Trente ans de bière de mil à Maroua
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1. Trente ans de bi re de mil Maroua Christian Seignobos G ographe De nombreux chercheurs pour l essentiel anthropologues ont sou lign l importance de la bi re de mil dans le nord du Camerount dans des soci t s non musulmanes pour lesquelles f tes et rituels n taient pas envisageables sans elle Sur les premiers march s ouverts de 1930 1960 dans les r gions pa ennes toutes les pro ductions troqu es ou vendues taient vou es la fabrication de bi re Le mil utilis ne pouvant pour des raisons de s curit ali mentaire sortir des greniers familiaux il tait acquis sur ces proto places commerciales tout comme le mat riel aff rent Ces march s ont ainsi commenc sur un socle social qui permettait dif f rents quartiers entre lesquels s exer aient des antagonismes de se retrouver et de partager gr ce la bi re un espace neutre et convi vial C est encore le r le des march s bi re en marge des grands march s musulmans et des sar s bilbil citadins Cette primaut sociale de la bi re n a certes pas chapp aux autorit s administra tives qui n ont en revanche voulu retenir que ses aspects incontr lables et ses exc s 1 Beer drinking and festivals among the Hide de P Eguchi 1975 Bier brouwers in de bergen De kapsiki en Higi de W E A van Beek 1978 Culture mat rielle chez les Koma Gimbe des monts Alantika les gens de la bi re de mil de L Perrois et2. 554 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad femme Tupuri calebasses I Figure 5 Un comptoir m langer avec du bouillon boulettes de viande beignets de farine de bl makala ou de farine de ni b koosey ou encore de la pur e de pois de terre galaaji De nouveaux plats venus du Sud ont fait leur apparition comme les kuki de ma s depuis 1996 On assiste une volution importante des cabarets Dans les ann es 1970 le boire est fondamentalement s par du manger Or en 2000 ce n est plus le cas Pour un meilleur confort le buveur coupe l aci dit de la bi re et repousse la griserie en multipliant les encas de soya et de bouillon La nourriture servie dans ces cabarets n est ni une alimentation de rue vendeurs ambulants de soya de brochettes de viande s ch e kiliisi d ufs durs de pain de beignets de g teaux ni une C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua alimentation de chantiers gargotes o dominent poulets et poissons brais s accompagn s de bananes plantain et de pommes de terre Elle n a rien voir non plus avec les mod les familiaux de consommation ruraux ou citadins base de boules de mil ou de riz et de diff rents companagium appel s sauces Les bi res comme signatures ethniques n ont pas d quivalents dans les nourritures v hicul es et consomm es dans les cabarets
3. ma s n intervient pas encore dans la pr paration de bi re Les quantit s de sorgho utilis es s av rent peu pr s constantes dans les quartiers afin d une part de s adapter une m me clien t le et d autre part de ne pas d passer les autres et de ne pas tre ainsi rattrap par le principe d galit Les brasseuses doivent se limiter une r ussite raisonnable vis vis de leur communaut de peur de susciter des jalousies porteuses d agressions occultes qui ruineraient tous leurs efforts On retrouve les m mes rythmes saison s che saison des pluies avec un passage de deux brassages semaine un seul pour la saison des pluies avec une quantit plus faible de mil N anmoins pendant cette p riode le nombre de brasseuses diminue et certaines femmes avouent r aliser l leurs plus gros b n fices Les changements tiennent surtout aux quantit s brass es dans les grosses unit s de production avec 100 150 tasses 1 tasse envi ron 1 kg par femme deux fois par semaine Dans des secteurs p riph riques Makabay Fasaw La nd en revanche les quan tit s restent proches de celles des zones rurales La production moyenne serait Maroua de plus de 100 litres de bi re par cycle de production pour une mise de 40 kg de sorgho Lopez Muchnik 2001 p 153 On retrouve les m mes types de bi res qu en 1970 Toutefois le valawal apr s avoir fait une perc e la fin des ann e
4. me si elle permettait de payer l imp t de capitation soit la contr ler et en tirer des recettes fiscales R cemment encore dans les march s la p riph rie de Maroua le maire de la commune rurale a d renoncer pr lever des taxes 20 des recettes aupr s des femmes qui y apportaient leur bi re L nergie d ploy e pour recouvrer ces taxes s av rant trop lourde les tentatives sont toujours rest es sans lendemain On a galement pr t Bello Bouba Maigari Premier Ministre de 1982 19837 la volont de combattre la bi re Cela a t largement instrumentalis aupr s des populations non musulmanes par le Rassemblement D mocratique du Peuple Camerounais parti au pouvoir Les discours religieux Le discours scripturaire musulman et celui de certaines ob diences protestantes Adventistes Fraternelle luth rienne pros crit la bi re de mil Les missions catholiques quant elles s attaquent bien s r aux abus de boisson Toutefois un certain cou rant n en pr sente pas moins le mil sous sa forme de boule et de bi re comme des substituts possibles du pain et du vin de la c ne dans le cadre d une inculturation plus pouss e de l Eglise Jaouen 1995 Devant les pratiques de leurs ouailles les missions ont dans leur ensemble rel ch leur interdit sur la bi re pour concentrer leur vindicte sur l arge 6 Pour les diff rentes incises relev es dans les archives de Maroua propos des
5. t les qualit s nutritives calories vitamines du groupe B acides amin s essentiels lysine sels min raux Certains s interrogent sur les bienfaits de la bi re de mil non encore ferment e pour les jeunes enfants chez les Tupuri par exemple Ne serait elle pas un aliment protecteur de leur sant Mais dans le nord du Cameroun l opinion qui pr vaut est de s en tenir sa condamnation formelle Au d but des ann es 1980 la bi re de mil mais aussi l ensemble des bi res devient un probl me de sant publique pr occupant bien que le manque d information ne permette pas d appr cier pr cis ment l ampleur du probl me La conjugaison des points de vue religieux administratifs et des services de sant fait de la bi re de mil un fl au social ce que va confirmer la configuration d veloppementiste qui s est inscrite d entr e dans ce discours culpabilisant 532 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad Le discours des ONG et celui du D veloppement Le D veloppement a repris et amplifi surtout avec les disettes de 1973 1983 et encore r cemment de 1993 1998 le th me de la s curit alimentaire avec les greniers communs ou communau taires Les rapports de la Sodecoton et le journal Le paysan stigmatisent r guli rement les cultivateurs qui courent encore les march s bi re au lieu de nettoyer leurs champs pour tre pr ts aux premi res plui
6. Ce mil est alors concass au moulin Les pousseurs apportent de l eau une dizaine de bidons de 20 litres pour quarante tasses de mil par exemple qui sera vers e dans de grands canaris La farine d awade parfois additionn e de fragments de Cissus quadrangula risl8 de brousse est alors jet e dans cette eau et l on tourne le m lange jusqu retirer les particules en suspension cakel Apr s trois heures la farine s est d pos e au fond On r cup re le liquide surnageant environ la moiti du volume total appel la claire que l on verse dans les daaro Le r sidu de d cantation et le cake formeront une bouillie que l on met dans les jarres de l usine Ces canaris ont t pr alablement lav s avec une d coc tion de Momordica charantia ou avec un d coct de feuilles de neem L amertume semble ici recherch e On laisse au feu pendant 17 Awade pour d signer le sorgho germ vient de aawdi semence en fulfuid On emploie plus rarement puunaandi v ritable appellation du mil germ toujours en fulfuld 18 Ces Cissus auraient semble t il le m me r le que la d coction g li fi e obtenue partir du liber de Grewia mollis rajout e lors de la d can tation Cette d coction utilis e au Tchad am liorerait la floculation des mati res en suspension Nanadoum 2001 19 Cake vient de sakaago fulfuid filtrer un liquide II s agit des dr ches qui restent dans le filtre ou d l ment
