Dossier - Documentaire sur grand écran
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1. Format 1 66 16 mm noir amp blanc et couleur Dur e 50 minutes SYNOPSIS Un jour prot g par le dieu Elegua le cin aste belge ric Pauwels d cide d crire une lettre sa fille sous la forme d un film personnel et ludique tiss de mille histoires et cousu de diff rentes textures un livre d images anim es o un cin aste prend position par rapport au cin ma et donne voir les visages et les fables qu il veut partager voir DVD Lyc ens au cin ma en R gion Rh ne Alpes Le cin ma la premi re personne entretien avec ric Pauwels Auteur du DVD Jacques Gerstenkorn DVD produit par la R gion Rh ne Alpes septembre 2002 CIN ASTE FILMOGRAPHIE Le cin aste ric Pauwels est n Anvers en 1953 Apr s des tudes de th tre d ethnologie et de cin ma il est aujourd hui pro fesseur INSAS Bruxelles o il encadre les travaux de cin ma documentaire Filmographie 1976 1983 S rie de dix documentaires ethnographiques sur les danses de possession 1985 Violon Phase 16 mm 12 min couleur 1986 Hamlet ou les M tamorphoses du jeu 16 mm 47 min couleur 1986 Improvisation 16 mm 12 min couleur 1986 Rites de possession en Asie du Sud Est vid o 52 minutes couleur 1988 Face face 16 mm 40 min couleur 1989 Voyage iconographique le Martyre de saint S bastien 16 mm 52 min couleur 1990 Trois danses hongroises de Brahms 16 mm 12 min couleur2. laboration du film Ils peuvent faire cho une s quence pr c dente en annoncer une nouvelle Kafka ou r appara tre r guli rement les C zanne Les tableaux semblent s chapper des mus es pour s harmoniser avec le monde se m ler au flux du montage se revitaliser bord d un train devenu une insolite galerie itin rante Par des surimpressions qui m lent peintures et reflets du paysage qui d file l image devient une mati re extr mement riche stratifi e Cette importance accord e aux images qui voyagent rappelle l autre voyage op r par le r alisateur travers son film Lorsqu il dit sa fille Je voulais te ramener de l bas une autre image une image trange et triste celle de l enterrement d un clown c est sur des plans de train qui file Ce moyen de trans port irr ductiblement li aux balbutiements du cin ma est le plus apte rapporter des images issues du pass du cin aste pour composer la lettre Le montage chaotique des multiples plans de paysages qui d filent mime alors efficacement le fonctionnement parcellaire de la psych du cin aste et exprime la vitalit de ses souvenirs Un dynamisme cin matographique Le train ne sera jamais film de l ext rieur et seules les images travers ses fen tres importent au r alisateur qui appr hende le train comme machine cr er de l image plus que comme moyen de locomotion L analogie entre le train et la cam ra est patente Pro
3. 1991 Les Rives du fleuve 16 mm 57 min couleur 1992 Lettre Jean Rouch 16 mm 7 min n b 1993 La Fragilit des apparences 16 mm 45 min couleur 1998 Pour toujours 35 mm 70 min couleur 2001 Lettre d un cin aste sa fille 16 mm 50 min n b et couleur 2 AVANT PROPOS Henri Fran ois Imbert aurait il pu trouver la Lettre d un cin aste sa fille dans une cam ra achet e dans une brocan te de Bruxelles ric Pauwels aurait il pu raconter sa fille l histoire du petit film irlandais qui s invente sous nos yeux m dus s dans Sur la plage de Belfast Sugg r e lors d une rencontre entre les deux cin astes par Henri Fran ois Imbert cette id e que chacun des deux films aurait pu contenir l autre est au c ur du d sir de les programmer ensemble dans le cadre de l op ration Lyc ens au cin ma en Rh ne Alpes Et si toute proposition de programmation est un acte de montage celle ci rel ve d une figure bien connue des cin astes le montage parall le Aux ensei gnants et aux l ves de s emparer de cette proposition ludique et p dagogique pour expliciter ce qui rapproche les deux films tout en respectant leur singularit absolue D entr e de jeu ouvrons quelques pistes La parent de ces moyens m trages documentaires tient avant toute chose leur r f rence commune soit au film de famille soit au cin ma amateur pratiques dont les films dits professionnels sont d ordinaire plu
