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1. 21 D cision 2010 92 QPC cons 9 11 quoi que ce soit Et comment pourrait on laborer une doctrine dans un syst me construit pour que n importe quoi marche On peut objecter il est vrai que les limites du syst me proc dent de malfa ons contingentes et temporaires dues aux origines suspectes de l institution et que des r formes opportunes permettraient de corriger On pourrait ainsi faire en sorte que les membres de l institution poss dent une authentique comp tence juridique et qu ils soient davantage recrut s dans des milieux mieux connus pour leur ind pendance d esprit l gard du pouvoir politique que la haute fonction publique Peut tre Mais il ne faut pas en conclure que la situation actuelle est le produit d une erreur En r alit l institution est bien ce que l on a voulu qu elle soit et ce n est pas un hasard si elle ne produit que du droit moyen On appellera droit moyen par r f rence la tripartition propos e par Pierre Bourdieu entre go t l gitime go t moyen et go t populaire un droit qui n est pas un droit savant il est facile de s en rendre compte mais qui n est pas non plus suppos la port e du vulgum pecus Il n exige pas la ma trise d un outillage intellectuel complexe mais il n en r sulte pas que n importe qui pourrait arbitrer les litiges qu il est suppos trancher D pourvu de r elle technicit il doit n anmoins en pr se2. dispose d un savoir propre transcendant et inaccessible au vulgaire Ainsi se trouve la fois rendue possible et dissimul e une pratique essentiellement d cisionniste Carl Schmitt se cachait sous le masque de Kelsen C est pourquoi une fois n est pas coutume le terme journalistique de sages appliqu aux membres du Conseil exprime peut tre la v rit de l institution et le caract re moyen du droit constitutionnel jurisprudentiel Un sage n est pas un savant mais il n est pas non plus un quidam Tout le monde ne saurait pr tendre ce titre Non qu il traduise une qualit pr existante qui pourrait s acqu rir se constater justifier une nomination Attach la fonction il est conf r par elle Ainsi s explique le fait que tous les membres de l institution en b n ficient automatiquement alors que rien ne semblait pr disposer certains ni dans leur personne ni dans leur parcours le recevoir 15 L ennui est que les choses tant ce qu elles sont la r alit de l institution est en parfaite contradiction avec le projet utopique dont on nous a pourtant expliqu sur tous les tons qu il tait d ja r alis Le paradis annonc ne s est pas vraiment manifest Le Conseil constitutionnel n a pas refond le droit constitutionnel fran ais Globalement il l a plut t banalis et obscurci Jean Marie Denquin Professeur de droit public l Universit Paris Ouest Nanterre La D f
3. ordre suffit apaiser ses inqui tudes Moins d sireux d imposer une orthopraxie qu une orthoglossie il refuse d envisager les possibles effets pervers des mesures qui lui sont soumises et s accommode de garanties purement verbales D s que les euph mismes politiquement corrects sont en place il se d clare satisfait Il n est pas possible d examiner ici les heurs et malheurs de l utopie et notam ment les cons quences de son t lescopage avec un ph nom ne tout diff rent la soumission du droit fran ais au droit communautaire et au droit europ en Mais puisque les proph tes ont annonc que l apparition du nouveau droit constitu tionnel allait transfigurer la discipline il est l gitime de se demander si l apoth ose s est effectivement produite ou si les nouveaux acteurs nouvelles normes et nouvelles m thodes ont pr cipit la d cadence du droit constitutionnel Pour tenter d apporter une r ponse cette question il convient d abord de s entendre sur les crit res susceptibles de fonder une telle valuation On oppo sera conventionnellement qualit valeur Appr cier la valeur d une d cision de justice c est porter un jugement sur son dispositif dire en d autres termes s il doit tre approuv ou non En revanche appr cier la qualit d une d cision consiste valuer ses motifs c est dire le sens et la pertinence des normes auxquelles elle se r f re l argumentation
4. pour le juge subsumer des individus sous des concepts de premier ordre c est dire d clarer qu un ou plusieurs individus x x x appartiennent l extension d un concept X et en tirer les cons quences pr vues par la norme Op ration indispensable puisque la notion laquelle la norme fait r f rence pr sente une intension ou signification d termin e mais ne d termine pas son extension autre ment dit n num re pas les individus auxquels fait r f rence le concept Ayant ainsi d termin que le terme mineur du syllogisme est contenu dans l extension du terme moyen le juge n a plus qu appliquer le raisonnement syllogistique pour en tirer la conclusion le terme mineur est contenu dans l extension du terme majeur les choses sont en r alit plus complexes car la v rit du syllogisme tel que r interpr t par la logique moderne suppose mais ne d termine pas sa conclusion Cependant la forme syllogistique offre une reconstruction approxi mative sinon r aliste de la d marche du juge Le probl me auquel se trouve confront le juge constitutionnel est enti re ment diff rent La Constitution et les textes annexes posent en effet des principes sublimes p remptoires et brefs ainsi le veulent la fois la majest de l objet et l espace exigu qui lui est conc d Mais ces principes sont extr mement g n raux et inapplicables en l tat Leur mise en uvre im
