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1. un faux en m moire fabriqu de toutes pi ces pour persuader le narrateur qu il a connu Serval et l inciter mener l enqu te M me si Serval ne peut pas tre un v ritable souvenir d enfance Cest paradoxalement en errant parmi ces simulacres que la m moire est parvenue fonctionner Comme si seuls le faux l erreur et l incertain pouvaient recueillir une forme de v rit L enqu te polici re m taphorise ainsi une certaine arch ologie du pass et ses difficult s ses limites 53 jours contient ce titre un passage port e m tatextuelle sur des fouilles p 115 Or la plupart des l ments d couverts taient peu pr s irr cup rables p 122 c est bien l impossible mise au jour compl te du pass qui se dit Mais parmi les vestiges d couverts se trouve une statue de Diocl tien p 123 124 qui au cours de son transfert au Louvre dispara t subitement la suite d un vol inexplicable Qu est ce qui a donc disparu ici Diocl tien c est dire celui qui a engendr le martyre de Saint Georges Pr sent explicitement ou non dans Za disparition W La Vie mode d emploi ou Un cabinet d amateur le saint au patronyme biographique para t symboliser la souffrance lov e dans le pass ainsi que le sort qui attend celui qui sous une domination impitoyable n est pas de la m me religion l enfant Juif sous la France occup e La statue vol e est l image du pass2. Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e Maxime Decout tudes litt raires vol 43 n 1 2012 p 157 171 Pour citer ce document utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 1014066ar DOI 10 7202 1014066ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al II a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 06 20 CACOS CRCS CRCS ROS NROS Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e MAXIME DECOUT N une poque o le roman est polaris par l aventure de l criture l entr e en litt rature de Georges Perec prend son origine dans un geste fort rebours presque anachronique celui par lequel il se proclame crivain r aliste Zes C
3. ne semble alors plus pouvoir tre lu compris interrog ailleurs que dans l ensemble des livres et fictions qu on voudrait porter au rang de documents d archives qu on voudrait pouvoir regrouper penser comme un ensemble un syst me avec des liens en r seau du sens dans les interstices et les entrecroisements Mais ces fondements litt raires du r el se perdent peu peu s abyment eux aussi dans l chafaudage construit sur l ench ssement Chaque nouvelle assise d couverte dans un texte chaque palier stable vers le sens qui appara t peu peu avec les clefs trouv es dans un nouveau r cit se voit d construit par l apparition d un autre texte De texte en texte le cheminement herm neutique reprend sans cesse partir de l croulement successif des difices signifiants p niblement b tis Si l axiome indiquant que la fiction est m me de contenir une v rit est sans cesse d stabilis il est dans le temps r affirm relanc par de nouvelles d couvertes de nouveaux espoirs et de nouvelles certitudes dans un incessant mouvement de consolidation et de mise en doute Les clefs formul es par les fictions s accumulent alors voulant consacrer l autonomie de la fiction mais ne faisant que provoquer son effondrement comme 16 On pourra cet gard consulter les analyses de Maryline Heck Georges Perec le corps la lettre Paris Jos Corti Les essais 2012 p 111 148 sur l importance du blan
4. N anmoins comme avec l encodage de W au chapitre V la fausse route semble tre f conde Salini comme Gaspard Winckler adulte dans W et comme le narrateur de la premi re partie se fait arch ologue du pass Il reconstitue la vie de Serval en lien avec l Histoire au cours de la R sistance avec ses op rations secr tes en Chartreuse cho autant de Stendhal que de l enfance de Perec Villard de Lans Et si Serval dans ce pass a peut tre t un faux h ros de la R sistance ce n est pas seulement la figure du tra tre qui se dessine mais aussi celle du r le d emprunt la mani re dont l enfant Perec Villard est un faux un enfant juif d guis en chr tien L oblique autorise ainsi l effraction de l Histoire M me si celle ci n a pas t le terme de l enqu te sa clef sa r v lation elle a pu tre dite interrog e montr e dans sa complexit dans 27 L aencrage est ici arithm tique voir ibid p 56 58 Dans la m me perspective Bernard Magn indique un encryptage du nom de la m re dans la mention de Tombouctou C 53 jours pour lecteurs chevronn s art cit p 201 28 Georges Perec W ou le souvenir d enfance op cit p 13 168 tudes litt raires Volume 43 N 1 Hiver 2012 une oblique qui a autoris de l effleurer sans l affronter Perec semble toutefois mettre en garde contre la tentation de faire de l Histoire l explication finale et absolue de
5. elle rel ve d une lecture intelligente et lucide de l uvre d un jeu avec elle d une v ritable relation et non pas d une ali nation Dans cet orbe le patronage de Stendhal que 53 jours met en jeu appara t comme une ligature un anc tre Il dit bien que la litt rature est transmission g n ration que le sens et le savoir se recueillent et s accueillent depuis un ou des autres Le miroir acquiert alors un autre sens d autant plus ferme que le mot est dans le roman ins parable de Stendhal sens qui est celui de r flexion impliquant donc accueil et renvoi C est dire r ception d formation recr ation et transmission Recevoir d former r inventer et transmettre nouveau les quatre op rations cardinales mobilis es par le miroir dans 53 jours Mais aussi les quatre piliers de la pratique de l intertextualit chez Perec et du r alisme citationnel expos s par Serval quand ce n est pas la r alit ou la semi r alit qui inspire l crivain alors c est la fiction d un autre ou d faut une ancienne fiction lui p 81 Ce qui se dessine ici est bien le partage avec l autre dont la litt rature est l op rateur avec le monde avec l autre uvre l autre crivain et l autre qu est le lecteur Le miroir n est donc pas simple captation 32 Ibid p 162 33 Claude Simon La corde raide 1947 p 174 170 tudes litt raires Volume 43 N 1 Hiver
