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les epreuves de la dispersion - Club innovations transports des

1. La mer Ce propos est prendre au s rieux La mer est effectivement un l ment de paysage au sens classique du mot c est simultan ment un l ment d organisation d un espace particulier int gr par des personnes qui y sont socialis es De la m me mani re Fran ois fait mine de d couvrir Rennes qui comme par magie lui pla t c est pas parce que c est la ville dans laquelle je suis n mais c est une ville qui me semble attrayante et dans laquelle il y a moyen de trouver de l emploi et faire des choses Au terme de sa route du retour Fran ois rationalise posteriori les raisons et le v cu de ses quelques ann es d loignement Pourquoi est il parti parce qu il n a pas eu le choix Dans la logique des grands groupes on est des pions dont on dispose A partir du moment o on ne rentre pas tout fait dans les projets du groupe on devient g nant pour le groupe et a devient g nant pour vous et c est difficile de refaire surface Comment a t il v cu ces ann es de dispersion On est oblig de se r fugier dans le travail car on a que a faire Avec le recul Fran ois gomme occulte oublie que ces ann es de mobilit intense taient aussi des ann es de libert de d couverte de soi de construction de sa situation professionnelle et de son couple Il fait comme si cela n avait t qu une parenth se contrainte oblig e Il minore le d
2. alors que nous supposions que les circulants professionnels occupaient de hautes situations nous avons d couvert qu il n en tait rien es cadres mobiles sont plut t de jeunes d butants qui font leurs armes et leurs preuves sur les routes Pass s 40 ans le personnel qui hante toujours gares autoroutes et a roports se consid re et est consid r comme un rat et d sign de fa on p jorative comme une toupie ou un VRP par ses coll gues Toujours d apr s Tarrius la fonction migrante n est pas reconnue dans les entreprises elle ne donne lieu aucun avantage et n aide pas progresser dans la carri re Bien au contraire elle loigne le cadre navetteur des centres de d cision des moments de la d cision et des bonnes places que pourront se partager ceux qui restent Les navettes internationales ne sont pas des attributs du pouvoir mais plut t des bancs d essais pour les nouveaux au des mesures punitives pour les personnels plus g s consid r s comme g nant 138 Outre les entretiens que nous avons effectu s aupr s de quelques personnes ayant ce type d exp rience nous mobilisons ici les informations produites par Alain Tarrius dans Les nouveaux cosmopolitismes op cit et par Andr Sauvage St phane Chevrier et Fran oise Kon Villes et grands mobiles Universit Rennes 2 rapport pour le PUCA novembre 2002 163 p 13 Tarrius Les nouveaux cosmopolitismes op cit pp 49 50
3. chaque situation nouvelle qui se pr sente lui l acteur va agir en mobilisant sans n cessaire conscience de cette mobilisation des sch mes incorpor s appel s par la situation Dans cette ouverture du pass incorpor par le pr sent dans cette mobilisation des sch mas d exp rience pass e incorpor e le r le de l analogie pratique soulign par B L semble tout particuli rement important C est la capacit trouver pratiquement et globalement et non intentionnellement et analytiquement de la ressemblance un air de ressemblance dirait Wittgenstein entre la situation pr sente et des exp riences pratiques incorpor es sous forme d abr g s d exp rience que l acteur peut mobiliser les Tops qui lui permettent d agir de mani re plus ou moins pertinente NTI 108 Tahire B L homme pluriel Les ressorts de l action Nathan coll Essais et Recherches 1998 271 p particuli rement les pages 81 106 Analogie et transfert 10 Lahire op cit p 81 83 Les preuves de la dispersion A partir de l on peut faire l hypoth se que c est entre autres logiques lorsque les d butants trouvent dans la situation qu ils vivent au pr sent un air de ressemblance avec ce qu ils ont v cu auparavant qu ils sont en mesure de commencer de s approprier des lieux de vie Cette id e peut clairer le choix d Anna s Elle exp rimente plusieurs logem
4. d inscription sociale E Pour notre part en l appliquant aux mobilit s et la dispersion nous parlerons d inscription territoriale De proche de celle d Alain Tarrius qui utilise celle de territoire circulatoire JE D crire les inscriptions territoriales c est in vitablement s int resser aux mobilit s dans le sens o l id e m me de territoire engage celle de mobilit Le territoire n existe qu partir du moment o il est parcouru par une mobilit effectu e indiff remment en voiture par t l phone ou par la pens e Si l homme n tait pas mobile d une mani re ou d une autre il serait incapable d appr hender les tendues et la notion de territoire n aurait pas de sens On peut faire le m me type de remarque propos de l id e de mobilit Une mobilit sans territoire n a aucun sens ce serait une mobilit fixe sur un point La mobilit une forme l mentaire de la vie quotidienne Sur le plan empirique la description des inscriptions territoriales telle qu exemplifi e dans le travail d Elkana Affandi s op re en combinant plus points de vue En premier lieu partir des individus et non des d placements observer le M lan sien dans son entier et non partir d une segmentation a priori qui distingue ce qui rel ve du logement du transport de l usage des espaces publics etc Adopter une posture compr hensive et d finir le rapport aux ter
5. manipuler des diff rentes facettes de son identit Les personnes se composent elles m mes dans cette mosa que de lieux en fonction de leurs besoins ou de leurs d sirs Chaque lieu constitutif de l inscription territoriale est connot en fonction des r les qu elles peuvent y jouer mais aussi en fonction des sensations qu ils procurent Plusieurs de nos interlocuteurs nous ont racont par exemple qu ils se r servaient certains lieux pour des moments de ressourcement personnel fatigu s du travail ou de la vie de famille ils vont passer quelques heures dans un endroit o ils savent trouver des rythmes des sensations et des paysages r parateurs D s lors que les navetteurs ma trisent la distance g ographique parce qu ils ont les comp tences et les moyens financiers du d placement ils peuvent d cider d int grer ponctuellement tel monde social familial amical etc tout en ma trisant aussi la mani re dont les diff rentes facettes de leur identit vont ou non s imbriquer Selon les p riodes de leur vie les envies du moment les personnes peuvent rapprocher telle et telle de leurs sph res d appartenance ou les loigner Donnons quelques exemples de cette composition territoriale de soi la carte Pendant toute une p riode de sa vie Jean Marie ne visitait ses parents en Bourgogne que quelques fois par an Puis il a divorc Sur toute la p riode de cette s paration difficile il retournait au
6. parler de moi En conclusion le voyage comme exp rience r flexive Si la rupture est le ma tre mot du d part du projet de voyage relativiser est celui du retour Les personnes ont le sentiment d avoir d velopp une capacit d acceptation de soi et de leur environnement Relativiser c est faire preuve de distance critique de r flexivit tant l gard des valeurs sociales que de soi m me et de ses proches La r flexivit peut tre d finie par l mergence d une capacit s observer soi m me dans son contexte social L exp rience d une relative asc se am ne les routards mod rer au moins pour un temps leurs demandes leurs exigences dans le cours de la vie quotidienne Le d calage d avec sa soci t d appartenance m me de courte dur e offre une capacit de prise de distance l gard de la soci t de consommation Cette prise de distance ne donne lieu qu une critique mod r e bien plus qu un rejet de la soci t occidentale Les valeurs occidentales ne sont pas rejet es C est l adh sion des individus ces valeurs qui est pond r e Nos interlocuteurs ne renient pas leur appartenances Ils s efforcent de s en d prendre de ne pas en tre l objet mais le sujet L exp rience du d centrement permet au retour de combiner l int gration sociale et la r flexivit Pour ces d butants le voyage est une d marche consciente
7. tes s re tes bien excit e je dis oui oui Je ne leur avais jamais menti Mais c est pas a qui posait le plus probl me c est le trajet en voiture Assez stressant C est un trajet long avec la voiture Je l avais jamais fait de ma vie et je connais ma twingo j avais peur qu elle ne nous ram ne pas C est surtout a c est pour a que je pars jamais tr s loin avec la voiture Je prends le train Thierry a voyag quelques jours entre l Allemagne et Amsterdam Il en profite pour tester des drogues et au del des drogues pour d couvrir ce qu il appelle l alt rit qu il mcarne sans doute autant chez les autres que chez lui En d couvrant Amsterdam j ai d couvert un certain nombre de choses a m a ouvert l esprit ici J tais plus l coute des gens m me si c est des marginaux je peux les couter il n y a pas de probl me alors qu avant c tait des marginaux et je n allais pas spontan ment vers eux il y avait toujours une certaine peur il y a l alt rit pour moi c tait encore plus le chaos que moi En allant dans ce genre de ville quand j ai vu vraiment ce que c tait une esquisse du chaos j ai relativis et je me suis plus ouvert la marginalit Ces d ambulations des d butants sont peu pr s de m me nature que celles qu ils accomplissent dans l espace public des villes o ils font leurs tudes Les enjeux sont identiqu
8. 14 Ces l ments prennent contre pied le point de vue de Luc Boltanski et Eve Chiapello op cit Pour ces auteurs la caract ristique de ceux qu ils d signent comme les faibles les exploit s les domin s est d tre immobile alors que les forts les exploiteurs les dominants sont eux mobiles Etant sans cesse mobiles les forts ont besoin de personnes qui puissent les repr senter de fa on permanente sur place C est le r le des faibles immobiles que d tre ces doublures Les l ments apport s par Tarrius am nent tenir un discours contraire Pour lui c est le fort pour conserver la terminologie de Boltanski et Chiapello qui reste immobile au plus pr s des centres de d cision et s vitant les fatigues du d placement C est le faible qui est mobile qui est contraint la mobilit pour repr senter le fort dans les diff rents lieux o il a des int r ts Le faible est en quelque sorte un coursier ou plus l gamment un sherpa Ces deux mod les pareillement int ressants sont diam tralement oppos s Ils m riteraient de faire l objet d tudes comparatives pr cises 148 Les preuves de la dispersion Dans ce contexte quelles sont les preuves v cues par le navetteur international Les travaux de Tarrius de Sauvage et Chevrier et le n tre vont globalement dans le m me sens les navettes sont v cues comme des s quences traumatisantes comme des moments d
9. Aller en rave Une mobilit festive qui reconfigure la ville rapport pour le PUCA 2003 37 Les programmes Erasmus et tous les autres dispositifs d changes internationaux d tudiants et d enseignants font que de nombreuses nationalit s de nombreux continents se croisent l universit 51 Les preuves de la dispersion mani re courante les grandes villes d Europe ou des pays plus loign s bien plus semble t il que la France des r gions Dans les discours au moins ces jeunes t moignent d une forte capacit au d paysement d une ouverture manifeste des territoires per us la fois comme exotiques et facilement accessibles On trouve la trace de cette capacit ainsi que de l int r t pour l tranger dans les lieux qui comptent Si l on excepte nos trois interlocuteurs n s l tranger tous les autres voquent ce titre au moins un lieu tranger l Italie et Naples pour l une qui garde d un voyage scolaire un souvenir merveill un autre a fait au Maghreb un voyage sac au dos la recherche de lointaines racines familiales Am rique du Sud auquel un troisi me r ve depuis toujours L inscription territoriale des jeunes est donc organis e autour de deux p les Le premier dans une aire de proximit o ils concentrent la majeure partie de leurs engagements et r seaux sociaux autonomes Le second les territoires lointains et notamment les pays trangers est
10. Grossetti M Relations sociales espace et mobilit s PUCA septembre 2002 134 p Ha gel F et Levy J Urbanit s Identit s spatiales et repr sentation de la soci t in Calenge Ch Lussault M et Pagand B Figures de l urbain Des villes des banlieues et de leurs repr sentations Tours Editions de la Maison des sciences de la ville coll Sciences de la ville 1997 213 p pp 35 65 Hall E T La dimension cach e Paris Le Seuil coll Points Essais 1971 1966 aux EU 254 p Hannerz U Explorer la ville Ed de Minuit coll Le sens commun 1983 dition originale 1980 418 p 161 Les preuves de la dispersion Haumont A et al La mobilit des citadins 1 partie mobilit et modes de vie Paris Institut de sociologie urbaine 1977 141 p Joseph I Le passant consid rable Paris Librairie des m ridiens coll sociologie des formes 1984 146 p Joseph I et al Gare du Nord mode d emploi Plan urbain RATP SNCF 1994 444 p Kaufmann J C1 La chaleur du foyer M ridiens Klincksieck 1988 Knafou R Mobilit s touristiques et de loisirs et syst me global des mobilit s in Bonnet M et Desjeux D sous la dir de Les territoires de la mobilit Paris PUF coll Sciences sociales et soci t s 2000 224 p pp 85 94 Lahire B L homme pluriel Les ressorts de l action Nathan coll Essais et Recherches 1998 271 p Le Breton E Mob
11. Le moment du retour est particuli rement important C est l que la mutation de l individu s op re v ritablement dans la prise en compte des changements par les membres des collectifs d appartenance Ce retour en effet ne s effectue pas dans l identique soi mais donne lieu id alement au moins l attribution d une identit et d une place sociale nouvelles Les personnes que nous avons enqu t es ont entre 20 et 30 ans Certains sont tudiants d autres plus nombreux salari s certains vivent en couple sans enfant d autres vivent seuls et quelques uns sont encore chez leurs parents Leurs pratiques du voyage sont diverses Certains sont partis une fois un mois dans un pays situ hors d Europe Pour eux le voyage s effectue au cours des vacances et avec la certitude de retrouver au retour l appartement le m me statut d tudiant ou de salari qu au d part et un rythme de vie globalement inchang D autres sont des voyageurs avertis partant r guli rement depuis plusieurs ann es mais toujours dans un contexte de vacances Quelques uns sont dans une autre perspective de r organisation plus radicale de leur vie C est le cas de Sandra qui apr s plusieurs voyages courts est partie 6 mois d affil e pour un p riple qui l a men e depuis l Inde jusqu la Birmanie en passant par le N pal et la Tha lande Elle envisage aujourd hui d aller vivre durablement l tr
12. Vers une psycho g ographie in Bailly A Ferras R et Pumain D dir Encyclop die de g ographie Economica 1995 2 dition 1995 1 167 p pp 159 187 Moles op cit p 164 6 Hall E T La dimension cach e Paris Le Seuil coll Points Essais 1971 1966 aux EU 254 p p 156 Hall op cit p 13 32 Les preuves de la dispersion sociaux Les individus ont des capacit s des comp tences des pratiques linguistiques cognitives strat giques etc Ils ont aussi ont aussi des capacit s des comp tences et des pratiques prox miques C est travers ses dimensions prox miques qu un individu appr hende construit et fait voluer son rapport l ensemble de ses espaces de vie depuis le plus proche jusqu au plus lointain Nous utiliserons le mot de prox mie pour d signer l ensemble des ajustements qu op rent entre des mobilit s et des territoires les individus et les groupes Quelques registres prox miques Les individus et les groupes laborent leurs identit s sociales en composant et recomposant par des mobilit s leurs rapports aux territoires Nous souhaitons pr sent identifier quelques registres de ces pratiques prox miques Le premier registre est celui des modalit s prox miques Il r unit a Les mobilit s physiques marcher dans son appartement ou son quartier circuler v lo ou en voiture prendre le train ou l avion Ce sont l les prox mies qui im
13. beaucoup de r flexion il fallait penser aux choses essentielles Comment faire pour vivre le mieux avec le moins de choses possibles On ne voulait pas de notre confort La fragilisation de soi comme dispositif initiatique volontaire prend une forme plus radicale dans le voyage solitaire Cette forme de voyage g n re plus d angoisse peut donner lieu parfois un sentiment d ins curit ou de risque mais les avantages compensent cette sensation Seul e le voyageur noue plus facilement contact avec d autres J avais envie d aller vers les Chiliens et vers les touristes je faisais plus d effort Et en m me temps pour eux c est plus facile aussi quand ils voient une personne il y a moins d obstacle la conversation Quand on voit une personne seule c est plus facile pour l inviter manger Moi a m est arriv d tre invit e manger alors que je connaissais les personnes depuis une heure Je pense que c tait dans les deux sens Moi je cherchais aller vers les gens et eux sont beaucoup plus ouverts quand il n y a qu une personne La d marche de privation de d pouillement inscrit le voyage dans la perspective de l asc se dont le principe est d astreindre la vie quotidienne une discipline donnant lieu une mobilisation spirituelle et intellectuelle Renoncer sa propret habituelle au confort alimentaire choisir les aliments conna tre leur provenance pouvoir les r
14. donc j ai t mut Bourg en Bresse Nantua exactement Ca posait un certain nombre de probl mes ma future pouse tait encore tudiante Clermont et j tais Nantua Ca faisait des allers retours pour moi je travaillais la semaine sur Nantua et je rentrais le week end sur Clermont Il y a eu un passage assez compliqu o elle habitait Clermont j habitais Nantua enfin c t Amb rieux Etant donn que l appartement de Clermont tait un peu grand pour elle toute seule elle a d m nag pour prendre plus petit Ensuite elle a voulu faire un DESS de ressources humaines Lyon On s est retrouv tous les deux Lyon dans un m me logement Ma femme a fini son DESS en septembre 93 elle s est retrouv e sur le march de l emploi elle a trouv quelque chose Auxerre dans une collectivit territoriale Re d m nagement forcement moi prenant un appartement Bourg en Bresse puisque toujours m occupant du secteur montagne bas Nantua et elle Auxerre Notre syst me c tait moi la rejoignant le week end Auxerre elle ayant un appartement un peu plus grand et dans notre esprit c tait effectivement moi qui devais le plus possible me rapprocher de son univers professionnel et g ographique A partir de ce moment l tat d esprit de Fran ois change Le couple s est mari et l on peut imaginer que les poux commencent d envisager la venue d enfan
15. en fout on ne va pas y rester bien longtemps Ils partent concr tement par la suite en changeant de logement de quartier ou de ville Bien s r on peut penser que des crit res conomiques ou d urgence restreignent la capacit de choisir un logement ou un quartier qui plairaient v ritablement Mais le v ritablement n a pas beaucoup de sens pour des d butants qui engag s dans la d couverte et la formation d eux m mes ne savent pas encore ce qui leur plairait v ritablement Ne pas rester ne pas s impliquer trop ni dans les lieux ni dans les relations sociales tre en mouvement et en mobilit c est se mettre en posture de vivre des exp riences formatrices En m me temps qu ils s mancipent des tutelles les d butants vivent l indiff rence territoriale comme la possibilit de multiplier les situations d exp rimentation d eux m mes Le changement de lieux et d engagements sociaux leur permet la fois de s prouver la diversit des situations qu ils vivent et d agrandir leurs stocks de comp tences et de capacit s sociales de tout type En cela ils ressemblent aux professionnels d butant dans un m tier qui multiplient les exp riences les passages par des entreprises diverses de mani re s aguerrir et accro tre leurs stocks de savoir faire techniques relationnels organisationnels Chez nos d butants cet objectif n est pas n cessairement formul en tant que t
16. galement du mal s y situer et qualifier les lieux qu est ce qui est central qu est ce qui est p riph rique Pourquoi tel lieu est il central et tel autre p riph rique Ne pas pouvoir se situer c est tre perdu et pour les insulaires cette expression vaut sur les deux plans spatial et social Perdus disqualifi s dans l espace social ils ne savent pas quel point fixe se raccrocher Effort de qualification des trajets o se trouve par exemple un itin raire partir de chez soi o l on pourra effectuer une promenade d agr ment Effort d appropriation minimale des lieux et des trajets c est dire d une projection de soi dans l espace A partir du moment o les lieux les plus quotidiens la boulangerie du coin la cage d escalier le quartier d habitation le campus ne sont pas appr ci s sont per us n gativement tout appara t comme repoussoir Mais alors o se situer soi m me Par rapport quels lieux les insulaires peuvent ils se d finir positivement La radicalit de ce probl me que les insulaires prouvent appara tra mieux la lecture des pages suivantes consacr es aux co pr sents Eux vivent dans l vidence d un espace imm diatement et puissamment ordonn dont les principes d organisation sont ancr s dans toute l paisseur de leurs parcours biographiques Pour ces derniers la lisibilit de l espace est maximale au sein des territoires du proche
17. individu psychologiquement co teuse Le retour r gulier aupr s des proches parents amis permet de compenser de se reposer de l effort d autonomie consenti la semaine Les motivations ces allers retours sont souvent pr sent es dans un registre utilitariste Les tudiants rentreraient chez eux comme ils le disent alors pour parler du domicile parental pour laver leur linge faire le plein de provisions passer aux frais des parents les coups de t l phone qu ils n ont pu passer depuis leurs chambres universitaires etc En fait les motivations de ces retours sont plus globales et plus profondes Il s agit d un retour dans l univers connu dans l univers des routines des ambiances connues des paysages des modes d habiter dont ils ne se sont pas encore d pris Certains des jeunes que nous avons rencontr s taient d s leur premi re ann e d tude parfaitement autonomes sur le plan mat riel disposant de voiture d argent de t l phone portable ayant des relations amicales fortes dans la ville des tudes Ils rentraient toutefois chez eux tous les week end La volont des tudiants d tre autonome ne pr juge pas de leur capacit r aliser ce projet de suite du premier coup C est ce que certains expriment en disant que tout compte fait ils ou elles n taient pas pr t e s Mais c est simplement pied d uvre a posteriori qu ils ont d couvert cette absence de pr pa
18. je sens que j ai vieilli a ma transform ce voyage j ai norm ment chang comme si j tais partie des ann es a me fait vieillir dit Yann qui consid re que les semaines consacr es au voyage comptent plus durent plus longtemps que les semaines habituelles Le kilom trage aurait un quivalent temps Le voyage dans l espace distendrait les perceptions du temps Cette sensation partag e par les routards t moigne que ce qu ils vivent s apparente bien l initiation Le sentiment d avoir vieilli renvoie au changement de statut dans les groupes d appartenance mineur au d part majeur au retour 110 Les preuves de la dispersion Je suis rentr e chez mes parents car je n avais plus mon appart C tait un changement total comme si je revenais mes 18 ans J tais tr s contente de voir mes parents mais au bout de deux mois il tait temps que je parte pour moi comme pour eux J ai chang On m a dit mon retour que j tais plus patiente plus pos e moins intransigeante Je ne m en rendais pas compte mais imm diatement apr s le Mexique mon entourage a remarqu un changement J ai un peu plus r ussi ouvrir mon c ur qu avant ce voyage avant ce premier voyage Parce que j ai toujours du mal mettre des mots sur ce qui est sentiment et donc on a l impression que je suis tr s froide s che et du coup gr ce au Mexique je pense que j arrive un peu plus
19. les responsables de la ville de Rennes en charge de la vie des quartiers dans deux quartiers Maurepas et les Champs Manceaux et le pr sident du comit de quartier d un autre quartier celui du Blosne Ce sont ces responsables qui nous orientaient vers des personnes acceptant de jouer le jeu des entretiens les personnes engag es dans un voyage initiatique ont t enqu t es par Aline Grenier tudiante en ma trise de sociologie l universit Rennes 2 sur la base d un guide d entretien con u ensemble Nous avons galement men une exploitation secondaire d une vingtaine d entretiens effectu s dans le cadre d une autre enqu te financ e par l Institut pour la ville en mouvement PSA Peugeot Citro n qui tait centr e sur les populations en situation de grande pr carit Cette enqu te a t men e au cours de l ann e 2002 aupr s de ot r sidant dans la grande banlieue du sud de l agglom ration parisienne 7 Le Breton E Mobilit quotidienne et exclusion sociale El ments d enqu te aupr s des structures d insertion par l activit conomique et de leurs publics op cit 164 Les preuves de la dispersion 2 Pr sentation succincte des personnes interview es Les jeunes adultes en acc s l autonomie 10 personnes 5 femmes et 5 hommes Pseudonyme Age Activit Statut r sidentiel Lieu de r sidence 1 Thierry 22 E
20. Je suis rest une ann e et en fait je n arrivais pas travailler donc je suis retourn Beaulieu dans l appart de mes parents Je ne faisais pas grand chose c tait dans la cit Alsace et comme j tais pr s de la fac je prenais mon temps pour aller la fac et donc j ai d croch Dans la cit U dans laquelle j tais c tait plut t calme et c tait bizarre je n arrivais pas me retrouver soulign par nous ef puis a s est agrandi pendant toute l ann e Je ne comprenais pas c tait comme si je ne pouvais pas me d brouiller seul Quelquefois je me pose des questions parce que quand je suis parti je voulais prouver que j tais assez grand et que je pouvais faire des choses tout seul Et un an apr s je suis revenu et en fait a disait que je n tais pas pr t Et donc je me suis dit autant ne pas essayer de chercher un appartement parce que si tu es dans un vrai appartement coup de tout a ne va pas trop marcher C est comme se lancer dans l aventure sans conna tre les r gles L affranchissement est une preuve dont il faut inventer les r gles et le cadre en s inventant soi m me Une bonne partie de la difficult est que l autonomie ne s apprend pas ne donne pas lieu sauf cas exceptionnel une formation un apprentissage Bien s r les parents pensent transmettre leurs enfants les comp tences pratiques n cessaires la vie autonome faire ses courses
21. Nevers Dijon Universit de Bourgogne LATEC 1993 Buffet L Les modalit s d appropriation de l espace urbain par les membres de la famille dans les quartiers d favoris s rapport pour le minist re de l Equipement 2003 Campagnac E Mobilit et transformation des modes de vie ouvriers in Les Annales de la recherche urbaine 1978 n 1 pp 80 89 Castells M et Godard F Monopolville L entreprise l Etat l urbain Mouton 1974 Chapoulie J M La tradition sociologique de Chicago 1892 1961 Paris Le Seuil 2001 Chevallier M L usage et l acc s l automobile pour les personnes et les m nages faibles ressources rapport pour le minist re de l Equipement 2002 97 p 160 Les preuves de la dispersion Commissariat g n ral du Plan R inventer les vacances La nouvelle galaxie du tourisme La documentation fran aise 1998 Costes L Immobilit s in galit s et management de la mobilit des tudiants en Ile de France 2002 Coutras J Crise urbaine et espaces sexu s Armand Colin coll r f rences 1996 Dubet F Les tudiants in Dubet F ef al Universit s et villes Paris L Harmattan coll Villes et entreprises 1994 pp 141 209 Dubet F et Martuccelli D Dans quelle soci t vivons nous Paris Seuil coll L preuve des faits 1998 322 p Dubet F Le d clin de l institution Le Seuil coll L preuve des faits 2002 421
22. Rennes ce qu il trouvait Paris et qu on pourrait d signer en utilisant le terme de Raymond Ledrut une personnalit culturelle de son espace de vie quotidienne Pour cet ensemble de raisons Thierry retrouve Rennes la forme d exp rience qu il aimait Paris Et dans ce contexte son d sir est aujourd hui de s ancrer de faire des racines selon son expression de recomposer son identit territoriale partir d un espace cette recomposition s accompagnant d une rupture totale et d finitive avec les quelques relations qui le raccrochaient Angoul me Poitiers ou la r gion parisienne Je me suis dit je suis en Bretagne soyons breton J ai pas essay de retrouver par exemple les r seaux de Paris qui tait dans une logique urbaine parce que a ne m int resse pas du tout Si j tais Paris l je serais fond dedans tagueur etc parce qu on est vraiment dedans Ici Rennes je me dis autant voyager dans la Bretagne travers certains visages qui se revendiquent bretons Ce processus d ajustement incorpore int gre certaines exp riences territoriales pass es de nos interlocuteurs L appropriation d un lieu par un individu s appuie sur un ensemble de cadres d appr hension form s tout au long de son histoire L id e d h ritage est pertinente condition de la consid rer de fa on souple L h ritage n est pas un conditionnement et bien s r cet h
23. certaine cin ma lecture etc Ils vivent de ce fait une tension entre la curiosit pour l ailleurs et la relative incapacit de lui donner corps Ils critiquent 127 Les preuves de la dispersion d autant plus les injonctions sociales la d localisation tourisme cl en main t l phone portable t l vision c bl e etc qu ils sont captifs de la proximit Qu on nous comprenne bien les navetteurs dont on parle plus loin peuvent aussi tre critiques de la voiture ne pas avoir la t l vision c bl e chez eux et se d placer en ville v lo Mais au cours des entretiens aucun d entre eux n a tenu nous le faire savoir avec l insistance spontan e des co pr sents Ces derniers se sentent tenus d objectiver leurs rapports aux dispositifs de d localisation en les pr sentant comme une distance critique ce qu ils identifient comme une id ologie de la mobilit C est donc pour une bonne part dans la proximit que les co pr sents vivent l exotique notamment travers la pratique pr f rentielle de lieux et de rythmes d cal s entre les espaces et les temps majeurs de la vie urbaine Plusieurs de nos interlocuteurs fr quentent les franges urbaines les entre deux les quartiers p riph riques tous ces endroits de la ville interstice SE Qui n imposent priori aucun usage sp cifique qui ne sont investis d aucune fonction pratique ou symbolique Les rythmes
24. cole famille territoire de la proximit et celle d une insertion gratifiante dans le groupe des pairs Le rapport 59 Les preuves de la dispersion Paris est v cu sur le mode de l exploration comme un lieu d exp riences et de d couvertes sensibles excitantes Je trouvais que les cours avaient un contenu tr s frustre a ne m int ressait pas du tout Vous faites des math matiques a n a aucune r alit en dehors d elles m mes c est compl tement irr el donc a ne m int ressait pas du tout Le Fran ais c est pareil l cart tait trop grand Il n y avait aucun affect avec l cole enfin avec les cours c tait trop froid La chimie c tait pareil a correspondait rien du tout enfin du moins pour moi l poque C est pour a que j avais l ch les cours parce que a n avait pas de r alit Et donc on faisait des excursions et pour revenir au fait que je suis norm ment attach Paris et son mode de vie parce qu tant donn que c est une ville cosmopolite on apprend d couvrir le monde 15 ans je connaissais d j Pigalle Barb s etc Je voyais des choses tr s contrast es Je voyais la vie comme un monde immense il n y avait aucune limite c tait une forme d oc an humain On ne payait pas le train ni rien c tait pour augmenter un peu l excitation Il arrivait qu il y ait des courses poursuite avec les ma tres chien on avait m me des
25. comment a va au pays J attends des nouvelles comme si j tais de l bas Concr tement j ai envie d tre inform travers les journaux de ce qui se passe en thiopie je lis la litt rature du pays je regarde des films enfin il y a vraiment cette d marche un peu rationnelle d en savoir de d couvrir Cette mondialisation de la co pr sence de Bruno passe par une combinaison des mobilit s physiques des amis immigr s de Bruno et des mobilit s virtuelles et repr sentationnelles de ce dernier lesquelles le dissuadent d aller vraiment en Afrique 132 Les preuves de la dispersion Je pourrais aller en Afrique mais a ne m int resse absolument pas Je sais que les gens vont me voir comme le touriste qui d barque qui vient faire son petit tour et qui s en va Moi ce qui m int resse c est d aller en profondeur avec les gens d abord parce que la g ographie le paysage c est vrai que a peut tre int ressant mais ce n est pas ce qui est primordial c est le contact avec les gens Je ne peux d couvrir que s il y a une certaine intimit qui s installe La particularit de cette inscription territoriale tient moins aux pratiques concr tes de la dispersion globalement r duite en terme de kilom tres et de lieux d ancrage qu aux discours qui la sous tendent Nos interlocuteurs adh rent un id al contemporain de l ailleurs mais ils l atteignent par le voyage sur
26. consid r e comme secondaire la circulation des hommes est mal g r e voire ne l est pas du tout et les cons quences de ce d ficit d intervention sont amplifi es par l organisation de l espace urbain particuli rement clat La mobilit quotidienne des personnes autrement dit dans Monopolville l l ment Echange est gravement perturb e par de nombreux goulots d tranglement Sur cette base probl matique de d part un programme de travail s labore progressivement dans le courant des ann es 1970 autour de deux perspectives Un premier versant des recherches porte sur la mani re dont le probl me urbain du transport parvient ou non faire merger des mouvements sociaux Cet axe de r flexion co ncide avec la p riode de renouveau des transports collectifs urbains leur d veloppement sous l gide de collectivit s locales qui s en saisissent la mise en place de tarifs sociaux dans les agglom rations mais aussi et surtout le d veloppement exponentiel de la voiture individuelle et son inscription comme un des objets embl matiques de la soci t contemporaine La sociologie de l action collective trouve dans le domaine du transport et particuli rement du transport collectif un objet pertinent auquel contribuent entre autres Dominique Melh et Eddy Cherki avec leur tude sur la Crise des transports politique d Etat et mouvement d usagers 1977 ou encore Nicole May et George Rib
27. cuisiner entretenir son appartement ou sa chambre circuler r soudre les probl mes de la vie quotidienne Mais ils font comme si ce n tait l que des comp tences instrumentales g n riques ind pendantes des environnements de mise en uvre au sens d un espace structur par des trajets et des pratiques de routines Les jeunes ma trisent le plus souvent ces comp tences mais l environnement o ils sont suppos s les mettre en uvre peut tre fort diff rent du contexte d apprentissage et cet cart suffit rendre les savoirs inapplicables la ville universitaire est beaucoup plus grande que la ville de provenance et la circulation le bruit compliquent le rep rage et l appropriation le supermarch o la famille a l habitude de faire ses courses n existe pas dans le quartier de l tudiant la cuisine de la cit U ne ressemble pas du tout celle de la maman Une anecdote rapport e par Nadia permet d approcher l ampleur des d calages v cus Nadia et ses fr res arrivent Rennes alors qu ils ont entre 8 et 10 ans Au Maroc ils vivaient dans une vaste maison au milieu d un domaine agricole Tous ont t saisis d effroi 54 Les preuves de la dispersion lorsqu ils sont entr s pour la premi re fois dans l ascenseur qui les conduisait leur nouvel appartement rennais ils ont pens que c tait l dans l ascenseur leur nouvelle maison L environnement spatial des routines e
28. d tudes est souvent l occasion d un premier d m nagement autonome L acc s l ind pendance et l entr e dans une p riode de construction de soi se traduisent dans une mobilit quotidienne relativement dispers e l exp rimentation des lieux permettant l exp rimentation de soi Cette p riode de la vie est aussi celle o les individus recomposent leurs r seaux d int gration sociale qui sont d abord volontairement maintenus cloisonn s avec le r seau familial d un c t le r seau amical de l autre et le r seau professionnel en voie de constitution 6 On trouve ici la population des navetteurs terme auquel nous donnons un sens plus englobant que d ordinaire Ce sont des membres des classes moyennes disposant d emplois stables et garantis tous les fonctionnaires ou d emplois plus instables mais plus lucratifs les cadres du priv par exemple L int gration professionnelle leur a impos une mobilit r sidentielle souvent significative de plusieurs d m nagements avec changement de r gion Ce sont par ailleurs des personnes qui vivent quotidiennement l chelle des territoires de l automobile c est dire qu ils parcourent quotidiennement plusieurs dizaines voire centaines de kilom tres ils n h sitent pas faire 150 kilom tres 300 aller retour pour passer le dimanche au bord de la mer Ils pratiquent des navettes r guli res entre les diff rents points d ancrage de
29. d sir e Le second volet est v cu de mani re plus perturbante par les acteurs On peut pratiquer puis quitter un territoire sans qu il n en reste rien C est l exp rience d Anna s et de bien d autres qui passent du temps dans une ville puis la quittent enti rement sans regret sans attache sans affect Le temps pass semble tre annul L exp rience territoriale n a pas affect l acteur Les jeunes n ont pas le monopole de ce v cu source d tonnement et d inqui tude Les navetteurs internationaux l expriment souvent Ils passent beaucoup de temps dans des d placements et des pays trangers Mais ils ne savent pas quoi dire quoi retenir de ces exp riences tel point ils ont l impression qu elles ne se sont pas vraiment produites Les touristes ont aussi ce m me sentiment Ils consacrent du temps visiter des lieux mais sont au retour incapables de dire ce qu il reste de leurs rapports aux territoires visit s La d sinstitutionnalisation du territoire l am ne n tre parfois qu un d cor Le rapport au territoire se conjugue parfois dans une exp rience angoissante du vide La d territorialisation de l engagement social est la fois pour les acteurs une ressource et une redoutable preuve L enjeu crucial d une soci t dispers e est autant d appartenir que d tre mobile C est cette tension que vivent les jeunes S loigner de l inscription territoriale p
30. diterran e peu importe que les les soient les les bretonnes normandes ou grecques toutes sont des les pr sentant un certain nombre des m mes caract ristiques g n riques et offrent la possibilit de vivre approximativement le m me type d exp rience Lorsqu on lui demande quels sont les quelques lieux qui comptent le plus pour lui Jean Marie voque d abord Les les je suis un fan d le parce qu avec une le on est d j dans le voyage Avec la mer tout autour la mer c est quand m me symbolique du d part C est s r que moi je vibre assez d s que je suis face la mer On retrouve la m me tonalit dans les propos de Martine qui montre bien par ailleurs comment la dimension affective et le rapport imaginaire aux lieux sont des dimensions centrales de la prox mie Je ne suis pas du Finist re mais c est un lieu que j ai d couvert et j ai senti comme une concr tisation de plein de choses Ce n tait pas seulement le paysage la Bretagne dans ce qu elle a de bretonnant mais quelque chose qui me faisait m y sentir bien Je ne sais pas si c tait les falaises le vent la mer Je crois qu on peut tomber amoureux d un lieu d un paysage quand il fait appel des sensations des voyages des sentiments C est un lieu f erique concret le Finist re pour moi C est un lieu qui ne m a jamais quitt c est un lieu d ouverture Pourtant je ne suis pas attach e la Bretagne
31. e nous am ne voquer un autre point le fait que les d butants construisent leurs identit s en manipulant pratiquement virtuellement et mentalement les territoires et les moments de leurs vies pass es ceux de leurs vies du pr sent mais aussi et tout autant les moments et les territoires de leurs vies futures S ils refusent ou restreignent ou limitent leurs engagements sociaux et leurs ancrages du moment pr sent c est parce que les d butants sont d j par anticipation dans d autres lieux St phanie et Anna s peine arriv es Angers ont d j quitt mentalement une ville qui ne leur pla t pas et elles se vivent d j comme tant ailleurs En arrivant Poitiers Thierry d cide de suite lui aussi de partir d s que possible ce qu il fait au bout d un an Et l on imagine bien qu au long de son ann e poitevine il a minor son appropriation des lieux et ses engagements sociaux de sorte rendre in vitable et logique sa d cision initiale Si Gr goire ne pratique que des engagements distanc s c est qu il est convaincu qu il ne restera pas longtemps Rennes Peut tre se trompe t il Nul ne le sait Il n en demeure pas moins que c est cette mobilit anticip e sous tendue par le projet de mobilit formatrice de soi qui claire son comportement hic et nunc Nos d butants sont bien des Tii au sens de Simmel car ils se vivent comme des voyageurs potentiels Awa On voit comment
32. es Ensuite comment les individus vivent cette dispersion Peut on rep rer quelques l ments cl des exp riences de la dispersion Quelles sont les dispositifs pratiques les ressources rh toriques qui permettent de ma triser ou non la dispersion de soi Comment am nage t on son identit par del l clatement de ses lieux de vie L encore les situations sont multiples Certains individus r ussissent combiner leur fragmentation territoriale dans une coh rence intime et sociale D autres parce qu ils ma trisent la dispersion vivent leur vie comme un champ de possibles largement ouvert o l exp rimentation des situations et la confrontation au nouveau leur offrent des existences stimulantes et gratifiantes Une troisi me cat gorie de personnes sont bris es clat es disqualifi es par la dispersion entre les lieux o ils sont pass s ceux o ils sont assign s Ceux l perdent le sens de leur vie en perdant le sens de l orientation A travers ce questionnement nous nous int ressons aux preuves de la dispersion La reconfiguration des identit s territoriales des individus les confrontent des enjeux parfois des difficult s Quelles sont ces preuves Comment se construisent elles Peut on rep rer une grammaire de ces exp riences c est dire un ensemble d l ments qui permettent de restituer quelques dimensions sp cifiques la vie dans une soci t dispers e Par exempl
33. est qu ensuite que s engage une seconde phase que Ramadier d nomme appropriation spirituelle du milieu A ce moment l environnement devient un support pour l individu par le biais de la diversit et de la complexit des significations environnementales DEL individu peut alors construire sa vie quotidienne et son identit sociale dans un rapport plus libre aux territoires car ses actions et projets ne seront plus brid s par l incompr hension du milieu environnant Poursuivons encore un peu ces r flexions tr s exploratoires D s lors que la mobilit rel ve de la culture et donc de la socialisation les comportements de mobilit et les inscriptions territoriales s inscrivent aussi dans les logiques de la transmission et de l apprentissage Laurence cb cette question l occasion d une recherche sur les comportements de mobilit de deux cat gories d tudiants les uns originaires de Paris les autres de banlieue Elle montre que ces tudiants ont dans le cours de leurs histoires personnelles int gr certaines habitudes certains comportements pr f rentiels en mati re d habitat d environnement de rythme de d placement qui perdurent et encadrent leurs inscriptions territoriales d tudiants Les univers de mobilit des tudiants habitant la ville dense et ceux qui habitent la p riph rie lointaine ne sont pas les m mes mais surtout chacun de ces deux groupes d tudiants expriment de
34. l identit du conjoint etc La dispersion permet de s manciper de l espace relativement coh rent du contr le et de cr er des bulles dissoci es dans lesquelles l individu peut vivre des dimensions diff rentes de ce qu il est 110 Costes L op cit 86 Les preuves de la dispersion Retenons l id e que pour les d butants la mobilit leur offre d acc der l autonomie et que cette autonomie ne se conjugue pas l unit mais au contraire dans la capacit de se rendre multiple Les mobilit s d affranchissement donnent lieu l exp rience de mondes diff renci s Dans une soci t dispers e s affranchir c est apprendre g rer l clatement biographique et g ographique des dimensions du soi 87 Les preuves de la dispersion Chapitre 3 L mergence soi par le monde Afin de conqu rir leur autonomie les d butants s engagent dans des mobilit s d affranchissement qui les loignent des territoires connus Dans le chapitre pr c dent nous avons examin l affranchissement tel qu il s op re l chelle des territoires de la vie quotidienne Ici nous voulons apporter un bref clairage compl mentaire au processus d autonomisation par la mobilit en nous int ressant aux pratiques de d butants engag s dans un voyage initiatique qui les am ne passer quelques semaines ou quelques mois dans des pays trangerd Quel est le sens de ce type d exp
35. la chambre dans un r gionale de appartement l conomie sociale 28 Vincent 30 Technicien dans une Vit en couple Rennes station de dans un surveillance de la appartement pollution de l air 29 R gis 21 Etudiant en licence Vit seule en Rennes STAPS studio 30 Michael 30 Professeur de lyc e Vit en couple en Commune de appartement premi re couronne 31 Mathilde 24 Pr pare le concours Vit chez ses Commune de de conseill re parents premi re d ducation couronne principale 32 Aude 21 Etudiante en cole Vit seule en Rennes d environnement studio 167 Les preuves de la dispersion 33 Justine 21 tudiante en IUP Appartement en Rennes info com colocation 34 Pauline 20 Etudiante en 2 Appartement en Rennes ann e de langue colocation 35 Mathieu 25 Graphiste dans une Vit en couple Rennes association dans un culturelle appartement 36 Catherine 25 Secr taire m dicale Vit seule Orl ans dans un appartement 37 S verine 28 Technicienne dans Viten couple Commune de un laboratoire auto dans un premi re appartement couronne 38 Sandra 30 Attach e Vit seule en Orl ans commerciale appartement au moment de l enqu te 3 Tableau de synth se Femmes Hommes Total De 18 30 ans 14 9 23 De 30 55 ans 7 8 15 Total 21 17 38 4 Les guides d entretien Nous ne mentionnons que les items principaux Le guide d
36. leurs parents se sont tablis au moment de la naissance de leurs enfants Ce territoire est celui des ann es de socialisation des activit s et des amiti s de l enfance et de l adolescence La premi re tape prend fin au moment de la mise en couple et de l entr e sur le march du travail Nos interlocuteurs plut t des cadres moyens et des fonctionnaires s engagent alors dans une mobilit r sidentielle qui les am ne souvent changer de r gion notamment vers la r gion parisienne La conqu te de l autonomie justifie cette dispersion Il s agit de s engager dans la vie autonome La mobilit d affranchissement consiste dans la mise l preuve de soi par la confrontation de nouveaux espaces C est le moment de s manciper par l loignement de la tutelle parentale celui de faire ses preuves entre autres choses sur le plan professionnel C est aussi le temps de la construction du couple dans la libert que procure la mise distance des r f rences et des mod les parentaux Cette s quence peut durer plusieurs ann es et int grer l arriv e des enfants Son conomie territoriale est souvent complexe du fait tant de la fr quence que de l amplitude g ographique des d m nagements tendus sur plusieurs villes et r gions La troisi me s quence d bute avec l apparition chez nos interlocuteurs d un d sir d ancrage de poser les valises Les motivations de ce choix sont p
37. nom nes migratoires dans la compr hension du monde moderne Si la complexit des rapports entre les territoires local global loin proche physique virtuel etc est une dynamique centrale du changement de nos soci t s les faits migratoires pourraient tre tudi s avec profit car ils participent bien depuis un si cle et demi au moins au mouvement de recomposition des territoires l chelle plan taire Or peu de chercheurs s y int ressent dans cette perspective C est le cas toutefois d Alain Tarrius Les nouveaux cosmopolitismes op cit et d Alain Battegay ef al Centralit immigr e Carrefour de mobilit s et territoires r ticulaires Le cas de la place du Pont Lyon rapport pour le minist re de l Equipement juin 2003 187 p 129 Les preuves de la dispersion v cu longtemps dans une dispersion extr mement faible Mais travers ses trois enfants Mireille vit un univers radicalement diff rent car fortement dispers Chacun des trois enfants a fait plusieurs voyages l tranger pour des vacances mais aussi pour l un d entre eux pour un stage professionnel aux Etats Unis Ils habitent tous dans des villes loign es Caen Orl ans et Boulogne Billancourt Pour cerner plus pr cis ment l imbrication troite entre le local et le mondial nous proposons d analyser en d tail l entretien que Bruno nous a accord Bruno a 47 ans il est mari et p re de deux enfants Il a une acti
38. premi re fois un v ritable appartement seule et manifeste ce moment le d sir de s y installer durablement Thierry a pratiqu pendant plusieurs ann es des p r grinations r sidentielles avec ses parents puis seul Poitiers puis Rennes en cit U d abord ensuite dans un premier studio suivi d un second Au fil de ces ann es jamais il n avait eu la volont de poser son sac se projetant toujours dans une continuation du p riple Mais au moment o nous l avons rencontr il se 81 Les preuves de la dispersion d couvrait la capacit et la volont de ralentir le mouvement et de s approprier plus durablement plus profond ment les lieux et les relations sociales dans lesquelles il tait engag St phane n en est pas l mais il en exprime le projet pour l ann e prochaine Depuis plusieurs ann es il est en mobilit constante au sein d un large territoire balis par Bordeaux La Rochelle Brest Laval o travaille son amie et Rennes o lui m me ach ve ses tudes A la p riode de notre entretien tous deux commen aient de chercher un emploi Pau id alement ou dans les environs du pays basque Bayonne Anglet Biarritz ou Saint Jean de Luz D ores et d j St phane se projette dans une installation durable Pau autour d un logement d une ville et de trajets routinis s d une inscription territoriale plus stable au lieu du chantier continuel qu il pratique depui
39. re explorer largement la France et les pays voisins Il garde les meilleurs souvenirs de cette mani re d tre un peu inconstant selon son expression C est dans ce souvenir du plaisir prouv aux changements de lieux la d couverte la libert qu il fonde son d sir de voyager Pour d autres au contraire le voyage qu ils font adultes est le premier Certains comme Sandra ne sont m me jamais partis avec leurs parents Avec mes parents on n est jamais parti en voyage Mon p re tait commercial donc sur la route toute la semaine Le week end il tait bien content de rester tranquille chez lui Ensuite il y avait un c t p cuniaire En plus la g n ration de mes parents en tous cas les miens le voyage ce n tait pas forc ment quelque chose d ancr de n cessaire Je ne suis jamais partie en vacances avec mes parents Je pense que moi j ai eu un peu ce comportement oppos en me disant que j avais envie de voyager de bouger de voir du monde et le voyage a a toujours t un r ve chez moi Ind pendamment des contextes sociaux nos interlocuteurs partagent une d marche de rationalisation du d sir de voyage dans un registre de l intime Ce d sir serait ancr dans l enfance dans l histoire longue du sujet Ce sont des r ves des lectures de livres d enfant un film visionn petit qui auraient fait na tre le d sir du voyage Pour Michael les livres ont longtemps jou le r le d
40. recouvre largement un espace public du contre temps Une bonne partie des lieux pratiqu s sont des lieux publics divers depuis la rue marchande du centre ville les jardins les boulevards de banlieue visit e lorsque la population active n y est pas ce sont des lieux qui n imposent aucun usage et o en se fondant la foule on s affranchit des tutelles et des contr les Jaime beaucoup travailler dans les galeries commer antes des supermarch s Je r ussis paradoxalement m isoler dans un endroit o il y a beaucoup de monde J aime beaucoup ces endroits l parce que je r ussis 48 Les preuves de la dispersion me concentrer tout en ayant beaucoup de mouvement J ai l impression d tre plus dans le quotidien dans le r el dans l activit que si quand je suis tout seul mon bureau J aime regarder les gens qui font leurs courses qui s arr tent boire un caf au bistrot enfin les gens dans leurs activit s quotidiennes les plus banales a m aide me concentrer Mais je le fais plus rarement maintenant Je le faisais beaucoup avant deux fois par semaine environ St phane Ces espaces de proximit sont parcourus de mani re souple changeante irr guli re de mani re d autant plus informelle et difficile appr hender que les d placements s effectuent pied ou en v lo ventuellement en m tro et en bus jamais ou presque en voiture Plusieurs des jeunes rencontr s disposent
41. s dans ces r agencements Le changement de quartier de ville et de r gion l loignement de la famille et des amis l acclimatation un nouveau Expression qui nous a t sugg r e par Yves Crozet lors d un s minaire de suivi du programme de recherches Les preuves de la dispersion travail la modification des rythmes d organisation de la journ e tout cela est la fois banal et lourd de cons quences sur le plan de l conomie de la vie quotidienne d individus qui parviennent pourtant se construire dans une continuit dans une coh rence d eux m mes C est travers deux questions que nous traitons cette nigme de la coh rence et de la continuit de l individu par del les ruptures territoriales D abord quelles sont les formes sociales de cette dispersion Les v cus de la soci t dispers e ne sont pas identiques selon les individus et les groupes sociaux Peut on rep rer quelques configurations typiques articulant les dispersions quotidiennes et les dispersions biographiques Lors de nos enqu tes nous avons rencontr deux populations extr mes Les cosmopolites ont une inscription territoriale particuli rement dispers e tant dans le registre de la vie quotidienne que dans celui du parcours biographique A l oppos ceux que nous d signerons comme les insulaires sont fortement assign s des territoires restreints Nous verrons que les situations interm diaires sont diverses et tranch
42. s virtuelles Ce collectif intervient lors de la p riode de maturation et de pr paration du voyage qui peut s taler sur plusieurs mois A ce moment sont sollicit es les communaut s virtuelles d Internet r unissant ceux qui ont d j test le pays choisi Ces changes dans les chats permettent de commencer le voyage par anticipation 12 En cas de difficult le contact des proches rest s au pays avec une police iranienne ou tha landaise peut tre al atoire ou compliqu 123 Choisir intentionnellement une destination qui fait peur ses proches revient suspendre le lien affectif 101 Les preuves de la dispersion Ils sont nettement pr f r s aux guides car ils offrent aux routards de communiquer directement avec ceux qui ont une pratique du pays et partir de l d laborer des images des ressentis au plus pr s de ce qu ils vont pouvoir vivre Les communaut s virtuelles permettent aussi de glaner des informations sur les itin raires les lieux les h tels vierges de touristes C est un probl me crucial pour la qualit de l exp rience individuelle projet e d viter les lieux contamin s par le tourisme la soci t occidentale dont la mise distance est une des conditions de la mise l preuve de soi Le collectif des gens de l bas est le plus pr sent dans les entretiens La r ussite du voyage la v ritable mise l preuve de soi supposent la rencontre et la co
43. sont volontiers fr quent s Ne faudrait il pas observer d abord comment les lieux sont vit s Augoyard J F Pas pas Essai sur le cheminement quotidien en milieu urbain Paris Le Seuil coll espacements 185 p p 41 55 Tarrius A op cit 28 Les preuves de la dispersion L individu est il homme ou femme Jacqueline Coutras ka montr que les appartenances de genre d terminent radicalement le rapport l espace Les femmes n ont acc s l espace public que depuis peu de temps Encore aujourd hui les principes des inscriptions territoriales des hommes et des femmes diff rent Les premiers en tendance vont plus loin plus souvent de fa on plus autonome et ont de multiples ancrages significatifs Les secondes vont encore un peu moins loin un peu moins souvent de fa on moins autonome et leur inscription territoriale est fortement structur e par l espace domestique de proximit L appartenance aux cat gories d ge est aussi un l ment fondamental Laurence Buffet montre comment les adolescents doivent n gocier avec leurs proches le libre acc s des espaces o ils pourront hors du contr le d autorit s parentales ou scolaires se construire comme des individus autonomes Cet imp ratif de n gociation t moigne de l existence de barri res de fronti res et de limitations impos es aux plus jeunes dans l acc s l espace L ge est donc un autre principe d organi
