montréal, l`informe urbanité des terrains vagues
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1. expres sion temporelles in Le paysage et l art dans la ville Danielle Routaboule dir Montr al actes du colloque de l AAPQ mai 1989 p 43 46 Poullaouec Gonidec P Le paysage urbain la recherche de nouvelles expressions in Hypoth se pour une troisi me nature Paris Londres Cercle Charles Rivi re Dufresny Coracle Press 1992 p 117 125 Poullaouec Gonidec P Esth tique des paysages de la moder nit Trame n 9 Montr al Facult de l Am nagement Uni versit de Montr al 1993 p 29 34 Rahm P Sous les pav s l herbe in L Architecture d aujour d hui n 317 Paris 1998 p 97 107 Sol Morales I dir Present and future architecture of cities Barcelone UIA Barcelona 96 Collegi d Arquitectes de Catalu nya Centre de Cultura Contempor nia de Barcelona 1996 Sol Morales I Terrain vague in Anyplace Montr al New York Anyone Corporation 1995 p 118 123 Vidler A The architectural uncanny Cambridge Londres MIT Press 1992 Luc L vesque est architecte et titulaire d une ma trise en am nagement option paysage de l Universit de Montr al Il est membre du comit de r daction de la revue Inter art actuel depuis 1992 et collabore la chaire en Paysage et environnement de l Universit de Montr al Il a travaill entres autres pour L Atelier d architecture et d urbanisme Lucien Kroll Bruxelles pour Peter Eisenman architects New York et p2. incarne t il pas habituellement la figure p renne qui se d tache d un fond fugitif ou selon l ex pression de Bataille 5 la digue opposant l l ment trouble l autorit et la logique de la majest Ce n est d cid ment pas ce mod le que se r f re notre propo sition Ou plut t elle tendrait en brouiller les termes Le fond devenant la figure la figure se confondant au fond Pour reprendre une terminologie d velopp e au d but du si cle par Alois Riegl dans Le culte moderne des monuments le terrain vague est la fois un en de de la valeur de nouveaut et l aboutissement ultime de la tendance la dissolution de formes qui r git la valeur d anciennet Interface entre la fin d un monde et le d but d un autre le terrain vague n a d cid ment aucune valeur historique Il ne s agit en effet pas ici de contester la l gitimit des actions men es pour la mise en valeur du patrimoine urbain Si le terrain vague peut bien s r tre la r sultante d in admissibles destructions il reste l chelle de la ville une donn e in luctable et fluctuante Et c est l image des toiles perfor es de Lucio Fontana que nous l envi sageons Le terrain vague est vou tre combl pour r appara tre ailleurs c est un espace fuyant qu on ne peut videmment pas tenter de conserver en le fixant Point question donc ici de militer pour une conservation syst mat
3. Espaces Contr les r alis sous notre direction dans nter art actuel n 72 Qu bec 1999 19 La premi re attestation connue de la locution terrain vague daterait de 1811 selon le Dictionnaire historique de la langue fran aise Paris Robert 1992 Chateaubriand serait ainsi l un des premiers crivains l avoir utilis ti n raire de Paris J rusalem Aujourd hui l expression est peut tre en voie d avoir un usage international l initiative d Ignasi Sol Morales Terrain Vague a en effet notamment constitu une des th matiques autour des quelles tait articul e la r flexion sur la ville au XIXe Congr s de L Union Inter nationale des Architectes Barcelone en 1996 Voir catalogue Architectures in Cities Present and Futures Barcelone UIA Barcelona 1996 p 21 23 266 309 textes de Ignasi Sol Morales Joan Fontcuberta Irena Fialov Alberto P rez Gomez et Joan Busquets Bohigas The street in Lotus n 802 A common place mars 1998 PAYSAGES EN VILLES 49 Montr al l informe urbanit des terrains vagues L vesque m me expression Peut on pr server cette coexistence inusit e sans la r duire l un ou l autre des termes C est l l enjeu que sugg re la figure du terrain vague Faire en sorte que le territoire s ouvre sans que les lignes de fuite qui op rent cette ouverture ne s en Terrain vague angle Parc B rub gouffrent dans des trous noirs L h t ro
4. Vide et plein Le langage pictural chinois Paris Seuil 1977 p 23 32 29 Bernadette Lizet Naturalistes herbes folles et terrains vagues in Eth nologie fran aise n 19 Paris 1989 p 260 30 Guy Mercier Jacques Bethemont dir La ville en qu te de nature Sillery Septentrion 1998 31 Paul Virilio L ins curit du territoire Paris Stock 1976 p 176 179 PAYSAGES EN VILLES 5 Montr al l informe urbanit des terrains vagues L vesque trouve ce qui s y d veloppe Si comme le souligne Michel Conan la nature ne constitue plus l horizon du monde urbanis il nous semble qu il faille d sor mais parler de son irruption mergence d une nature urbaine incarnant un nouveau type de wil derness55 l interface de la condition post industrielle Une nature n cessairement impure o se m lent le pire et le meilleur une nature qu il faut apprendre voir et penser parce qu elle concr tise un tat de fait et invite de nouvelles attitudes Le terrain vague serait il comme le posait Henri Lefebvre l ultime recours de la vitalit irr ductible 34 De la monumentalit rhizomatique l encontre de ce que cela pouvait laisser pr sager proposer le terrain vague comme monument est tout le contraire d un plaidoyer nihiliste Perforant le spectre de la d solation c est bien de vie et de m moire dont il est question Mais qu entendons nous au juste par monument N
5. blocs de b ton l id e du mobilier Incur sions rythmiques et nomades dans les pores de la tex ture urbaine propositions vari es de vill giatures pos turbaines 56 L am nagement des interstices ne pourrait il pas tre par exemple principalement le fait d une gestion chor graphique des agencements mobiliers Ne pour rait on pas cons quemment dans une suite de ballets urbains limiter ces am nagements des interventions strat giques inscrites sur des terrains laiss s dans une large mesure l tat brut Parachutages et assemblages insolites nous paraissent ici offrir un formidable ins trument pour cr er spontan ment de nouveaux rap ports au paysage urbain ou selon la formule de Viri lio pour inciter les citadins habiter inhabituel 57 L entreprise n engage dans un premier temps rien de plus qu une l g re inflexion des pratiques d j en place Ne largue t on pas d j Montr al l t venu dans les parcs et sur les trottoirs bancs bacs arbres tables pique nique et autres artefacts Il ne pourrait s agir ici par exemple que de d contextualiser les usages et tenter de nouvelles connexions entre lieux et l ments usuels Point de gestes grandiloquents ni pr tention esth tisante manifeste de petits d tournements de la norme qui tonneront certains et qui seront pratiqu s spontan ment par d autres Dans un second temps on peut bien s r diversifier l chantillon
