Un dispositif construit par ses utilisateurs ? Le rôle structurant des
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1. L expression est judicieuse car ces bouts de programmes informatiques agents logiciels le plus souvent rudimentaires se sont mis litt ralement prolif rer sur IRC o des adolescents se les changent comme jadis on changeait des billes puis les transforment les perfectionnent volont et les rel chent ensuite sur le r seau pour observer leurs interactions avec les usagers et souvent les autres bots L un des avantages vidents d un automate c est entre autres la vitesse de r action et d ex cution qui facilite des pratiques malveillantes On a vu ainsi pulluler des automates agressifs ou nuisibles appel s g n riquement warbots capables de travailler de concert pour s emparer d un canal donn au profit de leur ma tre Loin de stabiliser l environnement IRC l entr e en lice des robots a commenc au contraire par en accro tre le chaos alors que la population du r seau EFnet en croissance exponentielle changeait de nature il ne s agissait plus de quelques bricoleurs passionn s les happy few de la premi re heure mais d usagers en qu te d un service fiable et agr able Dans le m me temps certains programmeurs se sont mis d velopper des bots pacifiques et beaucoup plus labor s dont la fonction tait de prot ger un canal contre les agressions tout en r solvant les probl mes de stabilit voqu s plus haut Le plus c l bre de ces logiciels baptis Eggdrop a donn2. l explosion du nombre de ses usagers Cette croissance exponentielle a induit des effets d chelle importants mais n est pas la seule avoir affect profond ment les formes de sociabilit observ es au sein de cet espace de communication qui ne cesse de se complexifier Ainsi l irruption aux c t s des usagers humains d un grand nombre d agents logiciels se comportant soit de mani re autonome les bots soit comme des proth ses assistant les usagers a aussi profond ment boulevers la temporalit des interactions En associant l tude ethnographique des pratiques d IRC l analyse des principales tapes de son d veloppement technique nous avons pu mettre en Cet article s appuie sur une recherche doctorale en cours faisant l ethnographie du r seau Undernet et qui prend pour point de d part une recherche exploratoire men e pendant deux ans dans le cadre de notre ma trise Latzko Toth 1998 vidence le r le actif de l usage dans la modification voire la r invention de l artefact technique bien apr s la phase de mise au point initiale par les premiers usagers que sont les concepteurs 1 DE L USAGE AU DISPOSITIF LARGIR L ANGLE D ANALYSE Avant de nous pencher sur son volution il nous faut circonscrire le dispositif que nous tudions cet gard il importe de ne pas confondre l IRC avec le chat en g n ral et de distinguer l IRC des autres dispositifs de chat Quatre ca
3. il nous semble plus ad quat de situer les acteurs sur un continuum de comp tence technique 558 2 LA DONNE INITIALE DES R SEAUX DES CANAUX ET DES PSEUDOS Nous avons consacr d autres articles la description approfondie du fonctionnement de l IRC Latzko Toth 2000 2001 c est pourquoi nous ne nous attarderons pas ici sur l architecture client serveur en r seau distribu de l IRC ni sur les caract ristiques de base des interfaces des logiciels permettant d acc der l IRC et de dialoguer avec les autres usagers Toutefois il nous para t important d expliciter les l ments constituant ce que nous appelons la donne technique initiale du dispositif et ce afin de permettre au lecteur de saisir la mani re dont s articule l volution technique du dispositif avec les pratiques dont il est l objet Synecdotiquement le terme IRC ne renvoie plus tant aujourd hui au protocole informatique qu un ensemble relativement stable de serveurs interconnect s au moyen dudit protocole Une telle f d ration de serveurs est appel e r seau IRC L IRC implique donc au moins trois couches de r seaux superpos es le r seau Internet qui en constitue en quelque sorte l infrastructure les r seaux virtuels de serveurs IRC et enfin les r seaux sociaux d usagers constitu s via le syst me technique Wellman 1997 Pour que de tels r seaux sociaux en ligne puissent se former il est
4. facteur de distinction sociale pour les initi s Et c est pourquoi en marge d une tendance forte la simplification et la r duction des usages dans les applications commerciales nous pensons que les dispositifs ouverts et l activit technique cr atrice continueront prosp rer sur Internet BIBLIOGRAPHIE BEAUDOUIN Val rie et Julia VELKOVSKA 1999 Constitution d un espace de relation sur Internet forums pages personnelles courrier lectronique R seaux n 97 p 121 177 BRIOLE Alain 1992 La r union t l phone grand public alliance du social et de la technique dans P rin Pascal et Gensollen Michel La communication 2 Voir le portail des canaux IRC gays qu b cois lt http www gangirc org gt plurielle L interaction dans les t l conf rences Paris La Documentation fran aise p 249 267 DANET Brenda Lucia RUEDENBERG et Yehudit ROSENBAUM TAMARI 1997 Hmmm Where s That Smoke Coming From Writing Play and Performance on Internet Relay Chat Journal of Computer Mediated Communication Vol 2 No 4 en ligne lt http www ascusc org jemc vol2 issue4 danet html gt FLICHY Patrice 1997 La question de la technique dans les recherches sur la communication dans Usages sociaux des TIC coll R seaux p 243 270 GIRARD Ren 1981 La violence et le sacr Paris Grasset HERRING Susan 1999 Interactional coherence in CM
