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La poétique du rire dans Le Roman comique de Scarron

1. Chez Bergson l accent est tr s clairement mis sur l objet du rire en y cherchant l essence du risible Mais la th orie de Bergson comme toutes les th ories dites essentialistes ne peut demeurer cantonn e cette chelle objective du ph nom ne sans filer directement vers l impasse Le comique a fondamentalement besoin de rieurs melina le rappelle galement le rieur et celui qui fait rire comptent autant que ce dont on rit Bergson postule pour que le rire op re comme une indispensable anesth sie momentan e du c ur chez le rieur Une situation une grimace ou un discours ne sont pas comiques a priori Bien au contraire le comique d pend toujours de la mani re dont les stimuli des situations observ es ou les propos entendus sont re us Pour Bergson est comique tout arrangement d actes et d v nements qui nous donne ins r es l une dans l autre l illusion de la vie et la sensation nette d un agencement m canique Le comique serait donc de l ordre du relatif et du subjectif ce qui implique du rieur une impression partiale qui se heurte un consensus ou un ensemble de normes socialement ou culturellement partag es Disons seulement pour l heure que pour bien circonscrire le ph nom ne comique l chelle de la litt rature romanesque la triade rieur celui qui fait rire objet du rire doit trouver un cho privil gi dans les relations pa
2. Mais Ragotin heureux dans sa malchance survit malgr lui Le visage corch et sanglant en plusieurs endroits RC 312 Ragotin furieux qu on ait ri de lui nouveau sortit de la chambre en furie RC 312 Ces passions cliv es rire col re trouvent 566 T est important de relever que le narrateur pr cise que cet animal allait sur sa bonne foi RC 311 comme les chevaux du narrateur charretier Cette reprise isotopique renseigne de la polys mie de l animal d ailleurs compar plus tard un cheval Si le narrateur se comparait volontiers au chapitre I 12 RC 95 ceux qui mettent la bride sur le cou de leurs chevaux et les laissent aller sur leur bonne foi aussi d l gue t il d sormais cette d sinvolture non pas au conducteur de l intrigue mais l animal m me Ce transfert des pouvoirs confirme d j l absence de commentaires de la part du narrateur le comique n est plus dire il invite d sormais un d cryptage 557 Peut tre cette absence de compassion est elle la r sultante du climat dans lequel baignent maintenant les com diens La menace qui pesait contre le Destin et l toile d sormais disparue rien ne motive plus l humeur tendue et explosive des premiers chapitres Les com diens qui h sitaient rire lorsqu ils pensaient Ragotin en danger de mort transf raient peut tre leur propre inqui tude vis vis la mort Cette angoisse vapor
3. en sp cifiant qu il n entretient pas de rapports synonymiques avec la parodie qui lui est cependant proche mais distincte melina en revanche place ces deux notions sur un m me plan le burlesque est surtout arodie Tous semblent effectivement s entendre pour dire que le burlesque est avant tout P P q q 176 SCARRON Paul Scarroniana ou recueil d anecdotes bons mots r ponses bouffonnes ga t s et farces de Paul Scarron suivi des meilleurs morceaux de po sie burlesque de cet auteur d Charles Yves Cousin d Avallon Paris Hedde le Jeune 1801 138 p 17 Ibid Pr face p vi vii 18 Voir CHABANNE Jean Charles Le mot burlesque dans les dictionnaires de langue contemporains dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 27 38 1 Article Burlesque dans DUPRIEZ Bernard Gradus Les proc d s litt raires Dictionnaire Paris ditions 10 18 coll Domaine fran ais 2003 p 99 180 MELINA Jean Comment d finir le burlesque dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 49 66 32 un art de la r criture D Avallon insiste quant lui sur l effet produit par le burlesque le ridicule n du contraste du grand au petit d termine le caract re involontaire du rire qui en d coule R visionniste cette d finition l est
4. la m moire d Alvin Eustis Amsterdam Rodopi 1998 p 171 183 DEJEAN Joan Scarron s Roman comique A Comedy of the novel A Novel of Comedy Bern Peter Lang coll Publications universitaires europ ennes 1977 109 p DE Vos Wim D faillances de chevaux et crises narratives motifs m tanarratifs dans le Romant comique de Scarron dans Jan Herman et Paul Pelckmans ds L preuve du lecteur livres et lectures dans le roman d ancien r gime Louvain ditions Peeters 1995 p 89 90 DIKRANIAN N v na Ragotin ou le personnage burlesque dans Le Roman comique dans Isabelle Landy Houillon d Burlesque et formes parodiques dans la litt rature et les arts Seattle Papers on French Seventeenth Century Literature 1987 p 203 211 EKSTEIN Nina Noise and Injcoherence in Le Roman comique Papers on French Seventeenth Century Literature vol 15 n 28 1988 p 33 44 FORTUNATI Vittorio Pr sence de l Arioste dans Le Roman comique de Scarron Cahiers de l Association internationale des tudes fran aises n 63 mai 2011 p 199 213 FOURNIER Michel Du travestissement au roman la mise en sc ne de la culture hybride dans Le Roman comique dans St phane Lojkine et Pierre Ronzeau dir Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron Aix en Provence Presses Universitaires de Provence coll Textuelles 2011 p 119 129 154 FROIDEFOND Dominique
5. op cit p 47 78 Une des sc nes les plus animali res du roman se rencontre au chapitre I 15 RC 118 Tandis que le Destin entour ses trois ins parables com diennes La Caverne Ang lique et mademoiselle de l toile raconte son histoire personnelle on ou t tirer dans la rue un coup d Arquebuse et tout aussit t jouer des Orgues RC 138 Ce brouhaha est l uvre du v ritable Ragotin qui avait voulu donner une s r nade Mademoiselle de l toile RC 139 Cette premi re galanterie prouve s il en tait besoin qu il ne conna t rien l amour ne sachant lui m me jouer de quelque instrument que ce soit il engage deux musiciens au talent certes contestable d nich s p le m le l glise de la ville on ou t deux m chantes voix dont l une chantait le dessus et l autre r lait la basse RC 138 La s r nade qu il offre en diff r sa ma tresse s av re ex crable ces deux voix de Lutrin se joignirent aux Orgues et firent un concert faire hurler tous les chiens du pays RC 138 La chanson choisie et jou e l orgue plut t qu au luth ou la guitare v rifie le pr suppos qui veut que Ragotin cultive des ambitions colossales qui contrastent fort avec ses piteuses qualit s humaines Cette chanson para t d autant plus ridicule qu elle sera suivie d un bel Exaudiat RC 139 que l organiste jouait comme un c
6. 128 le romanesque alors que les extr mit s les nouvelles 1 et 4 renversent cette propension et redonnent au comique son plein caract re Ragotin pr sent avant et apr s la quatri me nouvelle un sch ma p riph rique identique celui de la premi re nouvelle incline Les deux fr res rivaux malgr le tragique fastueux des intrigues qui s y affichent au burlesque et au carnavalesque Le chapitre II 18 RC 289 est chapeaut par un antititre Qui n a pas besoin de titre tautologique et totalisant menant le lecteur dans une impasse Le jeu parodique auquel Scarron se livrait depuis le d but de son roman atteint ici un paroxysme in gal La r flexion dans laquelle s tait engag Scarron arrive terme en m me temps que s ach ve son roman inachev Une derni re fois le lecteur se fait complice de l embrouillement entre la production et la r ception du texte mettant en relief le travail auquel doit s adonner le lecteur mal vole du Roman comique Le chapitre II 18 est un chapitre carrefour o se rencontrent lecteur et texte Le premier le construit tandis que le second se fait construire Avant de s engager sur la route broussailleuse du romanesque on s arr te au seuil pour mettre en lumi re non pas le texte en soi mais la lecture auctoriale du texte B Les r cits introspectifs comme lieux de m moire L hypoth se tenace d une irr ductible dualit au c ur du fonctionnement du R
7. Le traitement de Ragotin dans Le Roman comique de Scarron Papers on French Seventeenth Century Literature vol 20 n 39 1993 p 415 433 GAGNON Ingrid Ruse et rus dans Le Roman comique de Scarron dans Elzbieta Grodek d criture de la ruse Amsterdam Atlanta Rodopi GA coll Faux titre 2000 p 187 195 GRAEBER Wilhelm Un raccourci de la mis re humaine Aspects id ologiques du comique corporel dans l uvre de Paul Scarron dans Eva Erdmann et Konrad Schoell ds Le comique corporel mouvement et comique dans l espace du th tre au XVIIe si cle T bingen Gunter Narr Verlag coll Biblio 17 2006 p 69 84 GRUFFAT Sabine Le Ragotin de Scarron ou la vitalit du comique de r p tition tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 115 126 GUICHEMERRE Roger Gratuit et d veloppement ludique dans les com dies de Scarron et Moli re Litt ratures classiques vol 27 1996 p 281 289 J RAMEC Jacques La vie de Scarron ou le Rire contre le destin Paris Gallimard 1929 238 p KORITZ Lester S Scarron satirique Paris Klincksieck 2000 247 p LAGARDE Fran ois D sordre et ordre dans Le Roman comique French Review vol 70 n 5 1997 p 668 675 LEDESMA PEDRAZ Manuela Du r alisme au baroque Le Roman comique de Paul Scarron Studium Filologia vol 4 1988 p 99 112 L TOUBLON Fran oise La rencontres avec le
8. Narration directe 59 43 Narration directe 58 41 Narration indirecte 85 57 Narration indirecte 65 53 149 ANNEXE 2 Gravure sur cuivre utilis e pour le frontispice de La Relation v ritable de tout ce qui s est pass en l autre monde au combat des Parques et des Po tes sur la mort de Monsieur Voiture 1649 de Stefano Della Bella 150 ANNEXE 3 Gravure sur cuivre de Jan Veenhuysen utilis e pour le frontispice de l dition de 1669 du Roman comique de Scarron SCARRON Paul Le Roman comique Paris G de Luynes 1669 2 vol Scarroi 151 BIBLIOGRAPHIE 1 ditions du Roman comique consult es SCARRON Paul Le Roman comique d Victor Fournel Paris P Jannet 1857 1651 1657 2 vol Le Roman comique Suites de Orfray et Preschac Conclusion par Louis Barr d Louis Barr Paris J Bry 1858 2 vol Le Romant comique d Antoine Adam dans Romanciers du XVIIe si cle Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1962 1651 1657 p 531 897 Le Roman comique d Jean Serroy Paris Gallimard coll Folio Classique 1985 1651 1657 416 p Le Roman comique d Yves Giraud Paris GF Flammarion 1993 1651 1657 381 p Le Roman comique illustr d Fran oise Chaserant Paris Riveneuve ditions 2008 405 p Le Roman comique d Claudine N delec Paris Classiques Garnier coll Biblioth
9. SCARRON Paul Le Ch timent de l avarice Mayenne ditions Sillage 2006 p 46 42 BAKHTINE Mikha l Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard coll Tel 2006 p 458 433 SERROY Jean Roman et r alit les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 466 44 DEBAISEUX Martine op cit p 181 98 l ge classique nous l avons d j dit se montrent assez bavards lorsque se pr sente l occasion de commenter les engrenages du ph nom ne comique Mais Scarron pousse la glose du rire jusqu la bouffissure tellement qu il en transforme la port e c est dire qu il lui arrive parfois et d lib r ment de ne pas faire rire pour montrer souverainement conscient de ses moyens Pe NE As ess ur po tiques sa propre ma trise des codes rh toriques de l ancienne farce jusqu l ironie la plus oblique 3 Bis repetita De l original au s riel La r p tition comme moteur farcesque semble bel et bien fonctionner comme une loi comique irr ductible Mais le comique en tant que l envers de tous les autres genres ne se contente t il pas d j de r p t er une autre forme en changeant son signe Cette vision a contrario du comique qui voudrait qu il soit une r ponse n gative une forme romanesque positivement c l br e renferme en elle m me une logique de confrontation ce que notre typologie des rires confirme et d veloppe jusqu l oxymore La no
10. nous informe en outre d une dispositio savamment d sordonn e L incipit du chapitre o elle s ins re d veloppe un commentaire m tar flexif sur la po tique du roman r gulier selon ce que Scarron appelle ironiquement une moralit RC 95 Ce chapitre d un haut comique se cl ture par l annonce de la premi re des trois parties de l histoire r trospective de Destin Est ce cependant vrai d affirmer que si les pisodes manceaux mettant en sc ne La Rancune et Ragotin personnages comiques rel vent manifestement de la burla les aventures du h ros Le Destin restent 6 DUVAL Sophie Une r p tition destin e sugg rer une v rit neuve it ration et r g n ration comique chez Proust tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 29 7 Lieu commun de la litt rature comique Pensons seulement la sc ne de l hommage des fesses nues dans le Francion de Sorel lors de l orgie au ch teau de Raymond Sorel Charles Histoire comique de Francion livres I VII d Yves Giraud op cit livre VII p 323 363 448 Nous y reviendrons en d tail au chapitre 3 L esth tique des limites Cf p 107 102 romanesques m me sous leur forme non r trospective La sc ne des claques aux fesses nuance cette affirmation faisant de Destin un personnage invariablement romanesque et elle constitue m me a fortiori un pivot de la distribution modale qui s pare r
11. tudes fran aises De l usage des vieux romans 2006 vol 42 n 1 p 6 Nous reviendrons d ailleurs en conclusion sur ce terme la fois contest et signifiant d antiroman Cf p 140 110 absolue autrement dit classique du genre romanesque au XVIIe si cle B tie sur le mod le consacr des r cits englobants englob s organisation tr s pris e depuis Boccace en Italie jusqu Marguerite de Navarre en France la structure du Roman comique se d ploie en un feuilletage bariol o Scarron par d construction burlesque plaque des s quences narratives contrastantes les unes sur les autres Au moins trois niveaux g n riques s entrelacent et se relaient selon des modalit s d insertion aussi diverses que probl matiques La sc ne du roman est occup e alternativement par un r cit cadre pris en charge par un narrateur extradi g tique six r cits r trospectifs narr s par quatre personnages transform s en narrateurs autonomes et quatre nouvelles traduites de l espagnol cont es par trois personnages devenus auteurs Billets galants pi ces de th tre comiques comme tragiques certaines seulement voqu es d autres 3 gt EEE 477 jou es par les personnages chansons gauloises et po sie infiltrent aussi l espace de la fiction Comme en t moigne une r cente publication collective sur Le Roman comique la pratique scarronienne de la rencontre comme topique narrative et mode de rep