5. d appr ciation discr tionnaire Mais surtout comme on l a d j fait observer il souhaite m nager les gouvernants dont il est globalement solidaire du moins lorsque celui ci est politiquement du m me bord Il d ploie dans ce but des efforts consid rables pour laisser en permanence ouvertes toutes les options afin de ne heurter l appa reil d tat que parcimonieusement sur des points mineurs et quand il ne peut faire autrement sans se d cr dibiliser compl tement Dresser une liste exhaustive des techniques qu il met en uvre pour y parvenir exc derait les limites de cette communication On se bornera donc en rappeler quelques exemples 10 V G Carcassonne et O Duhamel QPC La question prioritaire de constitutionnalit Dalloz 2011 pp 38 59 La premi re est le recours des notions vides qui poss dent une signification mais pas d extension Ces pseudo concepts sont caract ris s par l impossibilit de d finir un principe de g n ralisation qui permette d identifier de mani re intersubjectivement contr lable des objets qui en constituerait l extension le fait de Les y ranger ou pas repose en fait sur une d cision arbitraire L esprit de la Constitution 13 en offrent des exemples Discours essentialiste en apparence Mais le recours l essence ou l identit constitutionnelle de la France par nature ici introuvable a pour finalit paradoxale de camoufler l
6. donc incapable de la pr senter lui m me On peut aussi penser que ce document pallie l absence d un quivalent des conclusions du ci devant commissaire du gouvernement Mais en droit administratif le contraste entre ces conclusions et l arr t engendre un dynamisme interpr tatif parce que les premi res apportent des l ments d informations et de r flexion tandis que le second indique ce que le juge a valid d une analyse argument e et fouill e mais sp culative et non d cisoire Transposer le discours d amont en aval en change radicalement le sens l examen d un cas en d bat se m tamorphose en d fense d une solution acquise le dialogue se change en monologue et l exploration en ex g se Il en r sulte que l autocommentaire ne se distingue plus du texte comment troitement solidaire de ce dernier il subira le m me sort que lui Si la doctrine fait son office il appellera le commentaire qu il avait pour fonction d viter Et en cas de revirement il p rira avec la jurisprudence comment e Sur le fond le propre d un droit jurisprudentiel est d extraire la r gle des cas alors que le droit l gislatif suppose une application de la r gle un cas particulier Le premier g n ralise alors que le second individualise La g n ralisation s accom plit travers la notion de pr c dent un cas identique entra nera en principe des cons quences identiques Mais deux cas concrets ne sont jamais compl teme
7. suffit d ailleurs relativiser la pertinence du th me du gouvernement des juges de hi rarchiser ces propos en plusieurs registres en distinguant par exemple obiter dicta et rationes decidendi accro t encore cette transparence relative Enfin les opinions individuelles dissidentes en particulier clairent les m canismes de la r flexion collective et pr parent les voies d alternatives possibles Mais dans la culture juridique fran aise ces techniques sont impraticables les arr ts de r gle ment sont honnis depuis la R volution et la tradition de l imperatoria brevitas interdit aussi bien les d veloppements explicatifs que les opinions individuelles La difficult a cependant t tourn e partiellement par une pratique nouvelle progressivement d velopp e les d cisions du Conseil constitutionnel peuvent tre accompagn es d un commentaire qui pr cise les intentions du juge et la port e de la solution adopt e L habitude a tendu masquer ce qu a d trange le comportement d un juge qui livre sa d cision avec le mode d emploi expose ce qu il convient de comprendre ventuellement d admirer On voit bien ce que cette d marche impr vue doit aux exigences de la communication il faut donner de la d cision une version exot rique lisible en diagonale par les journalistes faisant office leur usage de captatio benevolentiae et fixant l interpr tation correcte du texte comment qui apparait
