Nation et démocratie au Québec : l`affaire Durham
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1. nonc de base Seulement pr cisait il ceux qui ont discut de cette question ne tiennent pas compte qu il y a deux types de d mocratie Reprenant largement la d finition de Frank Scott il Poursuivait en disant La d mocratie anglaise est entre autres choses individualiste lib rale bourgeoise in galitaire et propri tariste tandis que l autre laquelle adh reraient LACS KIEU les nationalistes qu b cois notre commentaire serait plut t collectiviste autoritaire populaire galitaire et anti propri tariste Plus r cemment Gilles Bourque 1990 pr cisait comment la Charte canadienne des droits et libert s conduit in luctablement un net r tr cissement de la communaut nationale minoritaire p 159 Posant l individu citoyen comme centre des rapports sociaux et Judiciarisant les rapports de pouvoir elle entre directement en conflit avec les droits collectifs Bien plus poursuivra t il la Charte tend provoquer une v ritable r gression des aspects communautaires de la repr sentation du monde La repr sentation de la nation s y r duit celle d une communaut pan tatique La nation ne devient gu re qu un regroupement tatique d individus citoyens qui partagent le m me territoire p 158 Ainsi comme Marcel Rioux vingt ans plus t t Gilles Bourque r affirme donc la m me incompatibilit entre d une part la forme de la repr sentation politique fond e sur l individ2. politique2 L id e d inverser la pr dominance de la repr sentation du politique la source de l tat d mocratique moderne par une repr sentation sociale ou nationale communautaire exige que l on d finisse la substance de ce Social dor navant source de droits et m me pour certains la source d une possible politique nationale Bourque 1990 159 C est essentiellement ce probl me que se sont but s comme on le sait les pays du socialisme r el ce qui a conduit la paralysie de leur d mocratie Le politique fond sur une r alit substantielle autre que l individu sans fondement entretient r p tons le une ambivalence avec la d mocratie moderne Lord Durham et Pim possible d mocratie Ironiquement cette am bivalence de la repr sentation du politique tait d j au centre du regard que portait Lord Durham en 1840 sur l mergence simultan e au Bas Canada du mouvement national et de la d mocratie politique moderne Il fut en effet le premier et sans subtilit d ailleurs postuler l incompatibilit entre les principes individualistes de la d mocratie lib rale et les objectifs nationaux des Canadiens fran ais Ces conclusions sont fort connues L extension de la d mocratie parlementaire le gouvernement responsable dans les mots de l poque fonctionnera seulement estimait i lorsque les Canadiens fran ais abandonneront leurs vaines esp rances de nationalit Et c est d
3. ailleurs vers QUOI par une politique d assimilation Durham se propose de les mener La d mocratie lib rale exige une homog n it culturelle et s av re non fonctionnelle dans un contexte trop marqu par le pluralisme des appartenances culturelles Comme l a rappel fort justement Janet Ajzenstat 1988 alors que la proposition assimilationniste de Durham a t per ue par les analystes canadiens anglais comme une incoh rence ou m me une perspective franchement raciste elle a t plus correctement interpr t e dans la tradition analytique Canadienne fran aise Pour cette derni re en effet l analyse de Durham confirmait l irr ductibilit entre les principes de la nationalit et les principes individuels bourgeois Ainsi parexem ple Lionel Groulx en commentant la naissance d un mouvement lib ral dans les ann es suivant le d p t du Rapport Durham pourra dire que le d mocratisme qui animait cette jeune g n ration tait une maladie qui couvrait un terrible esprit d intrigue de faction 19 tda RIEC d insubordination contre les chefs et qui par cons quent mena ait les int r ts de la nationalit cit par Bernard 1971 2 3 Durham aurait certainement t d accord tout en inversant la proposition avec un nonc opposant ainsi d mocratie et int r ts de la nationalit Je ne voudrais pas faire de Lord Durham un grand th oricien du lib ralisme politique 3 Le rapport
