Régulation : les mots et les choses
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1. d cole de la r gulation c est dire les aficionados de ces approches Parler de th orie signifierait que les approches ont enfin produit un r sultat achev pour l essentiel Il n en est rien et si comme le montre l auteur la moisson est riche et les reproches assez peu fond s l excellent chapitre III r pond sur ce point des critiques aussi vari es que Mingat Salmon Wolfelsperger Kolm Galibert Pisani les fondements restent mal assur s des probl mes point s depuis dix ans mal r solus les derniers d veloppements de la r alit peine clair s Coups de projecteurs dans une caverne d Ali Baba les travaux en termes de r gulation n ont pas l ordonnance de jardin la fran aise que l auteur cherche leur donner dans le chapitre II mais je le r p te ce faisant il fait Suvre plus qu utile Lui m me d ailleurs ne se prive pas dans le dernier chapitre Pour une seconde g n ration de travaux de d signer une partie du capharna m restant d fricher Il le fait cela va sans dire avec les go ts qui lui sont propres et qui ne sauraient donc engager les autres jardiniers Car les limites ditoriales le nombre de pages accord par l diteur et la subjectivit bien l gitime de l auteur laisseront sans doute un sentiment d insatisfaction celles et ceux qui s taient d j int ress s aux charmes et chausse trapes des approches en termes de r gulation Qu il me soit2. tats Unis mais le mode de r gulation n y a jamais atteint la forme typique du fordisme Il en est du fordisme comme de la Rose chez Eco et de la Fleur chez Mallarm c est l absente de tous les bouquets Encore une fois les concepts ne sont que des coups de projecteur que nous projetons sur la r alit ils crasent certaines asp rit s et laissent dans le noir des pans entiers du r el R Boyer n ignore videmment pas qu il existe du r el hors champ Mais pour lui qualifier le Br sil de fordisme p riph rique revient passer sous silence tout ce qui au Br sil n est pas du fordisme p riph rique On retrouve ici le manque signal plus haut l absence de distinction entre les composantes ou logiques abstraites fordisme et fordisme p riph riques en sont deux diff rentes et l articulation concr te entre plusieurs logiques dans l analyse d une r alit concr te Refusant l gitimement de ne voir dans le Br sil que du fordisme il refuse aussi d y voir un fordisme p riph rique et m me de reconna tre au sein du Br sil la fameuse boucle fordienne productivit salaire pourtant assez nette partir de 1974 et jusqu la crise financi re quand on s int resse aux Copyright Alain Lipietz Page 7 10 R gulation les mots et les choses seules classes sociales li es au secteur industriel fordien y compris les ouvriers Coriat et Saboia 1987 Malheureu
3. s sauf dans des jeux a riens mont s presque pour a comme la sp culation Bref l cole de la r gulation court aujourd hui le risque de passer de l autre c t de la selle malgr les r sistances de celles et ceux de ses chercheurs qui s agrippent la lourdeur des structures la d termination contraignante de la production mat rielle Dans sa recherche perdue d une th orie capable de rendre compte de la formation de moules sociaux de rapports suffisamment int rioris s et ou explicitement r gul s l heure o la r alit h site elle m me entre de multiples voies toute id e lui semble aujourd hui bonne prendre d o l clectisme de ses pistes de recherches Reste qu en cours de route nous avons explor presque ressass au moins un cas le mod le de d veloppement de l apr s guerre dit fordisme Or nos propres succ s dans ce domaine nous ont conduit de par une troisi me loi de Gresham qu on pourrait noncer les m gaconcepts chassent les probl mes amusants abandonner de mani re fort dommageable pour la suite toute une s rie de sous chantiers Examinons en quelques uns LE VERTIGE DE LA COMPLEXIT Soulignons d abord une difficult que les r gulationnistes partagent avec les grands classiques d Adam Smith Keynes en passant par Marx Convaincus que tout est affaire de surd termination interaction entre les rapports qui tissent la r alit ils ne peuve
