Le paradis sur terre existe
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1. actions qui font que les approches qui se pr tendent purement professionnelles et techniques ont du mal y tre adapt es Dans le troisi me mouvement qui est aussi une conclusion on dessine quelques perspectives pouvant servir de pont entre les secteurs ordinaires et extra ordinaires de l conomie 1 Le terme conomie sociale et solidaire Il y aurait plus d une analogie faire entre la n buleuse des cadres en France et celle de l conomie sociale et solidaire Le terme de cadre dont Boltanski a montr comment il a t propos et a pris dans une conjoncture historique tout fait particuli re joue un r le d unification imaginaire de cat gories sociales par ailleurs extr mement diversifi es qui s y reconnaissent plus ou moins L un des ressorts de cette reconnaissance est qu elle repose sur des pratiques de distinction Bourdieu tre cadre c est ne pas tre tout fait un salari comme les autres Le malaise r current des cadres comporte notamment la crainte de la banalisation qui serait justement d tre banni d un groupe d exception pour retourner dans le grand vivier du tout venant des salari s comme les autres On pourrait dire qu il en va de m me pour le rapport entre le titre conomie sociale et solidaire et le tr s vaste secteur d activit s qu il est suppos unifier l un des ressorts de cette unification est la distinction d avec l conomie ordinaire qui ne serait ni soci2. ci dessus le secteur est en train de se d naturer Les remises en cause ont t ici parfois tr s brutales et douloureuses Mais on peut affirmer sans trop se tromper Il est int ressant de souligner ici comme le montre fort bien Boltanski que les premi res formes de management made in USA ont t import es en France avec le plan Marshall ann es cinquante en m me temps que les premi res m thodologies du Service Social le case work ou m thode psycho sociale d intervention sur des cas voir l dessus J Verd s Leroux Le Travail Social 1978 et ma th se Unit et divisions du travail social 1988 qu une tendance g n rale la professionnalisation accentu e dans les ann es venir par des d parts la retraite d anciens est en train de l emporter Elle donne lieu deux variantes l une qu on peut appeler le m thodisme la seconde la recherche de formes de professionnalisation des sp cificit s du secteur Selon la premi re variante avec de bonnes m thodes le secteur social pourrait devenir comme les autres ce qui signifie la fois que son objet l humain pourrait tre trait avec des m thodes plus rationnelles les doctrines et pratiques du comportementalisme y ont beaucoup contribu qui n excluent pas une certaine standardisation et informatisation des m thodes d intervention et devrait m me se d faire de certaines valeurs jug es d sormais obsol tes Le m thodisme implique
3. et de femmes de bonne volont continue r sister aux logiques de pr dateurs de certains top managers et dans leur r le de DRH par exemple tentent d viter les plans sociaux avec licenciements secs pour recaser les salari s limiter la casse se pr occuper des situations humainement les plus dramatiques 2 1 L insistance sur le sens des pratiques comme sp cificit Or avant de revenir sur ce qu il y a de commun entre le secteur de l conomie sociale et solidaire et l conomie ordinaire je vais maintenant prendre le contrepied des id es d velopp es jusqu ici pour avancer l hypoth se d une sp cificit historique du secteur qui est l insistance sur le sens ducatif social de ses pratiques L encadrement du secteur social beaucoup plus que celui de l conomie solidaire a en effet une particularit qui est que tous les travailleurs sociaux y encadrent des publics jeunes pour ce qui est des ducateurs familles pour ce qui est des assistantes sociales Bien que cet encadrement s appelle pratiques ducatives interventions sociales ou m diation il s agit bien d une forme d encadrement dans laquelle il s agit de faire faire un certain nombre de choses aux usagers changer de comportement se normaliser s adapter etc Dans le cas des entreprises d insertion c est encore plus net il s agit d y faire travailler comme pour l encadrement d entreprises ordinaires Or le secteur social a depuis tr s l
4. parce qu il vient du secteur marchand On craint ici que le management ne soit que manipulation au d triment du respect de la personne Une partie des r sistances au management vient ainsi des courants qui au nom d une certaine id e de la psychologie et de la psychanalyse affirment la priorit des dimensions psychiques et individuelles dans l intervention sociale dont les actes ne sauraient tre quantifi es Ces critiques sous tendent aussi qu au fond contrairement ce que pr tend le management encadrer ne peut pas vraiment s apprendre Pourtant m me chez une bonne partie des cadres adeptes du nouveau management de fortes interrogations persistent auxquelles ce dernier ne r pond pas vraiment selon eux sur quoi repose leur l gitimit ils doivent garantir des orientations mais comment effectue on les choix dans les nombreuses situations quotidiennes o plusieurs orientations se croisent et souvent se contredisent En mati re de choix budg taires par exemple existent des d bats n en plus finir avec certains ducateurs pour savoir si on peut ou non emmener les usagers Center Parc ou Eurodisney est ce bien ducatif Quand on se d place en groupe faut il prendre le minibus ou le train qui est plus cher mais donne une exp rience aux usagers handicap s leur permettant peut tre un jour de le prendre seul Dans certains textes l gislatifs o il est question du respect des usagers qui impliqu