12. 1989 184 p SERMAIN Jean Paul M tafictions 1670 1730 la r flexivit dans la litt rature d imagination Paris Honor Champion coll Dix huiti mes si cles 2002 461 p SGARD Jean Le roman fran ais l ge classique Paris Librairie g n rale fran aise coll Livre de poche R f rences 2000 254 p TADI Jean Yves dir La litt rature fran aise dynamique amp histoire Tome 1 Paris Gallimard coll Folio Essais 2007 768 p 164 THIELE Ansgar L mergence de l individu dans le roman comique XVIIe si cle Presses Universitaires de France n 215 2002 p 251 261 Toporov Tzvetan Qu est ce que le structuralisme 2 Po tique Paris ditions du Seuil coll Essais 1973 1968 109 p VAILLANT Alain L histoire litt raire Paris Armand Colin coll U Lettres 2010 391 p ZUBER Roger et Micheline Cu nin Histoire de la litt rature fran aise Le Classicisme Paris GF Flammarion 1990 351 p D Histoire des mentalit s CAVAILL Jean Pierre Libertinage et dissimulation Quelques l ments de r flexion Libertinage et philosophie au XVIIe si cle mai 2001 n 5 p 57 82 D MORIS Ren Le roman la premi re personne du classicisme aux Lumi res Gen ve Librairie Droz coll Titre courant 2002 1975 596 p DESJARDINS Lucie Le corps parlant savoirs et repr sentation des passions au XVIIe si cle Qu bec Par
13. 2009 p 3 77 l mergence de l individuel Auparavant symbolique le rire deviendrait critique selon un principe de privatisation et de discipline r alis l ge classique la mise en place de la facult r flexive du rire engage tour tour des condamnations de diff rents param tres caract rologiques et sociologiques Dans cet esprit que dire des nombreuses disgr ces de Ragotin Dominique Froidefond en recense sept huit incluant les chapitres introductoires qui sont d un comique plus l ger et esth tiquement diff rent par partie du roman Cette sym trie parfaite ne signifie pas pour autant un m me traitement d une partie l autre Froidefond y voit un passage vers une passivit de plus en plus m canique et violente Mais un mot d abord sur le terme m me de disgr ce qui coiffe la plupart des pisodes comiques concernant Ragotin Deux acceptions concurrentes de ce terme sont admises au XVIIe si cle D abord selon Fureti re le terme disgr ce signifie une perte de faveur d une force ou d une entit sup rieure ajout e d une connotation minemment politique et religieuse Qu elle provienne de l glise ou du prince la disqualification provient d en haut ou du dehors En revanche la disgr ce se rapporte aussi l agir d un individu qui cr e de son propre chef des accidents des catastrophes ou des malheurs Deux interpr tations adverses dominent
14. 366 LAFON Henri Espaces romanesques du XVIIIe si cle 1670 1820 de madame de Villedieu Nodier Paris Presses Universitaires de France coll Perspectives litt raires 1997 p 6 367 Thid p 423 81 cons quence ne se met pas en col re Polichinelle soumis mais conscient de son sort Ragotin affiche une bonhomie troublante d impuissance Pr f rant l indiff rence coutumi re cette attention sardonique il ne quitte pas son mis rable r le et continue de porter de plein gr le masque tragi comique de t te de Turc Aucun rire chez les com diens ne vient vendre la m che Aucune remarque non plus de la part de la Rancune qui lui fit gr ce ayant t honor de l honneur de sa confidence RC 141 Un simple jeu Un interm de une com die La troupe r unie pour r p ter une pi ce adopte donc conform ment la requ te de la Rancune un proc d lui m me fondamentalement r p titif On fait semblant de ne pas entendre Ragotin d une part puis on le m ne en d rision de l autre mais toujours selon les m mes strat gies reproduites de 55368 fois en fois la feinte et le jeu Il en va de m me du mouvement de haut en bas structure r p titive qui ordonne la plupart des autres disgr ces de l avocat Au chapitre I 17 RC 144 Ragotin devient une v ritable boule de neige Selon Bergson le proc d de la boule de neige imprime un objet un effet qui se pr
15. 413 QUESNEL Colette Mourir de rire d apr s et avec Rabelais St Laurent Paris ditions Bellermin Vrin coll Cahiers d tudes m di vales 1991 p 15 93 orchestre les classes se m langent en un corps homog ne ma tres et valets se r unissent le temps de rire Enfin le rire prive momentan ment l homme de ses sens et lui fait vivre un simulacre de la mort qui lui propose des fragments d ternit Aucun des personnages du Roman comique m me s ils rient parfois jusqu se tordre ne meure d avoir trop ri Rire de la mort par contre ou plus pr cis ment rire avec un mort constituent autant de th mes h rit s de la tradition carnavalesque qu exploite Scarron Inscrit dans cet univers de r incarnations et de r jouissances de la f te le rire ce gloussement plein de vie que cr e le contact avec la mort devient positif vivifiant et souligne sur le mode comique la circularit implacable de la condition humaine Nous avions voqu plus haut l id e d une thique scarronienne du rire une limite au del de laquelle il devient pervers et inhumain de rire d un autre Autrement dit le danger de mort entravait la bonne humeur et suscitait la piti Or cette fronti re n est pas tout fait infranchissable Au chapitre II 7 RC 218 la Rancune et l Olive d cident de jouer un mauvais tour Ragotin en pla ant le corps mort de l h te dans le lit que devait occuper la R
16. 42 pour sa s pulture Furibonde et exasp r e sa femme lui demande en quel quipage il pensait ressusciter RC 217 Malgr son tat de sant critique l h te bouillant de col re lui r pond en jurant Eh morbleu vilaine je ne veux point ressusciter RC 217 Cette remarque pour le moins s che du mourant trop avare pour s acheter son propre salut et qui renonce ainsi sa r surrection fait rire de bon c ur le cur et son fr re tellement que ce dernier ne pouvait s emp cher d en rire toutes les fois qu il y songeait RC 217 Ce rire incontr lable inhumain qui fait contraste avec les pleurs attendus en pareille situation ne frappe cependant pas tous les spectateurs de la sc ne puisque le fr re de l h te s en tait formalis RC 218 si bien qu d faut de s esclaffer il entre dans une humeur brutale avant de s en prendre physiquement au fr re du cur Remarquons qu une dynamique tripartite de va et vient se met en place l nervement de l h te d clenche le rire du cur qui en retour provoque l bullition du fr re de l h te Si dans cette dialectique le rire s oppose la col re ils participent n anmoins tous deux d un m me exc s d un m me cart d une m me grandissante violence Cette deuxi me bouffonnerie du cur n attendrit pas plus qu auparavant les deux com diens L andre le plus afflig des deux ne lui do
17. La compagnie a t elle appr ci la r currence ou tait elle d j ennuy e de la m canisation du proc d Le court laps de temps et le peu de modulation qui s parent l original du calque expliquent peut tre l insucc s de ces r p titions in praesentia La r p tition n est en effet comique que s il y a variation parce que le m me s y r v le autre parce qu il y a la fois reconnaissance et diff rence Cette mise en abyme toute en nuances r v le simultan ment un conflit entre inventio et dispositio et plus largement entre cr ation de la mati re et reproduction mim tique de celle ci Nous avons tabli au cours de ce travail que le rire est la fois une contagion qui suppose une accumulation de rires et une contrainte qui exige un espace un temps pour rire sans crainte Dans cette sc ne spectaculairement clairante quant la r ception di g tique et lectoriale du comique r it ratif nous pouvons maintenant ajouter cette courte liste la contagion et la contrainte un nouvel l ment la s rie Le comique chez Scarron fonctionne le plus souvent de mani re m caniquement s rielle pensons uniquement la complexe cha ne de montage qui organise les disgr ces de Ragotin qui ne viennent jamais seules et toujours de fa on analogue Dans Le Roman comique nous rions presque toujours en s rie et peut tre m me en bo te La mise en texte de la sc ne des claques aux fesses
18. Une r p tition destin e sugg rer une v rit neuve it ration et r g n ration comique chez Proust tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 38 99 repr sentation en repr sentation Le com dien n incarne t il pas l tre le plus r p titif qui soit La r p tition telle que Scarron la pratique transforme le rapport entre l inventio classique et la reproduction mim tique en probl me important Dans la plupart des pisodes comiques mobilis s jusqu maintenant il semblerait que l on rit souvent parce que l on reconna t les codes du comique on rit donc plus de la r f rence au comique en tant que tel que du comique sp cifique une sc ne donn e Ce rire r f rentiel qui n est pas encore tout fait intertextuel parce que reposant uniquement sur la reconnaissance g n rale du vocabulaire du genre comique supposant au lecteur des comp tences avanc es invite d ores et d j probl matiser le rire scarronien selon le mod le de la r it ration comique A P dagogies de la r p tition La r p tition lasse d une m me plaisanterie rode son potentiel comique chaque nouvelle reprise en plus d afficher chez l auteur un s v re d ficit d inventio Cette loi d usure inexorable du comique qui ne supporte pas la r p tition a priori ne touche toutefois pas le comique de r p tition tel que le d finit Bergson puisqu il en inverse brutalement le pri
19. Voir plus loin notre commentaire dans le chapitre 2 Dramaturgie clownesque Cf p 62 24 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 87 250 Ce choix curieux mais signifiant de pr nommer la m re d Ang lique jeune amante insatiable la Caverne rel ve certainement de la satire de l all gorie de type n o platonicienne que pratiquait d j Scarron dans Le Virgile travesti 51 l amour propre Cette r flexion dans le sillage de la d finition aristot licienne du comique con u comme laideur sugg re que l extraordinaire l inconnu et le marginal ici le nom de la Caverne suscitent la curiosit De la condescendance ensuite puisque le diff rent l autre et l excentrique plut t que d inspirer de l int r t inqui tent Le rire de ces quelques uns de la compagnie RC 51 trahit simultan ment comme une contrari t refoul e ainsi qu un sentiment de sup riorit Le rire qui triomphe ici s av re celui des ignorants ceux l m mes que le Destin provoque en les nommant narquoisement hommes d esprit RC 51 Car le rire peut aussi masquer sous une sup riorit apparente des craintes et des souffrances Ces plus gros bourgeois de la ville RC 50 pour qui la nouveaut de l attirail et le bruit de la canaille qui s tait assembl e autour de la charrette RC 50 taient aussi prod
20. de Brno 2006 318 p 50 Voir le chapitre 1 Rire ou ne pas rire Cf p 24 143 le complice de l ironie De la m me fa on que le rire litt raire l ironie culmine lorsque se glisse dans cette m canique minimale des interf rences des brouillages qui rendent la lecture dynamique mais clat e sujette aux d calages les plus violents Or nous croyons que ces approches dissemblables mais compl mentaires sans invalider leurs nuances et leurs limites propres d crivent une seule et unique r alit textuelle elle m me fondamentalement difforme le rire Pour autant ce que l ironie pr suppose d un point de vue philosophique en se rattachant l h ritage socratique est peut tre trop touffant pour Scarron notre avis c est bien le burlesque comme strat gie de d cryptage et non comme simple mode issue d un climat politique passager qui informe le plus loquemment de l nergie comique du texte scarronien Comme le souligne Claudine N d lec tout texte burlesque implique et n cessite une proc dure de d chiffrement retorse une attitude particuli rement attentive du lecteur averti que le texte qu on lui donne interpr ter est encore plus pi g que de coutume d autant plus qu il est au premier abord propre faire rire sans qu on sache trop bien de qui exactement 5 Voil o se rejoignent burlesque et comique ironie et satire dans l insoumission l or
21. ge et sous la Renaissance op cit p 273 21 f te Fini le plaisir Les manifestations populaires du rire tels le monde l envers du carnaval et la f te des fous sont maintenant bannies de l espace public Toute bouffonnerie n est plus bonne entendre et la r pression devient imp tueuse le rire en lui m me dans son essence et sous toutes ses formes est mauvais Mais en d pit des inlassables assauts contre le rire qui est aussi naturel l homme que la respiration l existence d une culture du comique qui impose corr lativement une conduite et une vision du monde se fait toujours ressentir dans la soci t du XVIIe si cle mais sous des formes innovantes retorses et obliques L ironie se substitue g n ralement la grasse plaisanterie Partout encore s prouve l effet d un rire qui se d place lentement du corps vers l esprit et qui prend l aspect pr occupant pour les autorit s d un instrument de critique sociale et d une conscience r flexive De ces grands bouleversements d poque nous retiendrons pour les besoins de notre travail plus l esprit qui a accompagn l imaginaire comique dans sa polys mie que les syst mes d velopp s par les autorit s en place pour r guler cette inqui tante passion En suivant l hypoth se de Mathieu B lisle nous souhaitons nous aussi associer la pens e du comique l mergence du roman moderne le d veloppement du ro
22. l thop e pallie le derri re manque de vision de l image au d faut de la peinture je m en vais te dire peu pr s comme je suis fait Cette pr cellence de la pr sentation textuelle sur la repr sentation picturale souligne les fondements m mes du projet esth tique de Scarron Le roman genre gigogne et sans limites fixes fait clater les cadres spatial et temporel culturellement norm s et cr e simultan ment un espace infiniment perm able Mais l auteur empirique Scarron qui se met en sc ne dans l avant texte prend soin de se disqualifier aussit t cet avant propos n est fait que pour grossir le livre la pri re du libraire qui a eu peur de ne retirer pas les frais de l impression sans cela il serait tr s inutile aussi bien que beaucoup d autres Cette inutilit doit tre mise en regard de la fonction auteur menac e par l ing rence d une voix autodestructrice une fois crit le roman n est plus le sien et s offre tout entier l il d cryptant du lecteur Lieu par excellence o se s dimente l image de l auteur au travail cet autoportrait burlesque ne serait apr s tout qu une man uvre ditoriale cens e recentrer le discours litt raire sur ce que le livre est par ailleurs un objet mat riel soumis aux rigueurs marchandes Ce face face pictural et textuel met en jeu les tensions de la repr sentation en g n ral mais plus