44. t aussi clairement dans le travail de Sauvage Chevrier et Kon qui relatent par exemple combien la pratique de l objet souvenir est tr s rapidement abandonn e sauf par ceux qui se constituent intentionnellement et ironiquement un mus e des horreurs NTI Tep Et professionnels vivent une exp rience proche de celle des touristes Ils pratiquent une importante dispersion g ographique qu ils ne 144 Tarrius a r alis 120 entretiens aupr s des circulants professionnels Sur les 120 pas une femme Pour notre part nous disposons d entretiens r alis s aupr s de navettrices internationales 5 D une mani re g n rale le rapport de Sauvage Chevrier et Kon propose un portrait extr mement sombre et pourtant convaincant de ceux qu ils appellent les grands mobiles Cette appellation de grand mobile est cependant de notre point de vue un contre sens par rapport au mat riau expos par les auteurs qui montrent bien comment les navetteurs ne sont de grands mobiles qu en terme de kilom trage parcouru et absolument pas dans une mani re de voir le monde d articuler des ancrages sociaux d hybrider des univers culturels Pour eux les voyages professionnels l tranger sont les m mes que ceux qu ils font en France la fatigue et l angoisse en plus Mais l encore il faudrait pouvoir distinguer pr cis ment les navetteurs entre les cadres internationaux de haut niveau pour qui la mobilit quo
45. voyage qui est d abord r flexif avant d tre g ographique On trouve bien chez R gis l id e de vrai voyage c est dire d une exp rience d finie par autre chose qu un rapport l espace R gis a voyag dans 97 Les preuves de la dispersion plusieurs pays europ ens ainsi qu en France quand il tait animateur de centres de vacances Mais ces voyages s effectuaient toujours dans des contextes qui surd terminaient la nature de l exp rience soit le contexte familial soit le contexte scolaire et plus tard un contexte professionnel Son d part pour la Nouvelle Cal donie s effectue hors de toute justification sociale R gis part sans tre encadr par un statut de fils d l ve ou d employ Il part pour lui pour tre et devenir lui ponctuellement mancip affranchi des cadres sociaux J ai pas mal voyag avant en France et ailleurs Mais l c tait vraiment mon premier vrai voyage c tait vraiment un truc pour moi Dans le m me ordre d id e mais d une autre mani re Sandra montre que son exp rience n est pas r duite au kilom trage Elle explique qu elle est partie 7 mois 6 mois l tranger et un mois en France son retour Mais ce mois de r acclimatation son pays et sa vie devenus trangers fait partie int grante de l exp rience alors m me que le kilom trage est nul L loignement g ographique ne fournit a
46. 53 59 p 53 107 Simmel op cit p 53 80 Les preuves de la dispersion les dimensions de leur identit En effet la mobilit le changement de lieu donnent une certaine objectivit aux s quences de la vie aux tapes du parcours biographique Les quelques dizaines de kilom tres qui s parent Saint Malo de Rennes aident H l ne objectiver la p riode de sa vie pass e Saint Malo et son identit de malouine et ce faisant l aident s en d faire Gr goire peut agencer d autant plus facilement les images de lui Caracas Madrid et Creil que la distance conf re une r alit singuli re autonome chacune de ces p riodes de sa vie La mobilit contribue d faire d nouer l cheveau de l existence Elle peut permettre l individu de se visualiser au pass au pr sent et au futur dans des r les des situations des engagements diff rents d en retenir certains d en oublier d autres bref de se composer la carte son identit telle qu elle est v cue subjectivement de l int rieur Repr cisons que nous ne tenons pas la th se d une soci t dispers e qui affranchirait l individu de toutes d terminations sociales mais que la soci t dispers e en permettant le multi ancrage dans la longueur du parcours biographique comme dans le pr sent de la vie quotidienne offre aux individus des latitudes importantes dans l activation ou l occultation de volets d
47. La socio conomie des transports est assez largement structur e par da question du transport employeur selon la formule de B G rardin Une partie importante des recherches tait centr e sur les besoins de transport entre domicile et travail question reprise par l INSEE sous la forme des migrations alternantes et sur le financement par les employeurs de ce transport La socio conomie des transports merge dans les ann es 1950 Paul Henry Chombart de Lauwe le premier s int ressant l urbanisation intensive de l apr s guerre tablit l importance des transports dans les villes nouvelles et l urgence de les quiper convenablement Les sociologues urbains marxistes vont un peu plus tard poursuivre dans cette voie Dans leur tude du processus d urbanisation de l agglom ration de 33 G rardin B Le transport employeur Economica 1981 21 Les preuves de la dispersion Dunkerque Manuel Castells et Francis Godard font intervenir la mobilit quotidienne deux niveaux Ils montrent d abord que la question des flux des hommes et des marchandises est au c ur de l urbanisation de Monopolville Le process de production industrielle est fond sur la gestion la plus efficace possible des flux de marchandises Les flux industriels de biens doivent pouvoir traverser la ville et le territoire de la mani re la plus liquide possible au d triment de la gestion des flux humains De fait
48. Les cosmopolites globaliste 44 Les preuves de la dispersion Chapitre 2 Les mobilit s d affranchissement Ce chapitre est consacr l examen de la mani re dont les jeunes gens vivent leurs rapports aux territoires lors de cette phase particuli re de leur vie au cours de laquelle ils s mancipent des tutelles L hypoth se de d part est simple tre autongmp acc der son individualit propre c est avoir sa propre inscription territoriale Si l enfant puis l adolescent vivent globalement dans les limites du territoire parental l entr e dans l ge adulte suppose l am nagement progressif d un territoire ind pendant Les mobilit s d affranchissement consistent en un processus de d sajustement l inscription territoriale du mineur et de r ajustement de soi une nouvelle inscription territoriale Ce processus nous l exprimerons dans les termes du desserrement et du resserrement Les termes de ruptures et d ancrage sont trop durs trop fixistes Les jeunes comme les moins jeunes ne rompent jamais totalement avec leurs territoires d origine Les liens demeurent nombreux faits d allers retours d changes t l phoniques de pens es de souvenirs L ancrage laisse entendre une appropriation forte et relativement exclusive d un territoire Or l ancrage est toujours un multi ancrage Par ailleurs travers des mobilit s virtuelles et mentales les indiv
49. Mais les territoires lointains sont aussi clairement ordonn s Rennes est le lieu de d part et le lieu de retour L id e de chez soi a une r alit forte pr sente plusieurs chelles territoriales Plus on est loin plus l chelle du chez soi s largit Etant l tranger c est la Bretagne tout enti re qui incarne le chez soi et quand on se rapproche l chelle laquelle on implique le sentiment d appartenance au chez soi diminue le d partement le pays de Rennes l agglom ration la ville le quartier etc Le rep rage pr cis des chelles importe peu L essentiel est que la sensation d appartenance et la capacit mobiliser des rep res constitutifs d un chez soi sont suffisamment solides pour tre d formables 118 Les preuves de la dispersion x et s adapter plusieurs chelles les rep res objectifs changent mais le sentiment d appartenance est le m me Le sentiment des insulaires d tre repouss s par leurs espaces de vie les plus quotidiens peut se maintenir plusieurs ann es durant Souvent lors des entretiens nous d duisions de la tonalit des propos de nos interlocuteurs de leurs difficult s conf rer des principes organisateurs la ville qu ils n taient install s Rennes que depuis quelques mois Nous tions surpris d apprendre qu ils y vivaient parfois depuis plusieurs ann es Comprendre la d testation des insulaires p
50. RATP Cf Joseph I et al Gare du Nord mode d emploi Plan urbain RATP SNCF 1994 444 p 3 Voir Bassand M et Kaufmann V Mobilit spatiale et processus de m tropolisation quelles interactions in Bonnet M et Desjeux D sous la dir de Les territoires de la mobilit Paris PUF coll Sciences sociales et soci t s 2000 pp 129 140 23 Les preuves de la dispersion en bus au cours d une journ e ou la distance qui s pare le lieu de travail de la premi re station de train 3 L anthropologie de la mobilit Parall lement la socio conomie des transports s est d velopp un programme d analyse des mobilit s fort diff rent qu ici nous d signerons comme celui de l anthropologie de la mobilit Son mergence est r cente Il est toujours difficile de dater les id es mais pour notre part nous proposons de rep rer son apparition dans le courant des ann es 1980 et d en signaler une trace avec l ouvrage d Alain Tarrius Anthropologie du mouvemen lequel d plore la centration presque exclusive sur le r le des transports dans le d ploiement des changes et appelle une d technicisation des approches de la mobilit Ne profitant ni de la formidable demande des op rateurs de terrain services de l Etat et collectivit s locales transporteurs et grands groupes du g nie urbain dans une moindre mesure partis politiques et structures repr sentatives des usage
51. a des engagements sociaux ailleurs en ville pour ses loisirs en Tunisie qui est le pays d origine de son mari ou encore dans ce village o le couple a achet une maison pour sa retraite Ce principe de local choisi on le retrouve aussi chez Bruno qui utilise volontiers le terme de quartier mais fr quente des lieux et des r seaux extr mement pr cis telles personnes de telles rues tels immeubles etc notamment parce qu il prouve la difficult de nouer des contacts avec des voisins qui d m nagent r guli rement ou qui ne fr quentent le quartier que pour y dormir Pierre quant lui voque avec plaisir un quartier dont il aime l ambiance et la population mais il s agit du quartier o il ne r side pas et il ne dit rien de son propre quartier d habitation Dans une soci t dispers e l chelle locale s incarne dans des groupes et des r seaux sociaux d interconnaissance choisie l engagement social n tant pas une obligation de voisinage Les mobilit s d aventure Les r seaux d interconnaissance qui structurent les territoires du proche structurent aussi une bonne partie des mobilit s plus lointaines de cette cat gorie de population Les co pr sents ne sont pas comme les insulaires assign s la proximit Ils pratiquent r guli rement des mobilit s au del des limites des territoires du proche Les sorties en ville pour des moments de loisirs sont pratiqu es de mani re
52. ai mis huit mois me reconstruire essayer de mettre un peu au clair tout a J avais besoin de me remettre les id es au carr Du fait du divorce j ai r cup r du bl parce que J r me a rachet ma part de maison J tais dispo en terme de boulot j avais du fric pour partir Du coup dans ma t te mon projet de grand voyage faire le tour du monde etc est revenu hyper fort J avais une grosse boule et plus a allait plus a s imposait moi Avec tout ce qui s est pass le divorce et tout j avais besoin de me poser de faire une parenth se j ai vraiment ressenti ce besoin l J ai bien compris que le voyage c est ce qu il fallait que je fasse Les personnes partent dans des contextes de fragilit de d calage de failles identitaires Elles s engagent dans le voyage au moment o leurs identit s et leurs rapports au monde sont en r ajustement s affranchir d finitivement de la tutelle parentale pour acc der au statut d adulte quitter le statut de c libataire pour celui de compagne ou de compagnon quitter le statut de conjointe pour celui de c libataire Dans ces circonstances le voyage n est pas appr hend comme un simple moment ni un simple d cor M me s ils ne savent pas exactement ce qu ils en attendent ils en attendent quelque chose de sp cifique qui modifie leur 96 Les preuves de la dispersion conomie identitaire et leur rapport au monde A la question des motivations et des
53. ambiance que j allais trouver ici D s son arriv e Rennes semble pouvoir lui convenir Pourquoi D abord parce qu il trouve une densit un certain brassage de population et plus g n ralement une ambiance urbaine D autre part parce que la c te l attire est facilement accessible Thierry dispose d une voiture Il noue des amiti s dans quelques villes bretonnes et se trouve pratiquer un vaste espace l chelle de celui qui lui plaisait en Ile de France Par ailleurs install Rennes il ne rentre que rarement chez ses parents rest s en Charente une fois tous les trois quatre mois L encore il renoue avec un v cu d autonomie et d ind pendance l gard de la sph re familiale qu il appr ciait nagu re Mais il ajoute un autre l ment important articul autour de l id e de racine et d authenticit Il c toie Rennes des camarades qui revendiquent une identit bretonne Il est aussi sensible des l ments de paysage Il y a une certaine ambiance bretonne bretonnante si je caricature c est style les mouettes les petits bateaux Cancales et ce genre de chose les cornemuses le vent etc une particularit bretonne que je vais associer certaines personnes que je retrouve chez certaines personnes Ces l ments lui paraissent authentiques de la m me mani re que la pratique du tag lui paraissait authentique en r gion parisienne Il trouve
54. attentes les r ponses sont la fois vasives et charg es d motion ce n est pas facile dire je ne savais pas vraiment ce n est pas vident Ce qu on attend on le d couvre sur place Les personnes attendent esp rent qu adviendra quelque chose mais qu elles ne connaissent pas par avance quelque chose d impr vu de nouveau En tout cas aucun de nos interlocuteurs n a r pondu dormir le soleil la baignade les mus es ou la gastronomie etc Leurs attentes portent dans un autre registre que celui de la pratique touristique J attendais Qu est ce que j attendais de ce voyage J attendais d tre blouie Enfin une d couverte un changement en moi et ouais un changement s rement par rapport une nouvelle culture un autre mode de vie les langues J attendais beaucoup mais est ce que je me disais avant de partir j attends a et a Je ne crois pas je suis un peu partie comme a contente de partir parce que c tait aussi un de mes r ves de partir en Am rique Latine et aussi j attendais beaucoup sur moi enfin sur moi je pense Un cadre de mise l preuve de soi et des autres Tous nos interlocuteurs ont connu les voyages scolaires en Grande Bretagne en Espagne etc Certains ont aussi voyag lors des vacances en France et en Europe avec leurs parents Mais leurs yeux ces voyages de jeunesse avec l cole ou les parents diff rent radical
55. biographique et quotidienne qui ont longtemps t les outils des projets de l individu projet de r ussite professionnel projet de vie de couple projet de d couverte de soi sont consid rablement restreintes la stabilisation tant mise au service du projet parental Ce projet ne pouvait il tre mis en uvre Auxerre plut t qu Rennes Au cours de l entretien l enqu teur insiste un peu Enqu teur Vous tiez bien int gr Auxerre la ville vous plaisait l immobilier n est pas cher Pourquoi partir Fran ois Je ne sais pas Le retour aux sources Enqgu teur Ca imposait pas mal de changements vous tiez bien install s Fran ois oui on avait des travails qui nous int ressaient qui nous plaisaient moi j avais de tr s bon contact on peut se dire pourquoi vous achetez pas pourquoi vous construisez pas autour d Auxerre Je sais pas Je ne saurais pas vraiment expliquer Dire que ma femme aime la mer et que la mer tait loin Moi je trouve qu avoir des enfants et que les grands parents les voyaient qu une fois par an a me g nait un peu Et puis autant quand j ai quitt ici j avais envie de voir autre chose et d couvrir des r gions autant apr s je me disais c est pas mal de se rapprocher Rentrer 142 Les preuves de la dispersion peut tre pas au pays parce que j avais pas choisi Rennes c est tomb comme a C est bien
56. c est parfois louche d j 15 ans je sentais un peu cette ambiance l J essayais de comprendre ce qui se passait m me pour ce qui tait des dealers vous les voyez un peu C tait une d couverte c tait la d couverte qui me plaisait Paris La d couverte et puis linfini dans l espace cette 60 Les preuves de la dispersion impression d infini le si ge du RER c tait une petite barque donc on se prom ne dans l immensit urbaine Le cas de Nadia est diff rent Le processus d autonomisation prend forme bien plus tard et se met en branle plus lentement Nadia 24 ans dispose depuis un an et demi d un appartement situ sur une commune de seconde couronne de l agglom ration rennaise D embl e l appartement lui plait C est un T1 dans un petit collectif bord d un tang Pourtant elle ne l investit que progressivement Lors de la premi re ann e elle passe nettement plus de temps chez ses parents deux tiers un tiers dans un quartier rennais p ri central Puis peu peu le nombre de nuits pass es dans sa chambre d adolescente diminue et elle s installe dans son propre appartement Elle s approprie aussi sa nouvelle commune de r sidence en y nouant quelques contacts Mais il faudra au final plusieurs ann es Nadia et sa famille pour accomplir cette transition D s 19 20 ans Nadia a commenc de r clamer un appartement autonome qu elle n a eu qu 22 ans pass
57. cadre d analyse Un discours aujourd hui bien tabli postule que les individus sont de plus en plus mobiles et que la mobilit cro t avec le statut social Ce discours est fond notamment sur des observations statistiques Les travaux de l INRETS tablissent l augmentation du nombre moyen de d placements effectu s par les individus l allongement des distances parcourues et la corr lation de ces augmentations avec le statut social Mais d autres chercheurs font l hypoth se qu au del de l augmentation des d placements s op re une mise en mobilit g n ralis e du monde Une des dimensions centrales de la modernit selon Anthony Giddens r side dans l affranchissement des relations sociales de leurs cadres spatiaux temporels dans la capacit croissante des individus de se d localiser et relocaliser R my Knafou mise sur l existence d une transition mobilitaire d finie par r f rence la th orie de la transition d mographique Quand on conna t l importance de la transition d mographique dans l histoire du monde occidental on prend la mesure du pari de Knafou Dans un autre En mais l id e est la m me Alain Bourdin propose Libert Egalit Mobilit et un poupe de recherche de l universit de Perpignan demande si l homo itinerans ne serait pas en passe d occuper une place Ae sinon la premi re parmi les homo sapiens demens loquens ludens etc gt De
58. cadres principaux D une part le voyage d tude Toutes les coles de commerce et d ing nieurs imposent le stage l tranger d une dur e de quelques mois Il s agit d un voyage initiatique a minima Le voyage proprement parler se limite l aller retour en avion et une fois sur place aux allers retours vers le lieu de stage L objectif est aussi plus sp cifique Il s agit moins de former un homme de qualit un honn te homme s tant lui m me prouv en prouvant le monde que de former un professionnel efficace capable de s adapter partout Mais le stagiaire s il est disciplin dans l entreprise d accueil profite aussi de l loignement pour jeter sa gourme L autre d marche possible est celle des routards Cette figure merge dans les ann es 1950 Les routards sont des jeunes gens disons entre 16 et 35 ans engag s dans des voyages au long court interrompus simplement de loin en loin par quelques pauses L exp rience est inscrite dans le projet non plus d apprentissage de techniques professionnelles mais de contestation de l ordre et de la soci t de consommation occidentale Ur litt rature et le cin ma am ricain des ann es 1950 et 1960 4bondent d exemples de ces beatniks qui deviendront les hippies ou en Angleterre les travellers traversant les Etats Unis l Europe ou le monde vers l Inde Tanger ou le Japon en s ouvrant l exp rience d autre
59. ce n tait qu une parenth se mais en fait a n a pas t qu une parenth se En fait ce voyage est une grande tape dans ma vie a change totalement ma vie M me aujourd hui je ne suis pas capable de te dire tout ce que a a chang Je suis en train de prendre conscience au fur et mesure Ce voyage c est une rupture Il y a la Marie d avant et la Marie de maintenant J ai l impression d avoir t dans l extr me et d tre aujourd hui dans un autre extr me Mais cet extr me ce n est pas totalement moi puisque je suis tr s diff rente Je ne suis m me pas capable l heure actuelle de te dire tout ce que a m a apport Je pense que je suis encore dans une p riode de maturation Je suis dans une tape o je regarde ce qu il va se passer C est vrai que j ai appris me conna tre Je crois qu avant j tais na ve et que je ne me m fiais pas assez de plein de choses et l bas je me suis pris plein de claques Il n y a pas de roue de secours quand tu as un probl me Si tu as un probl me ici tu sais que tu as des personnes sur qui compter tu as plein de filet de protection Alors que l bas c est comme si tu travaillais sans filet Et du coup quand tu tombes tu te fais vraiment mal Je cherchais mes limites et j en ai trouv es Un des changements majeurs per us par nos interlocuteurs r side dans le gain de maturit Cette perception est omnipr sente Je suis plus m re plus m ture
60. cit partag entre Les Ann es d ro del 111 Agr sn Nous avons retenu les personnes enqu t es sur la base de deux crit res Elles devaient tre parties 1 au moins un mois d affil 2 dans un pays situ hors d Europe C est uniquement cette question que nous apportons quelques l ments Ce chapitre n est en aucun cas une tude du voyage routard en soi laquelle tude m riterait un traitement autrement important que celui que nous esquissons ici 15 Nous ne connaissons par de roman qui mette en sc ne le voyage initiatique d une jeune fille 114 Dans les milieux plus modestes les enfants doivent participer l entretien de la famille et ne peuvent s octroyer quelques mois ou ann es de d couverte de soi travers le monde 5 Partie publi e en 1797 88 Les preuves de la dispersion inaugur es avec le d part du h ros du domicile paternel et les Ann es de voyaga qui s ach vent lorsque l adolescent devenu un homme revient la maison familiale Le roman tout entier confond le voyage la mobilit volontaire et la transformation de soi L Iliade et L Odyss e Don Quichotte et plus pr s de nous au XX si cle Stefen Spender avec Le Temple 1929 Jack K rouac avec Sur la route 1957 ou encore Dominique Fernandez avec L amour 1987 conjuguent leur mani re cette probl matique du voyage initiatique Aujourd hui ce voyage initiatique s accomplit dans deux
61. contraint de d m nager tous les cinq six ans ne pouvant choisir sa nouvelle affectation que dans une liste pr d termin e de lieux avec lesquels il n avait pas de lien particulier La famille s implantait ainsi au hasard Thierry est pass de Senlis o il est n Couvron dans l Ai n puis Vermont dans l Eure ensuite Versailles puis Algrie dans les Charentes Ces d m nagements successifs ont t v cus comme une preuve douloureuse Epreuve de la solitude de l loignement du p re qui passait toujours une premi re ann e d affectation loin de sa famille le temps que son pouse trouve un travail sur place plus globalement des difficult s d adaptation aux villes successives aux coles et aux camarades de classe avec le sentiment d tre un tranger de ne pas r ussir comprendre les r gles de fonctionnement des micro soci t s urbaines ou rurales Le d racinement s est doubl de probl mes scolaires durables Au fil de cette dispersion Thierry a consacr toujours moins d effort reconstruire des int grations dont il savait par avance qu elle n tait que ponctuelles Au cours des ann es versaillaises c est l engagement dans une mobilit intense qui lui permet de choisir un mode de vie qu il ma trise Il s che les cours et va aussi souvent que possible Paris Ces fugues offrent l occasion de mettre distance les groupes d appartenance probl matique
62. couple producteur d olive dans le sud de Madagascar et qui nous ont donn bien s r avec leurs moyens ce qu ils avaient c tait fou au niveau humain c tait de la gentillesse gratuite Plus insupportables que tout les sollicitations des mendiants et autres qu mandeurs Elles sont particuli rement mal v cues Elles imposent au voyageur d endosser l identit dont la mise distance fonde l exp rience celle du touriste et travers elle celle du repr sentant de la soci t occidentale Le vrai touriste peut ventuellement trouver la sollicitation d sagr able Le routard la trouve moins d sagr able qu injuste On lui retourne pr cis ment ce dont il veut se d fairel Le dernier collectif important appara t dans le couple ou le trio des voyageurs Etre plusieurs peut tre un gage de s curit et d entraide Mais plus 124 Jean Didier Urbain a bien montr que l opposition entre touriste et voyageur est absolue et que le voyageur reproche au touriste de banaliser le monde Cf Urbain J D op cit notamment pp 52 59 103 Les preuves de la dispersion fondamentalement le voyage n est une exp rience formatrice que si des tierces personnes sont pr sentes pour en t moigner en rendre compte La pr sence d un ou de plusieurs camarades est une condition sine qua non de validit sociale de l exp rience C est dommage de partir toute seule tu vas rencontrer des
63. couvre un petit peu la Vilaine qui m ne la p riph rie jusqu au lac d Apign Je passe beaucoup de temps par l alors que beaucoup d tudiants vont dans le centre ville J y vais aussi pour boire faire la f te mais j investis les deux cot s Quand je parle du lac d Apign aux DEUG 1 je me souviens l poque pardon de quoi tu parles Ils ne connaissent pas eux c est le centre ville Moi j investis un peu plus Anna s Les tudiants y compris ceux qui vivent Rennes depuis longtemps ont une pratique et une connaissance s lectives et souvent r duites de la ville dont ils d clarent ne pas conna tre une grande partie des quartiers Leur pratique de la ville est limit e d pendante de leurs activit s Celles ci tant peu nombreuses il en est de m me des lieux fr quent s Mais cette limitation du territoire est intentionnelle ne fr quenter que les lieux qu ils choisissent eux m mes de fr quenter Il est pr f rable leurs yeux de pratiquer peu de lieux mais qui soient les leurs Certains pourraient acc der une partie beaucoup plus large de la ville parce qu ils y ont leurs parents et de la famille parce qu ils ont habit dans d autres quartiers Mais construire son inscription territoriale suppose de la dissocier nettement au moins dans un premier temps de celle des proches et des tutelles parents fr re a n Cette proximit g ographique qui est une proximit soi
64. d placement devient une performance Alors apr s les vacances les gens se disent tu tais o toi La fiert de dire j tais au Mexique dans tel endroit Si l occasion se pr sente je suis suffisamment curieux pour sauter sur l occasion mais je n ai pas envie d tre oblig de traverser la France pour aller en vacances Tout cela renvoie la publicit autour des vacances et des voyages il y a toujours l avion qui vient en filigrane dans l image les palmiers et puis je ne sais pas quoi d autre pour les contr es lointaines Les vacances r ussies on a toujours l impression que c est partir loin Et socialement c est quelque chose qui est cultiv Non ce qui est important c est de trouver du plaisir et de l vasion l o on est Ce discours critique est typique des groupes vivant un hiatus de statut Les co pr sents vivent une situation de d calage Ils ont d une part des situations professionnelles soit modestes soit instables contrat dur e d termin e ch meur travailleur pr caire mais avec des niveaux de qualification lev s certains de nos interlocuteurs ayant un dipl me bac 5 voire un doctorat N anmoins dans un cas comme dans l autre leurs capacit s conomiques sont restreintes Ils sont de plus on l a vu retenus par leurs r seaux sociaux sur les territoires de proximit Mais par ailleurs ce sont des personnes qui ont une ouverture culturelle
65. dans cette phase de pr lude au retour A partir du moment o on a eu les enfants il n tait pas possible de me dire je vais aller habiter 200 km et ne pas voir les enfants Ca me semblait compl tement idiot Les efforts qu on a faits au d part entre Clermont Bourg alors qu on tait que deux pour d marrer c tait vident a m a sembl une vidence Au contraire avec les enfants de ne pas casser cette structure de famille J avais v cu des choses avec mon p re qui a fait beaucoup de d placements et je pense que a a du rejaillir sur moi inconsciemment ou consciemment j en sais rien Il travaillait dans le b timent On ne le voyait pas la semaine il travaillait au parlement de Strasbourg par exemple il a travaill Deauville sur des chantiers type marina les maisons sur l eau il a fait des choses assez extraordinaires mais qui n cessitaient forcement des s parations familiales Partir un an en Martinique c tait vraiment pour ramasser la cagnotte pour faire construire sa maison Mais moi partir du moment o on a eu les enfants a aurait t mal venu de dire j accepte un poste ailleurs et je les laisse tomber un peu je ne pense qu moi et ma vie professionnelle c tait pas du tout ce que j avais imagin pour la suite Concr tement il faut d gager du temps pour pouvoir s occuper des enfants Pendant plusieurs ann es Fran ois est parvenu concilier r us
66. dans des environnements d paysants S ils ont g n ralement peu de contact voire aucun avec les autochtones peu d engagement dans les cultures locales le d paysement prend forme dans les ambiances humidit rythmes de vie odeurs lumi res paysages de foules ou de d serts etc Plusieurs d entre eux ont voqu ces exp riences sur le mode de l incompr hension du sentiment de ne parvenir s approprier les situations v cues leur donner un sens de ne pouvoir les articuler avec leurs vies chez eux en France La parenth se touristique est v cue comme une enclave Les d sajustements peuvent tre d autant plus perturbants pour les d butants qu ils n ont gu re de ressources qui pourraient en r duire la port e Imaginons le cas d un adulte au moment de son emm nagement dans une nouvelle ville L exp rience de la dispersion acquise au fil des d m nagements des mobilit s professionnelles et de vacances lui a permis de d velopper progressivement des capacit s d adaptation assez g n rales des contextes diff rents ces capacit s pouvant tre plus ou moins marqu es selon les personnes Par ailleurs cet adulte peut dans les p riodes transitoires entre le d m nagement et l emm nagement entre la perte de l espace connu et l appropriation du nouvel espace mobiliser ses ressources relationnelles Au moment du changement d adresse la r activation du 55 Les preuves de la dispe
67. dans des instances telles que les associations de loisirs les f d rations de parents d l ves les comit s de quartiers ou m me les partis politiques L ils trouvent rapidement les ressources relationnelles qui garantissent contre l isolement Pas une de ces personnes qui ont chang de ville de r gion et de pays 10 ou 15 fois ne sont plaintes de difficult s d int gration sociale ni pour elles ni pour leurs proches Au del de l implication dans des structures constitu es les personnes ma trisent des techniques relationnelles o se combinent l engagement et la distance la sinc rit dans la relation et la pr servation de soi et de l autre en pr vision du prochain d part Les territoires mobiles Les lieux d ancrage des cosmopolites sont rarement des points des lieux mais des zones enti res Dans les lieux qui comptent pratiqu s de fa on r guli re les personnes voquent souvent de vastes territoires la Bretagne tout enti re ou pour Patrick l ensemble de la Corse Italie o il a des attaches et passe des vacances On peut faire l hypoth se que le fait d tre mobile r guli rement et depuis longtemps largit les chelles de perceptions et int gre dans de m mes ensembles des portions de territoires qui para traient dissemblables d autres personnes Les cosmopolites vivent des proximit s de grande chelle Ces proximit s de grande chelle sont structur es pa
68. dans son territoire d origine pr s de Dijon Aix en Provence et l chelle de la Bretagne toute enti re sillonn e en tous sens depuis plusieurs ann es Quant St phane il se partage presque quitablement entre Rennes o il vit Bordeaux sa ville natale o il visite plusieurs fois par an sa famille et Brest lieu des vacances familiales et de ressources intimes autour de la mer Pour cette population les lieux qui comptent ne sont pas uniquement ceux de la proximit g ographique comme chez les co pr sents Ce sont des lieux lointains et discontinus mais r guli rement pratiqu s travers les d placements le t l phone et d une mani re plus g n rale une attention aux v nements qui y surviennent Ainsi pour les navetteurs tre soi c est maintenir avec les lieux dispers s des liens affranchis du face face 134 Les preuves de la dispersion Etre soi la carte Dans l ordre de la co pr sence les appartenances sociales majeures de l individu sont inscrites dans un territoire continu et de relative proximit L ce n est donc pas le cas Si l espace est per u dans une continuit o tout est potentiellement accessible les personnes projettent n anmoins des dimensions diff rentes d elles m mes dans chacun de leurs lieux d ancrage La continuit spatiale est v cue sur le mode de la diff renciation des exp riences sociales La dispersion territoriale de soi permet de
69. de l argent pour le voyage L engagement des personnes dans ce type d exp rience est un signe d autonomie financi re C est quand j ai commenc bosser et que j avais mon fric pour moi que j ai commenc partir en vacances Je ne suis jamais partie avec l argent que me donnait ma m re Partir suppose aussi d tre capable d effectuer seul e les d marches de demande de visa de vaccination de collecte d information sur le pays Le voyage sanctionne l acc s l autonomie il ent rine le desserrement en radicalisant la rupture territoriale En partant non plus 500 kilom tres comme ce peut tre le cas l occasion de vacances ou de voyages scolaires mais 10 000 ou 15 000 kilom tres le voyageur se rend physiquement et symboliquement inaccessible Catherine illustre comment l largissement progressif de ses espaces participe d un affermissement de soi ses deux l ments s paulant dans le sens de l mancipation Elle habite Agen chez ses parents et d bute ses tudes Toulouse Les premiers mois d autonomie sont difficiles prouvants Au d but ce n tait pas facile je ne connaissais personne dans la ville Je me sentais seule et d sarm e Je me rappelle toujours des premiers jours et 94 Les preuves de la dispersion des premi res semaines l bas Je me sentais vraiment perdue isol e et loin de tout J avais besoin d appeler tous les soirs pour entendre la voix de
70. de risque une mise l preuve de soi une mise l preuve de l autonomie vis vis des parents qui ne sont inform s qu au dernier moment Cette pratique d espaces discontinus sur le mode de l impulsion Rennes Saint Malo Rennes Paris Rennes Barcelone ces mobilit s d impulsion ces d placements v cus comme des aventures trouvent un cho chez les ravers es dont les mobilit s soudaines et lointaines vers les v nements techno 500 kilom tres ou plus en deux jours tranchent avec les territoires quotidiens ancr s dans la proximit Mais on l a dit ces d placements restent occasionnels Faute d argent d une part Les subsides parentaux sont souvent indispensables et accept s contraints et forc s par des jeunes qui aimeraient tre autonomes sur ce plan et nos interlocuteurs ne s autorisent le d placement de loisirs qu avec leurs propres conomies Un autre facteur de limitation tient l absence de voitures ou la possession de voitures fragiles au prix de l essence Mais les facteurs les plus pertinents rel vent du registre de l conomie relationnelle des jeunes dont le principe est d laborer un r seau social autonome sur un territoire autonome Les jeunes ne quittent pas souvent l espace de la proximit car c est l qu ils ont la quasi totalit de leurs relations Ils pourraient bien s r profiter du r seau familial largi et de ses alli s pour s h berger
71. des connaissances racontaient leurs voyages la R union ou la Martinique Lorsque ses parents s installent d finitivement Rennes son premier geste est de briser avec les p r grinations parentales Elle r clame et obtient de devenir interne dans un lyc e qui n est situ qu deux ou trois kilom tres du domicile de la famille Mais ces quelques kilom tres acqui rent ce moment davantage de sens que les milliers de kilom tres effectu s l ombre des tutelles C est partir de ce lyc e qu elle fait d buter son histoire elle Elle conserve avec ce lieu des liens forts et actualis s Depuis elle a compos son propre territoire partir du logement qu elle occupe avec son ami et des autres lieux qu elle fr quente C est simplement dans ce cadre d une autonomie acquise garantie et prot g e par sa vie de couple qu elle s autorise se r approprier sa mani re certains lieux tr s pr cis de son inscription territoriale de mineure tel quartier de Tours je visualise tr s bien ma rue mon quartier mais c est tout ou des l ments d ambiance de Noum a j ai l impression quand m me quand j entends des chants kanaks la radio ou la t l a suscite quelque chose chez moi j ai l impression que a fait un peu partie de moi alors que je ne connais rien de cette le part des photos ou des reportages Gr goire s lectionne lui aussi quelques sou
72. des pays lointains vers lesquels ils projettent des voyages qu ils feront plus tard Tr s pr sente dans les discours des personnes enqu t es nous verrons comment et selon quelles logiques cette cat gorie des mobilit s mentales incarne une dimension essentielle de l exp rience de la soci t dispers e Elle manifeste comment les individus inventent des proximit s et des ressources sociales d tournent des frustrations et des disqualifications construisent leurs er s appropriant l espace ouvert ce que Jacques Attali nomme l hypermonde mergeant de l enchev trement des mobilit s r sidentielles des 6 Attali J L homme nomade Fayard 2003 482 p p 374 sq 33 Les preuves de la dispersion mobilit s de la vie quotidienne et des mobilit s virtuelles des voyages effectu s ou r v s par le truchement de la t l vision des litt ratures de la radio ou de la publicit de exotisme Le second registre est celui des chelles prox miques L nous distinguons a Les mobilit s strat giques qui d signent tous les rapports l espace inscrits dans des projets des plans explicites et intentionnels des individus et des groupes Ce sont les prox mies travers lesquels les individus poursuivent des objectifs Quitter la province pour aller s installer en r gion parisienne rev t dans le cas de bien des d butants une dimension strat gique On est s r d y trouver un travail et un march de
73. dispersion Dispersion biographique Dispersion biographique a a 1 6 dissoci e Int gration 3 g globaliste Faible Forte dispersion quotidienne dispersion quotidienne Quels sont les principes essentiels de ces diff rentes exp riences de la dispersion 80 de Eds td UIf Hannerz que nous avons voqu au chapitre pr c dent imagine 4 types d int gration et de combinatoires des r seaux sociaux Rappelons les l enclavement la s gr gation l int gration et l isolement 40 Les preuves de la dispersion 1 La premi re exp rience est celle de personnes en situation d exclusion du travail et de la formation et dont l int gration sociale est faible probl matique Entrent dans cette cat gorie tous les assist s sociaux et les personnes vivant des situations de grande pr carit et de vuln rabilit sociale Les dispersions biographiques sont tr s faibles Ils sont souvent originaires de l agglom ration dans laquelle ils r sident Certains ont d m nag ou d m nagent parfois mais sous contrainte par exemple suite des expulsions pour non paiement de loyer ou suite des divorces etc Ces d m nagements s effectuent toutefois dans les limites des territoires d origine et ne les am nent qu changer de cages d escaliers d immeubles ou de cit s Leur dispersion quotidienne est galement tr s restreinte L essentiel des activit s de la vie quotidienne de ces person
74. du r seau de RER que Thierry sillonnait en toute sens A un moment important de sa vie Thierry a t socialis cette forme d espace Cette exp rience initiatique conditionne son regard et sa mani re de vivre d autres tapes de son parcours territorial Sans en avoir explicitement conscience il est la recherche d un lieu de vie dans lequel il pourra retrouver tout ou partie des sensations prouv es dans ses d ambulations franciliennes Apr s son bac il s installe Angoul me mais c tait la vie rurale qui ne lui pla t gu re Il part donc poursuivre ses tudes Poitiers o il vit deux ans Mais nouveau Poitiers ne m a pas du tout plu parce que c tait un enfermement encore une autre fois C tait un deuxi me enfermement on red couvre il faut se faire de nouveaux amis mais c est une ville trop petite j ai trouv a assez moyen geux donc a ne m a pas plu du tout Poitiers ne m a pas du tout plu et c est pour a que je suis venu Rennes Ma tante habite Villejean un quartier de Rennes et en allant la voir je suis venu l universit Rennes 2 j ai vu l ambiance et je me suis dit tient a me plairait de venir Rennes 2 Ca n avait rien voir avec le contenu des tudes parce qu honn tement en AES il y a beaucoup de droit et depuis le d but je n aime pas trop les 84 Les preuves de la dispersion juristes J ai pris AES mais c tait plus pour l
75. en formation assistant d un groupe politique ou encore charg e d tude tous les co pr sents sont relativement captifs des territoires du proche Ils ne sont pas ins r s des r seaux ou des milieux professionnels qui leur permettraient une mobilit tout en garantissant l int gration professionnelle Garder son travail suppose de rester sur place durablement voire de donner des gages de fid lit au territoire de s engager toujours plus dans le local Dans ma fonction j ai int r t rester dans un lieu o j ai un carnet d adresse Ce sont des fonctions assez fluctuantes un jour on est sur la vague un jour on l est plus On peut tre placardis Il est vident que quand on a un r seau relationnel assez fort c est une s curit Si je vais dans un territoire o je suis inconnu je serais le premier sauter si a tournait mal Ici je ne suis pas labri mais Tant qu on est l on pense vous mais une fois qu on est parti le lendemain on existe plus Il faut savoir rester sur place faire son trou sa place et la garder Cela n exclut pas qu ils pr voient de partir notamment au moment de leur retraite Mais ils pr parent de longue date ce dernier d m nagement qui s effectuera non loin de leur quartier Plusieurs des personnes rencontr es ont achet ou fait construire dans cette perspective une maison dans la campagne rennaise et elles organisent patiemment et de fa on m thodique le b
76. entretien mis en uvre aupr s des d butant et des adultes Le parcours r sidentiel depuis la naissance les raisons des d m nagements Les liens sont ils gard s avec les lieux Le ou les d m nagements pr f r s les raisons de la pr f rence Les d m nagements les plus difficiles les plus douloureux les raisons des difficult s 168 Les preuves de la dispersion Les lieux qui comptent le plus pour la personne les lieux qui ont le plus d importance pour la personne Les rapports pratiques avec ces lieux o quand combien de fois avec qui comment Les endroits que la personne fr quente le plus dans sa vie actuelle dans le domaine du travail et ou de la recherche d emploi dans le domaine du hors travail loisirs amis vacances dans le domaine personnel et intime les endroits dans lesquels on va quand on a envie d tre seul d tre tranquille Parmi tous ces lieux ceux que la personne pr f re et pourquoi ceux la personne appr cie le moins et pourquoi Les voyages l tranger leur cadre ce qu il en reste dans la vie quotidienne Le guide d entretien mis en uvre aupr s des personnes ayant pratiqu un voyage initiatique Les grandes tapes du parcours r sidentiel depuis la naissance Les conditions du passage l autonomie r sidentielle Les pratiques de voyage avec les parents Le contenu du voyage dans ses l ments les plus marquan
77. et l Italie etc Au cours des entretiens ces destinations sont signal es sans affect comme relevant de pratiques usuelles courantes On trouve aupr s de ces personnes un point de vue sur le voyage qui est l oppos de celui des co pr sents Ces derniers privil gient un d paysement qui ne d pend pas du kilom trage Pour les navetteurs le point de d part dans l ailleurs c est le kilom trage c est aller loin fr quenter les lieux mouvements de la mobilit technique et moderne agences de voyages et a roports le passeport et le d calage horaire Mais paradoxalement ces personnes n expriment aucun moment le d paysement c est dire le sentiment l exp rience de l tranget de la mise distance de soi Le voyage est plut t exprim sur le mode de la non exp rience du non v nement Les pr paratifs la douane l a roport le voyage en avion ne sont v cus comme des temps d une transition banale Quant au voyage en lui m me tel que les navetteurs le vivent c est tre pris dans des lieux touristiques o ils rencontrent leur voisin tre retenu dans des codes la langue la couleur de la peau ou le statut de touriste qui emp chent la communication tre retenu dans les lieux de la s gr gation touristique dans les temps rapides et impos s de la succession des visites L effet club du voyage semble annuler la dispersion subjective Michel fait souvent des voyages vers
78. exp rimentation de soi en couplant cette d marche son int gration professionnelle Ce choix de partir C tait aussi par rapport aux parents se dire finalement t as fait toutes tes tudes Rennes Je regardais tous mes coll gues qui venaient de Brest de Lorient ou de plus loin ils avaient t contraints par les tudes de se d placer alors que moi j tais rest dans l aire rennaise J avais ce besoin de me dire moi aussi je vais aller d couvrir autre chose que Rennes et les alentours J avais cette id e de d couvrir des r gions Il accepte la proposition d un grand groupe du BTP d un poste Clermont Ferrand o son amie qui deviendra son pouse fait ses tudes S ensuit pendant plusieurs ann es un pas de deux un chass crois de mutations promotions pour Fran ois d tudes Clermont Ferrand puis Lyon pour son amie qui trouve ensuite du travail Auxerre Le r gime de vie qui se met en place est celui d une mobilit r sidentielle fr quente du couple d une mobilit quotidienne tr s importante pour Fran ois qui passe la semaine dans sa voiture pour le travail et une partie du week end galement dans sa voiture pour retrouver sa compagne Le kilom trage permet de mener de front exp rimentation de soi int gration du couple et int gration professionnelle Pr cisons qu au cours de ses premi res ann es Fran ois est soucieux d obtenir des postes professionnels in
79. f rentiellement comme s quence de d placement physique d un individu d un point A un point B La mobilit est en fait restreinte au transport consid r comme un moyen instrumental d ajustement des individus leurs territoires Cet ajustement fait l objet de mesures pr cises en termes de fr quences de distances de motifs etc Le transport est appr hend comme un levier op rationnel de ma trise des dynamiques d talement urbain par des plans d quipements routes et autoroutes r seaux ferr s urbains et interurbains a roports et ports Le centre de gravit des analyses est appuy de mani re plus ou moins explicite selon les travaux sur les politiques publiques dans toutes leurs dimensions politiques et organisationnelles le partenariat priv public est un objet phare l gislatives r glementaires manag riales etc Cette probl matique int gre une appr hension marginale conom trique des individus travers le prisme des enqu tes statistiques qui se d veloppent simultan ment enqu te globale transport enqu tes m nages etc en instrumentant l id e selon laquelle un individu gale un individu qu il soit homme ou femme riche ou pauvre jeune ou vieux Les appartenances collectives les dimensions culturelles ou symboliques des comportements sociaux sont ignor es La cinqui me caract ristique est d une port e plus r duite mais elle est n anmoins pertinente
80. fronti re La ma trise des modes de communication et des moyens de d placement la relative aisance p cuniaire l apprentissage de la dispersion effectu e travers les parcours r sidentiels font que tout est mentalement accessible Les personnes projettent dans une m me continuit spatiale l espace de leur quartier d habitation la ville o r sident leurs parents ou leurs amis quelques heures de 134 Du titre de l ouvrage de Gabriel Dupuy Les territoires de l automobile Anthropos coll Villes 1995 216 p 133 Les preuves de la dispersion route les lieux de loisirs et de travail qui peuvent tre situ s plusieurs dizaines de kilom tres du domicile et qui sont pratiqu s de mani re banale aller passer depuis Rennes la soir e Saint Malo ou Cancale soit un d placement de l ordre de 150 kilom tres pour un restaurant du soir en semaine passer le dimanche apr s midi d ambuler en voiture autour du golfe du Morbihan soit pr s de 300 kilom tres en quelques heures sont des d placements effectu s sur le mode de l impulsion du moment Mais au del m me des territoires de l automobile l inscription territoriale usuelle int gre les voyages l tranger qui sans tre fr quents sont r guliers Pour certains de nos interlocuteurs 1 Egypte est presque mise sur un pied d galit avec le village o ils ont une maison de campagne Le multi ancrage Cette population est v r
81. gens tu vas m me pas pouvoir enfin a va rester en toi tu vas m me pas pouvoir d crire ce que tu ressens comment tu te sens 3 La fragilisation de soi La justification du voyage r side dans la transformation de soi L exp rience r ussit lorsqu elle marque l individu lorsque les effets sur soi du voyage sont patents Encore faut il se mettre en posture d tre transform La fragilisation de soi passe par l absence de pr paration du voyage Michael a un joli mot pour le dire le touriste c est celui qui ne sait pas o il est all le routard celui qui ne sait pas o il va Nos interlocuteurs pr parent leur exp rience mais pas trop Avec les guides de voyage avec les contacts nou s sur Internet travers l adh sion telle association de voyageurs ils ont potentiellement la capacit de pr parer de mani re pr cise le voyage dans toutes ses dimensions itin raires h bergements r servations connaissances des lieux et des p riodes viter ou privil gier prix risques ventuels La presse le cin ma la litt rature peuvent aussi aider construire une image anticip e du pays choisi Dans les faits pourtant nos voyageurs se contentent de quelques rep res g n raux Ils choisissent de ne pas savoir de ne pas pr parer Ne pas trop pr parer l exp rience c est se garder une virginit tant pour le plaisir du choc culturel que pour l entr e en fr
82. il dit quand j tais gamin je r vais de nager avec des dauphins Eh bien l j en ai vu j ai nag avec une baleine D autres inscrivent l envie du voyage dans leur caract re ils psychologisent la pratique un caract re curieux un go t pour la mobilit un besoin permanente de changement comme une vigilance l gard de soi m me un d sir de rester veill Moi la vie en solo me convenait parfaitement parce que je n avais aucune r gle les seules r gles que j avais c tait celles que je m imposais Moi je saute facilement les repas par exemple parce que j ai besoin que mes journ es soient diff rentes mais je fais a naturellement je ne m impose pas Quand j allais la fac je changeais d itin raire tous les jours C est ce besoin et a toujours t comme a Quand j tais ici sur Rennes et que j allais dans le d partement du Nord je prenais des routes diff rentes Parfois je me posais entre deux pour visiter un truc mais je prenais toujours des routes diff rentes m me si a me rallongeait tant pis Jai des tas d exemples de ce type dans ma vie de tous les jours c est peut tre une forme d instabilit mais je suis bien comme a Moins il y a de r gles plus il y a de changement mieux je me sens Entre enfance et psychologie l exp rience est justifi e au plus pr s de l identit profonde de la personne Inscrire la d marche qui conduit au v
83. ils n ont aucune attache ni connaissance On le comprend d s lors qu il s agit essentiellement pour eux de s manciper des tutelles Dans ce cadre peu importe le d cor seul compte l acc s la libert L inconnu certes est balis Le premier d part s effectue g n ralement dans les fronti res du territoire familial port e d un aller retour Les parents d Anna s vivent La Roche sur Yon elle part Angers les parents de Thierry r sident aussi en Vend e il va d abord Poitiers St phane a de la famille Brest et il choisit Rennes pour ses tudes la famille de Patrick est en Haute Savoie et il engage ses tudes en Is re Dans ce cadre le lieu du premier d part n est pas choisi pour ses qualit s propres particuli res Les d butants sont relativement indiff rents ce qu ils vont y trouver On verra bien se disent ils l important n est pas l On propose Nadia une HLM dans une commune qu elle ne conna t pas elle ne discute pas ne demande rien d autre et le prend En fait peine install s ils sont d j partis d abord par la pens e Sit t arriv Poitiers Thierry J ai trouv a moyen geux J ai su tout de suite que je ne resterais pas longtemps Quand ils arrivent Rennes Patrick et sa compagne ont une petite fille Ils trouvent un appartement assez grand dans un quartier qu ils ne trouvent pas vraiment fantastique Mais bon en s
84. ils se m nagent dans le cadre de leur mobilit Le cloisonnement notamment entre le monde de la famille et celui du travail para t nettement plus faible que dans l inscription territoriale des navetteurs Dans le cadre d un m me d placement une personne peut associer une activit professionnelle puis une visite quelque ami ou proche familial et encore s octroyer une plage de d tente dans un lieu qu elle appr cie L inscription territoriale est marqu e par une interp n tration courante des sph res spatiales et sociales des tapes de la vie les vieux amis des lieux du pass tant c toy s en m me temps que les nouvelles relations Les pratiques de mobilit importantes permettent de minimiser de r duire la port e des ruptures li es aux d m nagements offrent souvent l occasion de revenir sur les lieux de la vie pass e et dy maintenir vivantes des relations personnelles lesquelles leur tour contribuent au multi ancrage Les changements fr quents de lieux de r sidence accomplis loin des territoires d origine et de leurs dispositifs d int gration famille largie lieux r f rents etc 152 Les preuves de la dispersion donnent lieu la constitution d une expertise l int gration sociale Ces personnes rompues la nouveaut acqui rent des automatismes des expertises d int gration mis en uvre chaque nouvelle implantation Sit t install s les cosmopolites s inscrivent
85. jeu la transformation permanente de l inscription territoriale s inscrit dans une d marche de d couverte par la mise distance du connu L enjeu de la formation de soi est suffisamment important aux yeux du sujet pour qu il prenne et reprenne le risque de l inconnu de l inconfort jusqu l installation Rennes o Patrick et son amie n ont aucune connaissance aucun r seau ni travail en y arrivant Patrick na t Annemasse en Haute Savoie Ses parents d m nagent plusieurs reprises dans cette r gion puis vont vivre Saint Rapha l sur la c te d Azur Patrick commence ses tudes sup rieures Bourgoin Jallieu dans l Is re puis les poursuit pendant deux ans Chamb ry Il part ensuite voyager quatre mois au Maroc avec un ami son retour il s h berge quelques mois chez son fr re Limoges C est l qu il rencontre sa compagne avec qui il part vivre de petits jobs quatre ans aux Sables d Olonne l o la m re de son amie habite De l ils vont Rennes o Patrick reprend ses tudes Pourquoi Rennes qu ils ne connaissent ni l un ni l autre o ils n ont ni famille ni ami ni connaissance d aucune sorte Quitte d m nager on voulait un endroit qui nous attirait Et comme beaucoup de personnes dans ce genre de situation on a d cid sur la r putation un peu sur ce que nous voquait la ville sans la conna tre On pensait Rennes on pensait Toulouse galemen
