studia romanica_38_1. s. 81
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1. ditions des Portiques Descombes V 1987 Proust philosophie du roman Paris ditions de Minuit Fa B 1966 Les Pr cieux Paris Librairie acad mique Perrin Fiser E 1941 La Th orie du symbole et Proust Paris Corti Fraisse L 1988 Le Processus de la cr ation chez Marcel Proust Paris Corti 1990 L uvre cath drale Proust et l architecture m di vale Paris Corti 2000 Proust et Viollet le Duc de l glise de Combray l esth tique de la Recherche Revue d Histoire litt raire de la France n 1 2001 D mile M le Proust comment la cath drale devient symbole de la Recherche Actes du colloque La Cath drale des 23 25 mars 2000 r unis par Jo lle Prugnaud Lille Presses universitaires Travaux et recherches 2003 mile M le et le secret perdu de la Recherche Marcel Proust aujourd hui n 1 Amster dam New York Rodopi Henry A 1981 Marcel Proust th ories pour une esth tique Paris Klincksieck M le E 1898 L Art religieux du XIII si cle en France tude sur l iconographie du moyen ge et ses sources d inspiration Paris Ernest Leroux 2 Recherche t IV pp 617 618 L id e de ma construction ne me quittait pas un instant Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 101 s d L Art religieux du XIII si cle en France tude sur l iconographie du moyen2. Proust 1987 1989 t II p 712 Tout fait parall lement les lettres de Proust critique litt raire ou d art montrent qu il ne se r sout voquer favorablement un symbole qu condition d en souligner express ment la valeur pour une fois authentique crivant en 1904 d un roman contemporain d douard Rod Ce n est du symbolisme que par la puissance de la signification des r alit s puis d une figurine grav e sur une urne elle n est pas un symbole elle est l en vie et en v rit neuve et pourtant naturelle trouv e et pourtant n cessaire Proust 1970 1993 t IV pp 126 et 129 130 On devine peu pr s ce que Proust reproche la symbolisation dans les uvres d art de constituer souvent un proc d presque grossier plaqu sur le sujet de r pondre non un appel du moi profond du cr ateur mais bien plut t au mot d ordre issu d une cole dont le narrateur du Temps retrouv d noncera la vanit pour le v ri 5 Nous d finissons les donn es de cette myst rieuse question dans notre ouvrage cit Le Pro cessus de la cr ation durant la conclusion de la deuxi me partie pp 272 276 et la conclusion g n rale pp 411 444 Voir ces occurrences dans Fraisse 1990 pp 427 428 Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 85 table artiste Proust 1987 1989 t IV pp 460 461 de r pondre aussi
3. ger gr ce ce guide de lecture notre interpr tation de la conception de la structure et du m canisme int rieur de l une des uvres litt raires les plus complexes et myst rieuses du xx si cle D un c t la critique rudite a apparent un ensemble de descriptions et d images dans le roman proustien aux ex g ses d mile M le de l autre la critique philoso phique a soulign au fond la pauvret de la conception de l art chez mile M le par rapport l ampleur de l esth tique de Proust Ces deux points de vue rudit et phi losophique ont occult l un et l autre la v ritable port e de l ex g se d mile M le il reste d s lors un point aveugle claircir savoir que Proust a trouv dans L Art religieux du XIII si cle en France une clef de construction pour la Recherche Si en effet une cath drale offre au regard une Somme th ologique sculpt e dans la pierre et peinte sur verre Proust lecteur d mile M le se trouve mis en pr sence d un gigantesque processus de symbolisation Or l tat de la question concernant Proust et le symbolisme que nous avons dress initialement nous a pr par s com prendre au moins trois raisons que la critique n a pas retenues propres expliquer l engouement du romancier pour l ex g se de l historien l espoir de clarifier dans son esprit les ressources attendre d un symbolisme r ussi et non entach d artifice
4. 1982 Matin e chez la Princesse de Guer mantes p 355 En quoi a pu consister le travail de symbolisation l uvre dans tout le montage des pisodes du cycle romanesque cette sibylline formule unique dans les crits de Proust indique la direction sans d tailler les m thodes ce myst re s ajoute cette complication que si l on rapproche les diverses no tations parses dans tous les crits de Proust voquant les symboles et la symbolisa tion ces notions interviennent dans un contexte g n ralement d favorable qui rap pellent l article de protestation Contre l obscurit des po tes symbolistes de la fin du XIX si cle J ai discut toutes ces occurrences dans l article symbole de mon ouvrage en forme de dictionnaire intitul L uvre cath drale Proust et l architecture m di vale Fraisse 1990 pp 424 450 Dans le tissu de la Recherche je remarquais qu un objet ou une situation sont toujours pr sent s comme un symbole et semblent ou paraissent un symbolef ce qui est un moyen de faire appara tre le symbole comme une surimpression artificielle non comme l ultime secret de la sc ne d chiffrer Face cet artifice du symbole la vraie valeur chez Proust est l impression si bien que son narrateur se propose de peindre sa vie psychologique comme le personnage d Elstir dans ses toiles non par artifice de symbolisme mais par retour sinc re la racine de l impression
5. ge et ses sources d inspiration Paris Le Livre de Poche coll Biblio essais Malinowski W M 2003 Le Roman du symbolisme Bourges Villiers de l Isle Adam Dujardin Gourmont Rodenbach Pozna L Edition Scientifique de l Universit Adam Mickiewicz Michaud G 1961 Message po tique du symbolisme Paris Nizet Moore Glaser S A 1999 B tir un livre the Architectural Poetics of la recherche du temps perdu Dans Das visuelle Ded chtnis der Literatur publi par Manfred Schmeling et Monika Schmitz Emans avec la collaboration de Winfried Eckel Saarbr cken K nigshausen et Neu mann 2002 Explorations of the Gothic Cathedral in Nineteenth Century France th se soutenue de vant l Universit d Indiana Proust M 1970 1993 Correspondance de Marcel Proust tablie pr sent e et annot e par Philip Kolb Paris Plon 21 vol 1971 Essais et articles publi avec Contre Sainte Beuve et Pastiches et m langes par Pierre Clarac et Yves Sandre Paris Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1982 Cahiers du Temps retrouv dition critique tablie par Henri Bonnet et Bernard Brun Paris Gallimard 1987 1989 la recherche du temps perdu dition tablie sous la direction de Jean Yves Tadi Paris Gallimard Biblioth que de la Pl iade 4 vol Tadi J Y 1971 Proust et le roman Paris Gallimard
6. la d couverte d un art symbolique ext rieur l histoire de la litt rature fran aise permettant l crivain qui s en inspire de ne pas adopter l esprit d une cole celle des modernes symbolistes avec leurs mots d ordre leur manifeste et leurs chapelles litt raires enfin l analyse d taill e travers une collection d images laquelle on s est trop vite arr t du processus m me de symbolisation que le romancier du temps perdu et retrouv sait devoir tre la source de son uvre longue MILE M LE ET LE PROCESSUS DE SYMBOLISATION Bien loin de passer son temps r duire les images de l iconographie chr tienne leur simple apparentement avec des textes de th ologiens mile M le propose pa tiemment au cours de son enqu te rien de moins d une m taphysique du symbole et du symbolisme C est chez lui que Proust trouve en toutes lettres pos e l quivalence 12 Voir Autret Gen ve Droz 1955 Ce livre qui a fait date restitue toutes les enqu tes men es par Proust l poque dite ruskinienne de sa vie 1900 1906 sur l architecture m di vale c t de Ruskin est voqu e la lecture de Viollet le Duc et d mile M le 15 Voir Henry 1981 pour qui Proust se montre injuste de pr f rer l ex g se d mile M le l herm neutique ruskinienne et qui ne voit dans l historien qu un positiviste satisfait selon qui les statues du portail d une cath drale
