Accès aux technologies en Algérie: imposition ou
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1. l environnement socioculturel de s approprier ses mat riaux et d en faire usage son gr au terme d une s rie de transactions traductions op rations de transit et de transfert 1983 31 Ici apparaissent ces m diateurs informels essaimeurs d innovations que le groupe coopte par un lien d amiti plus que d all geance ibid 1983 35 sur la base d une l gitimit professionnelle av r e davantage que d injonctions qu administratives Publiques ou priv es les entreprises alg riennes ne laissent gu re de place dans leur mode de fonctionnement ces interm diaires culturels qui d codent et recodent des fragments de savoir les encha nent les transforment par g n ralisation les transportent d un cas l autre par analogie ou extrapolation qui capitalisent de menus savoirs en attente d utilisation ici une explication l un renseignement administratif de Certeau et Giard 1983 33 Elles ne laissent pas plus de place la construction d une identit apprenante M tais et Moingeon 2001 fond e sur le droit l essai erreur le sens du partage et les relations de confiance qui sont la base de cette stimulante sensation de pr sence sociale Salinas Rassmus Grohn et Sjostrom 2000 indispensable au travail collaboratif Faute d autonomie des agents sociaux le processus d appropriation technologique perd la fois sa localit et son his2. une attitude critique l gard de la technique Bien entendu on ne peut ici ne pas se r f rer l uvre de Corn lius Castoriadis notamment ses deux concepts cl s que sont l autonomie et l imaginaire social qui conditionnent dans sa th orie toute cr ativit sociale Ancrage et ext riorit de l objet technique Ce rappel th orique quoique long nous a paru n cessaire pour comprendre ce qui se passe dans les contextes qui comme ceux d Alg rie peinent embrayer pour passer de l utilisation l appropriation Soci t consommatrice plut t que productrice de technologies l antagonisme entre normes prescrites et pratiques sociales y est doublement amplifi d une part par le d calage entre le syst me sociotechnique Trist amp Bamforth 1951 Trist amp Emery 1960 import et le milieu social local et d autre part par la persistance notamment chez les cadres charg s d implanter les dispositifs acquis d un imaginaire inhibant marqu par une tendance la d ification AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 de la technologie avec les conduites de d terminisme technologique qui en r sultent cela s ajoute une instabilit structurelle qui affecte l inscription des technologies tant dans l espace que dans le temps Aliment et entretenu de l ext rieur le flux technologique tend s imposer comme une entit a historique Ainsi les structures forme
3. d en revendiquer une part de parent refl tant par l m me la solitude de l inventeur dans son propre milieu professionnel Une situation analogue est observ e en ce qui concerne les inventions r alis es en dehors des entreprises Il n y a en effet pratiquement pas de diff rence de statut ou de devenir entre les inventions r alis es dans le cadre d une entreprise et celles qui le sont dans un obscur atelier de bricoleur agissant titre individuel L encore les inventions sont tr s majoritairement le fait d individus op rant seuls ou dans quelques rares cas en bin me Les deux profils d inventeurs se retrouvent dans les m mes foires et font face aux m mes difficult s faire reconna tre la faisabilit technique et l int r t commercial de leurs inventions et leur trouver un d bouch industriel Ces inventions sont r guli rement pr sent es dans des foires et des ateliers dits de valorisation des r sultats de la recherche organis es par diverses institutions comme l ANVREDET la Direction de la Recherche du minist re de l enseignement sup rieur et de la recherche scientifique et autres organismes pour glorifier l ing niosit du syst me titre d exemple le suivi des travaux de l ANVREDET depuis 2002 nous a permis d identifier une quarantaine de prototypes et de proc d s industriels dont plusieurs ont 9 Tahar Djaout 1984 Les Vigiles Roman Paris Seuil KHELFAOUI ACC S
4. enracine durablement dans un milieu pour permettre l accumulation et la constitution de traditions technologiques Dalp 1984 On entend ici par dimension spatiale l tude des milieux des r seaux de travail et de leurs interactions incluant le cadre institutionnel et les structures d appui On entend par dimension temporelle la mani re dont ces milieux se constituent et se transforment dans le temps ainsi que les enjeux sociaux culturels et politiques de cette transformation Cette dimension commande l exp rience sociale les modalit s d inscription sociale de la technologie et l historicit au sens o cette inscription se r f re un contexte historique et socioculturel particulier 2 En Alg rie la recherche scientifique souffre davantage de l insuffisance de capacit s de r alisation humaine que de financement ou d encadrement institutionnel Khelfaoui 2006 AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 Ce travail r sulte d un ensemble de mat riaux recueilli principalement au cours de trois enqu tes ayant successivement port sur la collaboration recherche industrie les pratiques d innovation dans les entreprises alg riennes et le suivi d un chantillon de prototypes expos s dans diverses foires et encadr s par de l Agence nationale de valorisation de la recherche et de d veloppement de technologie ANVREDET Ces enqu tes ont touch une dizaine de laboratoires d universit autant d en
5. ALG RIE CD de leurs usages initiaux C est ainsi que la plupart des inventions et des propositions d innovation naissent en dehors ou la p riph rie des dispositifs mis en place Ces inventions restent cependant l tat exp rimental d passant rarement pour ne pas dire presque jamais le stade du prototype Les tentatives r p t es de les traduire en innovations se heurtent quasi syst matiquement une sorte de mur invisible qui emp che leur aboutissement Si des inventions parviennent na tre en marge de l organisation formelle voire contre la logique m me qui l anime peu d entre elles franchissent le seuil de l industrialisation pour donner lieu un produit ou une qualit technologique acceptable par le march En somme si les organisations formelles s av rent st riles les pratiques informelles se r v lent plus inventives sans pour autant parvenir traduire leurs inventions en innovation technologique au sens schumpet rien Cette situation suscite de multiples questions que cet article tente de d crypter et d en comprendre les ressorts ultimes D abord qu est ce qui fait que des dispositifs industriels con us par des experts l image de ce qui se fait dans les pays les plus avanc s d o ces technologies mat rielles et organisationnelles sont import es soient ici si peu favorables l appropriation innovation Ensuite quoi peut on attribuer cette di