5. pr sidents d associations pour comprendre ce qui se fait vraiment de souvent un peu obscur et de m connu dans les tablissements du secteur ler courant on n est pas comme les autres Le terme sociale et solidaire accol conomie sonne comme un slogan de rassemblenet dans la distinction Distinction l gard du secteur conomique qui a donn lieu aussi aux th matiques sur comment r concilier l conomique et le social Il n est pas inutile de souligner ici que le terme de social tel qu employ dans ce slogan d signe une sph re suppos e sp cifique de la soci t dont Donzelot entre autres a d crit l invention le domaine social dont font partie les politiques sociales l action sociale le travail social les ceuvres sociales d entreprise etc Pour aller au plus simple car c est plus compliqu que cela social repr sente un synonyme d humain par opposition a d autres domaines qui sans tre forc ment tax s d inhumains n ont pas l homme pour centre de leurs pr occupations m me si cela fait partie de leurs pr tentions comme le veulent les politiques modernes de gestion des ressources humaines La d finition des sp cificit s du secteur social et solidaire fonctionne ainsi selon un certain nombre de distinctions typiques ici on se pr occupe de l humain et non des produits techniques et finances ici on n est pas pr occup par le profit l inverse serait la pr occupation e
6. professionnelle comp tences formations dipl mes m thodes de travail d un certain nombre de ces dirigeants et cadres de moderniser un secteur jug par endroits archa que et d obligations l gales La communication sur la main visibe des managers associatifs Piovesan Robelet Claveranne signale l importance de ces interventions l gales en rapportant une anecdote qui reste v rifier le nombre de lois et de textes r glementaires parus depuis la loi du 2 janvier 2002 portant r novation de l action sociale pourrait bien tre sup rieur toute l activit l gislative r unie de 1945 2002 Il faut souligner aussi qu une partie de ces nouvelles dispositions l gales vise mettre en place des moyens de contr le des pratiques ducatives et d assistance quotidiennes concr tes et d taill es permettant aux Tutelles de comparer les pratiques d un tablissement un autre Parmi ces moyens les dispositifs d valuation les d crets obligeant donner des r sultats chiffr s et donc ne plus se contenter de la seule invocation des valeurs ont amen l implantation progressive de m thodes de contr le de gestion de d marches comme l assurance qualit et les normes ISO 9000 et enfin le management moderne Pour une partie des salari s du secteur ces obligations l gales et l apparition de ces nouvelles approches a repr sent e une v ritable bouff e d air pour d autres relevant des variantes int gristes d crites
7. sens travaill es par des th ories vari es et nombreuses souvent d inspiration psy mais pas exclusivement Et ce sont ces id es sur le sens le sens qu il ne faut pas perdre de vue le sens dont il faut tenir compte le sens qui avec les d marches d assurance qualit ou les nouvelles m thodes de management se perd ce sont ces id es donc qui forment le socle de r sistance du secteur social certaines formes de modernisation jug es d shumanisantes La sp cificit du secteur de l conomie sociale et solidaire pour cette derni re dans ses variantes politiques serait l existence d un corps de doctrines et de croyances sur le sens qui continue a refuser le tout technique L hypoth se que je veux donc proposer a la discussion est que cette sp cialisation dans le travail du sens forme une particularit du secteur qui retravaille certaines de ses pratiques de direction et d encadrement Cela ne veut pas dire que la question du sens serait absente des pratiques de direction et d encadrement en entreprise mais elle ne s y pose que rarement en des termes aussi insistants que dans le secteur social et le plus souvent m me elle disparait sous des consid rations techniques des consid rations selon lesquelles il n y a qu une one best way 2 2 La manag rialisation de l activit de direction et d encadrement entre m thodes et analyse des pratiques Le management est un dispositif relativement r cent da