6. s de parall les d analogies entre les r cits et la r alit C est sa force d unification qui conditionne la d marche Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e de Maxime Decout 159 analogique des ex g tes Le r el est ainsi sans cesse relu partir des nouveaux r cits d couverts Mais l apparente homog n it n est que de surface Car chaque nouvelle mise en abyme des d calages des approximations des d viations s introduisent Le lecteur se trouve sans cesse confront l inqui tante tranget il assiste la r p tition d un m me dont il constate toujours l alt rit Jouant de condensations de d placements et de symbolisations la mise en abyme se calque sur la logique du r ve Partant elle est appel l interpr tation Elle est le moteur de l obsessionnelle qu te herm neutique La mise en abyme est en effet un processus affect d une duplicit essentielle capable d clairer le r cit den r v ler certains aspects elle est aussi m me de l opacifier D s les r flexions de Gide dans son Journal la mise en abyme affiche sa propension l claircissement du r el puisqu elle a partie li e avec la repr sentation h raldique et picturale Perec ne l ignore pas lui pour qui la peinture est l un des mod les forts de l criture Dans La Vie mode d emploi comme dans Un cabinet d amateur la peinture notamment flamande est centrale et re
7. aventure des ann es soixante Paris Seuil La librairie du XX si cle 1992 p 25 46 2 Manet van Montfrans La contrainte du r el 1999 p 2 3 Voir Georges Perec Pouvoirs et limites du romancier fran ais contemporain dans Entretiens et Conf rences dit s par Dominique Bertelli et Mireille Ribi re 2003 vol I p 76 88 4 Voir ce titre l tude que propose Christelle Reggiani Perec avant l Oulipo Europe n 993 094 2012 p 26 32 retra ant les premiers pas de Perec propos de la question du r alisme et notamment du r alisme citationnel 5 C est par la pratique syst matique de l intertextualit que Perec labore la forme de r alisme qui lui est propre Manet van Montfrans La contrainte du r el op cit p 55 6 Georges Perec 53 jours texte tabli par Harry Mathews et Jacques Roubaud 1993 1989 Seule la premi re partie est presque enti rement achev e Pour la seconde les diteurs ont recompos partir des carnets de l crivain la trame de l ensemble Indications de r f rences int gr es au texte 158 tudes litt raires Volume 43 N 1 Hiver 2012 en lisant les textes qui suppose t il expliquent d une fa on ou d une autre Mais la d marche qui pr side au r cit policier traditionnel n est plus seulement le fil de l intrigue qui assure r v lation et suspense elle devient une attitude fondatrice hyperbolis e l exc s Les indic
8. douloureux vol arrach disparu La petite fable des fouilles indique bien de la sorte que l ex g te comme l crivain ne peuvent ressusciter la totalit dun pass englouti partir d un unique vestige L oblique et l encryptage seraient par cons quent m me de signifier en passant la fois par le r el et par le texte La reconstitution des parall les entre les faits narr s dans La Crypte et la situation du narrateur encode tr s visiblement le r cit de W avec ses Jeux panafricains et les VIII Internationales de Sports nordiques p 68 69 Il est d ailleurs expliqu que la premi re partie de La Crypte relate la mort d ouvriers au cours de la construction du complexe sportif Ce r cit proc de de la logique perecquienne de l aencrage puisqu on retrouve le chiffre 21 Voir ce sujet le rep rage minutieux effectu par Bernard Magn qui indique notamment divers rappels de Je me souviens dans le chapitre II 53 jours pour lecteurs chevronn s art cit p 190 192 22 Georges Perec W ou le souvenir d enfance op cit p 93 Il s agit encore une fois du deuxi me chapitre cette fois de la deuxi me partie du r cit 23 Isabelle Dangy Du roman comme machine garer les soup ons 53 jours de Georges Perec dans Catherine Emerson et Maria Scott dir Les supercheries litt raires op cit p 164 24 Voir ce sujet l analyse essentielle de ce concept qu effe
9. jours mais elle d truit autant qu elle claire elle est un mirage qui annule sa propre existence Le mauvais lecteur tait le coupable D o cette menace permanente et taraudante celle d avoir mal lu p 101 Peu peu toute ma trise sur la fiction chappe l enqu teur comme au lecteur 17 Roland Barthes Roland Barthes par Roland Barthes op cit p 624 18 Isabelle Dangy Du roman comme machine garer les soup ons 53 jours de Georges Perec dans Catherine Emerson et Maria Scott dir Les supercheries litt raires op cit p 172 164 e tudes litt raires Volume 43 N 1 Hiver 2012 Dans la mise en abyme et l encodage les inspecteurs perdent le contr le sur des op rations qui s effectuent en eux mais presque sans eux Il sont ainsi agis par les fictions manipul s et m me transform s modifi s le narrateur de la premi re partie parce qu il a mal lu est devenu le coupable du meurtre du consul Et c est le sort que l oraculaire machination de la fiction semble r server Salini qui se retrouve dans la m me situation que le narrateur de 53 jours p 157 La v ritable culpabilit qui se joue dans le roman n est donc pas celle du meurtrier Ce serait bien plus celle du mauvais lecteur De celui qui est atteint de c cit au sens mais aussi de c cit devant la nature fictionnelle du texte En effet Salini face l anonymat du narrate