6. coin de l intersection marquant ainsi de fa on percutante la port e critique d une r activation de la m moire urbaine une poque o les autorit s municipales autorisent sans remord la dilapidation du patrimoine b ti mont r alais C est dans le m me esprit que pr s de 10 ans plus tard en 1985 Michel Fournelle marque d un X de feu le sol d un terrain vague issu d une d molition sans permis Avec la fin de l re Drapeau en 1986 l vidage sp culatif du centre ville ralentit les plaies se cicatrisent et la vie les r int gre En 1989 Charney r alise le Jardin du Centre Canadien d Architecture CCA sur un terrain vague cern par deux voies d acc s autorouti res Au cours des ann es quatre vingt dix l interstice n est plus tant objet de rappels mn siques que nouveau territoire ouvert l investigation comme en t moignent notam ment les uvres urbaines ph m res Territoires simultan s de Robert Preno vault 1993 le Parc ph m re de Gilles Bissonnette 1995 Ligne de site IV du collectif Arqh 1997 L intention d Yves Gendreau 1998 ou Chambre avec vues de Jean Fran ois Prost 1998 Concernant les deux derniers projets lire le dossier Fuites Espaces Contr les in Inter art actuel n 72 Qu bec 1999 p 30 36 propos de Ligne de site IV consulter le dossier Paysages in inter art actuel n 69 Qu bec 1998 p 58 59 et au sujet du projet de R Pre novault Pauline Morier
7. urbaine Montr al comme nous l avons vu pr c demment et malgr tous les probl mes rencontr s c est sans contredit cette derni re tendance qui s exprime Le c toiement et le m lange des tribus s y faisant encore sans trop de heurts et avec une certaine spontan it PAYSAGES EN VILLES 5 5 Montr al l informe urbanit des terrains vagues L vesque de se promener sur Sainte Catherine par une belle journ e d t pour r aliser que l appropriation dont sont l objet ces blocs est loin d tre l exclusivit des jeunes marginaux 55 l inverse de la cl ture ou de la palissade la ponctuation rythmique des blocs favo rise transversalit s cheminatoires et occupations tem poraires Banc table comptoir divan les blocs ser vent un peu tout Leur simplicit g n rique assure l optimalisation des possibles Le bloc constitue en cela le parfait homologue du terrain vague et par le fait m me l une de ses principales voies d appropriation Ce dernier point indique qu il men faudrait pas beau coup plus pour largir ici le registre des pratiques et contribuer accentuer l incorporation de l interstice comme diff rence dans la vie de la cit D autres types de pratiques mobili res pourraient compl ter celle que le bloc suscite d j lat ralement comme mobilier vague Dans le flot expressif de la ville c est en quelque sorte tout un jeu de ponctuation que sugg re l instar des
8. Luc L vesque MONTR AL L INFORME URBANIT DES TERRAINS VAGUES POUR UNE GESTION CR ATRICE DU MOBILIER URBAIN M ontr al constitue un exemple particuli rement appropri pour d crire in vivo les potentialit s d une interaction dynamique avec l ind termin Si Rem Koolhaas souligne l int r t th orique de strat gies urbaines jouant du vide et des agr gations les plus folles l exemple montr alais nous semble v rifier organiquement et sans fracas la validit de ces hypo th ses Sans fracas parce qu c t des grandes capi tales europ ennes et des m galopoles tant am ricaines qu asiatiques Montr al n a Pair de rien Pr cis ment Montr al est une virtualit concr te d autant plus pr sente et tangible comme le remarquait Alain M dam qu elle serait l comme un songe mal nou Ind finissable interzone Paris a ses boulevards Rome ses basiliques Flo rence ses palais Venise ses canaux Et Montr al cette question lanc e par Jean Claude Marsan dans Sauver Montr al on pourrait hypoth tique ment r pondre ici en proposant la figure floue du ter rain vague Le propos n est pourtant point ici d infir mer la richesse du substrat urbain montr alais tout au contraire ce titre Marsan n a pas tort d faut de pouvoir choisir parmi les multiples visages de Montr al de finalement r pondre son interroga tion par un rien de cela en particulier tout c
9. Territoires simultan s tude sur un terrain vague in Esse n 24 Montr al 1994 p 16 20 et Jacqueline Mathieu Les terri toires simultan s de l art in Espace n 27 Montr al 1994 p 23 25 5 3 52 Pour plus d informations sur ce projet lire Luc L vesque Du r siduel comme laboratoire et Gilles Bissonnette Le Parc ph m re in nter art actuel n 65 Qu bec 1996 p 43 45 53 Jacques Rousseau Impair passe et manque in La place publique dans la ville contemporaine Montr al M ridien 1995 p 150 54 Les alignements de blocs de b ton ont certains gards des allures de formations m galithiques Le pragmatisme le plus dur rejoint ainsi assez bizar rement certaines formes monumentales mill naires c t du fluide et de l immat rialit reste toujours la pesanteur du mat riel la persistance du pri mitif L imagerie n oprimitiviste colle d ailleurs tr s bien l urbanit et aux paysages de la ville postindustrielle tels qu ils ont t notamment d velopp s au cin ma dans l art et la litt rature contemporaine et tels qu ils sont bien s r v cus dans certains centres urbains Un imaginaire qui peut d crire dans ses tendances les plus noires les atmosph res lourdes et r gressives aff rentes l effondrement de la cit mais qui se fait aussi le v hicule d une nouvelle sen sibilit d une nouvelle rage de vivre s inscrivant m me une certaine rugosit