23. nergie conomis e per ois de gr ou de force l gitimement par jeu ou de bonne foi comme d tach de moi anormal et sans effet Je ris parce que je vois cela ainsi car tel est mon bon plaisir ou parce que 148 SMADJA ric Le Rire Paris Presses Universitaires de France coll Que sais je 1993 128 p 14 ROCHE Bruno Le rire des libertins dans la premi re moiti du XVIIe si cle Paris Honor Champion coll Libre pens e et litt rature clandestine 2011 622 p 150 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 16 51 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 5 5 Nous reprenons ici l excellente synth se qu effectue V ronique Sternberg STERNBERG V ronique Le comique op cit p 15 16 153 BERGSON Henri op cit p 8 154 GUILLAUMIN Jean Freud entre deux topiques le comique apr s L humour 1927 Une uvre inachev e Revue fran aise de psychanalyse vol 37 n 4 1973 p 632 28 j ai t amen par des techniques particuli res le voir ainsi 4 celle conflictuelle de Marcel Pagnol est comique tout ce qui peut d une part cr er un d sarroi d autre part r soudre brusquement et heureusement ce d sarroi 5 celle g n raliste de Jean Marc Defays comique sera donc pour nous le terme g n rique d signant tous les ph nom nes verbaux et non verbaux qui ont la propri t de provoquer le rire
24. un incontournable probl me de d finition issue d une relecture toute romantique du burlesque Mais peut on d finir le burlesque sans toujours tomber dans l approximation et l incertitude Qu est ce qui distingue la parodie du pastiche le travestissement de la satire le plagiat de l intertextualit La question peut para tre saugrenue mais tout fait naturelle tant la 81 Alain Viala cit par DEFAYS Jean Marc Le burlesque et la question des genres comiques dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 39 47 182 SCARRON Paul Scarroniana op cit Vie de Paul Scarron p 33 85 Dans le domaine des parodies piques en octosyllabes auxquelles Le Virgile travesti a donn l illustration la plus illustre et l exemple le plus imit nous comptons aussi Le Jugement de P ris 1650 de Dassoucy L n ide travesti 1659 de Fureti re et Les Murs de Troie ou l origine du burlesque 1653 des fr res Perrault 184 Le XIXe si cle a eu tendance assimiler jusqu l quivalence compl te le burlesque au grotesque qui a servi de contrepoint esth tique visant contrebalancer une esth tique de l harmonie et du sublime BERTRAND Dominique Introduction dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 14 Selonon cette relecture t l ologique le burlesqu
25. 14 Voir FOUCAULT Michel Les mots et les choses Paris Gallimard coll Tel 2005 1966 400 p 1 Le malade de la reine La vie sociale de Scarron ne se r sume assur ment pas son n anmoins c l brissime mariage avec Fran oise d Aubign petite fille de l auteur des Tragiques Agrippa d Aubign et future femme de Louis XIV Madame de Maintenon Son abondante correspondance r v le aussi des voisinages de grand renom Christine de Su de le cardinal de Retz et le surintendant Fouquet ne sont que quelques unes de ses connaissances illustres Ses amiti s litt raires n ont pas rougir non plus Madeleine de Scud ry Segrais Pellisson M nage et Sarrasin qui taient pour Scarron de v ritables amis sont au nombre de ses proches fr quentations Pleinement inscrit dans la vie culturelle parisienne Scarron aurait autant d affinit s avec lunivers burlesque qu avec une id ologie galante Cette diversit de relations se lit obliquement dans son uvre clectique par d finition et esth tiquement bipolaire Figure incontournable pour ses contemporains l auteur du Virgile travesti tour tour imit estim contest en son temps est rapidement tomb en d su tude au tournant des Lumi res parce qu impropre et entrant en conflit avec l objet classicisme tel qu labor apr s coup par la critique Ce vide se comble d sormais peu peu Maints colloques et num ros sp
26. 400 p STERNBERG V ronique Espaces et com die au XVIIe si cle tudes litt raires Espaces classiques n 1 2 2002 p 201 215 VIALLETON Jean Yves Notes sur la pens e du comique au XVIIe si cle Recherches et travaux Rire et litt rature n 67 2005 p 41 51 4 uvres narratives diverses des XVIe XVIIe et XVIII si cles BERGERAC Cyrano de Lettres satiriques et amoureuses pr c d es de Lettres diverses d Jean Charles Darmon Paris ditions Desjonqu res coll Dix septi me si cle 1999 256 p BOILEAU Nicolas Art po tique Paris GF Flammarion 2006 256 p CHAMFORT Nicolas de Pens es et maximes Caract res et anecdotes Paris Gallimard coll Folio 446 p CLAIREVILLE On sime Sommain de Le Gascon extravagant histoire comique Abano Terme Piovan Editore 1984 1637 335 p DU PLAISIR Sentiments sur les Lettres et sur l Histoire avec des scrupules sur le style Gen ve Droz coll Textes litt raires 1975 1683 145 p 166 DU VERDIER Le Chevalier hypocondriaque Paris Pierre Billaine 1632 709 p FURETI RE Antoine Le Roman bourgeois Paris GF Flammarion 2001 1666 399 p L HERMITE Tristan Le Page disgraci dans Libertins du XVIIe si cle Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade tome 1 1998 1643 p 383 597 MONTAIGNE Michel de Les Essais d Villey Saulnier Paris Presses Univ
27. 57 Dominique Bertrand nuance la position bakhtinienne largement admise dans la critique sur Le Roman comique Cela complexifie du coup la question du rire scarronien qu on associe trop souvent au carnavalesque sans s y attarder comme s il s agissait d un clich universel ou d un lieu commun indiscutable et ses cons quences textuelles po tiques et philosophiques On doit cet gard relativiser la probl matique de M Bakhtine qui opposait l irradiation de la culture populaire carnavalesque dans la grande litt rature de la Renaissance au rire r sorb des si cles suivants Un partage trop tranch entre cultures populaire et savante r siste mal la lecture attentive des textes BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 10 En ce qui concerne la tradition de la satire m nipp e voir MERRY Barbara L Menippean Elements in Paul Scarron s Roman comique New York Perter Lang coll American University Studies 1991 132 p 25 comme telles que certaines lignes de force qui nous seront utiles par le biais de penseurs comme Bergson melina et Jank l vitch entre autres et qui pr sideront notre m thode composite de travail Nous explorerons aussi leurs pr suppos s esth tiques philosophiques et anthropologiques Ces points pr liminaires pr cis s nous nous pencherons sur deux situations narratives dans lesquell
28. DELEC Claudine Burlesque et interpr tation 11 op cit 203 Thid 24 op cit 7 D vidence cela soul ve d j des questions qui concernent de front l inventio et la mim sis probl mes que nous tenterons de r soudre au chapitre 3 L esth tique des limites Cf p 107 205 Voir en particulier DEJEAN Joan op cit FOUCAULT Michel Les mots et les choses op cit 206 JEANDILLOU Jean Fran ois Esth tique de la mystification Paris ditions de Minuit coll Propositions 1994 240 p 36 tonalit plus frondeuse dissidente presque libertine ce que la critique a finalement assez peu comment Le style genre registre burlesque de Scarron se marierait il alors au mouvement libertin cam l on par excellence IT Les libertinages du rire Du picaresque au galant Scarron est il en effet un auteur libertin La question se pose l gitimement lorsqu on consid re que les grands noms de l histoire comique sont presque syst matiquement associ s au ph nom ne culturel et esth tique du libertinage au XVIIe si cle Scarron a t il autre chose en commun avec les Cyrano Sorel Th ophile et autres Tristan qu une anodine et involontaire correspondance historique Le burlesque est il un libertinage Nathalie Grande dans le sillage trac par Jean Serroy remarque qu apr s 1660 le rire tel qu il a t c l br dans le genre de l histoire comique de Du Souhait jusqu Furet
29. ciaux sont aujourd hui consacr s Scarron V ronique Sternberg a r cemment rassembl le th tre complet de Scarron chez Honor Champion qui donne la r plique une autre dition de l uvre th trale scarronienne publi e par Barbara Sommovigo chez Felici editore Ses nouvelles croqu es sur le mod le des novelas espagnoles ont galement trouv leur niche dans de multiples ditions rudites Ses nombreux po mes burlesques longtemps m connus jouissent maintenant d ditions autonomes L actualit de Scarron est vidente et diverse mais les commentaires acad miques que suscite son uvre demeurent parfois bien cursifs et v hiculent ad vitam 15 SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg Paris Honor Champion coll Sources classiques 2009 vol 1 p 12 16 Ibid 1 Des chos de la culture galante se retrouveraient surtout dans son th tre par le biais d une critique du p dantisme et des disconvenances ainsi que l laboration de principes de civilit bid 18 Scarron Cahiers de l Association internationale des tudes fran aises n 63 mai 2011 p 127 242 9 LOJKINE St phane et Pierre Ronzeau dir Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron Aix en Provence Presses Universitaires de Provence coll Textuelles 2011 224 p 20 SCARRON Paul Th tre complet d Barbara Sommovigo Ghezzano Felici editore coll La mas
30. cit principal et r cits r trospectifs Si le r cit du pass de Destin tend effectivement lui donner une origine noble sinon honn te son pr sent demeure fondamentalement hybride En r alit le Destin n est pas romanesque par essence mais bien par mim tisme Influenc par ses fr quentations les plus imm diates il devient h ro que avec Verville et burlesque avec la troupe comique Cette ambivalence de nature est galement celle qui travaille Le Roman comique qui par r p tition et mim sis construit un espace de flottement et d ind cision identitaire pour le Destin d finitoire pour le roman B Les continuateurs recal s Les suites du Roman comique Si elle donne la com die des traits sp cifiques la po tique s rielle minimise par d finition les deux fondements de la po tique classique de la trag die la cl ture et la causalit Or Le Roman comique en plus de son caract re fragmentaire indissoluble est par ailleurs une uvre inachev e pour des raisons certes beaucoup plus circonstancielles que planifi es Les livres sans fin ne sont cependant pas exceptionnels l ge classique tant s en roprement parler le roman ncien R gime est presque constitutivement une W t parler 1 TA R t titut t faut structure non d finitive et sujette d infinies suites et continuations Immens ment populaire au moment de sa publication Le Roman comique uvre instable ouverte r visable
31. e les com diens ne se soucient plus du danger qui guette constamment Ragotin 146 ainsi un cho spatial tout aussi signifiant Ragotin cherche quitter l espace ferm de la fiction o son r le se limite un ridicule constamment r it r Il s essaie traverser jusqu sa seule issue De la chambre la porte de l h tellerie la route se fait longue hasardeuse et il bute d j L h te l arr ta RC 312 avant qu il ne parvienne ses fins Ragotin chass par le malheur le plus constant n arrive pas s vader de l espace du roman qui lui rappelle jamais son unique r le celui de faire rire KKK La r flexion que m ne Scarron dans Le Roman comique si elle n a pas la rigueur de essai ou du trait a au moins la force de la pratique La production litt raire du polygraphe Scarron dramaturge prolifique mais m connu romancier d un seul roman nouvelliste plagiaire et cependant inventif oscille sans cesse entre l imitation et l invention entre l hommage et le pastiche Mais elle permet surtout de r fl chir sur le dosage sur les possibilit s infinies d un genre encore la recherche de d finitions L option burlesque qu a choisie Scarron dans Le Roman comique n est peut tre pas autant une vision duelle du monde faite concurremment de tragique et de comique qui se rapproche de la complexit du r el comme le proposent Jean Serroy et beaucoup de commentate
32. e d s la premi re partie du Roman comique s intensifie dans la seconde partie alors qu il devient une proie de plus en plus passive En effet les premi res disgr ces de Ragotin r sultaient de sa propre maladresse et b tise Dans la seconde partie ce n est plus lui m me qui occasionne ses malheurs Il suffit de consid rer le passage o il accumule les disgr ces au chapitre II 7 RC 218 pour que s impose d elle m me la figure du pantin ficelles Il se vautre dans un coffre linge et s y enferme ses jambes tant prises sous le poids du coffre Quand on l en extirpe fou de rage 1l se fait arracher ses v tements par ceux qui s efforcent de le contenir Lorsque tout le monde pouffe de rire Ragotin tente de pousser son assaillant sans succ s Son adversaire frappe plut t ses cuisses nues jusqu ce qu elles deviennent toutes rouges la mani re d un parent qui gronde son enfant Souhaitant se d faire de son bourreau il se voit enfin contraint mettre le pied dans un pot de chambre Le chapitre est rythm par les humiliations r it r es du petit avocat et elles suivent un sch ma parfaitement circulaire prisonnier du coffre au d but du chapitre il finit finalement captif d un pot de chambre Ce retour au point de d part t moigne de la st rilit de la lutte qu il m ne contre son destin inflexiblement burlesque comme si on manipulait les ficelles de son corps devenu une pure et simpl
33. e de succ s Plut t qu un proc d volontiers paresseux mettant en vidence chez le romancier une carence s v re d inventio la r p tition a bien valeur de reconnaissance de r cognition Emprunt profond ment dramaturgique le comique de r p tition repose sur la jouissance du m me parce qu il a besoin d identit non construite il est du c t du geste plut t que de l acte du mot plut t que du propos bref comme le dit Roland Barthes de la forme et non du fond Ainsi hi rarchis s les ph nom nes r sultant du comique de r p tition sont moins affaire de signification que de perception sensorielle ce sont l ou e et la vue qui apparaissent le plus directement mobilis es et dans le cas de la sc ne du pot de chambre l odorat aussi Scarron insiste ici sur la primaut du voir sur le lire On voit la Rancune jouer son r le d ingrat d ha ssable on l entend jurer on l entend m me uriner le bruit seul du pot de chambre e t pu r veiller le Marchand RC 63 Ce cadre sc nique Scarron en fait un usage plus qu accidentel tout le roman se place sous la tutelle de la th tralit 316 Les rires scatologiques sont monnaie courante dans le genre de l histoire comique du XVIIe si cle Scarron n en fait cependant pas un usage massif Le Roman comique est d ailleurs tout fait exempt d rotisme explicite hormis la s duction avort e de la Bouvillon au