5. son nom cette classe de cerb res artificiels dont il fait figure encore de r f rence aujourd hui Il a pour mission premi re de demeurer en permanence en tant qu op rateur sur un canal afin de le maintenir actif et d attribuer sur demande apr s identification par mot de passe les privil ges d op rateur aux usagers inscrits dans sa base de donn es Ce gardien automatique on l aura compris constitue un outil extr mement puissant pour assurer l h g monie d un clan sur le canal et au sein du clan d une personne en particulier celui qui contr le le bot Par ailleurs l existence de multiples niveaux d acc s au robot a permis de restaurer une structure analogique pyramidale de pouvoir l o le protocole pr voyait une structure binaire op ou non op L introduction du robot dans le dispositif 13 Le lecteur int ress pourra consulter cet article tr s complet sur le bestiaire des robots qui hantent les divers domaines de l Internet Andrew Leonard Bots Are Hot Wired n 4 04 avril 1996 p 114 117 166 172 Entre 1991 et 1997 le nombre moyen de personnes connect es sur EFnet a t multipli par cent 561 sociotechnique IRC a donc reconfigur de mani re irr versible la structure des rapports sociaux en son sein puisqu il a permis de stabiliser le contr le d une clique sur un canal En ce sens l on peut dire que les exigences du social ont conduit modifier la donne tec
6. collective de ce syst me de com munication non seulement d sincarn e mais aussi pr tend ment d territorialis e a conduit la formation de communaut s locales d usagers ancr es dans leur territoire g ographique d appartenance et dont le mode d tre ensemble oscille entre la communication m diatis e IRC site Web officiel du canal babillards lectroniques asynchrones et le face face notamment au cours de f tes collectives get together o il n est pas rare de trouver un ou plusieurs PC connect s IRC et servant de pont entre les versants lectronique et pr sentiel du groupe Ces communaut s ou r seaux sociaux aux communications multimodales infl chissent donc la nature m me de l IRC le for ant s enchev trer d autres dispositifs de commu nication d autres r seaux de sociabilit Vers l institutionnalisation Par ailleurs une autre tendance se dessine de plus en plus nettement celle de l institutionnalisation des canaux IRC Sur les quatre grands r seaux du moins il est d sormais de plus en plus difficile de cr er un nouveau canal stable attirant beaucoup d usagers L une des causes de cette tendance est l interdiction souvent explicite d annoncer l existence d un canal sur un autre des automates se chargeant d expulser sans pr avis les usagers qui enfreignent cette r gle D autre part les canaux se font conna tre de plus en plus souvent via leur
7. dispositif technique co construit par ses utilisateurs Le pr fixe co renvoie non seulement aux premiers usagers que l on appelle concepteurs mais galement et peut tre m me surtout l action collaborative de la communaut des usagers tous niveaux de ma trise technique confondus dont le dispositif est en quelque sorte la r sultante instantan e au moment de l tude Ce lien troit et r flexif entre l artefact et les pratiques dont il est le m dia font de l IRC un dispositif de communication o technique et social sont inextricablement li s dans un processus dynamique et jamais achev leur fa on m me les usagers aux conduites d viantes refusant les normes d usage et les r gles de promotion sociale au sein de ce microcosme contribuent transformer le dispositif en for ant par exemple les responsables techniques inventer constamment de nouvelles parades Plus g n ralement nous souhaitions d crire ici un exemple de ces nouveaux objets informationnels ouverts dont la plasticit et la subvertibilit favorisent une appropriation qui va bien au del de ce qui a pu tre observ pour d autres objets relevant des techniques de communication Bien entendu une telle appropriation ne concerne pas la majorit des usagers d Internet C est d ailleurs un autre des traits distinctifs de l IRC son apprentissage plus long sa complexit rebutent bien des novices Cela en fait d ailleurs un
8. les nouveaux usagers d internet s int ressent ce dispositif tout autant que leurs a n s 559 aussi dans les statuts des utilisateurs au sein du dispositif Le protocole IRC d finit initialement trois niveaux d acc s ou si l on veut de pouvoir technique celui de simple usager luser ou lame user qui n est ma tre que de son espace communicationnel priv celui d op rateur de canal channel operator souvent abr g en op dont le pouvoir s tend sur un canal donn et enfin le statut d op rateur IRC IRC operator abr g non sans jeu de mots sous la forme ircop Les ircops dont la t che principale est surtout d ordre technique se voient eux m mes confier leurs pr rogatives par les administrateurs de serveurs IRC admins c est dire les responsables techniques charg s de la maintenance des serveurs et souvent des syst mes informatiques qui en sont les h tes Tandis que les ircops se voient octroyer leurs privil ges sur simple requ te au serveur par une proc dure d authentification classique mot de passe les op rateurs d un canal ne peuvent th oriquement compter que sur d autres usagers pour leur conf rer ce statut l exception pr s que tout usager qui ouvre un nouveau canal ou r active un canal abandonn en est op rateur par d faut jusqu ce qu il perde ce statut par exemple en quittant le canal Dans le protocole IRC originel nul ne peut pr tendre la
9. li e un ph nom ne relativement r cent et qui m riterait lui aussi d tre tudi davantage celui d une personnalisation toujours plus pouss e des logiciels clients bien au del de ce que l on observe par exemple avec les navigateurs Web ou les logiciels de courrier lectronique 562 du logiciel serveur IRC ircd sont elles constamment oblig es de combler les br ches de s curit par des mises jour fr quentes C est l une de ces volutions techniques sous la pouss e des pratiques d linquantes qui a conduit la scission du r seau EFnet au cours de l t 1996 Il s agissait en effet de modifier le protocole pour contrer les effets pervers des netsplits Lorsqu un serveur agissant comme relais hub entre plusieurs serveurs tombe en panne il en r sulte une fragmentation du r seau lorsqu il se r unifie il arrive que deux usagers se retrouvent avec le m me pseudo Jusqu en 1996 cette situation nickname collision provoquait la d connexion automatique des deux usagers Certains usagers en tiraient parti pour prendre le contr le d un canal au moyen d automates leurres appel s clones qui une fois le netsplit provoqu prenaient la place des op rateurs l gitimes en attendant que la collision des pseudos se produise Deux parades techniques ont t con ues pour rem dier ce probl me Or pour des raisons la fois techniques et philosophiques chaque option a ralli une partie des