4. apparence du tourisme kal idoscopique et du filmage l ger mais cette libert est mise au service d un propos r fl chi et d une composition rigoureuse Pour en indiquer le princi pe il faut avancer l quivalence du microcosme et du macrocosme v rifiable tant pour les d cors que pour les per sonnages Dans le petit jardin qui ouvre et cl t le film tient tout l univers ses saisons et ses r gnes De m me dans chaque tre de rencontre c est l humanit enti re qu on croise Le boulanger p re de famille l innocent gar on de bain l obscur talonneur de cin ma le gyn cologue amateur d art qui mit au monde sa fille tous font partie de la famille d ric Pauwels qui se trouve devenir aussi la n tre fr res humains Si le cin aste s adresse son enfant c est en nous prenant t moin de ce partage d humanit Prendre t moin est la vocation du cin ma Mine de rien Pauwels retrace en un plan toute l histoire des hommes en semant comme des graines ses petits cailloux sur une carte il dresse l arbre g n alogique de notre esp ce depuis l Afrique des origines jusqu l Am rique en passant par l Europe et l Asie Sa r verie continentale condense les mill naires de la famille humaine Le film d cli ne toutes sortes d histoires de famille des plus grandes aux plus petites le tour de magie rat Embl matique celle de Kafka crivant juste avant sa mort la correspondance d une poup e perdue pour console
5. de motifs dessin s le r alisateur conte son histoire Cinq minutes sans musique un montage lent dix sept plans tourn s l paule tout concorde pour faire de cette derni re histoire un ins tant de contemplation durant laquelle une v rit fondamentale sur la condition f minine sera d livr e Le refus de la redondance des images On retrouve ici un principe r current et audacieux qui r git nombre de s quences du film aucun moment les images ne seront redondantes par rapport au texte de la voix over L intelligence du choix des images d joue toute illustration litt rale du r cit puisque ce sont des images caract re documentaire qui illustrent une fable m di vale La d marche r ellement po tique favorise donc en premier lieu l incongruit de l association Mais que dire alors de l trange impression qui se cr e L effet repose sur le parall lisme entre la cr ation progressive d un objet et l volution simultan e d une histoire cont e inextricablement li s qui produisent finalement un sentiment unique et fascinant rehauss par l importance capitale de la voix du narrateur douce profonde presque hypnotique Loin d tre distrait par un l ment qui annihilerait l autre le spectateur suit donc non seulement avec int r t les tapes de la constitution des gants mais reste aussi attentif aux tapes de la constitution du r cit de Gauvain Le choix de ces images n est cependant pas gratuit e
6. et po tique qui va servir de m diateur entre l univers du cin aste et celui de l enfance Le film est litt ralement mis sur ses rails plac avec dynamisme sous le signe de cette fl che trac e la coquille d uf m me si ses d tours et ses circonvolutions sont nombreux et inattendus Un moyen de structurer le film On peut ais ment filer la m taphore ferroviaire les plans de train des travellings vus travers ses fen tres sont des changeurs des correspondances visuelles et sonores qui font bifurquer la narration vers de nouveaux horizons Un exemple parmi d autres apr s la lecture de la peinture japonaise une profusion de plans travellings de train et macro plans de tableaux s encha nent pour laisser place des travellings stables berc s au son calme du glisse ment du train Gr ce un raccord sonore et visuel le son devient le souffle du d sert qui appara t Nous venons de changer de continent en un instant Le train peut aussi survenir l int rieur d une m me s quence marquant nette ment une progression dans le propos on passe avec lui des tableaux du Louvre la s rie de portraits Un mus e itin rant Symbole du voyage le train est un moyen de d placement privil gi pour le cin aste aucune pr sence d avions ou de voitures mais celui ci r invente sa fonction locomotrice En effet ce train ne transporte pas de passagers mais des tableaux Ces tableaux ont un r le dans l
7. non plus par hasard y a une volont d approcher le monde par le cin ma de cette fa on l En m me temps qu un refus de tout le reste non Ne craignez vous pas en vous retirant ainsi de vous couper du public Je pense norm ment celui qui va regarder le film lorsque je le r alise J esp re faire des films ludiques qui ont vrai ment une adresse l autre des films dans lesquels le spectateur trouve sa place en toute connaissance des r gles du jeu Je ne pense pas au public en termes de chiffre comptable je pense au spectateur en tant qu tre humain Faire du cin ma n cessite t il un apprentissage Je crois que le cin ma l image le son cela peut s apprendre extr mement vite en quelques heures la limite s il le faut mais apprendre penser regarder le monde avoir une thique du regard a prend tr s longtemps et on parle beaucoup de cela dans une cole de cin ma Peut on tout filmer Oui d une certaine fa on on peut tout montrer mais c est naturellement une question de regard de distance Je vais prendre un exemple Je n ai jamais aim filmer un accouchement je trouve cela d une obsc nit d un ridicule total Par contre je viens de voir dans un film de Boris Lehman une jeune femme confront e l image de son propre accouche ment dont le spectateur n a que le son la cam ra fixant le visage de la jeune femme Elle revit son accouchement et en jo