86. l emploi suffisamment diversifi pour acqu rir une exp rience professionnelle diversifi e qui sera avantageusement n goci e sur des march s de l emploi plus rigides Ce que nous appellerons les mobilit s d affranchissement rel ve aussi de ce niveau Les mobilit s d affranchissement sont celles qui permettent de jeunes gens de s manciper de leurs parents et d acc der pour la premi re fois une v ritable autonomie La premi re tape de cette d marche est d avoir son propre logement ventuellement sa propre voiture Cette d marche d affranchissement instrumente intentionnellement strat giquement la mobilit en fonction d un objectif de long terme fix l avance tre autonome disposer de ses propres lieux de ses propres trajets et globalement d une inscription territoriale ind pendante de celle des parents et autres tutelles b Les mobilit s quotidiennes Les mobilit s quotidiennes sont toutes celles qui s op rent dans le cadre de la vie de tous les jours et ne poursuivent pas n cessairement d objectifs explicites qui n impliquent pas de calcul particulier hormis celui de permettre l accomplissement de t ches routini res Aller au travail faire ses courses entretenir d un coup de t l phone ses relations familiales et amicales sont des mobilit s qui tissent et retissent densifient la dimension John Urry pour sa part distingue quatre formes de voyages a
87. la salle de sport o elle rencontre r guli rement sa s ur l universit et tous les lieux attenants les magasins o elle a travaill et o elle passe toujours saluer ses anciennes coll gues les boutiques o chemin faisant elle fait une course etc L espace public est son espace Avec sa notion de ville intervalle Laurence Roulleau BergerEa bien montr l importance pour les jeunes de ce type d espace relativement ind termin Les remarques qu elle fait propos de jeunes en situation pr caire faible niveau de qualification recherche d emploi etc valent pour nos interlocuteurs vivant en tant qu tudiants des situations mieux tablies socialement plus l gitimes L espace public de proximit les sociabilit s informelles qui s y d veloppent constituent pour les jeunes la sc ne de l exp rimentation de soi Cet enjeu claire rebours la pratique de la marche du v lo ou des transports collectifs qui sont des modes de d placement poreux qui mettent l individu en contact sensible avec l espace public au contraire de la voiture qui ne permet pas ce type d exp rience et qui n est pas son chelle Disant cela nous ne disons pas nine pensons que la voiture est un mode de d placement go ste gocentr ol seulement que la voiture n est pas la mesure d un type d exp rience de l espace public qui rev t une importance particuli re dans le cadre des mobilit s
88. le voyage des objets qui vite ceux qui en ont besoin d aller les chercher La Redoute b le voyage imaginaire symbolis aujourd hui par la t l vision c le voyage virtuel qui transcende les distances g ographiques dont l arch type est l usage d Internet et d le voyage corporel celui des d placements au sens courant du mot John Urry in Institut pour la ville en mouvement PSA Peugeot Citro n Mobilit s urbaines les enjeux les probl matiques de la recherche en France et l tranger actes du s minaire de juin 2001 Paris On voit que nous proc dons diff remment D abord nous laissons de c t la mobilit des objets Par ailleurs nous rassemblons en une seule cat gorie les voyages imaginaires et virtuels distingu s par John Urry qui ont en commun de notre point de vue d impliquer des m dias divers et vari s la t l vision et Internet mais aussi le t l phone et le cin ma les livres et les journaux etc Mais il nous semble primordial d ajouter les mobilit s mentales ou repr sentationnelles des d placements qui ne s effectuent que par la pens e mobilit mentale d un travailleur qui s vade vers son prochain lieu de vacance mobilit mentale de l immigr qui depuis la France se projette dans son pays d origine de mani re plus courante mobilit mentale d un individu qui le matin r capitule toutes ses activit s de la journ e venir et tous les lieux o el
89. les quelques connaissances malouines qu elle a conserv es L objet de cette nette rupture territoriale c est bien la recomposition par H l ne de son identit Saint Malo est pour elle une petite ville dans laquelle l interconnaissance et le contr le social sont forts Dans ce contexte elle se sent prisonni re d une identit sociale douloureuse difficile L ancrage travers les statuts sociaux fig s bride la personne dans son volution personnelle la mobilit le d part pour un territoire chappant ce contr le social lib re les capacit s r flexives St Malo est une petite ville et on rencontre les m mes personnes enfin j tais plus du tout surprise je crois Et c est peut tre pour a que j ai entre guillemets coup les ponts alors que Rennes chaque jour est fait de nouvelles surprises de nouvelles rencontres J ai l impression d avoir fait le tour de St Malo Je crois qu chaque fois que je rencontrais une personne j avais l impression de retrouver son discours dans une autre personne L inconv nient que je trouvais en allant St Malo c est qu on assimile souvent une personnalit un moment T et on imagine pas Les personnes qui me rencontrent maintenant font r f rence ce que j tais avant et pas ce que je suis maintenant J ai le sentiment que l on parle de moi en fonction 62 Les preuves de la dispersion de ce que j tais on ne tient pas compte de mon
90. leur vie domicile lieux de travail bien s r mais aussi domicile lieux de loisirs domicile principal maison secondaire Mais les 42 Les preuves de la dispersion int grations sociales sont relativement cloisonn es la famille et les relations de travail ne se croisent jamais ou rarement les relations nou es autour de la maison secondaire ne conna tront jamais les relations nou es autour du domicile principal 7 Cette exp rience est moins vidente cerner d s lors qu elle proc de comme la figure 4 d un hiatus Il s agit de personnes des classes moyennes inf rieures ayant des activit s professionnelles modestes ou pr caires qui ont tr s peu d m nag et disposent dans l imm diate proximit des territoires d origine de l ensemble de leurs r seaux sociaux qui sont relativement imbriqu s les uns aux autres N anmoins elles sont dot es de niveaux de formation relativement lev s et ou orient es vers les productions culturelles art architecture cin ma litt rature Par cette orientation ces personnes s affranchissent de la soci t locale au profit d une curiosit d une ouverture l ailleurs l tranger le non local Cette ouverture au monde les am ne pratiquer une certaine dispersion quotidienne tre mobile dans la vie de tous les jours mais nous verrons que cette mobilit ne s op re pas ou peu travers des d placements physiques 8 Le dernier type d e
91. leurs lieux intimes leurs espaces o ils aiment se balader lorsqu ils sont tranquilles Si presque tous fr quentent les places et les rues o sont install s les bars et les terrasses tous ont aussi quitte l avouer plus tardivement des endroits secrets de ressources plus personnelles intimes o ils ne rencontreront pas le camarade d amphi les bords 47 Les preuves de la dispersion d un lac les jardins publics les bouquinistes une galerie marchande excentr e A la question des endroits qui comptent le plus pour elle H l ne r pond Le premier c est vident c est le Thabor un beau jardin public du centre bourgeois de Rennes j y vais assez souvent cet t j y allais quasiment tous les jours C est l endroit o je fais des rencontres c est un m lange d tudiants de gens de personnes de tous les jours des gens qui y vont pour la beaut des lieux pour se reposer pour r fl chir c est intemporel a spatial c est le lieu de Rennes Et c est vraiment l endroit que j appr cie norm ment pour a Jai trouv un quartier o il y a la Vilaine une rivi re qui traverse Rennes juste derri re donc c est vert c est rare Rennes de trouver des quartiers o c est assez vert Je suis trop heureuse j ai des chemins juste derri re des animaux sauvages et tout J aime bien me balader par l le long de la Vilaine j y passe beaucoup de temps je d
92. mani re plus modeste et pragmatique examinons cette double affirmation au regard de quelques indicateurs r cents Giddens A Les cons quences de la modernit Paris L Harmattan coll Th orie sociale contemporaine 1994 Knafou R Mobilit s touristiques et de loisirs et syst me global des mobilit s in Bonnet M et Desjeux D sous la dir de Les territoires de la mobilit Paris PUF coll Sciences sociales et soci t s 2000 224 p pp 85 94 p 93 Bourdin A La question locale PUF coll La politique clat e 2000 253 p p 163 Equipe VETC Bouleversants voyages Itin raires et transformations Presses universitaires de Perpignan coll Etudes Perpignan 2000 413 p 4 de couverture Equipe VETC op cit 10 Les preuves de la dispersion 1 Quelques indicateurs d une dispersion complexe Mobilit r sidentielle Entre 1990 et 1999 un Fran ais sur deux a d m nagdi Ce n est pas rien Sur la totalit des presque 28 millions de m tropolitains ayant une nouvelle adresse les deux tiers ont chang de commune et parmi eux un tiers ont quitt leur d partement et 20 ont chang de r gion Le crit re d ge est discriminant Ce sont les 25 29 ans qui sont les plus mobiles et d autant plus que la mobilit est lointaine Les changements de r gion ou de d partement sont deux fois et demi plus fr quents pour les 25 29 ans que pour les 40 59 ans La
93. nagent souvent ils passent une grande partie de leurs semaines dans l avion le train et la voiture ils consacrent leurs vacances visiter des pays trangers enfin ils utilisent copieusement Internet et le t l phone Mais les personnes qu ils c toient dans un registre de mobilit ne rencontrent jamais les personnes fr quent es dans un autre Ils pratiquent une dispersion g ographique qui est aussi une dispersion sociale Leur dispersion est fond e sur des r seaux sociaux qui demeurent cloisonn s les uns par rapport aux autres A l oppos des personnes peuvent pratiquer une moindre dispersion g ographique mais o les diff rents r seaux et groupes sociaux auxquelles elles participent sont troitement imbriqu s On reconna t dans ce raisonnement 30 Authier op cit p 98 19 Les preuves de la dispersion l examen par Ulf Hannerz des modes d existence urbains E pour cet auteur un individu peut participer un seul r seau social c est le mode d existence enclav D autres individus vivent dans des univers sociaux s par s les uns des autres les relations de travail ne croisent jamais les relations du voisinage c est le mode d existence s gr g D autres encore pratiquent des univers sociaux qui se recoupent au moins partiellement c est le mode d existence urbain int gr Enfin les derniers n ayant que peu de relations vivent dans l isolement soc
94. non humains 1 le parc du Thabor le r seau des bus rennais les rives de la Vilaine ou de l tang de Saint Gilles une commune de p riph rie la caf t ria de l universit comptent autant dans le processus de desserrement resserrement que les camarades Ces l ments de paysage et d ambiance sont des m diateurs importants des supports de l appropriation des lieux Existent aussi les alli s de l ext rieur tous ceux humains et non humains qui jouent le r le essentiel de repoussoir On s engage dans l autonomie en se d marquant des territoires connus Anna s s approprie la ville en s appuyant en s adossant au territoire que son fr re lui interdit Si H l ne devient si vite une rennaise c est qu elle veut d abord ne plus tre une malouine si elle aime le Sud qu elle ne conna t pas c est qu elle d teste le Nord qu elle conna t Les mobilit s que l on ne fait pas ou que l on ne fait plus les territoires qui nous sont interdits ou que nous vitons en disent autant sur la formation de l identit individuelle que les territoires positivement pratiqu s Cette formulation renvoie aux travaux des sociologues de la traduction entre autres Michel Callon Bruno Latour ou Madeleine Akrich Mais ind pendamment de cette perspective th orique nous avons insist sur l importance d un monde des objets prot iforme dans les univers de mobilit Cf Le Breton E Mobilit
95. on l a vu les navetteurs recomposent largement leurs r seaux sociaux au fur et mesure de leurs p r grinations La majeure partie des liens nou s dans un lieu sont d nou s par le d m nagement et oubli s rel gu s dans le pass Les cosmopolites au contraire inscrivent tout leur parcours de vie dans la mobilit qui est une pratique du pass du pr sent et un futur probable Cette exp rience de la dispersion est donc fond e sur la transformation continue de l inscription territoriale sur une dynamique permanente de d localisation relocalisation Cette perspective p se sur le type d int gration sociale pratiqu e Parce qu ils sont et envisagent de rester en mobilit les cosmopolites entretiennent soigneusement par des visites et des communications virtuelles le plus nombre possible de liens avec les personnes rencontr es au fil du temps L int gration sociale quotidienne s tend donc sur de tr s vastes territoires Au fil de leurs d placements r sidentiels et quotidiens les cosmopolites sont amen s fr quenter de nombreux univers sociaux ils appartiennent simultan ment plusieurs petits mondes qu ils articulent les uns aux autres les mondes de l entreprise ou de l activit professionnelle les mondes de la famille des r seaux amicaux inscrits dans les lieux par lesquels ils ont pass et les mondes du territoire des origines le monde du voyage et le monde de la sph re intime qu
96. partie de la s miologie qui tudie l utilisation de l espace par les hommes et les significations qui s en d gagent Pierre Ansart propose la d finition suivante Au sens large les recherches sur la construction des espaces domestiques sur les relations de voisinage sur la vie des quartiers sur les petits groupes urbains occupant un territoire s attachent d crire et restituer ces relations de proximit en tenant compte de la construction culturelle permanente des espaces Une autre d finition plus g n rale est celle de Abrahan Moles pour qui la prox mique est l tude de l espace qui entoure l homme Mais Moles aussi privil gie la proximit comme dimension cruciale de la prox mique Il voque ce propos une loi prox mique comme fondement de la hi rarchisation du monde cette loi d airain qui a toujours gouvern l adaptation de l homme l espace qui l entoure fond e sur le fait que ce qui est proche est pour moi f maintenant plus important que ce qui est lointain ailleurs autrefois plus tard Pourquoi r duire la prox mie l tude des relations de proximit O commence et o finit la proximit La proximit des uns est elle celle des autres La proximit d hier est elle celle de demain Lorsque je communique avec quelqu un par t l phone suis je ou non dans son espace de proximit Quel est le m dium qui d finit le proche ou le loin la peau e
97. personnes Giddens op cit p 120 149 Les preuves de la dispersion personnelle Plusieurs supports sont mobilis s dans cet objectif de pr servation de soi D abord les syst mes experts Certes ils sont sources d inqui tude mais ils peuvent tre aussi des alli s Une mani re de r duire la charge d angoisse de l preuve est de d l guer autant que faire se peut le voyage d autres Toutes ces aides interviennent dans le registre pratique mat riel mais aussi sur le plan de l identification de soi La panoplie compos e d une valise roulettes d un ordinateur portable et d un costume gris permet de se pr senter d embl e comme le navetteur en mission et cela vite d avoir le formuler clairement Le navetteur reste ainsi retranch en lui m me durant sa mission r duisant aux civilit s minimales sa panca cette communaut qui semble majoritairement compos e d hommes seul Au retour les voyages laissent des non traces sur les navetteurs ce qui est une mani re de dire que ces derniers s efforcent de nier ces v nements et d en r duire la port e l impact ventuel sur eux Lors des entretiens que nous avons eus avec des personnes pratiquant ce type de navettes professionnelles les quelques relances que nous tentions sur ces voyages sont syst matiquement tomb es plat Cette volont de r duire autant que possible la port e de l implication de soi dans le voyage appara
98. place l invention et la n gociation Dans ce cadre l examen de la gestion subjective de la distance nous semble pertinent 1 Les territoires de l affranchissement Les d butants ont une inscription territoriale assez floue Peu de p les mergent v ritablement Plus exactement ils passent du temps et localisent des engagements sociaux significatifs dans un vaste espace public relativement indiff renci compos de l espace public au sens strict places rues jardins galeries marchandes etc de la caf t ria et des pelouses du campus universitaire des bistrots restaurants cin mas mais aussi des logements des uns et des autres qu ils peuvent fr quenter en groupe sans vraiment les conna tre Les rythmes de vie sont relativement l ches Peu de trajets sont v ritablement structurants d un territoire que l on pourrait dessiner Cette ind termination relative est li e la faiblesse des contraintes de la vie quotidienne les choses seraient sans doute diff rentes chez des jeunes travaillant Ces tudiants de lettres qui n ont qu une quinzaine d heures de cours par semaine Plusieurs de nos interlocuteurs travaillent dans des services d aide aux personnes AT 183 x r g es dans des boutiques ou un supermarch Mais il s agit d emplois dur e 82 Dubet F Les tudiants in Dubet F et al Universit s et villes Paris L Harmattan coll Villes et entreprises
99. processus fait d allers retours nombreux entre le centre d une inscription territoriale organis e par le domicile parental et plusieurs centralit s al atoires ponctuelles le domicile d tudiant celui des copains les lieux de sociabilit qui sont particuli rement importants Le desserrement est une 88 Au Congo au Maroc et au Venezuela 52 Les preuves de la dispersion dynamique de recherche d un nouveau centre plus ou moins stable qui va se substituer au centre parental De multiples travauxEhontrent que l inscription territoriale des tudiants est doublement bipolaire Le premier clivage est temporel L tudiant vit partag entre la semaine dans la ville des tudes et le week end chez ses parents et dans la commune o il garde des engagements sociaux forts Ainsi 73 des tudiants du premier cycle de droit de Dijon getournent tous les week end dans leur famille et 13 le font tous les quinze joursk deuxi me clivage d ordre spatial intervient au cours de la semaine L tudiant est divis entre le campus lieu des cours v cu et per u de mani re relativement monofonctionnelld let la ville lieu de la sociabilit Ce double clivage marque bien la double d pendance des tudiants envers les parents d une part et le groupe des pairs d autre part Cette bipolarit t moigne de la difficult de l affranchissement L adaptation un environnement nouveau est une exp rience perturbante pour l
100. qui l encadrent la nourrissent et lui conf rent du sens aux yeux de l acteur Ces m diateurs sont divers On peut s approprier des lieux travers des engagements sociaux dans des groupes de pairs travers des appartenances institutionnelles certaines concr tes le statut d tudiant d autres beaucoup plus flottantes et subjectives se sentir rennais ou rennaise Les m canismes de l adh sion aux lieux sont complexes Dans leurs p r grinations les tudiants exp rimentent des lieux des villes Certains leur plaisent et d autres non Ce sentiment d tre bien d avoir trouv sa place proc de d ajustements progressifs par essais et erreurs entre une repr sentation de soi et son environnement social r sidentiel et d autres l ments la fois intuitifs et d terminants que nos interlocuteurs voquent en terme d ambiance de climat de paysage Diversit des rythmes et modalit s de l affranchissement L laboration d une inscription territoriale autonome est une d marche d innovation d autant plus complexe que l individu doit s inventer tout en inventant son cadre de vie au sens le plus large Cet accomplissement est diff rent selon les individus Examinons bri vement quelques uns uns de ces parcours Le cas de Thierry d abord qui s est impliqu tr s jeune dans une mobilit d affranchissement Son p re militaire de carri re a longtemps t
101. rythme des v nements de leurs existences La dispersion des proches prive le d racin de lieux d ancrage affectif distend les sph res d int gration sociale et r duit les liens concrets avec le pass La dispersion de tous dilue le territoire de l identit intime et sociale Aur lie 28 ans est n e en r gion parisienne Enfant et adolescente elle accompagne ses parents au fil de trois d m nagements toujours en r gion parisienne motiv s par l activit professionnelle de son p re Puis le couple parental divorce Son p re s installe l tranger Le contact entre p re et fille s amenuise se r duit quelques rencontres annuelles Aur lie vit quelques ann es chez sa m re nouveau en premi re couronne de Paris Mais des probl mes familiaux graves l oblige poursuivre sa scolarit Saint Brieuc en r sidant chez sa grand m re Les relations avec sa m re et le peu de famille qui lui reste un oncle se distendent aussi Isol e n appr ciant pas Saint Brieuc Isabelle d cide seule de faire ses tudes Rennes qu elle ne conna t pas mais qui est la grande ville universitaire la plus proche Elle prend un premier studio situ proximit d un bar Le bruit et la mauvaise ambiance la d rangent Elle d m nage nouveau et prend un nouvel appartement avec un compagnon Mais le jeune couple se s pare Isabelle d m nage encore pour se retrouver aujourd hui nouveau seule dans un st
102. s l autonomie Le desserrement est engag A Angers je rentrais tous les week ends chez mes parents mais j ai fait une rupture tr s rapide en disant si je vais Rennes je rentrerais moins souvent J tais pr te rentrer moins souvent Je sais pas pourquoi a s explique pas j tais tellement malheureuse dans mon logement Angers que j tais heureuse de rentrer chez mes parents le week end Mais Rennes j tais pr te J avais eu besoin de cette ann e charni re 18 ans Angers o j tais pas encore pr te et l Rennes j tais pr te Elle obtient sans trop de difficult l aval de poursuivre ses tudes dans une autre ville plus loign e du domicile parental Elle choisit Rennes au lieu de Nantes pourtant plus proche Mais Anna s ne veut pas retrouver dans cette ville ces anciennes camarades de lyc e Les c toyer nouveau quivaudrait un retour dans le temps qui annulerait symboliquement le d but d mancipation Les parents acc dent d autant plus volontiers au choix de Rennes que le fr re a n d Anna s y fait galement ses tudes Mais Anna s obtient d avoir un logement ind pendant de celui de son fr re Elle s est affranchie des parents de la logeuse des anciennes camarades de lyc e ce n est pas pour retrouver la tutelle du fr re a n J avais d j eu la petite vieille qui m avait assez Je voulais un appartement toute seule D ailleurs j ai b
103. s illustre bien cette diversit Ils appartiennent des milieux sociaux tranch s du plus modeste famille nombreuse p re ouvrier et m re au foyer au plus avantag p re cadre sup rieur dans un groupe industriel international Tous sauf un disposent d un logement autonome mais certains depuis quelques mois simplement d autres depuis plusieurs ann es d j Ce logement autonome peut tre une chambre en cit universitaire une colocation un studio ou un appartement Certains ont une voiture d autres non Tous sont tudiants n anmoins dans le sens o ils sont relativement libres de leurs emplois du temps et ont des activit s de sociabilit festive plus nombreuses que la population moyenne Mais ce n est pas au mode de vie tudiant que nous nous int ressons Notre regard porte sur les logiques de l autonomisation de jeunes gens et sur la mani re dont ils construisent cette autonomie travers des mobilit s d affranchissement L int r t d tudier le processus d autonomisation partir d tudiants c est que ces derniers sont en quelque sorte oblig s d inventer par eux m mes les signes les t moignages les marques de leur autonomie En effet il n existe pas pour eux de marqueur clair et univoque de leur mancipation comme ce peut tre le cas pour des jeunes acc dant au march de l emploi Nos interlocuteurs vivent dans un entre deux r sidentiel financier qui laisse en fait une grande
104. s land symbolique En allant r guli rement dans cette maison G rard vit alors une situation dont le caract re d paysant tient la mobilit plus lointaine des membres de sa famille 132 Notion que l on trouve chez Ulf Hannerz op cit et chez Laurence Roulleau Berger op cit 128 Les preuves de la dispersion A travers ces pratiques de d calage les co pr sents exp rimentent une mobilit r flexive tourn e vers la d couverte de soi Passer le mois d ao t Rennes faire du v lo dans des coins inconnus permet de se d centrer d un rapport usuel la ville et d un rapport soi m me et inscrit la mobilit dans un registre d exp rience personnelle et intime Ce qui est pour eux le v ritable d paysement peut faire l conomie des kilom tres La d ambulation la fl nerie constituent des modalit s importantes de cette exp rience D ambuler c est se fondre au paysage rompre avec les fronti res de soi m me entrer en r sonance avec l environnement Nous avons vu que la d ambulation est un mode partag avec les d butants Pour les co pr sents la d ambulation est une pratique de toute la vie y compris de la vie adulte Elle est de plus une modalit usuelle du rapport l espace qui se conjugue une volont affich e d appropriation des lieux de donner un sens fort et palpable son environnement quotidien La mondialisation du proche Les co pr sents ont des pratiques
105. son identit intime sont ses yeux coh rents et les territoires de son pr sent concret sont incomplets plein de trous de tunnels M me la Bretagne on est venu souvent quand j tais petit et m me plus grand j ai connu Dinard mais je connais pas le nom des villes tout autour je connais pas parfaitement le coin Je parle de la Bretagne mais on me parle de r gions comme le Morbihan je connais pas particuli rement en arrivant en Bretagne je ne connaissais pas Je situe Lorient Brest Quimper les grandes villes mais pas tout M me Rennes je suis dans le centre et je connais un tout petit bout du centre mais je ne connais pas l agglom ration rennaise je sais pas trop comment elle se constitue Il y a des villes alentours je vois des grands supermarch s quand je viens en 102 T vivra cette illusion biographique d crite par Pierre Bourdieu Bourdieu P L illusion biographique in Les Actes de la recherche en sciences sociales n 62 63 juin 1986 pp 69 72 103 De la notion de ville archipel de Jean Viard op cit 104 Tarrius A Les nouveaux cosmopolitismes op cit p 63 78 Les preuves de la dispersion voiture mais c est des endroits o je ne vais jamais Dinard non plus j y suis depuis plus de trois ans mais je connais pas trop Je vois chez moi et le centre parce que c est c t mais sinon Je connais deux trois rues et encore je connais les noms mai
106. t esL Un tiers peine d entre eux ont le permis de conduire Pour ceux qui en ont une la voiture n est pas n cessairement en tat de marche m canique ou l gal d faut de contr le technique ou d assurance 2 Sils utilisent l o ils existent les transports collectifs ils n y recourent que contraints et forc s parce qu ils n en ma trisent pas toujours les codes d utilisation parce que le transport collectif est cher pour des personnes dont les revenus permettent peine de survivre parce qu enfin l utilisation du transport collectif d signe le pauvre R duire sa mobilit permet alors d chapper cette stigmatisation Il reste la marche La marche n est pas un mode de liaison ni un mode secondaire ou un mode parmi d autres La marche est le mode principal de d placements voire pour beaucoup et en particulier les femmes le mode unique La marche donne lieu un type de d placement dominant le d placement court en distance pas en temps en aller retour depuis le domicile souvent mono motif Dans ce cas les insulaires r servent leurs forces pour les d placements essentiels emploi ou recherche d emploi 128 Le Breton E Mobilit quotidienne et exclusion sociale El ments d enqu te aupr s des structures d insertion par l activit conomique et de leurs publics Paris Institut pour la ville en mouvement mars 2003 122 p 12 Sur la voiture des pauvres Chevallier M L usage et l ac
107. tat des lieux PUCA 2003 Sch tz A L tranger Un essai de psychologie sociale Editions Allia 2003 dition 1966 77 p Senc b Y et al Analyse des processus d ancrage et des formes de territorialit des populations marqu es par l clatement de leur lieu de travail et de r sidence dans les communes la p riph rie des p les urbains rapport pour le minist re de l Equipement PUCA novembre 2002 209 p Simmel G Digressions sur l tranger in Grafmeyer Y et Joseph I pr sentation de L Ecole de Chicago Naissance de l cologie urbaine Aubier coll Res champ urbain 1984 1 dition 19791 pp 53 59 Talbot J Les d placements domicile travail in Insee Premi re n 767 avril 2001 Transports et soci t Actes du colloque de Royaumont des 26 et 27 avril 1978 Economica coll Economie publique de l am nagement et des transports 1979 731 p Tarrius A Anthropologie du mouvement Caen Paradigme coll transports et communication 1989 185 p Tarrius A Les nouveaux cosmopolitismes Mobilit s identit s territoires Ed de l Aube coll Essai 2000 265 p Urbain J D L idiot du voyage Histoire de touristes 1993 Payot coll Document 270 p 1 dition 1991 Urry J in Institut pour la ville en mouvement PSA Peugeot Citro n Mobilit s urbaines les enjeux les probl matiques de la recherche en France et l tranger acte
108. tour il fait comme s il n tait jamais parti Une chose est singuli re dans cette logique du retour la capacit d oubli du pass Quand l enqu teur pose la question de savoir ce qui reste des quelques ann es pass es dans une ville la r ponse est souvent rien Lorsqu on insiste ce sont des l ments de paysage qui sont voqu s ce qu on pourrait appeler la France des r gions De ses quelques ann es dans les parages de la Bourgogne Fran ois voque la d couverte de choses qu on ne connaissait pas comme la vigne le Chablis des paysages qu on ne connaissait pas pas seulement l Yonne mais aussi le Puy de D me Rh ne Alpes A chaque fois qu on est arriv dans un endroit on a eu cette envie de conna tre la r gion de savoir de quoi c tait fait les sp cialit s locales en mati re culinaire le vin c est une richesse qu on a en France des superbes paysages Pourquoi de tels oublis Peut tre comme nous le sugg rions propos de Fran ois parce que les personnes sont inscrites dans des dynamiques de rationalisation de leurs pratiques On peut aussi penser que la vie quotidienne est essentiellement un monde de petits v nements de sensations qui impr gnent peu 143 Les preuves de la dispersion qui ne laissent que peu de traces qui n ont de sens que dans le tr s court terme du v cu au moment o on le vit Cette hypoth se rejoint la notion de vie quot
109. touristique Il justifie ses d placements par son activit sportive la plong e sous marine et le d sir de se mettre hors de port e de son travail l tranger il est inaccessible au t l phone portable la radio et aux journaux Il n a aucun discours de d couverte du pays d appropriation de sa culture de son patrimoine etc Le tourisme n est qu une mise entre parenth ses de sa vie quotidienne v cue sans cons quence sur soi sans en faire un l ment de distinction ou de conformit sociales Bruno pr sente lui aussi ses vacances sur le mod le de l anti tourisme revendiqu Il ne va pas loin Belle le en mer Il pratique l le depuis quinze ans il y conna t beaucoup de monde il y est ins r dans des r seaux sociaux Ses enfants sont devenus de quasi liens Bruno fait r guli rement venir sur l le ses amis de Rennes Voil sa mani re de lutter contre ce qu il identifie comme le discours publicitaire de l exotisme obligatoire sa mani re de se positionner comme mancip de ce type d injonctions sociales En vacances il reconstruit non loin de chez lui le petit monde qu il pratique d ordinaire Rennes Bruno critique la soci t dispers e en instaurant partout de la co pr sence L envie d vasion pour moi c est pas forc ment d vasion lointaine ce n est pas l autre bout du monde Quelquefois j entends les gens parler de voyages et de d placements et le
110. tre dans le Finist re tant d un point de vue personnel que professionnel On a envie de faire une cr ation artistique dans le Finist re Comme mon compagnon est de l on va anticiper sur les r seaux Par contre j ai envie de revoyager loin d aller en Afrique Une fois que l on sera vers Douarnenez j aurai envie de faire des spectacles avec les marionnettes de Marc ou avec mon nez de clown au S n gal par exemple On a des amis l bas Je n ai lieu de travail et de r sidence dans les communes la p riph rie des p les urbains rapport pour le minist re de l Equipement PUCA novembre 2002 209 p pp 137 165 151 Les preuves de la dispersion pas envie d tre enti rement s dentaris e Cela para t paradoxal mais on a envie d avoir une maison un rep re mais continuer voyager On veut avoir cette maison jusqu ce qu on la l gue nos enfants Les navetteurs per oivent leur vie dans l ordre de la stabilit Une fois qu ils ont effectu le retour aux territoires des origines ils s installent avec l id e de demeurer de rester o ils sont revenus C est partir du moment o leur inscription territoriale est globalement stabilis e qu ils peuvent se partager se dissocier en s impliquant dans des lieux o ils jouent des dimensions particuli res d eux m mes Stabilit de l inscription territoriale et dissociation des dimensions de l individu vont de pair De plus
111. tudes men es par les quipes de L INRETS bboutissent des conclusions nettes et concordantes Chaque Fran ais de d place de plus en plus loin parcourt de plus en plus de kilom tres environ 15 000 km par an au rythme d une augmentation annuelle de 4 depuis deux d cennies La distance moyenne de d placement quotidien d un Fran ais a augment d un tiers entre 1982 et 1994 pour atteindre 25 kilom tres La mobilit de longue distance au del de 100 km du domicile repr sente 40 des d placements d un individu et enregistre une croissance forte de l ordre de 5 par an La sph re des d placements de proximit moins de 100 km autour du domicile conna t aussi une croissance mais ralentie par rapport aux ann es pr c dentes Les m nages sont presque tous motoris s Le seuil d un m nage sur deux disposant d au moins une voiture a t franchi en 1968 Le taux est de 70 en 1980 et de 80 en 2000 En 2000 galement 25 des m nages sont multi motoris s pour 15 en 1980 On sait aussi que les d placements sont de moins en moins centralis s radiaux et de plus en plus dispers s cette dynamique tant globalement li e l talement urbain la sp cialisation fonctionnelle des territoires mais aussi au renforcement continu des polarit s secondaires dans les agglom rations Les distances parcourues sont index es la hi rarchie sociale Deux tendances galement importantes sont retenir D u
112. type d exp rience donne aux routards le sentiment d acc der une nouvelle mani re d tre On a rencontr beaucoup de gens pendant ce voyage de diff rentes couches sociales vraiment de milieux populaires o les gens parlent pas anglais nous ne parlons pas perse on s exprime avec des dessins des sourires des mots des intonations le petit dictionnaire franco perse o personne ne comprend rien parce que ce qui est marqu dessus c est On passe cing heures avec des gens avec qui on n a pas du tout discut mais avec qui on a appris norm ment Ce sentiment de vivre des relations naturelles qu on pourrait dire mancip es du social rend particuli rement insupportables les relations int ress es On a amen de l argent de France pour une femme Elle nous a h berg s alors on se disait qu elle ne nous offre pas la nourriture c est normal mais par contre sa chambre a ne lui co te rien de nous h berger Mais en fait elle nous a fait payer plus fort que ce que l on aurait pay dans un h tel avec un restau Donc on a t tr s d u par cette personne Apr s j ai t vraiment sur la d fensive au niveau des relations humaines Mais on a quand m me rencontr des personnes super notamment un guide qui nous a fait descendre un fleuve en pirogue tr s humain qui connaissait tr s bien son pays et qui cherchait pas se faire du fric sur notre dos Et puis on a rencontr un
113. une ali nation douloureuse une sorte d extinction du lien social et plus particuli rement de sa a ATEN a Sauvage et Chevrier pour leur part consid rent que la violence 2onstitue un des traits majeurs de ce type de mobilit Ces navettes sont physiquement fatiguantes Le d calage horaire les changements ventuels de climat les encha nements de rythmes diff rents entre l attente puis la presse l urgence le fait d tre toujours dans des endroits publics les lieux de transports les lieux de travail imposent aux personnes de se surveiller en continu Le bon d roulement des missions est implicitement d l gu aux syst mes experts de toute sorte abonnements t l phones taxis et tapis roulants etc Passer de 24 72 heures dans un pays tranger pour une mission n cessite de se confier int gralement des dispositifs techniques et de services qui prennent en charge et environnent le d placement Anthony Giddens argumente l importance de ces syst mes experts comme un des m canismes intrins quement li s la d localisation et il voque bien l importance du co t psychologique d usage de tels syst mele Or les enqu tes montrent que se confier aux syst mes experts peut tre dans des contextes de mobilit fortement contraintes une d marche angoissante Le moindre grain de sable dans l encha nement de la r servation du voyage aller du r veil du matin qui ne doit oublier de sonner du t
114. volontaire et explicite de sortie des cadres sociaux de s affranchir ponctuellement par eux m mes de leurs appartenances sociales Lors du voyage les statuts les r les sociaux les temporalit s les gestes et les techniques du corps sont suspendus Cet affranchissement ne dure pas longtemps quelques semaines quelques mois C est toutefois une exp rience suffisante pour que nos interlocuteurs instaurent une distance r flexive par rapport leurs vies ordinaires Les personnes utilisent la mobilit le d centrement g ographique pour se d faire d une qualit d objet social et s inventer elles m mes Cependant nos interlocuteurs sont pris dans une situation singuli re La pratique du voyage est devenue sinon routini re du moins largement accessible L exotique est commun partag Dans le m me temps ils investissement un sens important dans cette exp rience De fait l exp rience intime laquelle ils 111 Les preuves de la dispersion accordent une grande importance n a en d finitive que peu d cho et de valeur sociales La soci t dispers e banalise le rite du voyage lui te une bonne partie de sa valeur singuli re Ils ne se distinguent pas beaucoup quand ils racontent leurs voyages Dans une soci t dispers e le voyage est un marqueur faible du statut car la proximit du lointain crase l exp rience Le monde dispers facilite ce type d exp rience et en r duit simultan me
115. volution personnelle et a me g ne norm ment L affranchissement et l acc s l autonomie passent pour H l ne par la mise distance de qui elle tait dans un territoire donn Ce territoire Saint Malo et l univers social qui tait le sien l bas son identit et ses engagements sociaux sont appr hend s construits comme des repoussoirs partir desquels elle peut se construire autrement Mais elle se d marque aussi radicalement de certains autres territoires fr quent s lorsqu elle tait plus jeune notamment le Nord o elle passait l occasion quelques vacances dans la famille C est le gros choc de ma vie J tais relativement jeune j avais 12 13 ans quand j y suis all e Et j ai le souvenir d avoir eu un choc mais vraiment un gros choc C est la tristesse les gens parlent tr s tr s fort Et je me rappelle que toutes les maisons taient align es On m en avait parl A St Malo chez ma grand m re il y avait des casques de mineurs j ai t duqu e avec ces r f rences et quand j ai vu a en vrai je me suis dit mon dieu Et a c est rest grav Engu teur Vous avez eu l occasion de retourner l bas H l ne Ah non Et je ne veux pas y retourner Jamais Hors de question Le Nord est un repoussoir absolu O H l ne aimerait elle pouvoir s installer un jour Le lieu r v ce serait le Sud parce que j entends toujours des gens parler des d
116. 1994 pp 141 209 83 Sans compter les jobs d t que tous pratiquent 46 Les preuves de la dispersion d termin e temps partiel et le plus souvent en horaires d cal s de 18 21 heures par exemple pour les services domicile De sorte que ces jobs n imposent pas une organisation stable la vie quotidienne Un seul de nos interlocuteurs a charge de famille Les autres vivent seuls ou dans des couples d butants De mani re plus positive cette inscription territoriale peut tre d crite en quelques items Le logement est le lieu qui merge le plus nettement Il t moigne de la r ussite de la conqu te de l autonomie plus la personne est engag e dans son parcours d affranchissement plus le logement est important ses yeux Cette importance du logement est le signe que l inscription territoriale a bascul Longtemps elle a t centr e sur le domicile des parents Puis l tudiant a v cu des situations transitoires pas toujours confortables en instabilit entre un logement chez l habitant une chambre en cit U et la chambre d enfant au domicile parental Le logement son logement est pr sent comme une base partir de laquelle construire son inscription territoriale autonome Sans base ce processus est impossible Gr goire exp rimente la vie autonome depuis quelques mois simplement et il presque surpris de s entendre dire un des endroits que je commence aimer c
117. 9 ils repr sentent 60 9 des actifs ayant un emploi Les chiffres taient de 46 1 en 1982 et de 52 3 en 1990 Par ailleurs les d placements domicile travail ne cessent de s allonger 13 1 km en 1982 14 1 km en 1990 et 15 1 km en 1999 Mobilit de vacances de loisirs et de one Les mobilit s de vacances sont en augmentation entre 1963 et 1989 ann e au cours de laquelle 66 des Fran ais sont partis au moins une fois Mais le taux de d part n tait plus que de 63 en 1999 Le nombre moyen de s jour par personne partie tait de 1 5 en 1963 et de 1 9 en 1989 Pourtant le nombre moyen de jours pass s hors du domicile par an reste stable autour de 29 jours Cela revient dire que le nombre moyen de nuit es par s jour diminue en passant de 14 5 en 1988 13 7 en 1994 et 12 0 en 1999 Dans la m me logique la proportion des s jours d t de plus de quatre semaines a t divis e par deux entre 1989 et 1999 passant de 16 8 des s jours de vacances Les Fran ais partent plus souvent et moins longtemps Les mobilit s de vacances sont plus fractionn es Les mobilit s de vacances comme les mobilit s quotidiennes donnent lieu des mouvements de rattrapage des cat gories sociales plus modestes par rapport aux cat gories favoris es Entre 1974 et 1994 l cart entre les taux de d part l ensemble des cat gories socioprofessionnelles est pass de 73 47 N anmoins les appartena
118. CSP Dispersion Lee ue Hommes CSP x Femmes CSP ue a m Fee a Femmes CSP gt Le Dispersion Jeune Ag Mais observer les tendances l amplification des dispersions et leur partage par tous les groupes sociaux ne suffit pas rendre compte du ph nom ne Il faut prendre en compte trois autres registres d analyse Les reconfigurations du proche et du loin D une part on ne peut pas r sumer la dispersion des mobilit s qui iraient simplement de plus en plus loin Certes les Fran ais font en moyenne de plus en plus de kilom tres Mais les mobilit s virtuelles par t l phone et par Internet s effectuent pour une bonne part dans l chrome et permettent des personnes d intensifier leurs relations de face facet ili a dispersion renvoie une dynamique d extension g ographique mais aussi et tout autant une reconfiguration une r articulation des territoires tr s loign s moins loign s et proches Les cadres d entreprise illustrent bien la complexit des liens entre proche et lointain Cette population est engag e dans des mobilit s professionnelles impliquant le changement de pays et de continents Mais le week end venu ces m mes cadres restent volontiers se reposer dans leurs maisons jardins A l oppos les travailleurs immigr s se d placent peu en cours d ann e mais passent un mois de vacances tous les ans sur un autre continent Par ailleurs
119. Dubujet F Les d m nagements forment la jeunesse in Insee Premi re n 647 mai 1999 Dupuy G Les territoires de l automobiles Anthropos coll Villes 1995 216 p Elkana A Mobilit s des habitants d un village p riurbain marseillais in Les annales de la recherche urbaine n 59 60 1993 pp 100 108 Epstein R Fontaine A et Amaouche M D Aller en rave Une mobilit festive qui reconfigure la ville rapport pour le PUCA 2003 Equipe VETC Bouleversants voyages Itin raires et transformations Presses universitaires de Perpignan coll Etudes Perpignan 2000 413 p Erlich V Les nouveaux tudiants Un groupe social en mutation Armand Colin coll R f rences sociologie 1998 Gallez C Orfeuil J P et Polacchini A L volution de la mobilit quotidienne Croissance ou r duction des disparit s in RTS n 56 juillet ao t 1997 pp 27 41 G rardin B Le transport employeur Economica 1981 Giddens A Les cons quences de la modernit Paris L Harmattan coll Th orie sociale contemporaine 1994 Grafmeyer Y et Joseph J L cole de Chicago Naissance de l cologie urbaine Aubier 1984 Grignon Cl La vie mat rielle des tudiants Logement alimentation sant La documentation fran aise coll Les cahiers de POVE 1998 223 p Grignon Cl et Gruel L Le logement tudiant Observatoire de la vie tudiante ron o octobre 2003 16 p
120. Exclusions et in galit s d acc s aux loisirs et au tourisme rapport pour le PUCA novembre 2002 79 p Rallet A et Charbit Cl Les usages locaux d Internet vers de nouvelles formes de proximit et de mobilit urbaines Rapport pour le PUCA 2004 Ramadier Th Construction cognitive des images de la ville Evolution de la repr sentation cognitive de Paris aupr s d tudiants trangers Universit de Paris V th se de psychologie 1997 Rivi re C A Le t l phone un facteur d int gration sociale in Economie et statistique n 345 2001 5 pp 3 33 162 Les preuves de la dispersion Roch D L humeur vagabonde De la circulation des hommes et de l utilit des voyages Fayard 2003 1 031 p Roulleau Berger L La ville intervalle Jeunes entre centre et banlieue Paris M ridiens Klincksieck coll R ponses sociologiques 1991 211 p Rouquette C La perc e du t l phone portable et d Internet in Insee Premi re n 700 f vrier 2000 Rouquette C Un tiers des adultes ont d j utilis l Internet in Insee Premi re n 850 juin 2002 Ribeill G et May N Mobilisation de la force de travail bassins de main d uvre industrielle et revendication transport Le cas de l agglom ration rouennaise Minist re de l Equipement coll Prospective et am nagement 1978 253 p Schuler M et Kaufmann V La mobilit comme r v lateur de l insertion sociale un
121. La 153 Les preuves de la dispersion valeur particuli re de ce type de lieu du point de vue des cosmopolites est qu il est immobile inchang toujours l Les personnes y reviennent r guli rement se d routent lorsqu elles sont en d placement pour y faire un saut une halte Elles se maintiennent toujours au courant de son actualit en tant abonn es au quotidien r gional en entretenant avec ceux qui y vivent des communications r guli res en cultivant les liens avec les amis de jeunesse les voisins du domicile parental l artisan boucher local dont elles ram nent chez elles les produits Pour ceux qui ont des enfants et des familles largies le territoire des origines est investi de rites r guliers de retrouvailles lors de certaines dates report es d une ann e sur l autre Le lieu des origines a un statut particulier que l on pourrait dire extra territorial Nous dirons du troisi me type de lieu que ce sont des lieux abstraits Dans les lieux qui comptent plusieurs de nos interlocuteurs ont spontan ment voqu la mer les les les villes Ce sont des lieux que les personnes pratiquent depuis longtemps r guli rement et qui constituent des points de rep re importants dans leur inscription territoriale Ces lieux toutefois sont si l on peut dire non localis s Peu importe du point de vue des individus que la mer soit celle de la Bretagne ou de la M
122. La d finition du local qu travers eux nous mobilisons rejoint celle qu en propose Alain Bourdin pour qui le local n est en fait ni une n cessit anthropologique ni un contenu h rit et in vitable mais une forme sociale qui constitue un niveau d int gration des actions et des acteurs des groupes et des changes Elles co pr sents ne se vivent pas et ne revendiquent aucune forme d appartenance communautaire pas davantage qu ils n ont le sentiment d tre tributaires d une identit ou d un h ritage local Pour eux l ancrage ne se r sout pas dans l attachement au quartier dans la co ncidence entre les fronti res des quartiers pour autant qu elles existent et leurs espaces d engagement social Ils utilisent souvent le terme de quartier mais ce qu ils d crivent de leurs pratiques renvoie des r alit s plus complexes Il y faut se d fier des mots employ s par automatisme par les enqu t s mais qui ne recouvrent pas leurs pratiques effectives En fait nos interlocuteurs ne pratiquent pas le quartier mais des r seaux sociaux s lectionn s et tablis dans la proximit du face face C est pour insister sur ce dernier point que nous retenons cette d nomination peu l gante de co pr sents Ils ne vivent une chelle du local mais dans l ordre du face face ce qui n est pas la m me chose En effet l chelle locale est pratiqu e d une ma
123. Les preuves de la dispersion ans en deux moments du voyage lointain en cours d ann e et de trois semaines en Ard che l t Ce programme est stable depuis plusieurs ann es comme le choix de l h tel invariablement le m me Tous les ans il y retrouve les m mes personnes qui convergent de la France enti re vers une centralit ponctuelle et sp cialis e Mais les contacts entre ses amis de vacances sont nuls inexistants pendant l ann e ni courrier ni t l phone ni visite Dans ces cas la ma trise de la distance permet aux individus de pond rer leurs engagements sociaux Soit dans le cas de Michel en maintenant durablement cloisonn es trois facettes familiale professionnelle et amicale de son identit soit pour Jean Marie en les recombinant dans le temps Le divorce et l isolement qui s ensuit l am nent r mvestir pour un temps un lieu renouer avec une d finition de lui plus jeune Puis ayant refait sa vie il s loigne nouveau au propre et au figur de ses territoires du pass La logique du retour et ses ressorts La logique de l aller retour structure aussi le parcours r sidentiel des navetteurs qui peut tre caract ris en trois moments La premi re s quence est celle des ann es de jeunesse Nos interlocuteurs vivent avec leurs parents une installation longue de plusieurs ann es dans le m me lieu Il s agit rarement du lieu de naissance mais plut t de celui o
124. Ne pas s engager vraiment ni dans les lieux ni dans les relations sociales permet de poursuivre les exp rimentations de rester disponible la d couverte Cette ouverture cette autosuffisance de l exp rimentation constituent la dimension centrale des mobilit s d affranchissement C est partir de cet l ment subjectif que s claire les preuves de la dispersion telles que les d butants les vivent Cette tactique de l identit floue le refus de se laisser capter et localiser appara t dans plusieurs registres Nous en avons d j voqu quelques uns l appartenance pr f rentielle aux communaut s incertaines peu exigeantes en mati re d identification de soi le cosmopolitisme d exp rimentation l indiff rence territoriale la mise distance des tutelles Donnons quelques l ments suppl mentaires La prise de distance au propre comme au figur d avec le parcours r sidentiel des parents et le brouillage des origines Plusieurs d butants disent ne pas tr s bien savoir d o ils sont c est le cas de Charlie n au Congo et de Nadia n e au Maroc tous deux vivant Rennes depuis plusieurs ann es de Gr goire n Caracas mais aussi de St phanie de Patrick de Thierry de St phane quand on me pose la question tes d o je ne sais jamais quoi r pondre Tous ont des parcours r sidentiels relativement complexes Mais cette complexit loin de les perturber de le
125. PREDIT 2002 2006 GROUPE OPERATIONNEL N 1 MOBILITES TERRITOIRES ET DEVELOPPEMENT DURABLE LES EPREUVES DE LA DISPERSION Recherche exploratoire sur les exp riences individuelles de la soci t dispers e Eric Le Breton Rapport final juin 2004 Lettre de commande 02 MT 38 du 2 d cembre 2002 Les preuves de la dispersion Les preuves de la dispersion Sommaire Introduction 5 Chapitre 1 L anthropologie de la mobilit un cadre d analyse 10 1 Quelques indicateurs d une dispersion complexe 11 Mobilit r sidentielle 11 Mobilit quotidienne 12 Mobilit de vacances de loisirs et de tourisme 13 Mobilit virtuelle 14 La discrimination sociale des dispersions 15 Les reconfigurations du proche et du loin 17 L hybridation des mobilit s 19 La s paration ou l imbrication des r seaux sociaux 19 2 La socio conomie du transport la mobilit comme d placement 20 3 L anthropologie de la mobilit 24 Les inscriptions territoriales 26 La mobilit une forme l mentaire de la vie quotidienne 27 La prox mie 31 Quelques registres prox miques 33 4 Les preuves de la dispersion 35 5 Les figures de la dispersion 39 Chapitre 2 Les mobilit s d affranchissement 45 1 Les territoires de l affranchissement 46 2 Les logiques du desserrement 52 La bipolarit 52 L mancipation 57 Diversit des rythmes et modalit s de l affranchissement 59 La d territorialisation des engagements soci
126. a premi re concerne les d butants ces jeunes gens qui acc dent pour la premi re fois une vie autonome ind pendante de leurs parents Plusieurs cat gories permettent de d crire les modalit s de cette exp rience tr s commune A ce titre nous retenons notamment le cosmopolitisme d exp rimentation qui r unit 158 Les preuves de la dispersion toutes les p r grinations proches et lointaines des d butants d sireux de se mettre l preuve des lieux et des situations inconnus et dont la formation du soi de l individualit propre est l objet Plus globalement les d butants instrumentent la mobilit r sidentielle mais aussi la mobilit de longue distance des voyages initiatiques des fins intentionnelles de mise distance d affranchissement l gard des tutelles Les quatre autres exp riences de la dispersion d crivent des identit s socio territoriales tr s tranch es Celle des insulaires d abord Pour eux la dispersion est v cue sur le double mode de l exil int rieur et de l assignation d troites enclaves o les retient leur situation sociale pr caire Celles des co pr sents ensuite cat gorie qui rassemble des personnes aux pratiques de dispersion galement r duites mais qui vivent sur des territoires o elles sont install es de longue date des engagements sociaux forts et g n ralistes Les co pr sents sont critiques de la mobilit qu ils pr sentent comme
127. abitant Le plus souvent les contacts se limitent des rencontres ponctuelles et rapides avec quelques jeunes dans un caf une discussion avec un marchand Pourtant ces rencontres font l objet de discours dont la tonalit et le contenu sont tr s affectifs Les personnes rencontr es l bas sont d crites comme humaines Lors des voyages les d butants s installent dans une autre conomie de relation Nos interlocuteurs laissent en France tous les cadres sociaux de relation auxquels ils sont habitu s le cadre du travail des relations familiales proches et lointaines des relations amicales toutes ces occurrences d interaction tant fortement cod es et norm es D s lors il ne reste plus aux yeux des voyageurs que de l humain des relations entre individus qui seraient affranchies des codes sociaux pour le plaisir de la communication et de la rencontre Ces communaut s de transition donnent parfois le sentiment de toucher l universel la fraternit Les probl mes de langue la bri vet des relations placent ces rencontres dans un en de ou un au del des formes usuelles de la 102 Les preuves de la dispersion communication on ne se comprend pas formellement mais pourtant les individus ont le sentiment d changer d autant plus qu ils ne se comprennent pas formellement ou plus exactement que l change emprunte des registres qui ne sont pas formels cod s Ce
128. agascar Pourquoi pas la Turquie plut t que l Iran Mais les parents n insistent pas c est d j trop tard ls savaient bien que quoi qu ils disent je partais c est pour a qu ils n ont rien exprim Certains jeunes soucieux de m nager leurs parents et leur propre tranquillit manipulent ces derniers Je ne l ai pas dit mes parents on s est dit qu il ne fallait pas le dire tout de suite autrement ils allaient s affoler ils allaient paniquer On leur a dit au dernier moment En fait j y suis all e progressivement Je savais qu ils n allaient pas trop tre d accord m me s ils ont accept mon choix Ils m ont laiss partir mais si je leur avais demand de choisir entre oui et non ils m auraient dit non Donc je ne leur ai pas demand leur avis Je les ai mis devant les choses accomplies D autres optent pour l affrontement Un des int r ts du voyage est m me d offrir une occasion de s affirmer nettement dans sa nouvelle autonomie Partir c est aller contre ses parents Le p re de R gis r agit mal au projet de son fils de s octroyer trois mois de vacances en Nouvelle Cal donie Pour lui issu du milieu agricole c est un trop beau cadeau que R gis s offre vingt ans Un mois suffirait Mais R gis tient bon et d fend son projet en disant que c est son argent gagn au fil des mois et des ann es pass es comme animateur Je me suis dit j a