4. 990 Le courage et la lucidit Septentrion Montr al DURHAM John George Lambton 1839 Le Rapport Durham traduction et introduction de Bertrand et d Albert Desbiens L Hexagone Montr al 1990 EDER Klaus 1982 A New Social Movement TELOS 51 5 20 1985 The New Social Movements Moral Crusades Political Pressure Groups or Social Movements Social Research Vol 52 No 4 869 890 GAUCHET Marcel 1980 Tocqueville l Am rique et nous Libre n 7 43 120 GROULX Lionel 1960 Histoire du Canada fran ais depuis la d couverte Fides Montr al LEFORT Claude 1981 Droits de l homme et politique L invention d mocratique Fayard Paris LEGROS Robert 1990 L id e d humanit introduction la ph nom nologie Grasset Paris MARTIN Ged 1990 Attacking the Durham Myth Seventeen Years On Journal of Canadian Studies Vol 25 No 1 39 59 RENAUT Alain 1989 L re de l individu Gallimard Paris RIQUX Marcel 1960 La question du Qu bec Seghers Paris SCOTT Frank 1952 Canada et Canada fran ais Esprit Ao t septembre SIMARD Jean Jacques 1990 La culture qu b coise question de nous Cahiers de recherche sociologique n 14 131 142 TH RIAULT J Yvon 1987 Mouvements sociaux et nouvelle culture politique Politique n 12 5 36 26 Nation et d mocratie au Qu bec l affaire Durham 1988 La premi re cr
5. J Yvon Th riault Nation et d mocratie au Qu bec l affaire Durham R sum L id e d une incompatibilit entre la d fense de sa nationalit et le d ploiement des institutions d mocratiques lib rales est encore Pr sente autant chez les critiques du nationalisme qu b cois qu au sein de ses d fenseurs Cette th se tait d j au centre de la lecture que faisait Durham de la situation politique au Bas Canada en 1840 L auteur examine la lumi re de ce questionnement les liens entre les mouvements de d fense d une identit culturelle et 1 individualisme d mocratique l tente de substituer l hypoth se d une incompatibilit une lecture qui tienne compte de la complexit du rapport qui s est historiquement tiss entre la d mocratie et les identit s Abstract Both critics and defenders of Qu bec nationalism still hold the idea that defending one s nationality and establishing liberal democratie institutions are incompatible This thesis was central to Durham s reading of the political situation of Lower Canada in 1840 in light of this problematic phenomenon the article examines the links between democratic individualism and the evolution of defending cultural identity lt attempts to replace the theory of incom patibility by one that would take into account the complexity of the relationship that has evolved historically between dem ocracy and identities Mouvement d identit culturelle et d mocratie mo
6. aces une division plus significative qui hante le Rapport Durham On l a d j soulign Durham n a Pas que du m pris pour les Canadiens fran ais Il ne faut pas pr cisera t il les m priser ou les maltraiter parce qu ils cherchent jouir de ce qu ils ont sans partager l esprit de lucre qui anime leurs voisins Apr s tout leur nationalit est un h ritage II ne faut pas non plus les punir parce qu ils ont r v de transmettre leur post rit la langue les usages et les institutions de cette grande nation qui pendant deux si cles donna le ton de la pens e au continent europ en P 231 La minorit anglophone du Bas Canada n est du reste pas toujours peinte avec comme toile de fond le charme britannique Son esprit de conspiration et de clique poussera Durham dire Je n aimerais certes pas les soumettre les Canadiens fran ais la domination de cette minorit anglaise p 251 D ailleurs Durham n est pas r fractaire toute aspiration nationale En tant que politicien anglais il a appuy au nom de l autod termination des nationalismes europ ens dans leur lutte contre le pouvoir aristocratique Ajzenstat 1988 49 50 Une r putation qui l a pr c d dans la colonie et qui avait incit tienne Parent dans le judicieux Canadien selon les mots de Groulx 1960 182 s accorder cette platitude Un nouveau messie vient donc effacer un nouveau p ch
7. derne Les nouveaux mouvements sociaux ne sont pas enti rement nouveaux Certes ils participent d une nouvelle constellation historique et d finissent un nouvel espace public Hs sont des acteurs sociaux li s la conjoncture de la haute modernit et aux probl mes des soci t s du Capitalisme avanc Hs ne reproduisent pas le caract re centralisateur et unitaire des luttes propres la soci t industrielle N anmoins comme nous l a rappel Klaus Eder 1982 les nouveaux mouvements sociaux peuvent tre per us comme les successeurs des mouvements Culturels et politiques propres la modernit d mocratique Plus pr cis ment dira t il ils forment une seconde vague de la protestation de l honn te homme et du petit bourgeois radical et d mocrate qui a eu une influence morale et politique significative et ambivalente au 19e si cle Eder 1985 874 notre traduction Travers s par le populisme et le romantisme ces International Journal of Canadian Studies Revue internationale d tudes canadiennes 10 Fall Automne 1994 IJCS RIEC mouvements semblent tant t tourner le dos la modernit tant t au contraire ils apparaissent tre au centre de la r volution d mocratique c est dire les constructeurs d un lien social non plus h rit mais d fini par l action de la soci t sur elle m me Successeurs des mouvements de protestations petits bourgeois les NOUVEAUX m