10. tout Comme s il y avait ici une volont d exorciser cette Histoire avec sa grande hache celle qui avait d j r pondu s a place qui lavait dispens d avoir sa propre histoire Car ici contre l Histoire c est aussi la petite histoire qui s affirme Qui triomphe Celle de Serval de Patricia mais aussi celle de l enfance toute simple du narrateur En tension et sur le mode de la suggestion voil les rapports qui se tissent entre Histoire et histoire Et c est bien travers le lien entre l Histoire et le roman que la r f rence omnipr sente Za Chartreuse prend un nouveau relief La date centrale du 15 mai est celle qui ouvre l incipit du roman r aliste et celui de 53 jours celle qui situe la petite histoire de Fabrice dans la grande Histoire celle de Napol on celle de l Italie celle de toute l Europe Cette date reprise en anaphore mart le l incipit et le situe Il s agirait alors d ouvrir le roman d autres clefs que des clefs textuelles Aussi est on en droit de relire 53 jours travers le contexte contre utopique de Grianta qui n est pas sans voquer divers r gimes totalitaires p 95 100 Et cela tout particuli rement dans un fourvoiement suppl mentaire de l enqu te la piste de la Main Noire Un bref historique des v nements est donn lire avec la d portation du Pr sident Vie aux Crubelier les meutes qui se multiplient la Main Noire qui organ
11. 2012 enfermement et garement Il est jeu de reflets entre les livres entre les savoirs entre les mondes et entre les mots 53 jours est ainsi le r cit d un chec du sens du r el et de la fiction Issu d un projet en apparence aporique le roman s ouvre aux naufrages en tous genres Le d mon de l analogie obsession du sens le bovarysme sont autant de pathologies issues du monde des livres que l uvre se charge de mettre en sc ne de mesurer et peut tre d exorciser C est alors dans ses d routes et fausses routes que le sens para t se donner mouvant lacunaire et pourtant bien plus vrai que toutes les croyances chim riques en une v rit d finitive et absolue Si la mim sis compl te demeure impossible 53 jours prouve que la fiction si elle peut jouer d une forme d autor f rentialit ne se coupe pourtant pas du monde Si elle ne le repr sente pas directement du moins peut elle en retranscrire quelques clats sen approcher mais toujours de biais dans des jeux obliques de miroitements d form s et partiels Perec a lu ses classiques il sait que Maupassant en avait averti ses pairs romanciers les r alistes de talent devraient s appeler plut t des illusionnistes5f 53 jours dans la lutte qu il met en sc ne entre le r el la fiction et le sens propose ainsi une sorte d art et la mani re de lire le monde et les fictions L expression r alisme citationnel prend alors to
12. Manet van La contrainte du r el Amsterdam Atlanta Rodopi 1999 MaupassanT Guy de Romans dition tablie par Louis Forestier Paris Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1987 Perec Georges 53 jours texte tabli par Harry Mathews et Jacques Roubaud Paris Gallimard Folio 1993 19891 Pouvoirs et limites du romancier fran ais contemporain dans Entretiens et Conf rences dit s par Dominique Bertelli et Mireille Ribi re Nantes Joseph K 2003 vol I p 76 93 W ou le souvenir d enfance Paris Gallimard L Imaginaire 1993 1975 SIMON Claude La corde raide Paris ditions du Sagittaire 1947
13. ais dans ce glissement m tonymique le personnage acquiert aussi une autonomie qui tend assurer en lui le triomphe de la personne de chair contre celle de papier Ce sont bien les pr suppos s de toute fascination identificatoire qui se voient d sign s D autant plus que si le nom Bovary dans le contexte des paroles de Serval d signe quelqu un qui se sert de fictions pour crire la sienne c est aussi parce qu Emma Bovary compose elle m me le r cit de sa vie en chipant de ci et de l des pisodes des fictions qui prennent peu peu comme pour Salini la place du r el Insidieusement l allusion Bovary fait donc glisser le r cit d une r flexion sur l criture du texte en miroir d autres textes une r flexion sur l criture d une vie en miroir des fictions Il d signe alors une pathologie centrale r manente et prolif rante le bovarysme Et pourtant Flaubert lui m me d non ant le bovarysme n est pas sans lui faire une certaine concession dans son Madame Bovary c est moi Une formule que les crivains mis en sc ne pourraient faire leur Et que les inspecteurs leur pr teraient sans sourciller R solument attach s des pr suppos s issus de Sainte Beuve Salini et le narrateur restent convaincus que les manuscrits traduisent ou trahissent la vie de leur auteur C est pourquoi Salini recense les allusions Serval dans 53 jours p 146 car il y avait trop de d tails de c
14. ara t comme une r ponse on ne peut plus directe au laconique et d finitif je nai pas de souvenir d enfance qui menace l autobiographie dans W et qui comme dans 53 jours ouvre de fa on signifiante un chapitre plac au m me endroit le deuxi me Le cours de cuisine litt raire p 81 propos par Serval r affirme d ailleurs une pratique perecquienne constante crire pour lui consiste r crire La v rit de l uvre n est pas dans le livre mais entre les livres p 93 c est dire aussi entre W et 53 jours Prop deutique au fatum de l absence m morielle ces Je me souviens du chapitre II sont tiss s de parall les 19 Robbe Grillet ma tre dans l utilisation de la mise en abyme et pourtant rival de Perec dans ses rapports avec le r el est mentionn sous forme de clin d il ironique dans une mise en abyme p 86 87 20 Georges Perec W ou le souvenir d enfance 1993 1975 p 13 166 e tudes litt raires Volume 43 N 1 Hiver 2012 avec l enfance de l crivain Bribes lambeaux d chiquet s qui lui sont d un seul coup restitu s p 34 sont assur ment l envers positif de ces souvenirs pars de Perec que rien ne rassemble comme cette criture non li e de l enfant ou ces dessins dissoci s disloqu s dont les l ments pars ne parvenaient presque jamais se relier les uns aux autres Et pourtant ce passage r sulte d