129. age possible pour soi Le franchissement de cette tape est net dans le r cit de Catherine Je suis partie en Hongrie pour une rencontre de jeunes europ ens Et l bas j ai rencontr beaucoup d tudiants qui avaient beaucoup voyag et qui taient all s partout en sac dos Moi j avais toujours eu envie de le faire et d entendre tous ces jeunes qui avaient le m me ge que moi on tait pareil si eux avaient pu le faire alors pourquoi pas moi Je crois que c est eux qui m ont donn la force je crois que c est a qui m a donn le d clic et qui m a d cid partir l ann e d apr s J appr hendais je n avais rencontr personne qui avait voyag tout seul comme a en sac dos l autre bout du monde dans un pays qu il ne connaissait pas sans conna tre la langue et rien du tout Mes amis ne faisaient pas a Je me disais a se fait mais ce sont des gens aventuriers exceptionnels ce sont des gens hors du commun ce n est pas la port e de n importe qui Et de rencontrer des jeunes de mon ge avec qui j avais plein de points communs et de pouvoir discuter de a avec eux je me disais tout le monde peut le faire il suffit d un minimum mais il ne faut pas tre Einstein ou quelqu un comme a Et c est l o je me suis dit il faut que je le fasse aussi 95 Les preuves de la dispersion C est sur la fin de ses tudes aguerrie autonome qu elle d cide de franchir l
130. agilit et garantir ainsi toute la port e l exp rience Ce voyage je ne l avais pas trop travaill J ai un pote qui tait parti l bas et je ne voulais pas voir ses photos je ne voulais pas trop qu il me raconte je n avais pas envie d avoir de pr jug s Je voulais voir par moi m me D autres poussent l extr me la non pr paration ce qui peut bien s r r server des surprises Ils se contentent de prendre le billet d avion Ni lecture ni achat de guide ni contact d aucune sorte avec des informateurs Je suis parti l arrache a s est d cid assez rapidement m me si a faisait longtemps que j avais pr vu ce voyage dans ma t te On avait juste notre tente nos sacs et on a lou une voiture Sauf que l bas c tait l hiver mais on ne savait pas tout a C tait un peu gal re enfin gal re non mais c tait pas vraiment vident quand tu n as pr vu que des shorts et des tee shirts et qu il fait 0 faut s y faire Au niveau de la pr paration on n a pas achet de guide on ne s est pas renseign sur Internet Moi je ne savais 104 Les preuves de la dispersion pas qu il y avait trois les les Kanaks je ne savais pas trop qui ils taient je ne connaissais que Karambeu de l quipe de France de football Nous rep rons deux autres niveaux cette entr e en fragilit qui consiste se d faire de soi m me abandonner les r les socia
131. ais socialement complexe Appartenant des milieux sociaux o l on ne d m nage pas ou peu nos interlocuteurs et leurs amis voisins et proches ne sont pas dispers s par les al as de la vie professionnelle notamment Cette permanence de tous justifie et renforce l enracinement Puis l chelle temporelle de plusieurs ann es les co pr sents s approprient et se font les promoteurs de leur quartier qu ils ont vu voluer et l volution duquel ils ont contribu en participant aux activit s d un comit des f tes d une association sportive ou de parents d l ves Louise 47 ans est n e Rennes dans un quartier p ri central que les remaniements de la ville ont fait dispara tre En prenant son premier emploi 19 ans elle quitte ses parents et loue une chambre au centre de Rennes Elle se marie rapidement et prend un appartement dans ce qui est l poque la ZUP Sud C est avec r ticence qu elle s installe dans ce nouveau quartier L architecture HLM des ann es 1970 l environnement routier le 130 T s agit bien s r d une proximit l chelle de la voiture de l ordre de quelques dizaines de kilom tres autour du domicile 121 Les preuves de la dispersion voisinage l effrayent un peu Puis ses trois enfants naissent Elle s engage dans l association des parents d l ves Plus tard elle appr cie les quipements sportifs et culturels dont ses enf
132. alit des faits de mobilit Ensuite quelques tendances globales La discrimination sociale des dispersions Presque tous les indicateurs convergent dans le sens d une amplification de la dispersion plus de mobilit quotidienne plus de mobilit virtuelle plus de mobilit de vacances Soyons prudent toutefois Les progressions taient marqu es jusque dans les ann es 1980 Depuis la mobilit r sidentielle est dans un cycle de ralentissement Certains groupes sociaux ouvriers employ s partent en vacances moins souvent que par le pass Dans l appr ciation du mouvement d ensemble il faut se d fier des discours mill naristes construits autour du de plus en plus Les discours sur l hyper Roch D L humeur vagabonde De la circulation des hommes et de l utilit des voyages Fayard 2003 1 031 p Roch D op cit p 21 15 Les preuves de la dispersion mobilit de la population nous semblent exag r s La faute notamment aux tudes de la mobilit trop souvent focalis es sur des populations aux pratiques de mobilit singuli res dont on d duit trop vite qu elles sont partag es Les cadres dirigeants des entreprises priv es et publiques les internautes les immigr s ne vivent pas le lot commun De plus les chercheurs les journalistes et les publicitaires leur inventent trop vite une hyper mobilit qu ils n ont pas toujours On peut aussi observer la corr lation des pra
133. ampagne alentour ou le bord de mer ne sont que marginalement int gr s aux repr sentations de l espace de vie Le logement constitue le seul lieu de repli et de protection de soi comme une le qui surnage dans un espace la d rive Les territoires du morcellement de soi Cette inscription territoriale douloureuse de personnes en d faut d int gration professionnelle familiale et amicale est caract ris e par une rupture entre trois types d espaces les territoires de la vie quotidienne les territoires de la vie pass e et les territoires r v s Les territoires du proche sont v cus comme des repoussoirs Les insulaires disent ne pas aimer leurs lieux de vie quotidienne et les pratiquent sur le mode de la contrainte du d plaisir ou de la privation Leurs quartiers d habitation sont per us comme des espaces de contr le social n gatif et mutilant Par exemple pour Aur lie un enjeu explicite est de ne pas se faire conna tre des commer ants de son quartier et d chapper aux relations de voisinage La proximit r sidentielle est v cue sur le mode du tunnel Au del du quartier la ville environnante n est pratiqu e qu contre c ur dans un seul registre utilitariste courses et d marches Ce d samour se traduit dans un sentiment d troitesse de petitesse c est trop petit ici il n y a rien faire je m ennuie ici investit un registre esth tique la ville est moche i
134. ances Il est probable que ce sont les enfants des classes favoris s qui partent le plus souvent m me si les dispositifs de redistribution sociale bermettent aux enfants des classes moins favoris es de partir plus souvent que leurs parents Les 20 24 ans partent le moins souvent 58 l t est pour eux la p riode des petits jobs Mais dans cette tranche d ge les trois quarts des demandeurs d emplois ne partent jamais D une mani re plus globale un quart des Fran ais sont exclus des mobilit s de loisirs et de tourisme alors qu l autre extr mit du spectre social 15 des Fran ais r alisent eux seuls plus de la moiti de ces d placements Mobilit virtuelle Achevons ce bref tour d horizon avec quelques donn es plus fragmentaires relatives aux mobilit s virtuelles En 1997 un Fran ais avait 6 2 interlocuteurs t l phoniques par semaine contre 8 8 interlocuteurs de face facet Ce sont les personnes vivant seules qui consacrent le plus de temps au t l phone 236 minutes en 15 jours pour 144 minutes pour les jeunes vivant chez leurs parents et 116 minutes pour les personnes vivant en couple avec ou sans enfant Par ailleurs ce sont les femmes inactives qui t l phonent le plus 191 minutes suivies par les artisans commer ants et chefs d entreprise 178 minutes viennent ensuite les retrait s 165 minutes puis les ch meurs 158 minutes Si les femmes inactives sont parmi les moins mobi
135. anger Certains ont pris le temps de m rir le projet et d autres sont partis sur un coup de t te sans rien pr parer ni conna tre du pays de destination Enfin quelques uns de nos interlocuteurs d sargent s ou plus aventureux ont v cu leurs voyages dans de pr caires conditions de confort D autres mieux pourvus ou ayant des relations dans les pays de destination avaient en voyage un quotidien mieux am nag avec une adresse un point de chute Globalement les pratiques d crites sont partag es entre celles des vrais routards voyages longs imp cuniosit et d brouille oblig e et le tourisme d aventure o la d brouille choisie n interdit pas le repos d une soir e ou de quelques jours dans un h tel restaurant ayant pignon sur rue Mais si toutes les personnes acceptent et certaines revendiquent d tre qualifi es de routards toutes ont en commun un net refus de l tiquette de touriste nous y viendrons Nos interlocuteurs se per oivent bien plus comme des nomades des itin rants pour qui l tat d esprit d ouverture au monde compte autant que la distance parcourue pour qui Bara de vivre autrement compte autant que le voyage proprement parlertHA partir de l la qualification pr cise de ce qui serait routard ou non ne nous para t pas tr s importante 119 Pour le dire dans les termes de Jean Didier Urbain nos interlocuteurs s inscrivent dans un tourisme
136. ant Nous reviendrons sur ce point Pour ces raisons les d sajustements les impliquent tout entier dans leur capacit conqu rir et construire leur vie autonome Les d butants partent avec l id e de profiter enfin d une vraie et totale libert Ils sont d autant plus surpris interloqu s de n tre pas en mesure de la vivre vraiment Il semblerait que cette bipolarit et les d sajustements corr l s se structurent socialement Le sentiment de d calage pourrait tre plus marqu chez les tudiants des cat gories sociales modestes Le rapport entre la d cohabitation et l loignement g ographique du domicile parental est complexe pour des raisons qui tiennent l articulation de la localisation r sidentielle des m nages et de la distribution g ographique de l offre universitaire D une part la probabilit pour que le trajet entre le domicile et le lieu des tudes d passe trois quarts d heure est nettement plus forte quand les revenus de la famille sont bas plus faible au contraire quand ils sont sup rieurs 3 000 euros plus faibles aussi quand le p re de l enqu t poss de lui m me un dipl me d enseignement sup rieur D autre part les enfants d ouvriers et d employ s quittent le domicile familial moins fr quemment que les enfants de cadre et des chefs d entreprise leur taux de d cohabitation sur l ensemble des tudiants de moins de 26 ans sont de 49 contre 55 6 pour les e
137. ants et elle m me profitent Elle n a pas le permis de conduire mais les commerces et les services du quartier le r seau de bus et son v lo lui permettent d tre autonome dans sa vie quotidienne Progressivement elle s implique dans diff rentes structures de quartier Adolescents ses enfants r clament un d m nagement qui rapprocherait la famille du centre ville des cin mas et des bistrots Louise et son mari refusent Ils sont leur quartier et ne peuvent se d faire d eux m mes La permanence de longue dur e au sein d un m me territoire donne un sens particulier aux mobilit s Le d placement dans l espace est simultan ment un d placement dans le temps et permet de renouer d entretenir la continuit de soi m me La mobilit dans un paysage dans des lieux connus pratiqu s de longue date participe d un processus de r assurance de soi m me Cette paisseur de la mobilit cette imbrication du rapport l espace et du rapport soi l interp n tration de l histoire de la personne et de son espace constituant une exp rience propre aux co pr sents C est un territoire qui a beaucoup de valeur pour moi que j aime beaucoup Moi j aime profond ment Rennes et l Ille et Vilaine On dit parfois qu on est attach un territoire par r flexe conservateur en se disant c est bien ici c est mieux qu ailleurs Non moi je ne dis pas ici c est mieux qu ailleurs Je dis
138. arentale permet aux jeunes de s affranchir des tutelles et de leur identit de mineur d enfant de d tre plus libre de s exp rimenter eux m mes et de composer leur nouvelle identit Mais cette libert est risqu e particuli rement pour les tudiants rencontr s que l institution universitaire socialise et int gre faiblement Dans ce cas avec quoi construire le sens de soi L chec peut conduire vivre des situations o la dispersion fait clater la personne et d bouche sur le morcellement de soi La mise distance des tutelles Un des principes de l affranchissement consiste dans la mise distance des tutelles et dans l loignement du d butant des territoires o elles sont situ es Un premier l ment de cet loignement tient dans le d tachement du jeune par rapport au parcours r sidentiel l histoire de la mobilit des parents Le p re de St phanie est militaire Il a pendant pr s de 15 ans multipli les affectations en France et outremer St phanie na t Noum a puis habite Lorient 67 Les preuves de la dispersion Saint Denis de la R union Tours Fort de France en Martinique avant d arriver Rennes Mais dit elle elle a rompu les ponts avec ce pass dont elle a longtemps consid r au d but de son affranchissement qu il n tait pas vraiment le sien et dans lequel elle ne se retrouvait pas au point de ne pas l voquer quant au cours de soir es
139. ariations sur une conduite d vitement disent plus qu il n y para t d abord Les 27 Les preuves de la dispersion D crire les inscriptions territoriales et r pondre la question comment les individus construisent leurs identit s dans le rapport aux territoires suppose aussi de consid rer les appartenances collectives des personnes Les individus sont inscrits dans tels et tels lieux par des liens familiaux dans d autres par des liens professionnels etc Certains territoires sont vit s par l individu parce qu il est riche et s interdit d aller chez les pauvres etc Parfois la fr quentation d un lieu impose des organisations collectives complexes Par exemple une semaine de vacances d une famille l tranger n est pas une mince affaire les plannings de travail des parents et les plannings scolaires des enfants doivent tre coordonn s il faut recourir aux services d une agence de voyage les beaux parents sont mobilis s pour nourrir les poissons rouges qui ne partent pas en Italie Par l nous soulignons que la mobilit est une activit sociale qui rel ve ce titre des logiques collectives des groupes divers et vari s auxquels chacun appartient C est enfin int grer la description et l analyse la dimension temporelle Les activit s des individus consistent en des d coupages temporels qui encadrent les comportements de mobilit Les diff rences entre les uni
140. asculement de leur inscription territoriale sur un nouveau centre La maison la No Blanche un petit bourg 30 kilom tres de Rennes c est mon mari qui l a r nov e On ira s installer l bas peut tre dans cinq 123 Les preuves de la dispersion ans ou six ans faut se pr parer On ne peut pas arriver comme a c est pas facile de faire ses marques Engu teur Aujourd hui vous essayez de vous int grer la vie de la commune Louise Ah oui On conna t quelques gens maintenant mon mari conna t pratiquement tout le monde de la commune Moi je commence m int grer un petit peu venir le week end pour que les gens me voient Il faut s int grer petit petit dans la commune o on va habiter On se renseigne sur ce qu il y a dans la commune Ils la mairie de cette commune nous envoient un calendrier de l ann e donc il y a toutes les activit s les num ros de t l phone donc on sait d j ce qu il y a dans la commune On va commencer en quelque sorte essayer de rencontrer du monde montrer que Bon on verra bien petit petit mais c est pas vident Toutefois cette population n est pas localiste ce n est pas celle du village dans la ville La question du local fait l objet de d bats complexes Nous n allons nous y aventurer qu indirectement en t chant de rendre compte de la mani re dont les co pr sents appr hendent et construisent le local
141. ateur d un monde sans attache d un monde qui ne demande rien ne r clame rien l acteur d un 7 Terme que nous empruntons Martin Schuler et Vincent Kaufmann La mobilit comme r v lateur de l insertion sociale un tat des lieux PUCA 2003 La qualit l intensit des vies tudiantes varient bien s r d une ville l autre La vie tudiante Toulouse est plus diverse mais les tudiants de Rodez sortent aussi le soir Il y a plus de lieux Rennes qu Saint Brieuc mais les tudiants de Saint Brieuc ne sont pas priv s d animation 66 Les preuves de la dispersion monde indiff rent On peut vivre dans un endroit quasiment sans y tre La dispersion annule l exp rience territoriale ou la prive de contenu L preuve de la nullit de l exp rience territoriale a deux versants Pour le premier il s agit de l appartenance Les individus peuvent quitter facilement des territoires qui ne les retiennent pas Mais comment d s lors appartenir des territoires qui ne retiennent pas H l ne vit difficilement cette situation Elle est contente de pouvoir quitter Saint Malo facilement Mais elle souffre d avoir autant de difficult s se faire reconna tre comme rennaise se sentir rennaise Bien s r elle multiplie les p titions d appartenance cette ville mais elle ne peut fournir et notamment se fournir elle m me aucune preuve de cette appartenance
142. ations communautaires Ce n est pas ce type de question que nous portons notre attention Pour notre part nous souhaitons apporter quelques l ments de compr hension des exp riences individuelles de la dispersion Appr hend e partir de l individu la dispersion peut 7 job comme participant d une vaste dynamique de d sinstitutionnalisation Fran ois Dubet et Danilo Martuccelli observent un changement fondamental dans le rapport des individus la soci t Longtemps ce rapport tait m diatis par des institutions int grant fortement les individus autour de mod les de conduite stables Sous l impact de diff rents facteurs ces institutions Famille Ecole et Universit Eglises Travail etc se sont fragment es Les mod les de conduite accessibles aux acteurs qui taient en nombre r duits imp ratifs et bien ordonn s les uns par 70 Sauf dans une certaine mesure par la psychologie de l environnement Dans la premi re partie de sa th se Thierry Ramadier propose une int ressante recension des diff rentes conceptualisations sociologiques et psychologiques du rapport de l homme ses espaces Ramadier op cit particuli rement les pages 18 35 7l Dubet F et Martuccelli D Dans quelle soci t vivons nous Paris Seuil coll L preuve des faits 1998 322 p Dubet F Le d clin de l institution Le Seuil coll L preuve des faits 2002 421 p 35 Les preuves de la dis
143. atives effrayantes de certains pays contre les pr jug s les a priori les simplifications caricaturales de l opinion commune Le choix de telle destination a oblig nos interlocuteurs passer derri re la fa ade des opinions admises parier sur leur capacit se faire par eux m mes un point de vue miser sur leurs comp tences relationnelles leur sens de la d brouille leur envie de rencontre Le choix de certaines destinations s effectue donc contre une soci t des m dias Cette d marche incarne une distance critique entre un 100 Les preuves de la dispersion syst me de valeurs localis et le projet de s affirmer soi m me en tant qu individu et non simplement comme membre d une communaut nationale et culturelle Retenir et persister dans une destination dangereuse suppose de prendre position de douter des images v hicul es par les m dias l Iran 11 septembre l Iran axe du mal la Palestine fondamentalisme musulman etc Simultan ment c est se mettre en demeure de faire ses propres exp riences de les juger par soi m me et de b tir son propre syst me de valeurs Globalement c est mettre l preuve une certaine d finition de soi fond e sur l appartenance tel collectif le plus englobant Le voyage offre d tre au monde dans un registre r flexif et non pas seulement dans un registre de l int gration Le choix de l Iran du Maghreb ou du Moyen Ori
144. aussi des mobilit s virtuelles et mentales Pour d autres populations les mobilit s physiques sont modestes et le rapport au monde extra local s op re travers des mobilit s virtuelles et mentales D autres groupes encore demeurent fortement assign s des territoires troits Le fonctionnement des soci t s contemporaines produit donc des dispersions croissantes en m me temps que des diff rentiels de dispersion plus marqu s 43 Les preuves de la dispersion Pour entrer dans le d tail des exp riences de la dispersion il convient de r duire cette premi re typologie trop pr cise pour faire l objet d analyses r alistes Dans les chapitres suivants nous nous concentrerons sur cinq populations Nous conservons telle quelle la cat gorie transversale des d butants ces jeunes gens qui acc dent l autonomie en composant pour la premi re fois leur propre inscription territoriale Les sept autres types sont ramen s quatre partir de la combinaison non plus de trois mais de deux crit res les modalit s d int gration sociale dissoci e ou globaliste et le degr de dispersion fort ou faible o nous synth tisons de mani re empirique les mobilit s r sidentielles et quotidiennes Typologie simplifi e des exp riences de la dispersion Dispersion faible Dispersion forte Int gration sociale Les insulaires Les navetteurs dissoci e Int gration sociale Les co pr sents
145. aux 66 La mise distance des tutelles 67 L indiff rence territoriale 72 Le cosmopolitisme d exp rimentation de soi 74 L identit floue 77 3 Le resserrement 81 Retour sur le pass 82 Les analogies pratiques 83 En conclusion l autonomie du moi multiple 86 Les preuves de la dispersion Chapitre 3 L mergence soi par le monde 88 1 Partir un projet de l intime 91 Le voyage derni re tape de l affranchissement 94 Un cadre de mise l preuve de soi et des autres 97 2 Les communaut s initiatiques 101 3 La fragilisation de soi 104 Le retour aux sources 107 La mise en abyme du voyage 108 4 La r volution de soi 109 En conclusion le voyage comme exp rience r flexive 111 Chapitre 4 Quatre exp riences communes de la dispersion 113 1 L insularit 113 Des assignations spatiales et sociales 116 Les territoires du morcellement de soi 117 2 La co pr sence 121 L identit dans la proximit 121 Les mobilit s d aventure 125 L exotique est quotidien 126 La mondialisation du proche 129 3 Les navettes 133 L tendue sans fronti re 133 Le multi ancrage 134 Etre soi la carte 135 La logique du retour et ses ressorts 136 L exp rience du vide 145 4 Le cosmopolitisme 151 Une int gration sociale d territorialis e 151 Les territoires mobiles 153 En conclusion des communaut s mobiles 155 Conclusion 157 Bibliographie des articles et ouvrages cit s 160 Annexe m thodologique 164 1 L
146. axi vers l a roport il ne faut pas qu il y ait de bouchon du d collage de l avion l heure si possible car dans le cas contraire la correspondance sera rat e ou la voiture r serv e la gare sera prise par quelqu un d autre jusqu au retour la maison peut tout compromettre Un dernier l ment doit tre pris en compte Le d placement s effectue au nom d un commanditaire ce qui oblige l efficacit se pr senter au mieux de soi m me puisque c est l entreprise que l on repr sente Si les enjeux les dossiers d battus sont importants le navetteur peut subir une pression qui est un facteur suppl mentaire d inconfort Les navettes internationales constituent ainsi des exp riences qui sans tre syst matiquement angoissantes sont v cues au minimum comme des d sagr ments in vitables dans lesquels les navetteurs s efforcent de minorer leur implication 141 Tarrius op cit p 66 142 Sauvage et al op cit p 136 143 Giddens op cit p 30 sq Giddens note que les individus ont g n ralement confiance dans les syst mes experts et que c est cette confiance routini re qui favorise l ampleur de la dispersion du monde moderne Mais Giddens note l mergence simultan e de nouvelles formes de vuln rabilit psychologique li es au fait que la confiance dans les syst mes abstraits n est pas aussi gratifiante sur le plan psychologique que la confiance envers les
147. bien expliqu les choses on a montr des photos On sentait une certaine inqui tude vous tes s rs vous ne voulez pas changer d endroit Ils ont essay un peu de nous r orienter vers d autres pays mais bon la d cision tait prise Les amis Vous tes fous mais qu est ce que vous allez faire l bas Pourquoi vous allez l bas Mais tu es folle c est l angoisse c est les vacances pourquoi tu te fais ch avec a Tu vas tre habill e de la t te aux pieds c est des vacances on ne comprend pas pourquoi vous cherchez tre compliqu s pour nous les vacances c est deux semaines Djerba la mer ne plus rien penser on se fait tellement ch dans la vie pourquoi vous allez vous faire ch l bas Incompr hension totale du but de ce voyage Les coll gues de boulot les blagues Tu nous feras ton testament tu as pris qu un billet aller pourquoi tu vas te faire ch l bas trois semaines et demie alors que tu peux passer trois semaines au soleil vous tes fous quoi Surtout moi en tant que fille Quoi tu vas porter le voile a ne te d range pas de porter le voile Partir c est aussi se d marquer de sa soci t d appartenance en remettant en cause les discours d exclusion qui fondent son unit Partir en Iran en Jordanie en Palestine am nent nos interlocuteurs prendre position contre les m dias qui v hiculent des images n g
148. bord par petits pas par petits allers retours Les quelques kilom tres les plus significatifs dans la vie d un individu sont ceux qu il met pour la premi re fois entre son domicile et celui de ses parents Puis cette d cohabitation devient desserrement Les parents et les proches familiaux ne sont pas les seules personnes vis vis desquelles les d butants souhaitent prendre leurs distances C est aussi le cas des amis de l enfance et de l adolescence des connaissances pratiqu es au lyc e ou dans le cadre des activit s de loisirs Pour certains le d sir de voyage merge dans ce processus de desserrement lorsque les tudes les premiers jobs le d but d une vie de couple l acc s au d placement autonome avec la premi re voiture leur permettent d laborer un territoire dont le domicile et les lieux parentaux ne sont plus qu un centre parmi d autres Plus pr cis ment le voyage est une des derni res s quences de ce processus Partir suppose de disposer de suffisamment d argent car m me v cue dans une relative pr carit dans un certain inconfort l exp rience co te cher avec le billet d avion d ventuels frais de visa les frais du s jour Or il n est pas question de partir avec l argent des parents Si l on accepte l argent des parents pour la vie quotidienne d tudiant ou lorsque les premiers emplois ne suffisent pas tout fait l installation il n est pas question de demander
149. bsence d enfant ou m me motivation exprim e de mani re n gative la crainte de ne pouvoir le faire plus tard Vincent dit tout cela en m me temps Il y a plusieurs facteurs en fait c est vrai que dans mon entreprise je suis aux 35 heures donc j ai 12 semaines de cong s dans l ann e J aime bien bouger et donc on s est dit qu il fallait profiter de ce moment l de cette p riode l de ta vie n ayant pas d enfant ayant de largent ayant du temps libre il fallait partir en fait enfin en profiter de a de ces atouts l pour partir il y a cet aspect l Pourquoi on part autant et avec autant de facilit s ben parce qu il ces trois facteurs l argent le temps et une vie sans L idiot du voyage Histoire de touristes 1993 Payot coll Document 270 p 1 dition 1991 91 Les preuves de la dispersion enfant C est pas quand on aura 45 ans qu on pourra le faire Donc on le fait maintenant A l chelle de notre tout chantillon de 13 personnes d ventuelles d terminations sociales du voyage sont invisibles Pour certains le voyage est pr sent comme une pratique h rit e ancr e dans l histoire familiale Une partie de nos interlocuteurs ont voyag ME et moins souvent l tranger avec leurs parents lorsqu ils taient jeunes Michael a beaucoup pratiqu avec ses parents les vacances itin rantes et sans grand souci du confort de campings en campings de mani
150. c s l automobile pour les personnes et les m nages faibles ressources rapport pour le minist re de l Equipement 2002 97 p 116 Les preuves de la dispersion d marches administratives et de sant courses Le d placement de loisir est beaucoup plus rare On va Saint Malo parfois ou Dinard Mais c est rare c est pas vident C est pas tr s vident chaque mois de partir une journ e Saint Malo Il faut payer le train il faut manger l bas Enfin vous voyez Il y a une question de moyens financiers Les int grations familiales sont aussi probl matiques fragilis es par les divorces les ruptures les disputes durables les deuils ou les pertes de contact qui font suite l loignement L absence de choix du lieu de r sidence complique les relations de voisinage Souvent le souci de se pr server d un jugement n gatif d autrui dissuade de nouer et d entretenir un r seau relationnel Les propos du type je n ai pas d amis je ne vois personne je suis vraiment seule sont revenus comme des leitmotivs au cours des entretiens L assignation territoriale se double de forts sentiments d enclavement et d isolement social La dispersion quotidienne est r duite rien Faute de voiture faute d argent pour des escapades de week end ou des vacances faute enfin et surtout de parents ou d amis visiter les territoires environnants plus ou moins proches la c
151. calage entre les modes d organisation des territoires Nous avons rencontr plusieurs personnes dont l assignation au territoire voire au domicile pour les femmes est li e l incapacit de comprendre de lire le fonctionnement de la ville fran aise o elles habitent L cart lement porte aussi dans un registre symbolique et affectif Certains des jeunes gens issus de l immigration enqu t s bien qu tant de nationalit fran aise et tablis en France depuis leur plus jeune ge voire y tant n s vivent un cart lement entre leur pays et leur autre pays qu ils ne connaissent pas ou pas toujours mais o ils consid rent avoir leurs racines et o ils localisent des dimensions fondamentales leurs yeux de leurs identit s ce sont les cas de Nadia ou de Charlie examin s dans le chapitre consacr aux d butants Dans une certaine mesure brid e par la mauvaise connaissance que l on en a le d racinement caract rise aussi le parcours biographique des SDF et des zonards Rares sont les membres de ces populations qui vivent dans leurs villes d origine entendu celles o ils ont travaill t scolaris s o ils ont v cu une vie familiale ou conjugale Un quart peine des SDF comptabilis s un moment t dans une ville en sont originaires ce ratio est de un sur deux pour la population disposant d un domicile fixe Pour d autres enfin le d racinement trouve sa source dan
152. centrer sur les types et quelques contenus d exp rience de la dispersion Nous avons termin le premier chapitre sur une typologie simplifi e de ces exp riences Rappelons que nous combinons deux crit res celui d une dispersion plus ou moins forte ou faible Nous synth tisons dans ce crit re la dispersion biographique le nombre des d m nagements et leur amplitude g ographique changement de villes de r gions ou de pays et la dispersion quotidienne les personnes sont elles plus ou moins multi ancr es et quelles sont les chelles g ographiques de ce multi ancrage Cette synth se bien s r est empirique mais elle est pertinente un certain niveau de g n ralit Le second crit re est celui du type d int gration sociale pratiqu e par les individus dissoci e segment e pour certains qui vivent dans des univers sociaux cloisonn s les uns par rapport aux autres globaliste pour d autres qui imbriquent m langent les univers sociaux auxquels ils participent La combinaison de ces crit res donne quatre types d inscription territoriale quatre types d exp riences de la dispersion l insularit la co pr sence les navettes et le cosmopolitisme 1 L insularit Le principe central de l insularit consiste dans l assignation forte et durable des personnes des territoires tr s troitement d limit s Si la fragmentation des territoires gonne lieu une soci t archipel selon la judi
153. ces immigr s peu 4 C est ce qui ressort du travail d Alain Rallet et de Claire Charbit Les usages locaux d Internet vers de nouvelles formes de proximit et de mobilit urbaines Rapport pour le PUCA 2004 17 Les preuves de la dispersion mobiles au quotidien pratiquent l chelle du parcours biographique des mobilit s r sidentielles consid rables On voit avec ces deux exemples simplifi s que le loin et le prucis a participent de configurations que l indicateur du kilom trage n puise pass Dans ce registre de probl mes Michel Grossetti a livr r cemment une tude traitant du d ploiement dans l espace des relations sociales des individus Un des principaux r sultats de ce travail est d tablir qu en 2002 83 des relations sociales d un individu vivant dans l agglom ration toulousaine sont situ es moins d une heure de son domicile Les ancrages peuvent donc tre dans une soci t dispers e singuli rement proches ce qui sugg re bien une recomposition de toutes les chelles territoriales et non une simple extension des territoiresE D autre part l extension de certaines mobilit s chez certaines populations n implique pas la disparition du proche des territoires de la proximit L image de Jean Viard pour tre forte para t inexacte Aussi sommes nous vite perdus dans notre proche Le voisin d j est presque un inconnu la route qui nous sort de notre q
154. cieuse expression de Jean Viard les insulaires ne pratiquent qu une le de l archipel dont ils ne peuvent s affranchir du moins physiquement car ils peuvent tre par ailleurs engag s dans d importantes mobilit s mentales 126 Viard J op cit 113 Les preuves de la dispersion L insularit proc de de deux types de parcours biographique Le premier est celui de personnes natives du cru et qui ne lont jamais quitt Elles sont n es l o elles r sident ou proximit imm diate et n ont que tr s peu d m nag Le cas ch ant ces d m nagements ne s effectuent que sur de tr s courtes distances l occasion du passage d une commune voisine l autre ou d un changement de cit s ou de cages d escaliers Le deuxi me type de parcours possible menant l insularit est celui du d racinement On peut voquer plusieurs cas de figure Celui d abord des personnes issues de l immigration de premi re g n ration mais aussi dans une certaine mesure de seconde g n ration Les uns et les autres vivent un cart lement entre le pays d origine et le pays d accueil observable dans plusieurs registres D une part le registre pratique de la privation des ressources relationnelles puisque famille amis et alli s sont rest s au pays D autre part le registre cognitif du d calage entre les modes de vie les rythmes de vie des pays d origine et d accueil mais aussi du d
155. compte que d une mani re tr s partielle de l importance croissante de la mobilit dans toute son extension au sein des soci t s contemporaines Plusieurs chercheurs ont fait valoir juste titre de notre point de vue que la mobilit est un fait social total au sens de Marcel Mauss Mais on se souvient que ce dernier poursuivait sa formule en disant que le fait social total c est le M lan sien c est dire que le v ritable fait social total concret c est l homme Or la socio conomie des transports claire la dynamique de sp cialisation des territoires et ses enjeux aff rents bien plus qu elle n claire l homme contemporain Le rapport de l homme ses espaces de vie ne se limite pas au nombre d allers retours effectu s Voir par exemple Campagnac E Mobilit et transformation des modes de vie ouvriers in Les Annales de la recherche urbaine 1978 n 1 pp 80 89 ou Haumont A et al La mobilit des citadins 1 partie mobilit et modes de vie Paris Institut de sociologie urbaine 1977 141 p 37 Bonnet M Analyse et synth se des discussions de l atelier transport espace et de mode de vie in Transports et soci t Actes du colloque de Royaumont des 26 et 27 avril 1978 op cit pp 401 465 38 Ici nous faisons bien s r r f rence aux nombreux travaux conduits l initiative entre autres de Isaac Joseph par les chercheurs de la mission prospective de la
156. concours de saut de barri res La mobilit permet cette personne de recomposer radicalement son conomie de vie quotidienne recomposition des appartenances sociales et des rythmes de vie acc s un univers de sensations de rencontres de jeu de prise de risque de mise en danger de soi Plus globalement voil une personne qui gr ce la mobilit construit une inscription territoriale dans laquelle elle a une identit gratifiante au lieu d tre prisonnier d appartenances sociales mutilantes et abstraites La mobilit lui permet de s approprier son rapport la vie Paris c est l aventure tout peut s y passer linfini possible des rencontres le multiculturalisme la grandeur la faille des choses c tait significatif d avenir si vous voulez je projetais lavenir dans le territoire autour des grandes b tisses des avenues tr s larges une journ e qui passe et vous avez l impression que a ne dure que deux heures vous pouvez tout faire en fait il n y a aucune limite Se retrouver avec le bourgeois du coin je veux dire vous fr quentez certaines personnes si vous tes zonards vous allez en voir d autres il n y a vraiment aucune limite a clatait compl tement le monde il y a beaucoup d trangers le quartier tranger et puis il y a certains quartiers qui ont une certaine chaleur je pense Pigalle c est un voyage en soi si vous voulez parce que c est international on sent bien que
157. courante Plusieurs de nos interlocuteurs ont des lieux de week end ou de vacances habituels int gr s de fa on tout fait usuelle leur inscription territoriale cabanons le long de la Vilaine campings ou centres de vacances maisons de famille Plusieurs passent les fronti res vers des pays trangers pour des voyages d agr ment S ils sont r guliers ces d placements plus lointains ne sont pas fr quents Ils sont aussi v cus sur le mode de la rupture des routines voire de l aventure L inscription forte et ancienne dans la proximit tend loigner symboliquement les territoires non routiniers Pour nos interlocuteurs issus des milieux plus modestes employ s ouvriers le centre ville per u comme un espace riche ou le bord de mer sont d j des territoires d aventure Pour eux l acc s aux pays trangers constitue une exp rience valorisante 125 Les preuves de la dispersion Ces mobilit s lointaines s accomplissent souvent au sein des r seaux sociaux constitu s dans la vie quotidienne de proximit Les sph res d int gration familiale professionnelle et amicale balisent le d placement lointain qui est ainsi une aventure prot g e Le loin g ographique est en quelque sorte encadr par les proches famille amis connaissances diverses Constant et sa famille partent tous les ans en vacances et tous les ans ils optent pour une nouvelle destination Mais ce sont invariable
158. d affranchissement De la m me mani re Internet et le t l phone portable sont pratiqu s surtout pour organiser la soir e avec les personnes crois es toute la journ e Ces modes de communication sont utilis s de mani re redondante avec le face face Ils ne servent que marginalement sortir de la proximit La proximit est un espace important pour les jeunes car ils peuvent la ma triser ce qui est un enjeu crucial dans l optique de l affranchissement des tutelles Mais ils ne limitent pas leurs d placements ces espaces du proche Les espaces plus lointains sont investis travers deux pratiques qui sont l encore relativement difficiles d m ler Les jeunes ne quittent Rennes qu en d assez rares occasions Le plus souvent ils le font dans le cadre de d placements d impulsion peu programm s la plage en t une f te une sortie un peu lointaine quelques jours chez un ami profitant de la maison de campagne des parents Plus rarement encore ils vont plus loin A Paris car ils sont nombreux y avoir un h bergement possible chez un proche ou d autres grandes villes comme Barcelone ou Amsterdam Ce sont l des d placements collectifs v cus sur le mode de l aventure Ces voyages incluent une 4 Roulleau Berger L op cit 35 Jean Samuel Bordreuil a clairement fait la preuve que la voiture est l outil de sociabilit s denses et riches 50 Les preuves de la dispersion certaine prise
159. dans quelques villes Ils n envisagent pas m me cette possibilit Charlie a deux tantes sur Paris et Cr teil Il ne les a pas sollicit es une seule fois lors de ses d placements de week ends pr f rant une chambre d h tel qui lui co tait tellement cher qu il ne peut plus aujourd hui s offrir ces escapades L imp ratif d autonomisation d affranchissement l gard des tutelles familiales et des r seaux sociaux de la p riode scolaire structure les repr sentations et les pratiques territoriales y compris pour ceux qui ont des voitures Les mobilit s hors des territoires de proximit sont objectivement modestes Elles sont n anmoins subjectivement significatives Les aventures du type de celle d Anna s Barcelone de Thierry Amsterdam ont une grande importance leurs yeux pr cis ment parce qu elles t moignent de leurs capacit s d affranchissement Plus globalement les jeunes entretiennent une grande proximit repr sentationnelle avec les territoires lointains et notamment trangers Faut il y voir un effet d une g n ration pour laquelle l avion et le voyage intercontinental sont les ingr dients de base de la publicit G n ration qui vit par ailleurs au quotidien et tout particuli rement l universit la r alit de l immigration et de l change internationali Ces personnes qui ont une vingtaine d ann es appr hendent de 3 Epstein R Fontaine A et Amaouche M D
160. de circulation pratique minoritaire et oppos e au tourisme de transplantation qui est celui de personnes quittant leur domicile principal pour s installer au soleil et au bord de la mer dans une autre vie d habitudes et de routines Urbain J D 90 Les preuves de la dispersion Nos interlocuteurs et leurs voyages Pseudonyme Age Le ou les voyages Yann 30 Un mois en Inde Marie Laure 26 Un mois en Inde Vincent 30 Plusieurs voyages au Maghreb Proche et Moyen Orient R gis 21 Trois mois en Nouvelle Cal donie Micha l 30 Plusieurs voyages Madagascar au Maroc l amie de Mathilde Mathilde 24 Plusieurs voyages en Egypte et Madagascar lamie de Micha l Aude 21 Un mois au Vietnam et un mois en Jordanie Justine 21 Un mois en Jordanie Pauline 20 Deux s jours de plusieurs mois au Mexique Mathieu 25 Plusieurs voyages au Br sil et au Mexique Catherine 25 Sept mois au Chili S verine 28 L amie de Vincent De nombreux voyages au Maghreb Proche et Moyen Orient Sandra 30 Le Maroc l Inde le N pal et plusieurs pays d Extr me Orient au moment de l enqu te 1 Partir un projet de l intime Pourquoi partir Nos interlocuteurs ont apport plusieurs r ponses cette question les tr s longues vacances des tudiants les vacances confortables des salari s profitant de la r duction du temps de travail la libert qu offrent le c libat et l a
161. de dispersion r duite Ils sont install s depuis longtemps dans les m mes lieux o ils vivent des engagements sociaux forts et g n ralistes Ils sont critiques de la mobilit qu ils pr sentent comme une id ologie une mode un simple cadre de conformit sociale Mais cet ancrage compte des l ments qui incorporent le monde dans les territoires du proche les espaces de la co pr sence sont largement travers s investis par des espaces lointains Louise donne un exemple simple et usuel de ce paradoxe Elle n a jamais habit ailleurs qu Rennes mais elle est mari e un tunisien et si faute d argent elle n a pas acc s la Den touristique c est une destination qu elle pratique tous les ans depuis 30 ans Dans la mondialisation du proche il faut aussi prendre en compte le fait g n rationnel qui t moigne de changements consid rables Prenons l exemple de Mireille Elle na t il y a une soixantaine d ann es dans une campagne proche de Rennes Enfant elle vit dans la maison que ses parents et ses grands parents partagent Elle est ensuite scolaris e en internat au village voisin Elle se marie vingt ans et s installe Rennes qu elle ne quittera jamais Voil quelqu un qui a 15 D o l importance de mieux int grer les questions relatives aux migrations et aux relations inter ethniques dans la compr hension des soci t s dispers es Comment articuler le d veloppement d Internet et les ph
162. de fr quentation de ces espaces sont galement contre courant de ceux des autres on prend les vacances lorsque tout le monde travaille et on travaille volontiers le week end on d ambule le soir tard dans des quartiers plus connus pour tre des repoussoirs J adore d ambuler vraiment a n a pas chang Hier on s est encore fait une vir e en v lo on n a pas boug de la journ e on bossait dans l appart vers 10 heure et demie du soir on a pris les clous et on est parti On le fait beaucoup beaucoup pied aussi En v lo je peux me retrouver dans des coins nases Je me suis d j retrouv e en Zup sud c est moche mais je m arr te j essaie de voir par o je peux aller La transformation de la ville sur elle m me son jeu de destruction construction de friches prises et d prises inventent des espaces nouveaux La physionomie urbaine changeante ouvre des lieux de d couverte et de d paysement dans l espace du proche G rard dispose 15 kilom tres de son domicile de la maison de ses parents d c d s en proche p riph rie rennaise dans ces couronnes qui ne sont ni ville ni campagne Sa femme et ses enfants trouvent que cette maison est trop proche trop peu d paysante pour y passer ne serait ce qu un week end a fortiori des vacances La valorisation ambiante de la mobilit lointaine disqualifie la maison Cette disqualification inscrit la maison dans une sorte de no man
163. de la dispersion dur e d installation des individus Les lieux de 25 ans de la vie d une personne sont r unis en un mouchoir de poche De petits d placements dans l espace font faire des bonds dans le temps biographique De ce fait les territoires de la vie quotidienne sont pour les individus satur s de sens Le temps passant les enfants grandissent et partent les situations professionnelles et les niveaux de revenus de nos interlocuteurs s am liorent Les co pr sents pourraient alors aller s tablir ailleurs en profitant par exemple d une opportunit professionnelle Ils ne le font pas et demeurent o ils sont C est qu intervient un effet de seuil Longtemps immobiles les co pr sents n ont pu nouer de liens ailleurs Ils n ont qu une seule base tr s int gr e mais unique Un d m nagement les am nerait perdre tous leurs r seaux et simultan ment les fondements de leur identit sociale et intime L effet cumulatif observ chez les insulaires d m nagement sentiment de rupture mauvaise int gration d m nagement etc rev t ici une dynamique vertueuse installation durable appropriation des lieux int gration sociale gratifiante localisation renforc e appropriation renforc e etc Il faut prendre en compte aussi dans ce renforcement de l ancrage les situations professionnelles Qu ils soient femme de m nage employ ou bien consultant
164. de la vie quotidienne Vous tes peu attach e a aussi Engu t e J ai tr s peu d objets Si j ai h rit familialement de quelques choses de valeur Donc quand j ai d m nag j ai bien d mettre a dans des paquets et il y a des choses qui sont jolies et a provient de ma famille Mais dire que j y suis visc ralement attach e serait faux Elles sont l elles font partie de ma vie car elles sont l mais c est tout D ailleurs au fur et mesure des d m nagements on en laisse et on en abandonne C est un d cor de vie et le d cor ce n est pas l essentiel de la vie Les dimensions de l identit individuelle ne sont pas inscrites dans des lieux pr cis hormis le territoire des origines qui feraient l objet d une appropriation forte L identit des cosmopolites est atopique Si l utopie est un lieu qui existe dans le r ve ou le projet politique un lieu atopique est sans topos il n est pas situ localis Ces personnes qui ont une connaissance pratique importante de nombreuses villes r gions et pays qui peuvent s y sentir en familiarit relative ne sont retenues ou captives d aucun Pour les personnes voqu es ici le kilom trage ne fait plus sens En conclusion des communaut s mobiles Voil esquiss es quatre mani res fort diff rentes de vivre la soci t dispers e qui ne se r duisent pas aux pratiques de mobilit mais qui combinent les engagements sociaux et les rap
165. des destinations lointaines et vari es Enqu teur Qu est ce que vous retenez de ces voyages Michel Pas grand chose Engu teur Pour vous c est une exp rience particuli re Michel Non J y vais vraiment en tant que touriste visiteur et c est tout A une autre personne qui a beaucoup voyag et continue de le faire assez r guli rement nous demandons Engu teur Vous pouvez me parler de vos voyages 146 Les preuves de la dispersion Engu t e long blanc Les voyages ne m ont pas laiss un souvenir bouleversant Ces propos expriment une exp rience totalement cras e banalis e Le voyage lointain est motiv par le d sir de faire une exp rience v ritablement d paysante d tre boulevers Il est g n ralement pr par de longue date un peu comme l on se pr pare recevoir un choc physique L intellect et les sens sont mis en veil par la lecture de guides de cartes etc Le kilom trage est appr hend comme une garantie d intensit plus c est loin plus le choc devrait tre grand Ce n est pas ce qui se produit Les touristes prouvent le sentiment particulier de rester ext rieurs aux lieux aux situations qu ils vivent dans les pays travers s Les touristes font sur place l exp rience d tre les t l spectateurs de leurs propres situations Ce sentiment de d calage de non co ncidence d eux m mes avec la situat
166. des trois autres groupes lesquels se distinguent fortement entre eux a les migrants originaires d autres r gions b les personnes install es dans la r gion de Lan on depuis les ann es 1970 et c les nouveaux p riurbains ayant conserv leur travail Marseille Sur cette base descriptive des territoires pratiqu s l auteur note que la diversit des pratiques semble se rapporter une probl matique touchant d une part l identit des groupes distingu s et d autre part les interactions entre ces groupes Elkana Affandi rep re ensuite les l ments qui structurent ces diff rents territoires identitaires Pour le groupe des anciens l l ment d terminant r side dans l attachement affectif au patrimoine symbolisant la communaut mairie glise cole et la lign e familiale Les anciens pratiquent un territoire d limit bord par leurs ascendants L identit territoriale des migrants originaires d autres r gions est fond e sur d autres logiques le d sir de s int grer autant que possible la communaut locale villageoise et le sentiment simultan e et contraire de n y avoir pas vraiment sa place ce qui les oblige de fait pratiquer d autres lieux o l on croise d autres migrants avec lesquels les relations sont denses Pour les arriv s plus r cents navetteurs vers l emploi Marseille la logique est encore diff rente L implantation participe d un arbitrage en
167. e l acc s des femmes au march de l emploi et la d sertion de la maison la d mocratisation de l enseignement sup rieur et les 7 d ex ticas l tranger 36 Les preuves de la dispersion migrations vers les villes universitaires l mergence des collectivit s locales et les transformations de la citoyennet la diffusion de ce qui tait encore des nouvelles TIC etc Notre bref examen d indicateurs d une dispersion complexe voir ci dessus illustre cette d prise D s lors que l institution territoire socialise de mani re moins pr gnante les individus vivent la m me situation qu l gard des autres institutions D une part les mod les de comportement possibles sont plus nombreux et surtout ils ne s imposent pas aux individus relativement plus libres de choisir une partie au moins de leur inscription territoriale Cette formulation est prudente car il convient de l tre L id e d une soci t dispers e qui serait celle du soi la carte ne d crit probablement que quelques situations minoritaires Notre propos n est pas de recenser les facteurs de la dispersion mais de voir comment celle ci est v cue par les individus Etre engag dans la dispersion c est perdre ses racine partie de son identit s loigner de ses r seaux de la chaleur du foyer JE C est aussi gagner en libert avoir la possibilit d un choix potentiellement plus grand d apparte
168. e la d cohabitation est une exp rience partag e par tous et si les modalit s diff rent selon les milieux son vidence sociale r duit la port e de l preuve Mais tre mut dans une r gion o l on ne conna t personne tre brutalement priv par le ch mage de la fr quentation du quartier o l on a travaill 25 ans tre priv de ses amis parce qu ils partent tous vivre ailleurs sont de ces preuves plus difficiles parmi mille autres que la soci t dispers e nous impose Ces questionnements sont d limit s par deux options Les preuves de la dispersion La premi re option r side en un postulat th orique Nous nous int ressons la mani re dont les individus construisent leurs rapports aux territoires et se construisent eux m mes dans ses rapports bien plus qu leurs seules pratiques de mobilit L analyse des relations entre mobilit et territoire est complexe Il en est de ces notions comme de la poule et de l uf laquelle est premi re Laquelle est d terminante Aucune Les deux dimensions sont analytiquement indissociables Mais empiriquement les choses sont tr s diff rentes Rendre compte de la mani re dont les individus se d finissent dans leurs relations aux territoires am ne en effet prendre en compte des mobilit s tr s diverses Un individu produit son inscription territoriale travers des d placements physiques concrets pied en voiture en avion etc mai
169. e Elle se replie quelques temps chez ses parents en Bretagne Elle cherche un travail Rennes grande ville susceptible de lui permettre de ne pas abandonner sa sp cialit professionnelle la biologie Elle d croche un emploi et s installe dans l urgence en b n ficiant d une HLM Mais le quartier est excentr ne lui pla t pas pas davantage que l cole o elle scolarise sa fille Elle d m nage donc nouveau dans un quartier qui lui convient Mais le loyer engloutit une part importante de son revenu de m re isol e Andr e est aujourd hui partag e entre un lieu pratiqu Rennes qu elle d teste et o elle est isol e et un lieu r v Paris transfigur e par le souvenir mais qu elle ne fr quente plus gu re faute d argent pour le train mais aussi parce que ses amis d avant sont partis vivre ailleurs Des assignations spatiales et sociales Ces parcours biographiques difficiles se combinent de mauvaises int grations sociales Les insulaires ont des situations professionnelles pr caires ch mage de longue dur e succession de jobs instables emplois d class s et peu gratifiants notamment travers toutes les formes d emplois aid s CES CEC etc De fait leurs capacit s conomiques sont extr mement r duites Cette modestie p cuniaire restreint leur dispersion quotidienne Les insulaires ne disposent pas de voiture C est le cas de 12 simplement des populations que nous avons enqu
170. e de premi re couronne 16 Jean Marie 47 Ing nieur Divorc deux Maison dans enfants une commune de premi re couronne 17 G rard 53 Collaborateur Mari deux Collectif dans d architecte enfants un quartier p ricentral 18 Catherine 41 Documentaliste Mari e un Collectif dans enfant le centre 19 Michel 39 Professeur de lyc e C libataire sans Maison dans enfant un quartier p ricentral 20 Patrick 30 Etudiant de Vit en couple Collectif dans troisi me cycle avec un enfant un quartier p ricentral 21 Martine 47 Intermittente du Vit en couple Maison dans le spectacle deux enfants centre 166 Les preuves de la dispersion 22 Constant 55 Ouvrier dans une Mari 4 enfants Collectif dans entreprise publique un quartier p ricentral 23 Andr e 48 Contrat emploi Divorc e une Collectif dans consolid fille le centre 24 Emilie 37 Charg e d tudes Vit en couple Collectif dans sans enfant le centre 25 Louise 48 Ouvri re d entretien Mari e trois Collectif dans enfants un quartier p ricentral Les jeunes ayant pratiqu un voyage initiatique 13 personnes 8 femmes et 5 hommes Pseudonyme Age Activit Situation Lieu de personnelle r sidence 26 Yann 30 Ouvrier temps Vit en couple Rennes partiel en usine dans un appartement un enfant 27 Marie Laure 26 Charg e de mission Vit en couple Rennes