7. mais capital jouera son r le tour tour sensuel po tique et douloureux Proust 1970 1993 t XV pp 56 57 Pareille lettre offre l exact quivalent adjacent la Recherche de l crit de Suger sur les vitraux de Saint Denis Il faut donc noter que l apport sp cifique de l ex g se d mile M le par rapport l cole des po tes symbolistes du moins telle que l a connue Proust leur contemporain c est de lier la symbolisation d une part un dogmatisme d autre part une construction qui pour cette raison devient plus pr ci s ment philosophie de la construction C est en quoi le romancier d finissant en 1914 devant Jacques Rivi re toute la Recherche comme un ouvrage dogmatique et une construction r sume toute l entreprise ex g tique d mile M le et sugg re une parfaite co ncidence entre la cath drale m di vale interpr t e par l historien de l art et son cycle romanesque tel qu il demande son tour tre interpr t C est pourquoi il faut essentiellement penser se demander en quoi le symbolisme chez mile M le servant de guide Proust se nourrit de l id e de construction et commande son tour un mode tr s pr cis de construction qui peut nous sugg rer le mode d emploi ou du moins un secret de fabrication de la Recherche KKK On le voit pr sent on irait trop vite en besogne si l on ne reconnaissait dans L Art religieux du XIIF si cl
8. Message po tique du symbolisme 1961 Signalons toutefois le livre ancien mais pionnier d Emeric Fiser La Th orie du symbole et Proust 1941 3 Malinowski 2003 Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 83 Recherche pour comprendre que le symbole qui laisse transpara tre une id e dans son incarnation vivante constituait la r ponse simple cette question complexe On voit ainsi Proust r clamer d s 1893 un livre aussi saisissant de vie qu infini en ses pro fondeurs o l abstrait le plus absolu se r alise et pour ainsi dire s incarne en le concret le plus clatant et du plus de relief Proust 1971 p 358 on le voit rechercher pour l instant chez les autres en 1905 cette incarnation d id es g n rales en personnages fortement individuels Proust 1970 1993 t V p 155 et r ver d allier encore en 1918 la beaut des symboles et le fr missement de la vie Proust 1970 1993 t XVII p 94 Ses lettres de jeunesse renferment un manifeste pars du symbolisme notamment dans les derni res ann es du XTX si cle entre 1896 et 1899 cette date il proclame volontiers que c est le r le du po te de solenniser la vie et qu un hi roglyphe est un ami auquel on revient et qu on garde pr cieusement Proust 1970 1993 t II p 112 et 299 Mais la trouvaille n cessaire la conception de la Recherche du
9. largement englob es par une impr gnation insaisissable mais par l un symbolisme souvent contest et presque toujours du moins d centr L entr e sur la sc ne des Lettres de Proust crivain en herbe fut paradoxalement l ann e m me o il publiait Les Plaisirs et les jours que les contemporains lurent comme le livre d un symboliste tomb dans la d cadence une mise en proc s du symbolisme dans son propre fief l article Contre l obscurit que le contestataire de Mallarm fit para tre dans La Revue blanche du 15 juillet 1896 d non ant l herm tisme comme une trahison de toute entreprise litt raire et lui opposant les ressources de la clart fran aise La position doctrinale de Proust vis vis du symbolisme en g n ral c est dire de la symbolisation dans les uvres litt raires n est pas plus simple circonscrire On peut dire qu en un sens l cole symboliste qui fleurissait pendant son adolescence pla ait sous ses yeux la solution majeure aux questions esth tiques qu il s est pos es dans sa maturit Le m canisme du symbole r solvait l insoluble alternative qui le paralysa un temps au seuil de la cr ation litt raire serait il un philosophe ou un litt rateur un romancier ou un penseur Il lui fallut attendre l id e structurelle de la Comme le montrerait une confrontation entre les crits de Proust et l ensemble des id es et circonstances r unies par Guy Michaud dans
10. lui m me le v rifie ais ment que symbolisent donc les pisodes du cycle romanesque Deux interpr tations se feront alors vis vis Elles sont compl mentaires et ne deviennent contraires qu au moment de d cider laquelle est pr pond rante La cri tique ce propos s est tout enti re engag e dans un d bat visant donner pour contenu cette symbolique soit une m taphysique soit une esth tique S opposent alors les 19 Voir Proust 1971 p 392 Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 99 tenants au moment de proposer une interpr tation g n rale de la Recherche soit de la philosophie allemande soit de l esth tique anglaise Et de fait Proust s est initi la philosophie allemande durant ses tudes de lettres et philosophie la Sorbonne puis l esth tique anglaise en traduisant Ruskin Le h ros de la Recherche incarnerait donc ici l itin raire d une conscience traversant plusieurs ges m taphysiques itin raire jalonn d une s rie orchestr e de d couvertes l issue desquelles le moi entre en possession de sa propre identit et par l comprend le r le de l art dans la vie Tous les pisodes du roman symbolisent cet itin raire De nombreuses d clarations dans les lettres nous en avons rappel certaines confirment cette d finition de la Recherche par Proust lui m me Il nous semble pourtant qu une telle i
11. musicien genre Franck dit devant Albertine que je ne sais pas encore tre un jour ma fianc e ador e que ce qu on pr tend un artiste a d couvert le secret des vieilles toffes v nitiennes etc C est Fortuny Quand Albertine plus tard troisi me volume est fianc e avec moi elle me parle des robes de Fortuny que je nomme partir de ce moment chaque fois et je lui fais la surprise de lui en don ner La description tr s br ve de ces robes illustre nos sc nes d amour et c est pour cela que je pr f re des robes de chambre parce qu elle est dans ma chambre en d shabill somptueux mais d shabill et comme tant qu elle est vivante j ignore quel point je l aime ces robes m voquent surtout Venise le d sir d y aller ce quoi elle est un obstacle etc Le roman suit son cours elle me quitte elle meurt Longtemps apr s apr s de grandes souffrances que suit un oubli relatif je vais Venise mais dans les tableaux de XXX disons Carpaccio je retrouve Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 97 telle robe que je lui ai donn e Autrefois cette robe m voquait Venise et me donnait envie de quitter Albertine maintenant le Carpaccio o je la vois m voque Albertine et me rend Venise douloureux Donc moins d un remaniement possible d ailleurs si je le juge n cessaire son sujet le leitmotiv Fortuny peu d velopp
12. observer enfin toutes les tapes souvent concr tes de son processus Dans le dogmatisme de l art religieux au moyen ge ce qui le passionne ce sont moins les dogmes en eux m mes que les structures que leur mise en image fait na tre Voil pourquoi ce romancier lui aussi dogmatique restera au fil du temps beaucoup plus proche de l architecte Viollet le Duc et de l ex g te mile M le que de Ruskin dont il s loigne peu peu comme de Schopenhauer Cet inventeur curieux de l invention ce cr ateur passionn par le laboratoire de la cr ation anime tout un monde d abord pour voir comment on anime un monde Et le h ros de la Recherche symbolise moins une conscience prenant pos session d elle m me et acc dant des principes m taphysiques qu une uvre aper ue depuis son esquisse et port e son ach vement L id e fixe de la construction que met en avant le narrateur du Temps retrouv et le lien secret entre dogmatisme et construction que place Proust sous les yeux de Jacques Rivi re nous donnent sans doute la clef du symbolisme proustien un symbolisme qui n est pas acc s un monde d id es voil es mais bien plut t d voilement du processus m me de symbolisation c est dire de la cr ation BIBLIOGRAPHIE Autret J 1955 L Influence de Ruskin sur la vie les id es et l uvre de Marcel Proust Gen ve Droz Billy R 1930 Marcel Proust lettres et conversations Paris