8. siennes crient d une v rit retrouv e pr serv d un hors champ pollu c est que pour lui le monde est Un c est m me cette conviction qui fonde sa po tique si personnelle Il n y a pas la vie d un c t l art de l autre Il n y a pas non plus de fronti re tanche entre vie et mort ou entre pr sent et pass ni de rupture entre couleur et noir et blanc ni de murs entre les cultures Pour entrer dans la logique d un montage vraiment cr ateur qui donne coh rence aux s quences et unit au film il faut en suivre le cours liquide tant t bondissant tant t refluant Ce montage symphonique rend visible le flux d une pens e magique qui soude entre elles les facettes du r el et ausculte la m lodie du monde Au m me titre que le montage po tique le mixage inventif traduit l unit des contraires ce titre on coutera la phrase du Requiem de Faur entrecoup d une rengaine en guise d oraison fun bre du clown On pr tera aussi attention la musique de cirque accompagnant la s quence du mus e l art fait partie de la vie comme la vie fait partie de l art C est l le point le plus audacieux d o d coule la naissance symbolique de la fille du cin aste dans le dessin du f tus de L onard de Vinci et l histoire des chameaux porteurs d une biblioth que dans l ordre alphab tique et le lien de l criture cun iforme avec les empreintes de pattes d oiseaux Le r el s crit y compris en cin m
9. AcrirA Association des cin mas de recherche ind pendants de la r gion alpine 159 cours Berriat 38000 Grenoble T l 04 72 61 17 65 T l copie 04 76 21 06 54 M l lyceens acrira wanadoo fr Coordination des dossiers Christine Desrumeaux Thirion AcrirA et R gion Rh ne Alpes Direction de la culture du sport et de la sant Direction de la communication GENERIQUE Lettre d un cin aste sa fille 2001 Film d di Lotte R alisation ric Pauwels Assistants liza Smierzchalska et Mathias Gokalp Image R mon Fromont ric Pauwels Son Ricardo Castro Montage Rudi Maerten Mixage Michel Goossens RTBF talonnage Roger Vervoenen Meuter Titra Personnages Le boulanger et son fils Serge et Jules Hayez le gar on de bain Mohamed ben Hamidou le gyn cologue Renaat Joris Denolf le clown Ivan Fox le cin aste enfant Gaspard Pauwels Le M lodrame La petite fille Anna Maerten le bon et le m chant Didier Francfort la m re Mary Herbert l in firmi re Manuela Rastaldi et le chien Puf Accompagnement piano Alexandre von Sivers Costumes Isabelle Lhoas Peintures et dessins liza Smierzchalska Assistant cam ra Aliocha van der Avoort Sons directs Aline Jeandenans Bo te de Cuba Fransi de Villar Dille et Oriane Mounition Production Ulrike CBA RTBF Carr noir avec l aide du minist re de la Communaut fran aise de Belgique Distribution CBA
10. Image pour une piet la fen tre d une maison d un petit village du Jura o une m re a soign son enfant plong dans le coma pendant vingt sept ans puis impossibilit pour l auteur de trouver des images pour illustrer un p re tuant son enfant condamn Suite de cadres plong s dans l obscurit entrecoup s d ombres d arbres 16 20 Les clowns tristes enterrement et anecdote du pied cass Procession de clowns dans un cimeti re sous la pluie Plans de pluie rythm s par une rumba et un chant lyrique Un spectacle de cirque sous les yeux des enfants T moignage d un clown qui doit cr er un effet comique partir de sa souffrance 20 21 Le tour de magie rat Souvenir du cin aste d un tour de magie rat de sa fille sur des plans de b timents clair s de nuit avec de lents tra vellings lat raux 21 24 Le vol de l oiseau qui chantait si bien Un conte africain dit sur le plan fixe tourn en acc l r de la place d une ville durant toute une journ e La s quence se cl t par le plan d une main d cor e au dessus d une bougie que l on souffle Le temps l espace et le souvenir 24 26 R flexion sur le temps les images et l espace Dans un atelier un homme peint sur du polystyr ne une constellation qu il claire et qu il filme Chant d enfants asia tiques Puis plan fixe en plong e d une mappemonde dessin e Une main reconstitue le p riple pour peupler la plan te de
11. LETTRE D UN CIN ASTE SA FILLE Un film de ric Pauwels LYC ENS AU CIN MA 2002 2003 collection les sens de l art SOMMAIRE 3 AVANT PROPOS Un air de famille 4 6 ANALYSE DU R CIT D coupage s quentiel Un conteur sachant composer 7 9 CHEMINS DE TRAVERSE Train de vie L histoire de Messire Gauvain Une partition sonore 10 11 PISTE DE REFLEXION L essai po tique Un film manifeste 12 POINT DE RENCONTRE Questions Eric Pauwels Les dossiers p dagogiques et les fiches l ves de l op ration Lyc ens au cin ma en R gion Rh ne Alpes sont dit s par l AcrirA et l Universit Lumi re Lyon 2 avec le soutien de la R gion Rh ne Alpes R dacteur en chef Jacques Gerstenkorn professeur l Universit Lumi re Lyon 2 Dossier Lettre d un cin aste sa fille AcrirA Auteurs Jacques Gerstenkorn avec le concours de Martin Barnier d Alban Jamin et de Philippe Roger Jacques Gerstenkorn est professeur en tudes cin matographiques l Universit Lumi re Lyon 2 Il dirige galement Doc en courts festival parte naire de Lyc ens au cin ma qui se tient Lyon chaque ann e au d but du mois d octobre Maquette Terre de Sienne Iconographie Photogrammes r alis s par Jacques Petat Films de l Estran avec l aimable autorisation de Documentaire sur Grand cran Le por trait d ric Pauwels couverture est de Jean Michel Vlaeminckx Remerciements ric Pauwels et Cyril Peyramond