34. et le burlesque l antith se la synth se se trouve vraisemblablement dans leur mise en parall le La confusion des commentateurs du Roman comique relativement sa structure trois paliers est la r sultante d une d finition g n rique a priori qui distingue radicalement et absolument roman r cit et nouvelle Lire les r cits englob s dans leur environnement natif sans les lire l aune de cat gories restrictives et construites de toutes pi ces permet une pleine et juste lecture du Roman comique Mais doit on prendre le burlesque au s rieux Plus sp cifiquement l auteur burlesque est il au dessus de tout soup on Cet autre p le de la r ception celui de l auteur narrateur fait na tre les h sitations les plus grandes sur le sens donner l nonciation comique Cette th matisation presque ubuesque de la voix narrative dans Le Roman comique met jour l instabilit de l ethos du romancier burlesque 3 Ridendo dicere verum Mystifications comiques L histoire comique parce qu elle d l gue volontiers la voix narrative diverses instances l ethos souvent incertain charcute l nonciation romanesque la triture et la tourmente de mille fa ons Certains y voient peut tre tort l acte de naissance du roman 504 moderne Mais le burlesque n est il pas d abord et surtout une parodie qui s exhibe qui se 5 Dans le cas particulier du Roman comique o
35. exercent sur le roman une force centrip te qui le retourne sur lui m me en explorant le pass retors de ces personnages rencontr s in medias res A Histoire nouvelle roman Ruptures et renouveau Les contemporains de Scarron ont dress un cadastre terminologique emb tant pour les commentateurs modernes du roman classique Histoire historiette nouvelle roman et m me demi roman sont autant de termes qu ils utilisent concurremment pour d signer des r alit s textuelles parfois voisines parfois bien loign es et souvent dans l indiff rence des pr suppos s esth tiques qu ils soul vent L approximation grandit quand ces termes s accompagnent d pith tes comme tragique comique galante Si la classification de l poque pr sente certaines confusions et incertitudes les principaux animateurs du milieu litt raire des ann es 1660 reconnaissent d une m me voix qu une importante mutation du paradigme narratif s orchestre qui voit la nouvelle gagner les plus grands suffrages D j le terme d histoire plut t paradoxalement d signait ce que l histoire litt raire prend pour le parangon du genre des romans comiques L Histoire comique de Francion Pour Sorel tr s actif dans les querelles litt raires de son temps les termes d historiette et de nouvelle s quivalent Allant plus loin l auteur de Polyandre histoire comique n h site pas ranger
36. marquant une tape essentielle dans l histoire de la formation du 1 BAUDELAIRE Charles De l essence du rire Paris ditions Sillage 2010 p 29 5 Shakespeare cit par STEINER George Le rire ou le sourire op cit p 18 58 Cette triple postulation trouve un cho direct et volontaire dans la structuration de nos chapitres repr sentation du rire th tralisation du rire et les limites du rire 54 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 313 140 genre romanesque Il rajoute qu au lieu de fermer le roman comme l ont fait ses pr d cesseurs dans la voie des Histoires comiques tout ce qui fait le romanesque du sentiment et de l imagination il l inclut dans son uvre et m lant le romanesque au comique r concilie d Urf et Sorel Cette remarque pr suppose au roman un tat premier herm tique et immuable que Scarron ouvre pour la toute premi re fois ouverture d ailleurs que perp tuerait l inach vement de l uvre Cela serait donner Scarron un poids historique qui n est peut tre pas le sien En effet de plus en plus de critiques affirment que les vieux romans sont toujours d j des antiromans Parler de nouveaut dans ce cas est peut tre une entreprise qui rel ve moins de l analyse savante que de la publicit trompeuse Affirmer que Scarron est le premier sauveur du roma
37. ne de Scarron sanguine et bien en chair en a la fois le poids et les ardeurs amoureuses SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit p 402 Ce nom dans le m me sens que celui de Ragotin rapproche galement la femme du monde animal enti rement domin par l instinct et le bas corporel 91 Cette sc ne se structure selon un principe d accumulation et de dispersion o r gnent les antagonismes flux et reflux dispersion et concentration de la circulation Cette sc ne repr sente figurativement le processus psychique de la d charge du rire tel que Mauron et Freud la conceptualisent Au fur et mesure que se construit la pyramide de viandes l nergie psychique emmagasin e grandit proportionnellement la d mesure de l assiette qu on s affaire riger Cet effet d attente par accumulation s av re typiquement th tral Pierre de touche de la sc ne la vue que le Destin a de ce monument burlesque dress en son honneur devient le d clencheur des rires absolument contagieux des convives Le risible s accumule jusqu ce qu il devienne incontr lable avant que les rires ne se dispersent pour r tablir l quilibre psychique de chacun L attitude des rieurs est unanime tous des ma tres jusqu aux valets pouffent de rire Irr sistible le rire contamine tous les invit s hormis bien s r madame Bouvillon honteuse de sa d confiture Cette sc ne fait par ailleurs
38. originale chez Sorel mais galement chez Scarron m me s il s av re moins incendiaire que certains de ses contemporains 210 PINTARD Ren Le libertinage rudit dans la premi re moiti du XVIIe si cle Paris Boivin 1953 2 vol 211 FOUCAULT Didier Histoire du libertinage Des goliards au marquis de Sade Paris ditions Perrin coll Tempus 2010 p 7 7 Ibid 7 La d finition qu offre Jean Pierre Cavaill sans omettre l aspect plus grivois du libertinage permet de d passer les d finitions fond es sur des jugements apolog tiques le libertinage est une culture philosophique qui entre le XVIe si cle et le XVIIe si cle travaille s affranchir de mani re plus ou moins nette et radicale du christianisme et du juda sme travers une critique la fois des croyances et des pratiques religieuses autoris es et des formes de savoir qui leur sont associ es CAVAILL Jean Pierre Libertinage et dissimulation Quelques l ments de r flexion Libertinage et philosophie au XVIIe si cle mai 2001 n 5 p 57 214 PR VOST Jacques Introduction dans Libertins du XVIIe si cle vol 1 Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1998 p XTV 38 Une tude originale sur le libertinage au XVIIe si cle et ses rapports au burlesque m riterait elle seule plusieurs centaines de pages d analyses et de commentaires Nous voulions plut t rendre compte de l am
39. sans voquer une posture de lecture que Scarron rend ridicule force de romanesque monde r v par excellence le lecteur endort son sens critique en laissant souvent aller sa t te jusqu ses genoux et la relevant tant t demi endormi RC 311 et adh re ce faisant et sans tout fait le vouloir au monde fantasm du roman Cet acquiescement est toutefois de courte dur e Ragotin qu on avait r duit l tat d animal sera confront un adversaire de taille un B lier On a sans cesse augment la corpulence de ses ennemis des abeilles au b lier jusqu au cheval Ragotin trouve chaque fois des opposants plus puissants plus dangereux et surtout plus contrastants De bagarre en d confiture le rapport de force qui anime les disgr ces de Ragotin s amenuise le petit avocat est perdant d avance les d s sont pip s les combats truqu s Ubuesque le dernier assaut que subit Ragotin aurait d ailleurs pu lui tre fatal tant les forces sont in gales Le B lier partant comme un cheval dans une carri re alla heurter de sa t te arm e de cornes celle de Ragotin qui tait chauve par le haut RC 312 Cette opposition cornes t te chauve quasi antisportive aurait pu suffire l attendrissement de la foule Au contraire ceux qui virent l action du B lier en demeur rent comme en extase sans oublier d en rire RC 312 Le sens thique des rieurs s est tout fait dissip
40. souvent clairants attestent d une pr cellence du signifiant sur le signifi the burlesque reprensents a particulary extreme occurrence of self consciousness since Scarron by undermining the role of the signifi of his novel leaves his reader with nothing but language made opaque an intricate maze of signifiants from which there is no way out DeJean de concert avec Rousset et Tocanne d montre qu il existe au c ur du r cit scarronien une ambivalence fondamentale qu un rire constant traverse Ainsi les traits oraux le burlesque et le carnaval pr sident une esth tique ambigu qui accorde le primat au divertissement et au rire Cependant Dejean ne mobilise la figure du lecteur que pour lui assigner une fonction minemment passive the reader s role as well as the narratee s in the Roman comique is to sit back and be passively entertained rather than to attempt in any way to become involved in the action Cette critique structurale dont Serroy et DeJean sont les principaux acteurs a toutefois fait quelques dissidents Le manque suppos de composition du Roman comique a conduit la critique en construire une pour Scarron dans une entreprise la fois apolog tique et justificative On tente de r habiliter un texte qu une majorit a d abord d termin comme incoh rent Mais la structure coh rente qu on d gage maintenant du texte scarronien est elle r elle ou fabriqu e Lorraine Pir
41. the role of lighting masks and disguises coups de th tre and comic interludes or lazzi like events in the plot development and d nouement Beaucoup des pisodes comiques dans le roman adoptent une structure semblable celle des sc nes de th tre L action y est prompte visuelle souvent physique Cette impression de vitesse 284 B LISLE Mathieu Pr sentation en qu te du rire romanesque op cit p 12 85 La production th trale de Scarron 1643 1656 1663 pour les pi ces posthumes accompagne constamment son uvre de polygraphe dix pi ces et quelques fragments lui sont attribuables Certes moins c l br que Moli re son th tre est important dans ses r sonances et ses prolongements or Scarron fut un des premiers crire des com dies l espagnole et surtout l un des meilleurs cet exercice d licat de l adaptation il fut galement beaucoup jou apr s sa mort par les com diens de Moli re SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit p 10 286 SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit p 9 287 VOS CAMY Jolene Theatrical Intersections in the Novel Scarron s Roman comique dans Faith Evelyn Beasley et WINE Kathleen dir Intersections actes du 35e congr s annuel de la North American Society for Seventeenth Century French Literature coll Biblio 17 T bingen Gunter Narr 2005 p 5
42. uvre du comique mais concurremment comme la marque de la ma trise incontest e du langage comique par la voix auctoriale Au chapitre I 8 RC 95 se rencontre une sc ne batailleuse qui pose litt ralement le probl me du comique r it ratif le Destin s tant acharn sur une grosse servante qu il avait trouss e lui donna plus de cent claques sur les fesses L Olive qui vit que cela faisait rire la compagnie en fit autant une autre RC 99 F te burlesque qui advient apr s un combat qui ne l tait pas moins toute l h tellerie s empoigne suite un diff rend entre le po te Roquebrune et l h te se querellant propos d ex crables vers l euphorie comique qui gagne alors l assembl e a tous les traits de l orgie Le geste comique original le d culottage et la tape qui brise soudainement les violences du combat de nuit o tous sont convi s parfois bien malgr eux est pouss jusqu la boursouflure plus de cent claques Significativement ce n est pas tellement la claque qui fait rire en elle m me que sa multiplication D j la r p tition m canique et outr e d un geste la base pr judiciable vu les circonstances les com diens avaient t l chement attaqu s au cours de l aveuglant pugilat par les gens de la maison qui n avaient d honneur que la furie r ussit momentan ment d samorcer une situation pour le moins explosive Le comique comme g n rat
43. voulant para tre devant ses h tes et les r galer pensa couler par derri re son dos quelques monnaies son valet pour aller qu rir de quoi souper RC 57 Mangeant habituellement au cabaret aux d pens des sots RC 57 pendant que sa femme et son train de maison taient r duits au potage aux choux RC 57 la Rappini re souhaitait par ce subterfuge cacher son extr me avarice aux yeux des trangers sous des airs de munificence La strat gie du lieutenant de pr v t se solde par une double d gringolade morale et physique par la faute du valet ou du ma tre l argent tomba sur la chaise o il tait assis et de la chaise en bas RC 57 Le d voilement la fois impromptu et comique de la cupidit du ma tre de maison et de sa volont de tromper d clenche une cha ne de r actions diff renci es et oppos es axiologiquement la Rappini re en devint tout violet sa femme en rougit le valet en jura la Caverne en sourit la Rancune n y prit peut tre pas garde et pour Destin je n ai pas bien su l effet que cela fit sur son esprit RC 57 Chez les acteurs du quiproquo le passage du violet au rouge et du rouge aux jurons signale une gradation dans la violence de la passion qui les gagne La Rappini re et sa 306 Nous reviendrons plus amplement sur ce motif l occasion de notre commentaire sur Ragotin d une part et sur la figure du fou d autre part 307 Cette
44. BERTRAND Dominique Introduction dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand op cit p 13 34 Burlesque de la seconde espece o le sujet qui est bas et rampant se traite d une mani re sublime et relev e 7 Perrault distingue donc deux types de burlesque l un h ro que ridicule l autre ridicule h ro que l un descendant l autre ascendant Pour Marmontel dans un article de l Encyclop die de Diderot et d Alembert le burlesque a aussi pour vis e de faire voir que tous les objets ont deux faces pour d concerter la vanit humaine Soit compris comme confusion des hi rarchies sociales et esth tiques ou comme face invers e du monde cherchant une d stabilisation le burlesque qualifie galement la pratique d un crivain est burlesque un crivain qui peint volontairement des personnages involontairement et inconsciemment burlesques ou encore qui choisit volontairement de commettre des fautes que commettent burlesquement les mauvais crivains le tout dans la perspective de produire un objet esth tiquement r ussi c est dire qui provoque du plaisir et qui instruise Qu en est il de Scarron et de son Roman comique premi re vue ces d finitions pr liminaires singularisent toutes un style une mani re bouffonne d crire plus qu elles n tablissent un syst me une vision du monde Si le burlesque n est ni un type ni un genre ni vrai
