qui claire enfin la pre mi re partie mais faut il le dire avec la seule lumi re qui reste quand on se tient au c ur des t n bres Michel Vittoz artiste associ au Th tre National de la Colline Pour le th tre il a crit Doublages Trace et La Belle et la B te Actes Sud Papiers galement des romans dipe Paname U G E Le Rire de l employ Olympio L Institut Giuliani Buchet Chastel premier tome d un projet de roman en sept volumes intitul La Conversation des morts Il a traduit Edward Bond derni rement Si ce n est toi Chaise Existence et Na tre L Arche diteur Augu
13. que ce dernier soit le je du texte n autorise pas aborder l autobiographie comme l histoire de sa vie racont e par Pauteur Cette convention v nementielle et le contrat de lecture qu elle implique conventionnellement avec le lecteur dans ce genre litt raire en terme de ce que je garde secret ce que je r v le ici n existent pas Thomas Bernhard se veut un grand d molisseur d histoires si une anecdote se pr sente je Pabat et cela passe par l autobiographie aussi C est ce qui fait en grande partie l int r t de son uvre 24 L autobiographie int gre une tranche de l histoire qui s tend pour l es sentiel de 1931 1950 elle couvre en m me temps les dix neuf premi res ann es du narrateur auteur et la pleine p riode du s isme historique pro voqu par le fascisme et la guerre une confrontation particuli re on le verra de l acteur narrateur et du monde en jeu noter que ce v cu histo rique et personnel Thomas Bernhard ne le relate pas sur le vif il l crit vingt cinq ans plus tard le temps d carter les d combres sous lesquels ses pro cr ateurs l avaient herm tiquement recouverts L Origine p 102 soit entre 1972 et 1982 une tout autre p riode Or ce d calage doit entrer pour une part importante dans le sens de l autobiographie commencer par ceci de notable que vingt cinq ans plus tard l auteur n crit pourtant pas froid
14. que pour se faire lui m me mettre en pi ces par ses griffes Car celui qui cherche trop d sesp r ment en tre sera aussi le premier se faire jecter par elle Ces fils et filles de la province profonde grandis sous le fouet de la terreur catholique romaine et des ta bl es de vieux nazis dans les auberges ont depuis toujours tudi soigneu sement les rituels complexes de la classe dominante viennoise faire son shopping chez Knize ou chez les joailliers du Graben et se promener sur le Kohlmarkt Comme s il suffisait de suffisamment bien conna tre les r gles pour pouvoir exister sans encombre l endroit de son choix Mais lors de la c r monie de remise des prix le po te est assis incognito dans le public et Monsieur l Acad micien a du mal se frayer un chemin dans la salle comble Et puisqu ils sont tous confortablement assis ils doi vent se lever pour laisser passer le laur at et ce faisant ils lui lancent des regards empoisonn s et p n trants justement cause du fait qu ils doivent se lever pour le laisser passer Je m tais enferm moi m me dans la cage Qui ne songerait ici l autre grande po tesse de la province Ingeborg Bachmann laquelle Thomas Bernhard a rendu un bel hommage dans Extinction Seulement Bachmann une femme a parl de la soci t comme de la plus grande des sc nes de crime une sc ne sur laquelle les fa ons de mourir pouvaient varier mais laquelle pe
15. sentiment sinc re d une obli gation qui m incombe L Origine p 69 il faut que soit dit ce qui doit tre dit Indiquer devient un devoir imp rieux parce que c est l instant o il est en condition pour claircir l existence la percer jour jusqu au supr me degr possible c est la seule possibilit La Cave p 129 C est l ce besoin ultime et obsessionnel du narrateur de rendre pr sent plus que de conna tre ou faire savoir la v rit intellectuelle de rendre en quelque sorte phy siquement visible la r alit par ex l appareil de la soci t bourgeoise qui est un appareil d vastateur pour les tres humains p 104 et ses esp ces les m decins les parents les enseignants etc C est dans ce sens que l criture se met compulsivement en marche se tra duisant textuellement par la r p tition l incessant ressassement des m mes th mes syntagmes et formules et forme ce style totalement tendu par son besoin de trouver sa propre efficacit Mais il ne s agit pas du tout d une ex p rimentation de d construction litt raire comme celle du groupe de 27 Vienne ou en France celle du Nouveau roman ce qui n enl ve rien d ail leurs cette forme litt raire Le langage n est pas pour le narrateur un jeu une manipulation du signifiant pas plus qu il n a de s rieux r aliste Il est une machine excavatrice cet effet il n est pa
16. tisme social que de l art sp culatif Ultime objet de l irritation et du malaise 16 qui finit par s installer chez le spectateur bernhardien Au but est une des derni res pi ces elle th matise cet gard le succ s d un auteur dramatique p 8 q rappelant le succ s de Thomas Bernhard l poque en indiquant pour qui saura le voir que toute reconnaissance d un auteur par le public n est qu idol trie et malentendu m me si l auteur se complait sa mani re dans ce statut que les baroques appelaient celui du poeta laureatus q q pp Dans un spectacle dont on sait qu il n est pas de nature biographique en core moins autobiographique puisqu il repose sur des personnages et des constellations librement inspir s de l uvre litt raire et reconnaissables ce titre Thomas Bernhard a gliss des l ments de v rit biographique re connaissables ou non dans une sorte de jeu autor f rentiel relevant non de la communication avec le public mais du private game voire du private joke Ainsi trouve t on y compris dans Au but de nombreux passages o un per sonnage salue son grand p re maternel comme initiateur la pens e et la litt rature Ces mots prononc s derri re le masque du personnage et de Pacteur sont un hommage personnel de Thomas Bernhard son grand p re Johannes Freumbichler Et le fait que l auteur dramatique succ s mis en sc ne avoue que tout v
17. AU BUT texte Thomas Bernhard mise en sc ne Guillaume L v que Th tre National de la Colline 15 rue Malte Brun 75020 Paris location 01 44 62 52 52 www colline fr Petit Th tre du 18 avril au 17 mai 2007 du mercredi au samedi 21h mardi 19h dimanche 16h rel che le lundi et les mardis 1 et 8 mai production Th tre National de la Colline Service p dagogique Armelle St pien 01 44 62 52 10 a stepien colline fr Anne Boisson 01 44 62 52 69 a boisson colline fr Ga lle Collot 01 44 62 52 53 g collot colline fr AU BUT 1981 texte fran ais Claude Porcell dramaturgie Michel Vittoz d cor Claire Sternberg lumi re Christian Pinaud costumes Isabelle Flosi cr ation sonore Sylv re Caton avec Val rie de Dietrich La fille Pierre F lix Gravi re Un auteur dramatique Evelyne Istria La m re Christine Seghezzi Katz Une bonne Le texte de la pi ce dans le texte fran ais de Claude Porcell est paru L Arche Editeur Paris 1987 Sommaire Thomas Bernhard br ve pr sentation 4 AU BUT quatre extraits de la pi ce Notice sur la pi ce par H l ne Francoual AU BUT une rencontre avec Thomas Bernhard par Michel Vittoz 12 AU BUT une r flexion sur l artiste par Manfred Mittermayer et Jean Marie Winkler 16 Une dramaturgie de la parole et du mutisme par Manfred Mittermayer et Jean Marie Winkler 19 AU BUT et LE PR SIDENT l ments pour une analyse compar