6. AUX TECHNOLOGIES EN ALG RIE 15 t brevet s ou ont obtenu des prix d organismes internationaux comme l ONUDI et l Organisation Mondiale de la Propri t Intellectuelle De toutes les inventions que nous avons suivies aucune n a t acquise par une entreprise des fins d exploitation ou de commercialisation Tant que l invention est au stade du d veloppement de la maturit et de la conformit technique c est dire tant qu elle n entre pas dans le processus de production et donc de transformation du syst me sociotechnique en place en somme tant qu elle ne fait que t moigner du savoir de l inventeur sans affecter l ordre en place elle peut mobiliser attention et capitaux ce stade elle contribue alimenter l illusion d un syst me de gouvernance cr ateur sans en d ranger la routine et les int r ts qui se tissent autour de cette routine Ainsi les entreprises tout comme les pouvoirs publics n h sitent pas investir dans les phases co teuses de la cr ation de l exp rimentation et du prototype mais n osent franchir l tape de mise en production qu il s agisse d un quipement d un proc d ou d un produit de consommation courante Khelfaoui 2008 Tout se passe comme si d s qu il tait question de passage l innovation d s que l ordre tabli est susceptible de conna tre des perturbations le soutien et l int r t accord s
7. Georges 1956 Probl mes humains du machinisme industriel Paris Gallimard Guerid Djamel 2007 Lexception alg rienne La modernisation l preuve de la soci t Alger Casbah ditions Gonod Pierre F 1989 La technologie g n rale projet d encyclop die syst mique de la technologie Analyse des syst mes Vol XV N 1 et 2 Harbi Mohamed 2007 Culture et d mocratie en Alg rie retour sur une histoire Le Mouvement Social 219 220 2 3 p 25 34 Haudricourt Andr Georges 1987 La technologie science humaine recherche d histoire et d ethnologie des sciences Paris Maison des Sciences de l Homme KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN ALG RIE 19 Jou t Josiane 2000 Retour critique sur la sociologie des usages R seaux Herm s 100 pp 489 521 Jou t Josiane Sfez L dir 1993 Usages et pratiques des nouveaux outils de communication Dictionnaire critique de la communication Paris PUF Khelfaoui Hocine 2008 Ing nieurs de recherche en Alg rie affirmation professionnalit identit Knowledge Work amp Society Savoir Travail et Soci t Vol 5 No 1 pp 53 79 Khelfaoui Hocine 2007 Strat gies individuelles et collectives d int gration des TIC en Alg rie In Le Maghreb dans l conomie num rique Mihoub Mezoughi dir IRMC Maisonneuve amp Larose pp 71 90 Khelfaoui Hocine Ferfera Yassine et Ouchalal Houria 2007 Acc s aux technologies et pratiques de la R a
8. celui ci reste fondamentalement enracin dans le m me ethos culturel Cependant l o les technologies sont import es en tout cas dans le contexte de l Alg rie il ne s agit pas seulement de s adapter ou de contourner un nouveau syst me de normes mais de transiger avec une vision du monde diff rente qui est en outre parfois per ue comme porteuse d une ambition de domination conomique et culturelle C est cette diff rence de contexte social dans toutes ses dimensions relationnelles et organisationnelles aussi bien que culturelles et politiques doubl e ici d un soup on de domination qui fait que certains courants notamment au sein de la mouvance islamiste voient dans les promoteurs de technologies occidentales des porteurs de cultures trang res une sorte de cheval de Troie cherchant introduire si ce n est imposer des valeurs trang res la soci t cet gard Djamel Guerid note qu au niveau de l entreprise le comportement de l ouvrier op re une double dissociation il est d un c t soumission un certain nombre de mod les industriels de l autre refus de la vision du monde qui les contient 2007 198 Il faut ajouter cela mais les deux points sont reli s qu la diff rence des pays avanc s o culture identit et socialisation sont largement fa onn es dans le travail Sainsaulieu 1977 Dubar 1998 ici elles tendent se construire en d
9. cr ation socio conomique 1992 164 ces d calages entre prescrit et r el s ajoute dans le cas de l Alg rie un autre celui qui r sulte de la diff rence de syst me social voire de vision du monde entre les soci t s dans lesquelles et pour lesquelles la technologie a t con ue et produite et celle vers lesquelles elles sont transf r es Car l importateur de technologies n ach te pas seulement des principes de physique ou de m canique mais aussi un syst me de performance social articul ces technologies d fini dans et par le contexte de sa conception et de sa production L cart entre les prescriptions et les pratiques est d autant plus important combler que les diff rences de culture le sont Chez Michel de Certeau les usagers opposaient aux strat gies des industriels des tactiques de contournement et parvenaient les domestiquer au sens de les rendre utilisables dans leur contexte Cette opposition entre strat gies prescriptives et conduites de contournement d tournement se pr sente sous une forme encore plus exacerb e dans les soci t s importatrices qui ne partagent pas le m me syst me de valeurs et de pouvoirs Certes m me l o lestechnologies sont cr es mises au point et fabriqu es les usagers aspirant l autonomie sont confront s un nouvel univers de r gles et de normes celui que v hicule tout nouveau syst me technique mais
10. dans le collectif rel guant l acte cr atif dans la solitude du domaine individuel En reprenant son compte sans regard critique les normes sociotechniques import es le syst me local ignore par l m me sa propre localit et donc sa capacit de s manciper de la vision du monde incorpor e dans un dispositif industriel mis au point dans et pour d autres contextes sociaux Or l assimilation soi du dispositif sociotechnique import est la condition de l innovation locale En tant de nature la fois technique et socio organisationnelle celle ci contribue combler l cart entre syst me technique et syst me social L appropriation innovation permet de se lib rer des contraintes du dispositif sociotechnique import C est faute d avoir r alis cet objectif que les dirigeants et les cadres alg riens se sont trouv s de fa on tout fait ind pendante de leur volont dans une situation d alli s objectifs du syst me industriel import d agents accultur s et travaillant l acculturation de leur propre soci t Dans le temps l instabilit sociale organis e au b n fice de la stabilit politique conduit des interruptions continuelles des processus d apprentissage et de mise en place des r seaux sociaux de la technologie emp chant les groupes sociaux et par del la soci t de s inscrire dans leurs propres histoires de produire les l ments d une culture qui l
11. et mode de circulation de l information des rapports de production rapport humain humain et humain machine des rapports de pouvoir marge d autonomie et d initiative dans le 6 Certes avec les r seaux num riques ce local peut tre d tach d un lieu physique particulier mais ses propri t s rassembleuses ne sont pas affect es dans la mesure o les membres du r seau gardent en partage ind pendamment du lieu g ographique des fa ons de travailler ensemble des valeurs et des r f rents communs comme le montre l exemple des entreprises en r seaux qui se d veloppent dans le domaine des TIC Castells 1998 et 2002 Beck 2001 ou d une autre mani re celui des hackers Castells 1998 Proulx et al 2005 ou des jeunes construisant des espaces virtuels avec leurs t l phones mobiles Yun 2006 KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN ALG RIE travail de la tradition technologique de l entreprise savoir et savoir faire accumul s et transmissibles C est en ce sens que Christian Debresson note que la technologie n est pas seulement un ensemble de proc d s et d instruments de logiciels et de mat riels qu on peut acheter et mettre en oeuvre mais aussi un tat d esprit une attitude l gard de la nature un comportement culturel 1989 70 Ainsi la technique s inscrit dans des processus et des milieux qui restituent ce que Jacques Perrin appelle la dimension culturelle de la