4. M Lipietz A Mistral J Munoz J Ominami C Paris mim o CORIAT B SABOIA J 1987 R gime d accumulation et rapport salarial au Br sil un processus de fordisation forc e et contrari e Cahiers du GERTTD 8701 mim o GLYN A HUGUES A LIPIETZ A SINGH A 1987 The rise and fall of the Golden Age Oxford UP United Nations Univ para tre LAFONT J LEBORGNE D LIPIETZ A 1980 Red ploiement industriel et espace conomique Une tude intersectorielle comparative rapport la DATAR publi dans Travaux et recherches de prospective n 85 La Documentation fran aise LIPIETZ A 1977 Le capital et son espace dit augm 1983 Paris Maspero LIPIETZ A 1979 Crise et inflation pourquoi Paris Maspero LIPIETZ A 1984 L audace ou l enlisement Paris La D couverte LIPIETZ A 1985a R flexion autour d une fable Couverture CEPREMAP n 8530 Paris LIPIETZ A 1985b Le national et le r gional quelle autonomie face la crise capitaliste mondiale intervention au colloque Spatial Structures and Social Process Lesbos Ao t Couverture Orange CEPREMAP n 8521 Paris LIPIETZ A 1985c Mirages et miracles Probl mes de l industrialisation dans le Tiers Monde Paris La D couverte LIPIETZ A 1985d Trois crises communication au colloque La crise actuelle par rapport aux crises ant rieures Binghamton USA novembre Couv
5. cessaire distinction entre mode de r gulation et r gime d accumulation et leur relative autonomie 4 Mais dans le livre sous revue l auteur n accorde pas d autonomie l int rieur du concept de r gime au sous concept de type d volution de l organisation de la production p 46 Pourtant d s la fin des ann es 1970 avec A Friedman R Linhart etc et surtout dans les ann es 1980 avec les tudes sur la flexibilit des quipements sur laquelle Piore et Sabel 1984 portent un diagnostic sans doute excessif s impose l tude de la dynamique de paradigmes industriels extr mement diff rents et relativement autonomes par rapport aux r gimes d accumulations Copyright Alain Lipietz Page 4 10 R gulation les mots et les choses Aujourd hui par exemple chez Glyn et al 1987 on h site d autant moins distinguer dans un mod le de d veloppement comme le fordisme les trois aspects autonomes que sont la forme d organisation du travail le r gime macro conomique et le mode de r gulation que l exploration prospective des futurs mod les fait appara tre des combinaisons vari es de ces trois aspects Plus grave encore Que l on parle de mod le ou de r gime on a de plus en plus conscience de l impossibilit de r sumer la dynamique concr te d une r alit empirique par exemple la France d apr s guerre la logique d un seul mod le ou r gime R Boyer signale bien
6. ou la r gion par exemple Pour ce faire je sugg re Lipietz 1985b qu il faut en revenir au p re fondateur de la plupart de ces concepts y compris du nom du fordisme Antonio Gramsci et sa notion de bloc h g monique Ainsi l cole de la r gulation reste avant tout un chantier de questionnements plut t qu un corps de r ponses Ce en quoi d ailleurs elle est un programme de recherche progressiste au sens de Lakatos En occultant cette r alit souci p dagogique contrainte ditoriale ou d j volont d affirmer une orthodoxie R Boyer court le risque de figer en d finitions acad miques des concepts par nature provisoires voire m me de sugg rer l autonomie des r ponses par rapport aux questions telle l tude math matique du fordisme abstrait volution caract ristique des programmes matures en voie de d cadence Plus pernicieusement s insinue l id e que les r ponses d j donn es en termes de concepts aux questions nagu res soulev es dans des analyses concr tes sont devenus des objets r els quoique id els pierres de touche pour d autres r alit s empiriques voire lits de Procuste pour les analyses concr tes Examinons sur un point particulier les cons quences dommageables de ce r alisme du concept LE TEST DES MARGES Comme toujours c est aux marges dans l atypique que se r v lent la typicit des situations typiques et la robustesse de l ad quati