13. temps perdu trou vaille encore absente des liasses de feuillets qui ne parvenaient pas composer entre 1895 et 1899 Jean Santeuil c est l id e d agencer symboliquement les pisodes d un roman long Proust y pense tr s t t puisqu en 1905 il d crivait d j la destin e artistique de Robert de Montesquiou L agencement des circonstances de sa vie est esth tique symbolique m me Proust 1971 p 411 sans se douter apparemment qu il d finissait l la structure venir de la Recherche et l itin raire que devait suivre son h ros notons que c est une id e d agencement qui permet une esth tique de se mettre en sc ne symboliquement C est bien ainsi que sera con u le cycle romanesque de la maturit comme un ample itin raire symbolique conduisant une philosophie du moi dans le temps et un corps de doctrine esth tique Proust peut ainsi d finir en 1912 le sujet le plus g n ral de son uvre c est toute une th orie de la m moire et de la connaissance non promulgu e directement en termes logiques Proust 1970 1993 t XI p 231 peine Du c t de chez Swann paru le romancier s en thousiasme d avoir trouv un lecteur si perspicace en Jacques Rivi re le directeur de la N R F qui restera toujours un confident privil gi de ses intentions esth tiques et qui il d voile d embl e la vaste conception symbolique de la Recherche qui a tout juste comme
14. train de d couvrir l architecture m di vale travers le Ruskin des Sept lampes de l architecture des Pierres de Venise du Repos de Saint Marc et surtout de cette Bible d Amiens publi e en anglais en 1880 qu il entreprend de traduire et d annoter pour le Mercure de France sa traduction para t son tour en 1904 Une grande partie de La Bible d Amiens consistant inter pr ter les nombreuses sculptures qui apparaissent sur toute la surface de la cath drale et en font c est le sens du titre un livre de pierre ouvert sur la ville mile M le offre l annotateur une mine de renseignements pour confirmer ou au besoin corriger les interpr tations de Ruskin mile M le est en effet essentiellement un d chiffreur de symboles Sa th se prin cipale est que l art religieux du moyen ge doit s interpr ter par la lecture des th olo giens les cath drales ayant t construites par des artisans sous la direction vigilante des v ques Nulle fantaisie d s lors ne guide le ciseau du sculpteur mais un enseigne ment dogmatique minutieusement contr l En cons quence la t che de l historien de l art chr tien consiste conna tre pr alablement tout ce qui s tait crit et s enseignait couramment au moyen ge en mati re de dogmes d histoire sainte et de sciences de fa on identifier les figures et interpr ter les sc nes et leur disposition l ext rieur et l int rieur des ca
15. vie de J sus Christ pas plus qu elle n a mis entre leurs mains les quatre vangiles mais elle a choisi quelques faits de sens profond significatifs entre tous pour les proposer la m ditation des fid les M le 1898 p 235 et s d p 353 C est dire aussi que le symbolisme renvoie un corps de doctrine ant rieur l uvre d art une pens e plac e au dessus de sa r alisation artistique La premi re t che de l artiste est de se soumettre ce monde de pens es L art du moyen ge pose pour cette raison mile M le est d abord une criture sacr e dont tout artiste doit apprendre les l ments Dans chaque cas chaque tape de son travail de figuration plusieurs symboles lui permettront d exprimer l invisible de rendre ce qui est au dessus du domaine de l art M le 1898 p 2 et s d p 30 Ainsi on s en souvient des pisodes romanesques dans la Recherche L essentiel ce ne sont pas les sc nes L univers sensible devant l homme de foi puis l univers des cath drales con ues sous la direction des th ologiens forment donc un univers harmonieux de symboles que l homme du XTX si cle a le sentiment de d chiffrer en nouveau Champollion la fa on d hi roglyphes mile M le y revient souvent c est par ce mot qu il d signe le plus volontiers la symbolisation la source de l art chr tien cette criture sacr e qui constitue l ar
16. 7 1989 t IV p 1404 Dans ces uvres aussi dogmatiquement con ues le d tail apparemment le plus anodin peut donc enfermer le symbole le plus profond mais le symbolisme de d tail porte tout autant sur l agencement des motifs mile M le juge utile d en pr venir le lecteur d s son introduction Dans l art du moyen ge le souci de l ordonnance s tend aux plus petits d tails et d termine les agencements ing nieux Et l historien d en donner pour exemple ces figurines accroupies qu un observateur attentif peut apercevoir bien souvent au dessous d une grande statue et qui entretiennent toujours un rapport secret avec le personnage principal M le 1898 p 10 et s d p 40 Chez Proust le souci d ordonnance se marque surtout par les correspondances secr tes entre une pluie de d tails qui prennent toute leur importance de ces sym tries m mes C est en ce sens qu il peut affirmer pour r pondre ceux qui contestent la composition de son uvre Il n y a pas un d tail dans chaque section de la Recherche qui n en amorce un autre dans le m me volume ou dans les volumes suivants Proust 1970 1993 t XX p 519 Cela n est possible que ajoute ailleurs le romancier dogmaticien quand on a construit et je le dis au sens architectural un ouvrage d une fa on si raisonn e que chaque phrase a sa sym trique Proust 1970 1993 t XVIII p 365 Le d tail qui en lui m me passe
17. STUDIA ROMANICA POSNANIENSIA UAM Vol 38 1 Pozna 2011 LUC FRAISSE Universit de Strasbourg DU SYMBOLISME ARCHITECTURAL AU SYMBOLISME LITT RAIRE PROUST L COLE D MILE M LE Abstract Fraisse Luc Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le From architectural to literary symbolism Proust in the school of mile M le Studia Romanica Posnaniensia Adam Mickiewicz University Press Pozna vol XXXVIIT 1 2011 pp 81 101 ISBN 978 83 232 2279 8 ISSN 0137 2475 DOI 10 2478 v10123 011 0007 9 Marcel Proust 1871 1922 debuted as a writer when the doctrine of symbolism was prevalent in the French literature But his relationship with this contemporary trend is difficult to define The reconstruc tion of historical and logical facts connected with this issue seems to indicate that Proust distanced himself from the poets and writers of symbolism the word symbol itself would often be used in negative contexts in Jn Search of Lost Time which Proust started to write in 1908 At that time Proust was also impressed by the work of mile M le entitled L Art religieux du XIIF si cle en France Religious Art of the 13th century in France 1898 Thus it is through the contact with architecture more than with literature that the author of In Search of Lost Time explores the notion of symbolism when based on consciously adopted rules he gives his work the exact structure of a cathed
18. e en France qu une m thode sommaire et ignorante de l art consistant apparenter deux par deux et sans plus de r flexion l imagerie des ca th drales avec les pr ceptes des th ologiens Ce n est pas cet apparentement d taill qui pouvait en effet nous expliquer l exceptionnel engouement qu a manifest Proust pour ce grand livre d s la parution de celui ci et jusque dans les derniers volumes de la Recherche du temps perdu Cet int r t passionn et jamais d menti il faut en chercher l explication dans les principes g n raux que d couvre l ex g te des cath drales gouvernant leur conception Car ces principes profonds dogmatiques c est dire mettant leur place le r cit et la th orie donnaient au romancier la trouvaille qu il attendait faute de quoi Jean Santeuil tait rest in dit l tat de liasses plus ou moins informes Dans l entreprise commune qui r unissait au moyen ge v ques et artisans au moment de concevoir et de construire une cath drale les relations entre temps perdu et temps retrouv donc entre la narration et la doctrine et aussi entre le 17 Sic On attendrait douloureuse Dans le mouvement de sa pens e Proust entend vraisembla blement par Venise le lieu de Venise ou le fait d tre Venise ce qui provoque l accord au masculin 18 Ces applications concr tes sont d velopp es dans Fraisse 2003 pp 9 33 98 L Fraisse h ros et le