8. tations parcellaires al atoires troitement conditionn es par l imagination ou l absence d imagination des interpr tes pour pallier une mauvaise interpr tation des textes il faut d abord la concevoir 9 La censure d un texte par le Conseil constitutionnel supprimera certes toute interrogation son sujet mais outre que la question demeure enti re en cas de r serves d interpr tation dans quelle mesure exclura t elle la reprise par le l gislateur de dispositions approchantes mais plus ou moins euph mis es I On aurait par cons quent pu penser que la nouvelle question prioritaire de constitutionnalit serait de nature relativiser les inconv nients li s l abstraction du contr le Le cadre constitutionnel qui lui a t trac comme la pratique qui en est faite ont cependant cart toute r f rence l id e d un contr le par voie d exception La proc dure mise en uvre qui abstrait du texte une question n est qu un contr le par voie d action r troactif o tout est soigneusement calcul pour organiser la confrontation de deux normes g n rales enti rement d con nect es de l v nement concret qui l a suscit e Les caract res structurels jusqu ici consid r s mettent en lumi re la diffi cult de produire un droit constitutionnel jurisprudentiel Ils expliquent l chec d une m thode qui consiste transposer telles quelles des recettes labor es pour p
9. Il faudrait aussi voquer les adverbes et restrictions diverses qui maillent la plupart des d cisions du Conseil par exemple la repr sentativit implique une lection sur des bases essentiellement d mographiques porte ouverte aux exceptions opportunes Le principe d galit ne s applique qu des cas identiques mais c est le Conseil qui les d clare identiques et un motif d int r t g n ral qu il appr cie souverainement peut justifier des d rogations La faiblesse de l argumentation qui bien souvent ne cherche m me pas se dissimuler t moigne elle m me d une indiff rence profonde toute justification ce qui laisse la 16 Depuis la d cision 85 197 DC cons 27 17 D cision 88 244 DC cons 1 1 Pour distinguer les deux cas le Conseil constitutionnel appr cie l importance des dispositions en cause D cision 98 407 DC cons 9 On notera qu en proc dant ainsi le Conseil fait r gresser le concept de tradition r publicaine au rang de pseudo concept comme dans le cas de l identit constitutionnelle de la France ne s y range que ce que des consid rations d opportunit conduisent y ranger 18 D cision 85 196 DC cons 16 les italiques ne sont pas dans le texte 19 V sur ce point la d monstration d Olivier Jouanjan 10 rationnelle des choix op r s De ce point de vue les d cisions prises sur la base de la question prioritaire de const
10. Jean Marie Denquin LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL GRANDEUR OU D CADENCE DU DROIT CONSTITUTIONNEL UN REGARD SURPLOMBANT SUR LES LIBERT S PUBLIQUES n sait que le Conseil constitutionnel institution d abord d cri e s est trouv par une sorte d hegelianisme rudimentaire transform en n ces sit historique Les ph nom nes sans lesquels il n aurait pas exist la Constitution de 1958 le g n ral de Gaulle voire une promotion retard e dans l ordre de la l gion d honneur se sont m tamorphos s en ruses de la raison gr ce auxquelles celle ci a pu se manifester dans l histoire L institution est ainsi devenue sa propre cause car un v nement aussi sublime ne pouvait videmment tre le fruit du hasard Dans cette transfiguration un r le important fut jou par la substitution de la formule gardien des libert s publiques celle jug e r ductrice et gothique d organe r gulateur de l activit des pouvoirs publics L id e de gardien des libert s est toutefois elle m me r ductrice car cette dimension n est malgr son importance qu un l ment d un projet beaucoup plus vaste Ce projet con u par une partie de la doctrine et que le Conseil n a jamais r cus est une v ritable utopie normativiste il s agit de r crire l ensemble du droit fran ais sur un fonde ment rationnel qui permettra ensuite d engendrer toutes les normes g n rales et
11. absence de sens Car comment le Conseil ou plut t ses membres savent ils qu un objet est contraire ou non l esprit de la Constitution ou l identit constitutionnelle de la France La r ponse est videmment qu ils ne le savent pas car il n existe aucun crit re rationnel objectif et pr existant pour justifier ou exclure la subsomption d un individu quelconque sous ces g n ralit s non identifi es Le d bat kels nien entre acte de connaissance et acte de volont est ici exclu puisque la premi re hypoth se fait d faut Certes les membres du Conseil s imaginent peut tre capables de d couvrir une r ponse par introspection Cette curiosit psycho logique ne modifie cependant en rien l impossibilit logique de savoir Donc ils d cident et pourraient tout aussi bien d cider l inverse Dans ce cas ils penseraient que l inverse est vrai L arbitraire du choix est d ailleurs confirm par le fait que l extension de ces pseudo concepts est susceptible de modifications L esprit gt change celui d aujourd hui n est plus celui de 1962 L identit constitution nelle de la France est si peu identitaire que le consentement du constituant suffit la modifier 4 Et le temps n est pas si loin o l identit constitutionnelle de la France aurait pu se d finir par ce que l on appelle maintenant par un terme descriptif devenu p joratif le l gicentrisme La deuxi me technique c
