A l`ombre de la "pensée Gourou"
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1. Bo Le tj A Pombre de la pens e Gourou MICHEL BRUNEAU ET GEORGES COURADE LA G OGRAPHIE TROPICALE EX PRESSION AU PARFUM LA FOIS NATURALISTE ET COLONIAL QU IN CARNE SI BIEN PIERRE GOUROU A ENCORE QUELQUES BEAUX JOURS DEVANT ELLE C EST PAS FEU TR S FREIN E PAR DES A PRIORI ET DES PESANTEURS INSTITUTION NELLES QU ELLE SE TRANSFORME BON GR MAL GR EN UNE G OGRA PHIE DES PAYS DOMIN S QUE MICHEL BRUNEAU ET GEORGES CouRA DE APPELLENT DE LEURS VOEUX La g ographie tropicale existe Nous l avons rencontr e dans le paradigme de Pierre Gourou qui a orient dans les ann es d apr s guer re la g ographie humaine ultramarine jusqu aujourd hui Cela n a pas interdit une diversification mesur e des approches des objets d tude et des pr suppos s sans que cela remette en cause les fondements pist mologiques de la d marche premi re On peut avancer que l volu tion de la pens e g ographique sur les pays du Tiers Monde s est produi te sans v ritable discontinuit depuis 1947 sortie de la premi re dition des Pays tropicaux en dehors d un courant marxiste li au P C F qui de ce fait a t marginalis et pratiquement exclu de la g ographie institutionnelle J Suret Canale 1981 Etonnant destin quand on conna t les r visions les d bats qui ont travers une discipline comme l analyse conomique des p riph ries Est ce dire que tous les tropicalistes se retrouven2. arr tent pas l chelon r gional de la g ographie classique fran aise qui n appara t pertinent ni pour tudier les rapports de pouvoir ni pour l action comme l ont montr les tudes d conomistes sur les suppos s p les de croissance Bouak en C te d Ivoire par exemple Elles s expriment vigoureusement dans le domaine urbain o il est difficile de ne pas identifier sous le ciel tropical les rapports de force sociaux comme les effets de l exclusion dans le paysage moins de ne recher cher tout prix des voies sp cifiques de l urbanisation Tout cela heurte le personnage pond r ennemi des dogmatismes et des id ologies r ductrices que se doit d tre le tropicaliste l coute du terrain et sans hypoth ses th oriques Il n est d ailleurs pas exclu de r concilier le culturel et le religieux avec le politique et l co nomique La question controvers e du pouvoir villageois dans la soci t lao de Vientiane C Taillard 1977 1978 B Hours 1978 s opposant un pouvoir tatique d stabilisateur est int ressante Elle traduit plus qu une diff rence d observation de terrain mais deux modes d interpr tation du jeu social et politique Peut on souscrire l id e que par la spiritualisation du bien rare et le contr le de l acc s la terre la communaut villageoise rode les in galit s au fur et mesure qu elles apparaissent C Taillard 1977 p 80 La dimension religieuse comma
3. mais d expliciter sa vision du monde Il faut rappeler ici cette mise en garde Tout n Cela a abouti la vingtaine de monographies constituant l Atlas des structures agraires au Sud du Sahara dit par l Orstom sous le patronage de la Maison des Sciences de l Homme L article mobilisateur sortit en 1964 Pour un Atlas des terroirs africains structure type d une tude de terroir L homme IV 1 pp 56 72 P P lissier et G Sautter Si des tudes pionni res avaient d j eu lieu H Fr chou en Guin e J Hurault au B nin aucune valuation de ce travail inportant n a t tent e par ses initiateurs Et 1e 70 Michel Bruneau et Georges Courade chercheur qui n affirme ni probl matique propre ni d marche autonome appara t comme un touche tout ou un amateur qui se voit alors r duit aux t ches d inventaire Il en r sulte que l observation g ographique doit r cuser tout dogmatisme et porter sur les diff rences Les lam pistes de la g ographie tropicale sont inform s ne pas tomber dans les visions unifiantes de la r alit ni se r f rer de grandes th ories explicatives Attention comme nous le dit Y Marguerat obervateur de l volution actuelle de la g ographie fran aise Lyssenko n est pas loin Gare aux partis pris gare l ethnocentrismel Ne pas assimiler la production urbaine autochtone un mod le pr colonial Se garder de transposer l id ologie occidentale aux s
4. Lacoste en g ographie qui a introduit l ensemble de ces d bats et leur volution Le sous d ve loppement dans cette perspective devient une crise dialectique ayant des d terminants la fois externes et internes et qu il faut situer d apr s lui dans le cadre de l Etat si l on veut viter de dissimuler le r le essentiel des privil gi s autochtones Y Lacoste 1982 p 240 Voil qui a de quoi h risser une sensibilit gouroutienne mani ch isme m me relativis difficile accepter croyance des universels contestables croyance au progr s la lutte des classes etc Les r visions r alis es sur l alibi colonial et l imp rialisme rassurent plut t ce recentrage de la p riph rie conduit poser la question des rapports sociaux de production et des enjeux politiques au niveaux spatiaux pertinents et restituer aux soci t s du Tiers Monde leur histo ricit propre La combinaison d une analyse syst mique et dialectique de l espace quatorien a permis J P Deler de retracer la g n se d un Etat nation travers l encha nement des d pendances dominations impos es par le contexte socio conomique de chaque poque de ce pays J P Deler 1981 Ailleurs le g ographe recherche des structures spatiales refl tant l in gal d veloppement des forces productives en rapport avec la fa on dont le surplus est appropri rapports de production L organisation de l espace actuelle est le r su