19. e sagacit puisque la r ponse du roman cier commence par cette exclamation enthousiaste et merveill e Enfin je trouve un lecteur qui devine que mon livre est un ouvrage dogmatique et une construction Proust 1970 1993 t XIII p 98 d finition qui r sume toute la conception direc trice de M le ex g te de l art religieux D s le d but de sa d monstration l historien en pose le principe essentiel auquel la critique proustienne n a pas accord une impor tance suffisante principe ainsi formul La repr sentation des sujets sacr s fut alors une science qui eut ses principes et qui ne fut jamais abandonn e la fantaisie indivi duelle Nous ne pouvons douter que cette sorte de th ologie de l art n ait t r duite de bonne heure en un corps de doctrine car nous voyons les artistes s y soumettre d un bout l autre de l Europe d s les temps les plus anciens Cette science fut trans mise par l glise aux sculpteurs et aux peintres la ques du xur si cle qui conserv rent religieusement ces traditions sacr es M le 1898 pp 1 2 et s d p 29 C est donc parce que l art ob it un corps de doctrine th ologique ant rieur aux uvres que celles ci manifestent une telle unit int rieure cette unit int rieure que les crivains symbolistes du temps attendent pr cis ment des symboles fleurissant dans leurs uvres C est aussi le dogmatisme qui commande le symbolis
20. el qu il faut un grand artiste pour tre com pris et situ entre ses pairs Aussit t le novateur compris l cole dont on n a plus besoin est licenci e Du reste m me tant qu elle dure le novateur a le go t beaucoup plus large qu elle Correspondance t XX p 498 Il faut d ailleurs songer que l pisode des clochers de Martin ville dans Du c t de chez Swann Recherche t I pp 177 180 sugg re que l veil d une voca tion r sulte d un ph nom ne purement int rieur le h ros crivant sa premi re page po tique non l issue d une r union tapageuse de c nacle litt raire mais tout enfant compagnon solitaire de ses parents dans une promenade dans la campagne juch c t du cocher sur une cal che hors de toute cole 86 L Fraisse chez ces personnages Fa 1966 p 101 Peut tre la logique interne est elle aux yeux de Proust plus importante m me que le message philosophique qu elle donne comprendre mais on voit que les symboles donn s en p ture au lecteur se situent peine au dessus de la lecture pour se divertir dont ils se distinguent par leur vis e s rieuse Et pourtant qu est ce que donner r fl chir d livrer un message par la force muette d une architecture sinon encore symboliser Nous voici donc parvenus apparemment une impasse car Proust dans ses d clarations sur la Recherche laisse volontiers entendre que la signification
21. f c est d s lors le comprendre dans son langage hi roglyphique M le 1898 p 155 et s d p 225 c est consid rer chaque 92 L Fraisse figure sculpt e ou peinte la fois comme une criture une arithm tique et une symbolique M le 1898 p 29 et s d p 58 C est exactement ainsi que proc dera pour son compte le narrateur de Proust parti la recherche des ressources cr atrices enfouies dans le moi profond La doctrine du Temps retrouv montre quel point l crivain par l introspection travaillera sur le mat riau de ses impressions comme l ex g te de l art chr tien devant l iconographie des cath drales il y avait peut tre sous ces signes quelque chose de tout autre que je devais t cher de d couvrir une pens e qu ils traduisaient la fa on de ces caract res hi roglyphiques qu on croirait repr senter seulement des objets mat riels Sans doute ce d chiffrage tait difficile mais seul il donnait quelque v rit lire Proust 1987 1989 t IV p 457 Si l on consid re qu ici les profondeurs du moi ont remplac la doctrine des p res on s aper oit que l crivain est lui m me sa cath drale et qu il organisera sa recherche du temps perdu selon l exacte m thode codifi e par mile M le Mais tout langage hi roglyphique trouvera t il n cessairement son Champollion C est loin d tre certain et c est aussi ce que voulait sign
22. ge du temps en 1898 d concerta le jury ce que me racontait sa fille par ce m lange d rudition encyclop dique et de po sie qui en rendait le savoir imm diatement accessible au grand public Cette popularit d mile M le dont le livre tait offert en prix de fin d ann e aux lyc es des institutions priv es comme publiques accompagna une rapide promotion de l art chr tien dans les disciplines universitaires puisque l historien vit successivement cr er pour lui la premi re chaire en ce domaine la Sorbonne puis au Coll ge de France Quant Proust c est peu apr s la parution du livre chez l diteur Ernest Leroux en s int ressant Ruskin qu il en prit connaissance Le t moignage pr cieux de Robert de Billy contemporain et ami de notre crivain donne aperce voir les circonstances exactes dans lesquelles celui ci d couvrit l ex g te des cath drales ce fut une grande joie quand parut le premier des livres de M M le Je le lus comme un roman et tout de suite je le pr tai Marcel Il resta chez lui quatre ans environ et quand il me le ren dit il n avait ni couverture ni page de garde et portait les marques de toutes les disgr ces qui peuvent assaillir un livre lu au lit dans le voisinage des rem des J ai su par M M le qu il avait eu l occasion de r pondre de fr quentes interrogations de Marcel Billy 1930 pp 111 112 C est qu au m me moment Proust est en
23. ier a donc partout besoin de cette symbolisation l gard de laquelle il se montre par ailleurs au point de vue doctrinal si volontiers r serv Tout est bel et bien et explicitement symbole dans la Recherche au point que nous voyons le narrateur d finir successivement la diplomatie comme une m thode de lecture travers des symboles superpos s Proust 1987 1989 t II p 557 la soci t mondaine comme cette galerie de figures symboliques qu est le monde Proust 1987 1989 t II p 495 et le temps surtout comme la figure symbolique de la vie Proust 1987 1989 t IV p 503 c est dire que chez les personnages proustiens qui voluent dans le temps note le narrateur ce changement ext rieur dans les figures que j avais connues n tait que le symbole d un changement int rieur Proust 1987 1989 t IV p 503 C est ce point pr cis de contradiction qu il devient utile de se souvenir combien et avec quels fruits l auteur de la Recherche privil gia la lecture d mile M le et son Art religieux du XIII si cle en France 8 Voir Fraisse 1990 pp 426 427 Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 87 PROUST ET MILE M LE LES MALENTENDUS DE LA CRITIQUE Il est peine n cessaire de rappeler les circonstances dans lesquelles l uvre d mile M le s est d velopp e Sa th se publi e et soutenue selon l usa
24. ifier par cette comparaison mile M le mettant en 1898 son lecteur devant le langage des cath drales Mais le sens de ces uvres profondes s obscurcit Des g n rations nouvelles qui portaient en elles une autre conception du monde ne les comprirent plus D s la seconde moiti du XVF si cle l art du moyen ge devint une nigme Le symbolisme qui fut l me de notre art religieux acheva alors de mourir M le 1898 p I et s d pp 11 12 Il est frappant que Proust pr te son narrateur au seuil de sa grande uvre elle aussi symbolique un doute semblable sur sa destin e l id e de ma construction ne me quittait pas un instant Je ne savais pas si ce serait une glise o des fid les sauraient peu peu apprendre des v rit s et d couvrir des harmonies le grand plan d en semble ou si cela resterait comme un monument druidique au sommet d une le quelque chose d infr quent jamais Proust 1987 1989 t TV p 618 Il a fallu que notre si cle retrouv t laborieusement le sens de ces uvres du moyen ge devenues plus obscures que des hi roglyphes note mile M le en ces derni res ann es du XIX si cle M le 1898 p II et s d p 12 L histoire de l art et la post rit des uvres suivent le m me processus long terme sinon que le contenu des tapes se voit r am nag l uvre symbolique comprise sur le champ par les b tisseurs de cath drales et par tout le
25. inaper u prend son importance la faveur de sa mise en rapport r trospective avec un motif plus important telle dans le chapitre Combray au tout d but de l uvre la sc ne de Montjouvain qui conditionnera beaucoup plus tard le d nouement pr cipit de Sodome et Gomorrhe et le cycle d Albertine Les brouillons m mes de Proust des cahiers de montages aux c l bres paperoles sans compter les si nombreuses et int ressantes notes de r gie que l architecte se chuchote lui m me attestent de ce souci constant de trouver la disposition d pisodes qui fera le plus sens ce stade Proust pourrait m me appara tre comme un mile M le jusqu au bou tiste Quand nous le voyons affirmer que dans chaque section de la Recherche il n y a pas un d tail qui n en amorce d autres dans le m me volume ou dans les suivants il se fait pour sa propre uvre cet ex g te outrance que l historien de l art nomme avec r serve au cours de son analyse en des termes d ailleurs d j tout proches de ceux qu utilisera Proust De trop ing nieux arch ologues ont eu je le sais la pr tention de ne rien laisser d inexpliqu dans la cath drale Suivant eux la moindre fleur le moindre monstre grima ant auraient un sens que les th ologiens du moyen ge nous r v leraient Dans ces majestueuses basiliques dit l un d eux pas un d tail pas une t te sculpt e pas une feuille de chapiteau qui ne rep