12. les op rations dites de restructurations des entreprises entam es vers le milieu des ann es 1980 De multiples restructurations mot qui tient quasiment lieu depuis cette p riode de politique industrielle ont affect le secteur industriel public Organiques financi res ou manag riales on en a d nombr si on y inclut celles qui ont affect profond ment les staffs de direction des grands groupes industriels une douzaine de 1984 2004 Justifi es d abord par le gigantisme des entreprises elles l ont t par la suite par divers mots d ordre plus ou moins li s la rentabilisation ou aux plans d ajustement structurel dict s par le FMI Ces restructurations ont affect les entreprises publiques dans plusieurs domaines clatement en une multitude d unit s de petite taille accroissement de l emploi de bureau au d triment de l emploi productif d portation de la plupart des si ges sociaux hors d Alger rupture des liens entre les fonctions de production de distribution et de commercialisation Sur le plan de l emploi en miettant les entreprises les restructurations ont multipli les postes administratifs et de direction sans pour autant cr er d emplois productifs l infrastructure technique restant inchang e lorsqu elle ne se d grade pas Pour combler ces postes les ing nieurs et les employ s les plus qualifi s quittent vague apr s vague la fili re techn
13. leur identit professionnelle En Alg rie aux difficult s d int gration de la technologie dans l espace social local viennent s ajouter des discontinuit s et des interruptions du processus d appropriation des technologies Cette continuit est en effet sans cesse bris e par des ruptures qui viennent d stabiliser le processus de s dimentation des savoirs et des savoir faire ou de constitution d une culture de travail collectif qui ne manque pourtant pas dans les formes d organisations traditionnelles Ces ruptures sont pour l essentiel le r sultat de trois ensembles de mesures ayant accompagn la lib ralisation de l conomie les restructurations les plans sociaux et les dispositifs dit de r gulation du commerce ext rieur Les deux premi res mesures ont essentiellement affect l entreprise publique la troisi me n a pas pargn l entreprise priv e qui vient pourtant peine KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN ALG RIE 11 d merger dans le champ conomique Dans l ensemble ces mesures ont produit trois effets n fastes au processus d appropriation des technologies la d stabilisation continuelle des entreprises la bureaucratisation des structures avec la multiplication de l emploi administratif et enfin la primaut des activit s marchandes de nature sp culative au d triment de celles de production Reprenons les dans l ordre chronologique Il y eut d abord
14. pour peu qu elle soit disponible mais interd pendantes et interactives En explorant ces interactions George Canguilhem souligne le r le actif des agents sociaux dans la mise en uvre du syst me technique Loin d tre mall ables volont ces KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN ALG RIE agents ne se situent pas dans leur milieu un milieu o les techniques tiennent d sormais une place pr pond rante comme un contenu dans son contenant Canguilhem 1969 154 Cette interaction entre les agents sociaux et leur milieu g n re ce qu Yves Schwartz appelle un ph nom ne d assimilation soi 1991 173 de l objet technique qui est sp cifique chaque soci t L assimilation int riorisation qui en r sulte fait de la technologie une construction sociale qui m me si elle peut rev tir un caract re g n ral dans ses principes reste toujours sp cifique dans les solutions qu elle apporte chaque situation Or consid rer les technologies comme un ph nom ne a historique transcendant son contexte social on est amen croire en son ind pendance par rapport toute connaissance capable de se les annexer pour s y appliquer ou de les informer pour en multiplier les effets Canguilhem 1969 127 D s lors qu elle s inscrit dans le collectif l utilisation se transmute en usages ou en pratiques sociales pouvant mener l appropriation Celle ci se d finit alors non seulemen
15. AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 Acc s aux technologies en Alg rie imposition ou appropriation Hocine Khelfaoui Centre Interuniversitaire de Recherche sur la Science et la Technologie CIRST Universit du Qu bec Montr al E mail khelfaou hocine uqam ca Introduction En Alg rie l acc s la technologie a toujours t un r ve partag un r ve de croissance et de rattrapage technologique pour les dirigeants de promotion et de distinction sociales pour les agents sociaux C est ainsi que ce pays tente depuis pr s d un demi si cle de promouvoir une conomie industrialis e Au cours de cette p riode l tat a entrepris deux reprises de mettre en place une strat gie d industrialisation et d acc s aux nouvelles technologies La premi re bien connue fut men e au cours des ann es 1970 autour des industries dites industrialisantes La deuxi me a t initi e au cours des ann es 1990 et portait sur l int gration des technologies de l information et de la communication Financ es et pilot es par l tat ces deux exp riences avaient en commun de rev tir une ambition nationale Chacune s est accompagn e en effet d un dispositif institutionnel et organisationnel complet et relativement coh rent au plan formel Chacune a donn lieu la cr ation d un nombre plus ou moins important d entreprises essentiellement publiques dans le premier cas mais
16. G RIE lois ont ruin une industrie encore en plein apprentissage technologique et ont conduit de nombreux entrepreneurs priv s abandonner les activit s de production pour se convertir en importateurs de produits finis L lan pris par le secteur de la PME et sa territorialisation comme les bassins industriels d Oran de Bejaia de Ghardaia et d Annaba en a consid rablement t frein Quant aux entreprises publiques dont le statut interdit de changer de raison sociale plusieurs d entre elles ont t mises soit en faillite soit suffisamment en difficult pour accroitre leur d pendance des subsides de l tat et donc du Pouvoir politique Dans la mesure o comme le note Josiane Jou t les usages sont souvent le prolongement de pratiques sociales d j form es 2000 500 ces perturbations de divers ordres ont introduit des discontinuit s et des ruptures et emp ch l ach vement du processus d apprentissage et d appropriation technologiques qui malgr la bureaucratie et les multiples entraves commen ait chaque fois se mettre en place Elles ont ainsi affect la dimension temporelle de la technologie une des conditions de son inscription dans le corps social et constitu une entrave l affirmation d un compagnonnage dans la dur e qui permet au savoir de se relayer d une g n ration l autre tout en se perfectionnant d faut de continuit le processus d inscription socia