7. M Dieu 1990 Le mil et la bi re Le syst me agraire des Duupa du massif de Poli de E Garine 1995 Le bili bili et la lib ration de la femme tupuri de J Koulandi 1999 2 Le terme de sar est devenu si courant dans le fran ais local que bien souvent on l emploie pour d signer tous les types de conces sions du Nord Cameroun 528 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad iLa bi re de mil un si cle d interdiction et de tol rance administratives La bi re de mil a suivi ici une trajectoire commune beaucoup d autres boissons alcoolis es de par le monde D abord r serv e la sph re du sacr longtemps monopolis e par la g rontocratie elle devait peu peu se d mocratiser y compris dans sa fabrication qui passait des hommes aux femmes et dans sa consommation Le passage la vente plus tardif s est r alis non sans difficult s Les autorit s traditionnelles craignaient l une menace en germe sur les stocks de mil et sur le pouvoir de ceux qui les contr lent S ajoutaient aussi la perspective peu appr ci e d une autonomie co nomique des femmes et enfin un risque de d gradation des m urs que ne manqueraient pas de sanctionner les anc tres censeurs de la conduite des vivants Par la suite ce seront les administrateurs qui chercheront exercer un veto sur cette commercialisation que les chefferies avaient d ent riner avec p
8. On constate un tropisme marqu en faveur de viandes diversement pr par es avec toujours le m me conditionnement tr s souple des produits et leur vente toute heure Les clients de cabarets recher chent justement une rupture avec les plats familiaux pour un style urbain de nourriture sans extraversion alimentaire v ritable mais moins co teux que celui des gargotes o la boisson est ici la bi re industrielle La naissance d une opinion antichambre d une forme de d mocratie En 1970 dans les sar s bilbil qui n int graient pas un strict cadre ethnique on butait sur le silence voire le malaise Un m lange d ap parente libert et de surveillance g n ralis e caract risait la p riode d Ahidjo En 2000 le sar bi re signe un lieu privil gi d changes et de confrontation publique entre gens d horizons ethniques et socio professionnels diff rents Depuis l instauration du pluripartisme en 1990 l expression politique est de plus en plus libre A ce stade nous chappons difficilement au d bat de pour ou contre les cabarets bi re Ils peuvent tre appr hend s comme des lieux de futilit voire de d voiement et certains comportements dans 37 Nous ne saurions reporter sur l arge l accusation de boisson d l t re et toxique par opposition la bi re de mil boisson int gratrice et salutaire sans courir le risque de r p ter le manich isme de l admi nistration et des projets de d v
9. crivains un cin aste Ceux qui occupent les tr teaux sont souvent des ma tres ou directeurs d coles On assiste de v ritables disputations religieuses et politiques On y brocarde les leaders locaux des principaux partis On num re les grandes ins curit s les injustices on y voque la menace des coupeurs de route et celle des antigangs 38 Les probl mes du d veloppement y sont d battus par d anciens l ments du D veloppement communautaire et du personnel de l Irad39 On y fait valoir des argumentaires souvent d cousus mais qui n en demeurent pas moins des argumentaires L humour reste ici aussi la subtile utilisation du malheur et dans le cadre des sar s bilbil il rend supportable les frustrations quotidiennes On cherche comme dans tous les bars du monde de nouvelles r ponses de vieilles questions mais de toutes ces conversations soufflent ind niablement des spores de d mocratie 38 Unit s de gendarmerie sp cialement entra n es dont les l ments sur le terrain souvent en tenues banalis es luttent contre les bandes de coupeurs de route 39 D Djanan 2002 p 91 ne dit pas autre chose au sujet des cabarets bi re de Moundou au Tchad Y 559 560 Y Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad Je soulignais en 1972 l int r t de la bi re de mil Maroua comme rouage d une conomie informelle de survie En 2002 les sar s
10. des menuisiers des sacs de copeaux Les sorghos et les types de bi re La recherche du meilleur sorgho reste une pr occupation premi re des brasseuses Il ne faut pas utiliser de mauvais mil Ainsi le sorgho qui a longtemps s journ dans les silos souterrains r gion de Mindif et le sorgho charan onn vont mal germer Les sorghos nouveaux ne conviennent pas non plus Il faut un sorgho sec et pas trop fra chement r colt Pour disposer d une qualit constante de mil les femmes passent des accords avec des revendeurs qui les livrent domicile et s en gagent fournir un bon produit non m lang Ils sont tenus par des cr dits contract s aupr s des tenanci res Le prix du mil conditionne son achat Les femmes commencent avec des sorghos rouges h tifs njigaari avant de passer ceux V 537 538 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad cycle long dont les capacit s brassicoles sont reconnues comme le zlaraway sorgho de montagne et le S35 sorgho vulgaris par l Ira Apr s la moisson en mars des sorghos repiqu s c est l un d entre eux le safraarilS qui est massivement adopt Le S35 a alors dis paru du march et le zlaraway qui germe mal pendant les fortes chaleurs est cart Depuis deux d cennies la recette la plus constante est bas e sur un tiers de njigaari pour deux tiers de safraari Il est remarquer qu Maroua au contraire de Garoua le
11. interdictions de bi re et d arge nous renvoyons Seignobos 1976 7 Il deviendra par la suite pr sident de l UNDP Union nationale pour la d mocratie et le progr s principal parti d opposition au nord et forte coloration musulmane C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua Y 531 Les missions sont par ailleurs somm es de rattraper par la morale les disciplines pass es de ces religions du mil qui interdisaient l acc s des pouses brasseuses potentielles au silo du chef de famille ultime r serve Ce grenier de l homme galement autel n est aujourd hui quand il existe encore qu un lieu de stoc kage Cette d gradation des anciens contr les sur le mil serait imputable pour les int ress s aux temps nouveaux et l impact des missions Le r le des services de sant et de l hygi ne publique Ce r le est r cent et int resse principalement la d cennie 1990 L intervention de ces services couvre les p riodes de pic d pid mie de chol ra en provenance des r servoirs frontaliers du Tchad et dont l un des couloirs touche r guli rement la r gion de Maroua L aspect sanitaire est le nouveau biais par lequel s engage l admi nistration en l occurrence les communes pour contr ler ou inter dire la bi re Depuis L Novellie 1963 on ne cesse de s interroger la bi re de sorgho est elle un aliment ou une boisson Les r ponses des nutri tionnistes en souligneraient plut
12. re de mil Maroua charge de revanche Certaines cabareti res tr s entreprenantes font de la bi re et de la restauration Ce degr z ro du secteur infor mel est construit sur de modestes pragmatismes baptis s ici d brouillardise 27 Client le et encadrement Une client le de plus en plus m l e Pour les int ress s le grand changement tient un rajeunissement de la client le Les jeunes sont entr s dans la boisson Au d but des ann es 1970 il est mal vu que des moins de 25 ans fr quentent les cabarets bi re Aujourd hui d brouillards motoklando sauveteurs 28 mais aussi l ves sont l en nombre Au del du premier cercle de personnes g es originaires du m me groupe que la vendeuse et souvent plus villageois que citadins on trouve le cercle des affid s du quartier et ceux qui viennent r guli rement des villages proches Pendant la saison des pluies ces der niers r clament des boissons reconstituantes comme le furdu pour partir aux champs ou leur retour Durant la saison s che en revanche apr s la vente du coton ils chercheront des bi res plus raffin es et moins nourrissantes Il existe des cercles a ethniques de francophones compos s de petits fonctionnaires les akaawu et de Tchadiens La patronne peut galement faire venir des femmes libres pour animer son esta minet Celles ci appartiennent toujours son ethnie et font gale