7. R gulation les mots et les choses Extrait du Alain Lipietz http lipietz net Note de lecture R gulation les mots et les choses conomiste auteur M thodes et concepts REVUE LEONO 0105 VOLUME 18 MUM RO 5 SEPTEMBRE 1987 Description 1987k R gulation les mot FSchoses dans Revue conomique n 5 septEniRl FRAN OIS PERROUX M RAKLA QUILIBRE DE LONG TERME D S QUILIBRE STATIONNAIRE ET CRISE P ARTUS ES EXPORTATIONS INDUSTRIELLES SONT ELLES Copyright Alain Lipietz Page 1 10 ar lib CC R gulation les mots et les choses 1987k R gulation les mots et les choses dans Revue conomique n 5 Septembre A propos de La th orie de la r gulation une approche critique de Robert Boyer Si je ne craignais d encourir les foudres des diteurs je donnerais ce tr s ferme conseil tous les enseignants d conomie faire photocopier le second chapitre de ce livre La r gulation mode d emploi concepts et m thode et le distribuer aux tudiants Nous disposons enfin l sous la plume de l un des p res fondateurs d une cole de la bo te outils permettant aux amateurs non seulement de saisir en quelques pages qu est ce que ces gens fabriquent de quoi parlent ils mais encore si le c ur leur en dit de s y mettre eux m mes Rares sont les cr ateurs et m me chez Marx Keynes et les autres qui ont pris le temps de dire ce qu ils fa
8. aient eux aussi la construction contradictoire du terme fordisme p riph rique je rappelai que les Azt ques levaient des temples la dialectique et leurs dieux aux noms contradictoires Serpent Plume Miroir Fumant 7 Platon Cratyle 428 e 432 a b Cette prise de position nominaliste dans la querelle des universaux n est videmment pas tr s repr sentative de la pens e de cet auteur 8 Cf Lipietz 1984 Aglietta et Brender 1984 R Boyer fait dans le livre sous revue une mise au point propos des engagements politiques des r gulationnistes Quant l apport de ces approches pour les th ories du changement social cf No l 1986 Lipietz 1985d Copyright Alain Lipietz Page 10 10
9. au d part la n cessit de distinguer les modes de production purs par exemple petite production marchande et capitalisme et leur articulation au sein d une formation sociale Mais c est pour passer aussit t l analyse de r gimes purs pour des modes de production purs implicitement c est le r gime dominant du mode dominant caract ristique de la dynamique propre de l objet concret tudi Sont ainsi oubli s F l analyse sous les trois aspects du mod le de d veloppement des modes de production domin s F l analyse au moins en termes de r gime d accumulation et de mode de r gulation des articulations entre les diff rents modes de production Cette probl matique qui tait en fait J origine du projet de la Fresque historique du syst me productif de l INSEE et de quelques autres travaux 5 1 fut par la suite compl tement recouverte par l imp rialisme du mod le fordien Or ce mod le ne peut rendre compte d aucune r alit concr te puisqu elles sont toutes complexes Ainsi l analyse conom trique d H Bertrand 1979 sur la France de J apr s guerre distingue deux r gimes de 1950 1967 un r gime de traverse construction d un fordisme autocentr avec int gration rapide des branches archa ques puis de 1968 la crise un fordisme accompli mais min par son internationalisation croissante Certains choisissent donc de distinguer le r gime concret d ensemble d une formation c
10. de ces chapitres centraux doivent tre prises pour ce qu elles sont des simplifications Comme introduction un niveau de complexit sup rieur elles sont indispensables Fig es en dogme en th orie de la r gulation elles montrent tr s vite leurs insuffisances POUR CONCLURE On me permettra quelques remarques finales sur un aspect qui me tient cSur dans l apport de la d marche r gulationniste et qui n est que trop implicitement esquiss dans le livre de Robert Boyer Il s agit du radical changement de perspective apport la compr hension de ce qu est le mode de production capitaliste Dans sa hi rarchie des notions interm diaires R Boyer part tr s justement des modes de production formes sp cifiques de relations sociales r gissant la production et la reproduction des conditions mat rielles r6quises pour la vie des hommes en soci t Puis viennent les r gimes d accumulation les formes institutionnelles les modes de r gulation etc L importance des niveaux de rang 2 et plus n chappera personne ils d terminent profond ment les conditions de vie tant mat rielles que d mocratiques au sein des soci t s sans pour autant remettre en cause n cessairement la nature fondamentale du mode de production Se complexifie d autant la distinction entre r forme et r volution autre dichotomie fameuse Ainsi s introduisent ou se trouvent une bas