12. a La vertu d un tel film est de rappeler le caract re vital de la fonction po tique L art n est pas un divertissement d oisif sp culation vaine d esprit st rile mais regard ouvert pens e pratique partage fraternel Le cin ma d artisan que revendique Pauwels dans la lign e d un Gr millon ou d un Cavalier est patiente coute du monde La forme concr te de l uvre n est pas un jeu arbitraire mais un agencement n cessaire le d veloppement formel se doit d tre de nature organique L talonneur qui traque les dominantes de couleurs la recherche de la nuance juste fait preuve d une thique de son m tier au m me titre que le cin aste qui choisit la sensibilit de la pellicule en fonction de la vibration lumineuse recherch e ou que le spectateur qui met en relation ses perceptions afin que leur r sonance le m ne au sens L uvre se d ploie dans la v rit de ses m tamorphoses gr ce cette cha ne solidaire S il s agit comme ici d voquer une rime secr te entre vie et mort de simples gouttes de pluie frappant le sol peuvent alors devenir des cailloux sur une tombe Philippe Roger 11 POINT DE RENCONTRE Pissaro ne peint pas avec le m me pinceau que V lasquez Qu est ce qui vous a touch le plus dans le film de Henri Fran ois Imbert Pour moi cin aste tout film est une m taphore du voyage un voyage dans l espace et vers l autre Dans le cas de Henri Fran ois Imbert l
13. a grandi et se trouvera sa place Plac sous le signe du liquide l eau coule en pluies torrents et en mers y com pris de sable donc du mutable le film sait l rosion des discours trac s mais la r currence du motif de la perte dans les r cits l oiseau d rob la m t orite disparue la poup e perdue la collection gar e ne s cr te pas pour autant amertume car la vie est comprise comme passage de relais Ce mouvement perp tuel justifie l enfilade des r cits Si l on en perd un inattention ou inintelligence un autre finira par trouver le chemin du c ur et l auteur aura touch au but Si diverses d apparence ces petites histoires sont autant de variations musicales sur un th me unique celui de l apprentissage de l existence dans l infinie constellation de ses vicissitudes R cits recettes vivre telle la bo te exorcisme envoy e par la poste Mais d j l inventaire ini tial des outils du tournage cam ra et magn tophone donne la recette du bonheur les instruments du cin aste sa palette son clavier permettent l exercice du m tier Peinture et musique sont les mod les de ces r cits qui se partagent en deux cat gories qu on a coutume de d signer documentaire et fiction Tel un peintre du r el le cin aste peut pratiquer le genre du portrait c est alors la rencontre avec l autre qui fait r cit Tel un musicien de l imaginaire le cin aste peut chafauder des m lodrames et c
14. cin aste tout au long du film travers une criture tant t proche du conte chez Pauwels tant t proche du carnet de voyage chez Imbert Puissent ces voix solitaires et minoritaires porteuses de fragments d histoires et d clats d humanit r sister au flux des m dias ou au tapage du cin ma industriel et faire entendre au spectateur engourdi la petite musique heureuse et forte d un cin ma libre et l ger Jacques Gerstenkorn ANALYSE DU R CIT 0 2 S quence d ouverture D but du tournage Mise en vidence des l ments qui composent un film clap cam ra prise de son Succession de plans d une cour int rieure probablement celle du r alisateur m l s des peintures repr sentant le m me lieu soumis aux intemp ries selon les diff rentes saisons gros plans de fleurs de gouttes de pluie La voix over rappelle le ques tionnement initial de sa fillette et l incapacit du r alisateur lui r pondre Il explique sa vocation Cette s quence d ou verture est rythm e par une chanson cubaine Le montage des plans pouse ses changements de rythmes et ses into nations 2 5 Petit mode d emploi pour convoquer le dieu Elegua Les amis cubains du cin aste lui font parvenir un colis pour convoquer le dieu b n fique Elegua Suivant la lettre les indications il accomplit la pr paration de petits paquets magiques dans une s rie de plans fixes puis ex cute les actions occultes requises Un train pas