18. ainsi que celle ci ne la quittera jamais son enfant qui la prot ge et inversement qu elle a encha n elle et inversement les deux tirant sur leurs cha nes pour toujours jusqu la fin des temps c L intrusion d un tiers L auteur dramatique invit par la m re et la fille pourrait venir rompre cette relation d ali nation r ciproque Contrairement la fille aveugle son sort la m re a per u le danger et craint que l auteur ne se faufile aupr s d elles pour faire exploser quelque chose Redoutant d avoir commis une idiotie c est dire d avoir elle m me introduit dans l antre familial celui qui pour rait d tourner d elle sa fille et mettre fin au v u mortif re de ne jamais se s parer elle appr hende comme le G n ral dans La Soci t de chasse que Pauteur qui a flair le sang n en fasse le mat riau d une prochaine pi ce d Ouverture sur le th tre de Thomas Bernhard La mise en ab me entre th tre repr sent et th tre voqu s tend l ac tivit de Thomas Bernhard dramaturge L auteur livre ironiquement des r flexions sur son propre th tre notamment sur la structure r currente de l opposition entre r le muet et personnage logorrh ique travers les commentaires de la m re sur la pi ce de l auteur dramatique intitul e Sauve qui peut De m me est voqu e la mission de l auteur dramatique qui s il ne peut change
19. alors qu il tait laiss pour compte il voulait choisir sa mort non la subir p 22 de la part de ce centre de production de mort p 34 Il voulait vivre alors que les m decins taient pourris et avaient laiss mourir son grand p re par n gligence alors qu ils ne montraient aucune volont de le gu rir lui alors que personne n avait quitt la salle des vieux vivant depuis qu il y tait Apr s de longs mois il tait envoy dans une maison de convalescence la discipline draconienne bond e de poitrinaires o il contractait tout fait normalement dans cette atmosph re contagieuse une tuberculose tr s grave qui allait le replonger dans l enfer d o il venait mais cette fois au sa natorium de Grafenhof le plus terrifiant de tous disait on C est Le Froid une mise en quarantaine durant laquelle il acquiert la comp tence d un vrai malade capable d expectorer comme tout un chacun de ha r les bien portants et m me de les contaminer Une forme d opposition En bref il se retrouvait dans l antichambre de la mort acceptant finalement l ventualit extr me p 19 cependant que sa m re tait en train de mourir d un can cer et dont il allait lire la mort dans le journal les siens ayant oubli de Pen informer on l oubliait Livr aux m decins iniques m prisants incomp tents ce jeune homme de dix neuf ans avait l impression qu il tait d tenu en attendant de dispara
20. ant des heures souvent plus de dix d affil e et que lorsqu on lui demandait d arr ter enfin parce qu on ne pouvait plus couter il suppliait qu on lui accorde encore deux heures de plus Et pour ne pas avoir penser le cauchemar jusqu au bout ce musicien de formation a invent sa propre technique de la r p ti tion mais avec une scansion rythmique semblable un mouvement sinu so dal dont l implacable musicalit s imposait tous et ce m me si tout avait d j t dit cent fois Ainsi l exp rience de manquer d air a cr le souffle sauvage et enflamm de celui qui parle pour rester en vie L air ren ferm de l Autriche cet air vici toute sa vie durant ce brin d air lui aura suffi pour s enflammer Depuis les crises d touffements au pavillon Her mann ou quelque nom qu on ait donn ces galetas d internement o les malades du point de vue des bien portants n ont plus aucun droit jusqu cette litt rature du verbe sans fin Depuis les bouches inutiles des patients sous tutelle qui n ont qu manger les miettes laiss es par les bien portants jusqu la bouche de l Autriche qui dit la v rit sur ce pays ce qui de la part des bien portants a toujours t ressenti comme une in convenance absolue Place pour les malades Et place aux po tes mais malheur aussi eux quand ils font comme ceux qui ont t ostracis s par la soci t en raiso
21. assable Et pourtant l Acad mie qui a d cern son prix au po te ne l a pas reconnu au milieu du public o il tait assis Madame le Ministre a fortement ronfl pen dant toute la c r monie Ensuite elle s est subitement cri e o est il l cri vaillon Bachmann est morte br l e Bernhard s est touff sa vie durant Traduction Dieter Hornig Texte paru dans l hebdomadaire autrichien Profil le 20 f vrier 1989 apr s la mort de Thomas Bernhard 1 Concept fondamental du cin ma d Hitchcock le MacGuffin est un l ment de l histoire qui sert l initialiser voire la justifier mais qui s av re sans grande im portance au cours du d roulement du film Dans Psychose par exemple le MacGuf fin est l argent d rob par Marion son patron au d but du film Elfriede Jelinek Romanci re et dramaturge n e en 1946 M rzzuschlag Autriche elle ob tient le prix Nobel de litt rature en 2004 Ont derni rement t publi s en fran ais les romans Auidit trad Claire de Oliveira Seuil 2003 et Bambiland trad Patrick D merin pr face Dieter Hornig J Chambon 2006 ainsi que les pi ces D sir amp permis de conduire recueil trad Marie Luce Bonfanti Y Hoffmann Maryvonne Litaize Crista Mittelsteiner et Louis Charles Sirjacq L Arche 1998 et Maladies ou Femmes modernes trad Patrick D merin et D Hornig L Arche 2001 37 amp Thomas Bernhard au bord de
22. ce Le philosophe le m decin ou le ma tre de maison le dictateur voire le tyran domestique sont des personnages qui vivent de cette dualit de la parole et du silence de l irr versibilit du pouvoir de la parole utilis e comme instrument de puissance et de domination sur l autre Il est rapidement apparu que la pr sentation formelle du th tre de Thomas Bernhard souffrait d incoh rences inexplicables de prime abord Tandis que la plupart des pi ces publi es adoptaient une pr sentation uniforme traditionnelle consignant les textes muets dans des didascalies mises en italiques au sein des monologues en caract res romains l dition originale 19 de la premi re pi ce Une f te pour Boris divergeait accordant aux person nages muets le m me statut dans le texte qu aux personnages parlants Un autre indice plus subtil venait de l impression laiss e par la lecture des tapuscrits Alors que le texte y tait le plus souvent identique celui des textes publi s les tapuscrits des pi ces de th tre se lisaient plus facilement les nuances dans les relations entre les figures y taient videntes les per sonnages muets y semblaient plus pr sents que dans les textes imprim s un peu comme ils le sont au th tre lorsque le metteur en sc ne leur donne corps Thomas Bernhard avait d velopp une criture dramatique originale Par la simple pr sentation formelle il partait de ce qui est l essenc
23. ci devant malade et actuellement d funt tait un agneau de Dieu qui a pris sur lui les p ch s du monde non pas n cessairement pour d livrer quelqu un mais pour que beaucoup de non ap pel s croisons les doigts le principal c est la sant puissent enfin se sentir appel s se r pandre sur la litt rature comme ils sortent leur chien pour qu il se r pande sur le trottoir Ainsi leur langue les tire hue et dia par la laisse de leurs pens es et le plus souvent entra ne les pens es dans son sillage Et si tout le monde faisait pareil Car ce que tout le monde croit avoir compris il n a pas le droit de le taire Tout le monde pourrait en par ler aussi bien que le po te et bien mieux encore Et pourtant d une fa on retorse la critique fa on Bernhard tait aussi la critique de tout le monde envers tout le monde la critique du raisonneur qui pr cis ment dans ce r le usurpe la critique pour lui seul La soci t doit sans cesse se convaincre qu elle est la seule possible entre toutes elle doit carr ment exclure toute possibilit de son ventuelle transformation une autre soci t qu elle m me ne doit m me pouvoir tre pens e car sinon sur quoi d autre crirait alors le po te C est la raison pour laquelle elle n a de la place que pour un seul critique le prototype du critique pour ainsi dire observateur en col re qui devient sa propri t la propri t de cette soci t et dont