13. tat des canaris non couverts dans lesquels est stock e la bi re C SEIGNoBOS Trente ans de bi re de mil Maroua Le combustible Devant la raret de gros bois comme celui fourni par Balanites aegyptiaca Prosopis africana et Anogeissus leiocarpus les bras seuses se sont rabattues sur une deuxi me cat gorie compos e d Acacia nilotica Acacia seyal Dalbergia melanoxylon et de Combretum spp Le feu pour le brassage de la bi re se d roulant en plein air et non dans les foyers des habitations est consid r comme profane Cela autorise des pr l vements sur des essences redout es comme Combretum molle qui ferait fuir les femmes de la maison mais aussi des essences d gageant trop de fum e lors de la combustion comme Faidherbia albida ou Sterculia setigera L imp ratif conomique repr sent par le brassage de bi re a contri bu faire se d liter les derni res disciplines agraires qui sous cou vert d interdits prot geaient certains arbres En ce sens les pr l vements ligneux pour la fabrication de bi re ne seraient pas sans cons quences cela s ajoutent le temps de cuisson et l intensit de feu que la femme ne ma trise pas toujours bien Or un trop faible degr de cuisson a des r percussions n fastes sur la bi re aussi la femme sera t elle toujours tent e de rallonger le temps de feu On compl te galement le bois avec des bouses s ch es collect es par les enfants et on ach te aupr s
14. un musul man Oumara Bouba elles r v lent que la bi re de mil ou mbal ou mieux guiat est consomm e par des personnes qui s en sic moquent de la religion Un seul buveur de mbal peut vider 20 litres par jour Vient ensuite l explication de la fabrication non du mbal mais d une autre forme de bi re le furdu La nouvelle administration nationale du Nord presque exclusive ment musulmane ne r visera en rien son jugement sur la bi re de mil Dans les ann es 1960 apr s l ind pendance vient s ajouter le ph nom ne de l arge alcool de distillation encore plus discut que la bi re La lutte s affirma contre l ensemble des boissons alcooli s es artisanaless L administration tant tenue d apporter la d monstration de son efficacit va l gif rer et dicter localement des r glementations qu elle n aura jamais les moyens d appliquer laissant de facto hors 3 Employ la m me poque au Tchad ce terme vient d un dialecte banda de RCA Seignobos Tourneux 2002 p 223 4 Mbal est un emprunt du foulfould au giziga mbazla alors que giya est un emprunt bien plus ancien au kanuri 5 Nous ne signalerons que la circulaire n 13 cf INT APA 2 MM les pr fets sous pr fets et chefs de district Objet Constitution de dossiers de licences de boissons ouvertures clandestines de d bits de boissons fabrication locale de boissons alcoo liques La directive des affaires politiques et administ
15. 990 Culture mat rielle chez les Koma Gimbe des monts Alantika Nord Cameroun les gens de la bi re de mil In Barreteau D Tourneux H d Relations inter ethniques et culture mat rielle dans le bassin du lac Tchad Colloque Mega Tchad 11 12 sept 1986 Orstom Paris 175 182 SEIGNOBOs C 1976 La bi re de mil dans le Nord Cameroun un ph nom ne de mini conomie n Recherches sur l approvisionnement des villes et la croissance urbaine dans les pays tropicaux M moire du Ceget CNRS 1 39 SEIGNOBOS C Tourneux H 2002 Le Nord Cameroun travers ses mots Dictionnaire de termes anciens et modernes Paris Karthala IRD Van Beek W E A 1978 Bierbrouwers in de bergen De kapsiki en Higi van Noord Kameroen en Nord oost Nigeria cau Medeling Utrecht n 12 Instituut voor culturele Anthropologie Van Den BERG A 1997 Land right marriage left women management of insecurity in north Cameroon CNWS publication Leiden
16. Elle participe des tontines 10 000 F semaine pour les femmes tupuri tontines souvent dirig es par les tenan ci res 5 Ces femmes pr tent aussi de petites sommes leurs meilleurs clients Elles veillent ce que leurs filles en aidant finan cent leur scolarit Quant aux gar ons on trouve parmi eux de nom breux motoklando 26 Ces derniers ont pu acheter une moto Suzuki d occasion gr ce l apport de leurs m res brasseuses qu ils remboursent et renflouent parfois leur tour la suite d une s rie de m ventes Lorsqu elles n aident pas leur co associ e les femmes peuvent aller vendre des beignets du bouillon dans les cabarets voisins et ce 24 Des clients qui ont beaucoup consomm dans un cabaret demandent avant de partir un petit suppl ment de bi re gratuit appel pr avis de cong 25 Plusieurs tenanci res peuvent organiser des pari ventes de pare tontine en arabe Ces modes de vente venues du Tchad se d velop pent Maroua d s le milieu des ann es 1990 Il s agit de kermesses o l on peut venir en couple et sur invitation La recette repose sur la vente de boissons pas uniquement de la bi re de mil dont les prix sont mul tipli s par deux ou trois Ces pari ventes sont charge de revanche entre groupes de femmes 26 Appel s aussi clandestins car ils disposent d un taxi moto per sonnel ou non et ne paient pas de patente C SElGnogos Trente ans de bi
17. Les levures sont toujours actives lorsque la bi re commence tre servie aux consommateurs Quelques heures plus tard la fermentation lactique remplace la fermentation alcoolique et la boisson devient acide Ceux qui font profession de s y conna tre en bi re de mil recherchent le bilbil au moment o il parvient son pic de fermentation alcoolique C SEiGNoBos Trente ans de bi re de mil Maroua Quant la bi re manifeste toutes les qualit s requises le comporte ment des clients dans le cabaret en t moigne imm diatement Les go ts acidul s ou d une amertume mesur e sont appr ci s Le liquide sucr non encore totalement ferment est donn aux enfants comme trompe faim leur retour de l cole dans l attente du repas du soir La bi re peut tre additionn e de beaucoup d ingr dients de la farine de mil zlaraway chez les Giziga et les Mofu ou de la p te d arachide pour casser l acidit Les Bana Jimi Kapsiki continuent de boire leur bi re avec de l huile de s same Des femmes proposent aussi des boulettes de p te de souchet que l on crase dans la bi re Chaque ensemble de sar s bilbil ressemble un march un mar ch de non musulmans per u comme celui de pauvres De vieilles femmes vendent des arachides et des oignons Des jeunes gens d ambulent en proposant des fripes gonjo des petits stores roul s kasariyel des balais des cigarettes des colas Il y aussi ceux qui vendent les lek
18. a et ailleurs celles de format r duit avec une corde en moins des montagnards La majorit de ces animateurs a appartenu un temps des groupes de musiciens qui accompagnent les griots bambaa do hausa et ont appris grener les louanges des puissants Issus de groupes haabe ils se sont convertis l islam avant de revenir dans leurs soci t s d origine avec ce bagage Tous d ploient une certaine effi cacit rh torique et se montrent des ma tres incontest s de la blague de comptoir Hamadou Garaaya en est un bon repr sentant Ce Mofu islamis a appris le moolooru en s employant comme berger chez les Peuls Non seulement il joue mais il conte des histoires se moque des uns flatte les autres et affirme avoir re u le comique en h ritage Il a lui m me endoss le m tier de griot Il m le discours convenus et pro pos autrement plus subtils parfois emprunt s aux mboo po tes chansonniers censeurs de m urs chez les Peuls avec beaucoup de sous entendus et de r f rences symboliques trans ethniques prises aux fables et aux proverbes pour se moquer des hommes politiques de la place Cet histrion n a pas son pareil pour se faire donner des leeko Toutefois pour compl ter ses revenus il fournit en poissons frais un certain nombre de cabarets dans lesquels il se produit Ces musiciens officient particuli rement dans des sar s traditiona listes en perte de vitesse devant une modernit s exprimant par le d velop
19. a mis sion catholique ou au del au bloc chr tien pa en fondamentale ment diff rent des Peuls et des islamis s C est opposer la sup riorit morale revendiqu e par les musulmans de Maroua ville d islam la vitalit frondeuse des quartiers p riph riques Dans le cadre de soci t s autoritaires et ferm es qui semblent condamn es une forme d inapp tence d mocratique les sar s bilbil offrent des havres de paroles libres On y d ploie une recherche de plus d quit qui ne saurait tre l galit tant que l on n est pas pleinement sorti de soci t s tribales o fr res et membres du clan sont par avance absous On d c le une recherche de plate forme commune entre groupes voisins partageant la m me doxa et les m mes patrimoines rh to riques Il s agirait moins d une soci t civile en mergence que d une recomposition ethnique et sociale On assiste des regroupements compos s de Mundang Tupuri Masa et Gidar ici Mundang Gidar et Giziga l Mofu Mafa Mada Zulgo ailleurs avec les passerelles que sont les scolaris s salari s ou fonctionnaires Refuge naturel d irr guliers de ce que les administrateurs coloniaux appelaient dans les ann es 1930 les mauvais gar ons le sar bilbil abrite encore d autres marginaux comme les homosexuels A Maroua ce sont souvent des Tchadiens g n ralement des vendeurs de th ambulants may saayi Ils viennent parfois se donner en spectacl