10. propri t d un canal pas plus que d un pseudo nickname Ce choix technico id ologique initial est la source de nombreuses controverses et de divergences dans l volution technique du dispositif Selon la netiquette d IRC la mani re ad quate de se d barrasser d un importun est de l ignorer En l ajoutant sa liste des ignor s ignore list l usager s assure de ne plus recevoir aucun de ses messages qu ils soient publics ou priv s Si l autre persiste et change de pseudonyme pour contourner la parade il est possible de substituer au pseudonyme en question une expression appel e masque qui sert de filtre En revanche si le fauteur de troubles s vit dans l espace public du canal c est le r le de l op rateur que de le bouter hors du canal litt ralement coups de pieds kick voire s il le juge n cessaire de le bannir c est dire inscrire un masque lui correspondant sur la liste des bans ban list du canal conserv e dans la base de donn es des serveurs aussi longtemps que le canal reste en activit Pour sa part un ircop peut d connecter du r seau IRC tout Le terme lame voquant la faiblesse l impuissance on pourrait traduire l expression lame users par simples usagers ou usagers lambda Mais on ne manquera pas de savourer le jeu de mots avec l homonyme looser Notons que ce terme d signe aussi plus g n ralement toute personne connec
11. site Web Enfin on commence voir se d velopper des f d rations de canaux IRC rep rables par l change d hyperliens sur leurs sites Web mais galement par la pr sence simultan e 2 Le nom d un canal r sultant d un essaimage est presque toujours forg en ajoutant un suffixe ou un pr fixe au nom du canal p re On peut donc dans certains cas retracer les fili res g n alogiques des canaux au vu de leur nom Voir notamment le cas du canal gaymtlfr tudi dans notre m moire de ma trise Latzko Toth 1998 21 L utilisation du caract re di se qui sert de pr fixe aux canaux IRC est ainsi proscrite en public sur la plupart des canaux d clenchant souvent l expulsion imm diate soit par un bot soit par le script de l un des op rateurs d une forte proportion d usagers sur plusieurs de ces canaux Cette tendance est confirm e par l apparition de portails ou d anneaux de sites Web regroupant plusieurs canaux IRC Et dans certains cas les collectifs d usagers correspondants se constituent en association v ritable voire en entreprise comme dans le cas du canal gaymtlfr qui Montr al a donn naissance entre autres un fournisseur d acc s Internet Arobas Net un club de loisirs Unity Net Club et une ligue d improvisation th trale CONCLUSION Nous avons tent dans cet article de pr senter quelques arguments pour tayer l id e que l IRC constitue un cas de
12. 3 lors du putsch contre Eltsine Moscou Rose 1994 les dispositifs de chat tel l IRC ont surtout t d peints par les journalistes et le cin ma hollywoodien comme un m dia underground licencieux et subversif repr sentant l aspect le moins honorable d Internet voire le plus inqui tant repaire de hackers et de hors la loi de toutes sortes club de rencontres mena ant la paix des m nages objet d une pratique compulsive chez les jeunes etc Si ces repr sentations n gatives ne sont pas totalement d nu es de fondement elles tendent occulter des ph nom nes beaucoup plus int ressants On s aper oit en effet d s lors que l on se donne la peine d analyser de plus pr s et surtout plus finement les pratiques dont l IRC est l objet que celles ci sont la fois moins sensationnelles et consid rablement plus complexes et subtilement organis es qu il n y para t de prime abord On d couvre alors que l IRC constitue un univers sociotechnique que seule une approche de type ethnographique permet de d crire ad quatement Nous l avons dit les travaux consacr s sp cifiquement l IRC sont rares Citons toutefois Werry 1996 sur les caract ristiques conversationnelles des interactions sur l IRC Danet et al 1997 sur les aspects ludiques de la pratique de l IRC Shaw 1997 sur l apport de l IRC Dans ce cas l IRC sert en fait d infrastructure un dispositif de chat utilisant une interface Web Ainsi il est d
13. Actes du 3 me Colloque International sur les Usages et Services des T l communications 12 14 Juin 2001 Un dispositif construit par ses utilisateurs Le r le structurant des pratiques de communication dans l volution technique de l Internet Relay Chat Guillaume Latzko Toth Universit du Qu bec Montr al et Institut Fran ais de Presse Universit Paris IL Groupe de recherche sur les m dias GRM D partement des communications Universit du Qu bec Montr al C P 8888 Succursale Centre Ville Montr al Qu bec Canada H3C 3P8 latzko toth guillaume uqam ca R SUM Cet article traite d un usage grand public d Internet aussi r pandu que m connu le chat ou clavardage Plus sp cifiquement il est question de l Internet Relay Chat IRC un protocole informatique parmi les plus anciens et les plus largement utilis s cette fin Plut t que d tudier la pratique du chat elle m me nous avons pris le parti d analyser l IRC comme un dispositif sociotechnique ce qui nous am ne nous interroger sur le r le des pratiques de communication sur la structuration m me du dispositif technique qui lui sert de cadre de support et de pr texte Ce faisant nous tentons de montrer en quoi l IRC constitue un cas original d innovation technique en continu dans laquelle le r le des usages est central ABSTRACT This article addresses chat a widely used yet little known Internet application It focuses