5. l Ecole des Annales a d riv depuis les ann es soixante de l histoire sociale l histoire socio cultu relle en donnant une place de plus en plus grande l histoire des A ere EEE ane An men e ea l ombre de la pens e Gourou 73 mentalit s les partisans de l approche culturelle en g ographie voudraient faire voluer leur propre discipline dans le m me sens avec un retour du vieux th me cher Barr s de l enracinement Ceci permet d vacuer du concept de culture ce que les anthropologues appellent la culture mat rielle en m me temps que le social Si la g ographie des civilisations de P Gourou n glige la politique et tout ce qui lui est li Etat strat gies classes etc on va plus loin ici en r duisant la g ographie au d codage s miologique du symbolique et des mythes On ne risque pas dans ce cas d vacuer le singulier au profit d un vague universel teint de dogmatisme ni de faire p ch supr me de l ethnocentrisme Mais o va t on 3 De l cog ographie la g ographie cologiste la red couverte du genre de vie i Ou l homme est hors de la nature n y est pas impli qu et celle ci n a donc pas d histoire ou bien la nature contient l homme au m me titre que les autres forces qui le r gissent M Benoit 197S p 21 Nous avons artificiellement dissoci cette partie de la pr c dente laquelle elle est li e puisqu il est difficile d chapper
6. la dialectique Nature et Culture en g ographie sous peine d tre accus d vacuer la fameuse unit de la g ographie L analyse syst mique comme la crainte de la finitude des ressources renouvelables par pollutions et pr dations ont permis de renouveler la g ographie dans son angle d attaque du milieu Cela a aussi entra n des r valuations id ologiques permettant une red couverte du genre de vie la faveur du d bat sur l cod veloppement sous les Tropiques Et pourtant P Gourou n a t il pas glos sur le genre de vie proc d p dagogique de classement qui conduit l erreur 1970 p 82 De la g ographie tropicale de P Gourou qui place les paysages au centre de ses pr occupations et de la g ographie physique globale G Bertrand J Tricart qui a lanc une r flexion m thodologique sur la notion de paysage est issu un courant de g ographie des paysages naturels et agraires qui est pass du stade de la description et de la typologie celui de la cartographie d inventaire dans les ann es soixante dix La multiplication des couvertures de photographies a riennes partir des ann es cinquante puis des images de satellites Landsat apr s 1972 a permis une telle cartographie Les atlas nationaux et parfois r gionaux Atlas des D partements d Outre Mer ont utilis ces donn es pour une cartographie th matique et sectorielle D autre part une approche plus globale et r gionale s attache d
7. limiter des unit s de paysage signification pluri th matique diverses chelles Les s ries chronologiques de photographies a riennes et d images satellite permettent d acc der une vision de la dynamique de ces paysages Le g ographe se livre alors un zonage utile la planification et l am nagement car il permet une valuation cartographique du degr d artificialisation du milieu naturel et r ciproquement Cette cog ographie servie par une technologie plus sophistiqu e contribue une gestion prudente des ressources Elle d passe le simple inventaire mono disciplinaire par le biais de l analyse syst mique en d coulent les notions d cosyst me de g osyst me et de paysage fina 74 Michel Bruneau et Georges Courade lisation socio culturelle du g osyst me G Bertrand Variantes de cette cog ographie la prise en compte des strat gies des ethnies vis vis des variations du milieu naturel J Richard Ch Blanc Pamard ou celle des rapports sociaux de production M Bruneau Elle r pond la demande sociale exprim e pour am nager l espace et g rer les ressources et pourra appara tre aux yeux de citadins comme technocratique Cette g ographie inventaire qui utilise les diverses techniques de la t l d tection s est constitu e en s inspirant des concepts de l cologie Elle devient un maillon indispensable de l analyse g ographique mais ne peut trouver en elle m me sa