20. able la sant des consommateurs l3 On malaxe les l ments p teux des fonds de canaris avec les m mes mouvettes de nervures de palme de r nier ou de tiges de sorgho rouge dont on a conserv l amorce des racines Pour faire reposer le vin on a aujourd hui recours de grosses marmites d alumi nium daaro plus l g res que l on peut couvrir herm tiquement Mais c est le mat riel pour servir la bi re qui a le plus chang Les petits pots pour les clients ne se sont maintenus que chez les Tupuri et chez les Mundang Les fonctionnaires et les jeunes pr f rent recevoir leur bi re dans de petits seaux en plastique Chaque client dispose aujourd hui d une calebasse individuelle et certains cabarets proposent m me des anneaux de vannerie pour les poser terre Les calebasses collect es apr s utilisation sont mises laver dans la m me cuvette et avec la m me eau pendant toute la journ e Le dis cours hygi niste n est pass que partiellementl4 13 Ces f ts de 200 litres assurent une meilleure r ponse au feu Ils ne cassent pas comme les poteries et permettent de produire de plus grandes quantit s de bi re On continue les utiliser au Tchad Les int ress s s accordent toutefois dire que ce bilbil en f t est d une moins bonne qualit gustative 14 Les agents des services d hygi ne ne contr lent pas le processus de fabrication ni la proximit des usines avec des latrines pas plus que l
21. bi re tout aussi pr sents dans les faubourgs de la ville se voient attribuer en plus de leur r le pass une fonction bien diff rente S ils demeurent toujours conomiquement importants pour faire vivre tout un volant de populations plus ou moins flottantes et pour avoir concouru amortir la crise conomique des ann es 1980 ils sont devenus socialement indispensables Dans ces cabarets plac s aux confluents des contraires se c toient traditionalistes et modernistes vieux et jeunes d brouillards et fonctionnaires Tout le monde trouve ce qu il y cherche l oubli du quotidien un retour identitaire mais aussi la construction de nou velles connaissances de nouvelles revendications ls permettent d exister socialement pr occupation fondamentale de ces com press s des administrations pour ces ternels man uvres monta gnards pour ces sauveteurs qui vivent comme une rel gation leur retour des villes du Sud Le proc s en sorcellerie intent la bi re de mil sous couvert d at teinte la morale la sant et l environnement p se peu face au r le essentiel qu elle joue dans la fabrication d une forme de citoyennet Bibliographie BaRD V MALKIN J E 1982 La production de bi re en Afrique Institut sant et d veloppement DJANAN D 2002 Contribution l tude du fonction nement des petites entreprises agroalimentaires cas des unit s artisanales de transformat
22. de la bi re cume dr ches lie peuvent tre distill s L arge constitue aussi une solution de r cup ration permettant la distillation d une bi re rat e mal vendue ou qui a d pass une ving taine d heures Cabarets et cabareti res Vers une int gration urbaine du sar bilbil Un sar bilbil en fonction est toujours signal On disposait proximit un tas de dr ches puis la fin des ann es 1960 on a pos des drapeaux une bouteille avec un b ton pin ant un carton color Vers 1980 les drapeaux se sont g n ralis s et on a volu vers des panneaux nominatifs Aujourd hui on est souvent en pr sence de v ritables enseignes avec par exemple Hard o Aux champs lys es c est la pr f rence chez mama H l ne ou m me des rappels de l actualit Bakassi zone de conflit entre le Cameroun et le Nigeria G7 des allusions aux r sidences ant rieures du propri taire du cabaret Base Congo Plateau de V 541 542 Y Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad Jos sans oublier les immanquables Pharmacie de garde et Dispensaire de la soif figure 3 Les sar s bilbil constituent des sortes d archipels autour de la ville mais on trouve encore des enkystements comme Kaliaor et Banguel qui ont r sist leur refoulement vers les marges par la ville musulmane Ces sar s se pr sentent en grappe
23. e empruntant des postures provocantes Ils restent sous la C SEicnogos Trente ans de bi re de mil Maroua protection des femmes du cabaret vendeuses et habitu es et ne s exposent jamais en public au milieu des hommes Les cabarets expriment des degr s tr s divers des espaces sociaux de libert et aussi de modernit Celle ci se traduit dans de nouveaux comportements on vient y lire le journal jouer au tierc le poste de radio l oreille le PMUC Pari Mutuel Urbain Camerounais est pr sent depuis 1996 La bi re d lie les langues si bien qu au plus fort des ventes le nombre de clients s exprimant en fran ais augmente dans la mesure o on ne craint plus de le mal parler Les sar s bilbil constituent de v ritables creusets langagiers Il n y a pas proprement parler un enjeu de pou voir linguistique Le bilkiire fulfuld de cuisine fait figure de langue v hiculaire tout comme le fran ais ce qui ne donne pas l im pression d exclure certains groupes de la communaut de parole puisque plusieurs niveaux de langue et d expressions cohabitent Dans ces sar s on vient enfin les montagnards en particulier puiser l information quant aux mani res d tre aux comportements ou aux simples modes vestimentaires On entreprend ici la recherche de mod les qui sont ailleurs inaccessibles Au cours de ces enqu tes j ai rencontr des cadres fonctionnaires en cong des professeurs de jeunes
24. e quantit de bi re produite les b n fices r alis s peuvent tre tr s diff rents selon la situation du cabaret sa client le et la strat gie adopt e par la vendeuse Celle ci 546 Y Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad doit tre pass e ma tre dans la fa on de conc der le leeko petite quantit offerte au client pour go ter la bi re avant la commande aux vrais affid s tout en cartant habilement les autres24 Elle a le devoir de conjuguer un traitement gal des clients avec le respect de leur appartenance ethnique ou socioprofessionnelle Avec la patronne elle cr e ce climat de confiance qui fait la qualit et la renomm e d un sar bilbil A tour de r le les femmes se relaient dans les phases de fabrication et aident la vendeuse ramassant les calebasses et balayant l espace clients L environnement reste tr s familial les filles viennent don ner un coup de main pour servir et pour transvaser les diff rents liquides Les enfants poussent le bois de ces feux interminables Ces incursions familiales sont d autant plus faciles que les cabarets bi re ont un fonctionnement fonci rement diurne et la vente s ach ve en g n ral autour de 17 heures La femme qui traite r guli rement entre 100 et 150 tasses de mil deux fois par semaine peut disposer de revenus de 120 000 F CFA par mois Elle domine ses d penses quotidiennes ce qui tait rare ment le cas en 1972
25. ecteurs bi re il s agit d une personne respec table et connaissant bien les sar s bilbil Son travail sera en effet de juger les conflits au sein des cabarets entre les brasseuses entre ces derni res et leurs clients et entre les clients eux m mes Les contrevenants paient en bi re et en colas que le baba lawaale redistribue son entourage30 Deux fois par an au d but de chaque saison le baba lawaale est charg de contr ler les prix dans sa zone d intervention qui peut couvrir plusieurs quartiers Il v rifie la calebasse qui sert mesurer la bi re appel e flotteur du vin car elle flotte sur la bi re vendre l Accompagn d une d l gation il v rifie l unit de mesure seki d gi wi mbal en giziga qui doit tre plus volumineuse pen dant la saison s che o le mil est plus abondant et moins cher Le baba lawaale intervient souvent sur d nonciation 29 Les musiques du cawal giziga les fl tiaux mofu et mafa signent encore de fortes r siliences ethniques en milieu urbain 30 On peut appeler Baba lawaale pour l honorer celui qui dans un cercle de buveurs a le plus d pens mais a aussi contribu mainte nir un bon niveau de conversation et respect les r gles de biens ance 31 Le commerce de la bi re suit les r gles appliqu es la vente du mil le prix reste constant et c est le contenant qui varie 550 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassi
26. edi Dans les ann es 1970 on recensa it sept cents femmes brassant de la bi re Seignobos 1976 On d compte plus de 700 unit s de pro 12 Cette notion de socialisation travers la bi re n est pas enti rement vacu e aussi D Gautier et O Tebaya op cit p 6 s interrogent ils Jusqu quelle limite la nature doit elle supporter le co t de ce lien social C SElGNogos Trente ans de bi re de mil Maroua V 535 Ca cv D MER ANG alambic ERA AE magasins latrines l Figure 1 Sar bilbil multi bi res quartier Mayel Ibb 536 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad duction de bi re en 2001 Lopez Muchnik 2001 p 152 Toutefois la g n ralisation des associations de femmes devrait por ter le nombre des brasseuses 1 100 1 200 Modes de fabrication et quantit s brass es peu de changement Le mat riel On retrouve les m mes types de jarres pour brasser et stocker la bi re Ces poteries de 50 60 litres pour les plus grosses provien nent toujours de zones de production proches l ext rieur de la ville Le brassage de la bi re dans des touques m talliques tech nique apport e par les Sara Ngambay et qui semblait vouloir prendre le pas sur les jarres dans les ann es 1980 a t abandonn e en 1989 apr s les interventions du service municipal de l hygi ne On accusa ce mode de brassage d tre pr judici
27. eloppement propos du bilbil H n en demeure pas moins que l arge correspond un p le radical de buveurs qui se revendiquent comme tels Pour eux la bi re qui titre 3 5 n est pas assez forte ils adoptent volontiers des postures provocatrices se disant les femmes de l arge qui fait d eux ce qu il veut Aussi les d rives engendr es par l alcool distill ont elles contribu la mobilisa tion depuis une d cennie d lites locales dans des campagnes morali satrices par le biais des Comit s de d veloppement ou les associations V 555 556 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad Figure 6 Exemple de cabaret bi re ambianc C SEIGNoBos Trente ans de bi re de mil Maroua quelques cabarets militeraient en ce sens Une convivialit de fa ade emp cherait nullement la cascade des m pris ordinaires du Giziga envers le Mofu du Mundang envers le Giziga du patron envers le man uvre du salari envers le paysan et de celui gonfl de son ego du fonctionnaire envers tous les autres On s y divertit au sens pascalien du terme on oublie Quelques cabarets donnent parfois l impression que les clients ne sont qu un ramassis de d class s de d flat s d excommuni s noy s au milieu de bandes prot iformes de soiffards v tilleux eux m mes plong s dans de sordides calculs pour s enivrer moindre prix Certains comme Kabar Zazou quarti
28. er Pont Vert par exemple ressemblent des assommoirs o les clients h b t s align s en batterie font face leurs cuelles de bi re On y rencontre des groupes de buveurs en pleine d r liction mais cela n est il pas propre tous les rades pl b iens du monde Si les sar s bilbil partagent les maux de tous les d bits de bois son ils sont aussi bien autre chose Ils rendent compte de plus d un demi si cle de d s gr gation spontan e Lieux neutres quasi la ques les cabarets voient se c toyer de nombreuses ethnies On peut s apostropher sans provoquer des conflits graves les d borde ments tant mis sur le compte de la bi re La bi re de mil s av re essentielle pour une cohabitation interethnique aux marges des villes comme ailleurs sur les fronts pionniers des plaines de la B nou Les sar s bilbil sont pour les diff rents groupes des espaces souverainet partag e Fr quenter les cabarets bilbil de Maroua c est sortir de l ethnie o l on ne choisit rien pour une semi libert sans v ritable mode d emploi Le sar bilbil se situe entre un espace lectif et un espace natif visible dans la distribution m me de ses clients Une logique de compromis perp tuellement en action toujours ris qu de par sa fragilit toujours insatisfaisant car partiel permet de s en accommoder parce que c est justement la seule fa on de sortir de l ethnie Ce cons
29. es agissements de coupeurs de route Depuis ils cherchent assurer une pro tection int ress e dans certains quartiers bi re taxe proportionnelle frappe des taux diff rents les b n fices des acti vit s conomiques Les vendeuses de bilbil appartiendraient la cat gorie A revenus faibles et l imp t devrait tre inf rieur 12 000 F CFA Mais poss dent elles un d bit de boisson redevable d une licence Des r les d imposables devaient tre tablis par les communes mais ils n ont toujours pas vu le jour Maroua Les communes urbaines et surtout rurales de Maroua priv es de l imp t de capitation manquent de res sources et essaient de fa on d tourn e de revenir un pr l vement forfaitaire Les brasseuses redoutent particuli rement cette fiscalit chaotique et impr visible 4 Les baba lawaale des clubs d arge ne sont pas les m mes que ceux des sar s bilbil mais ils assurent des fonctions identiques 552 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad De l ethnie une soci t nationale apologie du sar bilbil Un lieu o l on boit o l on mange o l on parle Chaque consommateur value la qualit d une bi re en fonction de ses caract ristiques physico chimiques et organoleptiques couleur consistance go t odeur degr d alcool Ces caract ristiques sont li es au grain employ au savoir faire des bra
30. ess L objectif est double Il vise d une part lutter contre la d perdition de mil qui avec le brassage de bi re risque de faire d faut au moment de la soudure et d autre part combattre l oisi vet Les ultras des ONG de la mouvance genre d veloppent d autres arguments Les coupables sont les hommes qui seuls boi vent de la bi re Les brasseuses portraitur es en victimes seraient contraintes d effectuer cette t che pour assurer le seul grand passage d argent des hommes vers les femmes Il faudrait donc d truire ce couple fusionnel brasseuse client et permettre l acc s au foncier de la femme qui pourra enfin g n rer un v ritable d veloppement van Den Berg 1977 La bi re de mil accus e d tre la cause de d boisements intempes tifs entraverait toute perspective de d veloppement durable L auto consommation de bois mesur e sur trois terroirs de l Extr me Nord montrerait que le bois de feu utilis pour brasser la bi re pourrait repr senter jusqu 36 Les donn es sur ce point assez rares seraient si elles sont confort es par d autres verser au d bat scientifique d autant que jusqu pr sent la d nonciation tait fon d e sur des arguments strictement pr ventifs dont la pertinence res tait d montrer 8 Combien de cultures ne sont pas entretenues temps d mari es sarcl es Pourtant la fr quentation des march s tout particuli rement des march s de bili bil
31. eur bi re sur un march et ne plus l couler domicile o se pratiquent des trocs d s quilibr s calebasse de grains contre calebasse de bi re pouvant entra ner une dilapidation des r serves de certaines familles Toutefois en r gle g n rale les pouvoirs traditionnels y compris musulmans tol rent voire prot gent la bi re de mil Sous le chef de r gion M Cournarie on a interdit la confection de bi re en 1938 Le lamido Mouhamadou Sadjo en personne se fit l intercesseur des brasseuses aupr s de l administration et on lui pr te cette phrase Sans la bi re de mil Maroua ne serait qu une petite bourgade Aujourd hui encore le lamido de Maroua qui sait compter parmi les migrants montagnards ses plus fid les sou tiens ne manque jamais d intervenir pour prot ger des quartiers bi re du racket de fonctionnaires ind licats Lamibe et lawan chefs traditionnels de premier et deuxi me degr s proches de leurs populations ont t les seuls percevoir le r le essentiel de soupape sociale que joue la bi re de mil Faute de reconna tre et 10 Du hausa sooy a griller viande grill e 11 Cette phrase est galement attribu e d autres lamibe de Maroua comme Lamido Yaya 1943 1959 534 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad d analyser le pouvoir de socialisation des cabarets bi re le risque devient grand de l ignorer 2 On ne saurait pourtant