11. diff rent de fonder la valeur sur la socialisation des travaux priv s la Marx ou sur la rivalit mim tique la Girard Lipietz 1983 versus Aglietta et Orl an 1982 mais qu en revanche parler de fordisme p riph rique c est mettre sens dessus dessous toute la construction de la r gulation on tend se demander si l on a affaire la Carte du Tendre d un Homo Academicus au sens de P Bourdieu ou la g n alogie d une th orie v ritablement en construction Risquons une interpr tation favorable Faute de place l auteur aurait sacrifi l histoire critique des approches en termes de r gulation en cons quence il n aurait pu exhiber le principe d accumulation th orique qui les guidait quelles questions taient pos es Quelles r ponses apport es Quelles impasses quels blocages O en est on Que proposer maintenant conform ment cette m me approche Je serai ici tout fait subjectif I me semble que la question de la r gulation a t pos e au milieu des ann es 1970 parce que la crise du capitalisme soulignait alors le blocage des approches pourtant riches en termes de reproduction qui dominaient auparavant Encore plus brutalement les r gulationnistes sont les fils rebelles des althuss riens Ils en gardent certains traits essentiels la soci t comme un tissu de rapports sociaux nou s des niveaux relativement autonomes production circulation institutions etc se surd terminan
12. e th orique les notions interm diaires en un autre sens de compromis institutionalis s innovations sociales qui font poque r formes radicales Avec les approches en termes de r gulation c est une autre conception du changement qui s insinue sur laquelle il y aurait beaucoup dire Le capitalisme devient une sorte de m tasyst me plus large dans sa port e historique plus mall able dans ses r alit s concr tes Mais sur l audace n cessaire et les possibles enlisements qu impliquent ses m tamorphoses d autres ouvrages r gulationnistes ont d j contribu 8 R F RENCES BIBLIOGRAPHIQUES AGLIETTA M 1976 R gulation et crises du capitalisme Paris Calmann L vy AGLIETTA M BRENDER A 1984 M tamorphoses de la soci t salariale Paris Calmann L vy Copyright Alain Lipietz Page 8 10 R gulation les mots et les choses AGLIETTA M ORL AN A 1982 La violence de la monnaie Paris PUF ANDREFF W 1982 R gime d accumulation et insertion des nations dans l conomie mondiale in REIFFERS d Economie et finance internationale Paris Dunod BALIBAR E 1985 Spinoza et la politique Paris PUF BERTRAND H 1979 Le r gime central d accumulation de l apr s guerre et sa crise Critiques de l conomie politique 7 8 avril CEPREMAP 1977 Approches de l inflation L exemple fran ais rapport au CORDES par Benassy J P Boyer R Gelpi R
13. er pour autant les oppositions et compl mentarit s ni les marges l entre deux C est justement sur le concept de fordisme p riph rique concept avanc dans mes deux contributions cit es propos de quelques aspects de l industrialisation dans certains pays du Sud que R Boyer proclame l anath me Dans le r quisitoire p 111 on retrouve la trace de plusieurs des faiblesses de son livre point es plus haut Copyright Alain Lipietz Page 6 10 R gulation les mots et les choses Parler de fordisme p riph rique nous dit R Boyer c est confondre les supports techniques du fordisme la cha ne de montage avec ses caract ristiques conomiques et sociales Pourtant la cha ne n est pas une pure technique pas plus que le fordisme n est que le bouclage sur un m me espace des normes de production et de consommation Passons sur ces d tails en notant ici l apparition de la notion de m me espace qui quoique n ayant jamais on l a vu t clarifi e dans le livre va tout de m me entra ner le rejet et du nom et du concept de fordisme p riph rique Il y a contradiction dans les termes si l on vise un d synchronisme marqu entre la division internationale du travail et celle de la consommation Voil bien les ravages du r alisme du concept Le fordisme n est pas une r alit cach e derri re certaines manifestations concr tes que l on pourrait comparer un ford