24. e C est l probablement l origine origine symbolique d une exclusion d finitive quelle que soit l alternative il n a jamais trouv la fermet pour passer lacte trop curieux qu il tait dit l auteur Mais le choix de la vie est encore une exclusion le violon l art est une aberration dans un monde qui passe son temps an antir tout souf fle de vie C est cependant pour lui l unique solution L criture prendra le relais du violon et comme une opposition permanente ce que Thomas Bernhard dit lorsqu on lui demande pourquoi il crit Par opposition un tat de fait parce que r sister exprime mes yeux TOUT Je d sirais vivre en tat de permanente opposition Voil pourquoi j cris de la prose La vie par la mort R sister tre en perp tuelle opposition cela a pris un sens fort par rapport au monde tel qu il se pr sentait l adolescent c est dire par la mort D s octobre 1944 il a donc treize ans commence sur Salzbourg l exp rience effective des bombardements qui font de cette ville honnie une tombe vi vante La vieille ville est d truite des cadavres jonchent profusion les rues des gens cr vent de faim des proches leurs maisons sont d truits les bombardements devaient mettre un terme sa carri re de violoniste en d truisant son violon La Cave p 74 Il avait pourtant l impression qu an an tie sa ville natale avait enfin des traits humains
25. e du th tre le visuel On retrouve dans les manuscrits des sch mas indiquant par exemple pour Le Pr sident o se trouvent les diff rents personnages ou pour d autres pi ces quels sont leurs mouvements sur sc ne Homme de th tre et acteur passionn crivant pour ce qui allait devenir son uvre dramatique Thomas Bernhard poussait sa logique son terme jusque dans la facture de ses textes Tout metteur en sc ne sait bien qu au th tre la mat rialit est souvent plus d terminante que le verbe et qu un personnage muet par sa simple pr sence existe au m me titre qu un personnage parlant peut tre davantage m me selon les circonstances Dans les tapuscrits de Thomas Bernhard le nom des personnages muets est syst matiquement crit gauche sur la page Le texte des personnages muets est la premi re tabulation Mais l originalit de la pr sentation bernhardienne r side dans le fait que lorsqu une didascalie est ins r e dans un passage parl le nom du person nage parlant est syst matiquement r p t ensuite lorsqu il reprend la pa role Ainsi le personnage parlant n est il pas interrompu par un personnage muet comme le sugg re la disposition conventionnelle le personnage muet fait son texte avant que le personnage parlant ne reprenne la parole comme si l on tait non pas dans un monologue interrompu par un corps tranger mais dans une sorte de dialogue entre parole et mutisme
26. e n insulte vraiment personne 1988 entretiens avec Kurt Hofmann texte fran ais J L A Moreau ditions de la Table Ronde Paris 1990 Entretiens avec Krista Fleischmann 1991 texte fran ais C Porcell L Arche diteur Paris 1993 Textes divers recueils Thomas Bernard T n bres discours r cit entretien auto interview Claude Porcell d texte fran ais C Porcell et Jean de Meur ditions Maurice Nadeau 1986 Cahier Thomas Bernhard entretiens r cits po mes 40 Herv Lenormand et Werner W gerbauer d texte fran ais Kaufholz K Han et H Holl in L Envers du miroir n 1 ditions Arcane 17 Saint Nazaire 1987 v nements r cits entretien th tre article 1965 1988 C Porcell et Erika Tunner d texte fran ais Jeanne tor Bernard Lortholary C Porcell Dominique Petit L Arche diteur 1988 Thomas Bernhard po mes lettre argument de ballet Pierre Chabert et Barbara Hutt d texte fran ais Suzanne Hommel coll Joseph Atti Jean Michel Maulpoix Olivier Mannoni Olivia Stephan ditions Minerve Paris 2002 41
27. elle m me son tour devient l otage Et le voil qui nous exclut durablement de son tes tament Plus de piti possible devant cette unique et ultime d cision Tout ce courrier haineux des lecteurs contre un artiste isol toute cette lie de conformisme bien pensant tout cela a souvent donn l impression que nous tions tous dans la main de Bernhard Et combien il tait dans la n tre lui qu on tra nait m me malade devant le rideau du Burgtheater afin que nous puissions le voir en chair et en os Cet homme en col re a cru comme aucun autre en cette soci t autrichienne tout comme le ma lade avec la rage du d sespoir cherche rejoindre les bien portants parce qu ils lui font en permanence ressentir qu il n a plus sa place parmi eux et qu ils cherchent l vincer lui cette terrifiante possibilit de leur propre 35 tre Ainsi Bernhard dans son r le de critique comme critique par excel lence renforce t il cette soci t pr cis ment en la critiquant elle qui est de puis longtemps devenue sa raison de vivre Pour le po te Reinhard Priefinitz d funt lui aussi Bernhard tait un Monsieur un Seigneur et tel aurait t son r le Jeune d j Thomas Bernhard avait tudi avec passion ce qu on appelle la bonne soci t afin de pouvoir en tre et plus il en tait plus elle aussi lui appartenait et s il a pu la bousculer et la mettre en pi ces ce ne fut finalement
28. ennent de la repr sentation ou du symbolique comme pour l oraison fun bre l exception d une demande de gr ce pr sidentielle refus e afin de donner l opinion publique un signe de fermet en des temps troubl s sont d lib r ment plac s hors champ en dehors de la sc ne Dans Au but c est la repr sentation th trale mise en ab me omnipr sente dans les propos des divers personnages et r f rence oblig e de l auteur dra matique mis en sc ne qui est syst matiquement exclue de la pi ce bernhar dienne On retrouve l une constante du th tre de Thomas Bernhard qui s ing nie utiliser des ellipses pour ne pas montrer l essentiel en ne conser vant sur sc ne que ce qui pour une dramaturgie traditionnelle serait acces soire voire inutile De m me que dans la version d finitive la mort du Pr sident restera myst rieuse on ignore les circonstances de ce d c s ainsi que le nom de l assassin moins qu il s agisse d une mort naturelle nul spectateur de Thomas Bernhard ne verra la pi ce mise en ab me dans Au but dont tous parlent et qui sert de pr texte la rencontre de personnages venus d horizons diff rents qui n auraient pas d se retrouver sous le m me toit On retrouve des proc d s semblables dans La Force de l habitude o la r ali sation parfaite de La Truite de Schubert n aura jamais lieu ou dans Le Faiseur de th tre o la repr sentation de la
29. es de leur prose interminable ils sont pourtant pour la plupart vou s l chec noy s devant une t che qu il n arriveront pas remplir L ironie est le fait m me de l auteur artiste de l exag ration selon la d finition m me de Bernhard et sa propension l hypertrophie de toute chose est en soi une incitation la distance critique ou au rire lib rateur Les phrases interminables qui recouvrent des pages enti res sont peut tre l aussi pour viter de donner l impression de cet chec consubstantiel la tentative d crire in luctable chec retard du moins tant que l on parle et tant que l on crit Extrait de Notes sur le th tre de Thomas Bernhard Consid rations philologiques et sp culatives 2006 21 Thomas Bernhard Une f te pour Boris tapuscrit AU BUT et LE PR SIDENT l ments pour une analyse compar e par Manfred Mittermayer et Jean Marie Winkler Si les deux pi ces semblent de prime abord fort diff rentes l une privil giant la sph re publique l autre tant une sorte de huis clos intime Le Pr sident et Au but ont n anmoins en commun une r flexion sur les structures du pou voir et de la domination Il appara t que le protagoniste du Pr sident et sa femme sont avant tout montr s dans leur sph re priv e o ils exercent leur r elle activit de domination l un sur l autre tandis que les actes politiques dont on notera qu ils ti