8. e constitue aussi la soci t par excellence des droits Sociaux parce que les droits individuels en s incarnant g n rent n cessairement des revendications sociales En effet c est le propre des droits libert s de s exercer et par cons quent de se muter en droits cr ances Le paradoxe de l incompatibilit mest qu apparent Lefort 1981 9 L espace public des soci t s d mocratiques continue donc d tre balis par l appartenance des individus qui la fondent des r alit s sociales et culturelles bref par l h ritage Toutefois l affirmation politique de ces diff rences et de ses particularismes doit subir le test de humanisme abstrait Autrement dit il est dor navant affirm que l individu concret et historiquement engendr ne peut s opposer dans la cit moderne l individu abstrait au caract re insaisissable du fondement politique Concr tement cela signifie qu une citoyennet est toujours historiquement situ e mais qu en m me temps elle doit tre accessible tous les individus autonomes qui partagent l espace o elle s applique quitte r tr cir son h ritage l0 La citoyennet d mocratique ne peut reposer sur des liens de consSanguinit par exemple ou encore sur une exp rience historique non partageable par 4 l humanit qui habite le m me territoire Ce n est pas l expression 24 Nation et d mocratie au Qu bec l affaire Durham d une revendication politique identitaire qui
9. elui qui consid re qu il est dans la normalit de fonctionnement des institutions politiques modernes de faire place la revendication du peuple et la lutte des classes par cons quent Ja division sociale ne peut il faire place aux aspirations nationales des Canadiens fran ais Pour Comprendre dira Durham 21 AAC 4 KIEL l incompatibilit des deux races au Canada il ne suffit pas de nous repr senter une soci t Compos e part gale de Fran ais et d Anglais I faut aussi avoir en t te quelle sorte de Fran ais et d Anglais viennent en contact et dans quelle proportion ils se rencontrent En fait l incompatibilit des races recoupe une incompatibilit dans les formes de la repr sentation du politique La division ethno culturelle recouvre Selon Durham dans ce Bas Canada du milieu du 19e si cle deux principes de civilisation irr ductibles La soci t canadienne fran aise est une soci t d ancien r gime La conqu te et la coupure d avec la France qui en a r sult ont fig cette soci t dans un galitarisme et un communautarisme pr moderne Ils sont encore Fran ais mais des Fran ais qui ne ressemblent pas du tout ceux de France Ils ressemblent plut t aux provinciaux fran ais de l ancien r gime p 67 M me les critiques les plus acerbes envers les caract ristiques nationales des Canadiens fran ais les anglais ont pour eux l incontestable sup riorit de l intel
10. en soi pose une difficult l individualisme d mocratique mais leur incompatibilit postul e autant par certains qui veulent en promouvoir l id e que par d autres qui veulent la rejeter Avant les P E Trudeau et F Scott Durham reprochait aux Canadiens fran ais d avoir utilis les institutions d mocratiques pour d fendre leur nationalit Donner cette province le gouvernement responsable donc largir l espace d mocratique aurait COMME cons quence de Vivifier l id e de construire autour de cette nationalit une soci t francophone Obnubil par sa vision de l in luctable mont e de Pindividualisme Durham ne pouvait voir dans ce projet qu une dangereuse r gression Ainsi lorsqu il rappelle comment l octroi en 1791 d une chambre d assembl e repr sentative avait permis aux Canadiens fran ais de cultiver leur caract re national il ne r alise pas qu il d crit l eftet m me de la soci t d mocratique Le mouvement national naissant n tait pas une logique incompatible la d m ocratie elle tait l une de ses r alisations La cr ation d un espace public travers l mergence de Ja d mocratie repr sentative a permis l expression politique d une revendication cthno culturelle non l inverse En opposant soci t d individus soci t d appartenance Durham s emp che de Comprendre l aventure des soci t s modernes Il en est ainsi d ailleurs de SES successeurs q