8. pens e Gourou Tout ceci explique pourquoi les tropicalistes sont de gros produc teurs d inventaires dictionnaires de villages atlas de toutes sortes cartes de zones homog nes etc Cela permet de comprendre aussi la relation quasi affective que ce g ographe entretient avec le terrain H y est d autant plus attach qu il a eu du mal y acc der en termes de communication obstacle linguistique usage d un v hicule tous terrains difficult s se faire accepter La remise en question personnelle qui r sulte d une vie prolong e dans un univers diff rent s av re toujours fondamentale Il y a lieu de distinguer ici deux populations de tropicalistes les professionnels de la coop ration et les missionnaires dont l univers de contraintes est rarement identique L autonomie de la d marche scien tifique est plus grande chez les uns que chez les autres La soumission au socio politique local p se sur le chercheur ou l enseignant chercheur en coop ration d un poids qui peut s av rer tr s lourd selon le pays Travailler Bangui Calcutta ou Managua n impose pas les m mes limites et n a pas les m mes vertus intellectuelles stimulantes L urgence de l action y est aussi per ue diff remment Se plonger dans le bain tropical pendant de courtes p riodes ne peut avoir le m me sens que d y vivre longtemps En termes de valorisation scientifique le missionnaire pourra mieux accrocher son discours l air du temps et
9. propre finalit car les causalit s les boucles d actions et r troactions doivent tre recherch es dans l analyse des processus du milieu bio physique dans celle des faits socio conomiques et leur interface Le succ s du concept d co d veloppement I Sachs 1981 A Cunha et al 1981 pp 15 23 etc vient de son c t pragmatique et op ratoire pour les pays tropicaux Il est d autant plus s duisant qu il pr conise la pluralit des voies et des solutions la pauvret la prudence colo gique et l appropriation du d veloppement par les acteurs locaux Etonnant retour de la notion de genre de vie via l co d veloppe ment A Cunha J B Racine etc ou dans l interpr tation des compor tements des pasteurs peuls M Benoit 1979 pp 21 22 Dans ce dernier cas il est oppos au concept de mode de production car on a affaire une soci t au sein de laquelle la cr ation de biens n est pas il s en faut de beaucoup la principale raison d tre On pense ainsi rendre mieux compte des relations de la conscience collective avec l environnement et proposer d autres formes alternatives de d veloppement cadrant avec des objectifs non productivistes de groupes localis s La Banque Mondiale n est pas hostile l co d veloppement Est ce un hasard ou une n cessit pour le red ploiement du capitalisme actuel 4 De l approche th oriciste et quantitative la g ographie de la moder nisat
10. renci s qui d bouchent qur deux types de g ographie l une qui se veut noble l autre que d aucuns consid rent comme fruste car peu labor e trop proche de la description raisonn e La premi re se peaufine en vue de s duire un parterre de mandarins hexagonaux investis des cl s de l avancement et de la collation des dipl mes La seconde trouve un march local aupr s des administrations des pays par tenaires Et il faut souligner combien la demande sociale exprim e celle des Etats plus que des organisations non gouvernementales requiert toujours le g ographe pour sa facult reconnue de collecter les informa tions de les traiter et de proposer un cadre spatial pertinent pour l intervention l op ration dite de d veloppement Du Nicaragua citadelle assi g e l Indon sie qui souhaite mieux r partir sa population on sollicite le g ographe pour ex cuter ce style le travail parce qu il appara t utile au d veloppement et qu il n interpelle pas le pouvoir tatique sur ses choix i Les processus d exclusion ont jou contre ceux qui ouvraient la voie d autres g ographies La meilleure m thode consiste ignorer leurs travaux ni citations ni compte rendus ni critiques ni invitations aux grandes manifestations de la tropicalit avec discours de cl ture fait par P Gourou Travaux d Y Marguerat 1978 1982 J P Raison 1981 et A Durand Lasserve 1980 Orston 1983 A l ombre de la
11. soci t s rurales traditionnelles J Gallais 1976 p 10 Ce concept d espace v cu n est pas d pourvu d ambiguit faute d avoir explicit son mode d emploi l tendue de sa pertinence et ses substrats id ologiques Le v cu s oppose au con u l intuition et l imm diat aux exigences de la mise en oeuvre abstraite et objective d un mode de penser et de g rer l espace Il s applique ici un espace model par des soci t s dites traditionnelles oppos l espace qualifi de standard des soci t s industrielles la R volution fran aise niveleuse par son id ologie est mise en cause On propose donc une reconstruction de l espace partir des exp riences et des pratiques qui se traduisent par un dire dans une relation d enqu te asym trique et sans qu une d finition tr s serr e des proc dures soit identifi e Les g ographes de l espace v cu raisonnent tant t partir de cas individuels tant t partir d un chantillon statistique cens repr senter un groupe par exemple les l ves d une classe de l cole primaire d un ou plusieurs villages tant t partir d objets culturels litt rature orale ou crite oeuvre d art Il s agit en fait d images de l environnement ou de l environnement imagin soit par un individu informateur ou individu jug repr sentatif soit par un groupe social ethnie groupe socio professionnel soit m me par l ensemble d une soci t travers une trad