30. ier 1985 coll L Imaginaire 2004 Le Naufrag 1983 texte fran ais B Kreiss coll Du monde entier 1986 coll Folio 1993 Des arbres abattre Une irritation 1984 texte fran ais B Kreiss coll Du monde entier 1991 coll Folio 1988 Ma tres anciens Com die 1985 texte fran ais G Lambrichs coll Du monde en tier 1988 coll Folio 1991 Extinction Un effondrement 1986 texte fran ais G Lambrichs coll Du monde entier 1990 coll Folio 1999 Dans les hauteurs Tentative de sauvetage non sens 1989 texte fran ais C Porcell coll Du monde entier 1991 R cits autobiographiques L Origine 1975 La Cave 1976 Le Souffle 1978 Le Froid 1981 Un enfant 1982 texte fran ais Albert Kohn pr face B Lotholary ditions Gallimard coll Biblos 1990 Po sie Po mes Sur la terre comme en enfer 1957 In hora mortis 1958 texte fran ais R Hofer Bury ditions S guier Paris 1987 Po me de nouvel an Manie de pers cution 1982 texte fran ais C Porcell in Th tre Public n 50 Gennevilliers 1983 Je te salue Virgile texte fran ais Kza Han et Herbert Holl ditions Gallimard s rie Litt rature 1988 Sc narii L Italien r cit et sc nario 1971 texte fran ais C Porcell ditions Arcane 17 Saint Nazaire 1987 Kulterer 1974 texte fran ais C Porcell Editions Arcane 17 2003 Entretiens J
31. ils s aiment ils se ha ssent et ils courent leur perte il n y a pas d issue Au but page 55 La M RE Toute l ann e je ne pense qu l instant o nous partons d ici mais quand nous sommes arriv es au but tout se renverse Au but page 65 L AUTEUR regarde autour de lui Une belle maison une architecture r ussie La M RE Etudier l architecture aurait t aussi quelque chose pour vous L AUTEUR Sans aucun doute d une certaine mani re c est quelque chose de semblable l art de la dramaturgie La M RE Peut tre seriez vous aujourd hui un architecte connu Au but page 101 La M RE Vous tes au but cher Monsieur elle lui prend la main Vous n entendez donc pas les ovations elle lui serre plus fort la main et le ram ne la table Vous tes le plus heureux des hommes Vous devez simplement le comprendre Vous devez l avouer elle s assied l Auteur reste debout Vous devez vous en d brouiller Il faut le supporter Vous devez supporter votre triomphe et vous en d brouiller Sauve qui peut Au but page 119 Notice sur la pi ce par H l ne Francoual Contexte Au but est crite la suite d une commande des Salzburger Festspiele Fes tival de Salzbourg Elle est cr e le 18 ao t 1981 dans une mise en sc ne de Claus Peymann avec Marianne Hoppe La m re Kirsten Dene La fille Branko Samarovski L auteur dramatique Elle fait partie des quelques
32. l 1990 Le Faiseur de th tre 1984 texte fran ais Darnaud 1986 Simplement compliqu 1986 texte fran ais M Nebenzahl 1988 Place des h ros 1988 texte fran ais C Porcell 1991 Romans et r cits ditions Gallimard Paris Amras et autres r cits 1964 1971 texte fran ais Jean Claude H mery et liane Kaufholz coll Du monde entier 1987 Gel 1963 texte fran ais Boris Simon et Jos e T rk Meyer coll Du monde entier 1967 Pertur bation 1967 texte fran ais Guy Fritsch Estrangin coll Du monde en tier 1971 texte fran ais Bernard Kreiss coll L Imaginaire 1989 La Pl tri re 1970 texte fran ais Louise Servicen coll Du monde entier 1974 1989 Corrections 1975 texte fran ais Albert Kohn coll Du monde entier 1978 coll L Imaginaire 2005 Oui 1978 texte fran ais J C H mery coll Du monde entier 1980 coll Folio 1997 L Imitateur 1978 texte fran ais J C H mery coll Du monde entier 1981 sous le titre L Imitateur choix Der Stimmenimitator Auswahl coll 39 Folio bilingue n 66 1997 Les Mange pas cher 1980 texte fran ais C Porcell coll Du monde entier 2005 Le Neveu de Wittgenstein Une amiti 1982 texte fran ais J C H mery coll Du monde entier 1985 coll Folio 1992 B ton 1982 texte fran ais Gilberte Lambrichs ditions Gallimard coll Du monde ent
33. la musique est aussi tr s marqu e par la tuberculose dont il est atteint Apr s avoir tudi au Conservatoire de musique et d art dramatique de Vienne et au Mozarteum de Salzbourg il commence crire Son uvre sulfureuse est impr gn e de ses rapports complexes et violents avec l Autriche et de sa difficult tre autrichien Sa pi ce Place des H ros Heldenplatz nom de la place o 250 000 Viennois firent une ovation Hitler au lendemain de PAnschluss fit scandale en 1988 quelques mois avant sa mort Dans son testament il interdit la diffusion et la repr sentation de ses uvres en Au triche pendant soixante dix ann es Bibliographie compl te voir page 39 de ce dossier 4 AU BUT quatre extraits de la pi ce Texte fran ais Claude Porcell L Arche diteur Paris 1987 La M RE Ce sont ces pi ces qui d molissent tout qui rabaissent tout jusqu ce que tout soit d moli L homme entre et d s le premier mot qu il prononce il se condamne mort et la femme qui il parle il entra ne avec lui tout est si impitoyable tous ils entrent et sont condamn s mort et justement il appelle sa pi ce Sauve qui peut parce qu il est clair que personne ne se sauve c est ridicule de penser un salut tout converge vers la catastrophe tous causent leur propre perte en mettant tout en jeu pour se sauver ils parlent et courent leur perte ils sont l assis et causent leur propre perte
34. n de leur maladie et qu ils tentent d entrer dans un do maine o ils n ont rien faire la r alit politique du pays o seuls les hommes politiques ont quelque chose faire s arranger avec les imp ts et s imposer comme les seuls ma tres bord Et hop on ram ne le po te Ph pital mais pas au service de pneumologie cette fois non tout droit la psychiatrie L bas on saura s occuper de lui afin qu il ne retourne pas trop vite au corps social sain Je crois que c est exp rience pr coce de la maladie par laquelle est pass le malade vie Thomas Bernhard qui lui a aiguis le regard et l a pouss occuper obstin ment sa place afin que personne d autre ne puisse s y mettre 34 Le proc d est connu dans le monde entier le malade s en va il n est plus l et aussit t les bien portants prennent sa place et s approprient concr tement cette place et soudain le malade qui n est pas mort comme on l avait cru revient et veut reprendre sa place il veut se la r approprier et alors il dresse les bien portants contre lui C est avec la plus grande brutalit que l homme sans souffle le po te doit chaque fois se r appro prier la r alit Il s en gave goul ment comme un enfant de son g teau il repousse les bien portants il les carte il pourrait m me les tuer rien que pour reprendre sa place et Dire La V rit C est le malade qui est lucide et ce
35. nce pour Thomas Bernhard Dans les ann es 80 il avait eu le terrible d faut d tre la mode l poque non sans une certaine mauvaise foi je m tais fait une opinion tr s arr t e sur son criture Un formaliste m tais je dit l un de ces crivains dont l acti vit litt raire consiste essentiellement contaminer la litt rature par le d sir m galomaniaque de la transcendance musicale quelque chose comme Maeterlinck mais en pire Et puis ses personnages de th tre ressemblaient des marionnettes de grotesques marionnettes Tout cela me paraissait grimacer et ricaner contre la possibilit du sens propager le cynisme me disais je pour finalement s inscrire dans une entreprise de d molition du th tre et de la litt rature laquelle je ne pouvais certainement pas souscrire Entreprise d autant plus dangereuse et d vastatrice que ce Thomas Bernhard semblait bien avoir un certain talent Et puis il y a quelques mois brusquement comme l crit si volontiers Thomas Bernhard pl rzlich est chez lui un mot r current Guillaume L v que est venu me demander si je voulais bien travailler avec lui sur Au but de Thomas Bernhard Je dis brusquement parce que ce n tait pas du tout la pi ce sur laquelle je devais travailler avec lui mais bien une autre pi ce qui n avait rien voir avec Thomas Bernhard et dont la production livr e des hasards toujours catastrophiques tait devenue tou