17. ans la technologie que la science met notre disposition ou dans la technicit des individus pris isol ment que 10 Pour des raisons de temps d attente et de frais d bourser rares sont les inventions qui sont brevet es Outre la longueur de la proc dure de traitement qui prend entre 3 et 7 ans l inventeur doit d bourser 10000 dinars par ann e et par brevet Source Association Nationale des Inventeurs Alg riens El Watan 27 avril 2005 De plus la faiblesse des capacit s de reproduction industrielle est telle que le risque qu un entrepreneur sempare d une invention est presque nul Selon un inventeur il y a m me davantage de risque de recourir au brevet tant celui ci peut se retrouver l tranger entre les mains d une organisation capable de l industrialiser 11 Tlen est de m me de celles nombreuses dont la presse fait tat r guli rement g n ralement d ailleurs pour plaindre le sort de l inventeur livr lui m me 12 Comme le montre les budgets qui sont consacr s de la recherche d veloppement par l Etat et par les grandes entreprises publiques Khelfaoui 2006 Kbelfaoui et al 2007 16 AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 dans les gestes de la fabrication des gestes collectivement structur s dans l espace et culturellement ancr s dans l histoire contemporaine Yves Schwartz souligne bien la dimension spatio temporelle ce retravail des normes crit il ce jeu entre presc
18. aussi priv es dans le deuxi me cas Pourtant aucune de ces tentatives n a permis dans sa d marche formelle l mergence de milieux innovateurs cons quents Si certaines entreprises ont pu exceller dans l exploitation des technologies import es peu d entre elles se sont fait conna tre par des capacit s remarquables de renouvellement technologique autonome Publiques ou priv es les entreprises mises en place se cantonnent depuis 50 ans au r le d utilisatrices passives sans contribution notable au mouvement d sormais quasi plan taire d innovation technologique l inverse on observe l mergence ici et l d une cr ativit surprenante venant de r seaux informels parall les ou underground form s de bricoleurs et de gens parfois peu instruits Le fait remarquable est qu autant les technologies qui sont mises en uvre au sein du dispositif formel celui des entreprises ou m me des institutions scientifiques comme les universit s et les centres de recherche ne d passent pas le stade d une utilisation au mieux conforme au mode d emploi sans gu re conna tre une quelconque modification adaptation ou am lioration autant celles qui se pratiquent en marge des prescriptions formelles sont appropri es adapt es voire d tourn es 4 Professeur associ Centre Interuniversitaire de Recherche sur la Science et la Technologie UQAM Montr al KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN
19. ehors de l entreprise avec laquelle les ouvriers se contentent d entretenir un rapport purement instrumental changer une partie de leur temps contre un salaire 7 M me si dans la crise des identit s Claude Dubar 2000 observe que ce processus tend se d placer en dehors de l entreprise 10 AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 Guerid 2007 199 C est la raison pour laquelle certains groupes sociaux ont v cu les exp riences d industrialisation men es par le haut impos es par une lite occidentalis e ou per ue comme telle comme une agression culturelle Ce malaise aggrav par le d sarroi qui a accompagn la crise du mod le de d veloppement tatique auquel l industrialisation est associ e a t astucieusement exploit par les diff rents courants de la mouvance islamique ou patrimonialiste de mani re g n rale en l imputant aux courants la cs et industrieux En Alg rie il est facile d observer que l industrie est qu elle soit publique ou priv e le domaine d investissement des groupes sociaux de tendance la que alors que l conomie marchande est le domaine de pr dilection de la mouvance islamique Conjugu la crise sociopolitique ce murmure des soci t s qui voque chez Michel de Certeau le mouvement imperceptible des r sistances sociales face aux impositions des syst mes techniques s est transform en Alg rie au cours de
20. es technologiques tant au niveau de l tat qu en celui de l entreprise Retraduite dans les pratiques manag riales cette posture a 3 cet gard on peut d ailleurs se demander si la subite popularisation de l expression Aoudhou billahi min kalimat ana que l on peut traduire ainsi Dieu me pr serve du moi par la mouvance islamique nest pas une r action au mod le individualiste port par le syst me d industrialisation KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN ALG RIE pour effet de r duire le travail industriel sa seule dimension technique quelques nuances pr s dans toutes les entreprises les structures formelles sont toujours inspir es des pr ceptes tayloriens les cloisons d limitant les zones de comp tences en fait surtout de chasse gard e l emportent sur les flux d changes l opacit sur la transparence la r tention sur le partage Les qualifications sont calqu es sur les prescriptions techniques du proc s de production et rarement associ es des savoir tre qui s enracinent dans le terreau social et professionnel propre l entreprise Il ne peut en tre autrement car si la qualification comme ensemble de savoirs et de savoir faire est une caract ristique individuelle il en est autrement de la comp tence incluant les savoir tre celle ci se construit dans le groupe et est de ce fait une propri t sociale Etant le r sultat d interactions interindividuelles et
21. eur est propre et qui n est que la fa on particuli re dont ils se prennent pour r soudre les probl mes tels qu ils se pr sentent dans leur contexte Faute de s inscrire dans cette posture la technique est rest e un l ment tranger un isolat que l on ne peut perp tuer que par le recours l importation Car socialiser la technique revient aussi KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN ALG RIE l inscrire dans un continuum d usages Toute rupture de ce continuum qui peut par exemple se produire lors d une atteinte la libert d agir collectivement l autonomie de l action et du jugement conduit une d stabilisation si ce n est une interruption de la dimension temporelle du processus d innovation Une telle situation peut affecter une entreprise aussi bien qu une soci t voire m me toute une aire socioculturelle 18 AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 Bibliographie Akrich Madeleine Callon Michel et Bruno Latour d 2006 Sociologie de la traduction textes fondateurs Paris Centre de sociologie de l innovation cole des mines Akrich Madeleine 1989 La construction d un syst me socio technique Esquisse pour une anthropologie des techniques Anthropologie et Soci t s 13 2 pp 31 54 Alter Norbert 2000 L innovation ordinaire PUF Paris Arabi Megherbi Khelloudja Arabi Mohamed et Khelfaoui Hocine 2006 Les pratiques d innovation et le