45. D autre part l usage massif de la m talepse chez Scarron invite particuli rement lire le texte selon un pacte de lecture marqu au sceau de l ind termination Ces deux strat gies nonciatives la com die de soi et la m talepse t moignent d une r flexivit destin e stimuler dans un souci de distinction l admiration du lecteur pour une criture dont la polyphonie et les jeux d quivoque ne constituent pas le moindre int r t A D formations de l efhos classique Dans le frontispice du Recueil de quelques vers burlesques Scarron est d peint sous la 509 figure assum e et grotesque du Satyre Dans La Relation v ritable de tout ce qui s est pass en l autre monde au combat des Parques et des Po tes sur la mort de Monsieur Voiture figure un autoportrait Au lecteur qui ne m a jamais vu souvent repris depuis dans les ditions modernes du Roman comique qui se double d une gravure hautement signifiante de la main du 512 dessinateur et graveur Stefano Della Bella Cette estampe forme avec l entame du roman un m me cet gard l histoire comique perp tue bien plus une tradition satirique entam e d s le Moyen ge qu elle ne l invente ex nihilo 505 DEFAYS Jean Marc Le burlesque et la question des genres comiques dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 43 506 N DE
46. DESJARDINS Lucie Le corps parlant savoirs et repr sentation des passions au XVIIe si cle Qu bec Paris Presses de l Universit Laval L Harmattan coll R publique des Lettres 2000 p 1 25 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 18 Ibid 7 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 11 50 maison pensa crever force de se contraindre garder un peu de gravit RC 203 La violence de l humiliation que subit le page s gale l intensit physique du rire que tente de r primer son ma tre Pire contenir un rire s av rerait mortif re 8 En tous les cas la repr sentation du rire voque la fois la passion et le corporel Ajoutons que le si cle classique laisse filtrer une suspicion extr me l gard d une passion le rire dont les effets corporels sont difficiles ma triser et qui compromet l harmonie sociale Sans doute devient il pertinent de mettre en relation cette id e de la repr sentation du rire avec la premi re occurrence du mot dans le texte Le Destin dont le nom est encore tu au tout d but du roman pr sente des bourgmestres rassembl s en un petit groupe la troupe de com diens dont il fait partie il lui dit qu ils taient Fran ais de naissance Com diens de profession que son nom de Th tre tait le Destin son vieux camarade la Rancune et la Demoiselle qui t
47. I 8 69 Th ophile de Viau 1590 1626 RC I 10 90 Jacques Ouyn 1550 1580 RC I 10 90 55 d finies par la po tique traditionnelle du genre comique rares sont ceux qui voquent la dramaturgie de Scarron comme un moment majeur et incontournable dans la r flexion sur le comique au XVIIe si cle Depuis l antiquit gr co latine la com die en trivial contrepoint de la trag die malgr son instabilit identitaire constitutive se d finit comme peinture souriante des travers humains dans une intention didactique de correction par exemple Cette peinture mim tique du r el n est possible qu en souscrivant le plus scrupuleusement aux exigences v tilleuses de la vraisemblance et de la biens ance ainsi que dans le respect le plus inconditionnel des r gles d j classiques Mais nous que la raison ses r gles engage Nous voulons qu avec art l action se m nage Qu en un lieu qu en un jour un seul fait accompli Tienne jusqu la fin le th tre rempli Or la com die a pour principe d exag rer de caricaturer de d former le r el et non de reproduire le monde avec exactitude et mesure Si la com die a bon droit de se r clamer tour tour du speculum vitae et de l imago veritatis la catharsis comique la com die ch tie les m urs par le rire telle que pr c demment d finie n est effective qu en contournant la loi qui lui sert de guide l me
48. Je remercie M Ugo Dionne pour son rire et son irr v rence M Francis Gingras pour sa sensibilit et l l gance de son propos ainsi que Mme Martine Emmanuelle Lapointe pour son audace critique et la justesse de ses lectures Je remercie aussi ma famille et mes amis pour leur soutien Certains ont relanc mes hypoth ses de recherche avec intelligence et int r t lorsque je tr buchais d autres m ont permis de relativiser mes doutes et difficult s mais tous chacun leur fa on d risoire ont r ussi me faire rire cette source myst rieuse et in puisable de bonheur Enfin tout mon amour va Emilie lumi re de ma vie dans la tourmente comme l all gresse Sa pr sence vivifiante son amour plus grand que l imagination et surtout son sourire aux mille merveilles ont donn ces longues heures de r daction un souffle et un r confort infinis KKK Ce projet de m moire a b n fici de l appui financier du Conseil de recherches en sciences humaines CRSH et du Fonds de recherche du Qu bec Soci t et culture FQRSC Je suis particuli rement reconnaissant de ce support chaleureux qui m a permis de mener cette tude terme dans les meilleures conditions possibles AVANT PROPOS La d rision n est elle pas la seule attitude raisonnable Le rire n est il pas le seul moyen de nous faire supporter l existence partir du moment o aucune explication n appara t convaincante L humour n
49. Paris Presses Universitaires de France coll Que sais je 1993 128 p STEINER George Le rire ou le sourire dans Jean Birnbaum dir Pourquoi rire Paris Gallimard coll Folio essais 2011 p 11 21 STERNBERG V ronique Le comique Paris GF Flammarion coll Corpus lettres 2003 247 p VERDON Jean Rire au Moyen ge Paris ditions Perrin coll Pour l histoire 2001 270 p C Histoire po tique et pratique du roman ADAM Jean Michel Les textes types et prototypes Paris Nathan coll Cursus 2004 223 p Linguistique textuelle introduction l analyse textuelle des discours Paris Nathan coll Cursus 2005 234 p BAKHTINE Mikha l Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard coll Tel 2006 488 p BARONI Rapha l Genres litt raires et orientation de la lecture Po tique 2003 n 134 p 141 157 G n ricit ou st r otypie Cahiers de Narratologie 2009 vol 17 p 2 9 BARONI Rapha l et Marielle Mac dir Le Savoir des genres Rennes Presses Universitaires de Rennes coll La Licorne 2007 380 p 162 BOKOBZA KAHAN Mich le M talepse et image de soi de l auteur dans le r cit de fiction Argumentation et Analyse du Discours En ligne 3 2009 mis en ligne le 15 octobre 2009 Consult le 22 juillet 2012 URL http aad revues org 671 CHAMPAIN Pascal Le roman fran ais au
50. Paul Le Roman comique d Claudine N delec op cit p 13 65 femme qui se douta bien de la pens e qu il avait eue RC 58 le croit fou Cette association entre celui qui commet une b tise et la folie correspond bien au clivage qu tablissait d j le combat homme animal La Rappini re visiblement embarrass invente qu il a pris la ch vre pour un rapace un pauvre voleur jamais homme ne fut plus confus RC 58 Mais pourquoi les com diens et le train de maison demeurent ils de marbre devant un v nement aussi insolite qu embarrassant Doit on bl mer la fatigue les personnages tant encore abrutis de sommeil Plus vraisemblable est l explication du double statut de celui qui s est d bilement ridiculis La Rappini re est la fois l h te des com diens leur offrant toit et travail et le ma tre de la maison Rire d un tel personnage serait imprudent Les com diens ne se trouvent d ailleurs pas en position de commettre quelque audace que ce soit Leur tat est effectivement trop pr caire pour risquer de rire d un puissant ayant une telle ascendance sur les affaires de la ville Le rire ne serait donc pas sans cons quence pour les rieurs au contraire il entra nerait des ch timents pres et s v res Quelques instants avant cette empoignade burlesque une situation somme toute anodine avait n anmoins r ussi cr er quelque commotion dans la maisonn e La Rappini re
51. Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit p 13 11 Roman comique est un roman enfin faire rire et roman fait pour rire du roman Comme beaucoup Serroy ne fait qu effleurer le comique Il le pr sente en toute fin de d monstration et assez succinctement ce roman des com diens con u comme une com die romanesque sera d abord un roman gai Peut tre faut il attribuer cette inattention aux deux lectures rivales qui ont pris Le Roman comique en tau La critique structurale rappelons le s est b tie pour s opposer la critique positiviste du XIXe si cle qui faisait du texte de Scarron un simple document voire une anecdote un fait divers La question des interventions d auteur fait cependant cho certains enjeux que pr suppose le rire et introduit la notion d ironie dans une critique d sormais d vor e par l analyse interne de l uvre Deux chercheurs en particulier se sont pench s sur cette dimension cardinale du texte Plus linguistiques dans leurs approches Bernard Tocanne et Jean Rousset insistent diligemment sur la fonction des intrusions d auteur dans la trame narrative du Roman comique Le premier convoque la figure du lecteur et pr sente les m canismes d interventions comme tant un appel la communication Le second qui reprend certains concepts d analyse de Genette s attarde davantage montrer que Le Roman comique est une uvre qui r fl chit sur el
52. Paul Scarron 1610 1660 Paris Honor Champion coll Sources classiques 2012 152 p 3 tudes critiques A Sur Scarron et Le Roman comique BERREGARD Sandrine Les animaux dans trois uvres de Scarron Jodelet ou le ma tre valet Dom Japhet d Arm mie et Le Roman comique Papers on French Seventeenth Century Literature vol 30 n 58 2003 p 113 130 CARTER Nancy B The Theme of Sleep in Le Roman comique Romance Notes n 11 1969 p 362 367 CHANTALAT Claude Sur la chronologie du r cit dans Le Roman comique Confronto Letterario Quaderni del Dipartimento di Lingue e Letterature Straniere Moderne dell Universit di Pavia vol 22 n 44 2005 p 395 406 153 CHARDON Henri Scarron inconnu et les types des personnages du Roman comique Gen ve Slatkine Reprints 1970 2 vol CHAUVEAU Jean Pierre Diversit et unit du Roman comique M langes historiques et litt raires sur le XVIIe si cle offerts Georges Mongr dien Paris Soci t d tudes du XVIIe si cle 1974 p 163 176 DE ARMAS Frederick A The Four Interpolated Stories in the Roman comique Chapel Hill University of North Carolina Press coll Studies in the Romance languages and literatures 1971 148 p DEBAISEUX Martine Le Roman comique ou la mise en sc ne du d voile ment dans Martine Debaisieux d Le labyrinthe de Versailles parcours critiques de Moli re La Fontaine
53. Presses de l Universit de Montr al coll Socius 2002 384 p 20 rire des larmes investit toujours l imaginaire culturel de la Renaissance Montaigne r sume le dilemme que les Grecs avaient chafaud comme incontournable Democritus et Heraclytus ont est deux philosophes desquels le premier trouvant vaine et ridicule l humaine condition ne sortoit en public qu avec un visage moqueur et riant Heraclitus ayant piti et compassion de cette mesme condition nostre en portoit le visage continuellement atrist et les yeux chargez de larmes H raclite d un digne temp rament se trouve du c t des hommes et D mocrite devant Cette perception du rire et des attitudes d brid es qu il suppose cynisme d tachement sup riorit marquera durablement le folklore universel D s les premiers moments de la r flexion sur le rire naissent les dichotomies rire pleurer tre avec tre devant La culture hell nistique a rendu nettes les valeurs contradictoires que le rire v hicule Les pouvoirs b n fiques du rire ont t exceptionnellement ma tris s par la culture officielle du Moyen ge qui a institutionnalis les manifestations populaires du rire en f tes lib ratrices et unanimement positives La Renaissance tudiera la plurivocit du rire en examinant son versant mancipateur expansif et convivial mais galement sa face plus sombre le rire amer sardonique m chant douloureux L ge
54. SCARRON Paul Le Romant comique d Antoine Adam dans Romanciers du XVIIe si cle Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1962 1651 1657 p 531 897 et de Jean Serroy SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy Paris Gallimard coll Folio Classique 1985 1651 1657 416 p demeurent cependant de solides r f rences Vil LISTE DES ANNEXES Annexe 1 Contenu et disposition chapitrale du Roman comique tableau analytique Annexe 2 Gravure sur cuivre utilis e pour le frontispice de La Relation v ritable de tout ce qui s est pass en l autre monde au combat des Parques et des Po tes sur la mort de Monsieur Voiture 1649 de Stefano Della Bella Annexe 3 Gravure sur cuivre de Jan Veenhuysen utilis e pour le frontispice de l dition de 1669 du Roman comique de Scarron vili milie ix REMERCIEMENTS Je tiens d abord remercier avec grande chaleur mon directeur de recherche M Antoine Soare pour la finesse et l rudition de ses commentaires clairants passionn s et toujours adroits Je conserverai longtemps en m moire sa d licatesse et sa modestie qui font de lui la fois un intellectuel de premier ordre mais galement un mod le imiter Parmi les professeurs qui ont marqu de leur personnalit mon parcours universitaire au moins trois ont su imprimer chez moi sans peut tre toujours le savoir des postures critiques maintenant ind l biles
55. SOREL Charles De la connaissance des bons livres ou Examen de plusieurs auteurs d de Lucia Moretti Cenerini Rome Bulzoni Editore 1974 1671 p 148 487 SEGRAIS Jean Regnault de Les Nouvelles fran aises ou les divertissements de la princesse Aur lie Paris S T M F 2000 1657 vol 1 p 99 114 simplicit et un bon go t qui renvoie la biens ance de Segrais Cette vraisemblance retrouv e fera de l Histoire r cente le sujet de pr dilection de la nouvelle qui r voque du coup l Antiquit de convention encore largement utilis e comme cadre l action romanesque Face cette de N pl thore de discours critiques sur le roman et la nouvelle plut t que d crire un art po tique soigneux et m thodique dans ses prescriptions Scarron r pond au probl me du genre par une pratique qui a l ambivalence de l ironie et l originalit de la nuance B L harmonie tronqu e Composition du Roman comique Trois grandes cat gories de crit res permettent de baliser la pluralit des modes d insertion de l englob dans l englobant au XVIIe si cle 1 l importance relative des r cits ins r s et du r cit cadre dans le syst me du roman 2 les rapports explicites ou non que tissent les r cits ins r s avec le r cit cadre 3 enfin la situation de contage des r cits ins r s selon qu il s agit d une sc ne d nonciation statique ou dynamique Un simple d coupage structure