36. nce une fon derie Le premier enfant issu de cette union improbable un fils en portera les stigmates puisque n infirme nourrisson vieillard atteint du syndrome de Mathusalem L enfant monstrueux qu elle a souvent pens faire dis para tre de ses propres mains br ler dans le po le ou touffer finira par mourir accomplissant le v u formul par sa g nitrice Le deuxi me enfant la fille ne conna t pas non plus un sort tr s favorable Depuis la mort du p re et mari il y a vingt ans la m re soumet sa fille aux pratiques d humi liation et de domination qu elle exer ait autrefois sur son poux Dans le deuxi me acte la pr sence de l auteur dramatique met provisoire ment un terme cette situation d emprise de la m re dans la mesure o se met en place un semblant de dialogue Si dans un premier temps l auteur dramatique existe face la m re par sa parole la situation s inverse nou veau en faveur de la m re qui reprend le monopole du Verbe Son mono logue n est interrompu que par les br ves r pliques de l auteur dramatique rappelant les manifestations laconiques de la fille dans le premier tableau L auteur op re un rapprochement avec la fille laissant peut tre esp rer la naissance d une conjuration muette contre la m re avec l horizon l hypo th tique sauvetage de la fille l ments de r flexion a Variation de la relation ma tre esclave Sch ma r curre
37. no mique et culturel de l Autriche r duite sa plus simple expression se d gonflait comme une baudruche La R publique vite percluse de fascisme renaissait apr s 1945 en r habilitant les m urs conservatrices et pompeuses du pass La soci t autrichienne n a t depuis qu un d sert culturel dans le souvenir d un moment chimique qui n a fait qu alimenter l agressivit des cr ateurs sur un sol qui touffe toute mulation Notamment aux cri vains de l apr s guerre s est pos e la question comment trouver son identit dans une langue l allemand est la langue officielle et litt raire tellement compromise dans le g nocide Le rapport au langage semble tenir lieu de rapport au r el et dans le contexte europ en de recherches formelles en 25 litt rature il n est pas tonnant de voir na tre ce qu on a appel le Groupe de Vienne K Bayer O Wiener G R hm etc qui m ne un travail de d construction de la langue auquel Thomas Bernhard n a pu tre tranger m me s il ne s est jamais r clam d une litt rature avant gardiste de m me qu est n un courant litt raire anti r gionaliste Il faut ajouter que l auto biographie de Thomas Bernhard co ncide galement avec un courant auto biographique de langue allemande Rendre pr sent Il convient certes de rapporter la litt rature de Thomas Bernhard ces conditions notamment l interrogation autou
38. nologique de r daction L Origine simple indication Die Ursache ein Andeutung La Cave un retrait Der Keller eine Entziehung Le Souffle une d cision Der Atem eine Entscheidung Le Froid une mise en quarantaine Die Kalte eine Isolation Un enfant Ein Kind 2 Dans Thomas Bernhard T n bres Maurice Nadeau 1986 p 136 3 Thomas Bernhard Trois jours ibid p 63 Trois jours est un court essai autobio graphique qui pr c de l autobiographie 4 Voir le texte de Dieter Hornig sur les conditions de la production litt raire en Autriche tbid 5 Comme le sugg re J M H mion dans Thomas Bernhard Arcane 17 1987 71 6 Par ex nous n avons pas le droit de falsifier ainsi toute l histoire de la nature consi d r e comme histoire de l homme de transmettre toute cette histoire comme une histoire toujours falsifi e par nous parce qu on a l habitude de falsifier l histoire et de la transmettre sous forme d une histoire falsifi e tout en sachant que l histoire enti re est une histoire fal sifi e qui n a jamais t transmise que sous la forme d une histoire falsifi e L Origine p 29 7 Trois jours op cit p 65 8 Entre cent autres les m decins d sarm s la stupidit des m decins qui ont de la m decine une conception compl tement d grad e entrant dans la cat gorie des op rations commerciales Le Souffle p 63 Les samedis sont de v ritables tueu
39. nt de la dramaturgie de Thomas Bernhard la configuration m re fille mise en sc ne dans Au but r v le un assassinat psychique un tra vail de destruction et d an antissement perp tr par la m re contre sa fille La m re toute puissante entretient avec son enfant un type de relation pro prement pathologique fusionnelle proche d un inceste psychique et fond e sur l exclusion d un tiers Elle l encha ne elle et ne la l che plus et si cette derni re s arrache elle alors elle est punie de mort L attentat est 8 conduit de main de ma tre La fille est sans cesse expos e aux paroles des tructrices de la m re qui jamais ne lui reconna t quelconque qualit mais lui reproche par exemple sa laideur et critique syst matiquement ce qu elle fait ou est Elle n h site pas convoquer la figure du p re d funt rapportant les commentaires d favorables que ce dernier aurait mis son sujet Sa perversit va jusqu faire reproche sa fille de cette situation de d pen dance et d isolement social et affectif qu elle a elle m me contribu cr er b Inf riorisation et culpabilisation La souverainet de la m re se nourrit de l an antissement psychique de la fille L esclavage n est cependant pas sens unique La m re est aussi d pendante de sa fille car incapable de vivre seule sans ce soutien de son exis tence Gardant son enfant ternellement mineure elle s assure
40. nts sensibles qui tout en n ayant rien voir avec une argumentation communicationnelle au sens de J Habermas clairent une intuition v cue dans laquelle beaucoup sont susceptibles de se reconna tre Nous ne sommes pas dans l ordre de la d monstration mais de l affinit du effectivement c est bien a C est l probablement le sens litt raire du style de Thomas Bernhard qui fait appel l intuition profonde du mal tre Enfin son uvre est peut tre symptomatique de ce que peut tre une uvre esth tique dans une soci t qui bien des gards tend dissoudre dans un climat consensuel les conditions de possibilit collective de son rejet et la radicalit d une alternative Dans ce contexte d touffe ment il est salutaire qu une r sistance demeure car l exp rience nous en seigne que l homme de bonne foi qui poursuit ses pens es avec cons quence et pers v rance tout en laissant compl tement tranquille ceux qui sont d autre opinion est confront la haine et au m pris que vis vis d un homme de cet esp ce on ne pratique que l an antissement Le Froid p 111 Et que cette r sistance s exprime dans la hargne d sesp r e est une sant lorsqu elle prend la forme d une uvre individuelle esth tiquement aussi forte que celle de Thomas Bernhard Site Internet multitudes samizdat net article mis en ligne le mercredi 21 mai 2003 32 Notes 1 Par ordre chro
41. onnage silencieux souvent r duit au degr z ro de sa pr sence parce que le personnage parlant ne lui donne pas la parole ou le cantonne dans sa fonctionnalit primaire de serviteur et ou d auditeur Le th tre bernhardien ne repose pas sur les dialogues qui impliquent une galit de dignit entre les personnages parlants mais sur la pr sence concomitante d un personnage parlant et d un personnage muet soit parce qu il ne dispose pas du verbe soit parce qu il en est priv par un personnage utilisant la parole pour asseoir son pouvoir sur l autre sans tol rer de r plique au sens propre du terme Les actes de parole du th tre bernhardien sont eux aussi bien connus Le verbe autoritaire appartient celui parfois celle qui commande en disant tandis que le personnage auquel s adresse ses ordres doit se contenter de les ex cuter en silence ou de les accepter par un monosyllabe ou une br ve formule de politesse Le th tre de Thomas Bernhard est ainsi peupl de ma tres autoritaires s adres sant longueur de temps des serviteurs d autant plus z l s semble t il qu ils ne se permettent pas d empi ter sur la parole attribut et instrument de la domination Cette relation peut galement tre de nature priv e entre membres d une m me famille o un personnage virtuose des mots s ing nie exercer un pouvoir sans concession sur des proches silencieux ou r duits au silen