22. ff rence d inventivit entre d une part des organisations industrielles puissamment dot es et structur es selon les r gles d un management se qualifiant de moderne et d autre part des groupes voire parfois de simples individus relativement d nu s de moyens se fiant aux simples codes informels du bricolage et agissant parfois dans un contexte de semi clandestinit Pourquoi les inventions r alis es par les individus et les groupes informels ne d passent elles que rarement le stade du prototype sachant que les facteurs habituellement voqu s comme qu obstacles au parach vement de ce processus financement soutien institutionnel entreprenariat ne le sont pas dans le contexte tudi et se pr sentent m me avec moins d acuit que dans certains autres contextes sociaux innovants Pour r pondre ces questions nous avons choisi d orienter nos investigations vers l analyse des usages sociaux de la technologie que nous situons ici dans une double dimension spatiale et temporelle Les notions d espace et de temps sont d terminantes dans la compr hension de l usage R aliser s approprier s inscrire dans des relations se situer dans le temps sont selon Michel de Certeau 1990 81 les l ments essentiels de l usage L usage est affect tant par les r seaux de collaborations dans lesquels se met en place le processus d acquisition des savoirs et savoir faire que par la mani re dont il s
23. iaux Visant explicitement r duire les co ts du facteur humain ces plans ont consist pour l essentiel organiser des d parts volontaires et des d parts la retraite anticip e Ils vont se solder par la perte des plus anciens et des plus qualifi s des employ s S ils ont pu se conclure par quelque gain financier court terme les conomistes ont des avis tr s partag s ce sujet ils ont l encore produit le m me effet celui d une perte de savoir et de savoir faire accumul s et surtout des traditions de travail industriel localement construites Conjugu s la d valorisation mat rielle et sociale du travail d usine ces plans sociaux successifs ont conduit les ing nieurs et les techniciens quitter massivement le secteur productif au cours des ann es 1980 et 1990 La lib ralisation de l conomie s est accompagn e en effet d un gel de l investissement public l emprise de l id ologie n olib rale tait telle notamment durant toutes les ann es 1990 que le seule vocation du recours l Etat tait devenue honteuse et d un d veloppement exponentiel des activit s sp culatives aliment es par le d placement de la rente p troli re du secteur de la production vers celui de la consommation Dans ce contexte de nombreux ing nieurs et les managers taient contraints de rejoindre massivement le secteur du commerce informel devenu la base conomique du r gime re
24. intergroupes le processus de construction des comp tences est comme le notre Malecki 1995 106 essentiellement local Tout en partageant ces caract ristiques les entreprises priv es sont en outre pour la plupart de type familial avec un mode de gestion patriarcal qui s apparente davantage au paradigme manag rial pr industriel G r es par des personnes peu qualifi es qui ne font pas encore la diff rence entre la fonction de gestionnaire et celle de propri taire elles s inscrivent davantage dans une logique de reproduction que d innovation Patrons plut t que superviseurs ces propri taires se plaignent sans rel che de l absence de culture professionnelle chez leurs employ s et de leur perception opportuniste du travail sans se rendre compte que cette culture et cette perception d rivent largement de leurs propres modes de gestion Directifs les rapports de pouvoir qu ils mettent en place laissent peu d espace l initiative non contr l e et suscitent en cons quence des strat gies effectivement opportunistes de contournement D autant plus que dans nombre de cas ces patrons dirigeants concentrent et conservent pour eux l essentiel de l information des qualifications et des savoirs de l entreprise et se montrent peu soucieux de mettre en place les m canismes de leur diffusion au reste du personnel Arabi et al 2006 Omnipotents et solidement inf od s a
25. ique pour acc der la fili re organique passant ainsi des ateliers de production aux bureaux administratifs Au plan macro organisationnel ces restructurations ont s par et cloisonn les fonctions de production de celles de distribution et parfois m me les fonctions de distribution de celles de commercialisation en en faisant des entreprises distinctes et ind pendantes les unes des autres Ce qui tait auparavant de simples structures de distribution ou de commercialisation est rig en entreprises ind pendantes de l entreprise m re et jalouses de leur nouveau pouvoir Il en a r sult un cloisonnement des fonctions qui a eu pour effet de faire perdre aux unit s de production toute emprise sur leur propre march Dans la m me foul e les si ges sociaux d entreprises vocation nationale ont t d port s hors de la capitale pour tre implant s l int rieur du pays souvent dans d invraisemblables petites villes au simple motif qu elles y disposent d une petite papeterie ou d une unit de fabrication de chaussures La d portation des si ges sociaux eut pour effet de bouleverser un environnement social professionnel et relationnel que les entreprises ont mis une d cennie ou deux mettre en place L ensemble de ces mouvements dans l emploi dans l organisation dans l environnement a produit des ruptures continuelles dans le processus de constitution d une m moire technologique En p
26. jusque l l invention lui sont subitement retir s tant port e par des r seaux sociaux l innovation est une r ponse collective organis e autour de la transformation de la situation existante dans toutes ses dimensions techniques mais aussi sociales Comme elle n est ici que le r sultat d une dynamique individuelle la cr ativit ne peut se muer en innovation technologique reproductible industriellement ayant donc des chances d avoir une large diffusion Cette impasse est le r sultat d une vision purement unidimensionnelle et quantitative qui ne con oit la technologie qu en termes d acquisition de transfert comme si la technologie est dans son essence une entit ext rieure ses usagers La rigidit du syst me d encadrement organis e pour emp cher toute r ponse collective la domination a contribu d velopper des conduites d individualisme qui la longue ont fini par atteindre un degr lev d exacerbation Ce narcissisme se manifeste jusque dans le tissu urbain dont l habitat ext rieurement sale et d grad tranche avec un int rieur soigneusement entretenu Or d finie comme capacit de cr er et de recr er la technologie l appropriation est une propri t sociale et ce titre se rattache davantage la qualit des interactions sociales qu aux qualifications individuelles Elle r side moins dans la connaissance des lois math matiques ou physico chimiques incorpor es d