15. e Faisant cho la construction impressionniste du film cette laboration d un objet par touches cette succession de motifs patiemment entrem l s qui aboutissent la parure nuptiale privil gie une virtuosit tranquille loin du spectacu laire facile Cette humilit est bien le propre du cin aste qui se pr sentait d s le d but comme un artisan un peintre M taphore peine voil e de sa d marche le rite arabe prend comme mati re premi re le corps humain La chair devient ici papier et les dessins appliqu s au henn fluide d origine v g tale sont proches de l enluminure et de la calligraphie Se rejoignent alors en cette s quence les pr occupations du r alisateur concernant l accord entre la natu re l art la culture et l homme mais aussi sa r signation face l aspect ph m re des traces et de l criture les motifs de la main dispara tront apr s la c r monie L histoire de Gauvain r affirme une derni re fois l un des principes qui r git le film la mise en parall le constante entre lunivers oriental et l univers occidental Une remarquable fusion qui acc de l universalit le visage de la femme par e une Europ enne semble t il n est jamais montr est obtenue offrant une union inesp r e entre un rite arabe et un conte occidental une trange le on de chose donn e par un humaniste du XXI si cle sa fille Alban Jamin Le son vient avant l image Ediso
16. e cin ma est r ellement un voyage en m me temps qu une remont e dans le temps Sur la plage de Belfast est un travail sur la trace et la m moire de l autre c est ce qui ma personnellement touch dans son film Ne seriez vous pas l un comme l autre du c t de l artisanat plut t que de l industrie du cin ma Oui c est vrai qu il y a un choix d outil extr mement simple qui conditionne un regard sur le monde un certain lan gage Pissaro ne peint pas avec le m me pinceau que V lasquez V lasquez peint avec un pinceau tr s long loin de la toile Le fait de travailler en cin ma et en Super 8 c est d j tr s significatif 98 du cin ma est quand m me impr gn d industrie et de commerce J ai l impression qu il y a des champs immenses balay s par des moisson neuses batteuses et puis que au bord de ces champs il y a des petits jardinets avec des gens qui travaillent dans leur petit potager leur petit champ de ma s leur petite chose eux Et ce n est pas forc ment les m mes l gumes qu ils cultivent mais il y a des familiarit s Alors de temps en temps j aper ois quelqu un dans son potager je lui fais bonjour par dessus la haie il me fait bonjour on s change une parole Puis chacun d entre nous se retire dans son artisanat dans sa solitude Car nous ne sommes pas l pour fonder une association de d fense de l artisanat du cin ma Mais si on est artisan et individualiste ce n est pas
17. est le conte cette confession crypt e qui sublime alors le r cit Pauwels excelle dans les deux registres les m lant m me pour indiquer leur n cessaire compl mentarit Ses deux hommages l amour exc de le pastiche au cin ma des pre miers temps cette enfance de l art en sont les preuves les plus abouties D un c t un conte noir et blanc noir mal heur et blanc bonheur avec preuve de c cit et miracle la clef De l autre une vue lumi riste attentive la vie quo tidienne avec voitures passants dans la rue et commer ant sortant de son picerie pour faire signe la cam ra Une vue o les protagonistes du m lodrame pr c dant fillette sage homme barbu et chien com dien se sont gliss s parmi les figurants anonymes Preuve de l quivalence des genres Philippe Roger CHEMIN DE TRAVERSE Si le film d ric Pauwels peut sembler la premi re vision extr mement dense et d dal en il existe un leitmotiv qui balise le parcours le train Mise en sc ne du train Le train appara t tr s t t On l entend d abord dans le lointain lorsque les petits paquets sont d pos s dans les coins de la maison Puis pr s d une voie ferr e apr s que l on ait marqu d une fl che le sens de son trajet vers le sud il d file devant le cin aste adulte qui fume son cigare de dos et devant l enfant qu il a t Le train fait partie du rite magique et s apparente d s le d but un l ment di g tique
18. groupe acoustique forme un son personnel Le deuxi me type de son nous prom ne loin dans l espace terrestre et imaginaire Le rythme du train joue le r le de re frain Cela permet la transition vers des lointains pays Ces pays jamais pr cis s apparaissent comme une synth se des l ments terrestres eau air terre Les bruits de vent alternent avec la pluie le ressac des vagues se m lange au chant des mouettes puis un air sec souffle sur le d sert Le panth isme sonore cr e une ode la nature Les sons seuls rapport s de divers voyages peuvent tre mix s avec des bandes de sonoth ques Ici pas de r alisme Comme dans un film de Chris Marker on pense Sans soleil le mixage de divers l ments nous fait basculer dans le r ve La fluidit des raccords sonores surtout avec les l ments liquides baigne le spectateur dans une ambiance po tique v ritable composition musicale dont le lien avec l image se construit uniquement dans la t te de chaque auditeur Ce deuxi me groupe de son constitue le voyage impressionniste acoustique du spectateur composition po tique accompagnant la voix d un conteur Peu avant la fin du film une parodie de m lodrame muet vacue la voix et les bruits Seul reste un piano qui joue avec le suspens Le musicien Alexandre von Sivers ma trise l art de l accompagnement exag r ment dramatique Le happy end du petit m lo encha ne sur la vue d une picerie en plan fi