12. contentieux constitutionnel la diff rence du contentieux administratif ne prouve pas que le Conseil reste ind fectiblement attach ses principes mais plut t que ceux ci sont suffisamment flous ambigus voire invert br s pour qu il soit possible de d cider une chose et son contraire par exemple proclamer l effet cliquet son de trompe puis y renoncer sans m me qu il soit n cessaire d en prendre acte Pouvoir faire les choses sans devoir les dire n est ce pas le comble de la libert Il va de soi que de telles pratiques peuvent tre dument c l br es sous le nom de souplesse o de pragmatisme Mais il est non moins clair que ce syst me ne r pond en rien aux loges hyperboliques dont il est l objet Comment une institution qui prend un tel soin de ne pas s engager afin de ne pas tre contrainte d entrer en conflit avec l ex cutif dont elle est politiquement proche et qui est d sormais ma tre absolu du Parlement par l interm diaire de sa gt majorit peut elle tre d crite et c l br e comme gardienne de l tat de droit et en particulier des libert s publiques Un droit qui ne s impose jamais au juge un juge qui d cide en vertu d opportunit s strat giques voire de solidarit s politiques peut il tre gardien de 20 D cision 2010 20 21 QPC cons 6 V le commentaire qu en donne O Beaud Les libert s universitaires l abandon Dalloz 2010 pp 285 330
13. e ritualis de ces expressions cr e le fait qu il tait cens constater On a quitt le registre de la motivation juridique pour celui du moulin pri res De m me la facult que se reconna t le Conseil de cr er des normes constitu tionnelles lui permet de ne jamais manquer d arguments pro ou contra S il veut censurer la loi il peut d couvrir un principe fondamental reconnu par les lois de la R publique S il entend la valider il d clarera que la pratique invoqu e m me si elle a t constamment appliqu e n est qu une simple tradition r pu blicaine Il peut aussi pour les besoins de l une ou de l autre cause interpr ter un texte constitutionnel invoquer un principe tel que la s paration des pouvoirs ou les exigences de l int r t g n ral Comme il ne d finit pas ces expressions leur g om trie reste opportun ment variable on ne pourra jamais d montrer qu elles n ont pas le sens qu il leur pr te Pour carter une norme explicite qui para t contraire une disposition l gislative il peut encore s il entend sauver cette derni re inventer un objectif valeur constitutionnelle oppos par exemple le maintien de l ordre public puis arguer de celui ci pour op rer une conciliation entre ces principes Il va de soi que par un miracle d har monie pr tablie le point d quilibre co ncidera avec la solution qu il entend faire pr valoir
14. ense Il a publi notamment 1958 la gen se de la V R publique PUF 1988 La monarchie al atoire PUF 2001 La politique et le langage Michel Houdiard 2007 et plusieurs articles dans Jus politicum
15. itutionnalit ont enrichi le palmar s de sp cimens remarquables La d cision relative l ind pendance des professeurs d universit qui implique que les professeurs et ma tres de conf rences soient associ s au choix de leurs pairs est d j justement c l bre On attend avec impatience sa g n ralisation ne peut on dire que la justice est ind pendante parce qu elle est associ e aux d cisions de l ex cutif La d cision relative au mariage homosexuel est galement remarquable puisqu elle se borne poser qu il n appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appr ciation celle du l gislateur sur la prise en compte en cette mati re de cette diff rence de situation entre couples du m me sexe et couples compos s d un homme et d une femme 21 Ici on ne peut m me plus parler d argumentation on se situe au niveau du circulez y a rien voir subtilement modul par un en cette mati re qui laisse toutes les possibilit s ouvertes en toutes mati res Les d cisions de nature fiscale illustrent les m mes d robades Enfin le Conseil constitutionnel juridiction supr me est libre de modifier comme il l entend sa propre jurisprudence Qu il le fasse ne sera pas port son d bit bien que l on soit cens inscrire son cr dit le fait de ne pas le faire D autre part la difficult qu prouvent les ex g tes identifier des revirements jurisprudentiels en
16. n car labor majoritairement par des non juristes il s adresse essentiellement des non juristes Les professionnels du droit ne sont pas en effet ses uniques ni m me ses principaux destinataires Il est fait d abord pour le grand public les journalistes les politiciens ou les narques qui n ont pas fait d tudes juridiques Il ne peut donc devenir r ellement technique recourir un vocabulaire rigoureux des concepts pr cis ment d finis des raisonnements subtils et complexes Pour pr server une intelligibilit ou du moins une apparence d intelligibilit imm diate il ne doit utiliser que des mots du langage courant ne pas d finir les termes qu il emploie cela ferait universitaire et proc der par affirmation plus que par d monstration Paradoxalement ces contraintes n entrent pas en contradiction avec un imp ratif en apparence oppos marquer la distinction de l institution convaincre le bon peuple que ces myst res le d passent et garder la possibilit d en imposer peu de frais par des formules p remptoires Une cha ne argumentative explicite et compl te produirait l inverse des propositions contr lables r duirait la marge de man uvre de l interpr te omniscient et donc potentiellement l arbitraire de ses d cisions Le style d oracle tranchant et n gligemment motiv n est pas le fruit du hasard Il joue un r le fonctionnel car il donne croire que le locuteur