26. ions de Dieu Les Mages en adorant J sus Christ avaient les premiers entre les Gentils reconnu sa divinit Le jour du Bapt me la voix d en haut avait proclam cette divinit pour la seconde fois Enfin aux noces de Cana J sus lui m me par un miracle avait manifest qu il tait Dieu M le 1898 pp 237 238 et s d pp 354 355 Si l on veut trouver un quivalent n cessairement profane d une telle conception dans la construction de la Recherche il faut lire les explications d velopp es que donne Proust une correspondante aupr s de laquelle il se documente sur les robes de Fortuny sur la r partition symbolique de ce motif tr s grande chelle travers quatre volumes du cycle romanesque Vous vous rappelez peut tre que vous m avez aid faire autrefois pour des jeunes filles des petites choses d l gance que cela me faisait plaisir de donner l une L h ro ne de mes deux derniers volumes Albertine n a aucune esp ce de rapport avec ces jeunes filles d ailleurs il n y a pas une seule cl dans mon livre Mais ce d sir de la parer est le m me avec la ressou venance de ses parures dans un voyage Venise apr s qu elle sera morte et o la vue de cer tains tableaux me fera mal j ai construit les choses ainsi Dans le d but de mon deuxi me volume un grand artiste nom fictif qui symbolise le grand peintre dans mon ouvrage comme Vinteuil symbolise le grand
27. lie l historien au romancier est loin d avoir livr encore tous ses secrets l examen de ce cas pourrait en dernier lieu donner la discipline de l tude des sources une justifica tion inattendue PROUST ET LA SYMBOLISATION POSITION DU PROBL ME Proust fait partie de cette g n ration d crivains aux c t s de Claudel Gide et Val ry notamment dont les d buts litt raires co ncident avec la courte floraison officielle de l cole symboliste C est en 1888 qu il obtient le baccalaur at et Mallarm tait professeur d anglais au lyc e Condorcet pendant que lui m me y tait l ve Il n en appartient pas moins cette g n ration qui a succ d aux po tes en r f rence auxquels on a coutume d voquer le symbolisme si bien que pour finir la recherche du temps perdu publi de 1913 1927 pourrait en un sens tre lu comme l une des derni res grandes incarnations de l esth tique symboliste tant les concepts les images enfin l univers symbolistes y sont pr sents et s y coordonnent en une synth se in dite une tude compl te sur ce sujet resterait faire elle s appuierait utilement sur une r cente tude consacr e aux romanciers symbolistes m me si bien des orientations durables de la doctrine de Proust peuvent tre interpr t es comme une contestation de l int rieur du m me symbolisme Un symbolisme pleinement assimil par Proust les lectures pr cises tant
28. me le but des concepteurs de cath drales tant de trouver la figuration la plus parlante chaque id e la plus abstraite Commentant un vitrail du Mans qui laisse transpara tre tout un enseignement th ologique de la juxtaposition de J sus Christ et d Aaron l ex g te conclut Il tait difficile de donner une forme plus claire et plus pittoresque une id e abstraite M le 1898 p 249 et s d p 366 nous avons vu que c est selon ce crit re que Proust de son c t d finit la r ussite litt raire et notamment romanesque la plus accomplie Le m me principe tait affirm dans toute sa g n ralit par mile M le quelques pages plus haut en conclusion du chapitre sur les sc nes de la vie de J sus Nulle part n appara t mieux le caract re profond ment dogmatique de l art du moyen ge qui est la liturgie elle m me et la th ologie devenues visibles M le 1898 p 242 et s d p 359 L unit sous jacente et la claire figuration des abstractions sont ainsi les deux ressources majeures du symbolisme artistique lorsque celui ci est sous tendu par le dogmatisme Le dogmatisme des cath drales correspond aux articles de foi et l histoire sainte celui de Proust aux principes profonds dont un artiste fait son esth tique mais partir de l la conception est la m me et la critique apercevrait volontiers une pr figuration de Proust plac au centre de la Recherche dans l vocation que
29. narrateur de la Recherche trouveraient ici leur pr cieuse formule et pour nous leur clef Car si les b tisseurs de ces anciens monuments proposent Proust leur mod le il est clair et Jacques Rivi re en offre un exemple qu mile M le son tour incarne pour l avenir le lecteur id al de la Recherche c est dire celui en attente de qui elle a t crite Une part sans doute de hasard intervient dans la d couverte par Proust de l uvre d mile M le commencer par le fait de vouloir traduire et annoter La Bible d Amiens de Ruskin au moment d abandonner Jean Santeuil puisqu en somme L Art religieux du XIIF si cle en France donnait l crivain la formule permettant aux mat riaux de Jean Santeuil de nourrir la structure enfin aper ue et tablie de la Recherche Mais ce hasard n a pu porter ses fruits long terme que parce qu il ren contrait chez le romancier un cheminement long terme L historien de l art chr tien lui proposait notamment un mod le d autant plus acceptable que son temp rament pris de symbolisation c est dire depuis longtemps la recherche d une synth se entre la pens e et la vie entre l id e et l histoire r pugnait dans le m me temps placer la cr ation d essence individuelle sous la banni re d une cole litt raire contemporaine L ext riorit d mile M le par rapport l histoire de la litt rature rendait pleinement acceptable sa
30. nc para tre J ai trouv plus probe et plus d licat comme artiste de ne pas laisser voir de ne pas annoncer que c tait justement la recherche de la V rit que je partais ni en quoi elle consistait pour moi Je d teste tellement les ouvrages id ologiques o le r cit n est tout le temps qu une faillite des intentions de l auteur que j ai pr f r ne rien dire Ce n est qu la fin du livre et une fois les le ons de la vie comprises que ma pens e se d voilera Mais cette volution d une pens e je n ai pas voulu l analyser abstraitement mais la recr er la faire vivre Proust 1970 1993 t XII p 99 4 Ce projet a pour mod le pr cis Balzac 84 L Fraisse Or seule une symbolisation long terme peut permettre une aussi ample mise en sc ne la faveur de laquelle le sujet g n ral et v ritable de l uvre reste longtemps voil et brusquement la fin d voil Sur cette technique de symbolisation Proust demeure exceptionnellement discret Mon ouvrage Le Processus de la cr ation chez Marcel Proust Corti 1988 s attachait l appr hender peu peu et je ne pouvais citer qu une d claration directe il est vrai capitale une note marginale au Cahier 57 des brouillons de la Recherche au verso 30 posant ce principe g n ral qui int resse notre sujet toute impression caus e tout moment de notre vie signifie quelque chose qu elle ne d finit pas Proust
31. nde tirade du peintre Elstir d voilant au h ros d abord sceptique la richesse th ologique et symbolique de l glise du village Proust 1987 1989 t II pp 197 198 pouvait tre reconnue comme condensant toute la m thode et l enseignement de L Art religieux Or le romancier de la Recherche doit beaucoup plus que ces emprunts ponctuels l ex g se d mile M le et regarder de plus pr s les lectures rudites effectu es ligne ligne par le Proust des ann es 1900 on d couvre qu elles restent tr s pr sentes son esprit durant toute la confection du cycle romanesque de la maturit parce que dans ces analyses apparemment r ductrices des monuments m di vaux l crivain th oricien sait apercevoir en profondeur une technique de composition la source d une esth tique compl te Regardant Viollet le Duc dans son grand Dictionnaire raisonn de l architecture fran aise manier ses mat riaux de construction Proust trouve non seulement comment construire ses glises de Combray puis de Balbec mais comment formuler nombre d articles parmi les plus th oriques et les plus abs traits qui composeront l esth tique du Temps retrouv et les pr suppos s d mile M le au moment d interpr ter l iconographie chr tienne pr parent parfois presque mot pour mot ses principes cr ateurs les plus c l bres Parmi les disciplines composant l histoire litt raire l tude des sources est celle qui au