56. Stendhal est de plus en plus remise en question aujourd hui par des notions rebelles comme le baroque le libertinage et le burlesque thiques et philosophies litt raires contestataires dissidentes subversives qui redonnent au XVIIe si cle sa pleine identit Sans nier que le moment classique ait bel et bien exist m me s il s agit d une invention r trospective li e une querelle d esth tiques ou d un mythe durablement install dans l imaginaire collectif nous aimerions probl matiser la position de Scarron dans un si cle o la litt rature a t s v rement r gl e et institutionnalis e Loin du classicisme h g monique chafaud par un XIXe si cle en qu te d opposants le XVIIe si cle de Scarron donne voix et vie une passion suspecte tenue en discr dit depuis la fin de la Renaissance le rire Le pr sent travail se propose de produire une r flexion originale sur l uvre du rire romanesque l ge classique par l exemple distinctif du Roman comique La biographie et l existence difformes de Scarron d terminent des terminus a quo et ad quem bien des gards significatifs pour l histoire du XVIIe si cle litt raire N l ann e du d c s d Henri IV 1610 et mort l aube de la p riode r elle ou fantasm e du grand classicisme fran ais 1660 marqu au demeurant par l mergence d une nouvelle pist m Scarron introduit par son uvr
57. XVIIe si cle un genre en question Paris L Harmattan coll S mantiques 2007 318 p DION Robert Frances Fortier et Elisabeth Hagueraert ds Enjeux des genres dans les critures contemporaines Qu bec Nota Bene coll Les Cahiers du Centre de recherche en litt rature qu b coise 2001 364 p DIONNE Ugo et Francis Gingras L usure originelle du roman roman et antiroman du Moyen ge la R volution tudes fran aises De l usage des vieux romans vol 42 n 1 2006 p 5 12 DIONNE Ugo Le paradoxe d Hercule ou comment le roman vient aux antiromanciers tudes fran aises De l usage des vieux romans vol 42 n 1 p 142 167 Eco Umberto Lector in fabula Le r le du lecteur Paris Le Livre de Poche coll Biblio essais 2010 320 p ESMEIN SARRAZIN Camille L essor du roman discours th orique et constitution d un genre litt raire au XVIIe si cle Paris Honor Champion coll Lumi re classique 2008 587 p FOURNIER Michel G n alogie du roman mergence d une formation culturelle au XVIIe si cle en France Qu bec Presses de l Universit Laval coll Les collections de la R publique des Lettres 2006 323 p GENETTE G rard Palimpsestes La litt rature au second degr Paris ditions du Seuil coll Essais 1992 1982 578 p GODENNE Roger L association nouvelle petit roman entre 1650 et 1750 CAIEF
58. appel l imaginaire de l opulence Les rires qu on y entend sont gras et tonitruants Dominique Bertrand en associant le rire la sexualit souligne en effet que le rire se charge de connotations grivoises mettant au jour une pulsion sexuelle dont la force transgresse les tabous et contredit l id alisme de la pastorale et des romans chevaleresques Orgiaques les rires transitent de corps en corps fouettent les uns avant de dominer les autres Cette contagion des rires intensifie le transport d j fougueux de la jeune mari e qui crache le contenu de son verre la figure de madame Bouvillon tachant de vin les v tements de ses plus proches voisins L imagerie du corps et de ses fonctions les plus l mentaires sont d ment soulign es on mange on boit on rit La Bouvillon fut la seule qui n en rit point RC 229 comme si elle se battait contre sa nature contre une puissance imp rative et au del de son contr le Cette posture n gative de celui qui essaie de dompter le rire troubl t en quelque fa on la gait de la Compagnie RC 229 De m me que le rire peut tre exclusif en prenant partie une t te de Turc le tous contre un il s av re par ailleurs discriminatoire si l on s essaie obstin ment le ma triser 406 LAGARDE Fran ois op cit p 669 47 Notons du reste que cette s duction avort e rappelle bien les nombreuses tentatives de Ragotin envers mademoiselle de
59. autant d interf rences quant la g n ricit du texte tout en ayant une moindre pr sence Par ailleurs leur mise en sc ne s av re plus sommaire et moins sujette probl mes En bref ce quatri me niveau suppos plus cosm tique qu op rant ne s ins re pas de front dans la triple confrontation qui oppose le roman la nouvelle et le r cit 8 FOURNIER Michel Du travestissement au roman la mise en sc ne de la culture hybride dans Le Roman comique dans St phane Lojkine et Pierre Ronzeau dir Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron Aix en Provence Presses Universitaires de Provence coll Textuelles 2011 p 119 129 9 Gustave Reynier incisif et acide affirme propos du Roman comique que chacun sait quel point la composition en est l che et incoh rente REYNIER Gustave Le roman r aliste au XVIIe si cle op cit p 268 111 que la rupture des codes et le discontinu du discours triomphaient l o la mesure en toute chose tait attendue Les principaux griefs concernant la composition bigarr e du Roman comique avaient pour cible les nouvelles espagnoles structurellement plus longues et crites dans un registre plus lev et surtout plus romanesque que les aventures farcesques et parfois bien vulgaires du r cit cadre On dit ici que ces nouvelles alourdissent l uvre sans y ajouter le moindre l ment de pittoresque l qu elles s intercalent plus
60. change de proie il la quitta pour Mademoiselle Ang lique RC 141 pour ensuite s adresser la Caverne qui ne le regarda seulement pas RC 141 Ragotin part en tout sens s nerve troquant l objet de son d sir au gr des visages qu il rencontre Cette attitude n est pas sans lien avec l enfance o l assouvissement des d sirs imm diats constitue la seule pr occupation En effet Ragotin que la Rancune a convaincu d aimer l toile alors qu il aurait pu nommer n importe quelle com dienne n h site pas changer de pr f rence dans l espoir obs d de recevoir des compliments pour sa s r nade de la veille Comme un enfant la poursuite d une consolation chim rique il n en peut bient t plus de souffrir autant d indiff rence et explose Press de sa vanit et ne pouvant laisser languir sa r putation davantage RC 141 le petit avocat avoue ce que tout le monde savait d j c est moi qui vous ai donn cette nuit une s r nade RC 141 Ayant maintenant gagn leur attention Ragotin est raill par les com diens qui font mine de croire que la s r nade avait pour r elle destinatrice la chienne de mauvaise vie RC 139 faisant ainsi ironiquement de Ragotin le chien m le victorieux oppos l image du castr dont la meute tait jalouse Ragotin qui comprend maintenant que les com diens se livrent des friponneries sans
61. classique cristallisera diversement cette tension d un rire difforme et multiple notamment dans le d bat qui r gne entre la trag die et la com die La Renaissance a t selon plusieurs le point d aboutissement du double discours normatif et affranchisseur sur le rire o nous retrouvons des auteurs c l bres comme Rabelais et rasme ainsi que des humanistes comme Marin Cureau de la Chambre et Laurent Joubert Libert rebelle du corps joyeuset de l esprit le rire aurait jou le r le d une carnavalisation directe de la conscience de la conception du monde et de la litt rature Selon l image courante le rire assourdissant de la Renaissance aurait brusquement cess de se faire entendre l ge classique D sormais suspect et profanateur le rire sous l Ancien R gime fait les frais d une offensive r formatrice qui suit le mouvement d aust rit de la civilisation europ enne fini de rire Finie la A Montaigne cit par PETRIS Loris Rire ou pleurer L homme face au monde de Montaigne Rabelais L Information litt raire vol 58 n 2 2006 p 12 125 CUREAU DE LA CHAMBRE Marin Les Charact res des passions Paris I D Allin 1662 1640 4 vol 6 JOUBERT Laurent Trait du ris suivi d un dialogue sur la cacographie fran aise 1579 Gen ve Slatkine Reprints 1973 407 p 7 BAKHTINE Mikha l L uvre de Fran ois Rabelais et la culture populaire au Moyen
62. cours dans l absurde sc ne de combat entre la Rappini re et la ch vre explicite cette explication par son caract re m canique rel ve d ailleurs comme la sc ne de la ch vre d un effet d accumulation comique la r action de chacun des protagonistes hormis le Destin Le fin sourire que se permet enfin la Caverne vise plus le m lodrame burlesque du valet que son effet chez les h tes Ainsi on semble rire davantage de ceux qui combattent en vain le ridicule que des actions qui l occasionnent Ce qui expliquerait pourquoi une sc ne au potentiel comique nettement plus important comme celle de la ch vre dont les r actions des protagonistes se limitent un l ger saisissement ne suscite en d finitive que bien peu d hilarit T Mensonges comiques et impertinences carnavalesques Si la Rappini re constitue le Rieur de la ville RC 51 la majuscule employ e accordant une importance accrue ce titre abracadabrant un autre personnage du roman y r pond de mani re parfaitement antagoniste la Rancune Le chapitre I 5 RC 58 offre un aper u peine nuanc du vieil homme de sc ne la Rancune donc tait de ces misanthropes qui ha ssent tout le monde et qui ne s aiment pas eux m mes et j ai su de beaucoup de personnes qu on ne lavait jamais vu rire RC 58 Dans les deux sc nes pr c demment analys es bien que le 38 Sch ma particuli rement actif dans les sc nes mettant en sc
63. de France coll Les litt raires 2008 540 p 78 Voir avec profit l excellente tude de Guiomar Hautcoeur sur les parent s et les filiations des litt ratures fran aise et espagnole au XVIIe si cle HAUTCOEUR P REZ ESPEJO Guiomar Parent s franco espagnoles au XVIIe si cle Po tique de la nouvelle de Cervant s Challe Paris Honor Champion coll Litt rature g n rale et compar e 2005 642 p 20 Ce sont les adversaires des libertins qui d finissent d abord le libertinage selon des crit res poreux et tr s g n raux Le principal grief qu on formule leur endroit est de contrevenir aux bonnes m urs et la biens ance sociale C est l histoire litt raire qui a voulu donner une forme commode et intelligible un fait social et culturel toujours pol mique de nos jours 37 l affranchi d signe essentiellement celui qui fait la promotion hont e d une lib ration spirituelle morale et sensuelle qui vise d niaiser les esprits trop cr dules Au sein d une soci t rigoriste s v rement religieuse et r pressive l entreprise s av re p rilleuse m me dangereuse L historiographie du libertinage a connu depuis les travaux pionniers et aujourd hui contest s de Ren Pintard sa part de pol miques et de controverses La division d sormais canonique entre libertinage de m urs et libertinage rudit a t t fait de discr diter le premier et c l brer le secon
64. de d velopper comiquement T Le rire est le propre de l homme La premi re apparition de Ragotin au chapitre I 8 RC 67 est fondatrice du burlesque qui le caract rise tout au long du roman Le personnage est imm diatement identifi au concept de la raideur m canique qu Henri Bergson associe au rire La c l bre d finition du comique de Bergson r sum e par la formule du m canique plaqu sur du vivant sous entend donc que les attitudes gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l exacte mesure o ce corps fait penser une simple m canique D j un premier crit re de d finition semble se d gager la m canique s oppose au vivant Dans la perspective bergsonienne du rire le personnage comique devient ni plus ni moins une chose m canis e Cette m canisation risible du corps comique s accompagne parall lement d une automatisation qui pave la voie d innombrables r p titions pr tant alors au ridicule Le caract re burlesque duquel participe le personnage de Ragotin s inscrit pr cis ment dans cette voie de la r p titivit Il suffit d observer le premier portrait qu en donne le narrateur pour s en convaincre On dit qu il y avait entre autres un petit homme veuf Avocat de profession qui avait une petite charge dans une petite Juridiction voisine RC 69 70 et qu il tait menteur comme un valet pr somptueux et opini tre comme un P dant
65. de m lange et de d sordre esth tique r solument rebelle dans un si cle pr occup par la transparence du langage La biographie de Scarron marqu e par sa difformit physique et son mariage c l bre avec Madame de Maintenon a suscit un nombre important d tudes tout en tant souvent en surplomb des analyses proprement litt raires de ses textes Purement biographiques ou romanc es ces lectures de la vie de Scarron bien qu utiles et par endroits croustillantes ont men de nombreuses interpr tations autobiographiques du Roman comique En ce sens Jean Serroy affirme tour tour que la vie de Scarron ressemble fort un roman et que le roman de Scarron ressemblait fort sa vie Cette homologie entre uvre et auteur n est d ailleurs pas d histoire r cente D j au XVIIIe si cle ses uvres taient accompagn es sous son nom d auteur d une mention pour le moins significative t moignant de la pr minence de sa vie sur son uvre premier mari de Madame de Maintenon tr nait au seuil du texte comme pour en mousser artificiellement l int r t Du coup les lecteurs savants de Scarron ont pr f r 1 Cit par LEVER Maurice op cit p 153 3 Cit par MORTIER Roland La fonction des nouvelles dans Le Roman comique Cahiers de l Association internationale des tudes fran aises vol 18 n 18 1966 p 41 33 PIROUX Lorraine Les scandal