42. pi ce mise en ab me La Roue de Phistoire est annul e au dernier moment en raison de l inqui tant incendie du presby t re La dramaturgie bernhardienne se nourrit de ces instants creux du vide v nementiel et existentiel que seuls les mots permettent de couvrir ou de surmonter l espace d un moment par un fragile acte de parole l o de toute fa on les personnages ne sont plus sur sc ne pour agir La pi ce se situe soit avant soit apr s mais jamais pendant tout est dans ce d calage dans ce vide structurel qui offre un loisir paradoxal l accessoire au banal l image du motif omnipr sent de l attente Extrait de Notes sur le th tre de Thomas Bernhard Consid rations philologiques et sp cularives 2006 23 Thomas Bernhard une criture de la hargne parcours dans l autobiographie par Claude Amey L criture et l histoire Thomas Bernhard crit en m me temps romans et pi ces de th tre et sans interrompre ce travail il r dige entre 1972 et 1982 une autobiogra phie en cinq volumes Elle constitue dans l uvre de Thomas Bernhard un moment particulier o se construit son criture dans une coh sion es th tique nouvelle entre l acteur narrateur et son objet d abord le monde autrichien et entre ces deux instances et le texte lui m me Jusque l la th matique suicide mort chec et leur univers phantasma tique qui marquera toute l oeuvre de l auteur et di
43. pi ces de Thomas Bernhard dominante de personnages f minins gt re 1 Au but mise en sc ne Claus Peymann Festival de Salzbourg ao t 1981 La pi ce Depuis trente trois ans date fixe une m re et sa fille ob issent un rituel immuable elles partent pour leur maison au bord de mer Katwijk Or cette ann e elles d rogent aux habitudes puisqu un auteur dramatique dont elles ont vu il y a peu la pi ce est invit les accompagner Le premier tableau montre la m re et sa fille plong es dans les pr paratifs du d part pour Katwijk Elles attendent l arriv e de l auteur dramatique qui appara tra en toute fin de sc ne Le second tableau reproduit la m me 7 activit la diff rence qu il s agit des pr paratifs d installation Katwijk Elles d font leurs valises en pr sence de l auteur dramatique Dans la pre mi re sc ne tandis qu elles pr parent leurs bagages emportant bien plus qu il n est n cessaire la m re s arroge le monopole de la parole et ne laisse sa fille que l espace de quelques r pliques laconiques Elle voque entre autres consid rations sur les r alit s conomiques la personne de l auteur dramatique exprime des consid rations g n rales sur le th tre et retrace Phistoire familiale Sortie de rien elle s est lev e par le mariage avec un homme qu elle m prisait pousant en se mariant un milieu social en l occurre
44. que Mais d une certaine fa on c est un fait de l histoire faute d alternative dans la p riode proche des ann es quatre vingts l his toire semble retomber sur elle m me comme si elle tait ind pla able finalement ce que Thomas Bernhard traduit ainsi vers la fin de l autobio graphie Les temps et les m thodes ne changent pas Un enfant p 130 Qu il ait tort ou raison ici est secondaire l essentiel tant l existence d un senti ment qui est partag et n est pas sans fondement une certaine dynamique de transformation sociale est fortement en crise alors que par ailleurs s ins talle une soci t parfois appel e postmoderne p trifi e dans le forma tage des individus Il n y a videmment pas de comparaison imm diate possible entre la p riode dont parle le texte et celle d o il est crit Mais il y a n anmoins dans l une et dans l autre et ce n est pas seulement le fait de l Autriche Thomas Bernhard voyage et s informe le m me sentiment d oppression l impression que le fluide de l inventivit et de la communi cation ne passe pas l opacit de la machine sociale prompte p trifier le dif f rent C est pourquoi il ne se situe pas dans ce monde comme un agent mais en dehors comme un proscrit Il n est pas confront une mati re transformer il est une existence en p ril qui doit sauver sa vie face un monstre anthropophage Et cela se trad
45. r signe traditionnel de l infini et de la mort L auteur dramatique nonce aussi une v rit g n rale qui veut que tout auteur choue m me celui qui r ussit en ce sens l artiste v ritable choue toujours l image des protagonistes bernhardiens m me si le public croit qu il r ussit Les propos sur l art qu nonce l auteur dramatique mis en sc ne sonnent comme un mode d emploi de l criture bernhardienne Toutefois la structure de communication entre le spectacle et le public mise en sc ne dans Au but est infiniment plus subtile et trompeuse qu il n y para t Car derri re l auteur dramatique mis en ab me se profile toujours Thomas Bernhard dramaturge qui utilise le m talangage dramatique pour faire passer sa vision des choses tout en l ironisant Comment ne pas sou rire l admiration b ate des deux femmes devant une pi ce de th tre qui devient en filigrane l objet d une envie dont on ne peut s emp cher de penser qu elle rel ve consciemment ou non d une rivalit amoureuse moins que la pr sence de l auteur dramatique ne soit pour la fille le moyen choisi pour se soustraire l espace d une visite la domination de sa m re Et que dire de cet auteur dramatique dont les propos th r s sur l art l in fini et la mort lui assurent le g te et le couvert peut tre une aventure amoureuse dans une attitude pragmatique qui rel ve davantage du parasi
46. r de la langue mais en ce sens justement elle attire surtout l attention par ce qui la distingue Quand on aborde L Origine premier volume on entre dans un texte qui semble dire tout tout de suite qui n introduit pas un sens construire peu peu et qui devrait tre livr enti rement au bout du texte Le narrateur prof re ouvertement et d embl e ce qu il veut dire la fois comme s il n avait que quelques lignes pour ce faire ou aucune limite En outre il ne commence pas par l origine chronologique l origine c est Salzbourg la ville de la sco larit du narrateur l internat national socialiste de la Schrannengasse cette ville avec laquelle il contracte treize ans une relation destructrice qui le r duit un tat maladif et d esclavage p 72 C est cette relation traumatique et tout ce qui va se passer de d sastreux et de d finitif par la suite qui va l amener quand il aura effectivement le calme n cessaire Le Froid p 60 vouloir obtenir des claircissements Le Souffle p 62 Cepen dant cette p riode laquelle sont consacr s les quatre premiers volumes de l autobiographie ne constitue jamais que le dernier tiers de la tranche de vie abord e tandis que les deux premiers tiers font l objet du dernier vo lume Un enfant dont l criture est plus classique parce que le contenu est plus serein peut tre et qui para t avoir t con u comme pour co
47. r la soci t et faire sauter le monde doit tout de m me es sayer C est la tentative qui compte m me si cela ne donne rien de re muer la mis re et de jeter la t te des gens leur propre salet du haut de la sc ne C est ce que fera Bernhard avec des pi ces comme Avant la retraite ou Place des h ros La pi ce interroge galement le ph nom ne du succ s parfois incompr hensible et qui repose sur un malentendu En effet comment expliquer que le public applaudisse toutes les gifles qu il re oit Le succ s n est il finalement d qu au hasard et l auteur ne rencontre il pas plus sou vent la chance que la compr hension Cette dimension autor flexive pour suit la r flexion de Thomas Bernhard sur la nature de l art et de l artiste point de cristallisation de sa cr ation H l ne Francoual Docteur es lettres Elle a soutenu une th se sur Thomas Bernhard intitul e Le spectre de Physis L criture du corps chez Thomas Bernhard 1931 1989 Entre chair souffrante et raisons de Pesprit des figures de l incarnation une criture incarn e Auteur de divers articles sur Thomas Bernhard 10 Katwijk aan Zee Alfred Stieglitz Rentrer vite la maison 1894 Photographie prise Katwijk aan Zee Pays Bas 11 AU BUT une rencontre avec Thomas Bernhard par Michel Vittoz dramaturge mais quand nous sommes arriv s au but tout se renverse Je n avais jamais eu une grande attira