27. le des technologies n a pu produire une accumulation suffisante pour embrayer et passer la vitesse sup rieure de l innovation qu elle soit incr mentale ou de rupture Situ s et valu s dans le temps ces restructurations plans sociaux et dispositifs de r gulation successifs ont donc surtout conduit d stabiliser et interrompre ce que Gilles Pronovost 1994 379 appelle un continuum d usages sociaux cette inscription dans la dur e qui permet l mergence d une vision partag e de la technologie et donc d une culture technologique commune Ils ont emp ch la constitution d un habitus ce double mouvement d incorporation cr ation ce syst me de dispositions durables et transposables structures structur es dispos es fonctionner comme structures structurantes Bourdieu 1980 120 Ce cycle d instabilit g n r et entretenu par le champ politique au sein du champ conomique emp che l accumulation de traditions indispensables aux processus d assimilation soi de la technologie processus qui conditionne toutes formes d innovation car comme l crit Thomas Kuhn et il en est de la technologie comme de tout autre forme de savoir seules les investigations fermement enracin es dans la tradition scientifique contemporaine ont une chance de briser cette tradition et de donner naissance une nouvelle 1977 307 Le syst me industriel a certes impos de
28. lles sont organis es autour d un certain rapport la technologie qui est un rapport d ext riorit tant technique la technologie est v cue comme universelle donc ind pendante de soi que culturelle le syst me industriel est fond sur l individu mais un individu ne jouissant pas de cette autonomie responsable n cessaire la cr ation dont parle Cornelius Castoriadis Ce rapport la technologie se heurte pourtant la conjonction de deux formes de r sistances l une r sulte des rapports internationaux de domination o l ext riorit est v cue comme hostilit l autre des r f rents sociaux locaux fond s sur la primaut du groupe sur l individu Harbi 2007 3 De ce rapport d ext riorit r sulte une sorte de f tichisme de la technologie fond e sur la croyance qu elle contient en elle m me toutes les conditions de son succ s Ce f tichisme inhibe toute volont d agir sur la technologie et explique corr lativement les conduites de rel gation du facteur humain qui caract risent tant les politiques que les pratiques industrielles Ainsi m me dans les situations o elle est parfaitement ma tris e dans ses principes de fonctionnement la technologie est rarement envisag e comme quelque chose de perfectible Cette r ification de la technologie semble pr valoir de mani re particuli re dans les contextes sociaux qui sont d pourvus des conditions sociopolitiques de sa cr ation et de sa re c
29. lli s au pouvoir politico rentier comptant souvent sur des march s ou des parts de march s captifs conc d s par les pouvoirs publics ils sont intol rants envers l apparition de formes de communication et de pratiques collectives non contr l es D pendant du champ politique davantage que du champ conomique ils reconduisent sa logique de domination dans leurs propres entreprises et font tout pour ne pas appara tre des outsiders au sein du syst me sociopolitique dominant En g n ral on ne voit pas dans l industrie alg rienne ces pratiques collectives semi autonomes mi canalis es mi informelles qui sont selon ce qui ressort des travaux de de Certeau et Giard les lieux o s expriment la cr ativit et la d couverte de solutions au quotidien Ici notent ils s invente et se pratique une mani re de retraiter 4 M me si en raison des contraintes de l environnement et de la pr valence au sein de l organisation du pouvoir politico administratif sur le pouvoir technique l application des principes tayloriens est largement limit e dans les faits 5 La proximit du patronat priv avec le pouvoir politique peut tre facilement observ e dans les lieux de loisir et de d tente comme les h tels et les restaurants de luxe C est l o se rencontrent patrons d put s s nateurs cadres de la centrale syndicale o se brassent les affaires et de concluent les alliances AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011
30. mp D dans les entreprises publiques alg riennes Les Cahiers du CREAD No 81 82 pp 99 128 Kuhn S Thomas 1977 La Structure des R volutions Scientifiques Paris Flammarion Leroi Gourhan Andr 1973 Milieux et techniques Paris Albin Michel Malecki Edward J 1995 Cultures as Mediator of Global and Local Forces In V Knaap amp R Le Heron dir Human Resources and Industrial Spaces A Perspective on Globalization and Localization London John Wileyet Sons Ltd Mallein Philippe et Toussaint Yves 1994 L int gration sociale des TIC une sociologie des usages Technologie de l Information et de la Soci t Vol 6 4 pp 315 335 Perrin Jacques 1992 Pour une r vision de la science r gionale L approche par les milieux Revue canadienne des sciences r gionales 15 155 197 Proulx Serge 2002 Trajectoire d usage des technologies de communication les formes d appropriation d une culture num rique comme enjeu d une soci t des savoirs Annales des t l communications Tome 57 No 3 4 pp 180 189 Pronovost Gilles 1994 M dias l ments pour la formation des usages Technologies de l information et soci t Vol 6 4 pp 377 400 Rogers Everett 1995 Diffusion of Innovations New York Free Press Sainsaulieu Renaud 1977 L identit au travail Paris Presses de la FNSP Schwartz Y 1991 La dimension anthropologique de la technique et ses d fis In Perrin Jacques dir Construire
31. ns la solitude et envers et contre tous La solitude de l inventeur Ainsi les propositions pouvant potentiellement conduire des innovations incr mentales ou des produits nouveaux sont l gion dans les entreprises et davantage encore en dehors d elles d ailleurs mais elles aboutissent rarement en un produit ou en un proc d industriel N tant pas propuls e par une dynamique collective la cr ativit reste pour l essentiel reli e des besoins d affirmation individuelle la curiosit scientifique et technique voire au sens du bricolage Sa mat rialisation en innovation se heurte l absence de r seaux sociaux des technologies Akrich Callon et Latour 2006 avec leurs prolongements internes et externes et de structures organis es cet effet car celles qui sont en place le sont pour organiser l isolement de l individu et emp cher toute relation l autre qui ne soit encadr e par la hi rarchie Ainsi dans les foires comme dans toutes les occasions o elle est publicis e tels que les comptes rendus de m dias l invention est uniquement pr sent e au nom de son auteur Aucune association explicite n est tablie entre elle et l entreprise o elle a t con ue Il faut en venir interroger les organisateurs ou l inventeur lui m me pour savoir qu elle a t mise au point dans telle ou telle entreprise De son c t l entreprise ne manifeste son tour aucune volont
32. ntier et d sormais bien plus payant D autres probablement parmi les plus qualifi s ont quitt le pays A cela est venue s ajouter l introduction d un dispositif de r gulation destin conforter l ouverture du march national D j en elle m me chaotique et d sastreuse pour des entreprises encore en phase initiale d apprentissage technologique ce dispositif eut pour effet de p naliser les entreprises de production qu elles soient publiques ou priv es par rapport celles qui se consacrent aux importations de produits finis En effet depuis le d but des ann es 1990 les lois de finances annuelles qui sont les r gulateurs de l conomie alg rienne taxent les produits semi finis et les composants qui entrent dans la production industrielle plus que les produits finis destin s la consommation En plus de favoriser les activit s d importation par rapport celles de production ces 8 Les mati res premi res sont parfois tax es 15 alors que le produit lui m me est tax 5 I y a des incoh rences dans la tarification douani re Ils les exportateurs ne peuvent pas tre comp titifs dans ces conditions Cest tellement compliqu que les producteurs alg riens vitent de se lancer dans l exportation D claration d un dirigeant de la Chambre Alg rienne du Commerce et de l Industrie rapport e dans le quotidien El Watan du 6 d cembre 2009 KHELFAOUI ACC S AUX TECHNOLOGIES EN AL