11. er doivent participer activer cette ambition Personnelle p 156 de fa on faire des colonies de l Am rique du Nord Britannique un lieu o paraphrasant Tocqueville dans La d mocratie am ricaine tout est activit et mouvement p 186 6 La race anglaise j applique ce mot tous ceux qui parlent la langue anglaise pr cisera t i P 234 appara t alors synonyme du principe de l individualisme moderne tel que le Concevait le lib ralisme anglais du 19e si cle Refuser ce principe condamnerait la minorit demeurer hors l histoire Nation et d mocratie au Qu bec l affaire Durham La division qui coupe cette soci t est tellement fondatrice qu elle ne permet pas pour Durham l homog n it n cessaire au fonctionnement d un r gime politique repr sentatif Par cons quent dira t il il n ya entr eux aucune controverse politique personnelle Les occasions ordinaires de querelles ne surviennent jamais le parti anglais a ses assembl es et le parti fran ais les siennes y p 179 C est donc sur l inexistence d un espace public commun parce qu il repose sur deux nationalit s dot es d une repr sentation du politique diff rente et incompatible que Durham fonde sa conviction d une assimilation n cessaire des Canadiens fran ais comme pr alable lPoctroi du gouvernement responsable la d mocratie Parlementaire Cette scission en regard des institutions politiques mode
12. iculi re dans une histoire ou dans une culture ne sont pas pour autant dissoutes Elles demeurent encore dans la modernit le socle substantif travers lequel la vie en soci t se r alise et sur lequel s chafaudent nos visions du monde et nos projets de soci t Seulement elles sont dor navant soumises l hypoth se de la table rase elles sont mises en tension constante avec la l gitimit issue de la citoyennet d mocratique En cr ant une repr sentation neuve du politique l individualisme d mocratique ne d truit pas tout lien social et n invalide pas pour autant toutes les autres formes d appartenance collective L hypoth se de la table rase travaille la r alit sociale elle n est pas et ne peut tre le seul principe du lien social Au contraire et l histoire des soci t s d mocratiques l a amplement d montr l hypoth se de la table rase en refusant de l gitimer le social partir d un principe positif qu il soit de l ordre du religieux du culturel ou du social permet toutes les formes d existence toutes les passions et tous les h ritages de s affirmer politiquement La soci t d mocratique est la soci t du pluralisme par excellence car elle refuse qu un h ritage particulier soit l talon de la cit Autrement dit m me la patrie ne peut tre au dessus des partis parce que la nation est toujours le r sultat de l affrontement des partis La soci t d mocratiqu
13. ise de la raison Politique et raison Figures de le modernit Presses de l Universit d Ottawa Coll Philosophica Ottaw a pp 49 62 1993 Le droit d avoir des droits L tat et les minorit s J Lafontant dir Presses de l Universit de Saint Boniface Winnipeg pp 13 18 1994 L individualisme et le projet souverainiste Sociologie ef soci t s Qu bec Fin de si cle Vol XXVI m 3 457 472 TRUDEAU Pierre Elliot 1967 De quelques obstacles la d mocratie au Qu bec Le f d ralisme et la soci t canadienne fran aise HMH Montr al pp 107 128 VANDYCKE Robert 1986 Les droits de l homme et leur mode d emploi propos de la charte constitutionnelle de 1982 Sociologie et soci t s Vol XVHE n 1 139 152 1990 La charte constitutionnelle et les droits conomiques sociaux et culturels Annuaire canadien des droits de la personne 1989 1990 pp 167 183 27
14. it entre la logique individualiste et celle des droits collectifs ou encore entre celle des droits libert s et des droits sociaux La pens e lib rale du 19 si cle comme sa critique marxiste ou conservatrice tait convaincue que l av nement de la modernit individualiste conduirait l uniformisation et l homog n isation Durham comme Tocqueville d ailleurs n entrevoit aucun autre avenir nos soci t s 7 Les formes traditionnelles du lien social se dissoudront pour faire place l individu atomis au pouvoir social anonyme ou encore comme semble le projeter Durham la soci t essentiellement d finie par le dynamisme du march Le 19e si cle entrevoyait encore difficilement la nouvelle forme que prendra le lien social dans la modernit et le pluralisme des appartenances qu il fera na tre 23 ICS KIEL Le mythe fondateur des soci t s modernes n est pas proprement parler l individualisme 1 s agit plut t comme l avait bien vu Edmund Burke 1790 de l hypoth se de la table rase c est dire l id e selon laquelle le social n a dor navant d autre l gitimit que celle fond e sur la d lib ration entre les citoyens d o le d tour n cessaire par l individu Une solidarit volontairement construite une loi qu on S est soi m me donn e voil la matrice du lien social dans la modernit d mocratique 8 Mais les appartenances collectives h ritage de notre inscription part