171. e pas final avec son d part pour 7 mois Avant je n tais pas capable je n tais pas pr te a s est fait petit petit Il y a eu plusieurs ruptures celle de Toulouse de Nancy o j tais toute seule et d autres en Allemagne en Hongrie Donc a c est fait par tape Jusqu au moment ou je me suis senti pr te d gourdie Pour d autres personnes le voyage vient scander les remaniements de l identit li s la rencontre avec un e compagnon compagne ou la rupture Pour S verine le voyage fournit le cadre de sa mise en couple avec Vincent Elle n a jamais voyag Vincent est au contraire un routard exp riment et c est lui qui propose sa nouvelle compagne ce d part en commun je me suis dit pourquoi pas Pourquoi pas partir Je lui faisais compl tement confiance Le voyage est le moment de la mise l preuve du nouveau couple celui de sa mise en forme travers une exp rience partag e Pauline part pour un long p riple travers le Mexique avec son nouveau compagnon Du fait de l isolement par rapport aux environnements usuels cette rencontre est v cue avec une grande acuit Ca a t une grande exp rience pour apprendre se conna tre encore plus On avait d j pass cinq mois ensemble avant de partir mais l a t une grande d couverte de l autre Le voyage sert aussi d nouer rompre se r tablir d une s paration Apr s le divorce j
172. e 27 770 tudiants repr sentatifs des tudiants fran ais Voir aussi Grignon Cl et Gruel L Le logement tudiant Observatoire de la vie tudiante ron o octobre 2003 16 p 57 Les preuves de la dispersion Les pratiques r sidentielles des tudiants 17 19 ans 20 21 ans 22 24 ans 25 29 ans 30 ans et Vit chez ses parents 67 3 59 7 45 2 22 9 6 3 Vit seul 17 2 17 5 23 5 23 3 21 9 Vit avec des amis 3 7 5 4 4 0 5 3 0 3 Vit en couple libre 5 6 12 1 20 3 29 4 22 4 Vit en couple mari 1 9 1 9 3 2 15 8 39 5 Autre cas 2 5 2 5 2 5 2 4 8 5 Sans r ponse 1 8 0 9 1 3 0 9 1 1 Total 100 100 100 100 100 N 23 683 Concernant les taux de motorisation ils sont inversement proportionnels d cohabitation 60 3 des tudiants disposent en permanence d une voiture L usage de la voiture augmente r guli rement avec l ge L indice est de 59 18 ans de 127 22 ans de 185 24 25 ans de 264 apr s 25 ans Plus g n ralement l usage de la voiture s accro t au fur et mesure sur l tudiant s tablit dans une vie ind pendante L indice est de 126 pour ceux qui vivent en couple et de 135 pour ceux qui ont une activit r mun r e r guli re Les mobilit s d affranchissement englobent la d cohabitation mais ne s y limitent pas La d cohabitation d signe l installation du jeune ind pendamment de ses paren
173. e l ATP socio conomie des transports s inscrivent dans cette continuit dont elles vont raffiner les approches sans en modifier les fondements Il convient toutefois de pr ciser que ce programme de recherche n tait pas monolithique Il int grait aussi quelques recherches optant pour des d marches plus qualitatives visant appr cier par exemple comment la ee a impactait les modes de vioja quels taient les mod les culturels de la mobilit Soulignons aussi que si l objet de la socio conomie des transports tait assez troitement d limit il a donn lieu des mises en perspective th oriques tr s affirm es qu il s agisse du marxisme des travaux du CERFI appliquant aux quipements urbains les grilles analytiques de Michel Foucault ou encore bien plus tard d une Ent va interactions entre protagonistes humains et techniques du monde du transporte Il faut enfin observer que ce programme reste enti rement pertinent Les transformations continues des formes urbaines et les nouveaux enjeux du d veloppement durable ou du droit au transport pour ne citer qu eux actualisent sans cesse la socio conomie des transports Ainsi plusieurs contributions un r cent programme de recherche financ par le minist re de l Equipement Mobilit s et territoires urbains s inscrivent clairement dans le cadre probl matique esquiss plus haut Il n en demeure pas moins que la socio conomie des transports ne rend
174. e leurs identit s sociales Cela appara t d autant mieux chez les d butants qu ils instrumentent intentionnellement la mobilit dans cet objectif Chez eux la mobilit est explicitement consid r e et v cue comme le support de l affranchissement Ils ont conscience que la capacit devenir eux m mes est directement li e leur capacit se soustraire aux contr les et aux appartenances exclusives Pour conclure ce point rapportons ce propos d un jeune Au d but de ses tudes il rentrait tous les week ends chez ses parents et retrouvait alors la bande de copains qu il c toyait depuis le coll ge A l troit chez ses parents et dans son groupe de pairs tourn vers la so lographie des vendredis et samedis soir au village heureusement dit il j avais une voiture 3 Le resserrement Le resserrement est le processus sym triquement inverse du desserrement par lequel le d butant tout en s mancipant de son inscription sociale de mineur s implique dans un certain nombre de lieux et de relations sociales travers lesquels il se d finira en propre Le resserrement est le moment partir duquel dans le cadre d essais d erreurs d exp rimentations le d sir de rester pour un temps au moins prend le pas sur le d sir de changer Anna s apr s avoir v cu une premi re ann e difficile chez une logeuse Angers puis une autre ann e en colocation avec d autres tudiants prend pour la
175. e part d ancrage et une part de mobilit Nul n est enti rement et toujours mobile Si les navetteurs internationaux consacrent une part significative de leur vie professionnelle l avion et aux missions en pays trangers on sait qu ils sont par ailleurs solidement camp s sur les territoires de r sidence ils ont par ailleurs des strat gies des techniques des rituels pour r duire Kaufmann J C1 La chaleur du foyer M ridiens Klincksieck 1988 7 Certes quelqu un travaillant entre Paris Londres et New York peut certainement se dispenser de l offre promotionnelle du week end 1 37 Les preuves de la dispersion le co t psychique et intime des preuves de la dispersion Alain Tarrius raconte avec d tail comment tel cadre international consacre avant une mission plusieurs heures d ambuler dans une ville aim e pour se charger de paysages d ambiances pour fonder son ancrage et son identit avant de les mettre l preuve Nul ne peut tre non plus enti rement ancr totalement immobile sous peine 1 marginalis C est le cas de ceux que nous d signons comme les insulaires durablement astreints des territoires troits dont ils ne sortent que rarement Mais nul non plus ne doit tre sans ancrage sans appartenance Ceux qui sont dans ce cas vivent nous le verrons de situations difficiles de morcellement d eux m mes Les individus doivent donc parvenir op rer des ajusteme
176. e sa curiosit de sa mani re d tre dans des espaces lointains africains en l occurrence par le truchement des membres de son r seau social C est compl tement le hasard mais parmi les premiers habitants du quartier avec qui j ai nou le premier tait kabyle Et puis apr s dans la m me cage d escalier il y avait un thiopien Et le troisi me il est camerounais Le hasard qui pr side ce type de rencontres et d ouverture indirecte une soci t dispers e chez Bruno plusieurs sources Ainsi son p re tait responsable syndical et Bruno se souvient enfant avoir vu passer chez lui plusieurs coll gues syndicalistes certains africains Bruno voque aussi pour expliquer cet lan vers des personnes trang res son physique 131 Les preuves de la dispersion Pai des copains arabes qui me disent que c est mon c t arabe M me si je ne suis pas arabe mais on me dit toujours tu serais avec nous au Liban tu passerais pour un Libanais On peut avancer que les personnes ayant elles m mes une grande exp rience de la dispersion c est le cas des immigr s sont plus ouvertes attentives aux d marches de contact On peut galement penser que Bruno cherche dans le contact avec des trangers une compensation un d sir frustr de voyages Ces liens sont anciens Etudiant Bruno tait d j engag dans des relations qu on pourrait dire mondialis es Je me souvi
177. e substitut aux voyages tout en le pr parant J ai pass mes cinq ann es d tudiant voyager dans ma t te puisque je ne pouvais voyager autrement Je lisais des tas de bouquin mais je n arrivais pas franchir le pas Quand je rentrais le week end chez mes parents je mettais mes affaires dans le sac dos et je me souviens que quand je fermais la porte de ma chambre je disais et si tu partais l comme a J imaginais cela mais jamais je ne lai fait Je pense que je n tais pas pr t je lisais des tas de choses mais est ce que j tais pr t faire la m me chose 120 On mesure bien sur le groupe l effet de g n ration en mati re de voyages Pour les classes moyennes le voyage l tranger est une pratique rare et relativement tardive pour la g n ration des parents de nos interlocuteurs n s dans les ann es 1940 et 1950 Le voyage l tranger est presque usuel pour quelqu un de 20 30 ans dans les ann es 1990 92 Les preuves de la dispersion moi je n en tais pas s r Je lisais je me sentais tr s tr s proche de tout a a me permettait de parfaire ma culture g ographique mais il y avait un cap que je n arrivais pas franchir Comme je n tais pas frustr je ne vivais pas a mal mais je ne r vais que de voyage Comme des ados vont D ve des vedettes la t l moi je m identifiais des grands voyageurs yA On part aussi pour v rifier ses r ves comme
178. efuser sans avoir faim se fatiguer de la marche de l attente de lits douteux revient rompre avec des pratiques et des codes culturels fondamentaux profond ment incorpor s Les d butants vivent aussi leur exp rience dans ce registre Ils s impliquent enti rement dans l exp rience corps et me Certains des propos de nos interlocuteurs peuvent faire sourire L asc se bien s r est un horizon lointain Mais des tudiants et des jeunes habitu s aux fiestas et aux apr s midis t loche vivent le changement de rythme de vie la perte ponctuelle du confort comme une d couverte importante qui les dispose la veille une attention plus grande leur environnement Il y a des h tels o on se lavait pas parce que c tait trop sale mais quelque part a nous faisait plaisir On ne se lavait pas pendant trois jours mais on appr cie d autant plus la douche apr s On est pas mort de faim mais des fois on avait faim Une fois on est parti sur une le d serte et on a pris du thon des sardines mais on avait pas pris de pain et du coup le lendemain midi quand on a mang et bien on t tr s content de manger Et moi c est a que je recherche dans le voyage On perd nos rep res et du coup on appr cie les choses simples Dans les voyages je recherche cette cassure D arr ter d tre dans cette soci t de consommation de d couvrir comment d autres vives autrement que nous avec notre t
179. eill qui s int ressent aux Mouvements revendicatifs sur les transports 1978 On se souvient que cette th matique du mouvement social urbain a fait long feu en quelque sorte faute de combattants sur le terrain Cette piste de recherche n est plus gu re explor e aujourd hui Le second versant des recherches a connu et conna t encore une meilleure fortune Il est inaugur autour de la question du transport employeur articulant les deux th mes de Monopolville urbanisation et l industrialisation Il s agit par exemple pour Elisabeth Campagnac ou nouveau pour Georges Ribeill et Nicole Mayi de d montrer que la mobilit des travailleurs doit tre prise en charge par les employeurs la mobilit des personnels est un des besoins des entreprises et celles ci doivent l assumer au moins financi rement Ces premiers travaux de recherche urbaine portent donc bien sur le transport comme quipement public permettant la mise en ad quation des modes de vie aux exigences fonctionnelles de la ville tal e Les recherches financ es dans le cadre 34 Castells M et Godard F Monopolville L entreprise l Etat l urbain Mouton 1974 35 Ribeill G et May N Mobilisation de la force de travail bassins de main d uvre industrielle et revendication transport Le cas de l agglom ration rouennaise Minist re de l Equipement coll Prospective et am nagement 1978 253 p 22 Les preuves de la dispersion d
180. el Il appara t n anmoins de mani re relativement explicite dans les entretiens il est relativement conscient et structure de fa on assez intentionnelle les d marches 73 Les preuves de la dispersion Ce projet sous tend les trajets de tous les individus rencontr s mais il appara t avec plus d vidence dans certaines s quences de mobilit ou chez certains comme Patrick par exemple qui pratique un cosmopolitisme d exp rimentation de soi Le cosmopolitisme d exp rimentation de soi Ag de 29 ans Patrick est engag depuis 10 ans dans un encha nement de d m nagements de changements de projection dans des espaces nouveaux Il s arr te de loin en loin passe quelques mois ou quelques ann es dans une ville pour y faire des tudes ou y travailler Le trajet est balis par les r seaux sociaux de la famille proche Ayant peu d argent il est rest jusqu son arriv e Rennes dans les limites du territoire familial ses parents son fr re la famille de son amie qui lui offre les ressources d une stabilisation ponctuelle Mais les engagements sociaux famille et amis travail et tudes ne le retiennent pas longtemps R guli rement il repart Rester en un lieu lui permettrait ventuellement d am liorer sa situation de renforcer ses int grations sociales professionnelles amicales et familiales Mais la volont de s prouver prime et claire cette p r grination de ville en ville La remise en
181. ement aller donne ais ment lieu au d placement retour Il faut aller vraiment tr s loin pour que le territoire retienne ou plus exactement pour que la distance dissuade le voyage en sens inverse Un autre l ment de facilitation est que toutes les villes sont globalement identiques L essaimage de l offre de formations sup rieures fait qu il est possible de faire partout des tudes Partout chacun peut trouver approximativement la m me offre urbaine de services d am nit s d v nements etc Toutes les villes de France ont un quartier tudiant partout il est possible d avoir des bistrots ouverts tard des cin mas des offres de soir e at A dispersion banalise les territoires et les villes Les d butants profitent de cette banalisation pour s affranchir moindre co t Les parents h sitent moins les laisser partir et eux m mes h sitent d autant moins qu ils savent trouver o ils vont ce qu ils connaissent chez eux et qu il est de toute fa on facile de revenir ponctuellement ou d finitivement C est pr cis ment le fait que les territoires ne retiennent pas ou peu qui constitue une des preuves singuli res de la soci t dispers e Les territoires ne socialisent pas et on peut tre quelque part et y rester longtemps sans jamais y tre ancr Les acteurs gagnent en mobilit ce qu ils perdent en appartenance en int gration La dispersion g ographique est v cue comme l indic
182. ement de l exp rience routarde ce ne sont pas de vrais voyages Le vrai voyage est celui qui dure longtemps qui am ne au loin celui qui est choisi par la personne et non par l cole ou les parents celui qui loigne des tutelles enfin celui qui est sous tendu motiv par un projet de voyage int rieur Ce sont toutes ces dimensions ensemble qui font la singularit de l exp rience Le kilom trage ne garantit pas le voyage Les touristes vivent ce paradoxe Ils partent loin mais l loignement n occasionne aucun d paysement aucune sensation d tranget Le kilom trage est souvent pour eux une non exp rience dont ils ne savent pas quoi dire leur retour Les navetteurs internationaux connaissent eux aussi cette d sillusion Ils prouvent cette incapacit transformer le temps consacr aux transports la fr quentation parfois assidue de pays trangers en une exp rience personnelle qu ils pourraient s approprier On touche l une preuve singuli re de la dispersion le d calage entre ce que les individus imaginent pouvoir vivre et ce qu ils vivent vraiment L ouverture des possibles l chelle du monde peut faire para tre d autant plus triqu le hic et nunc de chacun mais la capacit de donner un sens personnel la dispersion n est pas vidente Les routards sont dans une position diff rente Le kilom trage n est pour eux qu une dimension parmi beaucoup d autres d un
183. ement imbriqu s et d autant plus que les individus vont loin La mobilit ne fait pas dispara tre la proximit au contraire L hybridation des mobilit s Il faut aussi tre attentif la mani re dont les registres de mobilit sont articul s les uns aux autres Reprenons l exemple d une femme au foyer Ses d placements quotidiens sont rares Mais elle appartient la cat gorie des personnes qui passent le plus de temps au t l phone Imaginons que cette femme au foyer t l phone plusieurs fois par semaine sa cousine r sidant de l autre c t de la France Voil quelqu un qui est peu mobile physiquement mais tr s mobile virtuellement Plus g n ralement les mobilit s r sidentielles quotidiennes virtuelles et rares vacances etc ne sont pas n cessairement additionnables Pour un m me individu la mobilit peut tre forte dans un registre et faible dans l autre L encore les configurations sont complexes et non videntes La s paration ou l imbrication des r seaux sociaux Faisons intervenir un troisi me l ment dans l appr hension des dispersions et de leurs v cus la connexion ou la s paration des univers sociaux pratiqu s lors des mobilit s Des individus peuvent tre mobiles dans des univers qui restent s par s les uns des autres Nous parlerons plus loin de ces personnes qui vivent de fortes dispersions quotidiennes r sidentielles virtuelles Concr tement ils d m
184. en permanence d une voiture Mais ils ne s en servent en fait qu assez rarement car ce mode de d placement n est pas l chelle sociale des enjeux de la construction de soi La marche et le v lo permettent un rapport sensible l espace Le domicile et les lieux de la proximit soi recouvrent l essentiel de l inscription territoriale des jeunes C est dans ces espaces qu ils passent la majorit de leur temps Les jeunes ont des liens faibles avec les territoires exc dant la ville L espace public n est pas v cu comme un interstice un espace temps de liaison entre deux activit s deux moments mieux structur s C est un espace en soi autonome C est l que se pratique la majeure partie de leur vie sociale Les logements des uns et des autres tant g n ralement petits pas forc ment confortables c est dans l espace public qu ils fr quentent la communaut des pairs que nous dirions plut t les communaut s incertaines En effet ces groupes ont des limites changeantes les amis les amis des amis quelques connaissances plus lointaines les rencontres du moment En dehors de quelques relations proches les jeunes participent des relations nombreuses fonctionnant sur le mode du lien faible L espace public est aussi travers la marche la d ambulation l espace temps d appropriation de la ville dans un registre d exp rience tr s sensible d ambiances de paysages urbains C est
185. en plus souvent Dans le cadre de nos enqu tes nous avons rencontr plusieurs personnes qui avaient autour de la cinquantaine chang d adresses principales une bonne douzaine de fois Cette double fragmentation fait na tre une nigme Dans la soci t dispers e les individus ont une identit territoriale fragment e mais ils parviennent n anmoins se construire dans une identit sociale globalement coh rente La soci t contemporaine parpille nos appartenances sociales Elle met de l argent du temps des comp tences entre les diff rentes dimensions de l individu La soci t mobile nous am ne vivre dans un cycle de ruptures fr quentes L installation dans un lieu se traduit dans des int grations de multiples r seaux familiaux amicaux professionnels de voisinage l installation produit aussi des socialisations tel et tel type d environnement on peut vivre d abord dans un petit village puis quelques ann es en centre ville pour partir ensuite dans le p ri urbain Ce faisant les individus changent de modes de vie et de syst mes d habitudes au sens fort du mot De la m me mani re les changements de statut du c libat sans enfant la vie parentale les logiques de d saffiliation r affiliation travail ch mage puis travail s accompagnent toujours d une r organisation plus ou moins importante de l inscription territoriale pr c dente Les acteurs sociaux sont enti rement engag
186. en tant que telle sa culture car je ne suis pas Bretonne Je n ai pas de croyance en Dieu mais il y a une esp ce de force qui me ressource spirituellement 154 Les preuves de la dispersion Nous avons rencontr des rennais et la mer est un l ment revenu souvent Il est probable que des personnes originaires de r gions de montagnes auraient ce type de rapport ce paysage Le cas de figure des villes est le m me Des personnes tr s mobiles savent pouvoir trouver dans de nombreuses villes diff rentes globalement le m me type d ambiance de d cor On pourrait aussi dire des lieux abstraits que ce sont des lieux ubiquistes ils existent presque l identique en plusieurs points des territoires L importance des pratiques de mobilit biographiques et quotidiennes et le fait de disposer d ancrages multiples am nent les personnes vivre dans une certaine indiff rence par rapport aux lieux Fran oise nous explique par exemple n tre attach e aucun lieu ville ou quartier pas m me son appartement Non je ne suis pas attach e aux lieux Et si j avais les moyens je dis souvent que je vivrais l h tel Pour moi quitter une maison c est quitter des murs C est pas un lieu o je m attache C est un lieu o je m abrite Ce sont les gens qui m attachent ce ne sont pas les murs Engu teur Mais une maison c est aussi des meubles des bibelots c est dire des objets
187. enfants de perte de centralit de la carri re professionnelle du sentiment d avoir men son terme la d marche d exp rimentation de soi que Fran ois fait le lien explicite entre le choix du couple d une petite maison et sa pratique d enfant Au moment o il envisage de devenir parent son tour il convoque la pratique r sidentielle que ses parents ont choisie pour lui la maison et non plus l appartement Fran ois commence d analyser et de construire sa situation par analogie pratique r trospective avec son pass il revient sur ses traces et se pr pare en quelque sorte renouer avec une continuit Au bout de six mois d m nagement l appartement devenait trop petit Novembre 94 on trouve une petite maison premi re fois qu on d m nage dans une maison Enfant j ai toujours v cu dans une maison jamais en appartement Entre 1990 et 1994 on a chang 6 ou 7 fois d appartement Bref on am nage toujours en location Les enfants arrivent et avec eux le questionnement sur l int r t de l achat d une r sidence principale qui augure d une stabilisation d un net changement de r gime de mobilit d une reconfiguration totale de l inscription territoriale Comment Fran ois pr sente t 1l les choses D abord il note que le couple vit Auxerre depuis quatre ans que ces quatre ann es de stabilit constituent presque un exploit pour eux et qu il est donc l gitime de voul
188. ens Et puis j ai impression qu Paris les gens vous jugent pas Ici les gens vous jugent Vous tes constamment sur la sellette Et a c est tr s d plaisant Il faut tout le temps que vous comment dire que vous apportiez des preuves de ce que vous dites de ce que vous tes de ce que vous faites Il faut tout le temps se justifier c est a Jug e quoi Et pas forc ment tr s objectivement Voil comment je ressens la province D abord c est tr s bourge Rennes tr s bourgeois Et en plus on a l impression que les gens ne peuvent pas admettre que vous puissiez faire quelque chose de fa on d sint ress e Par exemple je vous offre un caf Si vous voulez la personne qui je vais offrir un caf se dit qu est ce qu elle va me demander Voyez A Paris c est pas a C est pour a que j y vais je vais tra ner dans Paris quoi respirer Paris Et puis Paris c est ma vie d tudiante ma vie de femme C est tout a quoi C est peut tre pour a que j y suis attach e Engu teur Vous retournez Paris Andr e Oui D s que j en ai l occasion oui Et c est souvent Non Malheureusement C est dire Une fois par an peu pr s L ailleurs c est aussi celui des mobilit s utopiques c est dire des territoires qui ne sont fr quent s que par le r ve la lecture ou la t l vision Ces mobilit s utopiques offrent des ressources ambivalentes Elles ouv
189. ens que pendant toute la p riode des tudes j tais tr s int gr dans la communaut africaine C est m me moi des fois qui leur parlait ses camarades africains des musiques des trucs comme a qui leur refilais des disques qu ils ne connaissaient pas D ailleurs souvent je dis qu un des compliments que l on m avait fait c tait un copain black qui m appelait le blanc noir ou un truc comme a Dans le quartier qu il habite apr s ses tudes Bruno noue donc des relations entre autres avec des personnes d origine trang re Ces contacts sont pour lui le cadre d un investissement significatif des pays concern s Je ne suis pas un voyageur au sens d placement g ographique je pratique le voyage int rieur Je vais vous raconter un truc qui m irrite toujours Je connais des personnes qui voyagent mais qui reviennent les mains vides Des gens qui avaient t sur le terrain je leur disais ben tu as vu a ah non Qu est ce que c est que ce truc l Et je me disais ce n est quand m me pas possible que a leur chappe Moi en fr quentant des gens d origine diff rentes j apprends plein de choses sur les pays J ai un grand copain qui est burkinab on se voit quotidiennement et je vis les choses qui se passent au pays comme lui je discute politique avec lui et j ai jamais foutu les pieds au Burkina La Kabylie c est pareil Quand je les rencontre je leur demande
190. ent c est la bas l important la base a reste fort c est une base je trouve l bas avec la maison de naissance et le village et notre maison qui nous appartient nos terrains la petite rivi re qui passe c t Moi je sais que c est vraiment important a pour moi c est la base C est gr ce a que j ai eu une existence quelque part Je n aurai pas eu a mon identit serait peut tre pas la m me j aurai peut tre t d ue de pas avoir eu a C est ce qui cr e la personne C est gr ce a qu on existe quelque part On est comme a diff rente gr ce a je n aurai pas eu a je pense que je serai diff rente Les analogies pratiques C est Bernard Lahire que nous empruntons cette notionl hui nous permet d clairer de mani re tr s modeste certains fragments du discours de nos interlocuteurs qui nous paraissent importants dans la logique du resserrement et qu il conviendrait d explorer de mani re bien plus syst matique Permettons nous de citer un peu longuement Bernard Lahire L action la pratique le comportement est donc toujours le point de rencontre des exp riences pass es individuelles qui ont t incorpor es sous forme de sch mes d action sch mes sensori moteurs sch mes de perception d valuation d appr ciation etc d habitudes de mani res de voir de sentir de dire et de faire et d une situation sociale pr sente Face
191. ent s est fait par rapport l actualit J ai t baign par les journaux t l vis s qui parlent toujours du Liban de l Iran de l Irak de l Afghanistan et a m intriguait Finalement comment on peut vivre l bas Comment humainement c est possible Je me suis tr s longtemps dit jamais j irai l bas mais en m me temps a m excitait d aller voir comment on peut vivre l bas C est vrai que l Iran avait une sale r putation Je voulais voir a par moi m me Pas le comprendre par les m dias mais essayer de le comprendre par nous m mes C est vraiment important une exp rience par soi m me pour moi c est fondamental Le choix des destinations est un t moin de cet ensemble de ruptures Les d parts ne s effectuent pas vers d autres pays du monde occidental notamment l Am rique du Nord R aliser un vrai voyage c est aller l o les proches ne veulent pas que l on aille l o l on ne doit pas aller si ot croit les m dias porte parole soci t c est se mettre pratiquement 2 symboliquement affectivement culturellement hors de port e Pour rompre avec les autres et donc rompre avec soi le d butant s en va dans un autre monde 2 Les communaut s initiatiques Si exp rience est plac e sous le signe de la rupture le voyage initiatique n est pas solitaire Des collectifs jouent un r le important dans cette preuve En premier lieu les communaut
192. ent tu as la trouille par moment c est ennuyeux d autres fois tes hyper joyeux Ce sont des motions toutes b tes mais vraiment importantes parce qu on retrouve la valeur des choses La mise en abyme du voyage Dans le voyage il y a les voyages Arriv s destination nos interlocuteurs ne se fixent pas dans un endroit mais s engagent dans un p riple continu et changent r guli rement et rapidement de lieux de villes de r gions Ils ne restent pas sur place Ils vivent dans l id e implicite informul e que le renouvellement des sensations des rencontres des paysages des h tels et des restaurants est un l ment central de l exp rience Se mettre l preuve c est intrins quement pour eux se mettre l preuve du mouvement Demeurer sur place serait se priver diminuer la valeur de l exp rience Il y a l un paradoxe du voyage selon lequel on atteint au plus profond de soi en tant superficiel partout en passant en effleurant les lieux les gens les situations Cette conception du voyage renvoie l exp rience du grandissement de soi par la mise en danger de ce que l on est un moment donn Rester dans en un m me lieu se traduit imm diatement par la prise d habitudes y compris les plus petites les plus insignifiantes par la stabilisation d une identit pour soi m me et pour autrui Une semaine suffit un individu pour stabiliser un environnement social cette stab
193. ents dont aucun ne lui convient notamment parce que ce sont des logements de centre ville et qu elle n est pas habitu e ce type d environnement bruit circulation densit urbaine Elle cherche alors et trouve un logement Rennes mais dans un environnement qui a un air de ressemblance avec celui qu elle conna t et appr cie La Roche sur Yon moindre densit b tie situation p riph rique par rapport au centre ville de Rennes de la m me mani re que la maison parentale est en p riph rie de La Roche sur Yon proximit des plans de verdure qu elle peut d sormais pratiquer Rennes comme elle le faisait La Roche sur Yon Donnons un autre exemple avec Thierry Rappelons que Thierry a trouv l adolescence dans des d ambulations parisiennes un exutoire au mal tre qu il prouvait tant l cole que chez lui dans ce qu il appelle la micro soci t versaillaise Paris et la r gion parisienne explor es de long en large lui ont fourni le cadre d une rupture avec des engagements sociaux p nibles Ses d ambulations ont fourni l opportunit d exp riences sensibles qu il a appr ci es dans lesquelles il a d couvert le sentiment de ma trise de lui m me On pourrait dire que ce v cu de Paris et sa r gion s est organis pour lui en une forme en l occurrence l habitude d une certaine immensit d un espace appr hend travers des mobilit s longues celles
194. es se perdre s loigner du territoire des tutelles se tester emmagasiner des registres d exp riences qui seront mis en uvre ensuite dans la vie quotidienne Le soi en est l enjeu L espace est un miroir facettes et les mobilit s r flexives et non touristiques font jouer le prisme qui r v le de nouveaux points de vue sur soi Nul discours sur les charmes de Barcelone du Maroc ou d Amsterdam on retrouve l l indiff rence territoriale oL 101 T indiff rence territoriale appara t de mani re claire et centrale chez les d butants Mais nous verrons qu elle peut se poursuivre longtemps y compris chez des personnes relativement bien install es dans la vie 76 Les preuves de la dispersion L identit floue L indiff rence territoriale va de pair avec ce qu on pourrait d nommer l identit floue du d butant Entre desserrement et resserrement son inscription territoriale et son identit sont en chantier Cette transformation de soi s accomplit travers une mobilit qui en est la fois le moyen et le cadre n cessaire Dans ce contexte les d butants pratiquent une indiff rence territoriale coupl e des engagements sociaux faibles peu impliquants qui leur offrent la possibilit de rester eux m mes relativement ind termin s dans leurs identit s Cette ind termination n est pas un probl me pour les d butants Elle est au contraire revendiqu e et entretenue intentionnellement
195. es certaines librairies par exemple Je n ai jamais rencontr d tudiants chez les bouquinistes Les mobilit s d affranchissement sont prouvantes Elles supposent de prendre ses distances avec la famille de rompre avec les territoires constitutifs de soi de courir le risque du vide Que cette exp rience soit commune ne change rien la difficult de l preuve individuelle Cette dynamique d affranchissement cette recombinaison de soi m me dans une nouvelle inscription territoriale proc dent par ajustements progressifs entre la capacit objective r soudre seul e les probl mes pratiques de la vie quotidienne l appropriation d un territoire o on localise des routines des trajets des pratiques et le sentiment subjectif d une mise en coh rence de soi avec la situation C est bien ce genre de m canique complexe difficile cerner qui est dite dans les formules de nos interlocuteurs je ne me sentais pas pr te j tais pr te je n aimais pas cette ville je me sens bien ici Les collectifs ont un r le primordial dans ce processus Ceux d abord qu on pourrait dire les alli s de l int rieur qui permettent de routiniser de s dimenter les pratiques de l inscription territoriale autonome Le groupe des pairs tudiants les amis intimes les bouquinistes pour H l ne l employeur d Anna s etc etc sont enr l s dans l affranchissement Les alli s sont aussi des
196. es enqu tes 164 2 Pr sentation succincte des personnes interview es 165 3 Tableau de synth se 168 4 Les guides d entretien 168 Les preuves de la dispersion Introduction Nous vivons dans une soci t dispers e c est dire que les activit s quotidiennes les appartenances sociales et les dimensions de l identit des individus sont localis es dans des territoires distants les uns des autres Cette fragmentation est observable dans la vie de tous les jours Chacun vit des moi multiples 5 plus ou moins autonomes partag s entre le ou les lieux de r sidence le ou les lieux de travail les lieux du loisir ceux des sociabilit s amicales et familiales les lieux de l intimit individuelle les lieux des vacances etc La fragmentation territoriale de l identit sociale est galement inscrite dans le parcours biographique Aujourd hui tout le monde ou presque d m nage plusieurs fois au cours de son existence A partir du lieu de naissance l enfant puis l adolescent suit ses parents dans leurs p r grinations puis d m nage lors de son acc s l autonomie puis encore une fois au moment de la mise en couple et nouveau avec l arriv e des enfants la retraite est souvent l occasion d un dernier d m nagement pour le retour au pays Ces quatre ou cinq changements d adresse constituent en quelque sorte le minimum obligatoire mais une partie importante de la population d m nage bi
197. es histoires Ainsi de Patrick Nous avons vu qu il pratique une mobilit r sidentielle importante depuis plusieurs ann es Cette mobilit l loigne toujours plus du territoire familial jusqu Rennes o il s installe sans y conna tre personne Mais ce trajet tr s ouvert int gre deux voyages l un de quatre mois l autre d un mois au Maroc La motivation de ces voyages n est pas d ordre touristique Il s agissait pour lui de renouer avec les lointaines origines familiales d une grand m re marocaine Ce voyage initiatique s effectue rebours dans le temps vers la recherche intime de racines qu il souhaite pouvoir int grer son propre parcours Les traces mat rielles de ces voyages sont discr tes une main de Fatma autour du cou quelques rares l ments de d coration de l appartement Ce d tour par le Maroc recouvre n anmoins une dimension de son identit laquelle Patrick accorde une grande importance 82 Les preuves de la dispersion C est aussi du Maroc qu il s agit avec Nadia Au moment o elle investit tr s progressivement son propre appartement prenant pour la premi re fois ses distances avec le territoire de son enfance celui de ses parents et celui de la communaut maghr bine du quartier o ils vivent elle effectue elle aussi un retour sur le pass familial qu elle s approprie comme un des p les majeurs de son inscription territoriale autonome Vraim
198. essairement une difficult mais simplement une tension petite ou grande Par exemple le 157 Les preuves de la dispersion d m nagement est une preuve dans le sens o il suppose de quitter un univers d habitudes des r seaux sociaux un environnement pour un autre inconnu Il en est de m me de l acc s l autonomie de l loignement entre le lieu de r sidence d un individu et son territoire d origine etc Dans ce cadre nous avons tent d apporter quelques l ments de r ponse deux questions D abord comment les individus vivent ils subjectivement ce multi ancrage La copieuse litt rature sur les transports et la mobilit privil gie globalement la question de savoir comment les individus utilisent les moyens de mobilit leur disposition dans une soci t mobile Les exp riences concr tes des preuves de la dispersion sont plus rarement d crites C est pour cette raison qu il nous a sembl int ressant de rep rer quelques cat gories permettant de d crire au plus pr s des acteurs la mani re concr te dont ils vivent ces preuves Le deuxi me axe consistait rendre compte des diff rentes logiques d exp rience de la dispersion Si la soci t dispers e s impose tous de la m me fa on les groupes sociaux ne la vivent pas de la m me fa on Le paradigme classique de la sociologie discrimine les groupes sociaux en fonction de leurs rapports au monde du travail Il s agis
199. est mon studio Pour Anna s les choses sont plus claires Les lieux les plus importants pour moi Mon appart d j parce que quand je lai eu j ai vraiment pu me lib rer au niveau d coratif je lai vraiment fait ma sauce et quand mes copines viennent me voir elles me disent ton appartement c est toi Il est particulier et j adore cet appartement l je m y sens bien il me correspond bien C est super important je sais qu il me suivra plus tard quand j aurais une maison a refl tera ma personnalit c est vachement important pour moi Pour le seul de nos interlocuteurs qui apr s un essai malheureux ne dispose pas de son propre logement et r side chez ses parents le lieu le plus important est sa chambre clairement distingu e du reste de l appartement La seconde cat gorie de territoires investis sont ceux de la proximit de tous les endroits situ s Rennes entre lesquels ils se d placent g n ralement pied ou en transports collectifs et o sont localis s une partie de leurs activit s Ces lieux ces temps et ces trajets sont difficiles cerner pr cis ment Ils s tablissent entre l universit et les locaux associatifs les caf t rias mais aussi les bistrots et les magasins du centre les cin mas les domiciles des camarades les lieux de travail et tous les lieux de d ambulation de promenade Ces lieux sont pratiqu s plusieurs bien s r mais aussi tout seul Tous ont
200. eux m mes dans la proximit g ographique plut t que par le d placement 3 Les navettes Une troisi me logique est celles des navettes et des navetteurs Ce terme est d ordinaire r serv aux allers retours entre le domicile et le travail Mais on peut de notre point de vue en largir la port e aux allers retours pratiqu s sur des rythmes temporels diff rents et des chelles g ographiques diverses entre le domicile principal et la maison de famille entre le domicile et les lieux de vacances notamment l tranger ou encore entre la maison et le supermarch C est en effet le multi ancrage dans quelques lieux fr quent s de mani re r guli re qui caract rise cette inscription territoriale L tendue sans fronti re Le terme d tendue s entend dans un double sens D abord celui des m triques Les navetteurs vivent de mani re usuelle sinon quotidienne l chelle de plusieurs dizaines voire centaines de kilom tres partir de leurs domiciles Si les insulaires sont assign s aux territoires pi tons les navetteurs vivent l chelle des territoires de Pantomobite Les d placements professionnels les d placements de loisirs les visites la famille les relations t l phoniques balisent de larges territoires r guli rement parcourus par le corps travers les m dias mais aussi la pens e Le terme d tendue renvoie aussi l id e d un espace qui n est brid par aucune
201. familial comme centre symbolique d une inscription territoriale personnelle La situation d H l ne est encore diff rente Pour elle la mobilit est le cadre d une recomposition totale de son identit Deux grands moments sont articul s dans la constitution de son inscription territoriale autonome Le premier est celui de l enfance et de l adolescence H l ne vit partag e entre Dinard et Saint Malo jusqu 8 ans puis Saint Malo uniquement jusqu 18 ans et ne quitte presque jamais cette ville pour les week end les vacances ou d autres circonstances Une histoire familiale douloureuse l am ne ensuite d s sa premi re ann e d tude r organiser rapidement et radicalement son inscription territoriale Elle prend une chambre d tudiante Rennes et rentre Saint Malo tous les week end Lors de sa seconde ann e elle en rentre plus Saint Malo que tous les deux trois mois En licence elle prend un appartement coupe radicalement tous les ponts avec Saint Malo et explique qu elle a psychologiquement quitt la ville de St Malo Maintenant j habite Rennes je ne sais pas comment l expliquer mais ma ville de r f rence c est la ville de Rennes et pas la ville de St Malo Tous les ponts avec Saint Malo sont coup s H l ne ne retourne Saint Malo que deux ou trois fois par an n entretient aucune relation t l phonique ou par courriel ou courrier C est Rennes qu elle voit
202. i 20 ans j ai boss tous les t s je n ai pas eu de vacances depuis quelques ann es Rien foutre de ce que pensent les parents et les autres j ai gagn de largent et je pars avec a m a fait plaisir Et peut tre aussi le fait de dire m aux parents D autres encore tentent de minimiser la rupture avec les collectifs d appartenance Sandra associe largement son employeur et sa m re sa d cision 99 Les preuves de la dispersion Cette derni re est m me partie prenante du long voyage de sa fille dont elle g re la logistique Maman stressait beaucoup sur l aspect s curit J allais partir toute seule Je suis une fille Ce que j ai fait c est que je l aie associ e l organisation du voyage Pendant tout le voyage c est elle qui a g r l intendance Elle avait acc s mes comptes Tous les papiers et tout a on a fait ensemble Elle a vu que c tait un minimum pr par Elle connaissait grosso modo mon itin raire Elle savait que de telle date telle date je serai dans tel pays Et le c t Internet c tait hyper important Il y a toute une partie sur laquelle il fallait la rassurer Mais les parents ne sont les seules personnes dont il faut s affranchir D autres proches d autres groupes d appartenance sont mis distance Les parents mais pourquoi vous allez l mais vous tes fous il y a encore la guerre c est cause des m dias les terroristes on a
203. ial Mais l o Hannerz limite son propos au monde urbain nous proposons de l tendre l ensemble de l inscription territoriale des individus qui exc de largement le seul monde urbain Ces remarques compliquent donc l appr hension des dispersions Plus exactement il faudrait dire que la description des pratiques r elles de dispersion suppose de mobiliser un cadre d analyse adapt En effet tudier les dispersions de la soci t contemporaine c est bien s r rendre compte des d placements quotidiens des individus mais aussi et tout autant de la multiplication des lieux d ancrage des mani res nombreuses et particuli res dont le loin et le proche se combinent des mani res particuli res dont les mobilit s r sidentielles quotidiennes et virtuelles sont articul es les unes aux autres et enfin des degr s d imbrication ou de cloisonnement des univers sociaux pratiqu s dans le cadre de ces mobilit s Ces dimensions des pratiques de la dispersion prennent des formes diff rentes selon les individus et les groupes sociaux ces formes multiples et complexes restent globalement d crire La soci t dispers e n est pas un monde s tirant l infini dont les fronti res et les territoires seraient purement et simplement dissous et surtout dissous pour tout le monde et de la m me mani re Une image plus juste serait celle de la galerie des glaces que l on peut visiter dans les foires Selon la posit
204. idienne telle que Henri Lefebvre l a conceptualis e comme ce qui reste de l homme une fois retranch es les grandes appartenances professionnelles familiales etc La soci t dispers e ne laisserait en d finitive que peu ou pas de traces chez les individus la soci t dispers e r unirait des gens qui ne se per oivent que dans le moment de l immobilit Les cadres cognitifs et culturels des contemporains sont tels que des exp riences territoriales tr s vari es ne s dimentent pas se dilapident rapidement La soci t mobile serait une soci t de la m moire courte n ayant de sens et de contenu sensible que dans le moment du v cu et de l interaction S il tait av r ce trait clairerait d une mani re particuli re un type d engagement social de la soci t dispers e Hormis quelques personnes avec qui les navetteurs conservent des relations pratiques et affectives la grande majorit des liens nou s disparaissent sans laisser de traces Ce constat n est ni pessimiste ni optimiste car si les liens s effacent rapidement c est aussi parce que des liens nouveaux se recr ent aussi vite et avec la m me intensit de courte dur e nouvelles relations de travail de voisinage relations nou es partir de l cole des enfants L univers relationnel des navetteurs ne les affecte qu en surface d eux m mes De plus il est labor pratiqu de mani re assez rationnelle techni
205. idus se projettent et vivent une bonne partie de leurs vies dans des lieux o ils n ont pas n cessairement un ancrage physique De mani re plus souple le desserrement indique une prise de distance et le resserrement une implication de l acteur sur de multiples autres territoires articul s les uns aux autres de mani re changeante et r vocable Les questions auxquelles nous voulons apporter quelques l ments de r ponses sont les suivantes quelles sont les tapes et les modalit s de l acc s l autonomie Quelles sont les exp riences et les preuves que les jeunes sont susceptibles de partager dans ce cadre Quel r le la mobilit comme jeu des distances et des proximit s joue t elle dans la recomposition de leurs inscriptions socio territoriales Nous avons rencontr des tudiants De la m me mani re que la jeunesse tudiant n est qu un mot Fran ois Dubet observe que les conditions de vie et Notons que le num ro sp cial de la revue Projet n 251 de septembre 1997 ne r serve pas un seul chapitre contrairement ce que son titre nous laissait esp rer 18 30 ans les aventures de la mobilit aux pratiques de mobilit des jeunes et leurs rapports aux territoires 45 Les preuves de la dispersion les parcours des tudiants sont devenus A divers qu il est difficile de les rassembler sous un d nominateur commun Le petit groupe des tudiants que nous avons rencontr
206. ien fait en sorte d avoir un appartement bien loin de lui son fr re On voulait pas se voir Sur Rennes on a fait une ann e ensemble un ou deux ans C tait clair lui il investissait le haut du centre ville place St Anne et tout a moi j investissais le bas du centre ville Fallait pas qu on se voit On a eu nos territoires tout de suite La place St Anne le coin des bars et tout a c tait tout mon fr re Quand j y allais quand je montais l haut c tait pour voir mon fr re J ai attendu que mon fr re parte de la ville pour investir la place St Anne aller boire des verres 70 Les preuves de la dispersion Etre soi c est avoir son territoire en marquer les limites en contr ler l acc s La construction de ces territoires ne s appuie pas ou secondairement sur les modes de d placements Ce sont des logiques de s gr gation agr gation affection r pulsion qui laborent les territoires les logiques du d placement sont des rationalisations des am nagements de territoires construits d abord dans le cadre de logiques d int gration et de concurrence sociales Ce partage territorial la prive des hauts lieux tudiants dont son fr re se r serve la jouissance Mais Anna s dispose en change de son territoire Par ailleurs elle choisit un logement en p riph rie du centre o elle trouve une ambiance tranquille des espaces verts qui lui rappellent la Roche sur Yon Tranquil
207. ienne r duite 4 Dispersion biographique forte int gration sociale globaliste mais dispersion quotidienne faible Ce cas de figure n est pas th orique Il d crit la situation de personnes qui ont des niveaux de qualification lev s qui ont pendant plusieurs ann es t convenablement int gr es des milieux professionnels Cette bonne int gration socio professionnelle s est accompagn e de nombreux d m nagements avec changement de r gions ou m me des passages par des pays trangers Mais au moment o nous les avons rencontr es ces personnes se trouvaient au ch mage ou dans des situations professionnelles pr caires ventuellement choisies une femme par exemple a d cid de rompre avec une activit professionnnelle gratifiante mais qui l a longtemps tenue loign e de ses enfants dont elle a voulu se rapprocher C est alors simplement la pr carit conomique qui restreint les pratiques de dispersion quotidienne 5 Cette exp rience est celle des d butants entendu par l des d butants dans la vie autonome Il s agit donc plut t de jeunes gens saisis au moment o ils recomposent leurs identit s territoriales s affranchissant de celles qu ils ont pratiqu es en tant que mineur vivant sous la tutelle de tierces personnes les parents la famille et d institutions d encadrement fort l cole principalement pour construire leur autonomie L entr e dans la vie active ou dans une p riode
208. iff rences Nord Sud et c est vrai que je me dis toujours pourquoi cette diff rence J ai le projet d aller un petit peu dans le Sud voir ce qui est diff rent Je suis assez curieuse je n aime pas que l on me donne des informations assez subjectives en g n ral j aime bien v rifier par moi m me J ai quelques amis qui habitent dans le Sud et parfois ils me parlent de la vie dans le Sud et par curiosit j ai envie d instaurer peut tre des comparaisons de voir un petit peu ce qu il en est concr tement si par exemple Voir quelle vie ont les tudiants c est vrai qu on observe les gens par rapport ce qu on est Non puis m me d couvrir c est int ressant on n aura peut tre pas forc ment la m me fa on de vivre Moi je n ai jamais quitt le Nord de la France j ai t dans le Pas de Calais en Belgique mais je n ai jamais quitt le Nord Nord Ouest Nord Sud ce ne sont pas des jeux de mots mais la mani re dont le pass structure la formation territoriale d un individu dans un travail de connotation de qualification subjective de soi travers ses lieux Install e Rennes H l ne fait tout ce qu elle peut explicitement intentionnellement pour se construire une identit rennaise dans un espace qui 63 Les preuves de la dispersion serait le sien o elle pourrait exister dans une identit choisie j essaie de me construire une identit rennaise Cette d marche s appuie
209. il part l tranger en vacances c est pour tre s r de partir vraiment car s il reste en France y compris quelques centaines de kilom tres de son d partement il se 144 Les preuves de la dispersion tient constamment au courant de ce qui s y passe en coutant les informations en donnant quelques coups de t l phone etc Le retour est en fait programm il existe dans un coin de la t te Les navetteurs savent qu un jour ils rentreront Certaines personnes le disent d embl e Michel ou Fran oise tous deux enseignants sont int gr s un milieu professionnel qui peut organiser le retour Sit t son premier poste obtenu Michel r clame tous les ans une affectation en Bretagne Fran oise tait moins press e mais la fin de carri re en Bretagne tait un projet de long terme patiemment mis en uvre et s il a pris davantage d vidence au cours des derni res ann es avant la mutation ce projet tait latent depuis toujours D autres navetteurs ne disposent pas de syst mes professionnels permettant ce type d anticipation D s lors le projet de retour est moins clairement formul il est plus ou moins maintenu dans les limbes Il existe n anmoins activ sit t que l opportunit se pr sente On peut enfin argumenter que la logique du retour tient au type d int gration sociale des navetteurs Engag s dans des mobilit s importantes rythm es par la vie professionnelle ils
210. ilisation tant un l ment de rassurance de protection de soi Nos interlocuteurs se l interdisent C est au contraire pour eux la capacit se d faire des protections qui fait la valeur de l exp rience cela implique le mouvement permanent et d avancer toujours dans l inconnu 108 Les preuves de la dispersion Le d placement continu renvoie galement au sentiment de libert L encore on retrouve une correspondance imm diate entre le rapport d une personne l espace et la mani re de se percevoir soi m me Le voyage c est la libert de choisir sa destination et ses lieux de repos Sandra en racontant son voyage de quelques mois en Inde fait d filer les destinations Je suis arriv e Delhi Me voil partie dans le Rajasthan Je suis descendue dans le Sud de l Inde je suis all e Hyderabad apr s le suis mont e Calcutta Ensuite je suis partie Varasani pr s du Gange Apr s je suis partie au N pal Les destinations et les rythmes du voyage sont libres les voyageurs bougent quand ils en ont envie sans tre astreints respecter des temporalit s impos es par autrui individus ou institutions N tre astreint aucun lieu c est n tre astreint aucun encadrement de soi tre libre dans le rapport au territoire c est tre libre dans le rapport aux d finitions de soi que la soci t nous impose Ce type de mobilit chemin fa
211. ilit quotidienne et exclusion sociale El ments d enqu te aupr s des structures d insertion par l activit conomique et de leurs publics Paris Institut pour la ville en mouvement mars 2003 122 p Le Breton E Mobilit s et territoires urbains mise en perspective de quelques probl mes in Minist re de l Equipement Les Cahiers du s minaire Mobilit s et territoires urbains septembre 2003 124 p pp 13 34 Le Breton E Exclusion et immobilit la figure de l insulaire in Orfeuil J P dir Transports pauvret s exclusions Paris L Aube coll Essai 2004 180 p pp 49 73 Ledrut R L espace en question ou le nouveau monde urbain Anthropos 1976 361 Madre J L et Maffre J La mobilit des r sidants fran ais Panorama g n ral et volution in RTS n 56 1997 pp 9 26 Marteau J Y Les enfants du voyage routard in Espaces n 153 1998 pp 56 59 Martuccelli D Dominations ordinaires Paris Balland 2001 362 p Moles A Vers une psycho g ographie in Bailly A Ferras R et Pumain D dir Encyclop die de g ographie Economica 1995 2 dition 1995 1 167 p pp 159 187 Orfeuil J P Accessibilit mobilit in galit s regards sur la question en France aujourd hui ron o 26 p 2002 Paul Levy F et de Segaud M Anthropologie de l espace Paris Ed du Centre Georges Pompidou coll Alors 345 p Potier F et Zegel P
212. indiff rence territoriale l identit floue et le cosmopolitisme d exp rimentation de soi sont articul es ensemble n tre de nulle part n tre pris prisonnier d aucun r seau social pour conserver autant que possible la possibilit de se d finir soi m me On rejoint l mais dans le contexte de la vie quotidienne le principe m me du voyage de formation que nous voquerons davantage au chapitre suivant Les d butants manipulent c est dire agencent assez librement les territoires et les moments dans lesquels ils taient sont et seront impliqu s Le fait qu ils soient relativement libres d attaches familiales professionnelles contribuent cette libert Il est plus facile de se projeter dans le pass ou dans le futur d s lors que le pr sent est moins prenant Les adultes quand ils ont des familles des enfants des emplois n ont pas tout fait cette libert ou l ont mais plus ponctuellement sur des s quences plus limit es de leurs vies quotidiennes C est aussi leur mobilit qui aide les d butants rendre manipulables les territoires et 105 Sch tz A L tranger Un essai de psychologie sociale Editions Allia 2003 1 dition 1966 77 p 106 Simmel G Digressions sur l tranger in Grafmeyer Y et Joseph I pr sentation de L Ecole de Chicago Naissance de l cologie urbaine Aubier coll Res champ urbain 1984 1 dition 1979 pp