32. nt de le voir abor der sa propre uvre comme mile M le s est propos d aborder les cath drales 4 Michel Autrand nous invitait voir dans Le Soulier de satin 1929 l autre grand aboutisse ment du symbolisme c t de Proust dans la premi re moiti du XX si cle 15 M le 1898 XIV 534 p et s d reprenant la huiti me et derni re dition revue par l auteur en 1948 pour la librairie Armand Colin Nos r f rences doubles renverront successivement l di tion originale et cette dition courante c est dire que nous contr lons notamment que les passages que nous citons ont t r ellement lus par Proust dans son dition de 1898 une exception pr s que nous signalerons en son temps la note 16 Ici p 39 et pp 78 79 Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 91 lui aussi invite ses interlocuteurs consid rer que le point de vue m taphysique et moral pr domine partout dans l uvre et que son livre n a rien d anecdo tique parce que partout y est cultiv l exemple grossissant Proust 1970 1993 respectivement t XI p 287 et t XII pp 387 et 237 Ce faisant le romancier dogmatique ne suit pas seulement l exemple de l ex g te des cath drales mais celui d j des b tisseurs eux m mes propos desquels l his torien souligne L glise n a pas voulu repr senter aux chr tiens toute la
33. nterpr tation laisse un point important tota lement aveugle D une part il n est pas certain que dans la cr ation d une uvre la philosophie et celle l m me qui sous tend toute la cr ation constitue la fin derni re de cette uvre C est imposer Proust l itin raire que pr voyaient les premiers roman tiques allemands voyant se finir l histoire des arts dans une symphilosophie r alisant toutes les aspirations de l artiste Chez Proust le sujet le plus visible la recherche du temps perdu dissimulant un sujet plus secret l histoire d une vocation d crivain la m taphysique constitue t elle coup s r la fin derni re de son entreprise litt raire D autre part une fois plac s en regard d un c t soit la philosophie allemande soit l esth tique anglaise de l autre les pisodes narratifs de la Recherche une zone reste n anmoins en blanc essentielle celle de la cr ation celle occup e par le processus de symbolisation qui issu d un corps de doctrine produit l arri v e des sc nes imag es Comment s op re cette symbolisation nos sources doctri nales de la Recherche ne nous en disent rien non plus que la critique qui les isole C est l qu intervient utilement chez Proust la lecture d mile M le de Viollet le Duc aussi Car en traduisant Ruskin ce n est pas l esth tique anglaise d couverte cette occasion qui d cide de la vocation de Proust c est la d c
34. ouver par son inspiration cr atrice le point de vue du cr ateur sur chaque chose au moment o elle fut cr e mile M le quant lui pose que l univers sensible tant consid r par les hommes du moyen ge comme un univers de symboles dans lesquels les intentions du cr ateur du monde se donnent d chiffrer la cath drale son tour est l image m me du monde con ue comme une mise en images du dogme comme une pens e sinon cach e du moins donn e implicitement lire dans la figuration artistique Le moyen ge a con u l art comme un enseignement an nonce r solument la pr face M le 1898 p I et s d p 11 au moyen ge ajoute bient t l historien toute forme est le v tement d une pens e M le 1898 p II et s d p 13 L image prend d s lors tout son sens de cette pens e qu elle voile sa valeur est essentiellement exemplaire et voil pourquoi l historien s imposera son tour de ne donner d exemples qu autant qu il en fallait pour bien mettre en lumi re les grandes id es directrices de l art M le 1898 p 11 et s d p 21 Notons d s pr sent que c est avec la m me rigueur avec les m mes exigences que Proust ro mancier traite les sc nes dans son uvre nous avons vu qu il ne les retient devant Bernard Fa que dans la mesure o elles fournissent un symbole Et juste avant la parution de Du c t de chez Swann en 1912 1913 il est frappa
35. ouverte d une technique de montage d un processus de symbolisation C est bien plus encore la d couverte que les principes d une architecture au moment de concevoir une uvre long terme offrent l artiste concepteur des secours beaucoup plus du rables qu une philosophie et qu une esth tique Le romancier de la Recherche dans son itin raire intellectuel a travers la pens e de Schopenhauer et de Ruskin puis s en est en quelque sorte d barrass peu peu comme d un parasitage pour devenir lui m me La m thode de construction et le processus de symbolisation l origine des cath drales m di vales ne l ont au contraire jamais g n ni remis en question mais l accompagneront jusqu aux derniers instants de l criture de son uvre ro manesque parce que l o un syst me ou un corps de doctrine paralysent l criture un certain moment un principe constructeur porte au contraire sans obstacles un cr ateur au travail 20 Voir Henry 1981 21 Voir Tadi 1971 100 L Fraisse Aussi notre interpr tation finale que nous avions inscrite dans le titre de notre premier livre Le Processus de la cr ation chez Marcel Proust est il que Proust auteur de la Recherche est moins un philosophe qu un cr ateur c est dire que ce doctri naire est bien moins porteur d id es abstraites qu anim par une constance curiosit d apercevoir et d lucider le myst re m me de la cr ation d
36. par rapport aux autres D s son introduction mile M le parle d une sorte de math matique sacr e c est dire que la place l ordonnance la sym trie le nombre y ont une importance extraordinaire M le 1898 p 6 et s d p 35 C est par ce biais que le symbolisme descend dans le moindre d tail de la figuration artistique comme le d gage l historien en retrouvant patiemment sur nos cath drales les sc nes de l vangile un d tail une attitude un personnage que nous ne savons m me plus remarquer aujourd hui faisaient entrevoir alors tout un monde de symboles M le 1898 pp 242 243 et s d pp 359 360 Proust l entend bien ainsi en composant son uvre puisque dans les brouillons du Temps retrouv 16 Proust n a pas pu lire cette phrase absente de l dition originale l ajout devait s ins rer p 495 Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 95 nous voyons que le livre de Fran ois le Champi qui red couvert dans la biblioth que du prince de Guermantes voque au h ros son enfance Combray et semble par l supporter l itin raire de toute sa vie inspire celui qui le tient et va enfin crire son uvre cette comparaison saisissante comme on voit dans les niches de certains porches une petite sainte tenir dans ses mains un objet minuscule qui n est autre que toute la cath drale qui l abrite Proust 198
37. peuple du moyen ge ne l est pour la Recherche que par son auteur l incompr hension qui s installe dans l histoire de l art chr tien partir du XVI si cle a maintenant pour quivalent les imm diats contemporains du roman dont le narrateur du Temps retrouv peut crire Bient t je pus montrer quelques esquisses Personne n y comprit rien Proust 1987 1989 t IV p 618 c est dire que Proust inverse ici la chronologie les symboles devenant d ind chiffrables hi roglyphes non cause d un oubli progressif mais en raison d une trop grande nouveaut comprendre au contraire progressivement enfin les ex g tes mieux avertis des cath drales au XIX si cle correspondent l espoir des lecteurs venir de la Recherche le romancier apr s Vigny lan ant son uvre la post rit comme une bouteille la mer Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 93 Seule encore l interpr tation des cath drales m di vales par mile M le peut don ner comprendre le sens de l adjectif dogmatique qu applique si volontiers Proust lui m me la Recherche au moment de la d finir devant ses lecteurs les plus perspicaces les premiers mile M le peut on dire proprement devant son uvre cath drale tel Jacques Rivi re qui vient la parution de Du c t de chez Swann d crire Proust une lettre visiblement remplie d intuition et d