15. ligence je ne connais pas de distinctions qui indiquent et entra nent une inf riorit plus irr m diable p 235 sont li es des explications d ordre id ologique La nationalit que revendiquent les Canadiens fran ais est une forme d pass e de nationalit lire leur culture politique est non lib rale Le peuple au nom duquel leurs chefs disent parler est un h ritage et non la branche populaire d une soci t d mocratique Is sont le r sidu d une colonisation ancienne et devront s assimiler pour participer la modernit nord am ricaine Ils demeurent une soci t vieillie et retardataire dans un monde neuf et progressif p 67 Au contraire pour Durham la nationalit anglaise ne se d finit pas par un h ritage Elle est une d mocratie tr s ind pendante p 63 l inertie du monde Canadien fran ais dont on a voulu abusivement associer les soubresauts politiques la vigoureuse d mocratie am ricaine p 63 il oppose le dynamisme qui anime le groupe anglais La sup riorit de l esprit d entreprise des Anglais p 231 est incontestable dit il Ce n est toutefois pas au nom de ja Sup riorit de la race anglaise qu il fonde l argument d finitif pour l assimilation mais au nom de l avenir au nom du principe civilisationnel qui construira et d veloppera le continent p 231 Les institutions politiques qu il d sire voir implant
16. mblement d individus autonomes Plut t les notions de collectivit de Participation et de social fondent l id ologie de d passement Propre au n o nationalisme et sont ainsi oppos es l individualisme utilitaire et bourgeois ls n opposent donc pas directement le droit naturel ou positif des peuples ethniques au droit lib ral moderne Hs inscrivent plut t leurs d marches dans le d bat des droits libert s et des droits sociaux en Se proposant d inverser l actuelle priorit des d mocraties lib rales envers les droits libert s Une telle distinction n anmoins n vite pas la question de la repr sentation du politique au fondement d un social ainsi identifi 18 Nation et d mocratie au Qu bec l affaire Durham la nation Soit en effet que la nation engendrant des droits sociaux postule un rassemblement d individus autonomes qui instituent la communaut nationale comme espace en perp tuel processus de construction et son Etat un tat de droit et alors nous ne poss dons aucun autre moyen de d finir son contour que par l nigme de l individu citoyen ou que cette nation soit une inscription culturelle particuli re et alors les droits collectifs et sociaux associ s celle ci constituent des droits historiquement enracin s L tat qui en mane est alors une Kulturst ar pour employer l expression de Herder qui entre directement en conflit avec la repr sentation individualisante du
17. n anglais la fragilit de l adh sion du Qu bec moderne au principe de lPindividualisme d mocratique Du c t francophone on a eu beau rappeler que le nationalisme de lapr s R volution tranquille tait li une citoyennet tatique c est dire la revendication d un tat repr sentant l ensemble des Citoyens d un territoire peu importe leurs origines ethno culturelles et que le Qu bec moderne s tait dot d une Charte des droits tout aussi individualiste dans ses principes fondateurs que la Charte canadienne ou am ricaine on n a jamais r ussi faire oublier le fait que le nationalisme qu b cois m me moderne est port presque exclusivement par les Qu b cois francophones La minorit anglophone et les minorit s ethno culturelles y per oivent une revendication d identit culturelle laquelle ni leurs origines ni leur identit pr sente ne les incitent s y associer Ce d bat ne comprend pas Seulement une incompr hension entre deux groupes qui tentent de red finir le lieu de gestion tatique de la soci t Il y a effectivement r f rence des formes diff rentes de Ja repr sentation du politique qui auraient subsist au d bat anti duplessiste Ainsi dans La question du Qu bec livre significatif dans la construction du n o nationalisme qu b cois Marcel Rioux 1969 55 se disait en r action aux critiques de P E Trudeau et Frank Scott largement d accord avec leur
18. ne des nationalit s comme essence de toute la querelle qui divise la soci t Durham nous la pr sente maintes occasions comme la querelle entre deux peuples aux Caract ristiques culturelles diff rentes que le destin a contraint de vivre ensemble deux populations d origine hostile et de caract res diff rents p 100 Bref une haine que la diff rence de langage de lois et de coutumes suscite p 58 Dans cette guerre des nationalit s Durham ne cache pas sa pr f rence pour les caract ristiques du peuple anglais C est ici que ressort d ailleurs avec le plus de force ses affinit s avec l imp rialisme britannique et son sentiment de sup riorit l gard des peuples vaincus et colonis s Je n entretiens pr cisera t il aucun doute au sujet du caract re national qui doit tre donn au Bas Canada ce doit tre celui de l Empire britannique p 229 Et parlant de la nationalit canadienne fran aise il dira on ne peut concevoir de nationalit plus d pourvue de tout ce qui peut vivifier et lever un peuple que celle des descendants des Fran ais dans le Bas Canada du fait qu ils ont conserv leur langue et leurs coutumes particuli res C est dira t il ai je besoin d ajouter un peuple sans histoire et sans litt rature p 237 20 Nation ef d mocratie au Qu bec l affaire Durham Il y a pourtant au del de ces constats fort connus sur la guerre des r