15. c dans la pens e mais aussi l criture de Perec Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e de Maxime Decout 163 pour le r el Au bout du compte ce qui merge du syst me d embo tement c est un ensemble de fictions somme toute d pareill es comme dans Za Vie mode d emploi o l immeuble unit topologique des histoires ne les relie pourtant pas de mani re logique C est pourquoi de la m me mani re qu il para t impossible que le r el ne signifie pas le narrateur et Salini ne peuvent admettre que la fiction soit pure affabulation qu elle ne dise rien du r el m me sur le mode de l allusion et m me si toutes leurs recherches prouvent le contraire II FAUT qu il en fasse quelque chose que a prenne un tout autre sens p 148 Voil r sum le fatum de Salini qui est n cessit de faire signifier ce qui se refuse la signification Ce qui ajoute la mal diction de l analogie c est qu elle est irr pressible d s qu une forme est vue il faut qu elle ressemble quelque chose expliquait Barthes Et le m me destin plane sur le narrateur de la premi re partie qui affirme la v rit est dans ces pages Elle doit y tre p 69 Aussi peut on voir l uvre une obstination forcen e du narrateur trouver la v rit depuis la fiction si bien que chaque nouvel chec il est oblig de r viser ses certitudes Lla v rit que je
16. cherche n est pas dans le livre mais entre les livres Il faut lire les diff rences il faut lire entre les livres comme on dit entre les lignes p 93 Le secret du livre ne r side ni dans ses anecdotes ni dans ses p rip ties mais dans ces distorsions onomastiques dont je pourrais multiplier les exemples p 94 Cette v rit que je cherche n est pas seulement cod e dans le livre mais aussi dans les circonstances de sa fabrication Les indices sont certes dans les faits dans les noms dans les ressorts psychologiques ou policiers dans les descriptions dans les portraits mais ils sont aussi dans la mani re dont le manuscrit a t dactylographi dans les livres qui ont inspir de pr s ou de loin l auteur dans les pastiches m langes et plagiats auxquels il s est livr p 101 Parce qu il est inenvisageable d accepter la non signification le lieu o la v rit se cache est soumis un d placement perp tuel depuis les personnages et les p rip ties au d but de l enqu te jusqu au chiffrage onomastique et aux circonstances de fabrication du livre Il est au bout du compte r solument atopique La non r solution de l enqu te de La Crypte par Serval qui propose au terme du roman deux explications pour le meurtre p 60 61 mutuellement exclusives et qui ne seront pas d partag es est embl matique de l impossibilit d finitive de fixer le sens La v rit est bien sacralis e dans 53
17. ctue Bernard Magn dans Perecollages 1981 1988 Toulouse Presses universitaires du Mirail Toulouse Les cahiers de litt rature 1989 p 33 59 25 Voir Manet van Montfrans La contrainte du r el op cit p 188 190 26 Voir Bernard Magn Georges Perec 1999 p 26 31 Les aencrages sont de v ritables formes sens qui travers un processus d criture identifiable et r current voquent un v nement biographique Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e de Maxime Decout 167 onze qui voque la date de la disparition de la m re De m me la mention d un roman appel Od R deck Le Naufrage p 69 voque le texte de Matthews traduit par Perec et permet d ins rer les deux l ments clefs de W le stade et le naufrage avec toutes leurs connotations essentielles Mais le dire oblique qui s autorise ici reste livr au doute puisque le narrateur mentionne qu il fait fausse route p 69 Est ce dire que c est lui qui se trompe en recomposant des parall les entre l uvre et le r el ou que c est l encodage des r f rences W qui ne fonctionne pas Car la fausse route dont il s agit accompagn e de la mention du naufrage voque sans ambigu t le navire qui conduisait le double de l enfant Perec Gaspard Winckler dans W Les voies erratiques du naufrage s affirmeraient alors comme tant celles de la m moire la mani re dont le faux souvenir de Serva
18. e genre pour que ce soient des co ncidences m me des personnages tout fait pisodiques et sans Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e de Maxime Decout 165 rapport direct avec le r cit policier empruntaient certaines de leurs caract ristiques Robert Serval p 147 Un bovarysme qui s invite donc comme pr dicat de la lecture mais aussi de l analyse du texte Ce que nous dit donc ce roman qui s crit en d savouant la signification du r el et de la fiction c est que la litt rature est aussi exigence de lucidit quant ses pouvoirs et ses limites ses dangers aux mensonges romantiques fascinants qu elle est m me d entretenir Pour Perec la le on d ann es pass es lire relire et r crire Flaubert Mais cette le on de Madame Bovary est aussi pass e au filtre de Robbe Grillet Croire que la fiction se construit tout enti re en r f rence un ext rieur un r el est une erreur Croire que la litt rature ne t moigne que d elle m me en est une autre Le r alisme de Perec n est donc ni celui de Flaubert ou Stendhal ni celui de Robbe Grillet c est un r alisme citationnel qui n oublie jamais la r alit de la fiction comme le caract re fictionnel du r el 53 jours affirmerait alors que la fiction est d positaire de son propre savoir sur le monde et sur soi plus que d un savoir ext rieur Car ce ne sont finalement pas les fictions qui ont gar le narrateu
19. es essaiment partout se multiplient les parall les et les soup ons augmentent tel point que le d chiffrage du r el comme celui des textes est sans cesse compromis Les vertiges de l abyme Le programme de 53 jours est celui d une mise en abyme six niveaux La premi re partie 53 jours met en sc ne le narrateur qui le consul demande d enqu ter sur la disparition d un auteur de romans policiers Serval partir de l un de ses manuscrits La Crypte Dans cette premi re mise en abyme le narrateur lit une intrigue o un d tective lui aussi appel Serval enqu te sur une mise en sc ne de disparition laissant supposer que le Serval de la premi re partie aurait proc d de la m me mani re Mais Za Crypte convoque elle aussi une mise en abyme enqu teur Serval appuie ses recherches sur un roman policier Le Juge est l assassin qui reproduit plusieurs l ments des deux enqu tes pr c dentes Le narrateur de la premi re partie apprend ensuite que La Crypte s inspire en m me temps d un roman d espionnage K comme Koala Cette troisi me mise en abyme multiplie les chos et les infractions L oscillation entre dissimulation du sens et fausse piste r gle d sormais toute interpr tation La premi re partie s ach ve alors par la d couverte du corps du consul par le narrateur attir dans un pi ge celui ci est ainsi suspect du meurtre Mais la seconde partie du roman r v le que cette histoire n ta