213. investi par des pratiques mais aussi et surtout par des repr sentations et les mobilit s virtuelles de la lecture de la t l vision des films Ces deux p les semblent reli s par un tunnel tant les espaces interm diaires sont peu pratiqu s tus oubli s Cet oubli est pour le moins significatif Les territoires et les trajets que les jeunes s empressent d oublier jusqu ce que l enqu teur les relance sp cialement sur ce point sont ceux qui les relient aux parents la famille largie et l ensemble des relations amicales nou es avant d entrer dans le processus d affranchissement On peut m me rendre compte d un paradoxe vident plus le jeune est objectivement proche de ses parents plus il a tendance nier oublier la proximit Charlie vit encore chez ses parents Au cours de l entretien il voque avec plaisir sa chambre o il crit des textes qui le transportent mentalement dans son pays d origine dont il parle aussi volontiers il raconte de fa on d taill e les nombreux voyages faits dans des pays d Europe l Italie 1 Espagne le Portugal lors de camps itin rants de jeunes il parle aussi de ses allers retours Paris de ses amis avec qui il fr quente les terrasses des bistrots du centre de Rennes etc Le seul lieu qu il vite soigneusement est l appartement des parents o il vit tous les jours 2 Les logiques du desserrement La bipolarit La d cohabitation est un
214. ion concr te fait na tre une premi re incompr hension Le second moment de l incompr hension intervient au retour en France chez soi dans l incapacit int grer donner une signification cette d localisation Les milliers de kilom tres parcourus n ont rien imprim sur eux ni sur leur vie L exp rience ne laisse aucune trace La difficult exprimer donner du sens cette exp rience am ne les personnes se rabattre sur des indicateurs courants les m mes qui sont mobilis s pour parler de la Bretagne la Tha lande Les monuments l architecture et les paysages L Egypte Les gens sont tr s gentils Le statut de touriste et l injonction sociale l exotisme surd terminent le voyage concret et font na tre le paradoxe selon lequel une dispersion objectivement importante les kilom tres le passage des fronti res la confrontation potentielle d autres cultures est subjectivement nulle Ce paradoxe n emp che pas que le tourisme soit une ressource statutaire ou plus exactement un label de modernit de conformit de standing Le voyage est utilis comme un marqueur de l gitimit sociale A partir du moment o la seule chose que la personne rapporte de son voyage est d tre partie la seule trace du voyage est de pouvoir en parler Globalement pour ces personnes le voyage est une r alit balis e par trois items l injonction tre moderne la fr
215. ion de l individu visitant la galerie certaines perspectives s ouvrent alors que d autres se ferment la configuration des ouvertures et fermetures changeant selon le cheminement du visiteur 2 La socio conomie du transport la mobilit comme d placement L tude des faits sociaux li s la dispersion s est longtemps op r e dans le cadre dominant de la socio conomie des transports Cette d nomination de socio conomie des transports est d abord celle d une action th matique programm e ATP initi e en 1973 sous l impulsion conjointe du minist re de l Equipement et de la D l gation g n rale la recherche scientifique et technique DGRST Mais la probl matique mise en uvre dans le cadre de ce vaste programme de recherche 3l Hannerz U Explorer la ville Ed de Minuit coll Le sens commun 1983 dition originale 1980 418 p voir notamment pp 316 323 Transports et soci t Actes du colloque de Royaumont des 26 et 27 avril 1978 Economica coll Economie publique de l am nagement et des transports 1979 731 p 20 Les preuves de la dispersion contractuelle le d borde largement Pour nous la socio conomie des transport est une mani re singuli re de conceptualiser la mobilit qui a occup une position centrale des ann es 1950 1980 Quels en sont les principes ordonnateurs a b d Tout d abord la mobilit est r duite ou du moins examin e pr
216. isant diff re de celle des touristes des voyages plus ou moins organis s Ces derniers changent r guli rement d endroits mais ce changement est planifi l avance orchestr par les organisateurs justifi par l obligation de visiter tel site il est rythm de deux jours en deux jours entrecoup s de la traditionnelle journ e ou demi journ e de quartier libre Le d placement des routards est tranger et hostile la planification Il rel ve d une conomie de l impr visible entre l envie de d sir de rester encore un peu ou de partir et des circonstances rencontres bonnes et mauvaises ressentis et attirances Le voyage initiatique est une mise en abyme o s articulent le d placement vers un pays lointain puis le d placement continu au sein du pays et au sein de ce d placement de cette errance un voyage int rieur la d couverte de soi une r flexion de nos interlocuteurs sur les fondements de leur rapport au monde Les plus exp riment s de nos interlocuteurs voquent le souhait d un changement dans la pratique de leur prochains voyages celui de l immobilit de l installation de longue dur e en un lieu Ils restent l dans une d marche de mobilit mais de mobilit d finitive celle de l acculturation du voyage d finitif loin de soi de l abandon d une identit par int gration progressive une autre soci t et une autre culture Les projets voqu s sont ceux du vo
217. itablement multi ancr e Si le domicile constitue un centre important d autres polarit s structurent aussi nettement l inscription territoriale Les parcours r sidentiels d Ego et de ses proches les diff rentes mobilit s quotidiennes dispersent les lieux significatifs aux yeux des navetteurs c est dire des lieux o ils vivent des int grations sociales durables Les dimensions de l identit de l individu ne sont pas localis es dans une proximit territoriale mais sont au contraire clat es A une chelle r duite au d partement une personne affirme par exemple je dis toujours que j ai trois pays le pays de Rennes le pays de Foug res et le pays de Bain Voil quelqu un qui se pense d embl e travers trois lieux lesquels tous l objet d une appropriation usuelle de pratiques s diment es d habitudes et d entretien de r seaux de relations Cet clatement g ographique on l observe aussi dans l nonc par Catherine des lieux qui comptent pour elle son appartement le Finist re deux heures de Rennes o elle dispose d une maison familiale de souvenirs et d un r seau relationnel mais aussi l Egypte et l Italie pays visit s plusieurs reprises et avec lesquels le lien est entretenu au gr des lectures des films et de la consultation des catalogues de maisons louer qui scande toute l ann e la pr paration des vacances Pour Jean Marie le multi ancrage l inscrit
218. je ne voulais pas qu ils le sachent Je voulais vraiment la paix pour le lendemain C tait un soir il tait 9h du soir et je crois que le matin m me j avais mes examens pour le rattrapage J avais une copine qui me bassinait pour partir et qui me disait j ai envie de partir Moi je lui disais mais non j ai mes examens je pense d abord a et le soir m me de mon dernier examen j app le mon fr re et je lui dis je pars demain Barcelone avec une copine J avais dit ma copine on part elle tait pr te J appelle mon fr re et je lui demande je suis folle ou quoi il me r pond oui tes folle Je suis rest une heure au t l phone avec lui une heure apr s je quitte mon fr re j app le ma copine et je lui dis demain 10h tes devant ta porte avec tes bagages et on y va On est 75 Les preuves de la dispersion parti deux on est revenu quatre J avais m me pas r fl chi je savais que ma bagnole avait des probl mes de parall lisme des pneus on y va Et le lendemain je passais chez mes parents d poser le chat c est sur la route je d pose le chat et on a merd Mon p re tait l Qu est ce que tu fais ils s attendaient pas me voir l c tait en semaine Je fais je d pose le chat parce que je passe un week end chez des potes Toulouse Non je partais une semaine Barcelone avec des copines Si je lui disais il m aurait dit non Il tait l
219. juste qu ici il y a une qualit de vie J ai conscience d tre sur un territoire sur lequel j aime tre J ai eu la possibilit d voluer professionnellement d avoir des fonctions plus int ressantes Mais je pr f re me donner le temps de r ussir ici Si je n y arrive pas je partirais mais il n y a pas le feu au lac Quand on ma propos d aller ailleurs j ai h sit mais non je suis bien ici C est parce que partout o je vais a me rappelle des souvenirs Que ce soit des souvenirs adolescents que ce soit les premi res vir es sur Saint Malo avec les voitures les colonies de vacances sur Dinard C est parce que j ai des souvenirs tous les kilom tres c est plaisant Il ne s agit pas de s endormir sur ses souvenirs mais c est plaisant c est tout C est un territoire que j aime bien Les territoires pratiqu s sont faiblement diff renci s Les personnes sont bien int gr es dans plusieurs sph res d activit qui se recoupent et s entrecroisent sur les m mes territoires Chaque r seau social b ti partir du face face est doubl le voisin est aussi un ami le coll gue de travail est investi dans le m me comit de quartier la dame crois e au supermarch est membre de la m me association des parents d l ves Le territoire a une densit et une polyvalence lev es Cette densit appara t plus importante encore si l on prend en compte la 122 Les preuves
220. l avec notre radio avec notre micro ondes Je trouve que la technologie a cass 106 Les preuves de la dispersion notre authenticit Eux ils ont rest s tr s simples dans leurs attentes et c est a que je recherche D couvrir un autre mode vie d couvrir que nous on peut vivre autrement avec tout ce que l on a m me si je sais qu en France je ne pourrai pas vivre comme a et je ne vais pas mettre dans mon salon ce qu ils utilisent pour faire la cuisine je ne vais le faire mais je sais que a existe et que l on peut vivre autrement que comme nous on vit Dans ce contexte certains se surpassent font ce dont ils sont encore surpris avec le recul du retour D autres se lancent dans des aventures dont ils mesurent avec le recul le danger escalades et randonn es p rilleuses visites de quartiers mal fam s navigation fluviale en amateur etc La fragilisation peut atteindre la mise en danger de soi Ce type de prise de risque inscrit bien le voyage dans le registre initiatique de l preuve Michael lui se prend pour un bodhisattva Pai essay de marcher pieds nus le plus possible m me si je me suis pas mal entaill les pieds Mes pieds ne sont malheureusement pas suffisamment habitu s donc je me les suis un petit peu ab m s Les prochaines fois que je pars c est simple je pars avec rien du tout Le retour aux sources Autre dimension du voyage et de l initiation le sentiment de pro
221. l n y a rien voir Les voisins ou d une mani re g n rale les Rennais sont froids hypocrites L ambiance de la ville est jug e morne touffante des op rations d am nagement qui n en finissent pas et amplifient le d s quilibre 117 Les preuves de la dispersion symbolique entre le centre et les banlieues o r sident les insulaires et qui seraient toujours d daign es Les lieux de la vie quotidienne sont pratiqu s sans appropriation ni plaisir dans un rapport purement instrumental ils ne donnent lieu aucune projection gratifiante ou satisfaisante de soi A travers ces discours n gatifs les personnes maintiennent distance des territoires auxquels aucun collectif ne les rattache positivement Il est pour elles important de rejeter le territoire au sein duquel il leur faut vivre une identit difficile L incapacit de localiser et de s approprier quelques lieux quotidiens fait na tre le sentiment d tre la d rive Ce sentiment a des implications pratiques et concr tes sit t que la personne sort de chez elle Pass e la porte du domicile l individu prouve la non vidence de son environnement Chaque sortie suppose de faire un effort conscient intentionnel explicite de mise en coh rence de l espace et du monde autour de soi Effort de mise en ordre de l espace urbain A partir du moment o la personne a du mal construire et ordonner symboliquement son espace elle a
222. la mobilit qui s inscrit dans l anthropologie de l espace part d un postulat oppos Un espace qui serait purement g ographique qui serait en quelque sorte mancip du social n existe pas L espace n est pas une simple surface d enregistrement un simple d cor de la vie sociale L espace n existe qu en tant qu il est model fa onn par les cultures et les dynamiques sociales R ciproquement toutes les dimensions d une culture et d une soci t ont une r alit spatiale Toutes les activit s sociales de la plus petite la plus grande s accomplissent par l espace plut t que dans l espace cette pr position renvoyant l id e d un espace sc ne ou d cor de l action Cette conception a ADO et d fendue par des TER tels que p le m le Gaston Ba helard les sociologues de l cole de Chicago Paul Henri Chombart de Lauwe Ht amon Ledrut particuli rement clair lorsqu il affirme dans L espace en question qu il faut se d barrasser de l id e que l espace est le lieu de la projection du syst me social dans une spatialit particuli re L espace n est pas une projection c est une expression c est le mode m me d existence r elle de toute structure sociale soulign par nous qui n est abstraite que par abstraction Eest aussi le positionnement de Florence Ha gel et Jacques L vy qui consid rent que la dimension s
223. le bac et de 34 pour les personnes dipl m es de bac 2 de 29 pour les cadres et de 9 pour les agriculteurs de 40 pour les moins de 25 ans et de 6 pour les plus de 65 ans Les entourages sont d autant moins locaux qu ils sont vastes ce qui est plus probable pour ceux qui ont fait des tudes Grossetti op cit p 86 3 Viard J La soci t d archipel ou les territoires du village global L Aube coll Monde en cours 1994 p 14 15 Authier J Y Habiter son quartier et vivre en ville les rapports r sidentiels des habitants des centres anciens in Espaces et soci t s n 108 109 2002 pp 89 109 Cet article proc de d une enqu te par questionnaires conduite en 1997 et 1998 par l auteur et Bernard Bensoussan Yves Grafmeyer Jean Pierre L vy et Claire L vy Vroelant aupr s de 1 697 habitants de divers quartiers anciens de centres villes 18 Les preuves de la dispersion que par un enqu t sur cinq Les individus ayant un usage privil gi de leur quartier sont beaucoup plus fr quemment des citadins mobiles qui investissent amplement les autres espaces de la ville que des habitants captifs la mobilit r duite Autrement dit dans bien des cas l ancrage dans le quartier et la EE loin de constituer deux modes oppos s d habiter fonctionnent de pair observation est d importance Le loin et le proche ne se repoussent pas Pun l autre mais sont au contraire fort
224. le chapitre suivant on la retrouve chez bien d autres d butants Tant qu il l a pu financi rement Charlie s offrait des week ends parisiens sans autre but que d tre Paris loin de ses parents et d aller la d couverte du monde en se promenant l o il le voulait C est sur un coup de t te qu Anna s part Barcelone Que retient elle de son voyage dans la relation qu elle nous en fait le risque encouru avec une voiture peu s re et la mise en danger relative de soi le mensonge fait aux parents pour les mettre devant le fait accompli d une autonomisation qui passe les bornes celles de la fronti re franco espagnole et les bornes symboliques de la demande et de l autorisation ventuelle On a pris ma fameuse voiture on est parti l arrache Une des rares fois o je prends la voiture Ca c est vraiment d cid la veille pour le lendemain sinon j ai d j fait des voyages organis s mais jamais l arrache comme a avec la voiture On prend la voiture s il n y a pas d essence c est pas grave on en prendra plus loin Je suis tr s fi re de moi parce que c est la premi re fois que je fais un voyage aussi long avec ma voiture Une twingo faut le faire 4 dedans avec les bagages Engu teur Vous aviez pr venu vos parents Anna s Non a s est mal pass d ailleurs ils l ont mal pris Mon dieu En fait je leur ai menti sur le coup parce que
225. les El un registre des capacit s cognitives appr hender l espace Thierry Ramadier H conduit sur cette question des travaux comparant les modalit s d appropriation de la ville mises en 56 Coutras J op cit Buffet L Les modalit s d appropriation de l espace urbain par les membres de la famille dans les quartiers d favoris s rapport pour le minist re de l Equipement 2003 58 Hall E T La dimension cach e Seuil 1971 1966 Ramadier Th Construction cognitive des images de la ville Evolution de la repr sentation cognitive de Paris aupr s d tudiants trangers Universit de Paris V th se de psychologie 1997 29 Les preuves de la dispersion uvre par des tudiants fran ais d une part et trangers d autre part Il tablit que l adaptation certains types d organisation de l espace ne va pas de soi Ramadier met en vidence le d calage entre les cultures autres du territoire et l organisation des villes europ ennes Ce que l auteur appelle la familiarit socio spatiale conditionne l exploration de la ville et la mani re dont la personne se repr sente et s approprie l espace pour y conduire ses activit s Dans le cas des trangers la faible familiarit socio spatiale retarde l exploration de la ville L individu doit d abord construire une repr sentation instrumentale de la ville pour pouvoir y satisfaire ses besoins primordiaux Ce n
226. les physiquement elles ont donc une mobilit t l phonique plus importante les autres groupes sociaux et notamment sup rieure l ensemble des actifs Plus rapidement encore signalons que la connexion domestique Internet est encore rare mais que l quipement des m nages cro t r guli rement et rapidement En 2002 32 de la population fran aise de plus de 15 ans a d j utilis Internet 14 Comit s d entreprises ch ques vacances colonies etc 15 Potier et Zegel op cit l Rivi re C A Le t l phone un facteur d int gration sociale in Economie et statistique n 345 2001 5 pp 3 33 17 Le t l phone portable quipait 14 des m nages en 1997 et le double 28 en 1999 soit pr s de 20 millions de personnes ce chiffre passe 30 millions en 2000 cf Rouquette C La perc e du t l phone portable et d Internet in Insee Premi re n 700 f vrier 2000 8 Rouquette C Un tiers des adultes ont d j utilis l Internet in Insee Premi re n 850 juin 2002 14 Les preuves de la dispersion L encore les disparit s sociales sont patentes Les taux d utilisation sont de 76 3 pour les cadres et les professions intellectuelles sup rieures contre 12 9 pour les ouvriers de 73 1 pour les dipl m s de l enseignement sup rieur contre 7 1 pour les personnes sans dipl me Que retenir de tout cela En premier lieu ce que ces donn es ne disent pas parce qu e
227. les s accompliront etc 34 Les preuves de la dispersion territoriale de l individu Si elles ne sont pas strat giques la majeure partie des mobilit s quotidiennes rel vent n anmoins de l activit consciente et intentionnelle c Les mobilit s incorpor es Ce terme d incorpor permet d voquer un ensemble de m canismes plus ou moins inconscients travers lesquels s op re le rapport d un individu ses territoires de vie On peut voquer par exemple les techniques du corps savoir marcher ma triser la psychomotricit fine pour conduire mais aussi les r gulations culturelles de la distance les perceptions du confort du bien tre ou au contraire de la g ne que l on peut prouver dans certains lieux mais encore tout ce qui rel ve de la cognition de l espace etc Ces m canismes sont extr mement divers complexes et peu explor st Dans le travail empirique expos plus loin nous mobiliserons ces deux registres 4 Les preuves de la dispersion Les cons quences de la dispersion sur la vie sociale sont le plus souvent tudi es au plan du fonctionnement des collectifs Il s agit alors d appr hender les effets de la dispersion des individus sur le vivre ensemble La tonalit du constat est globalement partag e et globalement sombre La dispersion aboutirait au fractionnement socio territorial la multiplication des coupures des s gr gations des agr g
228. libitum Cette premi re exp rience territoriale est celle du morcellement de soi c est l preuve d une soci t dispers e qui fragilise l individu entre le proche impossible et l ailleurs inaccessible 2 La co pr sence L identit dans la proximit Les co pr sents ont peu d m nag Ils habitent leur ville ou leur d partement de naissance Ils ont effectu deux ou trois d m nagements index s aux grandes tapes de la vie Le premier au moment de l acc s l autonomie et au travail le second lors de la mise en couple le troisi me et souvent le dernier la venue des enfants Ces changements de lieux les ont amen s gagner la ville depuis un village p riph rique et ou changer de quartier dans la m me ville Cette permanence de l installation donne lieu un ancrage socio spatial marqu Progressivement diff rentes dimensions de l identit sociale sont venues se conforter les unes les autres consolider et compliquer l enracinement Originaires de la ville et de ses alentours les co pr sents ont leurs r seaux familiaux proximit Puis peu peu d autres int grations professionnelles et amicales militantes associatives et de voisinage se sont imbriqu es au sein du m me territoire troit mais dense et polyvalent Au fil des ans cette imbrication des r seaux sociaux a pris une profondeur biographique suscitant une forte appropriation d un territoire g ographiquement restreint m
229. liens significatifs avec son studio rennais avec le local de l association de l universit o il s implique avec un quartier pr cis de Madrid avec la maison de ses grands parents en Angleterre avec le village qu il habitait c t de Creil et o il retourne de temps en temps voir une amie Voil son territoire voil les lieux dans lesquels il vit par lesquels il se d finit travers lesquels il se repr sente lui m me lui et aux autres les lieux qui lui conf rent son unit d individu Son inscription territoriale de FM qui n est pas encore stabilis e est la mesure d un monde archipel TEE Cette r alit v cue par Gr goire trouve un cho dans ces propos d un cadre international rapport s par Alain Tarrius Chaque quartier ou activit d une ville trang re devient L l ment d une vaste ville qui est la f d ration de toutes celles que je traverse Gr goire est le seul principe d unit de cette f d ration de territoires qui sont clat s et sans lien sauf pour lui qui les parcourt continuellement et s y inscrit travers des mobilit s physiques virtuelles et mentales Par ailleurs Gr goire a une repr sentation morcel e parcellaire des lieux de la proximit concr te dans laquelle il vit Il dit ne pas bien conna tre la Bretagne ni Rennes ni m me Dinard o il a t scolaris trois ans et o ses parents habitent encore Paradoxalement les territoires de
230. lit auparavant per ue comme le cadre du choix de ses engagements sociaux professionnels amoureux amicaux familiaux est d sormais consid r e comme un risque d instabilit de perturbations Progressivement la vie professionnelle est subordonn e l imp ratif de stabilit g ographique et ses vis es ducatives Dans la seconde p riode le rapport au lieu est anecdotique second rel gu derri re les opportunit s et les d sirs Les priorit s s inversent et par exemple des mutations professionnelles ventuellement int ressantes sont refus es L l ment singulier de cette derni re tape r side dans le retour vers la r gion d origine En effet nos interlocuteurs pouvaient b tir des territoires stables l o ils taient Mais tous ont pris la d cision de r int grer la r gion o leurs parents vivent La Bretagne puisque nous avons enqu t des Rennais Bien s r des raisons pratiques connues ont pes dans le choix La proximit des grands parents et des proches offre une aide appr ciable pour la garde des enfants ou d autres formes de soutien financier ou mat riel Mais d autres raisons existent plus difficiles cerner pr cis ment dans le cadre de nos entretiens D une part quelque chose de l ordre du sentiment d avoir achev sa p riode probatoire l initiation est termin e le statut d adulte part enti re est conquis et l on peut retourner vers les siens D aut
231. lit comme une forme l mentaire de la vie quotidienne La prox mie Si chacun est d accord pour consid rer que mobilit et territoire sont deux r alit s indissociables l une de l autre consubstantiellement imbriqu es dans toutes les dimensions de la vie sociale quelles que soient leurs temporalit s et leurs chelles il n en demeure pas moins que la distinction des mots ne permet pas d exprimer cette imbrication Soit l on utilise le terme de mobilit et m me si l on prend la pr caution de r p ter que l id e de mobilit est indissociable de l espace la pens e et le regard se tournent quand m me davantage vers une r alit de l ordre du d placement Bref de la mobilit M me difficult si l on retient plut t le terme de territoire On peut toujours pr ciser que l id e m me de territoire implique n cessairement celle de mobilit le regard la pens e et le raisonnement retiennent alors plut t des faits qui penchent du c t de l ancrage de la fixit de la permanence etc Pour trancher le probl me de la conceptualisation de la r ciprocit intrins que des mobilit s et des territoires et l exprimer imm diatement efficacement en un seul mot nous proposons d utiliser la notion de prox mie 62 T Tarrius A Les nouveaux cosmopolitismes op cit 31 Les preuves de la dispersion Dans son sens courant on parle plut t de prox mique comme la
232. lit d un c t effervescence de l autre Anna s appr cie la grande universit de Rennes 2 plus de 20 000 tudiants son brassage son anonymat Elle s affirme dans son autonomie et en veut plus encore Le logement qu elle partage avec d autres tudiants ne lui convient plus Je voulais un appartement pas d tudiant pas un appartement o on vit l arrache o j ai un pauvre cageot qui sert de table basse je voulais quelque chose de propre C est pour a que la r sidence dans laquelle je suis ce n est pas une r sidence universitaire c est une r sidence propre o il y a des gens bien dedans et tout est parfait il y a un coin cuisine c est pas un truc qui a t fait en deux minutes je rajoute un lavabo il y a un coin cuisine j ai un coin salon c est important pour moi Elle s engage avec les parents dans un nouveau compromis Le ralentissement du rythme de ses tudes lui permet de prendre un emploi temps partiel Elle consacre son salaire au loyer d un appartement qu elle occupe seule Son fr re a termin ses tudes et quitt la ville Anna s se trouve en possession de son propre appartement et d un acc s plein et entier la ville et aux territoires que la pr sence de son fr re lui interdisait Au fil de ce processus Anna s a progressivement espac les retours au domicile parental On voit que les parents ne sont pas les seuls proches dont le d butant doit s l
233. lles portent sur des p riodes de temps courtes et r centes au plus les 40 derni res ann es La mobilit des Se n est pas nouvelle Daniel Roch a publi un ouvrage Humeurs vagabondes 2 clairant cette question de mani re d taill e Avec l largissement des horizons du monde au gr des grands voyages de d couverte des XV et XVI si cles la mobilit prend une importance consid rable dans la culture occidentale En t moigne entre autres indicateurs le nombre des r cits de voyage r pertori s en fran ais et dans une dizaine d autres langues Roch en recense 456 pour le XVI 1 566 pour le XVI et 3 540 pour le XVIII soit un total de 5 562 ouvrages sur les trois si cles Cette premi re mondialisation a des r percussions concr tes dans la vie quotidienne des populations La pratique individuelle du voyage d agr ment d affaires et du voyage des tudiants auxquels l auteur s int resse de pr s se d veloppe Et de d montrer sinon la fausset du moins l exag ration de l opposition entre les soci t s pa uporanes et les soci t s anciennes fixes et stables immobiles et localis es D s la p riode classique des groupes sociaux ne comptant pas n cessairement parmi les lites commer antes ou administratives artistiques ou militaires vivent et participent d une soci t dispers e Nous n en dirons pas plus mais il para t important de relativiser la nouveaut et la radic
234. lors une alli e tr s pr cieuse L histoire d Anna s offre un exemple int ressant des s quences de l acc s l autonomie de la conqu te de l autonomie territoriale comme dynamique o se combinent des n gociations et des compromis des vitements et des remaniements des diff rentes meanen d son identit et d de ses engagements sociaux La premi re tap consiste dans sa volont de quitter ses parents d s la premi re ann e d tude sup rieure La famille r side La Roche sur Yon en Vend e Le compromis porte sur la ville d Angers que la famille ne conna t pas et o elle n a aucune relation Le c t aventureux du choix est compens par l inscription l universit catholique dont la bonne r putation rassure les parents et par le choix d une chambre chez l habitant qui rassure Anna s s imaginant mal se retrouver brutalement vivre enti rement seule Enfin Anna s est quip e par ses parents d une voiture et d un t l phone portable Pour cette premi re tape les alli s de l acc s l autonomie sont nombreux la relation de confiance une institution la Catho la d l gation de l encadrement d Anna s une logeuse et des dispositifs de mobilit voiture et t l phone qui cr ent un lien pratique entre Angers et La Roche sur Yon La greffe angevine ne prend pas Anna s habitu e la vie en lotissement dans une petite ville dont elle n a jamais d
235. lustr e au sein d une m me population partir du travail de C cile Vignal in Mobilit s migrations et ancrages face la d localisation de l emploi Communication au colloque Mobilit s familiales au quotidien de l AISLEF Lausanne les 11 et 12 octobre 2002 L auteur s int resse aux choix d ouvriers dont l entreprise se d localise et qui sont plac s devant l alternative soit suivre l entreprise dans sa d localisation conserver une int gration professionnelle en perdant toutes les autres appartenances sociales ou au contraire conserver leurs appartenances sociales mais perdre l int gration professionnelle Vignal d crit finement trois comportements possibles et leurs raisons D abord le refus de la d localisation majoritaire chez les salari s anciens et ou dans les m nages n ayant qu un seul salaire la solution du c libat g ographique du travailleur observ e chez des personnes qui ne sont pas originaires du cru et qui ont globalement moins d anciennet dans l entreprise enfin la migration familiale vers le nouveau lieu d installation de l entreprise pour laquelle optent notamment les cadres et agents de ma trise 38 Les preuves de la dispersion savent pas se servir de ce dispositif etc Mais aussi et tout autant le v cu de ces pratiques Revenons au cas des navetteurs internationaux Ils sont fortement dispers s coutumiers des a roports et autres hauts lieux de la m
236. m nag ne supporte pas la grande C est la premi re tape de l acc s formel l autonomie inscrite dans la premi re d cohabitation Bien s r l mancipation de l individu par rapport ses parents d bute bien avant notamment lors de l adolescence Laurence Buffet montre bien comment les jeunes commencent d s 12 13 de n gocier avec leurs parents un acc s libre leurs propres territoires Buffet L op cit 69 Les preuves de la dispersion ville le bruit la circulation elle ne supporte pas non plus le flicage de sa logeuse ni ses nouvelles camarades Finalement j ai pas d couvert Angers La mentalit de la catho tout de suite a m a fusill e donc d j faire une soir e avec ses coll gues de boulot Quand on d barque dans une ville c est notre premi re ann e d universit avec qui on sort C est avec ses coll gues ses camarades de classe et a passait pas donc les sorties Les derni res qu on a faites c tait les tonus des soir es dans des discoth ques la p riph rie de la ville J en ai fait quelques uns mais pas beaucoup a m a vite lass Tout lui d pla t la ville son logement l universit les pairs etc A peine arriv e elle r duit au minimum ses engagements sociaux et quitte mentalement la ville Toutefois de son point de vue l ann e n est pas perdue puisqu elle est entr e dans un processus d acc
237. ment les centres de vacances du comit d entreprise qui les accueillent Ils y retrouvent sinon les coll gues directs de Constant du moins les membres de la m me entreprise Le m me Constant nous raconte qu il a fait plusieurs d placements en France dans le cadre de ses engagements syndicaux Le d paysement engendr par cette mobilit tait fortement r duit par le contexte social o elle s effectuait puisque Constant partait avec ses camarades de travail pour rejoindre les locaux du syndicat De la m me mani re Louise est all e plusieurs reprises en Tunisie mais uniquement dans la famille de son mari Elle est aussi partie en Allemagne mais c tait pour visiter une amie ancienne voisine et r sidente du quartier partie vivre l bas avec son m nage elle m avait fait promettre que je viendrais la voir J ai tenu parole Pourtant chez moi tout le monde me disait que j aurais jamais le courage Eh bien si j y suis all e Dans tous ces cas les appartenances sociales encadrent les d placements et r duisent symboliquement la dispersion g ographique Les mobilit s lointaines sont v cues comme des extensions des territoires de la vie quotidienne Ces mobilit s ne sont pas l occasion de d paysement ni de changements d univers sociaux Les co pr sents vont loin pour retrouver leur ancien voisin de palier ou un membre de la famille Les mobilit s s effectuent dans des espaces de grande proximit sociale e
238. mes parents avoir leurs conseils Je me rappelle avoir t en manque de certaines choses et d avoir perdu mes rep res Pourtant elle prouve deux ans plus tard le d sir d aller plus loin dans des lieux nouveaux Nancy qui ne sont balis s par aucune pratique familiale aucun r seau pr tabli Il y a eu une autre rupture o il a fallu n gocier J avais le choix de continuer Toulouse ou d aller Nancy J ai fait le choix d aller Nancy alors que mes parents auraient bien voulu que je reste Toulouse Donc l il y a eu une n gociation Je voulais me sentir plus ind pendante et je me sentais beaucoup plus forte et plus s re de moi Et aussi beaucoup de curiosit je voulais quitter le Sud Ouest pour voir comment c tait ailleurs Au cours de ses cinq ann es d tude Catherine effectue des voyages d essai en Europe C est l occasion pour elle de d couvrir qu en quelque sorte le monde est proche Plusieurs de nos interlocuteurs ont exprim ce type de sensation cette prise de conscience que le voyage lointain est une r alit qui peut les concerner eux aussi Le voyage n est plus cantonn aux magazines aux reportages aux plaquettes de papier glac des agences de voyages aux suppl ments du Monde et de Lib ration il int gre le champ d un possible individuel C est l un moment t nu imperceptible que ce passage d une conception abstraite du monde l id e d un voy
239. migration n est pas seulement loin s en faut un d placement mais une recomposition compl te des identit s individuelles et collectives Dans le principe la dynamique est la m me l chelle de d placements r duits et ponctuels Il semble donc bien que la mobilit ne soit pas simplement une dimension sectorielle de la vie sociale C est au contraire une dimension transversale toutes les pratiques sociales Les comportements de mobilit sont structur s par les fonctionnements familiaux les appartenances collectives les rythmes de vie les perceptions kinesth siques etc R ciproquement les pratiques de mobilit que nous impose la soci t dispers e impactent et modifient les fonctionnements familiaux les appartenances collectives les rythmes de vie les perceptions kinesth siques Par exemple les processus concrets travers lesquels on devient en 2004 une jeune fille autonome ne sont pas les m mes qu en 1950 et cela parce que la dispersion p se sur les fonctionnements sociaux De la m me mani re l instauration dans certains milieux sociaux du c libat g ographique comme une inscription territoriale normale entra ne le changement des mod les du fonctionnement conjugal et des mod les ducatifs Cette double dimension d tre la fois g n r e par les appartenances etc et g n rative d tre la fois un contenu et un contenant nous invite consid rer la mobi
240. mobilit des 40 59 ans est globalement faible mais elle l est moins pour les migrations de proximit au sein d une m me commune Ces tendances sont confirm es par l tude de Fran ois Dubuje Fin 1996 62 des personnes de moins de 35 ans n habitaient pas le m me logement qu en 1992 Apr s 35 ans la mobilit r sidentielle diminue nettement parce que les situations familiales et professionnelles des individus sont stabilis es De plus l am lioration globale des logements n est plus en soi un motif de d m nagement Entre 35 et 50 ans les d m nageants repr sentent 27 de la cat gorie d ge Pour cette population un d m nagement sur quatre est motiv par l acc s la propri t un d m nagement sur cinq pour des raisons professionnelles Mais la principale cause de d m nagement est le divorce 1 d m nagement sur 3 Ainsi dans la premi re p riode de la vie la mobilit est un facteur d int gration sociale on d m nage pour trouver un travail ou parce que l on se marie et que la famille grandit Apr s 35 ans le d m nagement est dans ce registre des tendances globales un indicateur et un facteur de d sint gration sociale Apr s 50 ans la proportion des m nages qui d m nagent n est plus que de 10 les motivations tant alors soit l acc s au statut de propri taire pour ceux qui ne le sont pas encore et dans ce cas on passe de l appartement la maison soit le re
241. mportant c est la peau Elle a quitt le Maroc pour la France lorsqu elle avait 5 ans Depuis elle y retourne un mois par an Mais au fil des ans le lien avec le Maroc s amoindrit Elle avait au d but des relations nombreuses qu elle entretenait par des changes r guliers t l phone et courrier plusieurs fois par mois Peu peu ce lien perd de la consistance Elle crit moins t l phone rarement le nombre d amis conserv s sur place a diminu Au moment o Nadia s affranchit elle fait paradoxalement un d tour mental par le territoire des origines familiales qu elle fr quente pourtant de moins en moins Le quartier parental constitue le second territoire significatif C est l qu elle a toutes ses relations ses souvenirs c est l qu elle est connue que se trouve sa famille point de ralliement des fr res et belles s urs install s dans d autres 61 Les preuves de la dispersion x quartiers rennais c est aussi le lieu de l appartenance la communaut maghr bine des f tes rituelles etc C est aussi l qu elle a ses souvenirs d adolescente etc Son propre appartement n appara t qu en lointaine troisi me position des lieux qui comptent Cet affranchissement est singuli rement marqu par la projection du Maroc dans un double paradoxe d un territoire des origines gagnant en importance symbolique ce qu il perd dans le registre pratique et d un territoire
242. n nous a saut s dessus pour un taxi Et on s est fait arnaquer premi re arnaque La d marche de fragilisation de soi rel ve aussi du registre des moyens financiers Les d butants rencontr s tudiants jeunes professionnels ouvriers ont des capacit s conomiques modestes Le projet de voyage n cessite d conomiser longtemps et de sacrifier des envies Sur place le confort est r duit petits h tels repas pris dans les rues d placements en cars visite des lieux gratuits Cette situation n est pas v cue sur le mode de la frustration mais au contraire comme une garantie de r ussite de l exp rience comme la garantie de son authenticit Le manque relatif d argent oblige vivre hors des lieux o peuvent se rassembler les touristes vivre au niveau de la rue au plus pr s des vrais gens L imp cuniosit est une dimension du processus volontaire de fragilisation de soi comme possibilit de se d couvrir de tomber le masque de sorte que l exp rience puisse porter et marquer On avait cette volont de partir avec le moins de choses possibles et on nous l a dit Mais vous avez rien dans vos sacs On est parti avec tr s 125 Dans le cas de ces pays dont les autorit s n accordent de visa qu en change d une prise en charge sur place 105 Les preuves de la dispersion peu de choses dans notre sac pour savoir si on pouvait vivre avec le minimum Et a a t
243. nances et d engagements sociaux A l obligation se substitue l lectif L organisation sa convenance de son inscription territoriale offre l individu un registre suppl mentaire de manifestation de sa subjectivit Dans le m me temps la contrainte la dispersion est plus grande L talement urbain la dilatation des territoires la course aux dipl mes et aux emplois imposent d aller l o ils sont Sur le plan axiologique la capacit de l individu de combiner sa convenance ses lieux de vie devient une valeur un id al et la mobilit appara t comme le moyen d atteindre cet id al L individu contemporain est suppos se former lui m me Cette libert obligatoire de l acteur investit le domaine des territoires L id al est celui d une personne composant la carte son inscription territoriale Ce fantasme appara t en filigrane dans les publicit s dans les figures de la Jet Set et des lites plan taires des personnes allant d un lieu l autre composant au plus pr s de ce qu ils sont ou veulent tre leur palette territoriale avec un travail entre Paris Londres et New York les vacances d hiver au ski celles d t aux Seychelles un week end dans la maison de campagne et fe uivant Prague en profitant de l offre week end 1 d une agence de voyage L injonction la dispersion est globalement partag e par tous les groupes sociaux Tous doivent combiner un
244. nces sociales discriminent radicalement les mobilit s de vacances Entre 1994 et 1999 le taux de d part a augment pour les E AP les professions intellectuelles et les cadres pour les retrait s Il a diminu pour les ouvriers les employ s et les inactifs A peine 40 des personnes appartenant un m nage gagnant moins de 900 euros par mois ont pris un cong hors de leur domicile en 1998 1999 c est le cas de 89 des personnes qui ont un revenu 10 Talbot J Les d placements domicile travail in Insee Premi re n 767 avril 2001 1 Pour une r flexion sur les distinctions entre ces trois cat gories se reporter Potier F et Zegel P Exclusions et in galit s d acc s aux loisirs et au tourisme rapport pour le PUCA novembre 2002 79 p 12 Commissariat g n ral du Plan R inventer les vacances La nouvelle galaxie du tourisme La documentation fran aise 1998 p 57 13 Qui continuent toutefois de partir bien moins souvent que les autres groupes socio professionnels 15 Les preuves de la dispersion sup rieur 3 800 euros mensuels Par ailleurs 41 de ceux qui sont partis en vacances ont aussi effectu de courts s jours d agr ment pendant l t contre 22 de ceux qui ne sont pas partis en vacances Les avantages bien s r se cumulent Les pratiques diff rent aussi avec l ge Ceux qui partent le plus sont les plus jeunes 70 des moins de 14 ans et 68 des 14 19 ans sont partis en vac
245. ne part les distances quotidiennes moyennes en 1993 94 sont d autant plus importantes que l on passe du retrait 12 6 km jour la femme au foyer 15 km puis au ch meur 20 1 km l tudiant 26 km la femme active 28 km et enfin l homme actif 38 km jour Mais d autre part les carts entre ces populations sont en r duction Entre 1981 82 et 1993 04 la distance moyenne d un homme actif a cr de 21 Voir notamment Gallez C Orfeuil J P et Polacchini A L volution de la mobilit quotidienne Croissance ou r duction des disparit s in RTS n 56 juillet ao t 1997 pp 27 41 Orfeuil J P Accessibilit mobilit in galit s regards sur la question en France aujourd hui ron o 26 p 2002 Madre J L et Maffre J La mobilit des r sidants fran ais Panorama g n ral et volution in RTS n 56 1997 pp 9 26 12 Les preuves de la dispersion celle de la femme active de 47 celle du demandeur d emploi de 30 et enfin celle de la femme au foyer de 70 Les disparit s sont fortes mais la baisse En 1999 trois actifs sur cinq travaillaient hors de leur commune de r sidence Ces migrants alternants repr sentent 14 043 000 des 23 055 000 actifs ayant un emploi et r sidant en France m tropolitaine Parmi eux 3 551 000 se rendent dans un autre d partement et 720 000 dans une autre r gion Les migrants alternants sont de plus en plus nombreux En 199
246. ne restent pas suffisamment longtemps dans un endroit pour se l approprier vraiment pour y localiser des dimensions subjectivement importantes de soi D s lors ils sont condamn s ne vivre que des int grations dissoci es c est dire l clatement de soi entre des sph res professionnelles familiales amicales r sidentielles etc qui ne communiquent pas les unes avec les autres Vient un moment o ils prouvent le d sir de vivre une identit plus globale plus coh rente plus pleine enti re Le retour chez soi dans un territoire o ils ont v cu jeunes offre le sentiment de se retrouver soi m me Le mode de vie des navetteurs parcellise leurs identit s sociales Une des possibilit s de vivre une identit globale de soi est de la mettre en uvre non pas avec d autres mais avec soi m me L exp rience du vide En tudiant quelles sont les cons quences de la modernit Anthony ra val voque l id e d espace vide Pour lui une des dynamiques constitutives de la modernit consiste dans la dissociation entre lieu et espace Dans les soci t s pr modernes une grande partie des activit s sociales s accomplissent dans l ordre de la co pr sence le lieu et l espace co ncident La modernit les dissocie Souvent ce qui se passe dans des lieux le lieu tant pour Giddens un endroit r el physique g ographique mobilise d une mani re ou d une autre de
247. ne tension entre attraction mentale et r pulsion pratique Mais l ailleurs prend d autres visages Celui de la Ville g n rique abstraite th orique per ue comme un espace de l autonomie de la libert le lieu d un anonymat protecteur Plusieurs de nos interlocuteurs ont v cu un moment Paris intra muros Ils n y retournent pas ou tr s rarement d autant moins qu ils y ont des mauvais souvenirs Mais un Paris abstrait incarne typiquement ce r ve d espace o l on peut tre invisible lib r de soi m me Le d calage entre cette ville id elle et la ville concr te de Rennes pratiqu e contre c ur tous les jours donne lieu un sentiment de manque et d incompr hension Bien que Rennes se veuille une ville tr s ouverte tr s cosmopolite tout ce que vous voulez capitale europ enne et autre c est dans les ambitions de Monsieur le maire a reste tr s provincial L esprit provincial c est quelque chose de terrible C est tr s troit c est tr s Ah et puis c est de la 119 Les preuves de la dispersion bigoterie Voil Et Paris on ne rencontre pas a Au moins c est brass Et puis Paris est une tr s belle ville Moi j ai pass des moments tr s agr ables dans Paris m me quand j ai eu des gal res C est une ville j sais pas on se sent bien Enfin moi je me sens bien quand je suis dans Paris l ambiance l architecture ce brassage des g
248. nes se d roulent au sein de territoires g ographiquement troits Les courses la formation et la recherche d emploi les visites chez le m decin et les activit s de sociabilit et de loisir s effectuent dans des espaces qui ne sont loign s du domicile que des quelques kilom tres que les personnes peuvent parcourir pied Ce premier type d exp rience de la dispersion se caract rise donc par l assignation durable des enclaves territoriales quand il ne s agit pas plus troitement encore des enclaves du domicile Ces assignations territoriales se conjuguent par ailleurs des int grations sociales faibles dissoci es et marginalis es 2 Le principal l ment de distinction de cette seconde exp rience avec la premi re tient la dispersion r sidentielle nulle pour les premiers fr quente et de grande amplitude pour les seconds qui ont pratiqu plusieurs changements de villes de r gions et de pays Ces individus vivent leur dispersion biographique sur le mode du morcellement d eux m mes de l exil int rieur d une identit d chir e entre l ici et un ou des ailleurs qu une mobilit sens unique sans retour possible rend inaccessibles Pour le reste ces d racin s partagent avec les enclav s des situations professionnelles pr caires ou en rupture avec ce quoi ils pourraient pr tendre ou avec ce qu ils ont connu C est le cas par exemple des immigr s ing nieurs dans le pays d
249. nfants de cadres sup rieurs et de chefs d entreprise Si l on retient le principe de ces tendances il semble que les tudiants d cohabitants des milieux plus modestes doivent s loigner bien plus du domicile parental et de leur propre inscription sociale de mineur que les tudiants issus de milieux plus favoris s qui ont les moyens de d cohabiter plus souvent tout en tant proches la fois du lieu d tude et du domicile parental De plus les tudiants 56 Les preuves de la dispersion modestes font plus souvent leurs tudes dans des universit s de masse qui sont faiblement int gratrices Ces tudiants sont davantage laiss s eux m mes que les tudiants des grandes coles des classes pr paratoires etc Les tudiants modestes combinent donc deux difficult s L engagement dans les tudes sup rieures les place plus souvent dans des situations de d couverte d environnements qu ils ne connaissent pas ou pas bien et o ils n auront pas la ressource d au moins un cadre social int grateur Quant eux les tudiants plus fortun s poursuivent leurs tudes dans des environnements qu ils ma trisent car ils les pratiquent depuis longtemps en b n ficiant par ailleurs d institutions d enseignement plus int gratrices Les preuves de la d cohabitation seraient nettement plus marqu es que l on descend dans la hi rarchie sociale L mancipation La bipolarit est l insc
250. nfrontation aux autochtones la d couverte et l entr e dans une autre conomie de vie quotidienne Les voyageurs partent avec le d sir de se fondre dans les populations locales de vivre une osmose avec elles Les d butants veulent s prouver au contact du monde non pas dans un registre abstrait th orique intellectuel mais au contraire concret physique et sensible Les r cits sont nombreux et pr cis souvent nostalgiques et merveill s sur ce point comment un jeune homme crois dans la rue est devenu un guide et un ami comment s est d roul e la soir e impr vue dans une famille traditionnelle etc Le voyage entam seul ou quelques camarades proches prend dans les discours une forte tonalit communautaire laquelle participent des personnes rencontr es bri vement avec qui les changes ont t intens ment v cus Toute initiation est ritualis e et les rites ont imp rativement une dimension collective Les populations des pays explor s sont institu es comme des collectifs de transition entre la s paration et la r agr gation aux groupes d appartenance lors du retour Les contacts avec les gens de l bas sont pourtant restreints r duits Nos interlocuteurs ne restent pas longtemps dans les pays ils y sont en d placement continu ils ne parlent pas toujours les langues du cru l arabe le persan le malgache etc Pour les rencontres les plus longues il s agit d une nuit chez l h
251. ni re fragmentaire ar olaire Les territoires du proche ne sont pas v cus dans leur continuit d un seul tenant comme dans la d finition classique du quartier mais mit s pleins de trous Par exemple Louise se r f re sans cesse au quartier son histoire qui est simultan ment la sienne tous les lieux qu elle a vu voluer et qui ont accueilli ses enfants l cole le coll ge le centre de loisirs etc Mais Louise ne pratique pas tous les lieux et tous les habitants du quartier Elle s lectionne elle construit BI Bourdin A op cit p 51 124 Les preuves de la dispersion son local qui n est pas le m me que celui de son voisin de pallier Elle tient des discours critiques sur tel immeuble telle cat gorie de population tel lieu qui a chang Quand bien m me elle vit depuis 25 ans dans le m me espace elle ne le per oit pas de mani re indivise gale Elle a une pratique militante d engagement dans des instances de repr sentations des parents l cole dans le comit de quartier et ce titre elle tient le discours du quartier mais en quelque sorte sans y croire vraiment Du moins en sachant qu elle n est pas captive de cette entit territoriale puisqu elle participe des r seaux qui fonctionnent un peu comme des clubs par exemple tous les lundis matins un groupe de femmes proches organisent des caf s chez l une puis chez l autre et parce qu elle
252. ns Bruno raconte ensuite comment il a nou des relations avec des voisins partir de l cole de leurs enfants respectifs sorte de point de rencontre et de n ud des sociabilit s Les liens formels entre parents deviennent des liens d amiti qui s institutionnalisent dans des pratiques de table ouverte chez les uns et les autres de surveillance partag e des enfants de rassemblements impromptus le samedi midi avec un pique nique sur la table de ping pong d un square etc A partir de ce r seau de sept huit m nages Bruno devient un des m diateurs entre le r seau des voisins et le bailleur gestionnaire des immeubles Bruno et quelques autres s instaurent de fa on informelle et n anmoins reconnue comme les animateurs de la vie quotidienne du quartier Bruno annonce clairement que pour rien au monde je n irai habiter sur Villejean quartier situ dix minutes peine en voiture mais symboliquement socialement de l autre c t de la plan te On peut donc pour le moins concernant Bruno parler d une stabilit r sidentielle certaine Mais ce que les propos pr c dents ne disent pas c est qu une bonne partie des amis et des m nages impliqu s dans la co pr sence de Bruno sont d origine trang re Ce que l on pouvait imaginer du localisme troit de Bruno est brutalement d menti Sans quitter Rennes il projette une partie de sa vie quotidienne de ses pens es de son attention d
253. nt la valeur Comment vivre une situation o l on veut accorder un sens intime fort une exp rience socialement faible Le paradoxe est d autant plus marqu que le voyage ne d bouche pas sur des engagements militants ou plus globalement sur les discours de contestation de l ordre social qui caract risaient les routards des d cennies pass es Plus exactement si ceux ci existent ils n ont pas t voqu s une seule fois au cours des entretiens Cela renforce l hypoth se que l exp rience est aujourd hui d abord fond e dans une logique intime de la construction de soi 112 Les preuves de la dispersion Chapitre 4 Quatre exp riences communes de la dispersion Int ressons nous pr sent aux exp riences que des adultes font de la dispersion Les personnes rencontr es ont entre 30 et 55 ans Toutes sont actives et une majorit d entre elles sont mari es avec des enfants Toutes r sident sur l agglom ration rennaise soit dans le centre ville soit dans des quartiers p ri centraux soit encore sur des communes de couronne Certains sont propri taires d autres locataires Leurs situations professionnelles sont diverses Certains de nos interlocuteurs vivent des situations familiales professionnelles et personnelles pr caires D autres au contraire ont une existence stable confortable et prot g e Mais laissons d embl e de c t ces caract ristiques socio professionnelles pour nous con
254. nts entre l ancrage et la mobilit Ils doivent en sus parvenir leur conf rer un sens Partag entre plusieurs territoires entre plusieurs institutions l individu n est pris en charge totalement par aucune La construction de cette totalit significative est donc de son ressort Mais cette d sinstitutionnalisation du territoire et des int grations sociales aff rentes n affectent pas tous les groupes sociaux de la m me mani re Certains groupes sociaux ont les capacit s d y faire face ils sont et entre ancrage et mobilit capables de donner du sens leur dispersion d y construire des situations vivables D autres au contraire ne parviennent y faire Po A Notre tentative ici est d clairer quelques l ments de cette capacit des individus g rer la dispersion lui donner du sens Dans cette perspective il faut prendre en compte les pratiques concr tes ceux qui font beaucoup de voiture et ceux qui n en font pas ceux qui prennent l avion toutes les semaines et ceux qui n ont pas pass une seule fois les fronti res ceux qui ont Internet et ceux qui ne 7 Le Breton E Exclusion et immobilit la figure de l insulaire in Orfeuil J P dir Transports pauvret s exclusions Paris L Aube coll Essai 2004 180 p pp 49 73 7 Bien s r pour des raisons qui ne tiennent pas n cessairement leurs m rites personnels 77 Cette diversit des postures peut tre il
255. obalement la classe moyenne Cette notion de classe moyenne est videmment tr s vague mais par l nous voulions ne pas enqu ter des individus aux pratiques de dispersion importantes tels que par exemple les cadres du priv ou du public Il nous semble en effet que certains discours sur une soci t qui serait de plus en plus mobile proc dent de regards trop souvent port s sur des populations atypiques immigr s cadres internationaux etc Nous voulions enqu ter aupr s de personnes n ayant a priori aucune obligation sp cifique de mobilit Les al as du travail de terrain nous ont en fait amen s rencontrer des personnes aux profils socio professionnels extr mement vari s De fait nous avons abouti un panorama clat des exp riences de la dispersion Ce que l on peut dire autrement en disant qu il appara t que la soci t dispers e donne lieu des pratiques et des v cus multiples et tr s diff rents les uns des autres Nous les pr sentons l encore de fa on tr s exploratoire travers quatre configurations typiques chapitre 4 Les preuves de la dispersion Les analyses de ces trois chapitres sont fond es sur une enqu te par entretiens que nous pr sentons dans l annexe m thodologique Le premier chapitre a pour objet de proposer des l ments d un cadre d analyse des faits de mobilit Les preuves de la dispersion Chapitre 1 L anthropologie de la mobilit un