48. ritable auteur a toujours chou est une af firmation de fid lit de Thomas Bernhard lui m me auteur dramatique re connu son grand p re auteur m connu de son temps et tr s largement oubli depuis Le jeu de miroirs d passe de loin la complexit d une simple mise en ab me du th tre dans le th tre D une certaine fa on seul Pauteur est m me de comprendre la port e priv e voire intime de sa pi ce crite non pour les autres mais pour lui m me en liaison avec son histoire intime dont le spectacle th tral est la fois une expression crypt e et un prolongement par l criture Ce qui sur le fond rapproche paradoxa lement ce spectacle de l alt rit et de la d marche de cr ation autobiogra phique sans jamais imposer une grille de lecture inspir e d un quelconque pacte autobiographique constamment transgress par le jeu de l illusion et de la fiction On sait par la lecture de autobiographie que Thomas Bernhard a souffert de sa naissance ill gitime cach e son entourage par sa m re partie accoucher aux Pays Bas Ind pendamment de la symbolique universelle de la mer omnipr sente dans une pi ce mettant en sc ne le personnage de la m re en fran ais le jeu de mot est possible tandis que l allemand en est r duit la dimension fusionnelle commune aux deux termes la constel lation repr sent e sur sc ne est troublante Un auteur dramatique visible ment
49. rs d hommes qui existent dans le monde les dimanches donnent conscience de ce fait de la fa on la plus in supportable et les lundis poussent une nouvelle fois l insatisfaction et le malheur tout au long de la semaine jusqu au samedi prochain jusqu la prochaine aggravation de l tat mental de chacun La Cave p 80 Claude Amey crivain et ma tre de conf rences l universit de Paris VIII Il a notamment publi Tadeusz Kantor Theatrum Literalis Art pens e th tralit ditions L Harmattan 2002 M moire archa que de l art contemporain htt ralit et rituel ditions L Harmattan 2003 et particip des ouvrages collectifs dont Art et mutations Les nouvelles relations esth tiques ditions Klincksieck 2005 33 L unique Et nous sa propri t Thomas Bernhard vu par Elfriede Jelinek Le g ant est mort Le roc de l achoppement que personne ne pouvait contourner Il crivait son corps malade et il s y inscrivait comme s il devait produire quotidiennement dans l usine son corps ce souffle pour lequel le malade depuis toujours se battait Ce n est pas un hasard si ce po te tait un po te de la parole et non de l crit C est l exp rience de souffrir des poumons d s la prime jeunesse qui lui a arrach les grandes tirades de son uvre je parle donc je suis Et tant que je parlerai je ne serai pas mort Ses amis racontent qu il pouvait parler sans discontinuer pend
50. rs qui ne lui conviendraient pas Cependant quand on poursuit la lecture de la pi ce Au but on est tr s vite oblig de reconna tre que c est bien de son propre th tre qu il parle Dans la premi re partie de la pi ce on voit une m re et sa fille qui brusque ment sont sorties de leurs habitudes et de leurs rituels parce qu elles ont vu cette fameuse pi ce Sauve qui peut et que semble t il elle les a profond ment touch es Touch es l une et l autre et d une telle fa on qu il devient n cessaire de r examiner l histoire et l actualit de ce sur quoi reposent les habitudes et les rituels qui leur ont permis de vivre survivre jusqu ici r examen de toutes les habitudes y compris celle d aller au th tre C est un examen si implacable et si d sastreux qu il ne semble pouvoir s achever qu apr s que tout a t d truit En ce sens la premi re partie de Au but forme elle seule une premi re pi ce qu il ne serait pas ill gitime d appeler Sauve qui peut ou la rigueur Tout est bien qui finit bien mais comme on peut le dire la fin du comte d Andersen La Petite Fille aux allumettes quand on convient que la mort devient la seule fin heureuse possible Le proc d th tral utilis par Thomas Bernhard est tr s troublant En effet le spectateur apr s avoir vu la premi re partie de Au but se retrouve prati quement dans la m me situation que les personnages au d but de la
51. rsonne ne pouvait chapper Une femme ne peut pas voir les choses autrement Thomas Bernhard lui tait condamn devoir consid rer comme son chez soi ce qu il ne pouvait que m priser sans fin Bachmann la fin avec sa main br l e n aurait m me pas pu imaginer Pendroit o elle aurait pu vivre Thomas Bernhard a rempli le sien avec des choses sans vie avec des machines c libataires et aussi avec les clats de vieilles tasses qui vid es depuis longtemps de leur substance philosophique originelle ne recelaient plus que des resuc es de philosophes et de philo sophies jusqu l ultime f tiche la pens e elle m me Il est question des choses mais ce n est jamais la chose en soi l instar des c l bres Mac Guffins hitchcockiens ces l ments et aussi mod les de pens es qui ne sont jamais vraiment d velopp s alors qu ils forment pourtant le n ud de 36 lPintrigue de ses films des c nes g ants peuplent la sombre folie des univers litt raires de Bernhard des biographies de compositeurs jamais crites des trait s aux digressions multiples qui maintiennent leur auteur en vie aussi longtemps qu il crit M me si personne ne sait de quoi ils traitent d histoires alambiqu es de malades ou seulement du jeu virtuose et in galable d un grand ma tre du piano il y a toujours l ce f tiche masculin par excellence la performance magistrale la grandeur l ultime l unique l ind p
52. s grammatical non plus au sens o il n exploite pas les ressources de la syntaxe par ex il uti lise peu les anaphores pronoms relatifs d monstratifs f comme s il pr f rait dans sa course en avant se r p ter plut t que revenir en arri re pour composer il utilise galement peu les m taphores comme s il ne fallait pas d router l outil de m me son lexique n est pas inventif il ne cherche pas le terme irrempla able qui pourrait faire mouche le langage est simple voire pauvre quasi au sens de larte povera il ne fait pas de phrases pourrait on dire Thomas Bernhard dit qu crire ce n est jamais que citer en effet tr s souvent il a cette incise comme on dit comme on appelle elle contracta ce qu on appelle un catarrhe comme s il se m fiait des d nominations communes tout en reprenant leur sens son compte Bref le discours du narrateur n est pas celui d un litt raire il est davantage dans Pimpulsion celui d un rab cheur d un radoteur m me qui faute de parve nir l explication et pour se faire entendre martelle avec ses simples indi cations Autre effet de ce style il n a pas non plus les inflexions du langage parl mais plut t le rythme obsessionnel et gravitationnel d une machine musicale et ce n est pas sa moindre force En ce sens il y a un paradoxe du texte bernhardien d une part il est tout entier transitif un instrument rendre pr