19. n a mis au point le phonographe avant le kin toscope Dans Lettre d un cin aste sa fille les premiers l ments du film reprennent l ordre historique du pr cin ma Le son a tourne L image a tourne Cette convention du son documentaire synchrone sert d introduction Par la suite les bruitages voix et musiques se d placent d un lieu un autre d un plan un autre overlapping en utilisant peu de son synchrone loin du cin ma direct ric Pauwels et l quipe son veulent donner au spectateur l intimit la proximit d une lettre lue dite la premi re personne aussi bien que la chaleur la sensualit d un grain sonore accompagnant les petites histoires exotiques pour son enfant qui pars ment le film La troisi me proposition pour l oreille du spectateur conclut le film avec une double citation cin philique Le bruit intime jouxte la voix du p re cin aste quand on se trouve dans son univers personnel Le r alisateur ouvre un colis Il en sort des petits bruits pr cis de papier de pinces linge et autres l ments du culte Elegua pendant la lec ture de la recette pour d sorienter les ennemis L intimit et l amiti se retrouvent dans les bruits lectroniques des machines de Roger l talonneur Plus tard dans un studio de prise de vues les bruits du maniement de la cam ra et de la pr paration des lumi res nous rapprochent de la vie et du travail du cin aste Ce premier
20. posant un d filement fascinant d images per ues travers un cran fen tre cf les regards de l enfant le train cin matographique de Pauwels est r investi de sa force motrice originelle du pouvoir hypnotique qu il exer a lors de son Arriv e en gare de La Ciotat Significativement le plan qui suit celui du cin aste en train de fumer le cigare est film depuis l arri re du train et offre une image propuls e par la machine La cam ra sur une machine la vitalit des mouvements d appareil le flux nergique du montage cette conception de la cam ra n est pas sans rappeler L Homme la cam ra de Dziga Vertov Pauwels cherche tout comme lui enregistrer les pul sations de la vie mais aussi les al as de la m moire la fois pr cise et d sordonn e Alban Jamin Apr s le petit m lodrame muet le cin aste ne peut s emp cher d ajouter un pilogue visuel et musical pour clore son film L histoire de Messire Gauvain est donc la derni re s quence qui raconte une histoire avant le montage fr n tique et euphorique sur la chanson finale On remarque le statut particulier de cette s quence qui par sa force d vo cation et sa place dans le film synth tise et cl t remarquablement l uvre du cin aste Un d pouillement lumineux Si l on consid re cette s quence par rapport l ensemble du film on constate l extr me simplicit du dispositif ins taur sur des images de mains qui se parent
21. r la petite fille qui pleurait au jardin public Pauwels agit de m me avec sa fille Un pied fictivement dans l au del le cin aste r dige une s rie de messages destination de son enfant sous la forme de fables o le tragique le dispute toujours au comique Histoires dr les et tristes comme celle du clown tenu de jouer avec sa souffrance pour faire rire son jeune public au cirque L pisode du m lodrame est la version grave et burlesque du roman familial Heureuse la vue du boulanger avec son fils id alise une famille d charg e du poids de la culpabilit pesant sur le cin aste qui n osait dire sa fille son beau m tier si souvent avili par l industrie audiovisuelle La plus dure des histoires de famille reste celle du p re euthanasiant par amour son nouveau n comateux Aucune image ici si ce n est l ombre de feuillages frissonnants entre des plans noirs Il est un autre tabou de la repr sentation familiale tout au long du film celui du p re filmeur Pauwels n appara t qu en n gatif dans son uvre Si pr sent par sa voix il fuit son image Tout juste aper oit on ses mains hormis un plan de dos on ne devine les traits du p re que par procuration dans ceux de son petit gar on le repr sentant enfant L adulte rentrant chez lui le p riple accompli sera une ombre lointaine prise du jardin L histoire d Utamaro donne la cl de cette pudeur paternelle Le cr ateur doit se fondre dans sa cr ation il n e