14. erture Orange CEPREMAP n 8528 Paris LIPIETZ A 1986a Le kal idoscope des Sud in BOYER coord Capitalismes fin de si cle Paris PUF LIPIETZ A 1986b Aspects s culaires et conjoncturels de l intervention conomique de l Etat colloque Estado y Economia Medellin septembre Couverture Orange CEPREMAP n 8621 Paris Copyright Alain Lipietz Page 9 10 R gulation les mots et les choses OMINAMI C 1980 Croissance et stagnation au Chili l ments pour l tude de la r gulation dans une conomie sous d velopp e th se Universit Paris X mim o OMINAMI C 1986 Le Tiers Monde dans la crise Paris La D couverte NO L A 1987 Accumulation regulation and social change an essay on french political economy International Organization 41 2 1 Dans son livre R Boyer souligne les convergences et divergences avec les seuls macro conomistes fran ais ou trangers Les approches en termes de r gulation ont par ailleurs s duit de nombreux chercheurs d autres domaines des sciences sociales ici et ailleurs sciences politiques Am rique et Europe du Nord g ographie humaine monde anglo saxon sociologie du travail etc 2 Dans mon livre 1979 j avais d consacrer des dizaines de pages cette pol mique ainsi qu aux analogies avec la th orie des syst mes la thermodynamique non lin aire etc Voir galement Lipietz 1985 a 3 Scolie de la pr
15. eur tre semblables Ils deviendraient tous en effet je pense des doubles et d aucun d eux il n y aurait moyen de dire lequel de ces doubles est la chose elle m me et lequel est son nom Crat C est la v rit Socr Eh bien alors mon bon permets sans crainte au nom d tre tabli bien celui ci mal celui l et ne le contrains pas avoir toutes les lettres qu il faudrait pour qu il f t int gralement tel qu est la chose dont il est le nom Ce qui n emp chera pas du tout la chose d tre nomm e ni d tre objet de discours pour autant que nom et discours contiendront l esquissede ce dont il se trouve qu on parle Aussi souvent en effet qu ils contiendront cette esquisse m me si l appropriation n est pas totale du moins la chose aura t elle t exprim e par le langage bien dans le cas o tout y est mal dans le cas o c est une minorit 7 Je n ai nullement l intention de red finir ici l esquisse que j ai d j explicit e dans les deux contributions cit es Pour s en tenir la m thode il faut bien se r soudre admettre dans la r alit de certaines conomies exotiques le d synchronisme d nonc par R Boyer raison pour laquelle je ne parle pas de fordisme tout court J en profite simplement pour rappeler que le synchronisme du fordisme talon n a jamais vraiment exist ni en France ni en Allemagne ni en Italie ni au Japon il a sans doute exist aux
16. isaient comment ils le faisaient et donc c est cela l essentiel donn aux autres les moyens de les imiter sans les recopier Souci fondamental il est vrai pour une cole qui enseigne avant tout la variabilit dans le temps et l espace des dynamiques conomiques et sociales En appelant la f condation r ciproque entre histoire et th ories conomiques j ajouterais et g ographie et sociologie en appelant forger un ensemble hi rarchis de concepts interm diaires occasion d noncer sous une forme canonique les concepts les plus usuels de l cole de la r gulation r gime d accumulation mode de r gulation etc en indiquant comment distinguer diff rents niveaux et types de crise en proposant enfin un protocole scientifique Comment mettre en Suvre cette construction l conomiste du CEPREMAP offre un pr cieux cadeau toutes celles et ceux qui en France comme l tranger 1 sont las de citer les r sultats pour en venir aux proc dures de recherche Il tait temps Car comme le remarque malicieusement Robert Boyer proposant une seconde loi de Gresham les mauvaises citations chassent les bonnes recherches Alors Vademecum d une doctrine parvenue maturit que ce petit livre Il s en faut de beaucoup et heureusement Le titre est cet gard assez trompeur On parlait jusqu ici plus justement me semble t il d approches en termes de r gulation voire
17. isme talon d pos au pavillon des Poids et Mesures C est un concept qui vise saisir certains aspects de certaines r alit s pour en proposer une logique Plus exactement fordisme n est qu un nom qui d signe ce concept en jouant sur le caract re vocateur du nom d Henry Ford dont certaines pratiques certains crits anticipaient sur ce que nous appelons fordisme vocation d ailleurs assez trompeuse la r alit conomique des pays capitalistes avanc s de l apr s guerre diff re sensiblement de ce que pr conisait H Ford S attachant d autres r alit s on peut y d celer une logique qui nourrit quelque rapport avec ce qu on a appel fordisme mais qui par d autres aspects rappelle contradictoirement les