38. profonde y est volontairement voil e c est dire non vidente non explicite mais possible entrevoir il pars me le texte m me de son roman d indices invitant apercevoir dans le sujet et l agencement des pisodes un au del tr s symboliste du sens et de l interpr tation Le plus c l bre de ces indices est la mention v ritablement incidente au d tour d une phrase du C t de Guermantes de la vocation invisible dont cet ouvrage est l histoire Proust 1987 1989 t II p 691 Au lecteur d apercevoir d sormais les pisodes pass s et venir du cycle romanesque en cours transfigur s par cette r v lation illuminante Tout un corps de doctrine se dissimule derri re l agencement et le contenu des pisodes romanesques si Proust a en 1909 abandonn son essai critique Contre Sainte Beuve combien de circonstances du roman mettent implicitement en sc ne cette th orie sur la cr ation combien d autres montrent symboliquement le h ros l antique crois e des chemins l un de ces chemins qu il d laisse pouvant le conduire au temps retrouv de la vocation enfin close l autre qu il emprunte invariablement jusqu la fin l en d tournant et le confinant provisoirement encore dans le purgatoire et au bord de l enfer que constitue le temps perdu La partie cach e du symbole c est ce qui permet au temps retrouv d tre pr sent dans le tissu du temps perdu Proust romanc
39. propose dans sa conclusion mile M le de l abb Suger ordonnateur de la d co ration de la basilique Saint Denis Les pages o il d crit les vitraux de la basilique sont capitales On y voit que l abb avait choisi les sujets qu il les avait savamment or 94 L Fraisse donn s et qu il avait voulu composer lui m me les inscriptions qui rendent ces uvres symboliques un peu moins obscures M le s d pp 707 708 C est avec la m me autorit dogmatique que le romancier de la Recherche a r parti ses mati res en a retir la signification explicite mais glisse parfois au d tour d une phrase une explication inattendue comme celle sur la vocation invisible dont cet ouvrage est l histoire Mais l essentiel noter ici est peut tre que pour mile M le ses formules le montrent le symbole r pond contre toute attente disons plut t contre tout a priori une vis e clarifiante du message dogmatique Si donc Proust s engoue pour le symbolisme architectural dans le m me temps o on le voit prendre ses distances vis vis du symbolisme litt raire c est parce que les cath drales interpr t es par l historien de l art chr tien en 1898 incarnent une miraculeuse synth se du symbolisme philosophique et de la clart fran aise rejet e pour l un et pr n e pour l autre dans Contre l obscurit en 1896 Du reste il faudrait se souvenir qu au moins tout un versant des
40. r flexion tr s diversifi e sur la possibilit de sym bolisation que renferme toute uvre d art Et c est cette le on que Proust tait pr par entendre et recueillir pr cieusement On a vu en outre que la conception du symbole source de clart que met partout en vidence l ex g te des cath drales permet de lire au seul point de vue de Proust ici L Art religieux du XIII si cle en France comme une lumineuse r ponse aux objections formul es deux ans plus t t dans Contre l obscurit l herm tisme qui peut mettre en danger toute entreprise de symbolisation Mais il y a plus dans cet h ritage et plus important dans cette discussion d poque Ce que le jeune crivain de 1896 reprochait aux po tes ses contemporains c tait d inclure dans leurs uvres une philosophie obscure et obscurcissante Un romancier affirmait 1l alors n est pas un philosophe c est dire plus pr cis ment qu un ro mancier bourrant de philosophie un roman qui sera sans prix aux yeux du philosophe aussi bien que du litt rateur ne commet pas une erreur plus dangereuse que ces po tes pla ant toute la valeur de leurs uvres dans l herm tisme Aussi avons nous r serv pour la fin s agissant de la symbolisation dans la Recherche la question la plus difficile mais qui ne prend son sens qu pr sent si tout est symbole dans la Recherche ainsi que Proust l affirme sans cesse et que le lecteur
41. r sente une pens e et ne parle un langage compris de tous M le 1898 p 64 et s d p 104 96 L Fraisse Et de citer ici un article paru dans la Revue de l art chr tien de l abb Auber auteur dans cet esprit d une Histoire de la cath drale de Poitiers et surtout d une con fuse Histoire et th orie du symbolisme religieux Paris 1871 3 vol Si Jacques Rivi re par ses premi res intuitions s tait fait mile M le de Du c t de chez Swann Proust dans ses d clarations syst matisantes sur l architecture en tout raison n e de son uvre n est pas loin de devenir l abb Auber de la Recherche Mais bien au del de cet esprit de syst me et de ce go t du d tail c est encore mile M le qui lui a appris rendre sensible une doctrine par le regroupement et la mise en parall le d pisodes vari s La figuration de la vie de J sus lui en fournissait cet exemple L Adoration des Mages le Bapt me de J sus Christ et les Noces de Cana que les uvres d art nous montrent ensuite correspondent trois moments tr s diff rents de la vie de J sus Christ et pourtant le moyen ge avec son sens si po tique des rapports myst rieux avait rattach ces trois v nements une id e commune On les c l brait tous les trois le m me jour et la f te portait le nom de Th ophanie avant que celui d piphanie e t pr valu C taient l en effet les trois premi res manifestat
42. ral Le probl me des rapports entre l uvre de Proust et le symbolisme dans un sens aussi bien historique que g n ral est sans doute l un des plus pineux que puisse se poser la critique Mais son int r t r side dans sa difficult m me et aussi dans le fait qu il s articule la jonction des questions d histoire litt raire et des interrogations en esth tique g n rale Aussi n est il pas superflu d en rappeler pour commencer les donn es qui nous placent en fait au c ur de la situation probl matique de tout lecteur mis en pr sence de la Recherche et d sireux d en interpr ter la signification et la por t e g n rales Mais l attitude si difficile cerner de Proust vis vis du symbole et de la symbolisation pourrait permettre en outre de r soudre une nigme secondaire li e la vocation cr atrice de Proust celle de comprendre pourquoi le romancier a privi l gi entre toutes la lecture d un ouvrage paru en 1898 manant d un historien de l art chr tien mile M le ouvrage intitul L Art religieux du XIII si cle en France Cette nigme apparemment secondaire voire anecdotique peut du reste prendre une importance de premier plan dans la mesure o la d finition que donne mile M le de la cath drale m di vale n est pas sans parent avec le principe de fabrication le plus 82 L Fraisse g n ral la source de la Recherche du temps perdu La filiation myst rieuse qui re
43. sont int gralement expliqu es si l on indique le texte sacr dont elles sont la transposition plastique p 192 90 L Fraisse entre une interpr tation symbolique du monde sensible par le th ologien et l univers que porte en lui tout artiste nous sommes ici tout proches de l esth tique g n rale de Paul Claudel L quivalence en est pos e au d but de la premi re partie consacr e retrouver dans la cath drale le Miroir de la nature Qu est ce que l univers sensible Que signifie la multitude innombrable des formes Qu en pense le moine qui r ve dans sa cellule ou le docteur qui m dite avant l heure de son cours en marchant dans le clo tre de la cath drale Est ce une apparence Est ce une r alit Le moyen ge est unanime r pondre le monde est un symbole L univers est une pens e que Dieu portait en lui au commencement comme l artiste porte dans son me l id e de son uvre Voil pourquoi la vis e de tout l ouvrage sera de p n trer dans le g nie symbolique du moyen ge M le 1898 p 49 et s d p 87 Voil pourquoi aussi la cath drale image du monde constitue son tour un uni vers de symboles une poque o Paul Claudel posant pour principe que chaque chose veut dire c est dire est investie d une pens e divine en d duit que le po te doit se placer en situation de co naissance avec lunivers sensible c est dire retr