17. nt identiques sinon ils seraient confondus principe de l identit des indiscernables La similitude des deux cas n est donc jamais la cons quence n cessaire d un tat de chose objectif elle est la cons quence et non la cause de la d cision du juge La marge de man uvre de celui ci est plus large semble t il que dans un droit l gislatif La diff rence est toutefois surtout marqu e lorsque le juge statue en dernier ressort Dans ce cas il cr e la r gle qu il applique et peut par cons quence op rer un revirement de jurisprudence alors que dans un droit l gislatif il doit en principe attendre que le l gislateur prenne l initiative de modifier la r gle L ensemble de ces contraintes rend le droit jurisprudentiel structurellement d pendant de la doctrine Elle seule dispose d un pouvoir de g n ralisation Elle seule peut clairer le sens des d cisions en mettant au point des concepts Elle seule se projette dans l avenir en pr voyant avec une chance relative de succ s l volu tion probable des d cisions du juge Mais ceci suppose de la part des auteurs une puissance de synth se et de conceptualisation d une part une distance critique d autre part Ceci suppose aussi que le juge soit attentif la doctrine et que ses choix ne soient pas d termin s par des facteurs exog nes Or il est clair que ces conditions n ont t jusqu ici que tr s imparfaitement remplies A quelques exceptions pr s glorieu
18. ntendue au sens de l ensemble des discours pr tention juridique qui pr c dent accompagnent et commentent une d cision de justice Mais ici la qualit prend le pas sur la valeur Ces discours scientifiques ou dogmatiques ne sont pas une source du droit et n ont donc pas d enjeu imm diat Ils en constituent cependant le support n ces saire car ils forgent d finissent et mettent l preuve les mots les concepts les sch mes interpr tatifs les th matiques que le juge et le l gislateur emploient et sans lesquels ils ne produiraient que des paroles discontinues parses purement casuistiques Or la jurisprudence constitutionnelle n est pas d pourvue de valeur le Conseil rend parfois des d cisions qui suscitent l approbation le contraire serait d ailleurs tonnant Mais est elle de qualit Et a t elle suscit dans la doctrine une r flexion la hauteur des pronostics avanc s par l utopie Sans m me voquer une comparaison avec ce qui se fait l tranger ou l interaction constructive du juge et de la doctrine qui permit jadis l laboration du droit administratif fran ais il semble bien que les promesses n aient pas t tenues La t che tait ardue car aux limites d un droit jurisprudentiel s ajoutaient les difficult s inh rentes la mati re constitutionnelle Le r sultat est n anmoins d cevant car ce qu a produit le Conseil n est en d finitive qu un droit faiblement norma
19. nter l apparence Le fait que la Constitution de 1958 ne pose aucune condition de comp tence pour faire partie du Conseil et y associe les anciens pr sidents de la R publique traduit en effet une certaine conception de l institution Celle ci ne r unit pas des juristes mais des individus qui poss dent une exp rience politique et sont cens s jouir des lumi res de la raison naturelle Vision logique dans la mesure o en 1958 personne ne poss dait une claire conscience de ce qu implique un contr le de constitutionnalit des lois Le niveau de connaissance en la mati re ne d passait gu re celui des auteurs qui raisonnaient sur ce th me sous la III R publique Hauriou par exemple jugeait ce contr le n cessaire mais l imaginait comme une simple confrontation ou plut t une confrontation simple entre les textes et la pratique Le r le du juge se r duisait pour lui un constat fond sur des vidences juridiques et morales Autrement dit il croyait que l essence consti tutionnelle est imm diatement accessible au bon sens tout cart par rapport celui ci d montrant la mauvaise foi du contradicteur Ainsi il pouvait la fois magnifier le contr le de constitutionnalit et r cuser le gouvernement des juges 22 Avec des causes et des cons quences diff rentes des ph nom nes du m me ordre se manifestent dans la jurisprudence de la Cour europ enne des droits de l homme Paradoxalement l existence d