8. te pouvant servir par exemple mieux organiser les r unions rendre des comptes aux tutelles r fl chir avant d agir mais qui ne remplacent pas l analyse des pratiques Elles ne remplacent surtout pas les d bats sur la question des orientations mises en uvre dans la mani re de traiter les gens salari s et usagers Dans certaines situations d urgence par exemple ex fugues de mineurs de foyers situations risque de mise en danger d autrui un protocole pr cis labor collectivement inspir par les d marches d assurance qualit peut servir de garantie anti panique donnant aux professionnels un mode d emploi rigoureux suivre qui lib re leur t te pour r fl chir au pourquoi du comment d chiffrer le sympt me que la fugue repr sente 2 La r f rence au sens comme sp cificit du secteur et ses effets dans les pratiques de direction et d encadrement J esp re avoir montr en quoi une distinction nette entre secteur de l conomie sociale et solidaire et un autre o dominerait la seule loi du profit un secteur qui serait galitariste et un autre profond ment in galitaire me semble tout fait erronn e comme le montrent aussi L apparition de ce m thodisme ne signifie pas qu il n y aurait d sormais dans les interventions de celles et ceux qui le pratiquent que des techniques car le m thodisme est une croyance en la supr matie des m thodes et techniques qui ne fait pas pour auta
9. L Harmattan fin 2007 Idem avec G Jouvet M thodes de management et analyse des pratiques d encadrement Directions mai 2007 J Verd s Leroux Le Travail Social Ed Minuit 1978 12
10. Le paradis sur terre existe til Le r le des sp cificit s et non sp cificit s du secteur de l conomie sociale et solidaire dans ses pratiques de direction et d encadrement Work in progress version provisoire qui peut circuler Frederik Mispelblom Beyer mispelblom wanadoo fr universit d Evry Le secteur de l conomie sociale et solidaire est d une tr s grande vari t comme en t moignent les communications propos es pour la journ e du 19 octobre L id al de solidarit et de socialit port par le titre de ce secteur vise l unifier notamment en le distinguant de l conomie conomique de l conomie ordinaire au fond capitaliste Ce papier a pour objectif d interroger cette distinction par une r fl xion tant sur le secteur concern que sur les entreprises ordinaires L analyse qui en r sulte tentera de montrer que ce secteur est somme toute caract ris par des traits tr s voisins de celui dont il essaie de se d marquer mais aussi que cette d marcation m me est l un des ressorts de l efficacit manag riale du mythe de la sp cificit de ce secteur La d monstration s op re en deux temps trois mouvements Dans un premier temps on montrera en quoi le secteur de l conomie sociale et solidaire n est pas tr s diff rent du reste de l conomie Dans un second temps on souligne qu il y existe quand m me une sp cificit form e par un corps de doctrines et de croyances sur le sens des actes et des
11. ale ni solidaire Les communications propos es la journ e du 19 octobre portent ainsi sur le secteur du handicap partag entre des associations priv es dirig es par des parents et le public sur les b n voles d Emmaiis et du Secours populaire fran ais qui interviennent aupr s de populations d munies les associations intervenant dans les domaines de la culture du sport de la sant du social et de l environnement les entrepreneurs sociaux et ceux qui s occupent du commerce quitable les coop ratives d habitation HLM les travailleurs associatifs qui a partir d un statut priv effectuent des missions d ordre public ou encore les entreprises pour femmes cr es par des femmes destin es favoriser leur acc s a des postes de responsabilit Cette diversit est telle qu on peut se demander ce qu il peut bien y avoir en commun entre Un ESAT anciennement CAT aux locaux flambants neufs quip de syst mes de s curit dernier cri dans les locaux o l on fait de la peinture notamment avec a sa t te un directeur sorti de l ENSP et des cadres dipl m s faisant de la sous traitance pour d autres entreprises et de ce fait certifi e ISO 9000 depuis longtemps avec des moniteurs professionnels la fois dans le domaine technique et ducatif soucieux de donner aux usagers des formations diplomantes CAP de jardinerie menuiserie m me si ces derniers sont bien moins pay s que dans le secteur conomi
12. ans des situations vari es A partir des ann es 80 environ 7 a 8 ans de s ances mensuelles de supervision sociologique d uipes dans le secteur social centr es sur des analyses de cas professionnels Plus r cemment depuis 2000 au cours d interventions dans des tablissements sociaux aupr s de membres de la direction et de l encadrement l occasion d une enqu te sur les d marches qualit puis sur les pratiques d encadrement enqu tes par entretiens centr s sur des r cits de cas concrets Et cela en France surtout Pays de Loire et en Suisse Les secteurs concern s sont ceux de l assistance ducative en milieu ouvert AEMO du handicap les CAT devenus ESAT des tablissements m dico sociaux et une entreprise d insertion sociale au tout d but de leur cr ation vers 1985 environ Les r cits de cas se basent toujours la fois sur du d claratif mais de la part de plusieurs personnels concern s par une m me situation et sur des documents crits notes d entretiens ou de r unions d quipe rapports aux Juges pour enfants journal de bord d intervention etc Mais le plus important pour saisir la nature des extraits mobilis s est de comprendre la vis e des rencontres ainsi organis es il s y agissait toujours d laborer collectivement des analyses pour agir et dans ce sens diagnostics de situations et pistes strat giques allaient de pair Dans ce type de situations les statistique