44. t du moyen ge consid rer toutes ces sc nes sym boliques ce sont comme on le voit de v ritables hi roglyphes l art et l criture se confondent ici ainsi d ailleurs l poque que l art du vitrail et celui du blason mile M le justifie d s lors en note cette assimilation entre le symbolisme chr tien et l criture hi roglyphique Le mot d hi roglyphe ne para tra sans doute pas trop fort si l on songe que les vang listes ont t quelquefois repr sent s sous la forme d hommes t te de b uf d aigle de lion chapiteau du clo tre de Moissac L art du moyen ge rejoint ici celui de l antique gypte peut tre m me en d rive t il par l interm diaire de l art chr tien d Alexandrie M le 1898 p 3 et note 2 s d p 31 et note 4 p 64 C est par une suggestion comparable que le peintre Elstir dans les Jeunes filles n exclura pas une influence orientale dans les motifs ornant l glise gothique de Balbec Proust 1987 1989 t IL p 198 L historien de l art rattache du reste ce symbolisme une autre nuit des temps au moment o il souligne en introduc tion que le troisi me caract re de l art du moyen ge est d tre un langage symbo lique Depuis les catacombes l art chr tien parle par figures Il nous montre une chose et nous invite en voir une autre M le 1898 p 19 et s d p 47 Pour mile M le d chiffrer un bas relie
45. th drales Cette fid lit de l interpr tation au dirigisme propre l art religieux a rendu les commentateurs de Proust r tifs admettre en d pit de ses preuves concr tes nombreuses l influence d mile M le sur la cr ation de la Recherche Cette conception substantialiste de l art qui ne tient pas compte de l volution des formes et 88 L Fraisse rend compte des cr ations par la seule mise au point des sujets s oppose l interpr ta tion d un Focillon la fille d mile M le m a montr une lettre de son p re Focillon qui marque bien l opposition entre ces deux chemins pour aborder l art le choix des sujets ou la vie des formes mais surtout semble aux antipodes de la conception que pouvait se faire de l uvre d art Proust un crivain un esth te chez qui la dimension sinon m me l autonomie de la forme ne pouvaient que jouer un r le pr pond rant Une fois admis que dans l optique d mile M le Proust tait en effet l abb Suger de la Recherche on fut tent de cantonner l influence de l historien la p riode ruski nienne l annotation rudite de La Bible d Amiens quitte identifier dans le cycle ro manesque ult rieur des passages localis s sur l architecture religieuse pour la r daction desquels l crivain avait d puiser dans ses souvenirs anciens de documentation c est ainsi qu Balbec dans l ombre des jeunes filles en fleurs la gra
46. th oriciens symbolistes visait par le symbole la clart Proust en quelque sorte hypnotis l poque par la figure tut laire d Anatole France semble n avoir pas su entendre chez les crivains ces voix en harmonie avec la sienne voil pourquoi il a trouv non chez ses confr res en litt rature mais chez un ex g te de la symbolique architecturale la formule qu il appelait secr tement de ses v ux pour construire son uvre ce stade on comprend encore que le symbolisme n est pas tout entier enferm dans l image qui dissimule mais laisse aussi transpara tre l id e S agissant de ca th drales la construction est elle m me porteuse de le ons implicites de messages muets Il faut alors plut t parler de disposition symbolique des l ments D s lors la t che d mile M le ne se r duit pas mettre un nom sur chaque figure et d en tra duire mot mot la signification th ologique son ex g se s appuie fr quemment les lecteurs de Proust doivent y pr ter attention sur l interpr tation de la place des motifs les uns par rapport aux autres cette configuration g n rale livre souvent le secret que chaque figure prise part semblait refuser l interpr te m me le plus rudit C est pourquoi la d monstration de l historien s accompagne volontiers de la reproduction d une verri re compl te ou de tout un panneau sculpt dont les logettes se voient interpr t es les unes
47. tualisme Et l on se souvient que les po tes eux m mes de la g n ration de Mallarm en taient discuter pour savoir si le symbole tait un moyen pour d jouer ou au contraire mettre en sc ne le travail de l intellect Dans l entreprise long terme de Proust c est donc comme si le symbole tait bien loin d une fin en soi ou de la ressource supr me un moyen provisoire et tou jours suspect s autoriser apr s contr le d authenticit Notons que dans l itin raire g n ral du peintre Elstir la mani re symboliste et mythologique inspir e de Gustave Moreau est la premi re qui sera d pass e par deux autres le japonisme autre for mule de transition puis l impressionnisme v ritable Terre promise Et l une des rares d clarations du romancier sur son travail pose la symbolisation comme une simple ressource secondaire sur le chemin de l essentiel qui est la construction de l uvre il s agit d un entretien qui se situe en 1920 tr s rarement cit avec Ber nard Fa L essentiel ce ne sont pas les sc nes bien qu elles servent distraire le lecteur et lui fournir des symboles mais la logique interne qui cr e une coh sion 7 R pondant en 1921 une enqu te sur les coles litt raires Proust conforte ce jugement et associe d ailleurs les valeurs limit es de l esprit d cole et du symbole puisqu il d clare Elles ne sont les coles que le symbole du temps mat ri
48. un calcul trop pr m dit trop intellectuel en fait d tre du c t de la m moire volontaire qui ne saurait rivaliser avec les ressources de l involontaire que l on trouve sa disposi tion parce qu on ne les a pas cherch es Le symbole selon Proust rend trop voyantes ces intentions de l auteur que pourtant le parcours bel et bien symbolique de son h ros permet de laisser la force de l implicite l instar de Maeterlinck qui au mo ment de r pondre l enqu te de Jules Huret en 1891 distinguait le symbole de propos d lib r du symbole inconscient pour l crivain de la Recherche la valeur symbolique d un motif devrait la limite s imposer l auteur lui m me comme au lecteur apr s coup dans une n cessit r trospective la fa on de la structure organique que le narrateur de La Prisonni re s merveille de trouver dans les grandes uvres du XIX si cle Unit ult rieure non factice Sinon elle f t tomb e en poussi re comme tant de syst matisations d crivains m diocres qui grand renfort de titres et de sous titres se donnent l apparence d avoir poursuivi un seul et transcendant dessein Proust 1987 1989 t II p 667 Le symbole justement est entach semble t il de ce risque de syst matisation du risque aussi de pr m ditation intellectuelle qui st rilise l uvre Proust ne le sait que trop bien L anti symbolisme de Proust nourrit donc un anti intellec
49. x c t s de l enqu te biographique se voit le plus d cri e L influence de L Art religieux du XIIF si cle en France sur la recherche du temps perdu offre sans doute une occasion privil gi e de m diter sur les ressources attendre d une certaine tude des sources qui loin de relever dans la culture d un crivain une s rie d emprunts Anne Henry consacre une phrase cette mise en quivalence dans Marcel Proust th ories pour une esth tique 1981 p 189 Vincent Descombes discute cette phrase dans Proust philoso phie du roman 1987 pp 45 46 10 Voir Fraisse 2000 pp 45 90 1 Voir Fraisse 2001 pp 183 193 Une vaste mise en situation du mouvement aboutissant notamment mile M le est propos e par St phanie Alice Moore Glaser dans Explorations of the Gothic Cathedral in Nineteenth Century France 2002 565 p voir du m me auteur pour une confrontation plus pr cise entre Proust et mile M le Moore Glaser 1999 pp 188 203 notamment pp 194 199 Du symbolisme architectural au symbolisme litt raire Proust l cole d mile M le 89 anecdotiques permet bien plut t d approcher dans toute sa complexit la po tique originale de l crivain influenc Comme il est en effet prouv que Proust a lu mile M le ligne ligne et avec grande admiration les principes de conception d une cath drale que d finit l historien de l art chr tien nous permettent aujourd hui de prolon
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