33. ozier et Friedberg 1981 Toutes ces disciplines ont abord d une mani re ou d une autre cette marge irr ductible d autonomie dans laquelle s effectue l usage et qui permet l individu socialis de mettre en place les conditions sociales de la cr ativit sous toutes ses formes On retrouve galement les pr suppos s de l usage dans les concepts d autonomie et d imaginaire social d velopp s dans l uvre de Corn lius Castoriadis Toutes ces th ories convergent sur le fait que c est par et dans l usage et la pratique autonome que les soci t s et les groupes sociaux mettent en place les conditions particuli res de cr ation de re cr ation et d appropriation de la technologie La nature soci tale du ph nom ne technologique s est d ailleurs impos e avec vidence d s l aube de la soci t industrielle lorsque les premi res grandes innovations sont apparues comme le fait de praticiens agissant non pas individuellement comme les artisans de l poque pr industrielle mais en r seaux de professions inter reli es En s affirmant comme syst me technique la technologie s imbrique au syst me social et acquiert par l m me une port e qui d passe l action individuelle consid r e en dehors de son contexte social Il en r sulte que la soci t et la technologie se pr sentent non comme des entit s distinctes l une de l autre o la premi re serait pr te adopter la deuxi me
34. r ation autonomie et responsabilisation des agents sociaux et inscription de la technologie dans le collectif En Alg rie elle pr vaut notamment chez les cadres technico administratifs dont la carri re est souvent tributaire du respect absolu des prescriptions d un patronat encore familial et paternaliste dans le secteur priv ou du pouvoir politique dans le secteur public cette absence d autonomie dans l action viennent s ajouter des conduites de d terminisme technologique qui creusent l cart entre les prescriptions formelles du dispositif industriel et les usages sociaux de la technologie Tandis que les l encadrement technico administratif veille au respect des r gles du dispositif per ues comme universelles et transcendantes et s occupe de mettre en forme les r gles du jeu les agents sociaux se chargent de mettre les formes qui sont comme le note Bourdieu 1986 40 autant de jeux avec la r gle du jeu Ainsi dans les deux exp riences alg riennes cit es plus haut le mode d inscription social des technologies est marqu par une double d termination l une technologique l autre politique qui exclut toute sp cificit aux objets techniques et toute libert aux agents sociaux rel guant par l m me la dimension humaine de la technologie Haudricourt 1987 C est pourquoi la pr minence de la technologie sur le facteur humain est une des constantes des politiqu
35. rit et r el ce recentrement industrieux est un espace tiss de symboles de traditions d histoires singuli res 1991 180 C est aussi en ce sens que signifie Pierre F Gonod 1989 souligne que la science ne devient technologie qu travers la soci t et c est dans le m me ordre d id e que Madeleine Akrich 1989 montre que la rationalit exclusivement technique n explique pas l laboration des objets techniques qui d pend aussi de facteurs culturels et sociopolitiques locaux Conclusion Partant de l analyse des usages dans les espaces formellement organis s que sont les entreprises nous avons t amen s mettre l accent sur la particularit des conditions et des modes d inscription sociale des technologies en Alg rie Nous avions formul l hypoth se d un antagonisme entre les normes prescrites par le syst me industriel et les pratiques sociales doublement amplifi d une part par le d calage entre le syst me social local et le syst me sociotechnique import d autre part par l incapacit du syst me industriel local se lib rer des r f rents v hicul s par ce m me syst me sociotechnique Cet antagonisme affecte le mode d inscription sociale des technologies dans ses dimensions spatiale et temporelle Dans l espace le syst me industriel et le syst me politique constitutif du champ de la domination convergent pour nier aux agents sociaux toute marge d autonomie
36. roie la mal diction de Sisyphe les entreprises sont contraintes effectuer un travail incessant de reconstruction de leur organisation et de leurs r seaux de collaboration peine mis en place et stabilis s l interne et l externe les relations de travail et les r seaux de collaborations sont d sint gr s soumettant cadres et employ s une incessante reconstruction du tissu socioprofessionnel De la m me AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 fa on ces restructurations ont bris le processus de capitalisation des savoirs savoir faire et savoir tre puisqu il faut nouveau apprendre se conna tre apprivoiser son nouvel environnement humain et surtout la transmission de ce capital aux nouvelles g n rations Lors des travaux ant rieurs sur la formation des ing nieurs de production nous avons pu observer quel point les restructurations de 1984 ont affect tous les r seaux de placement et d encadrement des stagiaires obligeant entreprises et instituts refaire de fond en comble ce qui a t r alis au cours des 15 pr c dentes ann es Essentiellement elles ont eu pour effet d emp cher les personnes les plus qualifi es de jouer ce r le de m diateurs techniques et de diss minateurs de la cr ativit sociale de Certeau et Giard 1983 ces contraintes de la gestion politico administrative sont venues s ajouter s par ment et sans coordination les fameux plans soc
37. s lieux qui sont des points de concentration comme des usines ou des zones industrielles avec leurs ateliers leurs bureaux leurs cantines et parfois m me leurs cit s ouvri res Mais ces espaces sont rest s comme des isolats dans le corps social sorte de lieux impurs au sens de Mary Douglas 2002 affectant peu le substrat social et ne parvenant m me pas s imposer l int rieur de leurs propres fronti res c est dire au sein m me de l usine ou de l espace industriel Guerid 2007 L clatement de l espace social et les discontinuit s temporelles conjugu s des rapports de pouvoirs bridant l autonomie et la responsabilisation apparaissent ici comme les principaux obstacles l inscription sociale des technologies et l mergence de r seaux sociaux m me de traduire les inventions en innovations Ainsi peut s expliquer 14 AFRICAN SOCIOLOGICAL REVIEW 15 1 2011 ce constat que les inventions se produisent le plus souvent en dehors de toute structure ou organisation collective et sont presque toujours le fait d individus isol s m me lorsqu elles ont pour cadre un atelier d entreprise Car si ces facteurs et leurs corollaires le fractionnement du travail et l opacit des canaux de communication entravent la constitution de r seaux sociaux innovants ils n emp chent pas que des individus tel le h ros du roman de Tahar Djaout expriment leur cr ativit da