20. ge autobiographique Si des l ments autobiographiques sont encrypt s comme dans tous les r cits perecquiens la r flexion globale que 29 Id 30 Nom de la rue o se tient l immeuble de Za Vie mode d emploi Voir l historique du nom Crubellier et ses connotations complexes que retrace Bernard Magn Georges Perec op cit p 22 23 et 53 jours pour lecteurs chevronn s art cit p 193 194 31 Voir ce sujet l analyse de Rab a Abdelk fi Myst re et ench ssement dans 53 jours dans Christelle Reggiani et Bernard Magn dir crire l nigme 2007 p 160 161 Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e de Maxime Decout 169 propose 53 jours en modifie en effet la port e ils s inscrivent dans le refus de l absurde du r el et de la vie dans le besoin d expliquer le Moi le pass les v nements l Histoire de les faire signifier Perec para t ainsi exorciser son propre tropisme autobiographique la n cessit encore plus vraie devant la perte et l absolu non sens d Auschwitz de raconter pour comprendre pour saisir ce qui ne peut avoir de sens Il met en lumi re avec plus d intensit que jamais ce quoi ne peut aucunement pr tendre l autobiographie Cest moins le d sir d inscrire la trace de ce qui est irr m diablement perdu que celui de signaler les limites de la m moire que l on trouve ici travers la fausse route et les chec
21. hoses avec la sociologie romanesque qu elles proposent embl matisent cette d marche Influenc par les r flexions de Luk cs Perec s est vite oppos la pratique du Nouveau Roman en clamant la pr s ance absolument n cessaire du r el Contrainte originelle de l uvre le r alisme qui s invente ne peut pourtant pas tre une simple reprise de celui de Balzac Aussi est ce vers un r alisme citationnel que l crivain s oriente bien avant son entr e l Oulipo L abondance des citations et des allusions notamment Flaubert dans Les Choses mais aussi Kafka Proust Melville dans Un homme qui dort t moigne d une appr hension du r el qui se fait aussi dans et par la litt rature qui est saisie du r cit du monde par le r cit du texte Mais c est certainement avec 53 jours le dernier roman de Perec demeur inachev que ces rapports entre le r el et la fiction se voient interrog s avec le plus d intensit f Reprenant les codes du r cit policier ainsi qu un complexe chafaudage de mises en abyme le roman s organise autour d une obsession unique et omnipr sente le sens Celui du r el comme celui des textes qui le disent Et ce sens fascine parce qu il est dense parce qu il est opaque parce qu il chappe De r cit en r cit chaque enqu teur est amen ire le r el 1 Voir la prise de position de Perec l gard du Nouveau Roman et de Robbe Grillet dans Z G Une
22. ible extension son application ind licate et inefficiente La possibilit de lire le r el tel un texte est pourtant justifi e par une analogie de d part que le roman pose comme un axiome et qui d cide de la fausse route g n rale l intrigue polici re et l analyse du texte proc dent d une m me logique C est ce premier parall le qui valide sans autre raison la d marche herm neutique et la fourvoie d s le d part L explication incessante du r el et des textes selon les m thodes de l enqu te polici re et de l analyse litt raire r v le ainsi chez tous les personnages un besoin imp rieux de domestiquer ce qui chappe de donner du sens Parce que dit Barthes analogie implique un effet de Nature elle constitue le naturel en source de v rit C est ainsi la reconnaissance de l absence de sens de la vie qui para t inadmissible dans 53 jours Aucun personnage ne semble pr t faire le pari de Meursault celui d un r el d pourvu de signification opaque et ind chiffrable Au service d une telle volont se tient donc la tentative de transformer la r alit en une nomenclature appr hendable et utilisable comme dans la fiction Mais l enseignement du jeu de miroir est bien que le sens ne peut tre l instrument de cette normalisation et de cette ma trise Prolif rante au point d tre opaque et m me dangereuse la signification reste mouvante et ind terminable 13 On pourra se repor
23. ise des assassinats Cet tat d insurrection avec son couvre feu et ses meurtres ses rivalit s entre clans Mnasteri Ouazilah Beldi Oumboul l p 99 et l ind pendance proclam e le 5 mai 1962 p 97 semblent indiquer des parall les avec certaines anciennes colonies L Alg rie d j voqu e sur le mode de la pochade dans Quel petit v lo guidon chrom au fond de la cour proclame en effet son ind pendance le 5 juillet 1962 et a t le terrain de rivalit s entre le FLN et le MNA la mani re dont la MN et le PPI luttent dans 53 jours De m me les v nements relat s semblent aussi renvoyer la situation tunisienne et plus largement notamment par la superposition avec l pisode de la R sistance et les vocations sous jacentes de la d portation l Occupationi Lire mode d emploi Malgr cette pr sence sous jacente le discours autobiographique et la r flexion historique demeurent d sormais entach s d un soup on ils se disent par l encryptage dont l inefficience est partout soulign e Avons nous alors affaire une illusion projective Ou une nouvelle ruse Car la norme de l encryptage fonctionne dans les autres r cits de Perec Pourquoi la reconduire ici et dans le m me temps la mettre en chec dans l enqu te polici re Perec semble dans son ultime roman mettre en garde le lecteur contre sa propre criture il semble reconduire avec m fiance son propre syst me d encoda