10. armi les indices conomiques de ce d clin Montr al affichait en 1997 le plus haut taux d inoccupation des bureaux parmi les 24 plus grandes villes en Am rique du Nord Cela n est pas sans cons quence sur les activit s com merciales du centre ville L conomie de Montr al vol 10 n 4 1997 p 8 12 Cl ment Marchand Les soirs rouges crit en 1930 paru en 1947 Mont r al Stank collection 10 10 1986 p 83 86 13 Guy Sioui Durand L art comme alternative R seaux et pratiques d art parall le au Qu bec 1976 96 Qu bec Inter diteur 1998 pp 50 64 Yves Robillard Qu bec Underground 1962 72 3 tomes Montr al M diart 1973 14 En r action la d molition en 1973 de la maison Van Horne cr ation de Sauvons Montr al qui deviendra H ritage Montr al en 1975 Le groupe uvre depuis lors la promotion et la sauvegarde du patrimoine urbain montr alais 15 Daniel Latouche Les comptoirs de la culture in Montr al Oasis du nord Paris Autrement n 62 1992 p 176 16 Gilles Deleuze Diff rence et r p tition Paris Presses Universitaires de France 1969 p 352 354 17 Jean Pierre Nepveu Une ville en po sie in Montr al imaginaire Ville et litt rature Pierre Nepveu et Gilles Marcotte dir Montr al Fides 1992 p 335 18 Des extraits de ce texte ont t pr sent s dans leur version pr liminaire sous le titre Le terrain vague comme monument dans le dossier Fuites
11. cio conomique complexe qui n est pas sans r percussion sur le paysage urbain Trois particularit s nous paraissent ici importantes retenir concernant les interstices montr alais Ils sont en g n ral perm ables aux cheminements lin verse de ce que l on retrouve dans plusieurs autres villes o on en bloque l acc s l aide de palissades Ils constituent des terrains priv s o est accept habi tuellement un certain niveau d appropriation Urbanit informelle le Parc ph m re publique Et enfin ils ont un mode de diss mination relativement uniforme qui semble ind pendant de la r partition g ographique de la richesse dans la ville 44 Lire notamment propos de la friche Gilles Cl ment Le jardin en mouvement 1991 in Jardins et paysages Textes critiques de l antiquit nos jours textes r unis par Jean Pierre Le Dantec Paris Larousse 1996 p 576 578 Aussi du m me auteur l loge de la friche Paris Lacouri re et Fr laut 1994 Se r f rer de m me aux travaux pionniers du paysagiste n er andais Louis Guillaume Le Roy 45 Saskia Sassen La ville globale l ments pour une lecture de Paris in Le D bat n 80 Paris 1992 p 159 Lire aussi du m me auteur The Global city New York Londres Tokyo Princeton University Press 1991 et La ville globale Paris Descartes 1996 43 Bernard Cache Earth Moves The furnishing of territories Terre Meuble L ame
12. d une mani re typiquement montr alaise de s ap proprier le transitoire Du potentiel des pratiques mobili res On ne peut conclure notre parcours travers les interstices montr alais sans mentionner la figure carac t ristique des blocs de b ton Oui ces masses rustres au b ton grossi rement d coffr que l on d pose en alignements l ches au pourtour des lots vacants pour y emp cher l acc s aux automobiles5i Sans tre une sp cificit montr alaise les blocs de b ton occupent pour peu qu on porte attention au ph nom ne une place importante dans le paysage de la m tropole Et il suffit 50 Philippe Poullaouec Gonidec Montr al paysage un lieu d expressions emporelles in Danielle Routaboule dir Le paysage et l art dans la ville ontr al Actes du colloque de l AAPQ mai 1989 p 43 46 1 Pour amorcer ici une esquisse chronologique de l volution de ce ph no ne de colonisation artistique du r siduel mentionnons notamment comme on historique important l installation architecturale de Melvin Charney les aisons de la rue Sherbrooke v nement Corridart d mantel e pr ma ur ment sous les ordres du maire Drapeau la veille des Olympiques de 1976 cette occasion sur un terrain vague r sultant de destructions faites pour un projet immobilier finalement construit ailleurs Charney avait recons u en fa ades fant mes deux h tels particuliers typiques situ s sur l autre
13. des points d a ration monument transitoire r v lant comme le remarque Bernard Cache un sol 32 Michel Conan Les villes du temps perdu in Le D bat n 81 sept oct 1994 Paris p 104 107 33 propos du concept de Wilderness se r f rer notamment l ouvrage de Max Oelschlaeger The Idea of Wilderness from prehistory to the age of eco logy New Haven Yale University Press 1991 34 Henri Lefebvre La production de l espace Paris Anthropos 1974 l 18 p 64 35 Georges Bataille Architecture in Documents n 2 mai 1929 uvres compl tes I 1922 1940 Paris Gallimard p 171 36 Alois Riegl Le culte moderne des monuments Son essence sa gen se 1903 Paris Seuil 1984 p 64 85 95 109 37 Montr al par exemple ce qui est connu et appr ci aujourd hui comme le Bois du Sanctuaire n tait il y a une cinquantaine d ann es que sol nu et amoncellement de pierres Comme l affirme Gilles Cl ment le vide archi tectural contient bien un plein biologique Le jardin en mouvement 1991 propos du Bois du Sanctuaire lire G rald Domon Michel Gari py et Syl vie Lagueux L int gration des bois s aux projets urbains de l urgence de penser gestion et Philippe Poullaouec Gonidec Esth tique des paysages de la modernit in Trame n 9 Montr al Facult de l Am nagement Univer sit de Montr al 1993 p 52 58 32 Un autre exemple montr a
14. e Ville de Montr al Service de l urbanisme 14 juin 1994 p 1 ment du site au minimum pour maximiser sa capacit de variation temporelle et la grande potentialit offerte cet effet par l usage fluctuant du mobilier urbain La porosit montr alaise se pr te en effet merveilleusement bien au d veloppement de ce que pour reprendre la formule de Philippe Poullaouec Gonidec on peut d signer comme des expressions paysag res ph m res 5 Une ponctuation v ne mentielle qui en intensifiant les donn es sensibles existantes conf re de par la multiplicit de ses variantes et l intermittence al atoire de son appari tion une valeur nouvelle l interstice Il s agit donc ici d exploiter les mutations du sub strat urbain et le chevauchement de ses diff rentes temporalit s Montr al cette dimension tempo relle de am nagement passe bien s r d abord par la gestion de l adaptation aux conditions climatiques saisonni res Elle s ext riorise aussi d autre part dans les diff rents types d am nagements qui accompa gnent et soutiennent l infiltration dans la cit des manifestations culturelles Enfin c est toute la gamme des interventions artistiques investissant les inter stices qui participent de cette temporalit v nemen tielle cet gard le Parc ph m re op r en 1995 par l artiste Gilles Bissonnette nous semble avoir constitu un int ressant prototype Sur