12. Cambrezy 1978 La g ographie fran aise dans le Tiers Monde trois quarts de si cle de th ses de g ographie dans la zone chaude Interg o bulletin 51 pp 1 58 Y Marguerat 1982 La g ographie fran aise en Afrique Noire Essai de description cuantitati ve Cahiers d Outre Mer XXXV 138 pp 161 178 J P Raison 1981 La g ographie africaine en France in Etudes africaines en Europe vol 1 Paris ACCT Karthala pp 591 629 Bulletin de la soci t languedocienne de g ographie 1982 Les grandes villes africaines S minaire de Montpellier 18 25 09 1980 XVI 1 2 237 p J Suret Canale 1981 G ographe marxiste in EspacesTemps 18 19 20 1981 pp 9 18 2 De l espace v cu la g ographie culturelle J Bonnemaison 1981 Voyage autour du territoire in L Espace g ographique X b pp 249 262 J Gallais 1976 De quelques aspects de l espace v cu dans les civilisations du monde tropi cal in L espace g ographique V 1 pp 5 10 P Gourou 1973 Pour une g ographie humaine Paris Flammarion 388 p P Pelissier 1966 Les paysans du S n gal Saint Yrieix 1966 939 p 3 De l cog ographie la g ographie cologiste M Beno t 1979 Le chemin des Peuls de Boobola contribution l cologie du pastorialisme en Afrique des savanes Paris Orston 208 p L Febvre 1922 r d 1970 La terre et l volution humaine Paris Albin Michel 444 p I Sachs et al 1981 Initia
13. acc der aux revues scientifiques tenues par des universitaires Avantage consid rable pour se situer dans le milieu scientifique fran ais plut t que d y acc der par patron interpos Le succ s du r f rent tropical dans le Tiers Monde ne peut se comprendre en dehors de cette sociologie de la recherche en coop ration car il s av re s curisant pour deux raisons pas d ing rence dans les affaires internes du pays principe de base de tout coop rant en raison des priorit s affich es tudes microspatiales justifi es par l absence de donn es fiables tudes r gionales classiques observation du changement social sur le temps long insertion de type technique dans le processus de d veloppement valorisant la fois l adaptation la tropicalisation du progr s en m me temps que la prise en compte des logiques paysannes conscience de se situer du c t des domin s m me s il s agit d une d finition occultant les rapports d exploitation internes Il s explique enfin par les travaux initiatiques propos s aux jeunes chercheurs parmi lesquels il faut faire une place part pour les tudes de terroirs en Afrique Noire et Madagascar C est ainsi que la g ographie tropicale s est constitu e tr s fortement autour des travaux de ruralistes et que sa vision globale s en ressent Ce qui vient d tre dit n a pas pour objet de jeter le discr dit sur une g ographie en prise avec le d veloppement
14. conomi ques et d mographiques Ces derni res sont issues de l appareil d Etat qui livre ainsi l image de la soci t civile qui lui convient Cela ne fait _ donc qu occulter les dynamiques sociales non contr l es On peut essayer de produire ses donn es de base mais une autre chelle spatiale ce qui enl ve la possibilit d une analyse macro spatiale Derri re les formalisations math matiques enfin n apparaissent ni les processus expli itant la r partition des r seaux et structures spatiales ni les rapports de dominations qui s y expriment Cela refl te l influence de la th orie conomique classique 76 Michel Bruneau et Georges Courade 5 De l approche d pendantiste la g ographie du pouvoir La d penpance demeure inscrite dans l in galit des forces conomiques mais elle est d sormais de plus en plus m diatis e par les choix politiques les options internationales des r gimes en place les pesanteurs propres chaque contexte g ographique etc G Sautter Soci t languedocienne 1982 p 15 Face la doctrine conomique classique de rattrapage des pays pauvres un courant critique s est affirm reprenant et compl tant l a nalyse de Marx sur le Tiers Monde affirmation des rapports de domina tion et de d pendance l chelle mondiale mod le centre p riph rie utilisation des concepts de mode de production asiatique ou africain et de formation conomique et sociale C est Y