20. onsiste pour le Conseil conc der verbalement lexis tence de limites sa libert de d cision tout en restant ma tre de la fixation de ces limites Ainsi le Conseil ne jouit pas d un pouvoir d appr ciation et de d cision identique celui du Parlement 1 et la loi n exprime la volont g n rale que 11 On pourrait consid rer ces pseudo concepts comme des sommes m r ologiques puisque celles ci peuvent tre constitu es ad libitum les contraintes pesant sur la formation des sommes m r ologiques sont trop faibles pour emp cher la formation de sommes d connect es qui ne correspondent rien d un point de vue relationnel ou causal par exemple le nez de Cl op tre la bataille de Marignan et mon stylo favori P Livet et F Nef Les tres sociaux Processus et virtualit Hermann 2009 p 125 12 D cision 62 20 cons 2 13 D cision 2066 540 du 27 juillet 2006 cons 19 14 Ibid 15 Depuis la d cision 75 54 DC cons 1 9 dans le respect de la Constitution 16 Mais c est le Conseil qui d termine sa propre marge d appr ciation et qui dit ce qui est conforme la Constitution Il peut donc invoquer le second argument quand il a d cid de censurer un texte et le premier quand il a d cid l inverse En outre l usage de ces formules se routinise si bien que toute tentative pour tablir la pertinence de leur emploi dans un cas d esp ce devient inutile L usag
21. par laquelle la norme est mise en relation avec les faits de l esp ce la possibilit d appliquer les solutions d autres cas et les implications de cette transposition Il va de soi que les deux niveaux ne sont pas sans rapports On est plus port l indulgence quand l argumentation du juge va dans le sens de ce que l on estime opportun et inversement Mais il est non moins clair que les deux divergent parfois on peut juger une d cision satisfaisante tout en d plorant le caract re non pertinent des arguments qui sont cens s la justifier leur r daction maladroite ou quivoque leur port e trop vaste ou trop restrictive On peut article 61 1 celle ci est r serv e aux hypoth ses o une disposition l gislative porte atteinte aux droits et libert s que la Constitution garantit Le Conseil a d ailleurs donn de ce texte une interpr tation particuli rement restrictive qui aboutit limiter son contr le y compris dans le domaine des libert s D cision 2010 5 QPC 3 P Wachsmann Des chameaux et des moustiques R flexions critiques sur le Conseil consti tutionnel dans Fronti res du droit critique des droits Billet d humeur en l honneur de Dani le Lochak LGD 2007 p 281 l inverse d sapprouver des choix tout en reconnaissant la qualit technique de l argumentation qui les soutient Valeur et qualit ne se confondent donc pas La m me distinction est applicable la doctrine e
22. particuli res selon une m thode d ductive pour les initiateurs de cette utopie le droit constitutionnel n est pas un droit technique formellement et mat riellement d fini mais un droit premier matrice unique d un syst me juridique enti rement constitutionnalis C est pourquoi il est en un sens arbitraire de distinguer la pr servation des libert s de l ensemble de la jurisprudence constitutionnelle En la forme les libert s ne b n ficient d aucun traitement particulier La chose est d ailleurs naturelle puisque les promoteurs du syst me n avaient nullement song faire du Conseil le gardien de celles ci Et quant au fond Patrick Wachsmann a d j fait 1 D cision 62 20 DC cons 2 2 Il en va autrement de la question prioritaire de constitutionnalit puisqu aux termes du nouvel observer que si le Conseil a parfois pris des d cisions audacieuses les occasions o elles sont intervenues ont cette particularit qu elles concernent des domaines autres que celui des libert s On peut aussi remarquer que le Conseil constitutionnel ne se soucie gu re apparemment de l efficacit et m me de l effectivit des garanties pos es pour assurer la d fense des libert s Dans certains domaines comme le Droit parle mentaire il semble s attacher ce que ses admonestations ne demeurent pas lettre morte En mati re de libert la pr sence de certains mots rang s dans un certain
23. pauvrissement singulier du droit constitutionnel Celui ci n est il pas aujourd hui bien moins capable qu hier de d finir ses notions essentielles la d mocratie la repr sentation ou la s paration des pouvoirs Sur ces diff rents points le Conseil ne donne que des observations parses conjoncturelles opportunistes parfois difficilement conciliables entre elles et d une surprenante pauvret Certes le Conseil est loin d tre le seul responsable de cette perte de sens Mais il y contribue incontestablement Laisser croire qu il apporte des r ponses alors qu il se borne colmater des br ches au coup par coup d courage et st rilise toute r flexion authentiquement doctrinale Il faut toutefois reconna tre que la t che du juge est rendue complexe par la sp cificit de la mati re constitutionnelle 5 Ce caract re relatif fonde d un point de vue positiviste la diff rence entre science du droit et dogmatique juridique Selon la vulgate normativiste qui s est impos e en France depuis un quart de si cle le juge constitutionnel applique la Constitution comme le juge ordi naire applique la loi Cette vision est populaire car simpliste et politiquement correcte Elle n a qu un inconv nient elle est fausse Elle ignore en effet sans doute de bonne foi que la diff rence entre les objets engendre un rapport diff rentiel du juge aux objets Dans l optique traditionnelle juger consiste