53. st Strindberg La Danse de mort Actes Sud Papiers Henrik Ibsen Le P lican Hedda Gabler Petit Eyolf Actes Sud Papiers et William Shakespeare Hamlet 15 AU BUT une r flexion sur l artiste par Manfred Mittermayer et Jean Marie Winkler Pour tout lecteur de Thomas Bernhard il est vident que Au but s inscrit dans la r flexion sur l artiste ainsi que sur les relations de domination entre les tres substitut de relation sociale ou sympt me de l absence d amour La m re exerce sa tyrannie sur sa fille moins qu elle ne dirige sa haine possessive contre elle m me dans ce qu elle appelle son amour maternel et qui chez Thomas Bernhard veut dire autre chose On conna t bien ce genre de personnage ni me avatar de la Toute Bonne dans Une f te pour Boris qui sous des dehors charitables exerce son pouvoir sans piti tra vers ce qu elle nomme son amour La diff rence entre l tre aim et la vic time y est souvent mince ce qui rappelle d ailleurs les consid rations philanthropiques du Pr sident et de son pouse qui participent de la m me forme d hypocrisie de la domination qu elle f t publique ou priv e Dans le titre en allemand on entend surtout le datif Am Ziel signifiant lit t ralement arriv au but Atteindre ce but qu aucun des protagonistes bernhardiens n arrive atteindre est le privil ge de ce personnage qui sait que le but ultime de l art est la me
54. t coup d finitivement impossible auf einmal est un autre mot r current dans les pi ces de Thomas Bernhard Donc j ai lu rapidement Au but de Thomas Bernhard et tout coup je me suis dit oui dans ma t te tout simplement parce que la pi ce commen ait comme a La M RE C tait mon id e c tait mon d sir c tait mon id e 12 Pourquoi y sommes nous all es Nous avons pris cet abonnement et maintenant voil les cons quences Nous n aurions pas d tra ner Mais pourquoi donc l ai je invit Une grave erreur Sauve qui peut pas un mauvais titre Un talent ai je dit Vous tes un grand talent alors que je n en suis pas si convaincue Les succ s ne sont finalement dus qu au hasard quelque chose fait le succ s personne ne sait quoi m me si toutes les conditions sont r unies personne ne sait quoi a aurait pu mal tourner Je me disais d j a ne donnera rien Cette insistance cette inflexibilit Sont ce l des tres humains me suis je demand e Puis brusquement ils ont applaudi comme des sauvages Tant mieux pour lui naturellement D abord je me suis dit a ne donnera rien de remuer la mis re de jeter la t te des gens leur propre salet du haut de la sc ne Je me suis dit a ne donnera rien Toujours plus de salet sur la sc ne jusqu ce que la sc ne soit couverte de salet puis le rideau se ferme quand la sc ne est couverte de salet Qu est ce d autre que de
55. t capital de saisir de cet ordre compulsif de l criture c est qu il ne peut faire de part l analyse dialectique introspective du moi narrateur et socio historique du monde la v rit n est pas le propos Tout ce qu il d crit doit rester simple indication sous titre de L Origine Ce n est pas pr sent le moment d une analyse concernant toute cette ville d alors et d au jour hui p 124 la difficult tant de faire des notes et des indications qui correspondent mon exp rience d autrefois p 117 Pas plus il ne s agit de communiquer le langage n est pas utilisable pour cela car il ne peut rien sinon au mieux approcher quelque peu son objet Axiome us certes Mais qu importe chez Thomas Bernhard cela prend un sens particulier l exp rience an antissante du monde et la conviction intime qu il a de sa bassesse sont tellement pr sents et pourtant si peu dicibles que paradoxalement c est ce qui va faire de l criture une n cessit vitale pour lui La Cave p 40 Il est dans une circulation double sens la v rit ne peut tre dite mais il faut tout prix la dire et m me c est urgent I faut que ces notes soient consign es maintenant pas plus tard plus pr cis ment cet instant o j ai la pos sibilit de me transporter sans r ticence dans la situation de mon enfance Il faut le faire avec l esprit incorruptible n cessaire et le
56. uit sur le plan litt raire par la d nonciation sans appel amplifi e 31 et g n ralis e au lieu de l explication dialectique quitte ce qu l examen ce ne soit pas vraiment cr dible faute de nuances par ex les jeunes gens qu on fait rentrer dans ce syst me d enseignement sont contamin s par la maladie de ce syst me et tombent malades par millions sans qu on puisse envisager de gu rison L Origine p 155 et on pourrait multiplier les exemples Mais ici encore ce qui importe n est pas la dialectique sociale le sens est ailleurs Comme le dit le narrateur le langage est impuissant dire le vrai et pour tant il en va de sa survie de l essayer Il peut et doit faire ne serait ce qu un pas dans le perfectionnement de l expression de son syndrome Et le seul moyen d y parvenir c est la mimesis au sens d Adorno produire l quiva lent litt raire de l opposition d finitive pouss e l extr me et sans concession Pour cela il doit ramasser les effets du monde dans des monolithes totalement intelligibles en ramasser les contours de m me que ce faisant du m me mou vement il reconduit sa haine sa hargne du monde Et un tel sentiment a se nourrit si on veut qu il vive et fasse vivre Il reste que nous ne sommes pas pour autant dans l arbitraire les contacts que le narrateur d crit entre son moi et le monde sont des points extr mement n vralgiques produisant des mome
57. uvrir un ensemble biographique Or cette n cessit imp rieuse de planter ses dents un endroit et de d vorer le morceau sans pause ou presque a avec d au tres aspects s entend un caract re tr s compulsif Et c est pr cis ment cette d marche qui va donner au style bernhardien sa pr gnance Ainsi l autobiographie entre de front dans Salzbourg et tranche Ville peupl e de deux cat gories de gens les faiseurs d affaires et leurs victimes p 9 la ville d range disloque d truit toute nature p 9 elle est en r alit une ma ladie mortelle sous le joug de laquelle ses habitants tombent leur naissance ou vers laquelle ils sont entra n s p 14 Et le texte une fois lanc va selon un d ferlement continu sans m me le point d arr t des habituels paragraphes poursuivre sa diatribe obs d e passant d une s quence de vie l autre sur 26 le mode mis en uvre par Proust des associations involontaires et tou jours en scellant sans appel ses accusations comme par ex Continuelle ment dans les villes o la stupidit est d une taille aussi effrayante qu Salzbourg on tiraille et secoue en tous sens les tres on les travaille continuellement au mar teau et on rectifie leurs d fauts la lime jusqu qu il ne reste plus des tres hu mains qu un tre fade et r pugnant La Cave p 105 Et on pourrait multiplier les exemples Ce qu il es
58. vers degr s des au teurs autrichiens semblait absorber le narrateur dans une d multiplication de voix et diluer le monde dans le flux d brid de sa prose notamment Gel Perturbation exp rience fondamentale de l criture bernhardienne mais dont on comprend qu elle devait assez rapidement marquer ses pro pres limites C est l autobiographie qui ouvrira leur d passement apr s quoi l auteur produira une suite de romans Le Neveu de Wittgenstein B ton Le Naufrag d une richesse de style et de sens exceptionnels Il faut re marquer que tout en ayant une place particuli re dans l uvre de Thomas Bernhard l autobiographie ne se signale pas par une coupure dans le re gistre de son criture elle n est pas une exp rience diff rente de celle des romans et du th tre L auteur ne change pas de genre d o les guillemets autobiographie Des genres proprement parler il s en fout Je mai ja ma s crit de romans ma s simplement des textes plus ou moins longs en prose que je me garderai bien de qualifier de roman car j ignore ce que signifie ce mot et il ignore aussi le mot autobiographie Simplement un moment donn son criture a pris la forme d un resserrement d un r quilibrage autour d un claircissement de la relation entre toutes les instances du texte moi narrateur acteurs monde Mais que le monde travers par l acteur soit celui du sujet narrateur et
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