14. C Journal of Computer Mediated Commu nication Vol 4 N 4 en ligne lt http www ascusc org jcmc vold issue4 herring html gt HERZ J C 1995 Surfing on the Internet A Nethead s Adventures On line Boston Little Brown amp Co HINNER Kajetan 2000 Statistics of Major IRC Networks Methods and Summary of User Count M C Vol 3 No 4 en ligne lt http www api network com mc 0008 count html gt JONES Steven G 1997 The Internet and its Social Landscape dans S Jones d Virtual Culture Thousand Oaks Calif Sage p 7 35 JOU T Josiane 1989 Une communaut t l matique les Axiens R seaux n 38 p 49 66 LACROIX Jean Guy Ga tan TREMBLAY et Gilles PRONOVOST 1993 La mise en place de l offre et la formation des usages des NTIC Les cas de Vid oway et de T l tel Cahiers de recherche sociologique n 21 LATZKO TOTH Guillaume 2001 L Internet Relay Chat un dispositif sociotechnique riche d ensei gnements Actes du XII congr s de la SFSIC Paris Unesco 10 13 janvier 2001 LATZKO TOTH Guillaume 2000 L Internet Relay Chat un cas exemplaire de dispositif sociotech nique COMMposite V2000 1 en ligne lt http commposite uqam ca 2000 1 articles latzko3 htm gt LATZKO TOTH Guillaume 1998 la rencontre des tribus IRC le cas d une communaut d usagers qu b cois de l Internet Relay Chat m moire de ma trise D partem
15. C chaque nouveau r seau ses caract ristiques propres ses choix techniques r sultant de la mise l preuve du dispositif technique par l usage Nous avons identifi quatre moments cl s ou l ments structurants de l volution technique de l IRC qui traduisent chacun la r solution d une crise r sultant en g n ral d un d calage entre la donne technique et les pratiques des usagers La solution de la crise passe par une innovation qui devient peu peu partie int grante du dispositif notamment l occasion de la fondation d un nouveau r seau Comme nous allons le voir l innovation sur IRC est fr quemment le fait des usagers eux m mes et consiste soit en un usage cr atif soit en ce qu il est convenu d appeler un d tournement d usage La naissance du bot Le pivot de la stabilit d un collectif d usagers d IRC est la continuit du canal qui constitue la fois son lieu d expression et son territoire symbolique et dont l existence rappelons le ne tient qu un nom dans la base de donn es des serveurs Il y a donc antinomie entre le caract re amn sique et extr mement fluctuant du r seau IRC et les aspirations des usagers de l IRC cr er des structures permanentes et contr lables Un clan d op rateurs r guliers a beau se constituer sit t qu il n est plus occup un canal IRC dispara t dans les limbes et tout est refaire Une situation analogue se produit lorsque le d
16. Pour une description approfondie de cette controverse sociotechnique voir la page suivante lt http www stealth net kalt irc TS Delay html gt 1 Dans le courant du mois de janvier 2001 une s rie d attaques d une rare virulence a contraint Undernet a d sactiver les robots X et W pendant plusieurs semaines provoquant le d sarroi des responsables de canaux dont certains ont opt pour la migration des canaux vers d autres r seaux cf lt http www undernet org gt avons identifi cinq cat gories utilis es pour d finir la vocation des canaux et tracer des lignes de clivage entre ceux ci la localisation g ographique la langue d usage l ge des participants la th matique de discussion et l identit socio culturelle Or nous avons constat que plus la population d un canal augmentait plus les chances devenaient lev es qu il se morcelle en sous ensembles plus homog nes quant ces cinq crit res On assiste alors un ph nom ne d essaimage une partie de la population du canal quittant celui ci pour en fonder un autre l chelle d un r seau on observe donc une sp cialisation croissante des canaux avec le temps Or de tous les facteurs de scission nous avons constat que la localisation g ographique des usagers tait le plus d terminant les canaux IRC se fragmentant jusqu co ncider avec une r gion ou une ville On en arrive ainsi cette constatation paradoxale que la pratique
17. a cr ation d Undernet s inscrit dans la poursuite d un projet sociotechnique dans lequel les comp tences sociales des acteurs importent au moins autant que leurs comp tences techniques La d viance Nous avons vu que l utilisation d automates destin s ravir le contr le d un canal ses propri taires a contribu l instauration du robot gardien Mais cela n a pas emp ch ces pratiques d viantes de s intensifier notamment mesure que les logiciels clients se complexifiaient en se dotant de langages de programmation de macrocommandes On a vu alors appara tre des panoplies de macrocommandes appel es scripts auxquelles l usager quel que soit d ailleurs son statut dans le dispositif d l gue certaines t ches r p titives ou exigeant une grande dext rit d ex cution On entrevoit ais ment combien de telles proth ses communicationnelles peuvent modifier profond ment la temporalit de l usage du dispositif Qu elle s exerce manuellement ou avec l assistance de scripts ou de bots la d linquance irc enne s exprime le plus souvent au d triment des usagers du canal d c t parfois m me de son propre canal en cas de 15 I sera int ressant d observer dans quelle mesure la d mocratisation des connexions permanentes par le c ble ou de type ADSL favorise de nouvelles pratiques et notamment la mise en oeuvre d automates dispute interne quant son leadership L un
18. cre il tait capital qu IRC permette l action Concr tement le protocole IRC fait ainsi la distinction entre les messages neutres du point de vue technique et les commandes qui sont interpr t es par les serveurs et d clenchent des modifications dans l agencement du r seau Paradoxalement il semble que parmi ces actes de langage au sens propre les plus forts concernent la ma trise du silence C est le silence qui en excluant des locuteurs du champ de la communication permet de structurer cette derni re et par l m me d amorcer une structuration du social on peut dire que le champ communicationnel devient territoire C est la r duction au silence temporaire conditionnelle ou d finitive qui dans l espace de la conversation tient lieu de violence une violence que l on sait structurante Girard 1981 qu elle soit furieuse et fondatrice ou plus calcul e et normative l inverse c est contre ce silence qu il faut lutter pour qu une construction sociale qui ne repose que sur le verbe puisse demeurer en vie pour en somme en garantir la stabilit 3 LA STRUCTURATION DE L IRC OU L PREUVE DE L USAGE L histoire du d veloppement de l IRC peut tre d crite comme la r ussite surprenante d une exp rience socio informatique manant de quel ques passionn s et qui s est vue rapidement investie par une communaut d informaticiens qui l ont d velopp e transform e am lior e et qui ont