conceptualisations en termes de p riph rie On peut critiquer les conceptuali8ations que je donne de ces r alit s Quant au choix du nom pour d signer le concept c est la limite une question de go t 6 sur laquelle le vieux Socrate appelait Cratyle l indulgence Socrate La rectitude d un nom d clarons nous r side en ceci qu elle devra faire conna tre quelle est la nature de la chose Cette formule faut il que nous la d clarions acceptable Cratyle Mon avis est absolument Socrate qu elle est tout fait acceptable Socr Il y aurait coup s r de quoi rire de la situation o les noms mettraient les choses dont ces noms sont les noms s ils devaient en tout point l
18. nt se satisfaire de l attitude h las trop r pandue dans le main stream conomique qui consiste poser une conomie deux biens avec un continuum d agents pour produire des th or mes math matiques abusivement assimil s des r sultats conomiques Partant du r el ils risquent des constructions intellectuelles pour ordonner au moins une partie de sa texture foisonnante D o le dilemme se dissoudre dans la complexit astructur e du r el concret ou bien hypostasier des concepts ferm s Seule issue toujours plus de pr cision dans les concepts donc toujours plus de concepts articuler Telle est la logique de tout principe d accumulation r aliste Avec le risque de l inutilit qu illustre fort bien la derni re entreprise althuss rienne de ce genre La soci t de Robert Fossaert la mode change le monde aussi le lecteur se lasse avant que le Grand Livre soit achev Reste que le panorama n cessairement sch matique de R Boyer laisse de c t un certain nombre d acquis de pistes amorc es dont l approfondissement serait sans doute aussi utile que les nouvelles perspectives ouvertes au chapitre quatri me et dernier Corr lativement m me les pr cieux chapitres Il et III se ressentent de leur c t standard au sens o le premier mod le de grammaire g n rative de Chomsky est standard donc par construction d pass Nous avons d j not que d s 1977 est affirm e la n
19. on des th ories R Boyer le montre lumineusement dans le cas des crises ces marges des p riodes de d veloppement Mais il se montre plus mal l aise dans les marges g ographiques aux limites de l aire strat gique selon les termes de J Mistral du mod le fordiste Pour ces marges et au del de ces marges une seule solution selon l auteur se d brouiller avec la m thode et faire fi des r sultats obtenus dans les conomies dominantes Dieu merci les chercheurs concern s n avaient pas attendu ce sage conseil la troisi me tude concr te de longue p riode utilisant l approche en termes de r gulation fut celle d Ominami 1980 sur le Chili Mais faut il jamais en rester cette dichotomie passablement manich enne entre d une part les vrais fordismes avec leur vraie crise du fordisme et les conomies exotiques n ayant rien voir Et faut il surtout abandonner toute r flexion sur l articulation le rapport entre processus d accumulation au Nord et au Sud Tels sont malheureusement les rails dans lesquels nous enferme le programme de recherche du chapitre IV Pourtant quelques ouvrages ont tent d aller plus loin Remettant en cause l tanch it entre conomies r gimes tayloriens dans le Sud et ont tenter de rep rer des composantes de r gimes Nord Sud remettant par l en cause les articulations traditionnelles en termes de centre et de p riph rie sans oubli
20. onomico sociale consid r e et d autre part les logiques ou composantes ou modes d accumulation Lafont Leborgne Lipietz 1980 Andreff 1982 concepts de r gime abstraits types id aux On peut ainsi distinguer par exemple dans la croissance fran aise d apr s guerre la logique endog ne de l automobile et la logique exog ne du b timent qui quoique en symbiose avec le r gime fordiste n a vraiment pas grand chose de fordiste Mais alors c est quoi le fordisme II faut me semble t il se r soudre distinguer le r gime type caract ris par la fameuse boucle investissement produc tivit intensincation hausse des salaires largissement de la demande hausse des profits et des fordismes concrets combinaisons de ceci avec d autres logiques propres au mode de production capitaliste ou d autres encore ou leur articulation mais o le th oricien et lui seul choisit de mettre en valeur la domination de la logique fordiste A quelle chelle d ailleurs cette domination Troisi me chantier peine d grossi sur lequelle R Boyer glisse tonnement Ni dans la d finition des cadres sociaux g n raux ni dans celles des r gimes ni dans celles des formes institutionnelles aucune d limitation spatiale n est pr cis e Puis appara t brutalement les modalit s d insertion internationale d couverte quasi empirique et contingente de la pluralit de