13. e Sans m me parler des familles d accueil ou des internats o l on fournit des principes ducatifs comme dans les familles ordinaires pensons surtout aux entreprises de l insertion sociale cheval sur l ducatif et l conomique o les ducateurs de jeunes jouent le r le de contrema tre Quand on analyse de pr s les pratiques ducatives de ces structures qui s appuient sur des l ments du travail r el qui s y effectue venir l heure s habiller correctement finir les t ches tenir les cadences parler respectueusement la hi rarchie on d couvre qu elles sont travers es par des orientations tr s diff rentes Certains personnels ducatifs font comprendre aux jeunes qu ils ne sont pas grand chose qu ils n ont rien sont d munis et que de ce fait mieux vaut accepter m me des traitements injustes de la part des futurs patrons pour avoir et garder un petit boulot D autres ne s y r signent pas et font comprendre que ce n est pas parce qu on est pauvre qu on manque d id es qu il ne faut pas accepter n importe quoi qu il existe le droit du travail auquel il est utile de s int resser et des syndicats Ces entreprises d insertion donnent ainsi lieu des r ussites ducatives tr s diversifi es Un autre des profits symboliques que le secteur social tire de l affirmation de sa sp cificit est que cette derni re peut m me justifier l ignorance le rejet des formations scolaires voire les formes de dominati
14. e de deux ans un coll gue cram de l anglais burn out au travail accumulant les probl mes professionnels et personnels n arrivant plus faire face la charge de travail mais deux ans seulement de la retraite Plut t que de le proposer au licenciement ou un placard ses coll gues ont pris en charge une partie de ses chantiers lui permettant ainsi d attaindre l ge de la retraite le tout l insu de l lite dirigeante de l entreprise Des cadres et dirigeants humanistes inspir s par le catholicisme social ou des principes poltiques progressistes proches ou non de certains syndicats de cadres continuent r sister m me dans les entreprises compl tement soumises aux injonctions des actionnaires Le secteur social n est donc pas le seul tre la recherche de savoirs d action Mais il pourrait dans la confrontation avec des dirigeants et cadres d entreprise apporter certains de ses savoirs sur le sens des actions dont il s est fait une sp cialit depuis de longues ann es et dans le domaine duquel il dispose de th ories et de m thodes de r f rence Inversement le secteurs des entreprises ordinaires pourrait lui apporter des analyses sur les rapports de force et de pouvoir sur le r le des conditions de travail et des techniques utiles pour penser la nouvelle conjoncture de plus en plus trubulente de l action sociale Le paradis n existe pas ni sur terre ni dans le ciel Les extases et
15. e et solidaire et secteurs conomiques ordinaires Il se trouve que cette singularit des situations d encadrement n a rien de sp cifique au secteur social Des questions analogues se posent chez les cadres d entreprise m me si les m thodes de management y sont beaucoup plus d velopp es et anciennes Les managers qui r fl chissent leurs pratiques reconnaissent qu ils sont confront s l incertitude qu il est impossible de manager sous la seule contrainte que l adh sion des quipes est n cessaire mais jamais garantie l avance Les m thodes de management sont une boussole mais ne disent pas la place du cadre quels choix faire en termes de sens et de valeurs Dans 10 l entreprise aussi bon nombre de cadres restent pr occup s par le fait de pouvoir se regarder dans la glace le matin M me dans les entreprises enti rement domin es par les logiques financi res des cadres essaient de d fendre des valeurs de solidarit au sein des quipes encadr es d tournent parfois des proc dures adaptent les consignes aux caract ristiques de leurs quipes et freinent certains objectif Dans une enqu te en cours sur les strat gies de r sistance de l encadrement d entreprises priv es j ai receuilli le r cit d un cadre sup rieur d une entreprise concurrence de France Telecom soumise aux lois du march et du CAC 40 qui d crit comment un groupe de 9 chefs d quipe a couvert durant une p riod