19. originel D autre part il est faux de penser que le lib ralisme de Durham le conduise au nom de l homog n it n cessaire nier toute place dans les r gimes politiques d mocratiques Ja division sociale Politiquement Durham a toujours d fendu le r gime anglais de gouvernement mixte parce qu il est le plus apte selon lui repr senter les diff rents l ments constitutifs d une soci t Au Haut Canada Pr cisera t dans son rapport la querelle politique a port sur une mosa que de probl mes p 139 et a en fait donn naissance non pas deux mais plusieurs partis p 138 Des institutions politiques saines doivent pouvoir son avis repr senter une pluralit d int r ts Il souhaitait d ailleurs que FUnion l gislative des Colonies d Am rique du Nord Britannique active une telle pluralit d int r ts en mettant fin l antagonisme interethnique qui avait paralys jusqu alors l Assembl e du Bas Canada On comprend ainsi beaucoup mieux cette apparente d ception de Durham dans les propos introductifs du rapport o croyant trouver une querelle entre le pouvoir ex cutif et la branche populaire de la l gislative il y trouve une querelle entre un peuple et un ex cutif ou encore mieux croyant trouver une lutte de classes y y trouve une lutte de races p 60 61 Pourquoi toutefois celui qui accepte ailleurs le principe de luttes des nationalit s c
20. our ses droits 16 Nation et d mocratie au Qu bec l affaire Durham religieux et linguistiques Il s est servi de la d mocratie plut t qu iln y a adh r comme une doctrine Il insiste donc plus fortement sur les droits des groupes appel s au Canada droits minoritaires que sur les libert s individuelles p 185 L ambivalence historique du Canada fran ais envers la d mocratie recouperait donc une dichotomie politiquement plus Significative celle des droits individuels et des droits collectifs Cette incompatibilit postul e entre la revendication politique d une Sp cificit culturelle nationale et les Principes de l individualisme d mocratique a franchi le mur de la R volution tranquille En effet le Caract re non d mocratique de l affirmation nationale des Qu b cois a t r guli rement critiqu au cours des trente derni res ann es par le Canada anglais et particuli rement par la minorit anglophone du Qu bec Que ce soit au moment des grandes l gislations linguistiques le BiH 22 la Loi 101 la Loi 178 notamment lors de Putilisation de la clause nonobstant par le gouvernement Bourassa au nom de la sp cificit culturelle du Qu bec ou encore lors des d bats plus r cents sur la r f rence l int rieur des ententes constitutionnelles la soci t distincte comme clause interpr tative au Qu bec de la Charte des droits on a rappel maintes reprises du c t canadie
21. ouvements sociaux charrient leur ambivalence La repr sentation du politique qui fonde leur action est ambigu Il en est ainsi par exemple du n o nationalisme qu b cois comme mouvement d identit culturelle Malgr sa rupture au d but des ann es soixante avec l ancienne identit canadienne fran aise et sa d finition ethno culturelle de la nation le mouvement national conserve une certaine difficult s inscrire r solument l int rieur de la logique de l individualisme d mocratique et par cons quent de l id e de nation comme association de personnes autonomes Cette difficult je me dois de le rappeler imm diatement n est pas propre au mouvement national qu b cois Elle est comme on le verra une tension inh rente la modernit et li e au caract re a social de son hypoth se fondatrice Comme si l id e d arrachement Ja base du lien social moderne et de l humanit d mocratiquement construite exigeait sa contrepartie l id e d un irr ductible enracinement de l homme au sein d une histoire d une nation d une culture Legros 1996 45 Nous nous proposons donc ici de mieux comprendre cette double r f rence fondatrice que les nouveaux mouvements sociaux r ditent en regardant comment elle se pose et s est historiquement pos e dans le rapport du mouvement national qu b cois et de la d mocratie Dans un texte r dig la fin des ann es soixante De quelques ob