15. ela en m me temps et bien davantage 4 Justement cet nonc traduit bien l impression de vague que conf re au paysage montr alais l accumulation des singularit s Si apr s les affres d une modernisation tout prix il n y a pas lieu Montr al de mettre en doute les bonnes intentions des ap tres de la reconstruction nous pr f rons marquer un interm de Explorer ce qui aurait pu na tre entre la ville et ses restes 5 Car Nier le reste comme le notait Pierre Sansot ce serait aussi en revenir une vision essentialiste et panoptique 6 La richesse du milieu montr alais n est elle pas justement le fait de l accidentel tel qu il s est inscrit dans une dur e relative de l accident devenu lui m me durable 7 Plut t qu un mod le calquer c est la cartographie d une modulation qui para t ici constituer l enjeu d terminant Le cata clysme sp culatiff travers par Montr al a contribu malgr lui l mergence d un type d adaptation Profusion rud rale blocs de b ton et socialisation terrain vague l angle de Parc et B rub Montr al 1999 hybride devenu avec le temps la substance m me de l informe et r sistante sp cificit montr alaise C est dans le m me sens ce dont t moigne Jean Barbe lors 1 Rem Koolhaas loge du terrain vague in L Architecture d Aujourd hui n 238 Paris avril 1985 p 46 Lire aussi What ever
16. et convie l exp rience rappro ch e des corps et des mat riaux Le terrain vague comme monument Le terrain vague comme monument 8 L hypoth se peut para tre excessive Mais pourtant Oxymore oubli figure de style banalis e le jumelage terminologique terrain vague ne va pas de soi C est justement cette dimension paradoxale qui conf re l expression fran aise tant d attrait par rapport d autres d signations waste land no mans land vacant lot terreno baldio etc L assemblage terrain vague a tendance ouvrir la redingote du sens plus qu la contraindre Alors que le terme vague se lie au flux l ind ter min et au vide le terrain se r f re plut t quant lui l id e de limite et de support d appropriation Nomadisme et s dentarit sont ici nou s dans une 9 Jean Barbe Sauve qui peut ma ville in Montr al Oasis du nord Paris Autrement n 62 1992 p 18 10 Ce terme d velopp par Bataille Informe in Documents n 7 d c 1929 uvres Compl tes 1922 1940 Paris Gallimard p 217 et plus r cemment r investi th oriquement par Rosalind Krauss et Yes Alain Bois L informe mode d emploi Paris d du Centre Georges Pompidou 1996 est utilis ici pour d crire entre autres l impression d ouverture qui se d gage de l exp rience de la ville et la r sistance qu elle offre au contr le d une vision ordonnatrice 11 P
17. eu propice au d veloppement de processus qui chappent au contr le et contaminent l ordre de la repr sentation par infiltra tions transversales Oriol Bohigas a beau fustiger les ex g tes du terrain vague au nom d une reconstruc tion de la bonne forme urbaine il reproduit ce fai sant la m me obsession de rectitude qui animait ceux qui ont contribu raboter les affects de la ville histo 20 Henri Gaudin La cabane et le labyrinthe Bruxelles Mardaga 1984 p 177 21 Siegfried Giedion Espace temps architecture 1941 Il Bruxelles La Connaissance s a 1968 p 81 Lire aussi ce propos Aldo Rossi L architecture et la ville 1978 Paris Livre et Communication 1990 p 162 164 et Anthony Vidler The architectural uncanny Cambridge MIT Press 1994 p 179 22 Siegfried Giedion ibid p 73 75 23 George Eug ne Haussmann M moires 1890 93 Ill Paris cit par S Giedion op cit VII p 453 24 Le Corbusier La Charte d Ath nes 1942 Paris ditions de Minuit 1957 1971 p 48 25 Paul Virilio L ins curit du territoire Paris Stock 1976 p 189 197 26 Oriol Bohigas The street in Lotus n 802 A common place mars 1998 rique Cette derni re n tait elle pas faite comme l a entre autres admirablement montr Henri Gaudin pour l poque m di vale de pl nitudes ravin es et dis jonctives Le terrain vague nous semble r introduire certes une aut
18. g n it s man tique du terrain vague est en r sonance la probl ma tique de la condition contemporaine Questionnements paradoxaux entre mati re et flux territoire et trajec toire local et global Questionnements qui nous am nent ici plus sp cifiquement observer la relation qu entretient le vide urbain avec les forces antino miques du contr le et de l ind termination De la porosit impromptue Le vide du terrain vague constitue la contre image de la cit productiviste le talon d Achille de ses fantasmes ostentatoires et prophylactiques Par une sorte de curieux renversement le vide revient ainsi hanter les r ves d une longue lign e d quarrisseurs 2 qui n avaient jur que par lui Parcourons sommairement quelques jalons clefs de cette g n alogie de la vacuit urbaine qui nous ram ne aux origines de l urbanisme moderne C est au pape Sixte Quint que l on attribue g n ra lement l honneur d avoir t le premier urbaniste 50 LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N 85 moderne 21 Sixte Quint lague la fin du XVI si cle 1585 90 l encombrement romain en y tranchant des rues droites et tr s spacieuses 22 Et comme le note admirativement Siegfried Giedion le grand organisa teur op re ses trac s sans le moindre gard pour les obstacles Une attitude qui anticipe la fougue des per c es panoptiques qu effectue Haussmann Paris par tir de 1853 po
19. happened to urbanism 1994 in S M L XL New York Monacelli Press 1995 p 969 70 2 Alain M dam Montr al interdite Paris Presses Universitaires de France 1978 p 129 3 Jean Claude Marsan Sauvez Montr al Chroniques d architecture et d ur banisme Montr al Bor al 1990 p 15 4 Jean Claude Marsan ibid 5 Perla Korosec Serfaty La ville et ses restes in L am nagement urbain promesses et d fis Annick Germain dir Qu bec Institut qu b cois de recherche sur la culture 1991 p 232 267 6 Pierre Sansot Vers une petite m taphysique du reste in Traverses vol 11 Paris mai 1978 p 8 Voir aussi la conclusion du beau texte de Jean Luc Nancy La ville au loin Paris Mille et une nuits collection La ville enti re 1999 p 61 o ce qui reste de la ville est d crit comme l nergie fragile d un sens in dit 7 Gilles Deleuze Francis Bacon Logique de la sensation Paris d de la Dif f rence 1981 p 86 87 8 Nous faisons r f rence ici la p riode des ann es 60 70 o Jean Drapeau tait maire de Montr al Bien que ce maire ait fait beaucoup pour le rayon nement de Montr al il a par ailleurs contribu la destruction de nombreux secteurs du centre ville en laissant le champ libre un d veloppement des plus f roces Les Annales de la Recherche Urbaine n 85 0180 930 X11 99 85 p 47 57 METL PAYSAGES EN VILLES 47 l vation de