24. plique des nuances exceptions et limites que par hypoth se ils ne contiennent pas Si leur g n ralit tait prise au pied de la lettre on pourrait en tirer des syllogismes du genre suivant La Constitution proclame la libert d expression or la loi Gayssot interdit d ex primer telle phrase donc la loi Gayssot est contraire la libert d expression Mais en r alit nul ne doute que les principes invoqu s comportent des limites Donc le principe de libert d expression n est pas un concept de premier ordre qui aurait pour extension l ensemble des phrases individuelles exprimables dans une langue quelconque Cet ensemble l est un concept de deuxi me ordre dont 6 Mais il donne en principe les moyens de les identifier Sinon il est un psewdo concept comme on le verra plus loin Les termes concept et notion sont pris ici comme synonymes 7 Je me permets de renvoyer mon article R flexions sur le syllogisme judiciaire gt dans L architecture du droit M langes en l honneur de Michel Troper Economica 2006 pp 373 385 8 On ne r fl chit pas assez sur ce paradoxe pour frapper l opinion et sacraliser l essentiel la Consti tution doit tre br ve Mais pour garantir effectivement tout ce qui m rite de l tre elle doit tre pr cise d o la course la constitutionnalisation puis la fondamentalisation Ce processus est malheureusement autodestructeur car si
25. roduire un autre droit f t il administratif Pourtant on soup onne que ces diffi cult s pourraient tre d pass es ne l ont elles pas t ailleurs On risquera ici l hypoth se que les limites du droit constitutionnel jurisprudentiel fran ais sont moins la cons quence d une r sistance des choses par ailleurs incontestable que d une volont demi consciente de cr er une vari t particuli re de droit un droit faiblement normatif et un droit moyen Tout se passe comme si le Conseil constitutionnel loin de chercher d gager des r gles de droit avait pour but exclusif de pr server son enti re libert de d cision En tant que juridiction constitutionnelle qui fabrique le droit qu elle applique et que juridiction supr me le Conseil constitutionnel ne saurait tre juridiquement limit Politiquement il a en revanche tout int r t d velopper la th se de son autolimitation afin de minimiser sa responsabilit en se pr sentant comme un simple ex cutant de sa propre jurisprudence Cette strat gie se mani feste dans des formules o le Conseil proclame les limites de son pouvoir et dans une rh torique de l autor f rence En se citant lui m me il s efforce d tablir la continuit sans faille de sa jurisprudence par laquelle il est cens tre lui m me li Un examen attentif de cette jurisprudence suscite pourtant un sentiment inverse Comme tout juge supr me le Conseil entend conserver une marge
26. ses mais rares la majorit de la doctrine attend la v rit du Conseil au lieu de la lui apporter Elle devrait avec le tact convenable intro duire dans le discours juridique la dimension conceptuelle qui lui manque Or elle en vient trop souvent supposer que le juge poss de la v rit par une gr ce la que mais sp ciale sans toutefois condescendre l expliciter Au lieu de dire ce que le juge penserait s il pensait elle recueille ses assertions paroles obscures ou banales mais d cisives qui ne sont pas cens es ouvrir le d bat mais le clore Cet trange retour une parole oraculaire peut tre consid r en lui m me comme r gressif Mais ses effets pervers sont d cupl s par le d calage entre le r le qu est cens jouer le Conseil constitutionnel et les pr occupations effectives de celui ci Car le Conseil est perp tuellement dans l esquive il vite les questions plus qu il ne les approfondit Il d cide en fonction de consid rations d opportunit et moindre frais Son souci essentiel est de prot ger l appareil d tat contre les cons quences des principes proclam s par celui ci Ainsi peuvent coexister les maximes les plus sublimes annonc es grand fracas et des d cisions d esp ce pour le moins timor es Dans ces conditions il est particuli rement mal venu d attendre la lumi re des d cisions du Conseil Qu une partie de la doctrine succombe cette tentation entraine un ap