22. qu il r dige pour r pondre au mandat d enqu te sur la situation politique dans les Colonies de l Am rique du Nord Britannique suite aux troubles politiques qui ont conduit la R volte des patriotes de 1837 183 8 constitue avant tout un document politique Le ton de l poque y est partout pr sent On y d c le trop facilement les pr jug s d un imp rialiste anglais envers la sup riorit de sa race et de sa soci t Durham ne poss de ni le d tachement ni extraordinaire clairvoyance de Tocqueville par exemple avec qui on le compare souvent non sans raisons d ailleurs 4 I est moins un penseur qu un politique Cette qualit fait de son rapport un t moin Particuli rement loquent de la matrice politique dans laquelle Ja modernit politique s est constitu e au Qu bec Cette matrice nous apparait encore susceptible d clairer l ambivalence de Ja repr sentation du politique dans le Qu bec moderne On croirait en ouvrant le Rapport Durham que son auteur associe les maux qui assaillent la soci t du Bas Canada un probl me de conflit inter ethnique C est bien d ailleurs ce que Durham lui m me veut nous faire croire dans les toutes premi res pages du rapport Je m attendais dit il dans cette citation devenue c l bre trouver un conflit entre le gouvernement et le peuple je trouvai deux nations en guerre au sein d un m me tat je trouvai une lutte non de principes mais de race p 58 La hai
23. repr sentation constructiviste de la nation et la repr sentation de la nation culture La premi re crise de la raison Th riault 1988 3 S ilest pertinent Ja suite de Janet Ajzenstat 1988 1990 de lire Durham travers la philosophie politique il ne faut pas comme elle a tendance parfois le faire 25 a CS RIEC exag rer la coh rence th orique du rapport Voir pour une analyse critique de l influence de Durham Ged Martin 1990 Attacking The Durham Myth 4 Voir ce sujet l excellent texte de S Dion 1990 Durham et Tocqueville sur la colonisation lib rale 5 Les citations du Rapport Durham sont puis es de l dition de l Hexagone voir bibliographie Durham 1839 Pour ne pas alourdir inutilement le texte nous n avons indiqu que la pagination lorsque nous citons ce texte 6 Si Durham consid re le Canada anglais plus dynamique que le Canada fran ais il est ind niable toutefois que comparativement aux tats Unis Ja soci t Canadienne dans son ensemble n a pas pour lui le dynamisme de la vigoureuse d mocratie am ricaine 7 Marcel Gauchet 1980 Tocqueville l Am rique et nous d crit bien les Cons quences pour la compr hension de la d mocratie moderne de l hypoth se uniformisante de Tocqueville 8 Surl id e d un nouveau lien social construit travers la repr sentation de l individu voir A Renaut 1989 L re de l individu 9 Nous avons poursui
24. rnes lui appara t plus incompatible rappelons le que celle opposant habituellement le peuple et le gouvernement ou les classes entre elles La fausse querelle des anciens et des modernes ou celle de lindividu citoyen et de l individu culture L histoire donnera en partie raison Durham La querelle des nationalit s rendra difficile et parfois inop rante le fonctionnement des institutions de la d mocratie lib rale au Canada Cent cinquante ans apr s le d p t du Rapport la question nationale obnubile toujours le d bat politique au d triment comme le disaient Durham en 1840 les gauchistes au cours des ann es soixante dix et les milieux d affaires aujourd hui des vraies questions La nation culture et son h ritage d limitent le contour d un espace politique que la nation comme rassemblement d individus autonomes n a pas t capable de d truire Mais l affaire Durham nous conduit sur de fausses pistes lorsque Celui ci tente de lier ce fractionnement de l espace politique des logiques soci tales diff rentes C est en ce sens que Durham est le plus anachronique tout en tant le plus politiquement significatif Il inaugure une lecture qui per oit une opposition irr ductible entre la d fense de ses particularismes Culturels et la notion moderne de la nation Et cette m me lecture est r dit e aujourd hui lorsque l on interpr te le mouvement national travers le prisme d formant de l incompatibil
25. stacles la d mocratie au Qu bec Pierre Elliot Trudeau 1967 Syst matisait les arguments habituellement voqu s pour rappeler l inexistence d une culture d mocratique au sein du Canada fran ais Les Canadiens fran ais dira t if sont peut tre le seul peuple au monde qui jouisse du r gime d mocratique sans avoir eu lutter pour l obtenir p 110 Comme peuple le Canada fran ais m aurait d ailleurs jamais compl tement adh r aux principes d mocratiques voyant plut t en la d mocratie un simple moyen de d fendre ses Caract ristiques ethniques Hs adh r rent pr cisera t il au contrat social mais avec des r serves mentales ils refus rent de se lier int rieurement par une volont g n rale qui ne tenait pas compte du probl me ethnique p 111 Au d but des ann es cinquante Frank Scott 1952 avait d j rappel dans la revue Esprit ces l ments en les associant toutefois une culture politique diff rente qui traverse le Canada anglais et le Canada fran ais Le Canada anglais affirmait il a une vision lib rale et proc durale de la d mocratie Il croit au suffrage aux droits gaux des hommes et des femmes au principe de la libert d expression et d association la presse fibre et la tol rance religieuse Le Canadien fran ais poss de de la d mocratie une toute autre exp rience La d mocratie s est tout de suite identifi e la lutte p