15. d o logie travers les symboles les signes et les valeurs li s au territoire Le concept de civilisation de P Gourou est proche de celui de culture mais avec ses techniques de production et ses techniques d encadrement il privil gie l conomique et le social des temps longs et les vastes aires culturelles La g ographie tropicale de P Gourou est cet gard une g ographie culturelle proche de celle de l cole de Berkeley Cependant les tenants de l approche culturelle comme J Bonnemaison ont une conception sensiblement diff rente qui va plus loin que I espace v cu dans la face cach e de la r alit dans le domaine des repr sentations symboliques des id ologies des valeurs o priment l affectivit et l irrationnel Les deux concepts cl s sont ceux d ethnie et de territoire et non plus civilisation et paysage L accent est mis sur une certaine vision et sensibilit culturelle Au del d un espace objectif celui de la vie quotidienne J Bonnemaison d finit un espace culturel un espace g osymbolique charg d affectivit et de significations dans son expression la plus forte il devient territoire sanctuaire c est dire un espace de communion avec un ensemble de signes et de valeurs L id e de territoire devient alors associ e celle de repliement et de conservation culturelle J Bonnemaison 1981 p 257 L approche culturelle ainsi pos e se veut non exclusive Elle c toie l espace
16. e principalement pour pr server l essentiel l tude de cas privil giant singularit s et diff rences socio spatiales et vacuant la dimension politique non anecdotique rapports sociaux de production et lutte des classes qui pourrait d ranger les pouvoirs en place au centre et dans les p riph ries i 78 Michel Bruneau et Georges Courade Bibliographie 1 L tat de la g ographie tropicale 1973 1983 Compte rendu des journ es d tudes de l Orstom 2 me session Paris janvier 1983 Bilan et perspectives g ographiet pp 769 795 collectif A Durand lasserve 1980 Bilan et tendance des recherches g ographiques sur les pays du Tiers Monde in La recherche en sciences humaines 1979 1980 Cnrs pp 158 163 L A 94 Orstom 1983 Profession g ographe pratique de la recherche tropicale Paris Orstom 159 p G Lasserre A Durand Lasserve J C Giacottino 1980 Bilan et tendances des recherches sur l environnement tropical 1972 1979 in Rercherches g ographiques en France Tokyo 1980 pp 185 190 J Y Marchal P P lissier M Portais 1980 La g ographie l Orstom de 1973 1979 in Recherches g ographiques en France Tokyo 1980 pp 207 210 Y Marguerat 1976 Note sur l volution actuelle de la g ocraphie fran aise Paris Orston 11 p multigr Cette note diffusion interne a servi alimenter un article du Nouvel Observateur sur la crise de la g ographie Y Harguerat L
17. ion Et qui nous reprocherait le caract re pr matur de notre recherche et le point de vue qualitatif d une g ographie dont l homme est le moteur nous rappelle rions que m me dans les pays industrialis s les mod les math matiques apportent moins l explication des pay sages et de l volution des am nagements que la con naissance des faits humains des organisations et des structures mentales P P lissier 1966 p 11 La g ographie tropicale francophone ne s est pas laiss s duire par le courant quantitatif et th orique import des Etats Unis Un pion nier en la mati re H B guin n a pas fait cole Effet de blocage du r f rent tropical fiabilit contestable des sources statistiques ou refus de l id ologie de la modernisation A l oppos du paradigme classique de P Gourou qui met l accent sur les singularit s Les faits g ographiques sont peu nombreux et frappent par leur originalit individuelle plus que par leur soumission des r gles P Gourou 19731338 cette g ographie recherche les carac l ombre de la pens e Gourou 75 t res communs que peuvent pr senter des structures spatiales diff rentes de fa on construire un sch ma th orique reposant sur un certain nombre d hypoth ses explicites Ce mod le est ensuite confront diff rents cas concrets pour tre remani voire r am nag et correctement situ quant son domaine d application et aux li
18. ition ou un objet culturel On ne peut videmment pas confondre ces trois plans constamment m l s dans les analyses g ographiques de l espace v cu Ces g ographes oscillent donc entre une psychologie voire une psychanalyse de l espace et une ethno science telle que les ethnologues la pratiquent depuis longtemps sans qu une d marcation tr s nette soit tablie entre ces deux domaines scientifiques diff rents P Gourou et beaucoup de tropicalistes sont plus proches du second point de vue dans la mesure galement o ils s inspirent des travaux des ethnologues Entre l homme et le milieu physique deux prismes d formants le langage conditionne notre pens e et notre fa on d tablir des relations avec les choses la civilisation laquelle nous appartenons nous impose une conception du monde et de la soci t sans que nous en ayons toujours claire conscience Comment donc d montrer quoi que ce soit qui ne puisse tre mis en doute La distance structurale courte des Bamil k entre Douala et Bafoussam est elle une r sultante du v cu J Gallais 1976 p 7 ou de la bonne route ayant permis l arm e fran aise de pacifier la r gion dans les ann es soixante l Cela dit cette approche bergsonienne de la g ographie m rite t elle d tre rejet e Certainement pas si elle se situe hors d une vision d aliste traditionnel moderne des faits si elle affine ses instruments de collecte et si elle ne pr tend pas se po