27. terpr te pas lui m me D une part en effet si le texte fournit sa propre ex g se celle ci s incorpore lui et doit donc son tour tre interpr t e D autre part un texte ne peut expliciter sa propre extension sans se r duire une num ration de noms propres ou de descriptions d finies ce qui le rend inapplicable des v nements futurs Ni le sens r put obvie des textes ni a fortiori les cons quences qui peuvent en tre tir es ne sont transparents L interpr tation qu en donne le juge ne le sera pas non plus la solution de l qua tion deux inconnues sera elle m me un texte qui exigera une interpr tation En revanche le contr le par voie d exception retrouve la configuration du proc s normal Ici m me si la formulation d un principe abstrait d coule du jugement et en constitue l une des finalit s le juge se trouve confront une r alit extralinguistique Ce d fi concret est ambivalent il est un obstacle car l idio syncrasie des cas concrets r siste la g n ralit des concepts mais c est aussi un tremplin Les singularit s ont une valeur heuristique car elles mettent en lumi re les param tres inaper us leurs variations cr ent des contrastes permettent de d finir et de hi rarchiser des crit res elles posent concr tement sinon consciem ment la question essentielle de l extension des concepts A l inverse une pure ex g se des textes suscite des interpr
28. tif et un droit moyen Un droit jurisprudentiel pr sente un certain nombre de limites structurelles La port e de celles ci se trouve toutefois aggrav e et m me d cupl e par la sp ci ficit de la mati re constitutionnelle La plus vidente limite d un droit forg par le juge tient ce que celui ci n agit pas et peut seulement r agir Il n a pas l initiative puisque sa capacit d interven tion d pend tr s largement des litiges qui lui sont soumis Or ceux ci sont des cas particuliers La d cision relative l un de ces litiges est donc structurellement ambigu est ce une solution d esp ce ou une norme g n ralisable Le cas g n ral que la r alit ignore par d finition ne peut en tre d gag que par abstraction Seule la d cision suivante dira si l on est ou non en pr sence d une r gle mais c est elle maintenant qui demandera confirmation Il existe certes des moyens pour pallier du moins jusqu un certain point cette difficult Le plus efficace est l arr t de r glement l occasion d une affaire le juge expose quelle sera sa ligne de conduite jusqu nouvel ordre Mais un arr t d velopp comportant un expos d taill de l affaire des solutions envisageables voire des tats d me du juge permet aussi une juridiction d expliciter son point de vue et d clairer par l les implications et la port e de sa d cision La possibilit 4 Ce qui
29. tout est constitutionnel ou fondamental rien ne l est plus 6 l extension est compos e de concepts de premier ordre le concept de phrases dont l expression est garantie par le principe et le concept de phrases dont il est possible d interdire l expression Il en r sulte que le juge constitutionnel doit pour appliquer le principe suppl er les cha nons logiques manquants c est dire poser le concept de deuxi me ordre genre et le subdiviser en concepts de premier ordre esp ces dont il doit tablir l extension Il sera ensuite possible de subsumer des phrases individuelles sous l un ou l autre concept de premier ordre et d en d duire s il est ou non possible d en interdire l expression Le juge peut y parvenir soit en cr ant de toute pi ce une r gle g n rale suppl tive soit en num rant au cas pas cas les opinions qu il est licite de soutenir Dans l une et l autre hypoth se il cr e explicitement ou implicitement la norme qu il applique ce qui est videmment contraire l interpr tation classique de la s paration des pouvoirs Les difficult s suscit es par la mati re constitutionnelle sont encore aggrav es par le principe du contr le 4 priori En effet celui ci conduit confronter deux textes Loin d tre of flesh and blood le litige demeure of words and words Or l interpr tation de l un comme de l autre texte est in vitablement probl matique puisqu un texte ne s in
30. un juge tout puissant ne provoque pas le triomphe du droit La relation du droit et du juge est un jeu somme nulle si le second cro t le premier d cro t V P Wachsmann R flexions sur l inter pr tation globalisante de la Convention europ enne des droits de l homme dans La conscience des droits M langes en l honneur de Jean Paul Costa Dalloz 2011 pp 667 676 23 Maurice Hauriou Principes de droit public 1911 r ed Dalloz 2010 pp 75 76 et pp 449 451 12 L exp rience a montr le caract re illusoire de cette vision La transparence suppos e de la Constitution s est r v l e mati re d bats complexes obscurs souvent rationnellement ind cidables mais politiquement surd termin s L irruption massive dans la Constitution proprement dite des droits fonda mentaux cantonn s jadis dans les D clarations pr alables a modifi la nature et les enjeux des litiges constitutionnels On a galement d couvert que le juge constitutionnel ne se transforme pas en gouvernement mais qu il est un pouvoir virtuellement capable de se substituer au l gislateur et m me au constituant Parall lement l id e que l on se fait du Conseil a connu un changement radical L influence profonde voire pr pond rante de l utopie normativiste l a m ta morphos en Juge avec majuscule comme elle a m tamorphos la Constitution en norme Pourtant le droit cr par le Conseil est demeur un droit moye
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