256. odernit dont ils incarnent une figure h ro que Mais sit t que l on regarde comment cette dispersion objective est v cue subjectivement les h ros disparaissent Pour eux la dispersion est v cue dans une tension douloureuse comme une source d ali nation de domination ordinaire X A l oppos d autres populations sont faiblement dispers es mais cela ne leur pose aucun probl me d s lors que leurs travails r seaux loisirs identit s sont inscrits depuis toujours dans l ordre du local et de la proximit Voil notre objectif explorer du point de vue de l individu quelques l ments d articulation des dimensions objectives et subjectives de la dispersion 5 Les figures de la dispersion Pour produire un panorama des exp riences de la dispersion trois crit res sont particuli rement pertinents Le premier est celui de la dispersion biographique qui recouvre le nombre plus ou moins important de d m nagements et l chelle g ographique plus ou moins grande laquelle ces d m nagements sont intervenus La dispersion biographique faible d signe des personnes qui ont peu D m nag et une chelle restreinte souvent interne une r gion urbaine Un cas typique est celui de personnes qui ont chang de domiciles une premi re fois au moment de la d cohabitation une autre lors de la mise en couple et enfin une troisi me et derni re fois avec l arriv e des enfants cette dispersion biog
257. oigner se d prendre Les fr res et s urs les amis ou plus g n ralement les pairs des ann es d enfance et d adolescence en rappelant qui l on tait avant risquent aussi de ralentir de g ner l affranchissement La distance peut tre une alli e de l mancipation mais elle n est pas indispensable Apr s une premi re ann e Angers loin de ses parents St phanie retourne Rennes o ces derniers r sident Elle parvient toutefois se m nager son territoire d affranchissement en articulant des lieux et des rythmes qui ne sont qu elle l espace public qu elle parcourt en tout sens pied les magasins dans lesquels elle travaille l occasion le campus le quartier de son ami N ayant ni voiture ni permis de conduire elle ne peut quitter Rennes Mais elle s accommode de cette limitation plut t rester dans le proche de l autonomie 71 Les preuves de la dispersion qu aller plus loin en tant d pendante Comme Anna s dans la n gociation du territoire rennais avec son fr re St phanie construit son territoire propre dans les interstices du territoire des parents Les d butants font de la prox mie le support et l outil de leur distinction Ce registre de l chappement l emprise des tutelles claire aussi l importance pratique de l espace public pour les d butants L espace public relativement indiff renci rues et places terrasses et bistrots campu
258. oir partir ailleurs Par ailleurs il a volu professionnellement et il estime tre arriv au bout d une s quence L encore donc le changement est l gitime Bref l acteur se donne de bonnes raisons de mettre en uvre ce projet de retour dont nous faisons l hypoth se qu il tait l inscrit dans l histoire de Fran ois et de son couple depuis longtemps A partir du moment o on a eu les enfants on s est pos la question de savoir s il faut acheter quelque chose sur l Auxerrois En 96 est arriv e ma deuxi me fille On se repose des questions savoir si on reste ici on ach te quelque chose on se fixe quelques ann e M me si on tait l depuis quelques ann es c tait un exploit c tait un point d ancrage depuis 4 ans Moi j avais volu professionnellement en changeant de poste en 96 toujours dans la m me structure mais j arrivais un peu au bout de mon poste fin 98 donc j ai demand bouger avec cette fois ci la r flexion de me dire que dans l arc atlantique grand Ouest ce serait sympa 140 Les preuves de la dispersion Au moment o les enfants sont l il faut arbitrer de mani re tre pr sent aupr s d eux leur assurer un environnement de proximit de suivi ducatif proche du moins Fran ois n imagine pas qu il puisse en tre autrement L encore il appuie cet argument sur son propre pass pass qui est ainsi singuli rement pr sent
259. origine et ouvriers en France ou de personnes dipl m es employ es en contrat d emploi solidarit Par ailleurs d munis tant sur le plan financier que sur celui de l int gration des r seaux sociaux les dispersions quotidiennes sont faibles et d autant plus mal v cues que les d racin s choisissent rarement leurs localisations r sidentielles jug es stigmatisantes et qu ils souffrent d un isolement relationnel marqu 3 Cette exp rience est celle de personnes appartenant des milieux plut t populaires Ouvrier e s ou employ e s ayant des niveaux de qualification bas ou moyens les personnes sont captives de leurs emplois Elles r sident dans leur r gion ou m me leur ville de naissance qu elles n ont jamais quitt es La permanence de l installation donne lieu un ancrage social marqu et m lang Au fil du temps les diff rentes dimensions de l identit sociale se confondent se confortent les unes les autres et consolident l enracinement Les int grations professionnelles et amicales militantes associatives et de voisinage s imbriquent 41 Les preuves de la dispersion au sein d un territoire troit mais dense et polyvalent N ayant pas d obligation de mobilit professionnelle ayant l essentiel de leurs r seaux sociaux dans les territoires de proximit ayant enfin des capacit s financi res restreintes les individus rassembl s dans ce troisi me type ont une dispersion quotid
260. our partie d ordre familial Les enfants sont n s ont grandi et les personnes jugent important de leur donner des racines selon l expression de Catherine Le 136 Les preuves de la dispersion rapport au territoire est v cu et construit travers l id e qu tre c est tre de quelque part pouvoir revendiquer une appartenance une identit territoriales s ins rer durablement dans des r seaux sociaux s approprier un territoire qui sera progressivement enrichi de souvenirs de trajets routiniers de pratiques habituelles Nos interlocuteurs souhaitent faire profiter leurs enfants de ce dont ils estiment avoir b n fici eux m mes dans leurs premi res ann es un territoire bien structur Les rythmes temporels des individus s allongent Au temps court des changements professionnels et des d m nagements se substitue le temps long de la projection dans une installation durable L conomie de la vie individuelle se recompose Dans la seconde s quence l individu est fortement investi dans deux sph res la fois son couple et son travail L absence d enfant offre une grande libert d ajustement des deux engagements Sans enfant la mobilit r sidentielle permet de composer librement l int gration de soi dans le couple et dans la sph re professionnelle L arriv e des enfants modifie cette conomie La sph re familiale et le statut de parents prennent une importance d terminante La mobi
261. our le proche n cessite d int grer leur rapport aux territoires lointains et ses ambigu t s Le parcours biographique des insulaires est marqu par des v nements douloureux abandons deuils divorces et ruptures avec la famille avec une ex pouse ou un compagnon licenciements expulsions Ces v nements traumatisants marquent subjectivement les territoires o ils sont advenus les qualifient n gativement et font na tre des fronti res symboliques D s lors les insulaires ne veulent pas retourner sur ces lieux hant s de mauvais souvenirs l o se trouvait la maison parentale qui a t vendue puis d truite dans la commune o ils avaient un travail dont ils ont t priv dans la ville o s est d roul un divorce difficile Les liens avec les territoires de la vie pass e sont rompus pas de visite ni de courrier ou d change t l phonique Ces interdictions ou impossibilit s du retour s accompagnent pourtant d une forte nostalgie Certains lieux du pass avec lesquels les ponts sont rompus et devenus inaccessibles sont magnifi s et embellis par le souvenir Par exemple Andr e a v cu son enfance dans une maison attenante un ch teau Elle n y est jamais retourn e et de son aveu ne le pourrait pas la charge affective tant trop lourde Mais elle nous pr sente longuement cet endroit qui rev t dans son discours une forme f erique Les ailleurs de la vie pass e sont inscrits dans u
262. out son temps refaire son nid Je d teste les d m nagements je trouve que c est toujours compliqu mat riellement Et puis moi j ai des tonnes de bouquins des choses donc c est toujours compliqu de reconstruire mon espace de r f rence de reconstruire mon espace o je vais retrouver justement toutes affaires Je sais bien qu chaque fois a me prend six bons mois et que en gros c est six mois que je pourrais occuper autre chose ventuellement donc c est vrai que je ne vis pas les d m nagements avec plaisir forc ment Il faut que je retrouve des rep res et a c est compliqu quand il faut reconstruire tout un cocon et s y sentir bien ce n est pas du premier coup il faut r am nager changer C est vrai que a demande un temps important avant de trouver une esp ce de stabilit 130 Les preuves de la dispersion Encore tudiant Bruno rencontre sa future femme Ensemble ils prennent un appartement plus spacieux que leur studio d tudiant Ils s installent dans un quartier du Nord de Rennes o ils vivent encore plus de vingt ans apr s Je me mets dans le jardin et je vois la fen tre de mon dernier appartement qui tait exactement de l autre c t de la rue au carrefour Mais l appartement pr c dent il est 150 m tres peine et le tout premier qu on a occup en arrivant sur le quartier est 400 m tres On a fait 400 m tres en 20 a
263. oyage dans ces registres de l intime lui conf re un sens particulier Il est v cu comme le moment de renouer avec soi le moment de s accomplir dans son individualit En tout cas c est un moyen rh torique qu utilisent les personnes pour soustraire le voyage l emprise de la soci t de consommation et au tourisme Ce sont des motivations profondes qui donneraient lieu selon elles cette exp rience et non l achat d un coin de ciel bleu Situer ce projet dans l intimit de l enfance et du psychisme est une fa on pour nos interlocuteurs de s extraire de la soci t Inscrire le voyage dans la continuit du j en ai toujours r v ou de la personnalit profonde situe le voyage dans le registre de l intimit du travail r flexif d individuation dans ce qui chapperait au social 121 Notons au passage que ces propos t moignent de la forte continuit qui peut exister entre la mobilit virtuelle l travers la lecture et la mobilit physique 93 Les preuves de la dispersion Le voyage derni re tape de l affranchissement Le passage l acte du voyage appara t comme li la construction r flexive de l individu en cela qu il s inscrit dans des p riodes de reformulation des identit s de la personne particuli rement dans deux circonstances le processus de desserrement et les v nements li s la vie de couple On a vu que la d cohabitation proc de d a
264. patiale n est pas autonome sp cialis e et qu observer les identit s socio spatiales c est op rer un plan de coupe qui traverse qui transversalise He les dimensions de la vie humaine le travail la famille l engagement politiquel etc Bachelard G Po tique de l espace 1957 46 Outre l introduction de Yves Grafmeyer et de Isaac Joseph cette tradition L cole de Chicago Naissance de l cologie urbaine Aubier 1984 se reporter pour une analyse globale Jean Michel Chapoulie La tradition sociologique de Chicago 1892 1961 Paris Le Seuil 2001 4 Chombart de Lauwe P H Paris Essais de sociologie 1952 1964 Les Editions ouvri res coll L volution de la vie sociale 1965 197 p 48 Ledrut R L espace en question ou le nouveau monde urbain Anthropos 1976 361 p Ledrut op cit pp 12 13 On trouve une int ressante synth se des d bats relatifs la notion d espace social dans Alphand ry P et Bergues M Territoires en question pratiques des lieux usages d un mot in Ethnologie fran aise 2004 1 pp 5 12 Ha gel F et Levy J op cit 5 La r f rence aux inscriptions spatiales des individus et des groupes est un des cadres fondamentaux de l analyse politique l issue d lections par exemple dis moi o tu habites je te dirais comment tu votes 26 Les preuves de la dispersion A ei renvoient aux notions d espace social ou
265. persion rapport aux autres se sont multipli s d hi rarchis s et sont plus librement choisis par les individus Nous appliquons cette hypoth se au territoire Le territoire est une institution qui a longtemps socialis ses membres de mani re assez troite Les individus naissaient dans un endroit un village une ville une r gion et ils y restaient souvent toute leur vie et m me l chelle de la famille largie plusieurs g n rations Chaque territoire avait ou tait consid r comme ayant ses caract ristiques propres en mati re de langue de psychologie des habitants les Chtimis chaleureux les Marseillais grande gueule les Parisiens snobs et press s etc de gastronomie d accent de noms qui d signaient l origine de leurs porteurs Les identit s taient labor es par l appartenance un et un seul lieu Il n est pas besoin de remonter trop loin dans le temps pour que ce tableau grossier trouve une certaine consistance C tait le cas en France jusque dans les ann es 1950 Les quipes de la DGRST enqu tant Proz vet dans le Finist re ou l quipe compos e de Yvonne Verdier Fran oise Zonabend Tona Jolas et Marie Christine Pingaud investiguant la m me p riode Minot en Bourgogne en ont fait la preuve Quelles taient les caract ristiques de cette institution a La proximit les personnes passaient la majeure partie de leurs vies dans un p rim tre en tendance plu
266. pliquent un d placement du corps dans l espace b Les mobilit s virtuelles op r es au moyen des m dias de communication t l phone Internet courrier avec des personnes situ es dans un ailleurs qui peut tre proche ou lointain Revenons encore notre jeune femme qui t l phone longuement et plusieurs fois par semaine sa m re habitant la campagne du Mans dans la Sarthe Un de leurs sujets de conversation favoris porte sur le jardin potager de cette maman Via le t l phone ce jardin la maison attenante et la campagne alentour constituent pour notre interlocutrice un lieu plus important dans son inscription territoriale que son propre quartier de r sidence qu elle n aime pas et qu elle a subjectivement tendance gommer c Troisi mement ce que faute de mieux nous appelons les mobilit s mentales ou repr sentationnelles Cette cat gorie rassemble les lieux que les individus pratiquent par la pens e mais auxquels ils accordent souvent une grande importance dans la d finition d eux m mes Parmi les trois lieux qui ses yeux la d finissent le mieux une jeune femme voquait l Italie o elle n est jamais all e o elle n a ni famille ni ami Mais cette Italie r v e est pour elle un refuge une chappatoire pleinement partie prenante de son inscription territoriale D autres interlocuteurs sont mentalement tourn s vers les lieux de leur enfance qu ils ne pratiquent pourtant plus ou vers
267. ports aux territoires ces derniers tant indissociablement des espaces de construction et de projection de la vie sociale Ces prox mies typiques permettent d articuler de mani re relativement coh rente des dimensions nombreuses des modes de vie le parcours biographique 155 Les preuves de la dispersion des individus les agencements de leur vie quotidienne au pr sent les modalit s d int gration ou de non int gration diff rents collectifs familiaux et amicaux professionnels et r sidentiels les trois types de mobilit physique virtuelle et mentale les logiques d appropriation ou de non appropriation des espaces de vie Plus globalement il semblerait qu il soit possible de produire une lecture de la soci t contemporaine du point de vue prox mique Cette perspective pourrait d boucher dans une appr hension de la soci t en terme de communaut s mobiles c est dire des collectifs d finis sur la base de leurs exp riences et pratiques sp cifiques de la soci t dispers e Il reste toutefois d velopper tr s significativement 1 la description de chacune de ces communaut s mobiles et de leurs ressorts et 2 examiner comment et selon quels principes elles sont articul es les unes par rapport aux autres 156 Les preuves de la dispersion Conclusion Cette tude a pris son point de d part dans le constat d une soci t dispers e o les appartenances sociales les acti
268. processus de desserrement resserrement consiste pour les jeunes s affranchir du territoire des tutelles proches o ils ont une identit assign e par d autres parents pairs institution scolaire et une identit relativement indivise globale celle du mineur sous contr le Les mobilit s d affranchissement aboutissent la reformulation de ces deux caract ristiques identitaires Par la mobilit le d butant choisit et s approprie progressivement des lieux et des engagements sociaux mancip s des contr les initiaux Il ne vit plus dans les limites de l inscription territoriale de ses parents principalement mais dispose de la sienne propre sur laquelle les parents n ont au mieux qu un droit de regard ponctuel Acc der l autonomie c est bien s manciper et la mobilit est un cadre efficace pour cela m me si elle peut parfois se r v ler difficile douloureuse voire angoissante L affranchissement c est aussi se donner les moyens de l identit multiple S affranchir des tutelles c est s affranchir des conceptions globalistes de soi L inscription territoriale laquelle arrivent les d butants au fil de leur mancipation est complexe multipolaire Ils y ont des engagements sociaux diff rents et non contigus chaque engagement social en un lieu correspond un r le une dimension de leur identit les tudes et l identit de l tudiant le travail et celle du salari
269. qu un p le parmi d autres Cette indiff rence territoriale se traduit sous plusieurs formes D abord dans la pratique de l espace public qui est le principal espace de vie du d butant celui o il passe une grande partie de son temps D un certain point de vue l espace public est sans qualit c est un lieu de Hra o l on est astreint aucune identit sp cifique autre que celle du passant let la communaut incertaine que l on y c toie n est pas tr s exigeante en mati re d identification de soi On entre facilement et librement dans l espace public et la communaut incertaine dont l int r t sp cifique est de brouiller les appartenances On en sort aussi facilement librement et sans tre tenu d y conserver la moindre attache Mais au del de l espace public les d butants sont r tifs tout ancrage au sens fort du mot d inscription stable 100 Aussi consid rable soit il pour Isaac Joseph Joseph I Le passant consid rable Paris Librairie des m ridiens coll sociologie des formes 1984 146 p 72 Les preuves de la dispersion dans des lieux et des engagements sociaux Ils ne font que passer dans le premier logement dans le quartier dans le campus L indiff rence territoriale appara t aussi de mani re singuli re dans cette pratique des d butants de commencer leurs tudes dans des villes qu ils ne connaissent pas forc ment de partir volontiers l o
270. que travers des comp tences de l engagement social ma tris dont les navetteurs n ont pas le monopole les cosmopolites notamment les mettent en uvre mais qu ils pratiquent de mani re syst matique Sans doute aussi cette capacit d oubli est elle li e aux recompositions identitaires fortes des navetteurs Le retour est motiv par la fondation de la famille et l investissement du r le de parent avec tout ce que cela implique de responsabilit et d engagement affectif souci clairement exprim par tous les navetteurs Au regard de ce nouveau r le la p riode de libert du cosmopolitisme d exp rimentation de soi peut sembler brutalement vieillie projet e dans un pass lointain qui n est plus gu re en continuit avec le moment pr sent ce d calage conduit minorer subjectivement le lien avec les exp riences pass es L ampleur de l oubli proc de de la force des liens que les individus entretiennent consciemment et inconsciemment avec leurs territoires d origine Les navetteurs ont v cu de longues p riodes de leurs vies enfance jeunesse p riode d tudes dans les m mes agglom rations S ils partent ensuite vivre ailleurs le lien avec les territoires d origine n est jamais rompu ils reviennent r guli rement rendre visite aux parents ou y passer des vacances Install s ailleurs ils restent attentifs ce qui se passe chez eux Pierre le dit bien s
271. que nous dit la spatialit des habitants d une grande ville sur leur rapport la soci t sur leur identit sociale p 35 et les g otypes de l identit p 43 que les auteurs b tissent sont bien d finis par les pratiques de mobilit plus ou moins r duites ou dispers es des personnes Pour finir une grande partie des recherches du programme Mobilit s et territoires urbains du minist re de l Equipement 2000 2005 rel ve clairement d une anthropologie de la mobilit telle que nous allons l voquer Elkana A Mobilit s des habitants d un village p riurbain marseillais in Les annales de la recherche urbaine n 59 60 1993 100 108 24 Les preuves de la dispersion 50 kilom tres au Nord Ouest de Marseille Or comprendre l usage des routes on est donc l au d part dans une probl matique classique d usage d infrastructures de d placements a oblig l auteur a largir son regard aux modes de territorialisation des groupes consid r s La description des territoires pratiqu s fait alors appara tre des configurations territoriales diff rentes selon les groupes alors m me que le sch ma routier est identique pour tous Un premier mode de territorialisation rassemble les personnes implant es de longue date Lan on dessinant par leurs d placements une carte des attractions des vitements et des repoussoirs qui varient radicalement avec la carte
272. r quelques l ments caract ristiques de cette quatri me et derni re logique d exp rience de la dispersion Les cosmopolites se distinguent des trois types pr c dents par l importance et l amplitude de leurs dispersions biographiques et quotidiennes mais aussi par les modalit s de leurs engagements sociaux Une int gration sociale d territorialis e Comme les navetteurs les cosmopolites ont des parcours r sidentiels complexes Les d m nagements sont tr s nombreux qui peuvent d passer la douzaine d adresses et donnent lieu des changements de villes de r gions voire des s jours l tranger Mais la diff rence des navetteurs les trajets ne se terminent pas sur un retour vers le territoire familial ils restent ouverts La migration est un futur toujours possible A 47 ans Martine a chang d adresses de tr s nombreuses reprises et v cu plusieurs s jours de longue dur e dans des pays trangers Au moment o nous l avons rencontr e elle pr parait un nouveau d m nagement sans quitter Rennes motiv par des raisons conomiques tout en pr parant d j le d m nagement suivant et en pr voyant aussi ch ance un peu plus lointaine de nouveaux s jours longs en Afrique Jai moins d argent maintenant et c est pour a qu on doit quitter cette maison pour une autre qui nous co tera moins cher Dans deux ans on va d m nager car on pense que pour nous c est mieux d
273. r trois types de lieux qui font spontan ment l objet des discours les plus abondants D abord les lieux mobiles notamment la voiture mais aussi les gares les trains les a roports les h tels les restaurants et les villes Plus globalement les lieux mobiles sont les endroits travers s au fil de parcours toujours recommenc s au long de trajets toujours changeants Ces lieux mobiles ne sont pas toujours appr ci s ils ne font pas n cessairement l objet de discours affectifs ou d appropriation forte Mais ils composent un d cor habituel auquel l acclimatation est d autant plus importante que la qualit de la vie quotidienne en d pend La voiture est de haut de gamme bien entretenue r guli rement chang e Nos interlocuteurs disposent de tous les outils de facilitation des d placements cartes d abonnement aux transports guides des villes etc Ces personnes connaissent la bonne boulangerie le bon restaurant dans 15 20 villes diff rentes voire plus Le lieu de travail et dans une certaine mesure le domicile quand bien m me ils y passent objectivement plus de temps qu ailleurs sont subjectivement per us comme des tapes au m me titre que d autres Le second type de lieu organisant cette inscription territoriale r side dans le territoire des origines celui o les personnes ont des r f rences stables p rennes en terme de paysages d activit s de souvenirs et de r seaux sociaux
274. raphique les amenant quitter un village ou une petite ville pour s installer dans la capitale r gionale A l oppos certains de nos interlocuteurs ont d m nag plus de douze fois en changeant de ville de r gion et m me pour certains de pays Le second crit re est celui de la dispersion quotidienne On retrouve l l id e de mobilit dans son acception courante La dispersion est faible lorsque les personnes sont peu mobiles leur inscription territoriale tant born e pour l essentiel aux limites d une agglom ration tendue On dira la dispersion quotidienne forte quand les individus se d placent souvent des chelles territoriales qui exc dent usuellement la r gion urbaine de r sidence pour atteindre parfois des pays trangers pratiqu s sinon de mani re courante du moins sans tre v cus comme des v nements exceptionnels La personne qui s offre annuellement un cong dans un pays tranger vit l exp rience de mani re presque banale 7 Martuccelli D Dominations ordinaires Paris Balland 2001 362 p Ce type de hiatus une forte dispersion v cue comme ali nante minore l int r t de faire de la mobilit un capital 7 Le peu et plus loin le fort le restreint et l tendu sont bien s r des valeurs relatives que nous appr hendons en terme de tendance 39 Les preuves de la dispersion Le troisi me crit re r side dans le type d int gration sociale E
275. ration R alis s dans le cadre du vaste programme Universit s et Villes cf Dubet F et al op cit Bourdon F et Peyron C Le cas de la d localisation du premier cycle de Droit Nevers Dijon Universit de Bourgogne LATEC 1993 l Ce qu amplifie l viction des campus dans les banlieues Bron Lyon Talence Bordeaux Le Mirail Toulouse Villejean et Beaulieue Rennes etc Cette marginalisation spatiale des campus nette dans les ann es 1970 et 1980 est en cours de r sorption du fait des politiques de relocalisation des universit s dans les centres villes et du d veloppement des liaisons en transports collectifs vers les campus excentr s 53 Les preuves de la dispersion Charlie par exemple apr s avoir durement n goci avec ses parents obtient 20 ans de prendre une chambre en cit U L acc s l autonomie lui semble d autant moins risqu que les parents r sident dans la m me ville quelques kilom tres de l Pourtant l exp rience d bouche sur un chec Il ne se trouve pas ne parvient pas conf rer du sens cette autonomie Il d laisse ses tudes dans lesquelles il ne s impliquait d j que modestement Il se replie dans l isolement de sa chambre d une cit U d sert e lors des week end et des vacances scolaires Epuis selon ses termes par quelques mois de solitude et d incompr hension de sa situation il retourne alors chez ses parents
276. re part le d sir de renouer avec un paysage familier consubstantiel de l identit profonde des individus alors que se pose eux la question de la transmission d une identit leurs enfants Le terme de paysage doit tre pris dans un sens g n ral comme un type d environnement et de rythme de vie mais aussi au sens premier du mot nombreux sont ceux qui ont voqu le plaisir de vivre nouveau pr s de la mer Nous avons observ cette logique du retour chez plusieurs de nos interlocuteurs et de mani re particuli rement nette dans le r cit de Fran ois cadre sup rieur dans une entreprise priv e On y voit comment dans un premier temps s articulent la mobilit d affranchissement et l int gration professionnelle et 137 Les preuves de la dispersion conjugale qui se recombinent ensuite au moment du retour Prenons le temps de suivre pas pas dans ses ressorts cet itin raire typique Fran ois est originaire de Ch teaugiron 25 kilom tres de Rennes o ses parents r sident encore Fran ois fait toute sa scolarit puis ses tudes Rennes Une fois dipl m d une cole d ing nieurs plusieurs postes professionnels lui sont offerts sur la Bretagne Brest Lorient Rennes Mais il d cide de partir motiv par le d sir de se confronter au vaste monde soucieux aussi de faire avec un peu de retard comme ses camarades Il s engage dans le cosmopolitisme d
277. rent des espaces o projeter une image gratifiante de soi pour soi m me mais aussi pour d autres Etre capable de parler d un autre pays d une autre culture c est presque y tre all Mais l investissement mental des territoires r v s amplifie le sentiment de d racinement d tre l o l on ne devrait pas tre Ily a un pays que j adore vraiment c est l Italie Rome pr cis ment Pour l architecture et l art surtout J ai fait de l histoire de l art et l Italie ma toujours enchant e surtout Rome C est une ville extraordinaire Engu teur vous y tes all e souvent Aur lie Jamais Cette inscription territoriale insulaire est sous tendue par un cercle vicieux Les insulaires se projettent ailleurs dans les territoires du pass ou dans des territoires utopiques o ils s inventent des identit s plus gratifiantes au sein de la famille qui serait r unie l occasion du voyage de tourisme dont ils n ont pas les moyens des visites aux amis perdus Ils ont alors des difficult s se projeter dans 120 Les preuves de la dispersion les territoires du proche s y construire eux m mes dans des identit s vivables Il leur est difficile partir de l de s int grer convenablement tel ou tel collectif professionnel associatif de quartier etc L int gration d ficiente amplifie alors la projection de soi dans les territoires de l ailleurs Etc ab
278. rience De quelle Aira cette pratique de la dispersion participe t elle de l affranchissement de soi An La litt rature romantique a beaucoup crit sur le voye eu Pine Ce type de voyage est pr cis ment codifi Il est r serv aux filslde la bourgeoisie commer ante ou de robe L exp rience est rituelle et m me si le d part du fils s effectue clandestinement la nuit les parents savent et en quelque sorte attendent l v nement que le p re lui m me exp riment quelques d cennies auparavant Le trajet est doublement balis Balis en terme de destination Le jeune gar on ne va pas n importe o mais dans les lieux connus reconnus et renomm s pays de grande culture l Italie villes universitaires capitales culturelles Le voyage est aussi balis par le r seau social des parents de la famille des client les au sens ancien du mot Le voyageur profite de ses p r grinations pour rendre visite quelque alli Perdu et sans argent il sait pouvoir trouver de l aide aupr s des membres de la m me confr rie que son p re qui il se pr sentera comme le fils de Celui qui apporte ce moment son aide devient un nouvel alli et largit alors le r seau Bien s r la codification du voyage n emp che pas les exp riences personnelles et les plaisirs interdits sur le territoire familial Des textes tr s nombreux illustrent ce voyage initiatique Un texte fondatez est le Wilhelm Meister de G the r
279. ription territoriale typique des premi res ann es Vient un moment o la fr quence des allers retours vers le domicile parental ralentit un moment o le d butant ne dit plus je rentre chez moi mais je vais chez mes parents On peut grossi rement consid rer que le desserrement appara t travers les indices de d cohabitation et de possession d une voiture La proportion d tudiants vivant chez leurs parents diminue rapidement au fur et mesure que l on avance dans les ges L enqu te sur La vie tudiante dans les Alpes Maritimes r alis e par le GERM en 1993 donne les chiffres suivants entre 17 et 19 ans plus des deux tiers des tudiants vivent chez leurs parents 67 3 c est le cas de moins de la moiti de ceux qui ont entre 22 et 24 ans 45 2 et moins d un quart de ceux qui ont de 25 29 ans 22 9 Ces donn es coh rentes avec les tendances synth tis es par Fran ois Dubet ou par l Observatoire de la vie tudiante montrent un processus net et r gulier de d part de chez les parents Cit e par Val rie Erlich Les nouveaux tudiants Un groupe social en mutation Armand Colin coll R f rences sociologie 1998 p 131 Dubet op cit 2 Grignon Cl La vie mat rielle des tudiants Logement alimentation sant La documentation fran aise coll Les cahiers de POVE 1998 223 p Les analyses sont fond es sur une enqu te statistique men e en 1994 aupr s d
280. ritage comme tous les 85 Les preuves de la dispersion h ritages est susceptible d tre transform il oriente n anmoins La mobilit d affranchissement n est pas une cr ation ex nihilo de l individu Le resserrement s accomplit pour partie dans des cadres anciens ou partir d eux Ce questionnement renvoie d une mani re beaucoup plus large ce qui est transmis en mati re de prox mie Qu est ce qui se transmet dans ce registre au fil des g n rations entre membres d une m me famille ou d un m me groupe social Sont ce des structures coh rentes de rapport l espace Ou plus modestement des l ments de pratiques ponctuelles On peut poser la question autrement dans quelle mesure la prox mie est elle ou non partie int grante des habitus Cette question est quasiment vierge notre connaissance Elle est effleur e par Laurence ETS D son travail sur les mobilit s tudiantes lorsqu elle observe que les tudiants socialis s en grande banlieue parisienne pr f rent effectivement les environnements peu denses Dans quelle mesure le rapport aux territoires est il transmis aux individus par des apprentissages formels ou informels ou acquis par l exp rience de l acteur en situation En conclusion l autonomie du moi multiple Les d butants s engagent dans des mobilit s pour parvenir l autonomie appr hend e ici sur le plan de l inscription territoriale Le
281. ritoires partir de ce que la personne elle m me consid re comme pertinent dans ce rapport et non en r duisant ce dernier de mani re quelque peu arbitraire l usage concret d un mode m canis voiture deux roues ou transport collectif Il s agit en second lieu de rendre compte du rapport aux territoires travers les mobilit s effectives positives mais aussi des mobilit s n gatives des mobilit s que les personnes ne font pas des espaces vit s des zones d ombres des repoussoirs qui en disent tout autant sur les individus et les groupes Savoir que la haute bourgeoisie parisienne ne fr quente jamais les Halles est aussi riche d informations que de savoir qu elle fr quente assid ment l avenue Montaigne Le non d placement est aussi riche d informations que le taux de non r ponse un questionnaire Or bien s r l vitement est par d finition un non transport Notion de Fran oise Paul Levy et de Marion Segaud Anthropologie de l espace Paris Ed du Centre Georges Pompidou coll Alors 345 p Les auteurs pr cisent que cette notion traduit un certain embarras l espace est tout et l espace n est rien pp 161 162 5 Tarrius A Les nouveaux cosmopolitismes Mobilit s identit s territoires Ed de l Aube coll Essai 2000 265 p Jean Fran ois Augoyard a clairement montr l importance de l vitement Ces v
282. rs ni du soutien financier et institutionnel du minist re de l Equipement ce programme s est d velopp non pas en profitant de d marches concert es mais de mani re diffuse travers des recherches individuelles Donnons avant toute chose un exemple concret du type d approche auquel nous faisons r f rence Parmi de nombreux autres exemples possibles voquons bri vement le travail Hoon Affandi sur les mobilit s des habitants d un village p riurbain marseillais L objet initial de la recherche tait d appr hender l usage des r seaux routiers locaux d une population habitant Lan on de Provence quelques 40 ou Tarrius A Anthropologie du mouvement Caen Paradigme coll transports et communication 1989 185 p 4l Tarrius op cit p 1 etp 15 Parmi les autres exemples possibles clairement inscrits dans l orientation conceptuelle de Affandi mentionnons Roulleau Berger L La ville intervalle Jeunes entre centre et banlieue Paris M ridiens Klincksieck coll R ponses sociologiques 1991 211 p Ha gel F et Levy J Urbanit s Identit s spatiales et repr sentation de la soci t in Calenge Ch Lussault M et Pagand B Figures de l urbain Des villes des banlieues et de leurs repr sentations Tours Editions de la Maison des sciences de la ville coll Sciences de la ville 1997 213 p pp 35 65 Cet article de Florence Haegel et Jacques L vy d bute par
283. rsion r seau social sa densification on t l phone on crit la famille aux amis qu on laisse ceux ventuellement qu on retrouve dans la nouvelle ville permet de compenser le sentiment de fragilit de prendre appui en quelque sorte sur les lieux connus pour ma triser le choc de l inconnu Les d butants sont dans une situation plus difficile D abord et par d finition parce que c est la premi re fois qu ils d couvrent l autonomie dans toute l paisseur de la vie quotidienne dans la diversit de ses t ches de ses moments Ensuite et l encore par d finition parce qu ils n ont pas encore eu les occasions de d velopper des capacit s d adaptation g n riques une certaine diversit de lieux Enfin ils ne peuvent compter que sur eux m mes pour s int grer dans leurs nouveaux territoires Au cours des premiers mois les relations amicales nou es l universit notamment sont pratiqu es sur un mode de l engagement faible on sort avec les copains mais on ne leur confie pas forc ment les tats d me et les difficult s prosa ques Les ventuelles ressources familiales disponibles sur place fr re ou s ur oncle ou tante etc sont soigneusement vit es En effet apr s avoir r ussi s loigner des parents les jeunes refusent de se placer sous la d pendance d autres proches Ils pr f rent un affranchissement solitaire et difficile plut t qu un confort d pend
284. s et dans lequel elle vivra r ellement presque 25 ans Deux registres d l ments doivent tre pris en compte D abord le registre mat riel Nadia ne dispose pas encore du permis de conduire qu elle pr pare actuellement ni d une voiture Les services de bus sont rares en soir e et le week end Habiter quelques 20 kilom tres de Rennes n est pas tr s commode dans ces conditions Mais surtout les remaniements du syst me familial sont complexes Au cours des ann es d enfance et d adolescence Nadia ne s est jamais loign e de sa famille les vacances notamment taient prises avec toute la famille rassembl e Nadia a deux fr res plus g s qui ont r cemment quitt le domicile parental Mais ils se sont mancip s au moment o ils avaient un travail et une compagne Nadia n a rien de tout a et sa minorit statut de jeune femme d tudiante un travail tr s ponctuel ni permis ni voiture tout cela ralentit le desserrement La hi rarchie des lieux qui comptent pour elle t moigne de la situation d entre deux qu elle vit Le lieu le plus important pour elle est le plus lointain dans l espace et dans le temps celui avec lequel elle n est objectivement que faiblement reli e le Maroc mais qui lui est subjectivement tr s pr sent dans un registre sensoriel le chant des femmes les odeurs d pices les pratiques alimentaires etc On retrouve le propos de Deleuze pour qui le plus i
285. s rapports au monde par la voie mystique le bouddhisme etc ou par la voie des drogues Les dimensions fondamentales du voyage romantique du stage l tranger et de l exp rience de la route sont les m mes de notre point de vue Le voyage est une preuve d s lors qu il consiste quitter pour un temps les environnements de la vie habituelle et les collectifs d appartenance famille et amis milieux scolaires ou professionnels Puisque les logiques de l identit sont relationnelles rompre le lien d int gration c est indissociablement rompre avec soi Le voyage rel ve alors du sacrifice d une partie d une image de soi m me et s accompagne de la perte au moins ponctuelle du confort de l appartenance et de l identit bien tablies S manciper des collectifs d appartenance entra ne la privation de son identit le temps qu une autre merge Ce type de mobilit est organis autour d une relative mise en risque de soi consciente et volontaire La dispersion du monde est 116 Partie publi e en 1829 17 Marteau J Y Les enfants du voyage routard in Espaces n 153 1998 pp 56 59 118 Sans multiplier les r f rences nous pensons par exemple au film Easy Rider Acid Test 1968 de Tom Wolfe etc 89 Les preuves de la dispersion explicitement utilis e comme une ressource dans la construction de l individualit et cela conf re un statut singulier ce type de mobilit
286. s acteurs sociaux ou des v nements pr sents ailleurs Pour illustrer le propos donnons l exemple de Giddens des flux financiers qui s changent dans des espaces th oriques d connect s des lieux concrets de la production des mati res premi res dont ils sont une traduction 16 Giddens A Les cons quences de la modernit Paris L Harmattan coll Th orie sociale contemporaine 1994 192 p 145 Les preuves de la dispersion Cette dissociation peut donner lieu ce que nous appellerons des exp riences du vide Certains des navetteurs racontent avoir fait un type particulier d exp rience consistant pratiquer des lieux sans parvenir ou vouloir s y impliquer le moins du monde L exp rience du vide c est tre physiquement dans un lieu mais avoir le sentiment de ne pas y tre ne pas pouvoir ou ne pas vouloir s y engager vraiment d y tre tout en restant dehors Deux situations de ce type sont voqu es le tourisme et les missions professionnelles dans des pays trangers Les navetteurs pratiquent r guli rement le voyage de longue distance vers l tranger notamment lors des vacances ou de week end prolong s Parmi ces personnes de classe moyenne dipl m e que nous avons rencontr es certaines voquent au fil de la discussion Londres Toronto New York Paris l Egypte pour d autres les destinations ont t et sont la Syrie la Tha lande la Chine Vienne
287. s aussi et tout autant travers des mobilit s virtuelles le t l phone Internet la t l vision le cin ma la presse etc mais encore travers des mobilit s mentales tre chez soi Rennes et se projeter en pens e dans le village de son enfance De notre point de vue il n y a aucune raison d accorder une importance particuli re aux mobilit s physiques par rapport aux autres Sans d velopper ici notre propos prenons un exemple simple Une femme au foyer fait tous les jours ses courses pied dans son quartier Ce quartier est donc un p le important de son inscription territoriale Mais tous les jours aussi elle consacre une demi heure discuter par t l phone avec sa m re qui vit 500 kilom tres Tous les jours cette femme se projette mentalement dans le village de sa m re son actualit ses probl mes le temps qu il y fait etc Ce village n est pratiqu qu travers des mobilit s virtuelles et mentales Il est n anmoins indiscutablement un autre p le important de l inscription territoriale de la femme en question Ne pas prendre en compte ce p le c est amputer arbitrairement cette femme d une partie de son identit sociale Or il est probable que ce type de r alit chappe l analyse qui part des mobilit s car dans ce cas le regard est focalis sur les mobilit s physiques les d placements effectifs La seconde option de ce travail r side dans le niveau d analy
288. s d acheter depuis un ou deux ans mais qu on avait pas la r flexion de se dire on va rester sur Auxerre Mais quand on est rentr ici en 99 j ai dit on a les moyens on est dans une ville o a va bien se passer Donc on s est dit c est Rennes la famille est l pour moi et la belle famille Brest c est pas tr s loin on est revenu dans notre aire achetons sur Rennes Plus tard alors que toute la famille est sur Rennes le groupe qui l emploie lui impose nouveau un autre changement Mais l Fran ois est d sormais captif de son territoire de la localisation de la famille Pour la premi re fois de sa carri re il n a plus le choix Plus exactement son ambition professionnelle est moindre elle est articul e compos e avec d autres dimensions de sa vie et l am ne accepter des postes moins int ressants des mutations qui ne sont pas des promotions D but 2001 changement professionnel pour moi on me dit vous prenez tel poste ou alors vous mutez J avais pas le choix Etant donn qu on avait investi et que personnellement on voulait rester sur la ville j ai dit ok je prends ce poste Engu teur C tait un poste int ressant Fran ois Moyen pour moi pas plus que a Enqgu teur Avec une progression hi rarchique Enqgu t Aucune quasiment Les priorit s ont bascul et l inscription territoriale s est radicalement recompos e Les importantes dispersions
289. s du s minaire de juin 2001 Paris Viard J La soci t d archipel ou les territoires du village global L Aube coll Monde en cours 1994 Vignal C Mobilit s migrations et ancrages face la d localisation de l emploi Communication au colloque Mobilit s familiales au quotidien de lVAISLF Lausanne les 11 et 12 octobre 2002 Zeneidi Henry D Les SDF G ographie du savoir survivre Paris Ed Br al coll d autre part 2002 288 p 1 re 163 Les preuves de la dispersion Annexe m thodologique 1 Les enqu tes Nos analyses sont fond es sur l analyse d entretiens r alis s Rennes entre juillet 2003 et f vrier 2004 aupr s de 38 personnes dont la liste est donn e ci dessous Il s agissait d entretiens d une dur e moyenne oscillant entre une heure deux heures enregistr s et int gralement retranscrits Les personnes rencontr es r sident toutes Rennes ou dans des communes de l agglom ration rennaise hormis deux personnes r sidant Orl ans Nous les avons rencontr es dans quatre contextes diff rents pour les entretiens exploratoires nous avons mobilis nos r seaux personnels sur le mode de la d signation des amis des amis ou des relations des relations cela concerne six personnes pour les d butants nous avons sollicit une association tudiante de l universit Rennes 2 pour les autres personnes nous avons mobilis
290. s et appartements des connaissances en m me temps que la communaut incertaine des tudiants sont deux espaces l un plut t spatial l autre plut t social qui permettent aux d butants d tre difficilement localisables de se mettre hors de port e des contr les L indiff rence territoriale Dans le cadre de leurs mobilit s d affranchissement les d butants pratiquent une indiff rence territoriale Pour le dire simplement l indiff rence territoriale c est le fait de n tre pas attentif de ne pas accorder d importance aux lieux o l on est o l on vit de consid rer que l on n est pas retenu par les territoires et donc par les engagements sociaux qui y sont localis s L indiff rence territoriale est une forme de libert que s octroient les individus engag s dans des mobilit s dont l objet est la mise l preuve la formation de soi Ce rapport particulier aux lieux cesse lorsque le d butant estime tre parvenu une autonomie suffisamment claire aux yeux notamment des anciennes tutelles mais aussi ses propres yeux lorsqu il a le sentiment d tre en phase avec sa propre situation Alors il pose ses valises et entreprend de s approprier de consolider de localiser son inscription territoriale et simultan ment ses engagements sociaux avec compagnon ou compagne amis employeurs relations diverses et ses proches familiaux ces derniers ne repr sentant plus d sormais
291. s et territoires urbains mise en perspective de quelques probl mes in Minist re de 1 Equipement Les Cahiers du s minaire Mobilit s et territoires urbains septembre 2003 124 p pp 13 34 voir en particulier les pp 24 25 65 Les preuves de la dispersion La d territorialisation des engagements sociaux Ces situations montrent bien quelques dimensions de la d sintitutionnalisation des territoires Robert Ezra Park le premier a montr que la caract ristique particuli re de la ville tait d offrir chacun un ventail presque infini de possibles l aventure est au coin de la rue Les individus pourraient se composer eux m mes la carte en choisissant comme un peintre sur sa palette d associer tel quartier avec son ambiance et ses offres d engagements sociaux avec tel autre Le rapport la ville proc derait donc du projet de l individu Selon ce qu il veut tre et devenir il pratique tel ou tel lieu ayant avec chacun en quelque sorte un rapport r flexif La relation des d butants aux territoires rel ve pour partie de ce rapport Anna s H l ne et d autres utilisent consciemment les territoires pour construire composer leurs identit s La d sinstitutionnalisation des territoires les aide grandement Les jeunes PRET aller facilement partout parce que les mobilit s sont facilement r versibles La voiture la facilit des d m nagements les t l phones font que le d plac
292. s inqui ter les int resse tous l instrumentent dans le discours de construction et de pr sentation d eux m mes l enqu teur ils revendiquent cette complexit qui leur permet de brouiller les pistes et leur permettra de faire d buter leur inscription territoriale et leur identit l o eux le d cideront Dire je ne sais pas tr s bien d o je suis c est en fait dire je ne sais pas tr s bien encore o et qui j ai envie d tre mais en tout cas je ne me limite pas mon h ritage l histoire qui est celle de mes parents Les propos de Gr goire sont embl matiques d une posture dont on retrouve le principe chez les autres d butants rencontr s Plus tard il pr sentera et racontera son histoire en la rationalisant autour de choix il inventera des 77 Les preuves de la dispersion d terminations des suites logiques entre son pass et son pr sent Pour le moment 18 ans il se pr sente l enqu teur et lui m me dans l ind termination la plus totale Il est n Caracas a v cu Madrid Creil Dinard Rennes maintenant Sa m re est anglaise son p re cadre de haut niveau est en mobilit constante Il a de la famille dans le Jura et en Angleterre Il ne sait pas d o il est Au pr sent il vit et se projette dans des territoires multiples Les lieux qui comptent pour lui sont diffract s sans continuit concr te Il entretient des
293. s je ne peux pas les situer Selon les itin raires que je fais dans Dinard je peux prendre des raccourcis mais il y a encore des quartiers que je ne connais pas du tout Gr goire refuse d tre assign des lieux donn s De la m me mani re il ne pratique des engagements sociaux distanc s dont il s efforce de garder la ma trise Il conserve quelques liens avec des amis rencontr s ici ou l ou avec des membres de sa famille en allant les voir l occasion pour d autres par courrier ou t l phone Il d cline aussi ses engagements l universit sur le mode de choix et de la distance Parlant couramment trois langues fran ais espagnol et anglais il a un statut part dans le groupe des tudiants et il tient faire conna tre l enqu teur cette marginalit Habitu aux changements r guliers de lieux et de groupes il a d velopp des comp tences interactionnelles fortes Capacit s d empathie sensibilit particuli re la dynamique des groupes volontarisme et sens de l implication Gr goire sait s int grer de nouveaux collectifs mais son engagement est pond r ma tris il n est pas total ce n est pas un engagement corps et me L implication affective dans les situations et dans les groupes est r duite contenue anticipant la rupture minorant d avance le deuil qu entra nera le prochain d part Ses engagements sociaux associent comme le signale Georg Simmel proximi
294. s l histoire familiale Un d c s le divorce des parents ou des difficult s familiales engagent assez t t la personne dans une mobilit contrainte et douloureuse Le d part du territoire familial est souvent d finitif la maison est vendue l appartement rendu les lieux des premi res ann es sont abandonn s Les r installations successives sont mal v cues sur le mode du non choix de l obligation d tre l o l on a pas de racine ni de rep re Cet ancrage probl matique est relay amplifi par des int grations sociales d faillantes Pour des raisons diverses les d racin s ne trouvent pas leur place dans leurs tudes dans le travail dans la ville S encha nent 127 Zenedi Henry D Les SDF G ographie du savoir survivre Paris Ed Br al coll d autre part 2002 288 p 114 Les preuves de la dispersion des petites marginalisations avoir quelques ann es de plus que les camarades d tude n acc der qu de petits jobs instables vivre avec un fort bagage culturel dans un quartier d pr ci Cette mauvaise int gration sociale incite partir ailleurs chercher dans d autres lieux une situation plus confortable Mais alors chaque nouveau d m nagement remet en jeu le peu de lien social acquis et engage toujours plus la personne dans une situation d exil La mobilit des proches peut renforcer ce sentiment Les membres de la famille les quelques amis d m nagement aussi au
295. s longtemps Ces installations des uns et des autres si elles aboutissent ne sont bien s r pas n cessairement d finitives Mais elles mdiquent que les d butants approchent la fin des mobilit s d affranchissement qu ils se sentent suffisamment s rs de leur autonomie pour rompre avec le r gime de l identit floue de l indiff rence territoriale et se rendre visibles localisables Par ailleurs le resserrement n affecte pas n cessairement toutes les sph res d engagement de l acteur au m me moment et de la m me mani re L investissement de soi dans son logement peut tre pour certains une premi re tape partir de laquelle ils vont renforcer d autres implications amicales ou professionnelles pour d autres l appropriation du logement ou de la ville peuvent n avoir qu une importance seconde et ne venir qu apr s une stabilisation dans un projet d tudes ou un projet de couple Retour sur le pass Nous avons vu qu un l ment du desserrement r sidait dans la mise distance du d butant du parcours r sidentiel et de l histoire de ses parents Cela ne signifie pas pour autant que les d butants rompent totalement avec de pass qui est aussi dans une certaine mesure le leur Au moment de construire leurs propres inscriptions territoriales ils op rent des retours critiques et s lectifs sur certaines tapes certains contenus de ce pass pour se les approprier et les int grer leurs propr
296. s possibles pour un tudiant sont autrement plus nombreux Le mod le de l h ritier demeure mais il est concurrenc par d autres mod les possibles D s lors que l acteur a relativement le choix entre plusieurs modes de comportements possibles il jouit d une libert mais il doit aussi simultan ment inventer par lui m me les raisons de son choix C est en ce sens que cette libert est une preuve Ce sch ma s applique la soci t dispers e Le territoire a longtemps socialis les individus Etre d ici ou de l bas ce n tait pas la m me chose et les appartenances territoriales avaient des implications directes sur les identit s sociales individuelles et collectives A partir des ann es 1950 l institution territoire s est compliqu e du fait de la croissance exponentielle et de la diffusion tr s large des possibilit s de d localisation voiture t l vision et t l phone deviennent des biens de consommation courante accessibles presque chacun Alors les chelles territoriales se r organisent profond ment et les appartenances socio territoriales ne sont plus assign es par la naissance un individu mais peuvent tre compos es choisies plus librement par les acteurs sociaux Mais de la m me mani re que la d sinstitutionnalisation la d territorialisation est la fois une libert et une preuve pour les individus Rappelons que pour nous le terme d preuve ne signifie pas n c
297. s pr f rences que l on peut interpr ter en terme d h ritage Bien s r les comportements de mobilit s des personnes ne sont jamais brid s par ce qui est transmis En ce domaine comme en d autres la transmission n est pas un conditionnement et ne donne pas lieu une stricte reproduction Les territoires familiaux dessinent un espace des possibles qui balise et oriente les pr f rences des individus Une mani re de tester l existence et l efficacit de la transmission familiale d un territoire est de montrer combien il peut tre difficile de s en affranchir Une expression courante exprime bien chez les jeunes cette difficult s arracher on s arrache il faut s arracher Elle renvoie au fait que s affranchir du territoire familial suppose de partir la d couverte d espaces que l on ne conna t pas que l on pas fr quent s puisque les parents ne Ramadier op cit p 339 6l Costes L Immobilit s in galit s et management de la mobilit des tudiants en Ile de France rapport pour le Predit 2002 30 Les preuves de la dispersion les fr quentaient pas cela suppose aussi de se plonger dans des environnements urbains ou non que l on ne ma trise pas bien ou pas du tout En sus de ces apprentissages pratiques et cognitifs l acc s des territoires in ognus est en m me temps un travail de recomposition identitaire Alain Tarrius a montr que la