38. s ann es 1990 en furie Technologie et temporalit Revenons la notion de temporalit Le temps joue un double r le dans le processus d inscription sociale des technologies en inscrivant la technologie dans la dur e m me si cette dur e au regard du cycle de vie d une technologie prise en particulier notamment des nouvelles technologies est de plus en plus courte elle permet d largir l usage un nombre significatif d individus et de contribuer la construction d une m moire technologique Il s agit donc ici des temps sociaux et non du cycle de vie d un objet technique donn La notion de temporalit ne concerne ainsi pas le rapport une technologie particuli re mais la continuit du rapport la technologie dans son sens g n rique Elle renvoie la pr sence au quotidien de l objet technique Robert Dalp 1984 a montr comment le processus de construction des technologies a un caract re la fois cumulatif et localis c est dire fortement ancr dans une tradition technologique propre une firme donn e et inscrit dans ce que cette firme a t capable de faire dans le pass Le niveau local y joue un r le essentiel tant le milieu o se construisent dans le temps des r seaux sociotechniques impr gn s d une vision du monde localement construite ayant en partage comme l ments fondamentaux de socialisation la tradition technologique de leur entreprise et
39. t par la capacit d utiliser l objet technique mais aussi de l incorporer sa propre vision du monde et d acc der par l m me la capacit de l adapter de le cr er et de le recr er L appropriation signifie le d passement du stade de l utilisation passive et l entr e dans celui de l innovation Ainsi appropriation et innovation se conditionnent mutuellement au sens o l une ne peut s envisager sans l autre Le lien appropriation innovation sur lequel revient Serge Proulx renvoie au lien innovation libert que l on retrouve chez plusieurs auteurs Georges Friedmann 1956 appelle d j dans sa critique du taylorisme la lib ration du potentiel de l individu tandis qu Yves Schwartz note que L innovation est proportionn e aux degr s de libert conomique et politique des innovants 1991 De son c t Norbert Alter associe l innovation au potentiel d initiative de l usager dans la mesure o celui ci ne peut cr er sans transgresser l ordre tabli Alter 2000 En conditionnant l mergence de l usage autonomie et libert lui impriment une orientation qui tout en n tant pas n cessairement celle que pr voient les concepteurs de la technologie commande son mode d inscription dans le corps social Elles constituent le terreau de la culture technique que Josiane Jou t 1993 d finit comme un ensemble de connaissances et de savoir faire combin
40. toricit Prescriptions formelles et pratiques sociales C est pourtant son inscription dans le local qui fait de la technologie quelque chose qui se diff rencie d une soci t une autre d une entreprise une autre Reprenant la critique de Fr d ric W Taylor par Georges Friedmann Canguilhem note que tout homme veut tre sujet de ses normes 1947 135 critique qui met le doigt sur la dimension locale et culturelle de la technologie La technologie ajoute Yves Schwartz 1991 173 ne peut tre une pure imposition externe qui d terminerait chez des ex cutants un moment de l exp rience vitale Elle est toujours le r sultat d une exp rience sans cesse renouvel e un processus de construction sociale reli un milieu qu il soit physique ou virtuel C est le fait d tre une construction sociale qui fait la diff rence entre les entreprises et les soci t s et qui explique pourquoi tout en utilisant les m mes technologies et les m mes qualifications professionnelles elles parviennent des r sultats conomiques et sociaux diff rents Si la technologie peut tre dans son essence la m me c est dire un ensemble de lois physiques mat rialis es dans un objet le syst me sociotechnique qui op re pr sente toujours des diff rences d un contexte un autre Ces diff rences s expriment au niveau des relations de travail horizontales et verticales de la communication acc s
41. treprises publiques et priv es appartenant aux secteurs de l nergie de l agroalimentaire et des technologies de l information et de la communication Prescriptions industrielles et pratiques sociales Michel de Certeau 1983 1990 a bien mis en vidence la tension qui peut tre la fois source d entrave et de cr ativit entre le syst me de normes industrielles et les usages sociaux entre les prescriptions du dispositif industriel et les pratiques de r sistance adaptation appropriation mises en uvre par les agents sociaux la suite de cet auteur l approche par les usages s est consid rablement d velopp e au cours de ces derni res d cennies notamment depuis que les technologies de l information et de la communication TIC ont pris une importance consid rable dans le travail aussi bien que dans la vie hors travail Mallein et Toussaint 1994 Rogers 1995 Flichy 1995 Jou t 2000 Proulx 2002 Ses pr suppos s et ses pr misses remontent cependant plus loin et se retrouvent sous d autres formes dans d autres disciplines des sciences humaines Ils taient d j largement r pandus en philosophie et en anthropologie Canguilhem 1949 Leroi Gourhan 1973 Haudricourt 1987 On les retrouve galement dans la sociologie du travail avec la critique du taylorisme Friedmann 1956 et dans une certaine mesure dans la sociologie des organisations avec la notion d autonomie de l acteur Cr
42. une science des techniques Limonest L Interdisciplinaire Technologie s pp 87 109 Trist Eric Bamforth Ken 1951 Some social and psychological consequences of the longwall method of coal getting Human Relations 4 pp 3 38 Trist Eric EMERY Fred 1960 Sociotechnical Systems In C W Churchman amp M Verhurst Eds Management Science Models and Techniques London Pergamon Press Vol 2 pp 83 97 Yun Agn s Jiyoung 2006 Sociomorphologie du M dia la Place Publique sur Mobile Soci t De Boeck Universit 91 2006 1 pp 107 117
43. urs implications socio organisationnelles cas des PME de la r gion de B jaia In H Khelfaoui dir L int gration de la science au d veloppement exp riences maghr bines Paris Publisud pp 63 87 Bourdieu Pierre 1986 Habitus code et codification Actes de la recherche en sciences sociales septembre pp 40 44 Bourdieu Pierre 1980 Le sens pratique Paris Minuit Cangu lhem Georges 1949 Milieu et normes de l homme au travail Cahiers Internationaux de Sociologie vol ITI pp 120 136 Cangui lhem Georges 1969 La connaissance de la vie Paris Vrin Castells Manuel 2002 La galaxie Internet Paris Fayard Castells Manuel 1998 La soci t en r seaux Paris Fayard Certeau Michel de 1990 Arts de faire Paris Gallimard Volume 1 Certeau Michel de Giard Lucie 1983 Lordinaire de la communication Paris Dalloz Crozier Michel Frieberg Erhard 1981 L acteur et le syst me Les contraintes de l action collective Paris Seuil Debresson Christian 1989 Les p les technologiques de d veloppement Revue Tiers Monde N 118 avril juin Douglas Mary 2002 De la souillure Paris Maspero Dubar Claude 2000 La crise des identit s l interpr tation d une mutation Paris PUF Dubar Claude 1998 La socialisation construction des identit s sociales et professionnelles Paris Armand Colin Flichy Patrice 1995 L innovation technologique La d couverte 1995 Friedmann
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