19. e des formes de nuisance appel e bashing passage tabac consiste se rendre plusieurs sur un canal choisi pour cible et en perturber l activit de diverses mani res la plus simple tant de d verser un flot d injures flood sur le canal jusqu ce que les op rateurs r agissent C est la version IRC des flame wars bien connus des groupes de discussion Usenet Une autre variante consiste bombarder individuellement les usagers de requ tes CTCP client to client protocol telles que des demandes d information sur le d calage temporel ping le type de client utilis etc Le flux de donn es g n r en r ponse provoque la d connexion automatique des deux usagers la victime et l agresseur ce dernier tant g n ralement dans ce cas un robot clone D autres formes d agression telles que le nuking exploitent des failles du logiciel client ou du syst me d exploitation pour provoquer la d connexion de la victime voire le crash de son ordinateur qui doit alors tre r initialis Ces attaques sont parfois utilis es pour vider un canal de ses usagers Dans certains cas l agression est directement dirig e contre un serveur et l objectif est alors de d truire un noeud du r seau ce qui entra ne sa partition temporaire un ph nom ne appel netsplit dans le jargon IRC Enfin l on voit se d velopper depuis 1998 des virus IRC des vers ou chevaux de Troie
20. e plus en plus fr quent qu un internaute utilise l IRC sans le savoir ce qui ne facilite pas l valuation du nombre total d usagers de ce protocole aux minorit s sexuelles Liu 1999 sur l mergence de communaut s virtuelles au sein de l IRC et Pastinelli 1999 regard ethnologique sur l articulation de l IRC au territoire g ographique Signalons galement le texte de Hinner 2000 l une des rares tudes quantitatives sur la fr quentation des r seaux IRC Dans la majorit de ces travaux l IRC ne constitue pas l objet d tude mais un cadre d interaction sp cifique dont les caract ristiques sont donn es ce sont les modalit s et les formes de l interaction qui sont l objet de l analyse les dimensions linguis tiques ludiques et dramaturgiques tant le plus souvent privil gi es Cette remarque s applique d ailleurs plus largement la mani re dont sont g n ralement tudi s les dispositifs de communication m diatis e par ordinateur cf Herring 1999 Beaudouin et Velkovska 1999 Verville et Lafrance 1999 on tend consid rer la variable technique comme ind pendante notamment des pratiques communicationnelles tudi es En analysant l IRC non comme un espace d interaction parmi d autres mais plut t comme un dispositif articulant diverses cat gories d acteurs humains et de mat rialit s techniques un dispositif sociotechnique en volution permanente au sein duquel l volution tech
21. eau via Internet cr ation et diffusion de nouvelles normes techniques et sociales financ par le programme de Coop ration Qu bec France en recherche Le mot chat bavardage en anglais mais sans connotation p jorative s est impos au cours des derni res ann es comme le terme g n rique pour d signer tout syst me de communication m diatis e par ordinateur CMO synchrone Au sens strict cependant le terme chat est r serv aux dispositifs principalement bas s sur le texte par opposition aux dispositifs d audio ou de visioconf rence La manipulation du clavier intervient donc de fa on cruciale et c est sans doute ce qui explique le succ s croissant du n ologisme clavardage Il est cependant encore loin de faire l unanimit et c est pourquoi d faut de traduction stable en fran ais nous pr f rons risquer l expression franglaise dispositif de chat Signalons aussi que l IRC outre qu il permet aux internautes de bavarder sert galement de plateforme de coordination des interactions synchrones sur Internet l image et le son sont donc fr quemment mobilis s dans le cours de l interaction par l utilisation concomitante d autres protocoles ou applications 557 dans l oubli ou encore des MUD domaines multi utilisateurs et des environnements graphiques de type Palace l IRC peut fonctionner de mani re distribu e entre un nombre potentiellement illimit de machines ce qui
22. ent des communications Universit du Qu bec Montr al En ligne lt http commposite uqam ca theses tribirc gt LIU Geoffrey Z 1999 Virtual Community Presence in Internet Relay Chatting Journal of Computer Mediated Communication Vol 5 No 1 en ligne lt http www ascusc org jemc volS issue1 liu html gt 564 MIRASHI Mandar 1993 The History of the Undernet d lec lt http www doco com undernet org documents uhistory html gt OIKARINEN Jarkko 1993 IRC History courrier lectronique adress H Rose 10 d cembre reproduit sur le Web lt http www the project org history html gt PASTINELLI Madeleine 1999 Ethnographie d une d localisation virtuelle le rapport l espace des internautes dans les canaux de chat Terminal n 79 p 41 60 En ligne lt http www terminal sgdeg org articles 79 reseauPastinelli html gt P RIN Pascal et Michel GENSOLLEN ds 1992 La communication plurielle L interaction dans les t l conf rences Paris La Documentation fran aise RED Elizabeth 1991 Electropolis Communication and Community on Internet Relay Chat m moire d pos l University of Melbourne Dept d histoire Australie En ligne lt http http www crosswinds net aluluei electropolis htm gt RHEINGOLD Howard 1993 The Virtual Community Homesteading on the Electronic Frontier New York Addison Wesley ROSE Hele