24. it qu un manuscrit crit par un d nomm Serval qui a disparu et qu un autre enqu teur Salini utilise pour r soudre l nigme De fausses pistes en fausses pistes celui ci finira par comprendre que c est Patricia la femme de Serval et son amant qui ont foment la disparition de l crivain et qui ont tent de brouiller les pistes partir du manuscrit qu ils ont demand d crire un certain Georges Perec Au total donc pas moins de cinq mises en abyme structurent le r cit le r p tent et le relancent 53 jours se proclame ainsi et avant tout comme le r cit d une aventure Mieux le r cit de multiples aventures H ritier ce titre de l h t roclite juxtaposition des histoires de Za Vie mode d emploi 53 jours ne s oriente pourtant pas vers la disparate des intrigues qui caract rise le romans de Perec Car si pas moins de six ou sept histoires diff rentes rythment le texte un principe s oppose toute dispersion la mise en abyme F d rant le r cit r dupliquant sans cesse les m mes sch mas la mise en abyme est un processus de concr tion des intrigues S opposant au profus bridant la pluralit encadrant les mouvements restreignant la libert des personnages elle s apparente un carcan unitaire l origine de toutes les r flexions du lecteur et du personnage Elle d signe avec force l unit des aventures et de ce fait oriente les enqu teurs vers la recherche d identit
25. l est l op rateur d une v ritable anamn se pour le narrateur Elles conduiraient plus s rement vers la d couverte que l ex g se m thodique et rationnelle du r el qui est elle m me naufrage La piste W pourrait ainsi r v ler des bribes de sens dans cet univers d s mantis On sait en effet l importance de la disparition chez Perec celle de la m re comme celle du pass L enqu te polici re de La disparition s associe en effet elle aussi une dimension m morielle De ce fait il semble possible de lire autrement la disparition qui affecte deux des trois Serval du roman Le narrateur et Salini recomposent tous deux son pass cherchent des traces de l individu exactement de la m me mani re que Gaspard Winckler adulte m ne l enqu te sur Gaspard Winckler enfant et que Georges Perec adulte s interroge sur son pass englouti et naufrag L Histoire naufrag e Or chez Perec pas d enfance sans les circonstances qui lui ont ravi sa m moire l Histoire la Grande 53 jours malgr sa l g ret apparente ne fait pas exception Et c est encore une fois dans une fausse piste interpr tative qu mergent des l ments forts de signification non destination de l enqu te polici re mais en direction de notre monde m me si ce mouvement reste un d tour suppl mentaire une erreur une d ception puisque l important demeure in fine la banale histoire d adult re qui a conduit au meurtre de Serval
26. li e explicitement aux processus de mise en abyme Or avec 53 jours nulle trace de ce mod le alors m me qu Un cabinet d amateur repose tout entier sur un processus de mise en abyme picturale Car les mod les de Perec sont ailleurs il s agit du miroir stendhalien travers la c l bre sentence qui proclame qu un Roman est un Miroir qui se Prom ne le Long d une Route Un mod le qui est donc textuel Le but de 53 jours n est pas ainsi de laisser libre cours ce miroir pictural qui bien plac dans la toile permet par louverture sur un ext rieur de pallier la limitation de notre regard comme dans Les poux Arnolfini ou Les m nimes qui sont justement deux uvres appartenant la liste des Tableaux du Cahier des charges de La Vie mode d emploi Au contraire le miroir sert pi ger le regard ne pas r v ler l auteur cach ou le monde ext rieur mais refermer le texte sur le texte le couper d sesp r ment du r el Il est vertige et claustration Car l usage retors de l ench ssement que propose Perec repose sur des r p titions visant la lisibilit alors qu elles ne font que l branler Le lecteur et les enqu teurs se voient dans l incapacit de ma triser et de comprendre compl tement un nombre aussi lev de relations ench ss es Le d mon de l analogie La mise en abyme et le r gime policier astreignent ainsi l herm neutique une loi toute puissan
27. r Salini et le lecteur mais leur mauvais usage la croyance presque superstitieuse qu elles taient un miroir qui se prom ne le long d un chemin dans le r el Le lecteur qui se tient cette v rit de surface fait lui aussi fausse route La fausse route et le naufrage ou les voies tortueuses de la m moire De fait 53 jours semble tre le fruit d une aporie si les choses racont es n existent jamais en tant que telles dans le r el si les fictions cryptent le monde et le sens non pour le rejoindre mais pour le perdre pourquoi alors crire 53 jours Pourquoi faire assumer l ensemble du roman le principe des allusions Stendhal alors m me que l encryptage est mis distance par son chec signifier Car ainsi le roman para t se d savouer lui m me Pourtant cette figure tut laire qu est Stendhal souhait e lou e d multipli e para t aussi affirmer que le r alisme n est pas tout fait vain et que la litt rature n est pas vou e ne rien signifier Pour preuve l ensemble du chapitre II est consacr une introspection du narrateur qui recompose une partie de son enfance Mes souvenirs sont revenus en foule Impossible de les contenir p 32 affirme t il Emport il consigne par crit des souvenirs qui ressurgissaient en grappes compactes p 35 L num ration dit le d bordement qui se joue dans la rem moration Ce r ve d un processus m moriel enfin efficace app