21. oposition 37 de la IVe partie de Ethique Cf Balibar 1985 4 Relative autonomie qui n tait d ailleurs pas compl tement reconnue Ainsi le fameux article sur le rapport salarial en longue p riode de R Boyer 1977 ne fait pas de distinction entre le modus operandi de la r gulation concurrentielle ou monopoliste et son r sultat stabilit de la norme de consommation ouvri re ou couplage avec la croissance de la productivit Il ne faut donc pas s tonner de voir encore des chercheurs crire que dans telle p riode au Mexique par exemple puisque les salaires d crochent par rapport la productivit donc la r gulation est concurrentielle alors qu ils montrent par ailleurs le caract re extr mement codifi arbitr par l Etat du rapport salarial il vaudrait d ailleurs mieux parler ici de r gulation corporatiste que monopoliste cf Lipietz 1986b 5 Dans mon livre 1977 j analysais la composante int gration de la petite production marchande agricole dans le r gime d accumulation fran ais d apr s guerre Des chercheurs de l INRA tel G Allaire ont plus sp cifiquement approfondi le mod le d organisation du travail et le mode de r gulation de l agriculture int gr e Etc 6 K Marx se d solait lui m me de l incapacit de la langue fran aise forger des mots voquant dans leur construction m me le caract re contradictoire du r el A des chercheurs mexicains qui me reproch
22. permis d exprimer ici la subjectivit d un autre informateur indig ne D O VENONS NOUS O ALLONS NOUS Autant le chapitre Il para tra une synth se acceptable pour le sp cialiste et une introduction claire pour le n ophyte autant les chapitres premier Crise conomique regain des recherches th oriques gt et dernier bourr s de Copyright Alain Lipietz Page 2 10 R gulation les mots et les choses r f rences des travaux souvent peu connus en de du troisi me cycle surprendront le d butant et feront tiquer les avertis Pour ces derniers ceux qui connaissent les textes voqu s le contraste appara tra flagrant entre d une part l extr me rigueur de l nonc des d marcations initiales d avec la d finition de la r gulation en g n ral chez Canguilhem de la r gulation conomique chez G Destanne de Bernis le d dain envers la pens e analogique les emprunts la th orie des syst mes R Thom J Prigogine et d autre part l extr me clectisme des propositions finales Certes des chercheurs aussi importants qu Akerloff Bowles Foley Lazonick Piore Sabel ou L Taylor se posent des probl mes analogues ceux des r gulationnistes Certes la confrontation voire le transfert des sch mes intellectuels et des r sultats ne peuvent qu tre mutuellement enrichissants Mais ni plus ni moins qu avec les exclus Quand on note par ailleurs au fil des pages qu il est in
23. s es de surmonter ses contradictions sur une p riode prolong e mais la r gulation appara t comme un principe unique de retour des conditions saines d accumulation le Gimini Criquet du capitalisme en quelque sorte Il faudra les travaux du CEPREMAP 1977 pour que soit mise en lumi re la vari t des modes de r gulation ensemble des habitus et des formes institutionnelles concourant la reproduction et que s ouvre corr lativement la bataille contre le fonctionnalisme l int rieur du r gulationnisme 2 D o les pol miques contre l usage par De Bernis de la d finition de Canguilhem reprise par R Boyer dans le livre sous revue Pol mique d pass e Pas vraiment mais l histoire ne s arr te pas l Si R Boyer revendique cet h ritage La Copyright Alain Lipietz Page 3 10 R gulation les mots et les choses filiation marxiste conduit privil gier une d finition structurale et holiste p 23 et souligne comme il sied le p ril fonctionnaliste finaliste il laisse ouverte nous l avons vu la question des fondements reconnaissant l gitime l individualisme m thodologique repris Girard par Aglietta et Orl an Certes l individu girardien une vocation inn e au social puisqu il se d finit travers l autre en imitation ou rivalit Vieille id e la base de la philosophie politique de Spinoza 3 mais qui ne suffit nullement rendre compte de la structuration ni du contenu des rivalit