23. ernier op rateur a quitt le canal Le canal reste actif mais incontr lable il faut alors obtenir des occupants qu ils vacuent les lieux de fa on r initialiser le canal avec un nouvel op rateur Cette double n cessit de maintenir le canal ouvert et de faire en sorte qu il y ait toujours un ami op rateur sur le canal pour donner les ops ses pairs a conduit les usagers de certains canaux s organiser selon le principe de la rotation par quarts de garde Les ops se r partissent la t che de surveillance du canal par tranches horaires se passant le relais de fa on ce que le clan en conserve toujours le contr le On peut consid rer que ces contraites intrins ques au protocole IRC ont cr une tension dans le dispositif sociotechnique qui s est r solue par l adjonction d un nouvel l ment technique ne faisant pas partie de la donne initiale Comme un serveur IRC ne peut faire la diff rence entre une s quence de commandes et de messages provenant d un usager r el humain et la m me s quence g n r e par un processus automatique il n est pas surprenant que certains usagers se soient mis concevoir des programmes autonomes des clients automatiques en fait capables de simuler le comportement d un usager ces automates sont appel s robots ou simplement bots Comme le fait remarquer Joshua Quittner 1995 Les bots sont les bact ries de la vie en ligne
24. hnique Toutefois la mise en oeuvre d un bot exige des comp tences assez solides en informatique ma trise du langage C et du syst me Unix et un acc s permanent l Internet qui n tait pas jusqu tr s r cemment la port e d un particulier ordinaire D autre part pour des raisons diverses la politique des administrateurs d EFnet s est traditionnellement montr e hostile l installation de robots sur son r seau Rose 1994 Quittner 1995 Il fallait donc s attirer les bonnes gr ces de l irc admin du serveur sur lequel on comptait installer le bot Les personnes en mesure de satisfaire de tels crit res taient quasi n cessairement des ing nieurs ou futurs ing nieurs en informatique ce qui a consolid la domination pr coce de la soci t IRC par une v ritable caste informaticienne C est donc notamment sur le principe d une d mocratisation du bot qu est n le r seau Undernet Mirashi 1993 L instauration d un channel service bas sur la mise disposition d automates officiels pour les op rateurs de canaux qui d cident d enregistrer leur canal a attir nombre d usagers depuis le d but de 1996 et provoqu la migration de canaux jusque l install s sur EFnet condition de se familiariser avec le mode d emploi tr s simple du robot n importe quel usager pouvait ainsi devenir chef de canal channel manager sur Undernet En quelque sorte l
25. l montreal sur chacun des quatre r seaux principaux mentionn s ci haut Leurs usagers sont toutefois distincts en tr s grande majorit Ils sont ainsi fid les non seulement un canal mais un canal donn sur un r seau en particulier Des usagers nous ont m me rapport des ph nom nes de rivalit voire de guerres entre les usagers de canaux homonymes et de r seaux distincts Les similitudes homoth tiques que l on observe entre un canal et un r seau tout entier se traduisent 8 Pour des statistiques beaucoup plus fines sur les r seaux IRC voir Hinner 2000 ainsi que le site Web sur lequel il publie des donn es constamment mises jour lt http hinner com ircstat gt Rappelons que la mesure instantan e du nombre d usagers connect s n est qu un indicateur du nombre total d usagers r guliers d un r seau donn ce que Hinner d signe comme son espace social et qu il estime difficile valuer mais qui nous appara t probablement au moins sup rieur d un facteur 10 Il y aurait donc probablement plusieurs millions d usagers r guliers de l IRC Il importe simplement de retenir que la pratique de l IRC n est ni marginale ni en d clin par rapport d autres pratiques d Internet plus document es comme celles du Web La croissance soutenue du nombre d usagers m me si elle r sulte largement d un effet m canique d coulant de la croissance g n rale du nombre d internautes indique que
26. limine th oriquement le probl me d une restriction du nombre d usagers connect s simultan ment le syst me est dit scalable il peut s agrandir en fonction des besoins Enfin l IRC a pour derni re caract ristique essentielle d tre bas sur un protocole public et ouvert publi par l Internet Architecture Board dans un document de r f rence intitul RFC 1459 la diff rence des protocoles de messageries instantan es propos es notamment par AOL et Microsoft de type ICQ et de plusieurs dispositifs de chat sur le Web webchats Comme le protocole IRC est public de nombreux logiciels clients permettent d y acc der jusqu des modules en Java directement incorpor s dans certains portails du Web ex Wanadoo et Voila Chat en France InfiniT Ch t de Vid otron au Qu bec Cependant ces d finitions et caract risations purement techniques de l IRC ne rendent pas justice la richesse du ph nom ne social et culturel qui a accompagn son d veloppement depuis une douzaine d ann es une richesse que la sph re acad mique tarde encore reconna tre Si l on excepte effet l tude pionni re de Reid 1991 c est dans les comptes rendus de type journalistique que l on retrouve les premi res description de ce dispositif Rheingold 1993 et Herz 1996 en sont de bons exemples De fait et malgr une certaine gloire acquise comme m dia de crise lors de la Guerre du Golfe en 1991 puis en 199
27. lle que proposait par d faut le logiciel mIRC en 1999 et sans tre exhaustive elle donne un excellent aper u des divers r seaux existants 7 Avec l internationalisation des grands r seaux IRC les fluctuations de fr quentation ne sont pas consid rables mais le pic de fr quentation est atteint au moment o les Nord Am ricains commencent leur soir e 7300 apr s quoi l on observait une chute exponentielle du nombre de connect s Fig 1 Les principaux r seaux IRC B Usagers O Canaux 60000 50000 40000 30000 20000 10000 Microsoft WebNet BrasiRC P Newnet Galaxynet ChatNet AustNet GamesNET Relicnet StarChat De mani re analogue l tude exploratoire que nous avions r alis e en 1997 sur la distribution des usagers du r seau Undernet Latzko Toth 1998 r v lait que sur un peu plus de 10 000 canaux actifs moins de 2 des canaux comptaient 25 participants et plus tandis que pr s de 70 avaient deux participants et moins En revanche ces m mes 2 des canaux attirent grosso modo le tiers des usagers Signalons que si la plupart des serveurs et des logiciels clients permettent de participer simultan ment un grand nombre de canaux la fois dans la pratique on observe plut t une tendance des usagers la fid lit un ou deux canaux principaux rarement plus Pr cisons qu un m me nom de canal peut exister dans plusieurs r seaux IRC distincts Par exemple on trouve un cana