16. e notamment leur vous voyement faut il changer brusquement de mani res de faire par rapport ce qui se faisait avant Qu est ce qui est en jeu de ce point de vue quand une ducatrice dans une quipe qui pratiquait jusque l le tutoiement des usagers personnes g es d pendantes dans un sens qui n tait pas n cessairement m prisant ou infantilisant tente de convaincre ses coll ques qu il faut d sormais l galement vous voyer ces usagers qu on tutoyait auparavant En dernier ressort la mani re dont un cadre argumente convainc ou non interpr te des consignes donn es s adapte aux circonstances et aux caract ristiques des quipes rel verait plus de l exp rience personnelle des parcours suivis des discussions avec quelques pairs proches que des m thodes de management proprement dites des sciences sociales et humaines ou des formations suivies m me si elles donnent des id es Le cadre serait reconnu non de par son statut institutionnel ou sa technicit mais par sa capacit produire du sens Or ce sens est toujours produit dans des situations plus ou moins complexes et parfois conflictuelles o le cadre n est pas le seul produire du sens mais se trouve confront d autres interpr tations de ce qui se passe et de ce qui est en jeu En fin de compte cette capacit produire du sens semble donc reposer sur une sorte de bricolage personnel 3 Secteurs de l conomie social
17. m me les bonheurs sont ph m res Des lieux idylliques exclusivement consacr s plus d galit plus de fraternit et plus de libert sont introuvables Ce qu on trouve ce sont des lieux dont des pionniers sont l origine et ces origines peuvent avoir t des col res des protestations des critiques de l existant avec la ferme volont de cr er quelque chose de nouveau Mais ces nouveaut s se cristallisent s institutionalisent et se bureaucratisent M me la posture contestataire devenue institutionnelle peut tre minemment conservatrice Ce qui existe par contre et existera toujours ce sont des femmes et hommes de bonne volont selon la belle expression de Jules Romains et celles l et ceux l on peut les rencontrer dans les endroits les plus vari s dans le secteur de l conomie sociale et solidaire comme dans les entreprises les plus capitalistiques Frederik Mispelblom Beyer 10 ee ae er ieee ae Il y aurait ventuellement ici un joli parall le faire entre les repr sentants des usagers parents de handicap s etc et les dirigeants et cadres professionnels du secteur social et les repr sentants des actionnaires qui somme toute ne sont pas non plus des professionnels du management et les managers des entreprises 11 Petite note m thodologique Les mots cas et observations de situations sur lesquels s appuie ce texte ont t rassembl s durant de longues ann es et d
18. mon diagnostic cette pr gnance des valeurs dans le secteur social et solidaire fait aussi qu il est capable de fortes mobilisations tant t spectaculaires manifestations de protestation contre les nouvelles lois sur la d linquance le fichage les tests ADN etc soit de mani re plus souterraine et silencieuse De ce fait les nouvelles mesures l gislatives qui entra nent l importation de m thodes industrielles dans ce secteur ont souvent du mal s y implanter et subissent souvent de profondes modifications 2 me courant on est ou devrait tre comme les autres Je ne me prononcerai videmment pas sur la question de savoir si de telles pratiques sont encore dominantes dans le secteur de l conomie sociale et solidaire et elles sont probablement ou peut tre moins pr gnantes dans les activit s mergentes comme le commerce quitable que dans celles plus traditionnelles Il faut n anmoins y mettre un b mol car certaines formes de militantisme moderne font vite merger des lus ceux qui sont porteurs de la bonne parole et qui une fois reconnus comme tels par les fid les r gnent sur leurs petits territoires Toujours est il que ces pratiques sont aujourd hui fortement secou es et remises en cause par le courant professionnalisant repr sent pour ce qui est des dirigeants et cadres par les formes modernes du management Ces courants sont n s d une combinaison entre le d sir de reconnaissance
19. ns le secteur social o il transforme les traditionnelles pratiques de direction et d encadrement apprises sur le tas dans lesquelles la l gitimit tait surtout locale voire consanguine en y apportant des m thodes et des techniques universelles Celles qui y ont le plus de succ s sont n anmoins celles qui ont l art de s adapter a certaines des sp cificit s du secteur Le management participe de ce qu on appelle aujourd hui la nouvelle gouvernance du secteur Il est autant appr ci que d cri Du c t des appr ciations on peut entendre qu il invite une dynamisation de tous les acteurs d un tablissement qu il peut contribuer dans le respect des places de chacun plus de participation et plus de d mocratie interne notamment dans la conduite de projets innovants Le management comporte selon une partie des cadres et dirigeants du secteur social une charge anti paternaliste non n gligeable il contribue s loigner de modes de direction et d encadrement infantilisants et de l organisation pyramidale qui pouvaient exister dans certains services Etre manager et non plus ducateur chef invite par exemple ne plus faire pr valoir des r seaux de complicit s transversales sur les fonctions officielles si Untel est charg de telle t che on ne fera plus appel tel autre dont ce n est pas vraiment l attribution m me si l on juge que le premier le fera moins bien Le management donne des