19. ituations tropicales A plus forte raison s il s agit de l Afrique Noire Comme le rappelle G Sautter ce qui est certain et qu on fait trop souvent mine d oublier c est que derri re les int r ts pr cis que chaque groupe d fend pour son compte il y a aussi des attitudes sp cifiques soulign par nous tenant aux fili res de formations aux repr sentations h rit es ou acquises 2 De l espace v cu la g ographie culturelle le culturel toutes les sauces La g ographie comme l homme est religieuse J B Racine G opoint 1982 p 200 Les v ritables tropicalistes nous invitent nous d barasser de notre regard d Europ en pour observer le monde tropical avec les yeux des populations pour r interpr ter leurs besoins leur pauvret et les effets des agressions et exploitations externes ou internes Au parti pris des id ologies occidentales de gauche et de droite ils opposent la connivence avec la population ses mythes et ses valeurs Louable souci de s impr gner de la logique des exploit s mais jusqu o peut aller le relativisme culturel Pour s opposer aux id ologies de l universel ne f tichise t on pas les particularismes et les int grismes N y a t il pas l une d rive par rapport la pens e Gourou P Gourou fut un pr curseur dans la g ographie de l espace v cu ce qui compte ce n est pas seulement le milieu cologique c est l id e que les hommes s en font
20. les hommes ou plut t la civilisation laquelle ils appartiennent Gourou mais c est Jean Gallais qui intro duisit la dimension psycho sociologique dans la g ographie tropicale partir du concept d espace v cu A l espace standard des soci t s industrielles homog ne et ration nel J Gallais 1976 pp 5 10 oppose l espace discontinu des soci t s tropicales A la distance objective mesurable se substituent une distance structurale en rapport avec les cloisonnements socio ethniques et les syst mes de relations pr f rentiels une distance affective impliquant une animation et une personnalisation de l espace et une p P lissier in Bulletin de la Soci t languedocienne de g ographie 1982 XVI 1 2 pp 232 234 P P lissier in Note sur l volution actuelle de la g ographie fran aise 1976 pp 7 8 remarque faite au sujet de la sp cificit d une g ographie marxiste P P lissier in Bulletin de la soci t Languedocienne de g ographie 1982 XVI 1 2 p 15 A l ombre de la pens e Gourou 71 distance cologique fonction d une vision s lective de l environnement naturel Le g ographe travaille partir d enqu tes semi directives ou non directives sur chantillons ou sur individus choisis comme repr senta tifs Il tudie galement des biographies d individus la litt rature orale ou crite Il porte son attention sur ce qu il appelle l homme des
21. ltat d un processus historique au cours duquel le mode de production capitaliste p n tre sous diverses formes et avec une intensit in gale des espaces marqu s par l empreinte des modes l de production pr capitalistes mode de production asiatique f odal Cette analyse est men e diff rentes chelles mais l chelle locale ou micro r gionale et nationale est privil gi e La premi re est favorable aux enqu tes de terrain et offre le cadre d une analyse concr te des rapports de production en relation avec tous les l ments du milieu socio conomique et cologique La seconde est le cadre spatial de la formation sociale et son articulation avec le syst me capitaliste au niveau mondial L chelle r gionale dans beaucoup de pays du Tiers Monde ne correspond souvent qu un h ritage historique ancien territoire correspondant une structure socio politique disparue aire culturelle une unit naturelle homog n it relative du ou des milieux cologiques et ou une r gion d encadrement politico administrative d finie en vue de la planification du d veloppement par l Etat Le centre constitu par la capitale macroc phale et son aire d influence directe exerce une domination telle qu il n y a pas de place pour de v ritables structures r gionales s appuyant sur un r seau urbain 1 4 M 47 ck A l ombre de la pens e Gourou 77 Qu elles se r clament du marxisme ou non ces approches ne
22. mites de cette application Cette d marche vise l tablissement de r gularit s t m me si possible de lois Pour aboutir un degr suffisant de rigueur formelle il est n cessaire de simplifier d adopter une attitude r ductrice par rapport la complexit des ph nom nes tudi s Le recours aux concepts et indices conomiques s av re efficace H B guin a fond son tude de l organisa tion de l espace au Maroc sur une ventilation g ographique des diverses composantes du produit int rieur marocain Pour rendre comparable les informations il a exprim le plus grand nombre possible de donn es en termes conomiques Les m thodes statistiques de l analyse des donn es sont largement utilis es pour synth tiser et mettre en relation le tr s grand nombre de variables Les calculs de densit s population produits valeurs ajout es de potentiels d indices de concentration de centres de gravit sont la base de ce travail Appuy e sur une tude critique des sources et de leurs limites cette approche g o conomique aurait pu tre men e dans d autres pays du Tiers Monde comme au Maroc Outre que les sources statistiques de beaucoup de pays sont d ficientes au niveau national pas de recensement d mographique cr dible au Nig ria depuis 1953 par exemple les champs de recherche le monde rural surtout se pr taient mal ce style de travail Par contre il est int ressant d observer ce qui s e