20. hitecture in Architectural Review n 999 1980 p 299 302 Chenet Faugeras F L invention de paysage urbain in Romantisme n 83 Paris 1994 p 27 37 Epstein J Montr al nuances et vues de pr s in Trames n 9 Montr al Facult de l am nagement Universit de Mont r al 1993 p 20 25 Gerber A Montr al Blues Lacombe Table Rase 1992 Goulet P Temps sauvage et incertain Paris Demi Cercle 1989 Korosec Serfaty P La ville et ses restes in L am nagement urbain promesses et d fis Annick Germain dir Qu bec Ins titut qu b cois de recherche sur la culture 1991 p 232 267 L vesque L dir Paysages Inter art actuel n 69 Qu bec 1998 L vesque L dir Fuites Espaces Contr les Inter art actuel n 72 Qu bec 1999 Marsan J C Sauvez Montr al Chroniques d architecture et d urbanisme Montr al Bor al 1990 Marsan J C Montr al en volution Montr al M ridien 1994 M dam Alain Montr al interdite Paris Presses Universitaires de France 1978 Nepveu P Marcotte G dir Montr al imaginaire Ville et litt rature Montr al Fides 1992 Parazelli M Pratiques de socialisation marginalis e et espace urbain le cas des jeunes de la rue Montr al 1985 1995 th se de doctorat en tudes urbaines non publi e Universit du Qu bec Montr al UQAM Montr al avril 1997 Poullaouec Gonidec P Montr al paysage un lieu d
21. ique de ces interstices acciden tels m me si avec le temps certains d entre eux peu vent faire racines et devenir objets d appropriations collectives m ritant qu on en change le statut Ce que sugg re de fa on plus large l id e d une monumentalisation du terrain vague c est une conception du monument comme rhizome non plus un attachement la forme la p rennit ou m me une localisation pr cise et stable mais une multiplicit de connexions potentielles entre monde de la trans 52 LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N 85 formation Avec l excroissance de la soci t du spec tacle 3 le presque rien de l interstice ne redeviendrait il pas une singularit propre r activer la conscience Ainsi quand Yves Klein expose le vide en 1958 il nous semble marquer un jalon important dans la qu te d une monumentalit proprement contemporaine Il ne s agit plus tant de d gager l espace pour vincer le chaos et mettre ainsi en vidence comme le sugg re Giedion une quelconque figure triomphante mais de s impr gner du vide m me comme pure sensibilit de les pace 41 Trois ans plus tard lorsque Piero Manzoni propose le socle du monde c est encore une fois les rep res du monumental qui sont renvers s l objet concept n est qu un r v lateur La Terre serait l unique monument Multiple Terre meuble dont le terrain vague ne serait qu un
22. lais dans un tout autre contexte cette fois serait le terrain vague stationnement faisant face au bar culte les Foufounes lectriques sur la rue Sainte Catherine Ce vide brut ponctu d un petit difice au profil singulier couvert de fresques murales sur trois de ses fa ades est totalement int gr paysage underground de ce secteur du centre ville limitrophe au Red light Vouloir combler cet lot au nom d un savoir faire urbain calqu sur le mod le de la ville classique comme Melvin Charney semblait le proposer dans son tude sur le faubourg Saint Laurent para t relever d une n gation de l action artialisante Alain Roger des cultures alternatives qui investissent les tissus d structur s des centres urbains Pour plus de d tails sur cette tude lire le dossier pr par par Pierre Beaupr D un savoir urbain une vision clair e du d veloppement in ARQ Architecture Qu bec n 56 Montr al 1990 p 22 24 38 Gilles Deleuze et F lix Guattari Mille Plateaux Capitalisme et schizophr nie op cit intro rhizome p 9 37 39 Guy Debord La soci t du spectacle 1971 Paris Gallimard 1992 40 Siegfried Giedion Architecture et vie collective 1956 op cit p 63 41 Yves Klein Le d passement de la probl matique de l art La Louvi re Belgique d de Montb liard 1959 42 Cette uvre de Piero Manzoni 1961 consiste en un bloc d acier pos sur le
23. mobilier assist e qu il d crit Montr al comme un crachat de France ayant d velopp avec le temps sa propre culture bac t rienne Le caract re informel de Montr al n a rien pour attirer le regard du Prince mais faut il vrai ment paraphrasant ici un Georges Bataille que Montr al prenne forme l inverse de plusieurs centres villes am ricains qui ont atteint un tat de d gradation physique et sociale alarmant l informalit sauvage et h t roclite de Montr al est toujours habit e par une population active et cosmopolite Si le d clin conomique de cette m tropole de plus de deux millions d habitants se manifeste avec force en son centre ville la vitalit culturelle qui c toie sa d sagr gation relative ne fait quant elle aussi aucun doute F tes nationales communautaires de quartiers etc Festivals de jazz de danse de cin ma du rire du th tre etc occu pations artistiques multiples et braderies de tout genre investissent spontan ment les espaces ordinaires et sans grande d finition des rues ruelles trottoirs parcs stationnements et terrains laiss s vacants Si d s 1930 le po te Cl ment Marchand anticipe cette effervescence multiforme en associant Mont r al aux puissances h t rog nes de la vie 12 c est paradoxalement la brutalit du d veloppement capi taliste des ann es soixante soixante dix qui a peut tre contribu le plus cette mani re