22. s premiers hommes l aide de grains de caf vocation sur des images de mer en noir et blanc du premier face face entre Christophe Colomb et les Am rindiens 26 28 Kafka et la petite fille Plans de Prague ses rues ses squares ses canaux Histoire de la petite fille qui avait perdu sa poup e et que Kafka avait consol e en inventant des lettres que le jouet lui envoyait Une tombe arabe succ de la tombe de Kafka 28 29 Les hommes de pierre de Pomp i Les hommes fig s dans la lave le V suve qui fume R flexion sur la disparition in luctable de toute trace et de toute criture 29 30 Histoire de Jussieu La vie de l explorateur Jussieu racont e sur de nombreux plans d eau courante rythm s selon le d bit verbal du narra teur Fondu au noir puis succession de plans de nature 30 37 Le petit film muet Mise en place d un cache carr pour red finir le cadre puis d but du m lodrame en 27 plans avec cartons Apr s le film plan du coin de la rue du cin aste avec rapide apparition des acteurs du petit film pilogue Histoire de Gauvain et chanson finale 37 43 Histoire de Gauvain sur des images de mains d cor es selon un rite nuptial oriental 43 45 Suite de travellings sur la chanson cubaine La nature en f te Le plan de la main et de la bougie qui s teint vient achever le film Pour qu il y ait r cit il faut qu un vide un manque un foss soit combler L his
23. se Chaque grand segment du film sera s par du suivant par une r surgence de plans ceux tourn s dans un train avec le reflet de tableaux dans ses vitres ceux d un enfant qui observe ceux de cairns dans un d sert fils conducteurs internes aux visions du cin aste 5 9 Une collection de portraits D but de la lecture de la lettre Le cin aste pr cise ce qu est son art apparent la peinture S quence constitu e de nombreux plans de tableaux c l bres au Louvre puis int gration de portraits r alis s par lui le boulanger et son fils le gar on de bain l talonneur de films le m decin Histoires d criture 9 14 Dans un mus e un enfant observe des vestiges sum riens Le r alisateur voque une plaquette d argile avec les premi res traces d criture Suite de plans o les oiseaux ont laiss leurs traces sur le sol Puis apr s des images d eau et de ciel images d une peinture rotique japonaise avec lecture du texte inscrit sur l ventail de la femme Pour clore cette s quence histoire des chameaux alphab tiques du sultan Plans d un palais et de d sert On lit les lettres de l alphabet en arabe chaque fois qu un chameau appara t Histoires de destructions et de tristesse 14 15 La m t orite d Okanski Images de photos repr sentant la plaine de l Oural o s est cras e la m t orite Plans du mus e d Okanski 15 16 Deux fun bres histoires de famille
24. st plus qu un regard lov dans les lignes de son dessin Inscrite sur l ventail de la femme aim e la fable du h ron et du coquillage dit merveille cette perte de l auteur dans l uvre selon la loi du d sir Ce d sir qui aimante les tres jusqu les unir en une famille tou jours recommenc e Philippe Roger 10 Je t cris pour te dire que le cin ma que j aime c est un cin ma d artisan de solitaire de peintre presque Un cin ma de regard de pens e de partage plut t que le cin ma du pouvoir et du spectacle Lettre d un cin aste sa fille est un film manifeste pour un cin ma de po sie lib r du carcan de l industrie audiovisuelle Film engag jusque dans sa forme Sa luxuriance d images et de sons vivants est un d ni cr ne du syst me de repr sentation dominant d au dio et de visuel aseptis s qui dissimulent leur absence d me sous une vaine agitation Les injonctions de Pauwels au g n rique Le son L image sont rappel l ordre de la po sie contre les succ dan s commerciaux qui per vertissent le go t g n ral Ce film pour l homme et son d sir la vie du corps et de l esprit est autant un film contre la soci t ali nante du spectacle frelat L nergie du film tiendrait elle d un d sespoir surmont La calme assurance du narrateur semble conquise sur l indi gnation Si le cin aste r agit si vivement la maladie des images ambiantes au point que les
25. t t soucieux de se d marquer N du d sir de restituer un film Super 8 ses propri taires Sur la plage de Belfast fait surgir au bout du voyage ce qui se trouve au fondement m me du film de famille l urgence plus ou moins consciente de laisser une trace de lutter contre la disparition des tres chers de fixer sur pellicule d ph m res moments de bonheur Tandis qu ric Pauwels s adresse sa fille en filmant sa tribu notamment son fils Gaspard son chien Puf et ses amis proches et cela non seulement pour lui faire cadeau d un petit m lodrame qu elle lui r clamait quand elle tait encore une enfant mais davantage pour lui transmettre quelques v rit s fondamentales sur le comique et le tragique de la vie ou encore sur la libert qu a toute femme de choisir son destin Pour autant aucun de ces deux films si person nels n est d ordre priv Profond ment ancr s dans une attention l tre et l autre ils atteignent chacun selon ses puissances propres universel On trouvera au fil des pages qui suivent compl t es par un DVD produit par la R gion Rh ne Alpes et tout entier nourri par la parole vive et g n reuse des cin astes bien d autres liens techniques et th matiques po tiques et poli tiques g n riques et g n tiques entre ces deux r ussites majeures d un cin ma d artisans Citons seulement un trait tout la fois commun et sp cifique l inscription pr gnante de la voix m me du