23. nde t elle les rapports sociaux de production S agit il du r el ou d un a priori philosophique Au total ce qui intrigue le plus c est la long vit de l cole tropicaliste de g ographie humaine depuis que P Gourou en 1947 en avait pos les bases Il y a sans doute deux r ponses cela si l on s en tient au seul plan scientifique une certaine tol rance l endroit des d viations non dogmati ques de type culturaliste ou cologique allant dans le sens d un relati visme culturel plus vident l int gration oecum nique d l ments pars d autres discours dans des combinatoires ambigu s Autrement dit la g ographie tropicale bouge comme l indiquent bien les discours qui se font jour dans la production des g ographes ultramarins Le changement se fait donc par les marges sans bruit si possible et sans discontinuit majeure Alors que la g ographie du d veloppement des pays anglophones a d j t touch e par deux coupures pist mologiques importantes l ap proche quantitative puis l approche radicale suivant en cela l volu tion de la discipline dans son ensemble la g ographie tropicale fran aise a t seulement effleur e par ces deux courants Elle reste dans la g ographie fran aise le noyau dur de la g ographie classique vidalienne le plus fort bastion de la tradition Cette tradition sait passer des compromis conceptuels avec quelques disciplines voisines cologie et ethnologi
24. ons et usages tablis Cela ne correspond il pas l id ologie dominante actuelle Plut t que de pr senter un bilan des tudes de g ographie tropicale selon les d coupages classiques de la discipline bilan qui a t tent ailleurs nous avons pr f r isoler les principaux discours pour identifier les tentations qui parcourent la g ographie des espaces domin s situ s en r gion chaude Nous nous proposons de rep rer les cheminements nouveaux ou pr tendus tels les lin aments de ce qui para t susceptible d orienter la g ographie qui se fait sous les Tropiques Cela a donc suppos une simplification peu orthodoxe du r el dissociation entre g ographie culturelle et cologiste par exemple mais permet de saisir l ampleur des libert s prises avec la pens e du p re fondateur 1 Une tropicalit tous terrains les inventaires les rites initiatiques et les parcours professionnels On ne peut chapper au fait brutal que nous sommes l bas au service d appareils d Etat qui contr lent totalement l acc s l information et sont seuls m me d utiliser leur profit nos travaux qui sont ma tres de notre pr sence demand e ou tol r e Y Marguerat 1976 p 11 La logistique l insertion institutionnelle et les finalit s utilitaires ou acad miques commandent le type de travail qui se fait hors de l hexa gone en r gion chaude Ces l ments d terminent des parcours profession nels diff
25. ser en explication primordiale du r el L apartheid par exemple mise en r serve des populations subissant une s gr gation m rite d tre analys en terme d ali nation mais aussi en fonction du cadre normatif et spatial d application Sa fonction instrumentale au plan conomique ne saurait cependant tre vacu e qu il s agisse des cas sud africain ou n o cal donien Toutefois cela donne du corps un discours g ographique par trop d sincarn sans livrer les cl s fondamentales de l explication g ographique Montrer n est pas d montrer 72 Michel Bruneau et Georges Courade On peut voir plusieurs dangers dans cette g ographie du Moi social ou individuel la projection de ses propres fantasmes dans la trans cription d un Autre souvent id alis le risque de d raper dans le psy chologisme et le vitalisme en opposant en absolu le v cu face au mat rialisme vulgaire R Brunet Juger de la valeur d une civilisa tion l aune du seul qualitatif nous para t aussi absurde que de la mesurer en termes conomicistes Bien entendu P Gourou s est bien gard de ces dangers et appelle pr jug ce que d autres situent dans le domaine des valeurs culturelles singuli res pr server L affectivit la subjectivit la religiosit sont mises au premier plan de l analyse g ographique dans l approche culturelle qui prolonge 1 espace v cu au del de la sph re du quotidien pour atteindre l i