32. gine ethnique Les femmes giziga sont les plus fortement repr sent es et les femmes tupuri ont maintenu leur r putation de meilleures brasseuses Le brassage de la bi re tant une activit physique on ne rencontre que des femmes entre 25 et 45 ans Leur r serve de bi re encore travaill e par les ferments cal e entre leurs jambes les matrones veillent la batterie de calebasses poteries et seaux leur marmite de bouillon maintenue au feu d un c t et de l autre leur pr sentoir de cigarettes et de colas dans un entour de parent les int ress es qui cherchent forcer la compassion et tout cela sur fond de clients vibrionnants qui s apostrophent Le changement s exprime en fait dans l organisation Les femmes se regroupent en soci t s sur un m me point de vente Elles se cooptent et appartiennent des groupes ethniques diff rents afin de capter et de fid liser plusieurs client les Dans le cabaret de Banguel sous manguiers la patronne est sara et fabrique du bilbil nylon bi re tr s l g re une autre femme mofu fait du valawa une troisi me brasse une bi re gidar et la sert dans des cale 21 Le propri taire du sar bilbil loue ind pendamment l aire de bras sage et de s chage 500 F CFA jour et le point de vente sous le hangar 250 F CFA jour 22 On compte quelques cabarets cheval la fois sur les productions de bilbil et la bi re industrielle Ils renfer
33. i n a jamais t aussi lev e Et vous dites pau vret Tant que nos planteurs s adonneront leur passe temps favoris march jeu bili bili la pauvret r gnera en ma tre absolu sur les campagnes du Nord Cameroun Editorial Le Paysan nouveau n 4 juin 2000 9 Balaza tr s forte majorit musulmane Mowo et Gadas peupl s de groupes non musulmans cf Gautier Tebaya 2001 p 6 C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua v 533 J Koulandi 2000 p 32 d nonce les m mes m faits pour le pays tupuri et pour M Nanadoum 2001 p 32 la plus grande partie du bois commercialis N Djam na irait la pr paration de la bili bili Cette unanimit relay e par de nombreux rapports d ONG donne l affaire comme entendue Pourtant le bois de feu int resse bien d autres activit s comme celles des br leurs de soya des marchands de th et de multiples formes de restauration La d non ciation des pr l vements sur le couvert ligneux pour les activit s de brasserie recouvrirait sans doute ici d excessives v rit s Une voix discordante celle des pouvoirs traditionnels En tant que relais locaux de l administration centrale les chefs de canton proc dent lors de disette des interdictions Certains essaient pour des raisons fiscales et pour endiguer des exc s de contraindre les femmes dans les pi monts des monts Mandara en particulier porter l
34. ion de sorgho en bi re locale bili bili Moundou au Tchad Cnearc Prasac Montpellier EcucHi P K 1975 Beer drinking and festivals among the Hide Kyoto University African studies IX 69 90 GARINE E 1995 Le mil et la bi re Le syst me agraire des Duupa du massif de Poli Nord Cameroun Th se de doctorat de l univ de Paris X Nanterre multigr GAUTIER D TEBAYA O 2001 Sauver la brousse ou boire du bilbil La lettre des savanes Prasac 6 JAOUEN R 1995 L Eucharistie du mil Langages d un peuple expression de la foi Paris Karthala KOULANDI J 1999 Le bili bili et la lib ration de la femme tupuri id es et r flexions C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua pour un d bat constructif sur l avenir de la communaut tupuri du Tchad et du Cameroun Garoua Lopez E MUCHNIK J 2001 Des syst mes agroalimentaires dans la ville Le cas de Maroua au Nord Cameroun Etud Rech Syst Agraires D v 32 145 163 NANADOUM M 2001 La bili bil bi re traditionnelle tchadienne tudes technologiques et microbiologiques Th se de doctorat de l Institut national agronomique de Paris Grignon NoOVELLIE L 1963 Bantou beer food or beverage Food ind S Afr 16 28 p Noye D 1989 Dictionnaire foulfould fran ais dialecte peul du Diamar Nord Cameroun Paris P Geuthner PERROIS L Dieu M 1
35. ki bernde m dicaments c ur pour laver l int rieur du corps alcool mouill en provenance du Nigeria et que l on m lange la bi re On remarque aussi les marchands de m di caments indig nes huiles corces racines qui seraient efficaces contre les maux de ventre faciliteraient et l ingestion de bi re et la miction Certains autres encore pr viendraient les ict res qui pla nent dans ces lieux de contagion d autres permettraient de se pr munir d attaques occultes A cela s ajoutent les petits cireurs les manucures A proximit des cabarets bi re prosp rent des tals de viandes grill es marara soya et de brochettes pan es et piment es tenus par des hommes3f A l int rieur des cabarets circulent des femmes avec des plats pr par s bouillons de museau de b uf de t tes de moutons de t tes de coqs de poissons Certains mets sont destin s des revenus pr caires comme ces bouillons d intestins et de pattes de poulets ou de tendons de b uf L alimentation dans les sar s bilbil est de plus en plus vari e le ham ham p te d oseille de Guin e l arachide que l on peut 36 Les br leurs de soya sont g n ralement des fincoo be grap pilleurs Noye 1989 p 118 Gar ons bouchers de la plus basse cat gorie mofu pour la plupart ils gagnent leur salaire avec la viande qu ils enl vent sur les carcasses pour la faire griller et la commercialiser V 553
36. lus ou moins bonne gr ce La bi re et les administrations coloniale et nationale L administration coloniale s est tr s t t mue des m faits de la bi re de mil sur les indig nes et le jugement qu elle portait sur eux en termes d impr voyance reposait en partie sur le gaspillage du mil pour des brassages de bi re jug s excessifs Face aux s che resses et surtout aux invasions acridiennes des ann es 1930 l admi nistration coloniale v cut dans une v ritable obsession de s curit alimentaire En 1938 sur l initiative du chef de subdivision de Yagoua Dietmann avait t lanc e aupr s des chefs une politique de greniers de r serve afin d une part de servir de masse de man uvre pour apporter du mil dans une zone de leur commande ment soumise la famine et d autre part de disposer d une r serve de semences C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua V 529 Les archives administratives d noncent aussi les sempiternels conflits apr s d abondantes libations de pipi appellation de la bi re de mil dans le fran ais colonial3 jusque vers 1935 Les men tions concernant la bi re dans ces m mes archives expriment tout autant les exc s que l impr cision et on suppute le r le des inter pr tes musulmans Des enqu tes conduites Maroua en avril 1938 N 1C V33 la demande du chef du service des affaires politiques et administratives sont r v latrices de ce r le Confi es
37. ment office de serveuses Une pi ce attenante au cabaret peut parfois favoriser leur commerce 27 Pour J Koulandi 1999 p 34 une femme qui brasse la bi re est l avant garde de la d brouillardise familiale C est la premi re tech nique conomique autre que celle du travail des champs que la femme ma trise L mancipation de la femme tupuri gr ce la bi re date des ann es 1950 28 Le terme de sauveteur est d riv de sauvette dans vendre la sauvette Forg dans les villes du sud du Cameroun la fin des ann es 1980 il d signe de jeunes montagnards des monts Mandara pratiquant un certain nombre de petits m tiers Ils devaient massivement revenir dans le nord apr s la crise conomique des ann es 1980 1990 Seignobos Tourneux 2002 p 248 548 Y Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad Il existe enfin une sorte de client le de passage les res quilleurs yaroobe leeko qui ne semble vivre que de bi re Les cabarets bien achaland s comptent en permanence de 80 100 clients et voient passer en une journ e de 600 700 personnes parfois plus Les animateurs Certains cabarets accueillent des musiciens Leurs instruments sont peuls ou hausa geegeeru sorte de viole avec un petit archet ou des moolooru garaaya en hausa luth deux ou trois cordes On ren contre aussi dans les sar s tupuri d normes harpes six cordes diln
38. ment un petit espace en dur appel bar lis tentent de suivre une client le de salari s qui main tiennent un certain pouvoir d achat en d but de mois et qui consomment les productions des brasseries du Cameroun Mais ils passent irr m diablement au bilbil avant m me le milieu du mois 23 De rares hommes peuvent se livrer ces activit s mais ce sont des femmes qui commercialisent leur production I s agit le plus souvent d hommes seuls C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua V 545 comptoir l Figure 4 Sar bilbil et bar quartier Hard o basses sp ciales l int rieur teint en noir la derni re une Ngambay propose un bilbil base de riz Ces soci t s regrou pent g n ralement quatre femmes et celle qui poss de ou loue le sar est la patronne Elle coule sa bi re les jours de march ach te globalement le bois souvent le mil qu elle r troc de ses asso ci es Les femmes partagent le mat riel des usines raison le plus souvent d une usine pour deux La patronne peut rester au comptoir mais la plupart du temps elle c dera la place celle qui dans l association est reconnue la plus apte aimanter le client comme limaille maximiser les b n fices et escamoter les probl mes La tenanci re assure le capital social par ses relations et celle qui sert doit montrer un savoir faire En effet pour une m m