28. n cessaire d am nager la possibilit pour les usagers de s engager dans des conversations avec de parfaits inconnus L usager d IRC identifi par un pseudonyme est donc fortement incit se regrouper avec d autres au sein de canaux ou salons de discussion qui constituent au sein d un r seau IRC donn le locus de base de la sociabilit lectronique qui s y d ploie Les canaux IRC et les r seaux IRC partagent des chelles diff rentes des propri t s tr s similaires Alors qu ils sont nombreux en valeur absolue ils ne sont en fait qu une infime minorit concentrer la majorit des usagers Dans un relev ponctuel effectu en ao t 1999 sur les 131 r seaux que nous avons recens s parmi une liste fr quemment r actualis e de serveurs peine une quinzaine d passait la barre des 1000 usagers connect s simultan ment voir figure 1 Ainsi les quatre principaux r seaux en importance EFnet Undernet DALnet et IRCnet se partageaient environ 150 000 usagers simultan s en p riode de pointe ils taient suivis de pr s par le r seau de Microsoft 15 000 puis par le r seau de webchats WebNet 3 Chaque r seau utilise une variante ou si l on veut son propre dialecte du protocole ce qui le rend incompatible avec les autres et ses administrateurs appliquent des politiques d usage sp cifiques qui font l identit du r seau La liste laquelle nous nous r f rons ici est ce
29. n T 1994 IRC Frequently Asked Questions F A Q du groupe Usenet alt irc version 1 39 a ut 1994 d lec derni re version dispo nible lt ftp cs ftp bu edu irc support alt irc faq gt SCHNEGG Michael 1998 Lost In CyberSpace Spatial proximity and community formation on the Internet r sum de communication la Sth European International Social Networks Conference et 18th Annual Sunbelt Sitges Espagne SHAW David F 1997 Gay Men and Computer Communication Discourse of Sex and Identity in Cyberspace dans Jones Steven G dir publ Virtual Culture Thousand Oaks Calif Sage pp 133 145 VERVILLE Danielle et Jean Paul LAFRANCE 1999 L art de bavarder sur Internet R seaux n 97 p 179 200 WELLMAN Barry 1997 An Electronic Group Is Virtually a Social Network dans Kiesler S Culture of the Internet Mahwah N J LEA Pub p 179 205 WERRY Christopher 1996 Linguistic and interactional features of Internet Relay Chat in Herring S d Computer Mediated Communication Linguistic Social and Cross Cultural Perspectives Amsterdam John Benjamins p 47 63
30. nique et la dynamique d appropriation sociale sont intimement li es nous esp rons montrer en quoi cet exemple contribue clairer sous un jour nouveau les grands param tres de la relation entre le social et la technique En particulier nous souhaitons apporter quelques l ments pouvant contribuer relativiser deux id es r pandues sur les techniques d information et de communication La premi re consiste consid rer que lorsqu un nouvel objet technique est propos ses utilisateurs finaux les possibilit s d usage sont tellement balis es que l tendue du r pertoire d usages sociaux envisageables en est consid rablement limit e Cette id e ne doit pas tre confondue avec le d terminisme technique qui consiste consid rer que les usages sociaux d un artefact d coulent n cessairement de ses caract ristiques intrins ques Elle sugg re plut t que la marge de manoeuvre des utilisateurs dans leur appropriation de la technique est souvent surestim e et que dans le partage entre utilisateurs et concepteurs du pouvoir de fa onner l objet la part du lion revient aux concepteurs Lacroix et al 1993 Flichy 1997 L IRC nous semble constituer un exemple probant dans lequel le rapport de forces entre utilisateurs et concepteurs n est pas aussi d s quilibr De surcro t il permet galement de relativiser cette dichotomie entre concepteurs et utilisateurs une autre id e trop g n ralement admise l heure o
31. op rateurs IRC la cr ation du r seau IRCnet fut l issue de cette controverse v nement connu aujourd hui sous le nom de Great Split Tirant les le ons de cette propension des usagers de l IRC la subversion du dispositif les versions commerciales du protocole Microsoft Chat Webmaster Com etc ont restreint de fa on draconienne les possibilit s d usages cr atifs en bloquant notamment l acc s certaines commandes permettant d exploiter pleinement le flux d informations en provenance du serveur et qui sont indispensables au fonctionnement de certains scripts Derni rement la suite d attaques massives des serveurs h bergeant ses automates officiels et face la tendance croissante des entreprises fermer leurs serveurs IRC en raison pr cis ment de la mont e en puissance des attaques dont ces serveurs sont la cible l administration d Undernet a annon la mise jour prochaine de son logiciel serveur pour int grer les services d enregistrement de canaux et de pseudonymes m me le protocole technique reprenant ainsi une innovation du r seau DALnet Le tropisme g ographique En tentant de comprendre les logiques qui r gissaient la d nomination des canaux IRC consacr s principalement la conversation conviviale par opposition aux canaux vou s d autres formes de sociabilit telles que le troc de fichiers le cybersexe les jeux l assistance des autres usagers etc nous 18
32. ract ristiques diff rencient l IRC de la majorit des autres applications Internet destin es la communication inter personnelle synchrone Tout d abord l IRC est un outil de communication multipolaire ou multi points c est dire qu il est con u pour une communication de groupe voir P rin et Gensollen 1992 m me s il est toujours possible de dialoguer en priv Ensuite l heure o Internet devient de plus en plus multim dia l IRC continue d tre fond sur la communication crite la suite de Herring 1999 nous postulons que loin de constituer une limitation cette persistance de la textualit m tin e de l oralit vidente du langage employ est probablement l un des principaux attraits de cette forme de communication qui abolit au moins transitoirement les marqueurs sociaux inscrits dans l apparence physique des interactants De plus cette pauvret sensorielle du cadre d interaction est en quelque sorte compens e par la multiplicit des possibilit s d interactions simultan es que limi teraient autrement non seulement la bande passante du r seau facteur technique mais aussi la capacit de traitement de l information des usagers facteur cognitif Le troisi me trait distinctif tient ce qu la diff rence de son cousin Pow Wow aujourd hui tomb Cette recherche s inscrit galement dans le cadre du projet de recherche COREVI Mondialisation et coop ration en r s