26. ualisme d mocratique celle de l individu citoyen que met de l avant la Charte et d autre part la repr sentation du politique fond e sur la nation culture celle des aspects communautaires que met de l avant le mouvement national minoritaire Pour reprendre les mots de Jacques Dufresne 1990 165 dans Le courage et la lucidit Les chartes et c est l un autre aspect de la subtile d magogie qui les inspire ont pour effet de substituer un rapport direct de l individu avec l tat l insertion de l individu dans les corps sociaux interm diaires La famille le village ou le quartier la paroisse l cole la ville etc Le constat d une d politisation de nos soci t s par l effet d un usage parfois excessif de la probl matique des droits individuels fait certes cause commune il suffit de penser par exemple l interpr tation de la Cour supr me selon laquelle les limitations linguistiques l affichage commercial briment le droit individuel de la libert d expression H ne faudrait pas toutefois notre avis prendre pr texte de cette judiciarisation pour proposer le retour une repr sentation du politique fond e sur la pr dominance de la communaut organique I est vrai que pour Marcel Rioux et probablement aussi pour Gilles Bourque cette dichotomie ne veut pas faire appel une vision ethnique O archa que de la nation culture Ils n opposent pas l ethnie la nation comme rasse
27. ui verront une incompatibilit entre la d mocratie individualiste et la revendication nationale et entre les droits individuels et les droits sociaux entre les droits libert s et les droits cr ances ls ne comprendront pas que c est la dynamique m me de cette Opposition et non l un de ses p les qu introduit l av nement de Ja modernit d mocratique Leur c cit n est pas dangereuse Parce qu elle inciterait le mouvement identitaire national rejeter l exp rience des mouvements sociaux d m Ocratiques et tourner ainsi le dos la modernit d mocratique Aucune analyse r ellement s rieuse ne conduit Confirmer une telle possibilit dans le Qu bec contemporain Elle est dangereuse avant tout parce qu elle participe perp tuer l ambiguit sur le rapport entre un Qu bec souverain le pluralisme et les droits individuels Elle retarde d autant l adh sion de l ensemble des citoyens un projet politique qu b cois Notes l En plus des textes cit s ici on se r f rera aux articles de Robert Vandycke La Charte et les droits conomiques sociaux et Culturels 1990 et Les droits de l homme et leur mode emploi 1986 Celui ci dresse un bilan du d bat droits individuels droits collectifs dans le contexte canadien ct qu b cois Il oppose lui aussi la logique individualiste des droits libert s la logique sociale des droits cr ances 2 Voir sur l mergence de cette Opposition entre la
28. vi cette r flexion sur la question de la nation et de la d mocratie dans le Qu bec contemporain dans L individualisme et le projet souverainiste Th riault 1994 et plus g n ralement sur l opposition droits collectifs et droits sociaux dans Le droit d avoir des droits Th riauit 1993 19 On trouvera chez Jean Jacques Simard 1990 La culture qu b coise question de nous une discussion int ressante sur la n cessit au Qu bec d une r flexion qui tienne compte de l h ritage tout en tant accessible l ensemble de la soci t civile Bibliographie AJZENSTAT Janet 1990 Durham and Robinson Political Faction and Moderation Journal of Canadian Studies Vol 25 No 1 24 38 1988 The Political Thought of Lord Durham MeGil Queen s University Press BERNARD Jean Paul 197 l Les rouges lib ralisme nationalisme et anticl ricalisme au milieu du XIXi me si cle Presses de l Universit du Qu bec Montr al Bourque Gilles 1990 La sociologie l Etat la nation Cahiers de recherche sociologique n 14 153 162 BURKE Edmund 1790 Reflections on the Revolution in France London Penguin Books 1983 CAMERON David R 1990 Lord Durham Then and Now Journal of Canadian Studies Vol 25 No L 5 23 DION St phane 1990 Durham et Tocqueville sur la colonisation lib rale Journal of Canadian Studies Vol 25 No I pp 60 77 DUFRESNE Jacques 1
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