39. n du lac Tchad Le baba lawaale peut mettre l amende une brasseuse trop querel leuse qui cherche noise ses clients Il a autorit pour faire saisir sa production voire d truire l usine et peut aller jusqu fermer l estaminet La brasseuse est alors dite excommuni e Elle ne pourra rouvrir qu apr s avoir d montr sa bonne foi en offrant gra cieusement sa premi re cuv e Ces hommes qui disposent d une forme de mandat de la population et connaissent pour cela beaucoup de monde sont une aubaine et un enjeu pour les autorit s Le lamido de Maroua les maires des com munes rurales et urbaines certains administratifs cherchent s atta cher leurs services Mana baba lawaale des secteurs de Pont Vert et de Hard o de 1980 1999 contr lait plus d une soixantaine de cabarets bilbil Le lamido le confirma dans sa fonction de baba lawaale et en fit m me un notable de son conseil faada Mana dut alors pr lever la part du lamido sur le commerce de la bi re Les femmes soutenues par les principaux affid s de leurs cabarets refus rent cette zakkat imp t traditionnel au nom de la d mocratie qui tait d j conju gu e dans leur c ur Dans cette affaire Mana perdit progressive ment son cr dit aupr s des tenanci res Le refus de l gitimer une repr sentation qui contr lerait les cabarets bi re n a jamais t per u comme une opposition formelle tenanci res comme affid s n aya
40. n du sorgho Une vaste aire d gag e sert faire s cher le mil germ sur des b ches Dans la partie publique on m nage aussi un lieu pour entreposer les bicyclettes et aussi les indispensables latrines qui avec les porcheries les d chets de bi re les usines en action font planer une odeur pr gnante qui ne semble incommoder personne figures 2 et 3 Il y 20 On rencontre n anmoins des cabarets bilbil toujours en place comme Kaliaor Drapeau rouge appartenant un ancien com battant tupuri et o nous avions d j enqu t en 1972 figure 3 C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua V 543 garage v lo Figure 3 Drapeau rouge quartier Domayo Kalior 544 Y Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad a enfin le hangar avec tout un jeu de bancs d cole qui ont rem plac les petits bancs villageois des ann es 197021 C est l que sont install es cha ne et baffles Contre les murs pr s des jarres enfon c es dans le sol se tient la femme qui vend sa bi re ce qui vaut cet endroit le nom de comptoir 22 figure 6 Des brasseuses toujours plus actives On retrouve les m mes types de femmes qu il y a trente ans femmes de retrait s de compress s de petit personnel de mai son de militaires et aussi femmes seules charg es de famille23 On retrouve aussi les m mes proportions dans l ori
41. nt pas capacit le faire Ils cherchent plut t jouer les auto rit s les unes contre les autres pour pr server leur libert D autres autorit s ont sollicit leur concours Les services de l hy gi ne de la mairie ont voulu les transformer en agents de la com mune urbaine de Maroua Les baba lawaale durent accompagner les agents de l hygi ne qui avaient fait de la propret de ces cabarets leur cheval de bataille On les appela alors d l gu s 32 Ils se reti r rent lorsque les contr les de ces agents accompagn s des forces de l ordre tourn rent au racket Ce fut le cas lors d pid mies de chol ra comme en 1996 La mairie en profita pour faire rentrer le nouvel imp t lib ratoire33 sous la menace d interdire la bi re Les fabricantes d arge eurent plus encore souffrir de la r pression des 32 Le maire de Maroua n est pas lu il a t nomm depuis 1996 et c est un d l gu du gouvernement 33 L imp t forfaitaire ou de capitation a t supprim par la loi de finances de juillet 1995 remplac par un imp t lib ratoire Cette C SEiGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua v 551 autorit s Les faubourgs de Maroua gardent en m moire le coup mont par les services de l hygi ne 1994 1995 qui pour inter venir ont pris le pr texte d une rumeur mettant en cause certaines femmes qui auraient distill des d jections humaines Les descentes de police ont t br
42. pement du mat riel hi fi Les registres de musiques sont alors tr s variables Les musiques ethniques conservent une l g re dominante et accompagnent la vente de bi re d une femme qui ainsi souligne sa pr sence par une sorte de drapeau sonore sp cifique C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua V 549 de son ethnie On coute aussi des musiques du sud bikoutsi makossa et m me du zouk antillais rapport s par les sauveteurs La tenanci re peut effectuer un tri de sa client le partir d une s lection musicale Si la bi re est tr s bonne on f licite la patronne du cabaret en dansant sur des rythmes de son ethnie Les baba lawaale une forme originale d encadrement Le mode anarchique de fonctionnement des sar s bilbil n est qu apparent Ils sont contr l s par des baba lawaale lit P res des groupes de jeunes d riv s d un mode d organisation peul Dans les villages peuls le baba lawaale mettait en place des travaux d en traide chez des cultivateurs d faillant pour cause de maladie et aussi sur le domaine des chefs I est charg de redistribuer des dons dans le village et de veiller la s curit Choisi parmi des personnes de bonne moralit il doit tre g n reux avoir de la r partie et mettre les moqueurs de son c t Ce meneur d homme est d sign par un consensus populaire cabareti res et clients et ce choix sera ent rin par le chef Dans le cas des s
43. r duire l intelli gence que l on a de cette activit une compassion moralisatrice et un risque environnemental encore mal d fini Il est par ailleurs fond de constater que l on n vacuera pas si ais ment ni la bi re ni son cadre social car on voit mal par quoi les remplacer La bi re de mil Maroua de 1972 2002 constantes et changements J avais entrepris de 1971 1973 une tude sur la bi re de mil Maroua modes de fabrication types de bi re cadres de vente impact conomique Qu en est il aujourd hui Les quartiers qui fabriquent et commercialisent de la bi re ont peu chang Pont vert Domayo Pont peupl de Tupuri de Mundang et de Ngambay appel entre temps march mondial est devenu avec le quartier voisin de Hard o giziga et tchadien le premier secteur bi re apr s 1975 Le second p le qui n existait pas encore dans le d but des ann es 1970 se situe Ouro Tch d o vivent Giziga et Mofu La troisi me zone serait Pitoar anim e par les Mundang et les Gidar Enfin les secteurs Palar Doualar Fasaw Mayel Ibb figure 1 La nd o dominent les monta gnards forment une n buleuse p riph rique Ces secteurs de bi re fonctionnent encore au rythme des march s hebdomadaires locaux Pont Vert et Hard o avec le grand march de Maroua le lundi Ouro Tch d et Pitoare avec celui de Founangu le diman che Fasaw et La nd le vendr
44. ratives du 13 ao t 1962 sign e du secr taire d Etat l int rieur Y M Lamine rappelle le d cret du 24 mai 1931 suivi des d crets modificatifs subs quents rappelle avec force la position de l administration Vous veillerez en outre ce que cesse la fabrication locale des boissons alcooliques tel l arki v ritable alcool n faste la sant et au bien tre social A cet effet je vous demande de vous faire signaler par les chefs de village ou de groupement les diff rents fabricants de ce poison et de les inviter ces ser sans d lai leur activit En cas de persistance de leur part il vous reviendra de les traduire en justice conform ment la r glementation en vigueur Vous ne manquerez pas de saisir et d truire tous objets servant la fabrication de l arki 530 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad la loi des pans entiers de la soci t Cette derni re d cennie chaque nouveau sous pr fet ou presque se croyant investi d une mission de salubrit publique promulguait une interdiction de distiller de l arge ou de brasser de la bi re de mil qui se soldait par des canaris bris s des brasseuses arr t es et un racket g n ralis de ces d bits de boisson f L administration a toujours oscill entre deux positions soit inter dire la bi re au motif qu elle troublait l ordre public et qu elle engen drait un gaspillage de mil m