33. se propageant la mani re des virus Melissa et I Love You qui affectaient eux le courrier lectronique On ne compte plus aujourd hui les sites Web partir desquels il est possible de t l charger des scripts IRC permettant de pratiquer la cyberguerre sur IRC IRC War De nombreux adolescents appel s script kiddies par les vrais hackers s y adonnent effectivement par jeu La possibilit de causer des dommages r els interruptions de service sur les serveurs et les clients sans pour autant atteindre l int grit physique des personnes et de leurs biens semble faire de l IRC le plus attrayant des jeux en ligne pour les jeunes usagers dont certains n h sitent pas se vanter de leurs exploits en reproduisant les verbatims log files de leurs plus belles attaques sur leur page Web personnelle La multiplication de ces usages d viants fait que de plus en plus les usagers pacifiques sont oblig s de s armer eux m mes de scripts de protection De m me les concepteurs autrement dit les personnes qui prennent en charge le d veloppement 16 T existe m me plusieurs anneaux ou cha nes de sites Web consacr s exclusivement aux scripts IRC Par exemple The mIRC Scripts WebRing lt http www webring org cgi bin webring ring mircscriptshhome gt et The mIRC Scripts Ring lt http www geocities com SunsetStrip Palms 6536 index html gt 17 Cette tendance est tr s
34. specifically on Internet Relay Chat IRC which is among the oldest and most popular of the technical protocols used to accomplish chatting Rather than studying the practice of chatting itself we chose to analyse IRC as a sociotechnical apparatus leading us to examine how communicative practice helps structure the technical apparatus which frames supports and permits chat In so doing we attempt to demonstrate the ways in which IRC constitutes an original case of ongoing technological innovation where the user s role is central 556 INTRODUCTION En adaptant pour Internet vers la fin 1988 un protocole de communication synchrone et multipolaire originellement con u pour le r seau BITNet l Internet Relay Chat IRC l informaticien finlandais Jarkko Oikarinen ne se doutait pas qu il susciterait un engouement aussi vif Oikarinen 1993 Moins c l bre que son compatriote Linus Torvalds l inventeur de Linux le p re de l IRC peut se targuer d avoir t l origine d un ph nom ne sociotechnique aux proportions tout aussi impressionnantes puisque aujourd hui cette application Internet d velopp e elle aussi sur une base collaborative compte parmi les pr f r es des jeunes internautes et que tout ordinateur de n importe quel caf Internet sur la plan te est muni du logiciel permettant d y acc der Au fil des ans le protocole IRC a fait l objet de nombreuses adaptations et variantes parall lement
35. t durant plusieurs ann es les seuls usagers de leur cr ation Ainsi Mirashi 1993 rappelle qu ses d buts le premier r seau IRC comptait plus de serveurs que d usagers Il a fallu plusieurs ann es avant que le dispositif ne sorte de ces cercles confidentiels et ne se transforme radicalement avec l arriv e de vagues successives d usagers d abord les tudiants en informatique et les informaticiens professionnels puis les tudiants des tablissements 1 2 Ainsi c est la mise en quarantaine autrement dit litt ralement l ex communication du serveur lt eris berkeley edu gt qui a donn son nom au premier r seau IRC EFnet acronyme de Eris Free Network Mirashi 1993 560 d enseignement sup rieur et finalement la vague des internautes ordinaires avec le branchement massif des entreprises puis des m nages surtout nord am ricains Internet Dans le m me temps on a vu le r seau initial EFnet se scinder et de nombreux r seaux se cr er En 1997 Microsoft a propos sa propre version du protocole IRC appel e Microsoft Internet Chat et fonctionnant avec son logiciel Comic Chat inspir de Palace Dans le m me temps l entreprise Webmaster Com lan ait son interface IRC Web et cr ait le r seau WebNet servant d infrastructure de nombreux webchats parpill s sur le Web Pour finir certains fournisseurs d acc s Internet ont commenc se doter de leur mini r seau IR
36. t e l IRC et peut donc tre compris comme synonyme de user Ces plaisanteries encod es dans la terminologie sont l un des traits typiques de la culture Internet et plus g n ralement de la culture informaticienne 10 On peut reconna tre l expression IRC cop qui signifie flic de l IRC D ailleurs le statut des ircops est symbolis par une ast risque qui n est pas sans voquer une toile de sh rif ll Terme signifiant litt ralement tiquette du r seau et qui renvoie l ensemble des normes comportementales auxquels l usager d un service Internet doit se conformer usager dont le comportement nuit au fonctionnement global du r seau Le nom de la commande en question kill est aussi tr s imag Mais cette mort symbolique ne porte pas cons quence puisque l usager peut se reconnecter aussit t moins qu il ne soit plac sur la liste noire du serveur K lined ou pire interdit de s jour sur tous les serveurs du m me r seau G lined L usager n a alors d autre choix que de se connecter via un autre fournisseur d acc s Internet Le principal d fi qu IRC a d relever en tant que dispositif sociotechnique pour permettre le d veloppement de dynamiques sociales peut se r sumer l enrichissement bien au del du symbolique de la dimension performative du langage En effet pour qu une vie soci tale se d veloppe dans des proportions qui d passent le jeu du simula
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