20. nt dispara tre la personnalit propre les convictions philosophiques morales et politiques mais qui tend les mettre hors du champ de l analyse On le trouve d ailleurs aussi dans les sciences sociales notamment dans certains comit s de lecture des revues acad miques o il sert de grille principale de s lection des articles propos s d autres communications comme celle sur les femmes entrepreneurs Cette distinction me semble aussi leurrante et politiquement st rile dans la mesure o elle renforce sur le plan imaginaire une coupure qui pourrait avec une autre approche se transformer en pont Pont tout fait symbolique s il en est puisqu il n y a pas d un c t un secteur marchand et de l autre un secteur non marchand mais des imbrications tr s fortes entre les deux les produits du commerce quitable sont achet s en bonne partie par des salari s d entreprises tr s capitalistiques dans les familles les salari s des deux secteurs se c toient etc Mais il est surtout erron de faire croire que dans le secteur dit marchand il n y a que le profit qui compte C est ignorer quel point du moins au regard des m thodes de direction et d encadrement tenir compte des sp cificit s des salari s s y adapter et faire des concessions forment une donn e quotidienne de l encadrement Qui plus est malgr les pratiques am ricaines du ranking qui se r pandent dans le monde entier un nombre non n gligeable d hommes
21. on notamment sur les publics et un certain esprit cloche merle ce qui se passe dans les entreprises profit est quand m me tr s loin du social Un seul exemple qui n est pas isol ni anecdotique 30 ans apr s la parution du livre d capant de Robert Castel sur Le psychanalysme il y a encore des associations et des tablissements du secteur social traditionnel handicap s etc o une certaine interpr tation de la gt J avais effectu il y a plus de 20 ans une enqu te sur l informatisation du secteur social au Qu bec o les travailleurs sociaux font des entretiens assist s par ordinateur avec des logiciels comportant l ensemble des cases de diagnostic de situations sociales labor es partir d une approche comportementaliste des humains Voir ASH 1985 la r f rence reste v rifier 4 Toutes les citations sont authentiques au sens o je ne les invente pas et recueillies soit au cours d enqu tes pour ce qui est des uvres sociales de comit s d entreprise syndicaux soit de formations de supervisions ou plus r cemment d interventions psychanalyse impr gne toute l activit commencer par celles des dirigeants psychiatres psychanalystes gourous qui employent la psychanalyse pour r gner tant sur les usagers que sur les salari s dans une confusion qui n a rien envier aux pratiques du coaching en entreprise V Brunel 2004 Que l on ne se m prenne pas n anmoins propos de
22. ongtemps labor des doctrines et des m thodes d intervention dans lesquelles e sens que prennent les actes les comportements et les actions entreprendre est central Prenons encore une fois l exemple des entreprises d insertion qui ne sont justement pas tout fait des entreprises comme les autres Quand un jeune y vient au travail en retard plusieurs fois on n aura pas le r fl xe de le renvoyer sur le champ qui serait celui d une entreprise ordinaire On va se demander quel sens de refus du travail et de l ordre de malaise de souffrance ces retards repr sentent dans le parcours ducatif et dans la perspective du projet ducatif n goci avec le jeune au moment de son entr e dans l entreprise Et c est en fonction du sens dans ce parcours d fini par l ducateur souvent en discussions d quipe qu on jugera si oui ou non il sera judicieux et opportun de le sanctionner et comment Ce qui ne sera justement pas le cas dans une entreprise conomique m me si le sens y est pr sent tout licenciement en a un il n est pas l objet d un travail particulier sp cifique 7 Ces pratiques consistent dans le fait d tablir chaque ann e des palmar s des managers ayant le plus licenci ici loin de consid rations d efficacit conomique un autre mythe il s agit de rien de moins que de cultuver une id ologie de surhommes On peut dire sans trop se tromper que le secteur social est satur d id es sur le
23. ourd hui travers par des doutes et des interrogations dans la mesure o sa professionnalisation rendue en partie obligatoire par la l gislation comme la Loi de 2002 et autres implique l arriv e de dirigeants et de cadres sur le mod le des managers qui ne partagent pas forc ment l thos des b n voles ou d entrepreneurs r alistes qui plut t que de combattre l conomie capitaliste pensent plus judicieux de s y ins rer Cette derni re remarque nous indique une id e qui va servir de trame ce papier le secteur de l conomie sociale et solidaire est travers par des courants contradictoires par des divergences d orientations par des interpr tations diff rentes de ses principes les plus fondamentaux par des pratiques d encadrement et de direction elles m mes diversifi es et cela tout comme les entreprises Mais d couvrir ces diff rences dans les pratiques n est pas chose simple et pose notamment des probl mes de m thodologie ou plus exactement de positionnement et de strat gie d enqu te comme on l indiquera un peu plus loin Car il ne suffit pas de mener des entretiens avec les dirigeants et les cadres donc bas s sur du d claratif et encore moins d couter les nonc s des principes et des valeurs dans les discours Ces CAT furent jadis l objet de critiques virulentes comme celle de P Maclouff Les handicap s de l asile l usine La D couverte 1978 la r f rence reste v rifier annuels de