45. s 1970 appr ci pour son amertume et sa r putation d loigner le mauvais sort se 15 Ces sorghos sont pour l essentiel des Sorghum caudatum S durra ou Durra caudatum 16 Bi re des Hurzo de la r gion de M m elle est brass e avec du sor gho zlaraway dans lequel a mac r du liber de ca lc drat Elle s est dif fus e dans les pi monts des monts Mandara jusqu Maroua On lui doit le cravatage et la mort d un grand nombre de ca lc drats y compris Maroua m me C SEIGNOBOS Trente ans de bi re de mil Maroua trouve aujourd hui en position de reflux Il se maintient sur les marges septentrionales de la ville o certains montagnards lui gar dent leurs pr f rences Le furdu bi re bouillie consomm e chaude ne prosp re plus que pendant la saison des pluies Les vieux adultes restent ses plus fid les clients La proportion de femmes commercialisant du furdu une sur six en 1970 aurait encore diminu La fabrication du bitbil Les grains de sorgho sont mis deux fois tremper pendant une jour n e avant d tre tal s sur une natte recouverte de plastique dans une case figure 2 Le sorgho restera ainsi deux jours en tant asperg matin et soir avant d tre enferm dans un sac pendant une nuit Etal au soleil de huit heures deux jours selon la saison le mil germ awade 7 est retourn la main pour d tacher les tigelles gila ay nga awade casser le cou du mil germ en giziga
46. s et doivent per mettre le passage de clients et de visiteurs Il existe donc des d am bulatoires sorte de peripato o l on est assur de faire des rencontres attendues Les sar s bilbil changent souvent d adresse car leurs propri taires disposent rarement d un titre de propri t 20 Il est difficile de d gager une typologie de tous ces cabarets On passe insensiblement de sar s familiaux parfois v ritables poches de ruralit des sar s plus citadins o la place est mesur e et o tous les b timents plus ou moins coalescents sont en dur Les cabarets bi re ont besoin d espace et on d limite dans chacun une partie publique et une partie priv e figure 2 Cette derni re prot g e par des palissades de vannerie abrite fr quemment des porcheries plusieurs petits b timents bas toits de terre ou de t les et flanqu s de courettes et des bergeries Entre les parties priv e et publique on remarque souvent des g ophytes et des Cissus apotro pa ques et aussi un Calotropis procera bien en vue contre les voleurs A l int rieur de la partie r serv e la bi re deux espaces sont bien distincts le lieu de fabrication et celui de la vente g n ralement circonscrit par un grand hangar t l L espace de fabrica tion regroupe les usines et les vasques de d cantation et de refroidissement g n ralement align es Elles jouxtent souvent une petite case aux murs ajour s r serv e la germinatio
47. s solides qui surnagent V 539 540 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad wW ETT 2 w e q ta Figure 2 Aux Champs Elys es quartier Hard o C SEicwoBos Trente ans de bi re de mil Maroua trois heures Il conviendra ensuite de filtrer le liquide et de laisser reposer le tout avec la claire Le lendemain la femme suivra avec attention la phase d acidification en go tant r guli rement sa pr paration Elle entreprendra alors le bouillissage et l cumage du mo t la claire le filtrat qui durera de quatre cinq heures dans des usines o les jarres sont accol es par trois quatre voire douze Elle regroupera enfin sa production et y mettra l quivalent d un verre de levure issue de pieds de cuves de pr c dentes pr para tions La fermentation durera une dizaine d heures avant consom mation Pendant toute l op ration il n est toujours pas permis des trangers d approcher les usines ceux ou celles suspect s d impuret pour avoir eu des rapports sexuels ne peuvent toucher l usine Le brassage de bi re peut ou non s accompagner d une distillation d arge qui serait en quelque sorte un prolongement technique des grosses unit s de fabrication de bi re Certains sar s bilbil int grent cach l arri re un alambic tr s rudimentaire Tous les sous produits
48. sseuses mais aussi au degr de maturation ou d alt ration de la bi re l instant pr cis o elle est bue35 L instabilit du produit pousse d ailleurs les clients se d placer de cabaret en cabaret afin d appr cier ces diff rents infl chissements Le vin est l objet des conversations et des apart s et l on atteint des d bats quasi th ologiques sur l usage compar du mil par rap port aux diff rentes cat gories de bi res On rencontre des puristes du bilbil des inconditionnels du furdu des z lotes des nouveaux mo ts et des barbons des anciens usages On regrette aussi certaines fa ons de boire aujourd hui en recul toujours sous les coups du dis cours hygi niste comme boire deux dans la m me calebasse le sloslo litt deux deux des Mofu qui d montrait une amiti partag e scellait une rencontre ou des retrouvailles Les Giziga ethnie majoritaire dans la r gion de Maroua distinguent de nombreuses qualit s gustatives pour le seul bilbil Parmi celles qu il convient d viter on cite la bi re cre mergezek g n rale ment li e un sorgho mal germ celle qualifi e de korek trop acide ou encore nde dek bi re sirupeuse mal brass e en raison d un feu d faillant Ceux qui sortent du sar bilbil avertissent les futurs clients de la mauvaise qualit de la bi re par des expressions convenues comme Vre zid le mung blam Le singe est mont en haut du tamarinier 35
49. tant exercice de l alt rit conf re aux sar s bi re un r le irrempla able Il s agit non seulement de sortir de l ethnie mais aussi de sortir des in galit s interg n rationnelles sans doute plus marqu es au sein du V 557 558 V Ressources vivri res et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad m me groupe Dans ces soci t s aux classes d ge tr s cloisonn es l crasante domination des a n s entra ne de la part des cadets priv s de paroles des attitudes d vitement Ces derniers rongent leur frein en attendant de devenir leur tour les b n ficiaires du syst me Dans les cabarets les changes entre adultes et jeunes ne sont plus codifi s Les a n s jouent encore brimer les cadets et se font payer des pots de bi re mais ce n est plus qu un jeu Gr ce la bi re les diff rentes g n rations renouent les fils d un tissu social bien dis tendu par l intrusion de nouvelles religions de la scolarisation et des longs s jours dans les villes du Sud Certains moralisateurs loin de voir dans cette promiscuit vieux jeunes une ardente obligation accusent les cabarets de d truire toute notion de respect Paradoxalement les cabarets bilbil n en signent pas moins des choix identitaires ou appuient des retours identitaires Les fr quen ter c est afficher une identit que l on pr cise ensuite par le choix de son type de bi re C est affirmer sa conscience d appartenir l
50. utales suivies d arrestations de bouilleuses de cru qui durent payer une amende de 15 000 F CFA et plus Une d l gation de baba lawaale 4 et de clients influents alla alors porter plainte et d noncer ces exc s aupr s du lamido En 2000 2001 les descentes de police et des agents de l hygi ne se sont galement traduites par de nombreuses arrestations assorties d amendes A chaque fois on essaya de faire payer l imp t lib ra toire environ 10 000 F CFA et le double pour les trang res Pour ces deux campagnes la population retourna derechef se plaindre aupr s du lamido Les repr sentants des partis politiques notamment le RDPC ont galement tent de mobiliser sous leur banni re les baba lawaale On les appelle alors perje pr sident en fulfuld Certaines cabareti res ayant pignon sur rue sollicit es par le m me parti accept rent d y militer parfois m me comme responsables d une sous section RDPC organisation des femmes Aujourd hui les postes de baba lawaale ne sont pas tous pourvus d abord parce que leur r le est de plus en plus circonscrit aux sec teurs de bi re traditionalistes et qu ils reculent devant de nouvelles formes de maintien de l ordre Dans les quartiers p riph riques de Maroua ont t cr s vers 1995 sous le contr le des autorit s tra ditionnelles mais avec l agr ment des chefs de brigades de gendar merie des comit s de vigilance pour d busquer l
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