26. t trouvera une justification par rapport au d nouement de l histoire Ce sont en effet des gants nuptiaux qui sont dessin s et la fable se terminera par un mariage L harmonie imitative du montage La forte interaction entre les images et le texte trouve son origine dans un montage qui pouse la progression du r cit Les changements de plans et de valeurs de cadre correspondent alors aux grandes tapes du conte et l intensit de l action narr e Par exemple lorsque Gauvain retrouve l ogre un plan rapproch tr s construit montrant la femme tenant la main qu elle peint vient comme pour marquer la stabilit du segment narratif qui d bute Un raccord dans l axe offre ensuite un gros plan de la main lorsque Gauvain accumule les fausses r ponses puis un tr s gros plan correspond la destruction du monstre Trois tapes trois plans qui iront en se rapprochant de la main peinte mesure que Gauvain se rapprochera de la v rit Cette harmonie imitative du montage rythme plusieurs autres s quences du film la chanson de louverture l histoire de Jussieu la mort de l enfant dans le coma et r v le un travail extraordinaire de pr cision dans l laboration du rapport entre l image et la bande son On remarquera que sur un plan plus g n ral la s quence fait aussi cho au plan r current de mains peintes devant une bougie cr ant une r sonance interne diffuse et conductrice Une s quence embl matiqu
27. toire sera ce fil jet sur l ab me pour relier ce que le temps ou l espace a s par Il s agit de renouer ce qui usure ou rupture s est perdu Le conteur est tisseur dans l espace fictif de sa tapisserie de mots il coud la morale de sa fable Le conteur est tresseur il r unit ses histoires en un chapelet un collier de graines de r cits qui paraissent s engendrer Le film de Pauwels est tout cela la fois Un p re s adresse son enfant c est dire l enfant qu il fut pour conjurer le temps qui efface toute trace et ce n est pas une seule histoire qu il va lui conter mais bien tout un bouquet pour apprendre vivre Chaque histoire est un condens de la sagesse humaine Si l identit du narrateur est d finie on ne peut en dire autant du destinataire Lettre d un cin aste sa fille la formu lation semble contredire la densit des propos tenus ce discours adulte d essayiste serait il compris d une enfant D ailleurs l introduction ne joue pas la fiction de l adresse le public du film est d abord vis Pourtant la d dicace n est pas que rh torique Pour en appr cier le sens il faut couter la conjugaison des r cits narr s o le pass se taille la premi re part c est que le conteur occupe la place du mort Testamentaire sa le on de vie serait formul e post mortem Et s il parle en adulte c est un peu qu il monologue et beaucoup qu il s adresse sa fille qui d ici peu aur
28. uit pleinement C est un v ritable accouchement et pourtant on ne le voit pas Propos recueillis le 19 juin 2002 l Agence du court m trage par Jacques Gerstenkorn et Cyril Peyramond 12
29. xe presque un film Lumi re au coin d une rue o se croisent tous les acteurs du m lodrame La musique est remplac e par une ambiance de gamins joueurs qui nappa raissent pas l image Par contre le chien revenu de 1910 traverse sagement la rue On le reconna t il jouait dans Mon oncle de Jacques Tati Le son est ici hommage aux jeux des enfants du Vieux Saint Maure pr s de l appartement de Hulot enfants qui restent hors champ chez Tati aussi Ce troisi me groupe acoustique vocation cin philique du muet au sonore de la parodie l hommage discret Tati boucle le parcours sonore de ce film o les nuances de la bande son et le choix d licat des musiques permettent de ressentir la lettre les motions d un cin aste sensible Martin Barnier PISTES DE R FLEXION Avec sa Lettre film e Pauwels exp rimente une variante d allure paradoxale du cin ma personnel l essai po tique double adresse publique et priv e Des films existent d di s ou m me adress s par un cin aste sa prog niture ceux de Tarkovski de Blain mais ils empruntent la prose de la fiction coutumi re Voyager en amateur dans l espa ce et dans le temps pour donner des nouvelles du monde pass pr sent et venir son enfant cela s est peu vu C est l tout le pari de ce vagabondage de cin aste dans la lign e des Essais de Montaigne qui entend conjuguer l intime et l universel Du cin ma d amateur il conserve l
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