24. nage disponible en mettant l accent sur des accessoires plus ludiques ou m me en commandant certains cr ateurs des s ries limit es de mobilier urbain exploitant la th tra lit et le myst re d j propre aux terrains vagues Dans tous ces cas le mobilier ne constitue qu une invitation profiter de la diff rence qu offre l interstice par un travail strat gique de contrepoint Un autre point de vue sur la ville une autre fa on de l habiter Rien l de bien nouveau peut tre mais pourtant Cette optique diff rentielle semble encore sous exploit e en am na 5 6 LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N 85 gement o on a encore trop souvent tendance cr er du d cor int gral se suffisant lui m me r primant ou oubliant le r le crucial des corps la pluralit des registres mat riels la richesse de l impr vu C est finalement une attitude un regard une atten tion un rythme une fa on de parler de bouger ou d tre immobile qui peut faire resurgir le terrain vague comme nomadisme et branchement n importe o nimporte quand Ainsi par exemple lorsque Monsieur Hulot d ambule gauchement dans l envi ronnement r gul du film Play Time Jacques Tati 1967 il recr e de l asp rit du vivant dans la m ca nique aseptique du d sert moderne Ce que le terrain vague mat rialis n situ offre quant lui c est la pos sibilit d une fulguration discr te par frottemen
25. nt gration relative des centres urbains L mergence du sauvage au c ur des restes de la centralit appelle le d veloppement d un autre type de vill giature se manifestant par l appro priation nomade des interstices Le terme post urbain a t propos par Fran oise Choay L histoire de la m thode en urbanisme in Annales ESC juillet ao t 1970 dans un sens proche la notion de post city age d velopp e par Melvin Webber The Post City Age in Daedalus automne 1968 Il d crit pour reprendre les termes de Choay une condition o les villes traditionnelles sont en d sint gration au profit d une urbanisation g n ralis e et diffuse Plus r cemment la notion a t notamment reprise par Anthony Vidler dans The architectural uncanny 1992 57 Paul Virilio L ins curit du territoire Paris Stock 1976 chap 9 p 199 207 R F RENCES BIBLIOGRAPHIQUES B guin F La vision paysage Paris Minist re de l urbanisme et du logement 1984 B guin F La France en quatre couleurs in Les Annales de la recherche urbaine n 18 19 Paris 1989 p 32 41 Boivin R Comeau R Montr al L oasis du Nord S rie Monde n 62 Paris Autrement mai 1992 Bourriaud N Esth tique relationnelle Paris Les Presses du r el 1998 Cache B Earth Moves The furnishing of territories Cambridge Londres MIT Press 1995 Charney M The Montrealness of Montreal Formations and formalities in urban arc
26. optique d un effort de revitalisation commerciale du centre ville il faut redorer le lustre passablement terni de cette art re strat gique et donc rectifier une image troubl e par les terrains vagues Compte tenu d un contexte conomique difficile il est d autre part irr a liste de penser une reconstruction architecturale sys t matique court ou m me moyen terme C est donc suivant cette perspective que le Programme de mise en valeur des terrains vagues de la rue Sainte Catherine est mis de lavant par le service de d veloppement conomique de la Ville de Montr al en septembre 1995 Il s agit selon les termes m mes du programme de prendre des mesures pour assurer d ici la mise en exploitation d finitive de ces terrains des am nage ments court et moyen terme qui am lioreront l image g n rale de la rue 7 Deux tendances sont observables d s les premi res bauches elles se retrou veront divers degr s dans la douzaine de r alisations r sultantes Pour la premi re la question principale est d embellissement Il faut liminer les irritants visuels 8 et les remplacer par quelque chose de plus convenable L am nagement paysager constitue cet effet une strat gie cosm tique passe partout Pour la seconde plus aventureuse l intensification des appro priations programmatiques prime sur les pr occupa tions d apparence formelle La vis e est ici de maxi maliser le
27. our l Office for Metropolitan Architecture de Rem Koolhaas Rotterdam Depuis 1993 il participe titre de membre du collectif multidisciplinaire Arqh diff rents types d interventions artistiques hybrides interrogeant les modalit s plurielles du paysage de l urbanit contemporaine PAYSAGES EN VILLES 5 7
28. particuli re de vivre et voir la ville Bouleversant radicalement le tissu urbain montr alais promoteurs et d molisseurs ont finalement eu entre autres effets de catalyser une mobilisation populaire intense r sistant la poursuite de la tabula rasa mergence d un art parall le inves tissant la rue de mani re critique participative et ludique 3 rassemblements et organisations de citoyens locataires mont e d un activisme patrimo nial sont quelques unes des manifestations qui par ticipent de cette r appropriation de la cit par la population Le mode de vie et le patchwork urbain h rit s de cette poque semblent toujours aujourd hui marquer la culture montr alaise Lorsque Daniel Latouche remarque qu Montr al l underground fait surface partout 5 il t moigne d une condition qui n est pas si loin de ce que Deleuze d crit dans Diff rence et r p tition comme la remont e du fond en surface cette r surgence du sans fond ou de l ind termin qui d stabilise la pens e mais qui est aussi sa plus grande chance parce que sa plus grande exigencel6 Et de fait l inach vement l imperfection et l ambiva lence constituent un champ th matique moteur pour l imaginaire montr alais comme le note Jean Pierre Nepveu Montr al stimule une nergie similaire celle du chantier Le caract re non ostentatoire de l entreprise met en jeu un paysage trou qui r siste aux images unitaires
29. re chelle et sous de nouvelles modalit s quelque chose de cette texture de marqueteries mal jointes dont parlait Montaigne C est tout le moins une trou e qui mine le fa adisme d un urbanisme de remplissage obnubil par la repr sentation Ponctuant al atoirement la trame construite le ter rain vague brouille la clart de la figure urbaine Pin verse des vides planifi s qui tendent r int grer la sub stance urbaine comme variations d une continuit le terrain vague incarne sans compromission la disconti nuit C est en cela qu il d range offrant comme zone d ind termination une r sistance la r ception passive de la totalit Mais cette interruption n est elle pas jus tement b n fique dans un environnement o tout semble de plus en plus devoir tre tributaire de la m diation du planifi et des images toutes faites Le terrain vague de fa on analogue au vide dans la pein ture tao ste bouleverse notre perspective lin aire 8 Mais alors que la culture orientale a int gr depuis longtemps la valeur du principe d ind termination associ e au vide le rationalisme occidental nous en aurait plut t cart D barrass de ses connotations n gatives l ind termin ouvre pourtant l espace l imaginaire Entre ruine et chantier le terrain vague incarne cette potentielle lib ration de la pens e De la sauvagerie urbaine Cavit interstitielle foyer d ind termina