26. social mais se veut plus profonde donc plus essentielle et plus riche d explications une conception du monde g osymbolique qui par analogie avec l inconscient en psychologie se voudrait d terminante en derni re instance Cette s miographie quadrille l espace de territoires qui sont sociaux et plus en profondeur culturels J Bonnemaison opte assez clairement pour une vision de la g ographie dans laquelle le culturel travers le territoire joue le r le d terminant L espace des g ographes se d plie ainsi selon des niveaux de perception successifs un peu comme les psychologues distinguent au sein de l esprit humain des niveaux diff rents qui vont du conscient l inconscient Il existe un espace objectif celui des structures g ographiques plus loin un espace subjectif ou v cu et au del un espace culturel lieu d une criture symbolique A l espace g ographique habituel qui est lisse uniforme tr s conceptualis il oppose le territoire qui est le concept cl de cette g ographie culturelle A l inverse le territoire fait appel tout ce qui dans l homme se d robe au discours scientifique et fr le l irrationnel il est v cu affectivit subjectivit et bien souvent le noeud d une religiosit terrienne pa enne ou d iste Alors que l espace tend l uniformit et au nivellement le territoire rappelle les id es de diff rence d ethnies et d identit culturelle De m me que la nouvelle histoire de
27. st pass dans les tudes de r seaux urbains qui se pr tent ce style d approche m me en Afrique Noire comme l ont montr des travaux am ricains au Kenya Tanzanie ou Ghana Ainsi certains tropicalistes ont tent d laborer avec une grande prudence des mod les qualitatifs g n raux partir d une g n rali sation de cas analys s Par exemple Y Marguerat a oppos la structure pyramidale du r seau urbain colonial africain suivant le sch ma administratif la macroc phalie actuelle Une capitale omnipotente proportionnellement d mesur e et sans cesse croissante qui crase une poussi re de villes petites et moyennes nagu re hi rarchis es et mainte nant toutes r duites au m me niveau local Soci t languedocienne 1982 pp 19 28 Bien que le mod le soit largement nuanc par des tudes de cas cette tude p che semble t il par id ologie occidentale Tout ceci conduit redire que la recherche g ographique ne peut progresser qu en multipliant les analyses r gionales les cas sp cifiques qu en tudiant les diff rences plus qu en se pr occupant de mod les g n raux Soci t languedocienne 1982 pp 27 28 La g ographie n o positiviste comporte un certain nombre de risques dans ses m thodes et admet implicitement une modernisation de l conomie par le haut suivant en cela la doctrine du take off de Ros tow Elle tente une formalisation par le recours aux statistiques
28. t dans le paradigme de Pierre Gourou Loin de l Ils ont par touches discr tes et successives int gr dans ce paradigme nombre d apports d autres disciplines qu ils ont utilis s dans des combinatoires explicatives pour rendre compte des faits g ographiques Ceci explique la difficult que l on prouve baliser clairement les tendances profondes les pratiques et les id ologies sous jacentes cette g ographie de l ailleurs et du lointain qui se compla t dans un certain exotisme Une centralisation institutionnelle en m me temps qu une dispersion des individus et une dominante africaniste expliquent galement la pr servation du r f rent tropical jusqu nos jours Il n en reste pas moins que tous les apports externes n ont pas t accept s lt M Bruneau G Courade 1984 Existe t il une g ographie humaine tropicale A la recherche du paradigme de P Gourou A para tre dans L Espace g ographique 0 R S T 0 M Fonds Documentaire N 21139 ex EspacesTemps 26 27 28 1984 L E p Cpie 3 B 68 Michel Bruneau et _tueorges Louraue qu il s agisse de la non tropicalit urbaine ou d analyses d pendantistes Une bonne g ographie existe c t de g ographies d viantes et marginalis es Certaines d rives relativisme culturel retour en force de la notion de genre de vie g ographie de la modernisation sont bien tol r es alors que d autres voies n apparaissent pas comme conformes aux opini
29. tion l cod veloppement Toulouse Privat 365 p Collectif 1981 Terrains vagues et terres promises les concepts de l cod veloppement et la pratique des g ographes I U E D Gen ve PUF Paris 299 p voir A Cunha et al pp 15 123 J fricart pp 255 279 M Bruneau pp 283 299 P Gourou 1970 Recueil d articles Bruxelles Soci t royale belge de g ographie pp 69 88 S Moscovici 1968 Essai sur l histoire humaine de la nature Paris Flammarion 569 p 4 L approche th oriciste et quantitative H B guin 1964 Mod les g ographiques pour l espace rural africain Acad mie royale des sciences d outre mer Bruxelles 1964 74 p H B guin 1974 L organisation de l espace au Maroc Bruxelles Acad mie royale des sciences d outre mer 5 De l approche d pendantiste Y Lacoste 1982 5 me dition G ographie du sous d veloppement Paris PUF 288 p J P Deller 1981 Gen se de l espace quatorien essai sur le territoire et la formation de l Etat national Paris A D P F 277 p C Taillard 1977 Le village lao de la r gion de Vientiane un pouvoir local face au pouvoir tatique in L Homme XVII 2 3 pp 71 100 B Hours 1978 Le village lao entre ciel et terre L Homme XVIII 1 2 pp 185 186 C Taillard 1978 A propos d une le on de marxisme R ponse Bernard Hours in L Homme XVIII 3 4 pp 189 195 4 Er r
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