28. re et qu il d couvre plus explicitement dans la seconde partie Mais le d mon de l analogie qui est Miroir et leurre captivant au lieu de restreindre les hypoth ses les d multiplie les indices fusionnent en un magma composite o plusieurs lieux temps histoires personnages entrent en collusion jusqu la perte d un v ritable ancrage r f rentiel La syntaxe narrative r ticul e fond e sur la mise en abyme qui donne lieu des transferts de niveaux di g tiques sectoris s et identifi s ainsi que le r gime de l nigme polici re concourent l effet de brouillage ressenti Le sens chappe ne se fixe jamais et pourtant il se poursuit dans les traces que forment les indices qui ne sont que des crans interpos s Le diktat de la signification Si le r cit repose sur l enqu te polici re les indices qu il utilise ont ceci de singulier qu ils sont avant tout litt raires Ce sont de v ritables traces crites Le livre est ainsi hant par l id e du d voilement obs d par tout ce qui fait signe les pr suppos s du r el dans l uvre ne sont donc pas ceux de la r alit mais ceux de la litt rature celle de Stendhal celle de Balzac ou celle des r cits policiers o la signification r gne en ma tre C est ce pr suppos initial qui est biais et qui provient d un r el qui n est per u qu travers des textes D pla ant ainsi un principe dun lieu un autre Perec en souligne l imposs
29. s de l encodage L impossibilit de retrouver la v rit du pass de Serval en est la preuve ce pass ne fera pas sens ne peut r trospectivement expliquer le pr sent que par des illusions En revanche si la v rit est un id al compass et grandiloquent que le texte d construit le pass semble m me d tre lu non dans la compl tude et la certitude mais dans une lumi re tamis e sous forme d clats dispers s de reflets partiels et lacunaires du r el qui constituent notre seul mode d acc s lui Contre une v rit absolue et monolithique 53 jours fait de la fausse route erreur comme errance le v ritable mode d emploi d une lecture du monde refusant les id ologies triomphantes et d finitives Le savoir du texte sur le r el est toujours construit et in vitablement m diatis Une m diation qui est essentielle Car dans le jeu d abyme et d encodage dans la r f rence permanente Stendhal Perec r affirme que le sens n est pas immanent lui m me mais qu il se transmet Je est dautres affirmait en effet Claude Simon le sens est fonci rement autre parce que le Moi est tiss d alt rit D autant que l chec interpr tatif n est pas absolu puisque c est la litt rature celle de Stendhal qui permet in fine pour Salini de d couvrir la v rit C est pourquoi la relation Stendhal se distingue de toutes les autres relations des fictions dans l uvre
30. st me math matique J ai jet sur le papier comme on dit ces trois quivalences comme j aurais fait pour des quations VI BLA BLA BAR BAR MO MI p 95 C est alors en lisant verticalement la colonne de droite que le narrateur croit d couvrir encrypt le nom d Alphonse Blabami le chef de la Main Noire Terrifi par cette d couverte le narrateur ne peut la consid rer que comme la clef v ritable Pourtant rien ne valide une telle certitude aucun contexte cotexte ou indices Perec souligne ainsi les risques d une ex g se mise en route partir d une m thode appliqu e la h te sans rien qui la justifie Ce principe c est la liste Koala qui le cristallise par son syst me de transcodage permettant de trouver entre autres les noms des agents secrets V ritable mise en abyme transcendentale plac e au dernier chelon des textes en abyme la liste se donne comme l origine premi re le principe qui commanderait toutes les interpr tations Et pour le lecteur ce principe a une validit sup rieure ce qu il devrait avoir pour les inspecteurs puisque c est la r gle d encryptage des allusions 11 Salini se retrouve lui aussi plusieurs reprises devant le m me type d quations 128 133 152 156 158 12 Lucien D llenbach Le r cit sp culaire op cit p 131 Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e de Maxime Decout 161 Stendhal qui parcourt l uv
31. t les comparer Ainsi du narrateur de la premi re partie qui organise logiquement presque scolairement sa d marche analytique par crit dans le cinqui me chapitre intitul Hypoth ses p 62 J ai tent de d couvrir dans le livre tout ce qui pouvait tre consid r comme une allusion Grianta p 64 Suivent plusieurs pages proposant des parall les th matiques autour de titres d tach s Les lieux Les noms Les faits Pourtant au terme de la diagnose comparative entre La Crypte et le r el la conclusion du narrateur est sans appel Il ma suffi de relire ces quelques notes pour comprendre que je fais fausse route p 69 Un changement de m thode s impose Ou plut t un prolongement une radicalisation de la recherche ce ne sont donc plus les simples parall les entre le texte et le r el qui retiennent l attention du narrateur mais la possibilit de v rit s chiffr es dans le corps du texte La v rit se trouve dans le livre elle y est encrypt e p 154 dira plus loin Salini Le narrateur herm neute compare quant lui les modifications entre les deux descriptions du bureau de l inspecteur dans Za Crypte et Le Juge est l assassin sous la forme d une liste Nouvel chec j ai longuement examin cette double liste mais je n en ai pas tir la moindre le on p 87 D s lors l examen se fait attentif la lettre des textes d composant l criture en un sy
32. te et inesquivable l analogie Les vertiges de cette r gle se fondent 7 Voir ce sujet Y Maeyama La mise en abyme chez Georges Perec Le manque et son reflet dans le miroir Po tique n 167 2011 p 285 303 o la coupure op r e avec le r el par la mise en abyme est associ e un retour vers le r el autobiographique de Perec celui du manque On pourra aussi consulter plus sp cifiquement sur la mise en abyme dans 53 jours Claudia Amigo Pino Les derniers 53 jours de Georges Perec L impossibilit d crire en abyme Genesis n 29 2008 p 127 137 et Maxime Decout Perec l abyme de Robbe Grillet le miroir de Stendhal Po tique n 168 novembre 2011 p 399 414 Voir Lucien D llenbach Le r cit sp culaire 1977 p 79 Il s agit du titre de la seconde partie Un R est un M qui se P le L d une R 0 Lucien D llenbach Ze r cit sp culaire op cit p 20 O 160 tudes litt raires Volume 43 N 1 Hiver 2012 sur l incitation imp rative interpr ter croire avoir d couvert la clef qui ouvre toutes les portes Le pr suppos du roman est que le r cit signifie la mani re de la m taphore ou de l all gorie Partant la mise en abyme incline l explication de texte p 158 Devenue fastidieuse et interminable m thodique et scrupuleuse l ex g se invite superposer les histoires les lieux les personnages les indices e