30. s potentiels du vide en tablant sur la notion de jeu de f te et de spectacle d j associ e la rue Sainte Catherine Cette derni re voie qui participe de plus pr s au statut ind termin du terrain vague est int ressante dans la mesure o elle peut contribuer conserver l ouverture de l espace aux possibles Ainsi la lumi re de ce qui se d gage de plus pro metteur des interventions r alis es dans le cadre de ce programme deux constats convergents retiennent l attention dans une perspective de mise en valeur des terrains vagues l int r t de limiter l am nage 46 lan Darragh Quebec s Quandary National Geographic vol 192 n 5 Washington D C nov 1997 p 57 Derelict buildings empty lots and For Sale signs disfigure parts of Montreal once Canada s financial capital the city seemed liked a faded beauty queen 47 Programme de mise en valeur des terrains vagues de la rue Sainte Cathe rine entre les rues Atwater et De Lorimier Service du d veloppement cono mique Ville de Montr al 1995 p 1 48 Les irritants visuels seraient ici notamment les palissades blocs de b ton herbes folles et implicitement les sans abri jeunes punks et autres margi naux facilement rep rables qui se tiennent aux abords des terrains vagues 49 Revitalisation des terrains et difices riverains Secteur de planification particuli re de la rue Sainte Catherine pr liminair
31. sant la ville constituent un exemple typique de ce genre d espace Ces grandes tendues de friches urbaines adoucies par le foison nement v g tal en viennent constituer de v ritables parcs informels pour les populations avoisinantes Cette modalit du terrain vague devient une valeur positive dans le paysage quotidien des riverains r in t grant pratiquement un certain id al pittoresque l inverse de ces grandes friches urbaines les cavi t s rongeant la pl nitude du centre ville incarnent encore pour beaucoup le sombre revers de la ville tares d figurant une apparence souhait e sans faille o centre et p riph rie plein et vide conserveraient des statuts clairement d finis Mais peut on encore se r f rer de telles distinctions rigides Le terrain vague ponctuant le centre ville constitue en fait une manifestation probante des mutations qui affec tent et troublent la centralit urbaine aujourd hui Dans un monde o la logique r ticulaire volue de fa on de plus en plus ind pendante de la dimension territoriale centres et p riph ries n auraient plus de localisations attitr es C est ce que Saskia Sassen nomme la nouvelle g ographie des centres et des marges 4 D sertion intermittente et relative du centre conomique vers la p riph rie mergence de la marge au c ur des noyaux centraux retour des uns se frottant aux autres le tout proc de d une dynamique so
32. ses m caniques r pressives Paysage paradoxal arbre taill blocs et terrain vague Montr al 1997 comme l a notamment signal Paul Virilio Qu il serve l ordre g om trique ou celui plus r cent des dik tats cologiques le substrat naturel reste un m dium particuli rement pris par la suffisance rationaliste Face la ronde des solutions exactes et impos es le terrain vague se pr sente comme un oubli une pause la possibilit d apprivoiser une r alit brute Singula rit aujourd hui appr ciable face un monde gorg de faux semblants L espace rud ral nous confronte au nivellement entropique la d g n rescence et la pr sence potentielle du polluant mais c est aussi dans ce contexte difficile que de la vie merge coriace et aventureuse De cette confrontation des extr mes une motion surgit celle qui rappelle exploration des confins La fronti re the Frontier ne serait peut tre d sormais qu nos pieds au c ur des anfractuosit s que signe l rosion des anciens centres urbains La r pugnance que l on vouait jadis la nature sauvage et aux peuplades barbares qui l habi taient ne se transpose t elle pas aujourd hui sous divers angles l interstice urbain ce qu on y 27 Sur la conceptualisation de l espace trou Gilles Deleuze et F lix Guattari Mille Plateaux Capitalisme et schizophr nie op cit 12 p 513 517 28 Fran ois Cheng
33. sol l ext rieur et sur lequel est crit l envers l inscription SOCLE DU MONDE d sormais devenu sculpture la fois un et multiple dans l infinie variation de ses inflexions Particularit s des interstices montr alais Le terrain vague a t jusqu ici trait de fa on rela tivement abstraite la mani re d un concept g n rique Mais il existe toute une typologie des terrains vagues que l on pourrait rapporter entre autres leur localisation leur ge et leur tendue Partant du contexte montr alais nous avons comme r f rence principale les interstices de l chelle du lot vacant ou de la portion d lot Le mod le de la dent creuse Par rapport ce type de porosit urbaine convention nellement jug e n faste les terrains vagues de la p riph rie ou ceux adjacents des sites industriels sont en g n ral beaucoup moins probl matiques quant leur niveau d acceptabilit publique Vastes la plupart du temps fortement peupl s de v g taux ils constituent habituellement des espaces propices l vasion et la d rive romantique Le terme de friche serait ici vraisemblablement le plus ad quat pour les d criref La d nomination g n rale terrain vague n impliquant pas n cessairement l inverse de la friche une pr sence v g tale pr dominante Mont r al les imposantes bandes de terrains qui longent les emprises ferroviaires traver