24. que ordinaire dont pourtant l quipe de direction se dit tr s proche on est une entreprise comme les autres Un local en pr fabriqu du Secours Populaire o des militants b n voles offrent des bo tes de conserves et du pain aux pauvres et Rmistes et vendent divers objets et des v tements dont l argent sert notamment faire partir des enfants en vacances Une entreprise de commerce quitable g r e par des jeunes intellectuels critiques fortement dipl m s ayant effectu des stages dans divers pays du monde Cette diversit est telle qu on peut se demander s il ne faut pas dissocier l conomie sociale de celle dite solidaire Le fait de mettre toutes ces structures sous une m me appellation suffit il pour leur conf rer une quelconqu unit autrement que n gative ce ne sont pas des organisations capitalistes ordinaires A cette diversit et ces contours flous du secteur lui m me s ajoutent la diversit la complexit et souvent l ambigu t du statut des dirigeants et cadres soulign s par plusieurs communications dont l un des points sensibles se joue dans le rapport entre les b n voles et les lus qui en tant que membres des conseils d administration et pr sidents peuvent tre dirigeants et l encadrement salari occupant les fonctions techniques de dirigeants et de cadres Qui dirige qui qui encadre qui Enfin plusieurs communications soulignent aussi que ce secteur est auj
25. rait qu partir du moment o tous les professionnels sont form s aux m mes approches les pr f rences personnelles les convictions religieuses et philosophiques le fait d tre homme ou femme de gauche ou de droite disparaitraient Le professionnel deviendrait ainsi un technicien sans odeur ni saveur Cette variante se manifeste m me dans des changements spectaculaires dans les tenues vestimentaires les traditionnels pulls pantalons de velours jeans et sacs en bandouli re tant remplac s par des costumes cravates et des attach s case On a vu ainsi arriver dans le secteur des gens venant de l entreprise ou plus jeunes fra chement dipl m s d instituts de formation sans partager d embl e l thos du milieu La seconde variante de ce courant de professionnalisation est la recherche d une combinaison entre les nouvelles m thodes inspir es en partie par l entreprise et les anciennes valeurs de solidarit et de souci social du secteur Cela se traduit par exemple par le d veloppement de d marches qualit originales o l importance du sens de la d marche est trait e d une mani re explicite o la participation de tous les salari s et m me des usagers est organis e o un tri est propos entre ce que ces d marches apportent d utile et ce que est inutile pour le secteur En mati re de management plut t que de se jeter dans le m thodisme cette variante prend les techniques manag riales comme d utiles pense b
26. rep res pr cis pour baliser l ensemble des activit s dans une perspective d valuation constante qui peut aussi tre con ue comme une valorisation des pratiques dont le professionnalisme peut ainsi s accro tre La contrepartie ou le prix payer de telles appr ciations est que cela exige un haut niveau de formation personnelle des cadres afin de pouvoir participer des r flexions d ordre politique strat gique manag rial et organisationnel Car les cadres du social sont de plus en plus appell s de par la l gislation travailler avec des intervenants de secteurs souvent mieux form s comme le m dical ou le 8 Voir ce sujet le chapitre le management entre science politique et m thodologie d encadrement dans mon Travailler c est lutter L Harmattan fin 2007 Les passages qui suivent se basent sur les extraits d un article paru dans la revue Directions mai 2007 crit en commun avec G Jouvet dir adjointe d un tablissement social M thodes de management et analyse des pratiques d encadrement politique Cela suppose aussi qu existe ou soit cr e un fort sentiment d appartenance a une identit commune ce qui n a rien d vident compte tenu du corporatisme historique et de la faible identit d entreprise dans le secteur social A c t de ces commentaires positifs d autres cadres souvent plus anciens dans la profession gardent des blocages l gard du management surtout