33. ter Bernard Magn 53 jours pour lecteurs chevronn s tudes litt raires vol 23 n 1 2 1990 p 185 201 et Isabelle Dangy Du roman comme machine garer les soup ons 53 jours de Georges Perec dans Catherine Emerson et Maria Scott dir Les supercheries litt raires et visuelles la tromperie dans la culture fran aise 2006 p 167 169 pour d couvrir un panorama de quelques analogies entre Stendhal et le reste de l uvre 14 Roland Barthes Roland Barthes par Roland Barthes uvres compl tes IV 2002 1975 p 625 15 Ibid p 624 162 e tudes litt raires Volume 43 N 1 Hiver 2012 L attitude de Salini face ses checs interpr tatifs est embl matique la r alit est donc le contraire de ce que l on croit d abord p 157 se dit il Puisque le r el n arrive pas signifier l inspecteur d cide que le sens est dissimul plut t qu absent que le r el ment pour le cacher Assurance vaine puisque le probl me est alors de choisir entre tous les contraires possibles D s lors l incapacit des d tectives comme des lecteurs choisir la bonne version des faits r cuse toute conception causale et explicative simpliste o le sens serait un et unique Combler les blancs du r el comme les interstices entre les textes ou les pages manquantes dans le manuscrit de Serval qui tourmentent le narrateur p 70 c est bien tre tenu par la chim rique
34. ur de 53 jours et au redoutable d mon de l analogie a m me parfois besoin de se rassurer en num rant tous les traits qui le distinguent de ce personnage p 158 Il en vient presque se demander s il n a pas t explicitement d sign par l auteur p 157 158 Une fascination identificatoire qui proc de de l incapacit conserver une distance devant le roman C est aussi ce qu indique le cours de cuisine litt raire p 81 de Serval que Lise la dactylo rapporte au narrateur Serval y avoue une tendance toute perecquienne pour laborer ses textes non directement partir du r el mais partir d autres textes Je ne fais que chiper de ci et de l divers d tails dont je me sers pour agencer ma propre histoire Tout le monde fait pareil Voyez Antoine Berthet ou Bovary p 91 Dans une inqui tante inversion le mod le utilis Antoine Berthet qui a en partie inspir Julien Sorel ou le personnage Bovary ont pris la place de l auteur Antoine Berthet tre r el est devenu celui qui s inspire d autres fictions pour crire la sienne et non plus l embl me d un individu r el inspirant la fiction Se d signe ici une sorte de commutativit de ces deux op rations de nivellement qui tend affirmer que copier le r el ou copier la fiction ne sont finalement pas des processus absolument antagonistes Le r alisme tel que le pense Perec ne peut tre que citationnel M
35. ut son sens elle d signe autant le rapport aux livres qu au pass personnel et collectif La litt rature l Histoire et l histoire ne peuvent tre le lieu d une fascination aveuglante et paralysante Cest seulement travers une juste lecture chevill e la conscience de ses limites qu elles pourront faire sens 34 Guy de Maupassant Le roman pr face de Pierre et Jean Romans dition tablie par Louis Forestier 1987 p 709 Georges Perec grandeur et mis re d une signification abym e de Maxime Decout 171 R f rences ABDELK FI Rab a Myst re et ench ssement dans 53 jours dans Christelle Reggiani et Bernard Magn dir crire l nigme Paris Presses universitaires de Paris Sorbonne 2007 p 153 164 Barthes Roland Roland Barthes par Roland Barthes uvres compl tes Paris Seuil vol IV 2002 1975 p 575 763 D LLENBACH Lucien Le r cit sp culaire Paris Seuil Po tique 1977 Dancy Isabelle Du roman comme machine garer les soup ons 53 jours de Georges Perec dans Catherine Emerson et Maria Scott dir Les supercheries litt raires et visuelles la tromperie dans la culture fran aise Berne Franckfort Peter Lang 2006 p 159 174 MaGx Bernard 53 jours pour lecteurs chevronn s tudes litt raires vol 23 n 1 2 1990 p 185 201 Georges Perec Paris Nathan universit crivains 1999 Monrrrans
36. volont que ces blancs ces espaces entre deux ne sont pas des vides des absences mais que du sens s y love Que le monde donc comme le syst me des quatre livres n est pas parcouru de lignes de failles de ruptures mais qu il pourrait tre un tissu une toile o les espaces seraient recousus au sein d une structure signifiante plus vaste La sp cularit semble donc signer une assomption de la fiction au d triment d un r el abym En t moigne l imperceptible modification que Perec fait subir la sentence de Stendhal qu il place au centre de son roman Un Roman est un Miroir qui se Prom ne le Long d une Route De Stendhal Perec le roman a gagn en autonomie Il est pass de l instrument r fl chissant que l on prom ne l instrument ind pendant qui se prom ne Affranchi de toute tutelle le livre acquiert une inqui tante libert C est lui et lui seul qui conduit le jeu qui r gle sa signification et les reflets du r el qu il propose La ma trise du texte se renverse et chappe autant aux romanciers mis en sc ne les deux Serval qu aux herm neutes le narrateur et Salini vin ant tout empire ext rieur la fiction proclame sa toute puissance monstrueuse D autant que devant un r el toujours soup onn la seule instance suppos e apte garantir le sens serait le livre Priv d une caution ext rieure dans le r el le sens n aurait que ce seul refuge Le r el dans 53 jours
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