66. des com diennes pour les s duire ne grimpe les escaliers que pour mieux en d gringoler Ce renversement se lit aussi un autre degr se prenant un instant pour un gentilhomme Ragotin entreprend t m rairement de monter la hi rarchie sociale avant que sa chute physique ne vienne lui rappeler son croulement id ologique Comme un enfant insatiable Ragotin qui sait l toile prise choisit Ang lique comme pis aller RC 146 se pr occupant seulement de ses d sirs en interchangeant au gr des circonstances l objet de sa convoitise Bergson signale d ailleurs l importance du r le que jouent les r miniscences d enfance dans l efficacit comique En effet cette r miniscence porte peut tre moins sur tel ou tel jeu sp cial que sur le dispositif m canique dont ce jeu est une application Le m me dispositif g n ral peut d ailleurs se retrouver dans des jeux tr s diff rents Ce qui importe ici ce que l esprit retient ce qui passe par gradations insensibles des jeux de l enfant ceux de l homme c est le sch ma de la combinaison ou si vous voulez la formule abstraite dont ces jeux sont des applications particuli res Le ridicule dont se couvre enfin Ragotin est celui de l enfant qui joue l adulte en r p tant m caniquement des actions et des comportements qu il ne ma trise pas La raison profonde qui se cache derri re les checs successifs de l a
67. diation linguistique quand il n y plus de place possible pour le langage Primaire rassembleur et violent le rire que suscite Ragotin verse bient t dans la perversit ou l infamie Au chapitre II 9 RC 230 les com diens trompent une nouvelle fois Ragotin en lui faisant croire une enflure soudaine l Olive ayant coquinement r tr ci ses habits Le malheureux s imagine atrocement malade tandis que la Rancune et l Olive lui exag raient toujours son mauvais visage RC 231 La premi re r action que provoque cette mascarade s av re pour le moins r v latrice Ragotin en avait la larme l 1l le Destin ne put s emp cher d en sourire dont il se f cha bien fort RC 231 D une part la notion de jeu qui encadrait les petits ennuis de Ragotin n op re plus tout fait Plut t que de se courroucer il se chagrine de son pi tre tat de sant craignant d sormais le pire D autre part il est assez significatif que le Destin se f che d avoir succomb aussi ais ment au sourire indigne de l honn te homme qu il aspire d sormais tre puisqu il contrevient la discr tion requise par les nouvelles r gles de civilit de l ge classique Au XVIIe si cle la haine du vulgaire r git l imposition d un go t officiel et d termine une obsession de r gulation B tard le rire que g n re Ragotin s inscrit certes dans un comique populaire abhorr
68. est dit et qui le dit Le chapitre qui suit imm diatement la nouvelle confirme l hypoth se qu une tonalit de plus en plus grave impr gne d sormais le r cit Les com diens apr s les courtes r jouissances de la nouvelle apprennent la disparition d une des leurs Ang lique La cl ture de la premi re 125 livraison du Roman comique laisse ainsi une impression de drame non r solu La s quence des trois chapitres de fermeture de la premi re partie assimile d ailleurs le r cit cadre cens ment comique au registre plus purement romanesque Le dernier mot l inflexion proverbiale est d faitiste souhait on n a pas en ce monde tout ce qu on d sire RC 183 Sibylline fa on de conclure un texte qu on dit volontiers humoristique Tout comme le dom Fernand h ros travesti d trompeur trompeur et demi le roman se d guise aussi sous des costumes mystifiants et mensongers La mise en garde de Destin contre une mauvaise lecture prend ici une valeur 97 paaa Un avertissement pr liminaire Avertissement au lecteur exemplaire voire d exemplum scandalis des fautes d impression qui sont dans mon livre interpelait d j un type particulier de lecteur Voil Lecteur B n vole ou Mal vole tout ce que j ai te dire si mon livre te pla t assez pour te faire souhaiter de le voir correct ach tes en assez pour le faire imprimer une seconde fois et je te promets que tu le ver
69. est il pas la valeur supr me celle qui permet d accepter sans comprendre de prendre acte sans ombrage de tout assumer sans le prendre au s rieux Georges MINOIS l origine de ce projet se trouvait l ambition un peu espi gle de revisiter avec subversion un si cle que j avais longtemps tenu en disgr ce parce que distant et royal La d couverte d une litt rature dix septi miste dissidente et incendiaire a t pour moi une r v lation des plus d cisives S duit par la d construction du grand mythe d un classicisme triomphant et sans scandale j ai pris le parti de lire contre un h ritage critique massif et inattaquable pour aller l cart des r flexions fig es et des interpr tations cursives Ma lecture du Roman comique de Scarron se voulait originale mais fortement ancr e au c ur d une tradition de discours tour tour revendiqu e puis fortement remise en question Cet exercice de longue haleine m a prouv l int r t de lire et surtout de relire les vieux romans les classiques ces textes de mus e dont on parle souvent avec maussaderie sans toujours bien conna tre leur contexte et leur profonde polys mie J esp re le plus humblement que cette tude pourra montrer un peu de cet autre visage de la litt rature du XVIIe si cle Avant d tre un universitaire ayant un rapport rudit avec la litt rature j esp re tre un lecteur sensible libre de tout pr jug ternelle
70. et assez mauvais po te pour tre touff s il y avait de la police dans le royaume RC 70 Le portrait de Ragotin se place d embl e sous le signe de la d gradation et de la r duction On r p te trois fois l adjectif petit et on accumule par num ration une s rie d insolences pour le moins dysphoriques Son portrait n est rien d autre qu une s rie r p t e de d fauts 32 PARISH Richard Le Roman comique London Grant amp Cutler coll Critical guides to French texts 1998 p 29 0 Henri Bergson op cit p 22 23 72 Il Physiologies burlesques Il est aussi opportun de s arr ter un moment sur l tymologie de son nom Scarron n est assur ment pas insensible la vertu programmatique du nom de ses personnages Le nom Ragotin est forg sur le substantif ragot Au XVIIe si cle ragot se dit d un animal engonc court et trapu D autre part une autre tymologie renvoie au limousin ragot qui repr sente une grosse rave On le situe donc dans un paradigme du bas et du laid Mieux encore Ragotin dans son portrait inaugural est galement qualifi de godenot Selon Fureti re le terme godenot renvoie une petite figure ou marionnette dont se servent les Charlatans pour amuser le peuple Si le corps de Ragotin se montre difforme souscrivant une laideur comique et caricaturale il appartient d office l univers d
71. h ritage revendiqu du syst me dramatique de la commedia sostenuta Scarron le premier r introduit le rire comme priorit de la com die sous la plume du po te burlesque la com die se d finit d sormais partir de sa r ception plus que de sa relation au r el ou de son syst me dramatique Elle est d abord un divertissement dont le plaisir n est comparable ni aux motions procur es par les genres s rieux n1 au rire de la farce et toute l esth tique du genre appara t b tie dans le syst me scarronien en fonction des effets produire de l atmosph re cr er de la relation au spectateur En un mot Scarron semble travailler sur l esprit de la com die Qu en est il de Scarron romancier La po tique de l histoire comique emprunte effectivement beaucoup d l ments et d effets la po tique de la com die Dans le dernier Francion de Sorel 1633 mod le en construction d un genre encore sans fronti re fixe les rapports de proximit entre com die et roman sont nettement circonscrits d s l incipit r am nag et caviard de ses plus audacieuses hardiesses Or c etoit ainsi que faisoient les anciens Autheurs dedans leurs Com dies qui instruisoient le peuple en luy donnant de la recreation Cet Ouvrage cy les imite en toutes choses au lieu que dans les Comedies il n y a que les paroles cause que les Acteurs representoient tout cela sur le Theatre Puisque l on a fait c
72. histoire comique marque un moment important dans sa red couverte par la critique D autres auteurs d histoires comiques ont plus r cemment trouv leur niche en Pl iade pensons Cyrano de Bergerac Tristan L Hermite Th ophile de Viau Charles Dassoucy pour ne nommer rapidement que ceux l mais cette fois dans des anthologies qui isolent non pas une esp ce g n rique Romanciers du XVIIe si cle op cit mais un ph nom ne culturel Libertins du XVIIe si cle d Jacques Pr vost Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1998 2004 2 vol burlesque cette mode litt raire mort n e 1643 1653 durant la Fronde b n ficie aujourd hui d une r putation et d un statut des plus enviables dans la R publique des lettres Cette respectabilit retrouv e n a cependant pas toujours t la r gle dans l histoire de la litt rature Au plus fort de la vision aust rement classique du Grand Si cle rig peu peu en doctrine mus ale o ordre clart raison mesure unit et harmonie triomphent sans comp tition Scarron et ses pigones burlesques n taient rien de plus que d agr ables marginaux Id ologiquement teint e cette fiction d un classicisme pur et m lodieux issue d une critique normative et v tilleuse pr vaut encore dans maints manuels scolaires anthologies et histoires litt raires o XVIIe si cle rime sans cho avec trag die Mais le XVIIe s
73. honn tes gens MOLI RE La plus perdue des journ es est celle o l on n a pas ri CHAMFORT La com die consid r e comme genre communautaire par excellence pr suppose un complexe syst me de relations humaines et esth tiques l exception du travail d criture proprement dit tout depuis la r criture et la mise en sc ne jusqu au dispositif de repr sentation et de r ception rel ve de l entreprise collective Notre deuxi me chapitre se structurera autour de l hypoth se porteuse mais sujette caution que formule Mathieu B lisle le rire tel que le roman et la vie nous en offrent l exp rience ne produit pas seulement de la distance et de la sup riorit c est dire plus g n ralement de la diff rence il produit aussi de l identit Ce rire connot moralement rire contre rire avec d termine en partie l image de l homme qui se d gage g n ralement de l uvre comique Mais qu en est il de l intime conjonction de l esth tique romanesque et des principes du th tre qui advient dans Le Roman comique La 5 MOLI RE uvres compl tes Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1995 vol 1 p 660 661 26 CHAMFORT Nicolas de Pens es et maximes Caract res et anecdotes Paris Gallimard coll Folio 2002 p 40 7 B LISLE Mathieu Pr sentation en qu te du rire romanesque op cit
74. inclination chez la Rappini re en plus de faire cho la pingrerie de l h te mort rappelle la dichotomie tre para tre qui fera l objet d une analyse plus d taill e dans notre troisi me chapitre 66 femme se couvrent de honte l un plus que l autre tandis que le valet touffe de col re plus qu il ne se sent g n Ce mouvement passionnel ascendant trouve un double cho id ologique et physiologique D une part la monnaie que la Rappini re a tent de remettre son valet d crit un d placement vers le bas des mains du lieutenant de pr v t la monnaie tombe sur la chaise puis enfin au sol D lev e la pose d homme honn te et g n reux que la Rappini re s vertuait arborer s affaisse d un coup D autre part les r actions des autres spectateurs de la sc ne comique d crivent elles aussi une courbe descendante le sourire de la Caverne laisse place l indiff rence de la Rancune qui elle est remplac e par l incertitude du narrateur quant la r action de Destin Cette s rie d effets inverse la tendance de la premi re s quence de r actions Le degr de sensibilit se d grade d un personnage l autre jusqu ce que toute affectivit s an antisse Cette mont e brusque suivie d une descente tout aussi brutale caract rise bien le sch ma d ensemble qui se d gage de la plupart des sc nes comiques Plus significatif encore le narrateur contrairement ce qui a
75. it blurs the frontiers of cultural literary and ideological hierarchies Scarron s laughter an experience of insubordination and an affirmation of a critical consciousness induces a certain way of reading comedy and delivers a skeptical view of classical age s world Animated by this protean and ambivalent laughter our study proposes a global interpretation of Scarron s novel based on a detailed analysis of his poetics Keywords Scarron Le Roman comique laughter burlesque seventeenth century s comic novels antinovel poetics of the novel iii TABLE DES MATI RES E E A N L NEA i eN ESI D a TE EEPE AE ATE EEA SOENE E EENAA ii Tables des Mati res sisssidssssossressssosscssiosesssissstecsosossossa sser ona bossos ensiteos ssas iSi sr se esos iios iii Liste des a DE VIAHONS ennemi nn vi Liste des ANNEXES LE ne cr enr na ner dd tes s ti en eee seen dette vii D CACS ros innamannsnnidninandtiuniai nisinonan its viii R merciements nn nine essentiels ix Avant PiOPOS RE En en Si net Ne ed tn x Introduction Qui peut tre ne sera pas trouv l e fort divertissant e gt ssssssssssssessoese 1 L m l de de la renen NN tn te NN Tite nn e S 4 2 Trajectoires critiques Scarron vu en COUPES rer 5 3 L histoire du rire et le probl me du COTMMIQUE 2 Real 19 Chapitre 1 Rire ou ne pas rire La pathologie comique e ssessscsessocssscessocesocssoccssocesoee 23 1 Faire raillerie de tout Dominantes et tension
76. l Etoile 408 BERTRAND Dominique Les repr sentations du rire dans l Histoire comique de Francion livres I VIID Cahiers Textuel n 22 2000 p 52 92 Le fait que ce soit une dame outrageusement et absurdement galante qui fasse les frais de cette cocasserie renseigne aussi de l enjeu s rieux que cache l v nement Chez Scarron la satire est parfois facile Apr s le repas le Destin et la Garouffi re changent leurs vues sur la condition f minine dans une veine misogyne Les femmes nobles et modestes trouvent leur contraire chez les pr cieuses qui n ont de l esprit que pour le faire para tre RC 229 De la m me fa on le beau monde et la bonne cabale R 236 ont pour corolaire les rieuses de quartier qui rient des allusions et quivoques licencieuses RC 230 Cette critique des femmes distingue alors les provinciales des citadines les sottes des cultiv es les basses des lev es Bref toute la culture populaire est mise mal travers le prisme de la v ritable honn tet RC 230 Ce nouvel id al auquel adh re vigoureusement le Destin explique sans doute pourquoi il semblait si vex de s tre abandonn au sourire devant la r action larmoyante d un Ragotin faussement mourant temp rament indigne des honn tes gens B Mourir de rire rire d un mort L association de la mort et du rire n est pas d histoire r cente Aristote