27. s les analyses de trajectoires les r cits de vie ou les typologies sont de peu de secours et d utilit On y a faire des sujets en chair et en os dont seule compte la parole nonc e en situation qu il s agisse d entretiens ou de r unions de travail Des sujets pris dans et par les paroles nonc es et le sens qu elles produisent des sujets pris au mot Voir ce sujet les programmes et comptes rendus des journ es arts de la guerre et interpr tation de la vie civile sur www Enacder et manager com rubrique encadrement puis nouveaux savoirs d action Bibliographie succincte NB dans cette version provisoire une partie des anciennes avant Internet r f rences bibliographiques reste v rifier L Boltanski Les cadres la formation d u groupe social Ed Minuit 1982 V Brunel Les managers de l me La D couverte 2004 R Castel Le Psychanalysme Ed de Minuit 1978 C Dejours Le facteur humain QSJ Puf 1994 2002 3 me d P Maclouff Les handicap s de l asile l usine La D couverte 1978 F Mispelblom Beyer Au del de la qualit d marches qualit conditions de travail et politiques du bonheur Ed Syros La D couverte 1999 2 me d Epuis e en voie de r impression la Dispute Idem Encadrer un m tier impossible Armand Colin 2006 Idem Travailler c est lutter comment les conflits d orientations dans les organisations engagent les sciences sociales
28. treprises dans celles ci la n gociation de compromis au quotidien le culte d un certain consensus les concessions faites aux mini revendications d quipe et le fait de tenir compte des sp cificit s de chacun constituent aussi une donn e de base de l activit d encadrement comme je l ai amplement montr 2006 la seconde concerne le secteur social et solidaire sans m me parler de divers scandales qui ont d fray la chronique maltraitance d tournement de fonds etc d autant plus cruellement ressentis qu ils contredisaient l thos officiel il faut souligner dans une perspective qui pourrait se r clamer de Bourdieu que le b n volat et plus largement la d fense des bonnes valeurs rapportent des profits symboliques non n gligeables dans la mesure justement o cela vous classe dans le bon camp par d finition ce qui peut couvrir bien des abus Le secteur social s occupe certes de l humain mais ce n est pas son monopole De plus on en oublie que l humain en question ob it des d finitions tr s standardis es apprises dans des formations mais faisant partie aussi de la doxa du milieu des jeunes en difficult familles d munies cas lourds enfants probl mes Enfin se r clamer ainsi de l humain en g n ral en se distinguant de l entreprise peut tre aussi une mani re de ne pas analyser en d tail la mani re dont on pr pare les enfants duqu s ou jeunes ins rer ce monde conomiqu
29. ui est des transfuges d un refoulement de ces r alit s Car s il est certain que la loi du profit domine les entreprises capitalistes elle se manifeste sous des formes tr s vari es et n limine pas pour autant le facteur humain auquel C Dejours a consacr un livre mais en se basant sur l entreprise qui est m me au centre de bien des slogans de la gestion des ressources humaines du management moderne et m me du marketing les humains auxquels on s int resse tant les clients Ici l utopie se traduit par l id e d un lot de socialisme dans un oc an de capitalisme quand on effectue une enqu te sur les pratiques r elles de certaines de ces uvres sociales on d couvre h las souvent des r alit s bien moins nobles o le fait de faire partie du bon secteur qui fournit un brevet de progressisme et de contestation justifie des manques de professionnalisme flagrant et le profit tir de rentes de situation qui expliquent en partie la d saffection des salari s auxquels ces uvres sociales sont pourtant destin es au grand dam des quelques militants syndicaux qui aimeraient tant changer tout a Les uvres sociales de ces comit s d tablissement ne rel vent elles pas aussi de plein droit de l conomie sociale et solidaire bien qu elles soient aliment s avec des sur les chiffres d affaires de grandes entreprises Deux choses au moins sont profond ment m connues la premi re concerne les en
30. xclusive du secteur marchand des entreprises ici on cultive les solidarit s surtout avec les plus faibles tandis que l individualisme est cens r gner dans l industrie ici ce qui compte c est le sens l authenticit l panouissement de la personne ailleurs seul l argent serait roi et enfin les bonnes volont s des b n voles se distingueraient du professionnalisme standardis des entreprises Dans ces discours des l ments religieux tant catholiques avec le catholicisme social que protestants sont tr s pr sents mais ils se combinent avec les h ritiers de quelques unes des utopies socialistes du 19 me si cle l ducation et la culture populaires le syndicalisme et plus largement le mouvement ouvrier cas notamment d une partie des coop ratives et du Secours Populaire Dans les variantes les plus int gristes de ce courant se cultive une sorte d entre soi qui veut que le social c est quand m me tout fait autre chose que l entreprise et qui affirme que les bonnes volont s et un certain tat d esprit sont quand m me l essentiel par opposition voire par rejet avec la formation le professionnalisme les m thodes Ces variantes connaissent leur versant militant qu on trouve dans les uvres sociales d un certain nombre de comit s d entreprise Ces discours de distinction reposent avant tout sur une grande m connaissance des entreprises industrielles ou autres r elles ou pour ce q
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