24. s nations Il est alors facile l auteur de d passer l opposition quelque peu manich enne entre conomie ferm e et conomie ouverte il ne l a jamais pos e dans ses termes conceptuels En r alit les tudes fondatrices de l cole ont port sur une conomie tr s ferm e les Etats Unis puis sur un pays moyen la France La convergence des r sultats nous a trop vite conduit nous satisfaire de mod les qui permettaient de faire abstraction de l ext rieur sans trop approfondir des probl mes essentiels tels que F Un r gime peut il exister nationalement sans une configuration mondiale ad quate Copyright Alain Lipietz Page 5 10 R gulation les mots et les choses Un mode de r gulation suppose t il une institution tatique souveraine ou h g monique F Peut on d s lors parler de mode de r gulation international F Et m me tout simplement de r gime international Ne vaut il mieux pas parler de configuration mondiale de r gimes nationaux etc C est ce genre de questions que travaillent actuellement des quipes plus ou moins proches CEREM CEPII CEPREMAP Mais le blanc conceptuel reste patent si l on admet qu il faut donner la priorit aux causes internes Selon un vieux principe commun la dialectique et la th orie des syst mes comment justifier la priorit cet int rieur particulier qu est la nation par rapport au continent
25. sement pour elle pour les autres et pour le Br sil cette fraction sociale en lutte pour la codification du rapport social fordien est submerg e dansla masse des autres rapports sociaux encore plus d favorables de ce mod ler duitdelap riph rie clat e Lipietz 1986a qu est le Br sil Quant l id e qu avec le concept de fordisme p riph rique est forg e une variante tout aussi m caniste de la th orie de la d pendance qui sous estimant la dynamique sociale interne en fait la simple projection d un r gime d accumulation l chelle internationale que l auteur se rassure la critique latino am ricaine a su y lire exactement l inverse Sans oublier pour autant le caract re tout particuli rement relatif dans le cas des pays disons quand m me le mot p riph riques de la dichotomie entre l interne et l international dichotomie que R Boyer refuse lui aussi on l a vu mais en des termes trop vagues pour tre quelque peu op ratoires Que le lecteur ne s abuse cette amicale critique d un paragraphe maladroit n te rien la valeur du livre et de son noyau central les chapitres Il et IlI Elle vise simplement souligner propos d un domaine o j ai souvent l occasion de dialoguer avec des chercheurs a priori trangers la probl matique de la r gulation que les n cessaires simplifications adopt es avec une s ret et une efficacit remarquables dans l expos k rigmatique
26. t les uns les autres parfois en configuration de crise Mais aux structuralo marxistes qui r p taient le mot de Marx la Soci t n est pas compos e d individus ils r pondent Certes ce n est pas la composition des passions individuelles qui structure la soci t Mais les structures sociales sont quand m me port es par des individus qui agissant en sujets pris dans des antagonismes risquent en permanence par leurs actions de bousculer les rapports tablis Il ne suffit donc pas d analyser ex post les rapports stabilis s en particulier les r gularit s conomiques Il faut comprendre comment ils sont int rioris s et leur antagonisme latent r gul de mani re institutionnelle jusqu ce que l accumulation des divergences entre les logiques partielles aboutisse la crise de l ensemble D s l origine la notion de r gulation d passant au sens h g lien celle de reproduction faisait donc couple avec celle de crise la crise c est quand la r gulation ne marche plus Et par cons quent l origine elle tait lest e d un biais fonctionnaliste la r gulation sert emp cher la crise dans la reproduction des tendances lourdes des structures fondamentales gt Significativement elle figure au singulier dans le titre du livre fondateur de Michel Aglietta 1976 dans la premi re dition il existe plusieurs r gimes pour le capitalisme plusieurs fa ons stables historiquement r ali
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