298. s restreint qu aujourd hui b la continuit g ographique au lieu des territoires discontinus aujourd hui gr ce l avion et au t l phone la t l vision et Internet c la polyvalence le voisin tait aussi un ami une relation de travail etc d la densit puisqu une m me personne avait une majeure partie de ses activit s de ses appartenances proximit et e l homophilie ces territoires tant socialement homog nes Le territoire comme institution privil giait certains mod les de comportement et certaines valeurs Faire toute sa vie dans un m me lieu tre d ici IERE en soi des valeurs et l enracinement une norme r compens e L exotique que ce soit sous la forme de l immigration avec l accueil de l tranger ou du d part de soi l tranger pour des vacances par exemple recouvrait une pratique minoritaire Ce mod le de comportement et les pratiques qui en d coulaient taient globalement en coh rence avec le cadre socio conomique Les emplois en quantit suffisante ne poussaient pas la course aux dipl mes et donc l exode vers les villes universitaires L emploi salari s r et stable permettait des anticipations et des stabilit s r sidentielles A partir des ann es 1950 l institution territoire s est d prise Il n est pas question ici de recenser les causes et les logiques de ce mouvement qui emprunte tous les registres de la vie social
299. sait pour nous de distinguer des groupes sociaux en fonction de leurs modes sp cifiques de participation la soci t dispers e Notre cadre d analyse mobilise deux l ments D une part nous combinons dans une m me perspective trois types de mobilit en consid rant qu ils contribuent les uns autant que les autres la formation de l identit socio territoriale des individus les mobilit s physiques pied en voiture etc les mobilit s virtuelles lorsque l on parcourt des territoires via le t l phone ou Internet et les mobilit s mentales celles de la projection de soi dans des territoires par la pens e par exemple tre chez soi et se visualiser mentalement sur son lieu de vacances ou dans son pays d origine D autre part nous articulons les mobilit s strat giques celles qui s inscrivent dans des projets plus ou moins intentionnels des individus le d m nagement rel ve typiquement de cette cat gorie les mobilit s quotidiennes celles du pr sent et des territoires de la vie quotidienne et enfin les mobilit s incorpor es qui regroupent des m canismes plus ou moins conscients travers lesquels s op rent le rapport d un individu ses territoires de vie par exemple le fait d tre socialis et donc d appr cier un certain type d ambiance urbaine ou rurale etc ou de paysage Nous avons rep r cinq formes d exp rience de la soci t dispers e L
300. sation des inscriptions territoriales dont on peut d ailleurs se demander s il n est pas plus d terminant que les appartenances socio professionnelles au moins certaines p riodes de la vie telles que la p riode d acc s l autonomie et celle des derni res ann es de l existence d un individu On peut galement observer les d terminations culturelles de la mobilit dans le Re sensoriel ou plut t kinesth sique pour utiliser l expression de Edward T Hall Les comportements de mobilit les pr f rences et les vitements qui structurent la mani re dont les individus et les groupes construisent leurs territoires sont fonction aussi de ce qu ils sentent avec le nez de ce qu ils voient de ce qu ils prouvent physiquement tre Paise dans un avion souffrir de la promiscuit dans le m tro appr cier ou non le paysage depuis le train parvenir porter de lourds sacs tre frustr d une communication t l phonique ou informatique car les informations visuelles font d faut etc La mobilit est fonction de modes de perception de l espace socialement et culturellement fond s Si les services r seaux de communication voiture centres commerciaux etc m diatisent le rapport l espace et produisent les inscriptions territoriales la dimension cach e des perceptions kinesth siques est un certain niveau tout aussi structurante Les effets induits de la socialisation sont observab
301. se qui est on l aura compris ce qui pr c de r solument compr hensif portant exclusivement au niveau de l individu Plus pr cis ment nous tentons de traduire un v cu individuel des preuves de la dispersion Nous sommes limit s un niveau micro sans aborder aucun moment le registre des interactions et encore moins celui du fonctionnement des groupes sociaux dans leur ensemble Cette option n a pas d autre motif que le temps dont nous disposions Voil pour les modalit s de notre questionnement T chons pr sent d en clarifier un peu les raisons Pourquoi avons nous jug int ressant de porter notre regard sur le v cu subjectif et individuel de la dispersion Les preuves de la dispersion De tr s nombreux travaux sur les transports et la mobilit sont conduits de mani re syst matique depuis pr s de quarante ans Ces travaux aboutissent aujourd hui entre autres pistes une hypoth se sociologique ambitieuse La croissance exponentielle de toutes les mobilit s constituerait une caract ristique majeure des soci t s contemporaines Disons les choses de fa on plus tranch e Les soci t s contemporaines seraient avant tout des soci t s mobiles la mobilit investissant tous les registres de la vie sociale le rapport aux territoires bien s r mais aussi les sph res du travail de la famille les comportements politiques etc Mais notre connaissance les travaux qui explorent cet
302. ser car il y a un tr s bon r seau de transport mes yeux tr s efficace r gulier Quelle utilit d avoir la voiture quand on a un moyen de transport juste sa porte Dans cette d marche H l ne est extr mement soucieuse de se d marquer de son identit d tudiante Le statut d tudiant sous entend que l on est d ailleurs et cet ailleurs sous entendu par le statut renverrait symboliquement H l ne Saint Malo Lorsque l on me pose la question qu est ce que vous faites et que je r ponds tudiante tout de suite la deuxi me question juste apr s c est tu viens d o et si je dis Rennes on va me dire tu habites Rennes mais tu viens d o Comme si le statut d tudiant sous entendait que vous tiez d ailleurs Alors je pr f re dire que je travaille De plus pour se d marquer de l identit d tudiante qui la renvoie symboliquement Saint Malo et une part douloureuse d elle m me H l ne ne fr quente pas les espaces temps de la vie tudiante J ai une repr sentation de la ville de Rennes du centre ville de Rennes en tant qu habitante de Rennes et non pas en tant qu tudiante Les tudiants ils sont confin s dans des espaces et pas dans d autres Il y a les f tes tudiantes la fac certains lieux dans le centre ville certains caf s certaines 64 Les preuves de la dispersion bo tes de nuits certaines boutiqu
303. site professionnelle et r ussite conjugale en consacrant de nombreuses heures par semaine faire des centaines de kilom tres de voiture La venue des enfants impose un changement de cette conomie de vie quotidienne Fran ois revoit la baisse ses ambitions professionnelles Sans d crocher v ritablement sa courbe de progression professionnelle s crase un peu car le crit re g ographique prend le pas sur la promotion professionnelle Il prend d abord un premier poste Rennes qui ne l int resse pas vraiment je ne prends pas trop de risque mais qui a l avantage de l engager fermement dans le retour D but mai une personne en Bretagne me rappelle et me dit j ai un poste vous proposer qui tait un peu diff rent de ce que je faisais Au d part je lui dis je sais pas et puis je suis all voir et je me suis dit je prends pas trop de risque quand m me c est une volution hi rarchique et puis c est dans l Ouest Rennes j y vais C tait au mois de mai En juillet j tais ici J tais entre l h tel et chez mes parents et ma femme restant sur Auxerre avec les deux enfants sachant qu elle se mettait en cong parental Elle m a rejoint au mois de novembre le temps de trouver quelque chose sur Rennes et ce quelque chose c est lachat de cette maison On a d cid d acheter 141 Les preuves de la dispersion directement sachant qu Auxerre on avait les moyen
304. sons les barri res sont des poteaux en bois les toits sont des feuilles de bananiers j ai un masque de beaut on me l a fait l bas c est un bout de bois qu ils m langent avec de l eau et qu ils frottent et la texture ils 107 Les preuves de la dispersion l appliquent sur le visage et moi j adore a Je suis la recherche de tout ce que la nature peut nous offrir et l bas j ai t combl e Ca pour moi c est l essence de la vie Un accueil une chaleur une beaut des paysages et le fait de se dire que sur ces terres il y a 3000 ou 5000 ans il y a des gens qui ont fait des choses formidables alors que nous soci t occidentale on tait encore l ge de pierre moi a me fascine je me dis que tous ces gens qui ont fait des choses qui ont construit qui ont invent l criture les comptes tout cela enfin ils taient tr s cultiv s tr s instruits et ils avaient une finesse qui m afttire en fait tout en sachant qu ici on tait l ge de pierre En voyage ce qui est chouette c est qu on retrouve des tas d motions qui sont oubli es ici en France dans la vie quotidienne des motions qui sont un peu laiss es pour compte parce que le confort est l parce qu on n a pas se poser de questions A vivre dans le confort le plus total des motions basiques ont t perdues Toutes ces motions tu les retrouves dans le voyage parce que dans le voyage par mom
305. ssai sur le cheminement quotidien en milieu urbain Paris Le Seuil coll espacements 185 p Authier J Y Habiter son quartier et vivre en ville les rapports r sidentiels des habitants des centres anciens in Espaces et soci t s n 108 109 2002 pp 89 109 Baccaini B Les migrations en France entre 1990 et 1999 in Insee premi re n 758 f vrier 2001 Bachelard G Po tique de l espace Paris PUF 1957 Bassand M et Kaufmann V Mobilit spatiale et processus de m tropolisation quelles interactions in Bonnet M et Desjeux D sous la dir de Les territoires de la mobilit Paris PUF coll Sciences sociales et soci t s 2000 pp 129 140 Boltanski L et Chiapello E Le nouvel esprit du capitalisme Gallimard coll NRF Essais 1999 Bonnet M Analyse et synth se des discussions de l atelier transport espace et de mode de vie in Transports et soci t Actes du colloque de Royaumont des 26 et 27 avril 1978 Economica pp 401 465 Bonnet M et Desjeux D sous la dir de Les territoires de la mobilit PUF coll Sciences sociales et soci t s 2000 224 p Bourdieu P L illusion biographique in Les Actes de la recherche en sciences sociales n 62 63 juin 1986 pp 69 72 Bourdin A La question locale PUF coll La politique clat e 2000 253 p Bourdon F et Peyron C Le cas de la d localisation du premier cycle de Droit
306. ssi souvent que possible pr s de Dijon o il retrouvait sa famille proche mais aussi les paysages de sa jeunesse et les activit s qui taient alors les siennes promenade en campagne cueillette des champignons etc Il a ensuite refait sa vie avec une nouvelle compagne et d s lors il a repris des distances vis vis du territoire des origines Michel offre lui un exemple parlant d inscription socio territoriale fortement s gr g e dissoci e Il participe trois sph res sociales qu il maintient nettement s par es La sph re domestique en premier lieu Il r side chez ses parents rend visite tr s souvent ses fr res s urs et oncles et tantes qui habitent dans un rayon de quelques dizaines de kilom tres Ajoutons a sa participation des activit s associatives et politiques et encore les animations de sa rue ritualis es de deux trois fois par an dans une f te qui r unit les habitants des maisons voisines Cette sph re domestique est localis e sur Rennes et ses environs La sph re professionnelle est situ e depuis douze ans sur Foug res 40 km de Rennes Michel s y rend quatre cinq fois par semaines hors vacances scolaires ces d placements quasi quotidiens lui prennent presque deux heures aller retour Michel appr cie son lieu de travail et la ville qui l environne o il se prom ne le midi seul ou avec des coll gues Enfin les vacances Elles sont partag es tous les 135
307. st une partie int grante des routines et le changement de lieux de dispositions d ambiances est susceptible de r duire peu de choses les possibilit s de mettre en uvre les apprentissages C est que dit Anna s Elle aussi obtient 19 ans de quitter La Roche sur Yon pour Angers Angers d j j arrive grande ville Je pouvais pas D s le d part a ne m a pas plu J ai limit mes d placements chez moi la Catho centre ville c est tout a se limitait a La voiture elle restait sur un parking Je viens de La Roche et je vis en p riph rie de La Roche dans un pavillon A Angers je vivais en centre ville c t de la gare je n tais pas du tout habitu tout ce qui est bruit voiture je ne supporte pas c est une mis re Le premier moment de l acc s l autonomie donne lieu l exp rience d un d calage d un d sajustement du d butant la situation v cue et suscite des sentiments d incompr hension d irr alit d absurdit parfois angoissante dont t moignent les propos pr c dents de Charlie Les d butants n ont pas le monopole de l exp rience d routante du d sajustement entre les sch mes de la pratique territoriale usuelle et les situations concr tes dans lesquelles l affranchissement les engage Nous avons rencontr de nombreux adultes pratiquant les voyages touristiques au cours desquelles ils se plongent pour une ou deux semaines
308. sur un faisceau de tactiques et de strat gies de pratiques et d laboration de repr sentations Dans les pratiques voquons outre la coupure quasi totale avec Saint Malo son investissement quotidien dans des associations les Restaurants du C ur et une association tudiante dont elle est pr sidente ce qui lui offre une l gitimit pour nouer des relations avec des milieux vari s notamment des services de la municipalit rennaise l inscription sur les listes lectorales pratique rare chez les tudiants les d marches de locataire aupr s du syndic pour r soudre les petits probl mes de son immeuble qu elle prend volontiers en charge la pratique des festivals et de la vie culturelle rennaise les promenades dans le centre ville et le parc du Thabor qui est son lieu pr f r Elle travaille Rennes en cours d ann e et va postuler la ville de Rennes pour obtenir un emploi plus stable d auxiliaire de vie Dans les repr sentations l laboration d une image de Rennes comme le point central d o l on peut aller partout ville ouverte sur l espace conomique financier culturel de la France pour moi c est Rennes alors que c est plut t Paris qui serait vue comme un carrefour mais pour moi c est Rennes le carrefour comme une ville o il fait bon vivre le sentiment d tre un habitant comme un autre H l ne n a pas le permis de conduire et n a pas l intention de le pas
309. t et distance Redisons le le cas de Gr goire n est pas unique L tendue de la dispersion de ce jeune homme permet simplement d illustrer plus facilement que chez d autres cette caract ristique partag e de l identit floue des d butants Le kilom trage est si l on peut dire un alli objectif pour Gr goire mais ceux qui ne disposent pas ou moins de cet alli inventent dans le registre symbolique les indicateurs de la distance et de la marginalit qui permettent de se perdre pour n tre tributaire d aucune identit h rit e Alors m me qu elle habite la ville de ses parents St phanie parvient en d limitant des territoires qui ne sont qu elle prendre de la distance par rapport ses appartenances et brouiller son identit h rit e ce qui est une premi re tape de la formation de son identit choisie Il va de soi que cette identit n est pas enti rement choisie mais pour partie encadr e orient e d limit e par ses appartenances sociales par les contraintes des situations qu elle vit Cela n enl ve rien au fait que l acteur est convaincu de se construire lui m me et y parvient dans une certaine mesure 79 Les preuves de la dispersion ei renvoie la marginalit de l tranger telle que Simmel ou Alfred Sch tz ont mise en vidence les d butants tant ceux qui n ont pas encore abandonn la libert d aller et de venir NT Cette id
310. t ressants et que lui et sa femme souhaitent que celle ci travaille Le couple pratique une mobilit de strat gie professionnelle coupl e imbriqu e une mobilit de d couverte de libert C est avec plaisir que Fran ois passe du temps sur les routes d couvrir des sites des chantiers des quipes et se d couvrir lui m me dans le r le du responsable d quipes en m me temps qu il exp rimente la libert tout court d aller et de venir Toutefois sa libert est encadr e par les modalit s de gestion du personnel des grands groupes A plusieurs reprises Fran ois ne peut pas refuser les postes qu on lui propose Dans raies professionnels la mobilit est une obligation du d butant ou du rat gt 135 Le cas de Fran ois illustre bien le mod le du sherpa voqu par Alain Tarrius Les nouveaux cosmopolitismes op cit ou le mod le de la doublure de Luc Boltanski et Eve 138 Les preuves de la dispersion Au bout de quelques mois on m a dit on a un secteur St Flour dans le Cantal tu vas partir l bas C est le jeu c tait clair pour apprendre le m tier Au bout d peine un an on m a dit tas fait tes classes donc deux possibilit s soit tu retournes Clermont pour un poste d tude soit tu pars Bourg en Bresse pour un poste de conduite de travaux A l poque j avais pas trop envie de rester en bureau d tude donc j ai dis je vais faire un poste de travaux
311. t et pourquoi pas Montpellier Mais Toulouse et Montpellier il y avait une question de distance a faisait loin pour d m nager a engendrait des frais qui taient assez lev s Il fallait louer un camion pour 5 6 jours au lieu d une journ e ou deux au maximum Et comme on avait pas trop les moyens c est plus pour une question d argent une question pratique plus transporter des gens qui puissent d m nager avec vous parce que sur place on ne connaissait 74 Les preuves de la dispersion personne bref tout a a fait qu on a choisi Rennes plut t que Toulouse Et puis Rennes la Bretagne la r putation Je crois que c est surtout comme a que a c est d cid l envie l envie d aller l Il y avait Nantes qui tait plus pr s mais on avait moins envie d aller Nantes pour des raisons qui ne sont pas forc ment explicables Je crois que a me paraissait un petit peu grand On voulait plus une ville un peu moyenne plus qu une grosse ville comme peut l tre Nantes Les Sables c est tout petit et on voulait se r habituer la grande ville pas partir tout de suite dans une ville de 7 800 000 habitants on avait peur d tre paum s Sortant quasiment d un gros village o tout le monde se conna t il y avait peut tre une petite crainte de ce c t l Cette pratique du voyage petit ou grand comme mise l preuve et formation de soi que nous examinons plus en d tail dans
312. t les sensations qui s y impriment L il L oui e Ou la pens e Du reste Abraham Moles pose la question la t l communication brisera t elle la loi prox mique L insistance brider la prox mique l tude des proximit s trouve sa l gitimation dans la r f rence aux travaux de l inventeur du terme Edward T Hall Hall d crit les bulles fa onn es par les cultures qui entourent l homme La plus large apas d crites par l auteur l environne partir de 7 50 m tres ou davantage Mais si en anthropologue Hall est plus attentif ce qui est de l ordre du proche et de la communaut il n exclut aucun moment que la prox mie s int resse aussi au loin Pour lui le terme d signe l ensemble des observations et des th ories gonven l usage que l homme fait de l espace en tant que produit culturel sp cifique JE Pour notre part nous d finissons le terme de prox mie de la mani re la plus large qui soit La prox mie c est le rapport de l homme ses espaces de vie tel que ce rapport est fa onn par la culture et le social Ensuite la prox mie n est pas simplement pour nous l tude de c est dire une discipline un point de vue savant et ext rieur l objet La prox mie est aussi une pratique des acteurs Ansart P Prox mie in Dictionnaire de sociologie Paris Le Robert Le Seuil 1999 587 p p 428 Moles A
313. t n ont que peu d impact sur l identit du voyageur Pour cette population la mobilit n est pas v cue comme une potentialit de changement de soi ni de son univers social L exotique est quotidien D s qu elle s effectue hors des r seaux d interconnaissance la mobilit lointaine est volontiers critiqu e C est le cas notamment du tourisme pris parti avant m me souvent que l enqu teur n aborde la question Le tourisme est appr hend comme une mobilit performance une pratique de pure mise en conformit de soi des normes sociales mais sans contenu v ritable Le rejet de cette mobilit est tel que certains de nos interlocuteurs passent d abord sous silence leurs propres voyages par del les fronti res pour les avouer ensuite ou alors ils les banalisent et affectent de ne leur accorder aucune importance aucune prise sur eux m mes Lorsque Louise part quelques jours en Irlande ou en Allemagne aucun moment elle n endosse l identit de la touriste La relation qu elle nous fait de ses voyages est aux antipodes de ce type d exp rience elle part non pas visiter un 126 Les preuves de la dispersion pays ou des paysages mais parce qu elle a donn sa parole a une ancienne voisine Pierre fr quente souvent l tranger au rythme de presque deux voyages par an un court en hiver un plus long en t Mais il revendique explicitement une pratique non
314. tant mobiles dans le parcours biographique et dans la vie quotidienne les individus sont mt gr s plusieurs groupes sociaux la famille proche la famille largie les relations de travail et de formation le groupe du voisinage r sidentiel les membres de tel groupe de parents d l ves du club de tennis ou du t chat Internet les personnes rencontr es lors des vacances etc Nous qualifions l int gration de la personne de dissoci e lorsque les diff rents univers sociaux auxquels elle participe sont cloisonn s les uns par rapport aux autres lorsque membres de la famille proche et relations de travail relations de vacances et relations de voisinage se ne croisent jamais L int gration est globaliste lorsque au contraire la personne m lange les genres fait interf rer les uns avec les autres ses univers relationnels qui sont alors plus denses et polyvalents les m mes relations tant susceptibles d intervenir dans plusieurs domaines de la vie Ces crit res sont saisis de mani re tr s sch matique le troisi me notamment Un individu peut avoir une int gration sociale dissoci e mais forte tant bien ins r dans des r seaux qui restent cloisonn s les uns par rapport aux autres Une autre personne peut avoir une int gration sociale dissoci e et faible Mais la combinaison de ces trois crit res g n raux d bouche d j dans un tableau o coexistent huit cas diff rents Huit types d exp rience de la
315. te hypoth se au plan des individus concrets et saisis dans leur globalit sont rares quand bien m me en augmentation significative depuis quelques ann es ainsi que nous l exposons dans le premier chapitre C est pour contribuer d velopper cette perspective d une anthropologie de la mobilit que nous proposons ce compte rendu d enqu te en insistant sur son caract re exploratoire Il est ici moins question de valider des hypoth ses que de poser quelques jalons d approcher au plus pr s des acteurs et parfois de mani re impressionniste quelques dimensions des exp riences de la dispersion Dans les pages qui suivent nous nous int ressons trois types d exp riences de la dispersion Tout d abord l exp rience de l acc s de jeunes gens l autonomie processus observ travers la construction d une inscription territoriale distincte de celle des parents Nous verrons que la mobilit et le r am nagement de ses rapports aux territoires fournissent aux d butants dans la vie le cadre de la conqu te de leur ind pendance Chapitre 2 Nous retrouvons ensuite ces d butants lorsqu ils sont engag s dans un type particulier de mobilit le voyage travers le monde voyage initiatique ou voyage routard chapitre 3 Puis nous nous int resserons des adultes Notre id e de d part tait d identifier quelques l ments du v cu de la soci t dispers e chez des personnes appartenant gl
316. tes et intervient plus tardivement pour les groupes sociaux plus favoris s Remarquons par ailleurs que la dispersion rev t un sens oppos selon les p riodes de la vie Sur la premi re partie de l existence la mobilit s inscrit dans une dynamique d int gration sociale les personnes vont chercher des tudes qui leur conviennent un premier emploi s affranchissent des territoires et des contr les familiaux fondent leur famille Sur le second versant de la vie certaines pratiques de mobilit paraissent li es une d saffiliation divorce ch mage N oublions pas un troisi me indicateur lui aussi souvent minor le genre On sait gr ce aux travaux de Caroline Gallez Jean Pierre Orfeuil et Annarita Polacchini t u encore de Annie Gu dez que le facteur est 2 J de Jacqueline Coutras pertinent les femmes sont moins dispers es que les hommes mais les disparit s entre genres s amenuisent l Terme impr cis que l on utilise faute de mieux pour d signer ces plus ou moins jeunes vivant dans la rue une partie de leur temps et dont on ne sait pas grand chose voire rien notamment s ils sont vraiment sans domicile ou non Op cit Coutras J Crise urbaine et espaces sexu s Armand Colin coll r f rences 1996 16 Les preuves de la dispersion On peut synth tiser ces rapides observations dans le petit sch ma suivant Les pratiques de dispersion selon l ge le genre et la
317. tidienne entre plusieurs pays s imbrique dans une mobilit r sidentielle entre ces m mes pays et les cadres de niveau hi rarchique faible moyen qui ne connaissent des pays que ce qu ils en voient des fen tres des bureaux ou usines o ils passent la journ e Il semble qu Alain Tarrius ait plut t enqu t les premiers Sauvage Chevrier et Kon et nous m me avons rencontr les seconds 146 Bt dans une certaine mesure par les travailleurs bi r sidentiels que l on pourrait d signer comme des navetteurs r sidentiels Cf Collet B ef al Mobilit s spatio temporelles accentu es et carri res familiales in Senc b Y et al Analyse des processus d ancrage et des formes de territorialit des populations marqu es par l clatement de leur 150 Les preuves de la dispersion parviennent pas incorporer relier avec leurs autres exp riences prox miques Le tourisme comme la mission l tranger sont des exp riences inscrites dans des dissonances cognitives Le voyage touristique et la mission sont g n ralement de courte dur e de trop courte dur e Les navetteurs n ont pas le temps de se projeter dans les situations qu ils vivent n ont pas le temps de s approprier ce qu ils vivent Ils prouvent alors des d calages entre le temps du voyage et les cadres incorpor s d apprentissage spatio temporels 4 Le cosmopolitisme Nous ne pouvons ici faute d un mat riau suffisant qu voque
318. tion 68 Les preuves de la dispersion plus ou moins consciente des images du pass de non retour Tous nos interlocuteurs ont signal des lieux des villes des r gions o ils ne veulent absolument pas revenir Poitiers pour Thierry qui a pass l bas sa premi re ann e d tudiant Angers pour St phanie et Anna s Saint Malo et le d partement du Nord pour H l ne etc Les territoires qu un individu ne pratiquent pas ou plus sont au moins aussi significatifs que ceux qu ils fr quentent L vitement est en soi un l ment structurant de la constitution d une inscription territoriale et de la formation de l individu Mais cette occultation n est pas d finitive on le voit par exemple avec St phanie et on le verra de mani re beaucoup plus nette avec les adultes Une fois l autonomie acquise les acteurs s engagent dans des d marches de r appropriation elles aussi s lectives des lieux et des identit s du pass Ces r appropriations pourront tre soient mentales travers le souvenir soient pratiques renouer r activer les liens revenir sur place Mais ce moment l objectif n est pas le m me il s agit de re construire l histoire de ce qu ils sont devenus et de localiser les tapes de cette histoire Les d butants n en sont pas l Leur projet est bien de s affranchir L affranchissement s inscrit aussi dans la n gociation des lieux de l autonomie La mobilit est a
319. tiques de dispersion et des appartenances sociales Les groupes sociaux favoris s ont des mobilit s quotidiennes r sidentielles virtuelles et de vacances plus nombreuses Les groupes sociaux d favoris s vont moins loin moins souvent et de mani re moins irr guli re Leur dispersion est plus proche et plus stable Mais l encore gardons nous d aller trop vite On trouve parmi les populations les plus modestes des dispersions massives Les immigr s sont inscrits dans des mobilit s intercontinentales et maintiennent des relations denses avec leurs pays d origine een lien t l phonique vacances aux pays etc Les SDF et les zonards EKont la fois en bas de l chelle sociale et extr mement mobiles passant d une ville l autre A l oppos les cadres sont effectivement parmi les plus mobiles Mais les chiffres ne disent pas qu ils d testent le plus souvent cette mobilit qu elle est fortement d pr ci e dans certaines entreprises et donc d pr ciative de ceux qui la pratiquent et qu ils font subjectivement tout ce qu ils peuvent pour la minorer et en r duire la port e sur eux m mes nous reviendrons sur ce point De mani re nette galement appara t la covariation rarement tudi e de la dispersion et de l ge La dispersion est plus forte chez les jeunes et d cro t avec l ge mais de mani re diff rente selon les classes sociales L ancrage est plus rapide chez les populations modes
320. tour au pays particuli rement pour ceux qui ont v cu en Ile de France A ces donn es concernant le d m nagement il faut ajouter l apparition d une population significative de bi r sidentiels ces individus partag s entre deux logements l un en semaine proximit du lieu de travail l autre tant le logement familial de week end Les pratiques de mobilit r sidentielle varient nettement selon les cat gories socioprofessionnelles 37 des cadres g s de 25 34 ans ont d m nag entre 1992 et 1996 essentiellement pour des raisons li es l emploi acc s au premier emploi changement d employeur mutation rapprochement du lieu de travail Ce 7 Baccaini B Les migrations en France entre 1990 et 1999 in Insee premi re n 758 f vrier 2001 Dubujet F Les d m nagements forment la jeunesse in Insee Premi re N 647 mai 1999 11 Les preuves de la dispersion n est le cas que de 12 des ouvriers et de 23 des employ s Toutes cat gories d ge confondues les m nages de cadres sont et restent les plus mobiles tout au long de la vie Un Fran ais sur deux la mobilit r sidentielle est une r alit massive mais elle enregistre apr s une augmentation soutenue entre 1954 et 1975 une baisse r guli re et significative En 1984 32 3 des m nages taient dans leur logement depuis moins de 4 ans Le chiffre est de 30 3 en 1996 Mobilit quotidienne Les nombreuses
321. tre les capacit s conomiques et le d sir d une vie en maison la campagne L inscription territoriale est fond e sur la non int gration la communaut villageoise travers le choix d une r sidence en lotissement l vitement des lieux consid r s comme ceux des membres de cette communaut et la localisation des activit s dans un territoire tourn vers Marseille Cet exemple montre que ce qui distingue la socio conomie des transports et l anthropologie de la mobilit tient en peu de mots Il ne s agit plus de savoir quelles sont les pratiques de d placements des individus mais comment les groupes sociaux construisent leurs identit s territoriales ou pour le dire autrement comment les identit s sociales individuelles et collectives se construisent elles dans le rapport aux territoires Mais on voit combien ces quelques mots suffisent largir la perspective et enrichir la grille d analyse de cette importante dimension des soci t s contemporaines qu est la dispersion Les phrases entre guillemets sont des citations que nous ne paginons pas nous renvoyons le lecteur l article 25 Les preuves de la dispersion Les inscriptions territoriales La socio conomie des transports dissocie les hommes et les espaces qui auraient une r alit autonome chacun de leur c t les transports permettant comme une proth se la jonction de ces deux faces L anthropologie de
322. ts Le desserrement recouvre une r alit plus large Au del du seul logement il s agit d une prise de distance pratique et symbolique avec le territoire des parents qui tait indissociablement celui du jeune au cours des ann es d enfance et d adolescence Mais la prise de distance concerne aussi l ensemble des engagements sociaux contract s par le jeune au cours des ann es pr c dant son ind pendance au sein de la famille largie et des r seaux de relations amicales et scolaires nou es au fil des premi res ann es La formation d une identit autonome s inscrit dans un processus o se combinent la distance spatiale et la distance sociale avec tous les r f rents des ann es de d pendance Ce processus est celui de localisation de soi dans des lieux et des territoires nouveaux chappant l emprise des tutelles Dans ce cadre les mobilit s dans toutes leurs diversit s physiques virtuelles repr sentationnelles sont le moyen le Les tudiants sont moins souvent motoris s que l ensemble de la population fran aise g e de 18 29 ans cat gorie dans laquelle le taux de motorisation est de 76 source Gallez Orfeuil et Polacchini op cit 58 Les preuves de la dispersion contenant de l autonomisation La r ussite de ce processus suppose de trouver des lieux soi et de se les approprier en y inscrivant des pratiques et des routines L appropriation mobilise des alli s des m diateurs
323. ts Pour la premi re fois Fran ois va arbitrer son int gration conjugale au d triment de sa carri re professionnelle ce qu il n a pas fait avant le mariage D but 94 j ai commenc tirer la sonnette dans mon milieu professionnel et mon patron pour dire je suis deux heures de route de mon pouse on venait de se marier j aimerais conna tre les possibilit s qui seraient susceptibles de m tre offertes dans la partie Yonne Bourgogne voir Seine et Marne J avais rencontr le directeur du personnel Paris et il m avait dit vous tes jeune attendez un petit peu il y aura peut tre des possibilit s d ici un an Ca m avait pas trop plu ni convaincu donc un mois ou deux apr s j ai commenc faire des candidatures spontan es sur Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme Gallimard coll NRF Essais 1999 particuli rement les pp 444 461 Ces auteurs montrent que dans bien des cas la mobilit professionnelle n est pas une source de pouvoir mais plut t l indicateur d une position subalterne 139 Les preuves de la dispersion le d partement de l Yonne et le premier avril je donnais ma d mission l entreprise FAGER parce que j tais embauch Auxerre le m me profil de poste dans une entreprise qui est galement la filiale d un grand groupe STG Je prends mes fonctions en juin 94 Auxerre C est aussi dans ce nouveau contexte de mariage de projets d
324. ts pour les personnes tant parties plusieurs reprises l entretien tait principalement centr sur le premier voyage initiatique effectu mais abordait aussi les autres Pourquoi ce voyage est intervenu ce moment de la vie de la personne Quel tait son contexte au niveau des rapports de la personne avec sa famille de sa situation professionnelle ou d tude d alors de sa vie amoureuse d un engagement ou d un d sir d engagement politique au sens tr s large du terme Avec le recul les l ments les plus marquants dans tous les domaines qui restent de cette exp rience Les transformations de soi initi es par l exp rience du voyage Kk kkk 169 Les preuves de la dispersion 170
325. tudiant de licence Vit en cit U Rennes 2 Charlie 21 Etudiant de Vit chez ses parents Rennes ma trise 3 Anna s 22 Etudiante de Vit en appartement Rennes ma trise 4 H l ne 23 Etudiante de Appartement en Rennes ma trise colocation 5 Nadia 22 Etudiante de Appartement Commune de ma trise autonome seconde couronne 6 St phanie 21 Etudiante de Vit en appartement Commune de ma trise en couple premi re Son ami travaille couronne 7 Corinne 26 Etudiant de Vit en appartement Rennes ma trise en couple Son amie travaille 8 Aur lie 28 Etudiante de Appartement en Rennes ma trise colocation 9 Gr goire 18 Etudiant en 1 Vit en studio Rennes ann e 10 St phane 24 Etudiant en DESS Habite un Rennes appartement avec sa compagne 165 Les preuves de la dispersion Les adultes 15 personnes 7 femmes et 8 hommes Pseudonyme Age Activit Situation Lieu de personnelle r sidence 11 Mireille 53 Employ e Mari e 3 Collectif dans enfants un quartier de p riph rie 12 Bruno 47 Formateur d adultes Mari 2 enfants Maison dans un quartier de p riph rie 13 Pierre 32 Charg de mission Mari sans Collectif dans au conseil g n ral enfant un quartier de d Ile et Vilaine p riph rie 14 Fran oise 47 Institutrice Divorc e une Collectif dans fille un quartier de p riph rie 15 Gabriel 42 Officier de l arm e Mari trois Maison dans de terre enfants une commun
326. u vrai voyage que son cadre L exp rience n est compl te qui si dans ce cadre la personne met en jeu son conomie identitaire Le terme de rupture de bascule interviennent comme des leitmotivs dans le discours de nos interlocuteurs Ce que l on cherche dans un voyage comme a c est la rupture Je pense que c est le moment le pays o a a bascul dit S verine de son voyage en Iran le a renvoyant sa perception d elle et sa perception du monde qui ne sont plus les m mes avant et apr s Le voyage qui s inscrit dans un processus de construction r flexive de l individu est volontairement utilis comme le support et le mode de transformation de soi La rupture peut effrayer L engagement progressif dans le projet sa concr tisation au fil des d marches de vaccin de visas de pr paration du sac de voyage projettent la personne dans un avenir o elle ne se visualise pas ne se conna t pas Dans le cadre de leur inscription territoriale quotidienne les individus peuvent se visualiser s anticiper en permanence La pratique habituelle des lieux c est aussi la r p tition de soi m me sa pr visibilit maximale Dans le voyage et d s sa pr paration arrive un moment o l on se perd de vue au propre comme au figur L identit sociale en tant priv e de son d cor habituel son travail son appartement ses trajets sa ville se d fait d elle m me les indi
327. uartier est souvent le seul trajet que nous y effectuons Combien d entre nous ont A S le long des canaux de Venise que dans le quartier o ils travaillent En effet Jean Yves Authier rend compte d une tout autre r alit partir d une vaste enja aupr s de citadins de plusieurs quartiers centraux de grandes agglom rations Les r sultats sont nets la figure du citadin nomade et cosmopolite partag entre son chez soi et la vaste ville mais d pourvu de toute attache avec le quartier dans lequel est ins r son logement n est gu re incarn e 5 Sur ce point le programme de recherches anim par Michel Bonnet et Patrice Aubertel du PUCA apportent des l ments importants Voir Bonnet M et Desjeux D sous la dir de Les territoires de la mobilit PUF coll Sciences sociales et soci t s 2000 224 p Le Breton E Mobilit s et territoires urbains Mise en perspective de quelques probl mes Synth se des s minaires du programme Mobilit s et territoires urbains PUCA 2003 2 Grossetti M Relations sociales espace et mobilit s PUCA septembre 2002 134 p 7 L auteur montre aussi entre autres choses que l indicateur de dispersion varie avec les appartenances socio professionnelles 27 des enqu t s r sidant dans l agglom ration toulousaine ont au moins une relation hors membre de la famille ou ami intime hors de l agglom ration Ce chiffre est de 19 pour les personnes n ayant pas
328. udio et un quartier qu elle n appr cie pas Elle souhaite aujourd hui d m nager encore et quitter Rennes mais ne sait pas o s installer Andr e 48 ans est n e dans le Val de Marne Elle passe la majeure partie de sa jeunesse dans la campagne francilienne chez ses parents qui habitent alors dans une maison attenante un ch teau qu Andr e voque longuement comme un ch teau de princesse Le p re d Andr e tombe gravement malade Il est contraint de quitter son travail et part s installer avec son pouse en Bretagne Andr e se partage alors entre cette maison qu elle continue d occuper seule le week end et Paris o elle poursuit des tudes avanc es Etudiante elle n a pas beaucoup d argent et ne parvient pas trouver un logement qui lui convienne Elle d m nage plusieurs fois de suite ne restant parfois que quelques mois la m me adresse Faute d argent l encore elle ne visite pas souvent ses parents en Bretagne Une opportunit de travail lui est offerte dans le milieu hospitalier Lille ville et r gion qu elle ne conna t pas et o elle n a aucune attache Elle part quand m me Elle vit quelques mois chez l habitant n y est pas bien Son travail p tit de cette 115 Les preuves de la dispersion installation bancale Elle l abandonne et revient Paris L elle se marie s installe puis divorce Le divorce est difficile et laisse Andr e et sa petite fille la ru
329. une id ologie un cadre de conformit sociale Mais leur ancrage stable et durable compte n anmoins des l ments qui incorporent le monde dans les territoires du proche les espaces de la co pr sence sont largement travers s investis par des espaces lointains La troisi me logique est celle des navettes et des navetteurs Cette population est multi ancr e sur de vastes territoires int grant les chelles r gionales nationale et internationales parcourus fr quemment via les trois types de mobilit pris en compte Contrairement aux co pr sents les dimensions de l identit des navetteurs ne sont pas localis es dans la proximit territoriale mais sont au contraire clat es Enfin le dernier type d exp rience est celui des cosmopolites dont tout le parcours biographique et la vie quotidienne sont inscrits dans la mobilit La particularit des cosmopolites r side dans la transformation continue de leur inscription territoriale dans une dynamique permanente de d localisation relocalisation 159 Les preuves de la dispersion Bibliographie des ouvrages et articles cit s Alphand ry P et Bergues M Territoires en question pratiques des lieux usages d un mot in Ethnologie fran aise 2004 1 pp 5 12 Ansart P Prox mie in Dictionnaire de sociologie Paris Le Robert Le Seuil 1999 587 p Attali J L homme nomade Fayard 2003 482 p Augoyard J F Pas pas E
330. une pratique dilu e informelle difficile exprimer et saisir mais qui rev t une importance particuli re pour nos interlocuteurs Ces d ambulations fournissent le cadre des premi res confrontations autonomes l espace hors de toute contrainte de toute obligation ou surveillance Ce rapport d osmose l environnement est habit par un travail r flexif de l acteur examen de conscience exploration de soi m me r veries L espace temps public est la sc ne de la subjectivation qui est au c ur des dynamiques d acc s l autonomie Avec St phanie on mesure l importance de l espace public qui est en fait le seul espace qui lui soit propre Elle est partag e entre le domicile de ses parents et celui de son ami Partag e tel point que parfois elle ne sait plus tr s bien o elle en est o se trouve telle ou telle affaire dont elle a besoin o doit elle d ner Cette p riode d ind termination qui dure depuis une bonne ann e lui donne un sentiment de libert mais se r v le aussi perturbante fatiguante mentalement et physiquement puisqu elle est toujours lourdement charg e de ce qu elle transporte 49 Les preuves de la dispersion de chez l un chez l autre Son espace le plus personnel est celui qu elle compose au jour le jour travers les trajets qu elle effectue entre les points d ancrage de ses proches et ses lieux d activit les domiciles des parents et de son ami
331. ustration et la quotidiennet Chez les touristes l exp rience du vide est involontaire faite son corps d fendant Pour les navetteurs internationaux l exp rience du vide est au contraire une technique de protection de soi 137 En ligne de mire de ce sentiment se profile la sensation d tranget radicale telle que d crite par exemple dans L Etranger d Albert Camus 147 Les preuves de la dispersion Les navetteurs internationaux sont notamment ces cadres du priv ou du public r guli rement envoy s l tranger pour des missions professionnelles pr cises d une dur e d un jour de deux jour de trois jours tout au plus Ces professionnels incarnent dans les repr sentations communes une des figures h ro ques des soci t s contemporaines Ils sont les destinataires d une bonne partie des services et des biens produits par le marketing r cent services des transporteurs abonnements aux compagnies a riennes et ferr es location de voitures salons grands voyageurs et autres bureaux nomades machines ultra communicantes assistants personnels lectroniques ordinateurs et t l phones portables etc et lieux mouvements Voil un univers o la mobilit au long cours est associ e d embl e au pouvoir au prestige et au plaisir Il semble que cette image ne correspond gu re la r alit L tude de Alain Tarrius remet en cause une premi re id e pr con ue bien tablie
332. ux travers lesquels nos interlocuteurs existent et qui sont autant de protections de l individu Le premier s inscrit dans les d marches de mise en branle du voyage qui d bute avec la r solution des probl mes de visa la recherche du billet d avion au meilleur prix les visites m dicales et les vaccins D s ce moment nos interlocuteurs ont le sentiment de d pendre de tierces personnes qui peuvent contribuer l chec ou la r ussite de l aventure Ils sont oblig es de faire confiance un personnel RE un lointain contact dans le pays d accueil qui assure h berger les trangers 2 lou encore au vendeur d une agence Faire confiance c est s en remettre la bonne volont de l autre et se d faire volontairement de la ma trise des v nements Chaque rencontre chaque exp dition dans le d sert ou dans des lieux plus ou moins sauvages suppose de faire confiance de se laisser guider de s abandonner l autre que l on ne conna t pas Et si l autre est un escroc tant pis et m me en fait tant mieux car pour que l aventure soit compl te elle doit faire sa place la m saventure La m saventure t moigne de la fragilit de l innocence et au final de ce que la d marche transformation de soi est sinc re et bien engag e On est arriv l a roport Apr s on ne savait pas du tout o aller On avait pr vu de ne rien avoir pas d h tel de r serv etc O
333. venirs dans le parcours r sidentiel complexe de ses parents qui sont pass s entre autres par Caracas au Venezuela Madrid Creil Oise et l Angleterre Il ne retient que quelques bribes de ces mobilit s son cole Madrid son coll ge Creil et refuse m me d en dire plus lorsque nous le pressons un peu au cours de l entretien nous faisant comprendre que tout a ne le concerne pas vraiment c est l histoire de ses parents pas la sienne avec ce premier studio qu il occupe Rennes et qu il commence aimer Le rejet on l a vu est beaucoup plus radical chez H l ne pour qui la mobilit vers Rennes prend sens dans un projet de recomposition totale de son identit Elle rejette les lieux de ses territoires de mineure aussi bien ceux fr quent s lors des vacances le Nord o elle a de la famille largie et qu elle se repr sente aujourd hui comme un repoussoir absolu que Saint Malo o elle a v cu jusqu 18 ans mais o elle ne retourne presque plus jamais sauf contrainte et forc e Et si elle continue voir quelques unes de ses amies des ann es pass es c est uniquement Rennes pour leur montrer et se montrer elle m me combien elle est devenue rennaise combien elle est devenue autre que la H l ne de Saint Malo L affranchissement est fond pour une part importante sur des logiques n gatives de mise distance d oubli de mise sous silence d occulta
334. vers de mobilit d un cadre sup rieur et d un ouvrier d un tudiant et d une femme au foyer proc dent entre autres raisons des diff rences de s quencement de leurs rythmes de vie quotidienne respectifs les uns disposant de marges de man uvre temporelles plus importantes que les autres cela toutes les chelles de la journ e la vie tout enti re Les univers de mobilit et les organisations temporelles sont inter reli s par des ajustements r ciproques qu il faut saisir dans la diachronie du parcours biographique et dans la synchronie des relations dans l espace entre les individus et les groupes sociaux Alain Tarrius est particuli rement attentif cette dimension temporelle des inscriptions territoriales Il fonde son anthropologie du mouvement l articulation des espaces temps du quotidien du cycle de vie individuel et familial et des migrations l chelle interg n rationnellel Ainsi les rythmes de vie les appartenances collectives les dynamiques de s gr gation agr gation spatiale encadrent et orientent les comportements de mobilit travers lesquels les individus et les groupes construisent indissociablement leurs inscriptions territoriales et leurs identit s sociales Mais la liste n est pas close refus ne seraient ils pas tout aussi indicateurs de l essence de la quotidiennet que les remplissages les r pl tions les contentions L urbaniste cherche savoir quels espaces
335. vidus ont le sentiment de se perdre pied de se perdre eux m mes Plus le voyage approchait plus j avais l impression que j allais tomber sans parachute l impression de me lancer vers je ne sais pas trop quoi Il y a des moments o je me disais Qu est ce que je suis en train de faire J avais crit a dans mon journal Il y a des moments o a me faisait peur J avais commenc ramasser mes affaires au milieu d une pi ce Je mettais un truc deux trucs pendant un mois j ai fait mon sac comme a 98 Les preuves de la dispersion petit petit Et puis apr s le d m nagement et tout d un coup tu te retrouves sans appart Le choix de la destination est un gage du libre arbitre des d butants un t moignage de l mancipation l gard des tutelles Les projets de voyages en Afrique Noire et dans les pays appr hend s comme culturellement tr s diff rents suscitent des inqui tudes et des tentatives de restriction Qu est ce que vous allez faire l bas Maintenir le projet initial est un indice d autonomie Les premi res prises de renseignement les premi res d marches pour l obtention des visas s effectuent contre les proches Les parents sont inquiets et veulent dissuader leurs enfants de partir aussi longtemps et aussi loin dans un inconnu qui para t inatteignable Ils accepteraient une destination plus proche moins exotique Pourquoi pas le Maroc plut t que Mad
336. vit ind pendante de psychologue consultant et intervient dans des cliniques des coles et des centres d accueil Dans l analyse de l entretien nous serons attentif d une part aux indicateurs d ancrage et d autre part aux indicateurs de mondialisation Ou pour le dire autrement nous montrerons comment la dispersion la plus r duite coexiste chez Bruno avec la dispersion la plus grande Bruno est n Foug res petite ville une quarantaine de kilom tres de Rennes c est galement le cas de sa femme Il a pass son enfance et sa jeunesse dans la m me maison Au moment de ses tudes il vient s installer Rennes et adopte pour quelques ann es le syst me classique de location d une chambre ou d un studio pour quelques mois entrecoup s des vacances chez les parents Pourtant chaque emm nagement Bruno fait l effort de s installer le mieux possible Moi dans ma t te quand je m installe je n anticipe jamais sur le temps que a va durer Quand je m installe c est pour longtemps J ai besoin d agir sur mon environnement je ne me sens pas nomade ce niveau l Quand je m installe je fais mon nid m me si a va durer que six mois j ai besoin de a pour m y retrouver Ce trait de caract re qui s affirme lors de la p riode d tude ne s estompe pas bien au contraire Au moment o nous le rencontrons Bruno vient d emm nager dans une belle maison et il consacre t
337. vit s quotidiennes et les dimensions de l identit des individus sont inscrites dans des lieux distants les uns des autres De ce constat de dispersion d coule notre hypoth se selon laquelle la multi ancrage ne va pas n cessairement de soi pour les individus qui doivent parvenir produire une mise en coh rence d eux m mes alors que les dimensions de leurs identit s sont s par es par les distances li es aux d m nagements successifs et l clatement des lieux de vie de travail de vacances etc Il en est ainsi des appartenances territoriales comme de toutes les appartenances institutionnelles Une dynamique continue et de long terme de d sinstitutionnalisation modifie le rapport des individus la soci t Longtemps ce rapport a t m diatis par des institutions Famille Eglise Ecole Travail etc qui socialisaient fortement les individus en les int grant des mod les de conduites en nombre limit relativement clairs et hi rarchis s les uns par rapport aux autres Sous l impact de diff rents facteurs les institutions ont perdu leur pr gnance et les mod les de comportements accessibles aux acteurs sociaux sont aujourd hui la fois plus nombreux et moins nettement hi rarchis s Donnons l exemple simple de l institution universitaire qui a propos jusque dans les ann es 1960 un mod le central sinon unique d tudiant celui de l h ritier Depuis on sait bien que les modes de comportement
338. ximit avec deux environnements transcendants l histoire travers le patrimoine et les vieilles pierres et surtout la nature Dans la continuit de la d couverte de rapports humains de l asc se voil un autre registre qui engage la personne dans une exp rience du d passement de soi Certains des pays visit s ont des patrimoines anciens ailleurs c est un environnement naturel riche luxuriant comme le dirait une agence de voyage Nos routards font au contact de ses l ments un bond en arri re dans le temps ils c toient l espace de quelques heures ou de quelques jours une poque per ue comme bien ant rieure la soci t occidentale une poque des origines Peu importe bien s r que ce sentiment soit fond ou non Nos voyageurs vivent une situation o ils peuvent subjectivement se retrancher s manciper de leurs temps et espaces ordinaires La confrontation ces types d environnement leur donne le sentiment de toucher et r ciproquement d tre touch par ce qui de leur point de vue chappe nos soci t s l authentique le fondamental l inalt rable Vieilles pierres et nature les retirent un moment au lien social et les engagent dans un retour aux sources Cette disposition d esprit ce ressenti motionnel participent de la phase de marginalisation de toute initiation Jai t combl e Madafgascar car ils font tout avec la nature les mai
339. xp rience est plus facile cerne il renvoie une figure plus connue celle du cosmopolite ces personnes qui ont souvent d m nag qui demeurent inscrits dans des mobilit s r sidentielles durables y compris la cinquantaine pass e Ces personnes ont des mobilit s quotidiennes fr quentes r guli res et de grande amplitude utilisant de mani re usuelle tous les modes de mobilit la voiture et Internet l avion et le t l phone elles franchissent r guli rement et sans affect les fronti res titre professionnel durant les vacances ou parce que leurs enfants font des tudes l tranger La particularit de cette population par rapport aux navetteurs tient la mani re dont ils imbriquent leurs r seaux sociaux au lieu de les maintenir s par s les coll gues de travail sont ou deviennent des amis invit s fr quenter la famille largie la maison secondaire est volontiers pr t e aux voisins du quartier de r sidence principale une relation nou e sur le lieu de vacances offrira l occasion d largir le r seau professionnel Les exp riences de la soci t dispers e sont multiples et diverses Elles ne sont pas toutes sous tendues par une mobilit croissante Les configurations sont plus complexes Les populations des types 6 et 8 sont bien engag es dans un largissement de leurs dispersions Les individus concern s sont multi ancr s et tr s mobiles travers tous les registres du d placement mais
340. yage sans billet de retour ou de la recherche d un emploi l bas Dans ces cas le voyage ne serait plus simplement une tape dans le parcours de vie mais une dimension stable de l identit 4 La r volution de soi Le retour au pays se traduit par un sentiment physique concret du d calage Pourtant il ne s agit pas de retours contraints et forc s Les d butants sont heureux de rentrer chez eux Mais le voyage est suivi d une p riode de 109 Les preuves de la dispersion transition que les changements de soi l uvre rendent difficiles Une jeune fille compare le voyage une psychanalyse La nature du voyage et son impact apparaissent au retour Tous per oivent un effet un changement une transformation deux Pour certains l exp rience est foisonnante et r volutionnaire Un des changements syst matiquement voqu s par nos interlocuteurs concerne la perception du temps la projection de soi dans les rythmes de la vie Les gens sont devenus zen ne se pressent plus relativisent consid rablement l urgence l anticipation De mani re plus g n rale ils prennent une distance critique par rapport la rationalisation du temps ils entrent dans le refus de la planification de soi Pour d autres le changement est plus difficile percevoir et plus profond Le voyage saisit et modifie toute la personnalit mais d une mani re t nue imperceptible Je m tais dit que

les epreuves de la dispersion - Club innovations transports des

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