34. t avec un chaos qui tend partout ailleurs tre vinc Mais pour que ce d sordre soit autre chose qu une image d an antissement pour que l on puisse ne serait ce qu une fraction de seconde prouver une motion pour ce nouveau d but pour cette vie qui s infiltre malgr la difficult il faut encore pouvoir d passer une premi re impression de d go t de peur ou de totale indiff rence L intervention ph m re et notamment la pratique mobili re peuvent ce titre infl chir la per ception et induire diff rents types d appropriations diff rentes modalit s de connexion l alt rit Fuyant la m diation rectifiante du planifi l interstice incarne un espacement potentiellement lib rateur face l emprise de nos soci t s de contr le Montr al et ailleurs il offre l exp rimentation une ressource concr te pour largir les registres de l exp rience urbaine et cultiver l ouverture de l urbanit Luc L vesque 55 Sur un terrain vague de la Sainte Catherine situ deux pas du bar alter natif les Foufounes lectriques des jeunes de la rue aux allures mar ginales s taient appropri les blocs longeant le trottoir pour en faire le lieu dit les Blocs La Ville a remplac les blocs par une plate bande repoussoir 56 Nous avons propos en 1996 Inter art actuel n 65 cette expression pour sugg rer un regard moins n gatif sur la d si
35. tion com ment s actualisent dans l exp rience courante que l on peut avoir de la ville ces donn es associ es au terrain vague Il nous faut ici revenir au terrain La troublante pr sence absence du terrain vague est irr sistiblement li e au c toiement d un fond sous jacent que l urbain nous a fait presque oublier r sur gence du sauvage que l on r prime partout ailleurs herbes vagabondes poussant travers les restes Pierres boulevers es mat riaux h t roclites al as des flux de graines et de germinations vari t des ori gines g ographiques et extr me mobilit du peuple ment le terrain vague est un chantier d installation pour la vie sauvage un tourbillon de diversit et d in stabilit 2 comme le note Bernadette Lizet Cette turbulence informe m lant sans m nagement d sin t gration et forces vives nous questionne au moment o dans la foul e des valeurs environnementales mergentes se manifeste une volont de renatura tion de la ville 3 Si on ne met pas en doute le r confort psychologique et les bienfaits cologiques que peuvent produire le reverdissement urbain une certaine distance critique s impose Tout le d ploiement hautement contr l qui assure cette mise en uvre n est il pas empreint d une violence d au tant plus pernicieuse qu elle se pr sente comme stra t gie pacificatrice L idyllique hygi ne du vert peut cacher en effet d insidieu
36. ublement du territoire Orl ans HXY 1983 Cambridge Londres MIT Press 1995 p 153 PAYSAGES EN VILLES 5 3 Ces attributs par del l image n gative souvent atta ch e aux terrains vagues sont en totale r sonance avec le caract re informel et spontan de l urbanit montr alaise Am nager les terrains vagues Apr s avoir argument pour une monumentalisa tion du terrain vague il peut sembler paradoxal d introduire la question de son am nagement Ne constitue t il pas justement cet espacement spatio l vation sur mobilier temporel variable entre deux am nagements construits L am nager n est il pas nier ce qui le caract rise Questions parfaitement l gitimes qui doi vent cependant ici tre replac es dans un contexte sociopolitique concret Montr al ville d chuef Montr al ville perfor e o chaque trou serait le sympt me attestant la chute partir de 1994 on commence chez les adminis trateurs municipaux s int resser la probl matique des terrains vagues C est plus particuli rement le cas de la rue Sainte Catherine principale art re com merciale de la m tropole qui attire l attention des lus Reste de projets ambitieux jamais r alis s le 54 LES ANNALES DE LA RECHERCHE URBAINE N 85 chapelet d espaces vacants qui ponctue d est en ouest la rue Sainte Catherine agace la nouvelle administra tion Bourque fra chement arriv e au pouvoir Dans l
37. un terrain vague du Plateau Mont Royal un des quartiers popu laires les plus actifs de Montr al Bissonnette propose une version pauvre hybride et ouverte de la place publique reposant principalement sur une mise en situation singuli re d l ments de mobilier conven tionnel emprunt s aux services municipaux 48 arbres en pot 12 bancs publics non ancr s une vingtaine de corbeilles d chet et un gradin servant sur les terrains de sport L absence de formalit de l intervention encourage l appropriation collective du lieu qui deviendra spontan ment pour un temps l aube d un scrutin r f rendaire sur la souverainet du Qu bec un agora populaire sans pr c dent Dans la lign e de cette intervention mais suivant d autres modalit s l am nagement r alis par la Ville en 1996 sur un imposant terrain vague situ non loin du Mus e d art contemporain constitue aussi une int ressante r alisation Commun ment d sign comme le Parc des Festivals cet am nagement modeste compos d un immense quadrilat re de poussi re de pierre d une diagonale d asphalte et d un encadre ment v g tal minimal constitue un support appro pri pour servir une culture de la place publique qui Montr al comme le remarquait l architecte Jacques Rousseau se fonde plus dans l v nement que dans la dur e 5 Le mobilier constitue ici beau coup plus que toute formalisation p renne la figure clef
38. ur assainir et contr ler la turbulente capitale Il s agira l notamment d vacuer le terrain autour des grands difices et de cr er de larges bou levards permettant la libre circulation de Pair et la lumi re ainsi qu un d ploiement ais des troupes L videment planifi de la ville donne aux monuments un aspect plus agr able au regard tout en facilitant la r pression des troubles 3 Poursuivant dans une logique analogue Le Corbusier affirme dans La Charte d Ath nes qu au nom de la sant publique des quar tiers entiers des villes historiques devraient tre condamn s C est plus ou moins l gitim e par cette id ologie sanitaire et positiviste que la m canique technocratique pilonne sans remords partir des ann es soixante les villes du monde occidental Aussi t lescop que puisse tre ce survol il suffit n anmoins marquer une diff rentiation notable entre le vide du terrain vague et la vacuit recherch e par le pouvoir ordonnateur Si le terrain vague est souvent un produit aff rent au processus du rationalisme abstrait il ne proc de pas de la m me logique C est qu il est r sidu interstice et que c est justement la fertilit de ce reste que redoute l appareillage de l ordre c t de la vacuit r gulatrice d une planification hygi niste il fau drait plut t pour caract riser le terrain vague parler de porosit Le pore est cavit et passage li
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