77. la dissipation d une nergie psychique r prim e par les inhibitions du rieur en partie li es la contrainte sociale 400 Par exemple le cur et son fr re dans la sc ne de l h te agonisant qui s emp chent de rire au moins trois reprises pour ne pas froisser l humeur du mourant de son fr re et de sa femme II partie ch VT 1 MAURON Charles Psychocritique du genre comique Aristophane Plaute T rence Moli re Paris Jos Corti 1985 p 19 2 Thid p 20 403 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 62 90 La sc ne du souper des mari s au chapitre IT 8 RC 225 rend express ment compte de cette diff rence de potentiel entre deux repr sentations Le train qui venait d arriver RC 226 avec grand bruit dans l h tellerie compos entre autres du nouveau mari du Mans et de la nouvelle mari e qu il menait en son pays de Laval RC 226 et de madame sa m re RC 228 participe ce soir l un immense festin nuptial auquel assistent aussi les com diens Madame Bouvillon qui tait une des plus grosses femmes de France quoique des plus courtes RC 228 s prend tr s t t et fanatiquement du pauvre Destin et elle entreprend durant le repas de lui servir les meilleurs plats si bien que tous les plats de la table se trouv rent vides en un moment et l assiette du Destin si pleine d ailes et de cuisses de poulets que je me
78. la voie des interpr tations qui vont au del de la seule critique structuraliste aveugle de telles pr occupations lectoriales Ainsi apr s les critiques positiviste et structuraliste une nouvelle voie a t elle t dessin e qui accorde la dominante aux microlectures de l uvre Beaucoup de th mes retiennent 0 SPENCER Catherine Aux marges du texte Le Roman comique des titres la page Vers un Thesaurus informatis topique des ouvertures narratives avant 1800 Actes du quatri me colloque international SATOR Montpellier 25 27 octobre 1990 Montpellier Centre d tudes du XVIIIe si cle Universit Paul Val ry 1991 p 245 l Ibid p 246 Ibid Ibid p 248 Ibid p 254 Ibid Tbid p 246 16 alors l attention la violence la folie la ruse le th tre etc De ce floril ge d tudes il est remarquer que l aspect comique du r cit scarronien n a t tout compte fait qu assez peu trait Sabine Gruffat rem die cette situation et attaque de front la question du comique dans Le Ragotin de Scarron ou la vitalit du comique de r p tition En se basant sur la d finition du burlesque qu tablit Perrault tout en sollicitant les diff rentes cat gories du comique par exemple la parodie Gruffat tient que le rire que provoque le burlesque est troitement li la probl matique de la r p tition Non seulement le
79. le rire de Ragotin plus suspect Il croit faussement qu on rit parce qu il n avait pas pens cette solution aussi simple que miraculeuse Or Ragotin assure qu il avait imagin pareille astuce mais qu il redoutait de la proposer publiquement Par crainte de para tre sot il avait donc tu cette invention sc nique saugrenue mais pourtant g niale Qu il parle ou qu il se taise le r sultat est finalement identique Le risible pourchasse l avocat de mani re irr sistible Quelques moments plus tard le narrateur ach ve d absorber Ragotin au r gne animal Le petit bourgeois affirme avoir jou autrefois le chien de Thobie RC 90 un r le tout indiqu pour un homme de son esp ce et qu il n a pas t tant touch de la mort de Pyrame qu effray du lion RC 90 en assistant la c l bre pi ce de Th ophile de Viau L animalit de Ragotin pr cise un peu mieux sa fonction dans le texte soumis comme un chien son ma tre Ragotin subit arbitrairement les humeurs d un narrateur tout puissant Apr s ce d m l la Rancune profiteur et Ragotin ing nu soupent en t te t te dans un cabaret sinistre Le vieux com dien se r pand en faux loges accable l avocat de compliments de 6 On utilise parfois au XVIIe si cle le mot animal dans ce sens figur et pour ainsi dire p joratif 7 Une trag die peu connue Thobie de Jean de Ouyn repr sent e la premi re fois e
80. les rapprochait d j on pr tend que des blessures de guerre dans la r gion du diaphragme provoquent le rire Dans Le Roman comique le danger de mort li au rire comme activit physique intense ne guette pas aussi litt ralement les personnages que dans lunivers rabelaisien par exemple o Gargamelle la m re de Gargantua meurt de joie Dans le Quart livre galement plusieurs personnages meurent d avoir trop ri Le tr pas ne hante pas v ritablement les h ros scarroniens qui succombent au rire Mais physiologiquement le rire partage avec la mort quelques traits marquants Comme nous venons de le constater avec les clats de rire le rieur s av re tout fait saisi frapp par le rire incapable d y offrir la moindre opposition Il s y soumet sans pouvoir et sans force Plus encore celui qui rit beaucoup qui meurt de rire vit une exp rience qui le propulse hors du temps et de l espace Cette absence pour le moins significative de rep res spatio temporels chez le rieur expliquerait peut tre les rapprochements sociaux que le rire 409 SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit p 51 10 Thid p 46 411 ARISTOTE Les parties des animaux d de Pierre Louis Paris Les Belles Lettres 1956 p 97 2 Voir l excellent article DELOUINCE LOUETTE Christiane Mourir de rire mourir pour rire dans le Quart Livre Recherches et travaux n 67 2005 p 103 112
81. leur ambigu t pour ne pas dire leur opacit dans ce qu ils d signent ou taisent du fonctionnement textuel Les titres rev tent une valeur herm neutique irrempla able en d signant pointant du doigt la hi rarchie des codes qui structurent le texte Les intertitres ironiques et parodiques au sein d un corpus fort vari r gnent cependant en ma tres Ce faisant ce que les titres de chapitre donnent lire ce n est pas tant le texte en lui m me mais bien une lecture du texte celle de Scarron Voil que s esquisse un nouveau jeu du narrateur subversif fac tieux et rieur c est notre statut de lecteur qui est ici remis en question c est notre participation notre engagement qui se trouvent p riodiquement court circuit s Une telle position contredit propos la figure du lecteur passif que sugg rait DeJean Piroux Ekstein et Spencer ont finalement en partage la notion de communication qui suppose un metteur et un r cepteur c est dire que leurs analyses inscrivent le lecteur au c ur des enjeux du Roman comique Dans cette relation plusieurs strat gies du narrateur metteur le paratexte le motif du bruit et les intertitres participent la mise distance du lecteur r cepteur Plus encore ces trois interpr tations posent la n cessit d une lecture attentive aux divers accidents du texte Elles probl matisent enfin un rapport nouveau la lecture pavant
82. leurs dissemblances notons au moins qu il s agit certainement chez Scarron d une reprise sur un mode parodique 118 pr cis ment sa nature pompeuse et empes e tout en accordant le primat la parole vive La langue du roman serait alors purement factice Cette n gociation difficultueuse entre l crit et l oral montre les coulisses de l criture et les diff rentes possibilit s po tiques qui s offrent l auteur de romans Pr sence tol r e mais moqu e le romanesque de Scarron devient autant une imitation institutionnalis e qu une r flexion critique sur l institution du roman Scarron met d ailleurs en parall le le mythique char du soleil avec la falote charrette qui transporte les com diens Le topos du cheval par un effet de sym trie parodique plac en ouverture et diss min diversement au sein du r cit se double chez Scarron d une fonction m tanarrative Outre l vidente imagerie guerri re la figure questre depuis le mythe de P gase et la source d Hippocr ne connote aussi l activit po tique Le narrateur extradi g tique au d but du chapitre I 12 RC 95 compare sur le mode de l hypoth se son nergie cr ative celle d un charretier pour le moins inexp riment peut tre qu un chapitre attire l autre et que je fais dans mon livre comme ceux qui mettent la bride sur le col de leurs chevaux et les laissent aller sur leur bonne foi RC 95 Compar
83. mais celle plus modeste d explorer les configurations de l imaginaire du rire dans le roman de Scarron cet gard le choix d intituler notre travail la po tique du rire et non pas le rire dans Le Roman comique n est assur ment pas accidentel Pour Todorov ce n est pas l uvre litt raire elle m me qui est l objet de la po tique ce que celle ci interroge ce sont les propri t s de ce discours particulier qu est le discours litt raire Par ce travail nous chercherons dessiner et interpr ter des syst mes de relations et d effets textuels qui auront pour picentre le ph nom ne du rire et ses op rations transtextuelles Nous marchons aussi dans l ombre de Genette pour qui la po tique concerne l ensemble des cat gories g n rales ou transcendantes types de discours modes d nonciation genres litt raires etc dont rel ve chaque texte singulier Notre m thode se propose de mettre en lumi re le ph nom ne du rire tel qu il se manifeste dans Le Roman comique et non de r soudre une fois pour toutes le probl me irr missible du comique Nous ne chercherons donc pas r pondre directement la trop d licate et sempiternelle question pourquoi le comique fait il rire partir de s quences narratives o point le comique o le rire clate et fuse de toutes parts nous interrogerons plut t la production du rire c est dire sa mise en sc ne part
84. qu on pourrait m me dire provincial Une scission nette s observe ici entre un rire bas vulgaire corporel issu d une tradition archa que et un rire plus moderne civilis honn te voire urbain Sans doute le Destin incarne t il ce rire nouvellement purifi qui convient davantage aux exigences de la doctrine classique Une fois mis au parfum de la ruse de l Olive apr s avoir consenti garder son calme pour comprendre l affaire Ragotin d abord en rougit de honte et puis p lissant de col re il allait Ibid 3 RIOU Daniel op cit p 207 208 380 Thid p 215 381 Comme Ragotin le Destin subit une volution dans son traitement d une partie l autre du Roman comique En effet le chef de la troupe acquiert un caract re la fois plus h ro que et plus noble au fur et mesure que le r cit avance 382 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 37 383 Ibid p 87 384 Jbid p 89 385 Le Destin durant ses voyages de jeunesse parcourt entre autres grandes m tropoles Paris et Rome signalant par l son appartenance au monde de la ville 85 enfreindre son horrible serment RC 232 Du coup renon ant sa parole on l injurie on lui crie aux oreilles si fort que le pauvre homme en pensa perdre l ou e RC 232 Ne pouvant dire un mot dans un pareil chaos Ragotin se met enfin chanter ce qui cha
85. rencontre dans Le Roman comique et dans son illustration dans Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron St phane Lojkine et Pierre Ronzeau dir Aix en Provence Presses Universitaires de Provence coll Textuelles 2011 p 131 132 514 GRIMAL Pierre op cit p 304 515 Thid p 342 516 Rappelons nous le d tournement de la figure questre qu op re Scarron dans Le Roman comique 517 I convient de prendre note qu un autre tat connu de la gravure comportait sur la chaise une indication particuli rement parlante M Scarron g de 30 ans Pour reprendre les mots de Beno t Tane le portrait tait ainsi doublement vide de visage et de nom TANE Beno t op cit p 131 Cette absence est galement comprendre comme un vide que le lecteur doit combler par sa lecture Une tendance inverse s installe plus les si cles avancent le visage bouffi et difforme de Scarron accompagnera d sormais la plupart des ditions du Roman comique 5I8 Prenons le temps de souligner qu bien des endroits dans le texte le narrateur semble confus et se perd dans l ind fini L ind termination l uvre dans le portrait hybride et invers de l auteur se poursuit donc une fois la page de garde tourn e 519 SCARRON Paul Au lecteur qui ne m a jamais vu dans Le Roman comique d Yves Giraud op cit p 49 134 5 le texte de pr sentation qui passe de la prosopographie
86. sa d confiture bouffonne en plus d tablir une distance entre ceux qui rient et celui dont on rit rajoute au caract re risible de la sc ne De plus on s loigne du paradigme carnavalesque du rire universel et positif puisqu un rapport ambivalent s installe Ragotin balourd et fruste se montre incapable de rire de lui m me Pantin peut tre mais un pantin frustr 123 plut t artisanal de la cr ation les mains triomphent des muses d j sensible depuis la mise en route parodique du roman Comme par un effet d cho la dissonance qu instaure l esth tique burlesque peut s entendre dans son sens propre savoir comme une cacophonie g n ralis e o la voix narrative cesse d tre une homog ne et harmonique Les voix du roman et les voies du romanesque se r pondent dans un chass crois qui fait d railler les fronti res g n riques et nonciatives con ues de mani re trop limitative Comme la foule clate de rire apr s la d convenue du pauvre Ragotin c est tout le dispositif qui clate II La lecture infid le trompeur trompeur et demi La deuxi me nouvelle intercal e du roman trompeur trompeur et demi se trouve au chapitre I 22 RC 164 en avant derni re position de la premi re partie Cette nouvelle participe de la vogue des com dies espagnoles dont Scarron est un des plus prolifiques animateurs en recourant plusieurs topiques usuelles d guisements rapts fauss
87. ses propres histoires comiques terme neutre s il en est sous l appellation plus forte de roman comique Ce passage d un terme sans parti pris une d signation plus tranch e d note aussi l envie de s opposer une forme narrative alors triomphante le roman h ro que Roman et nouvelle rivalisent sur un m me terrain mais avec des armes bien diff rentes Du Plaisir en 1683 crit que Paul La pr caution inutile Paris ditions Mille et une nuits coll La petite collection 2002 79 p et Les Hypocrites SCARRON Paul Les Hypocrites Paris ditions Mille et une nuits coll La petite collection 2005 78 P 113 Les petites histoires ont enti rement d truit les grands romans Cet avantage n est l effet d aucun caprice Il est fond sur la raison et je ne pourrais assez m tonner de ce que les fables dix ou douze volumes aient si longtemps r gn en France si je ne savais que c est glemps reg gt S1 q depuis peu seulement que l on a invent les nouvelles La question de la longueur accapare toute l attention critique qui en fait le crit re distinctif de la nouvelle Dans De la Connaissance des bons livres Sorel remarque lui m me cet engouement pour le bref et l ennui provoqu par des textes monumentaux Il faut que nous consid rions encore que depuis quelques ann es les trop longs romans nous ayant ennuy s afin de soulager l impatience des
88. sont r actualis s L incipit du Roman comique est donc programmatique plus d un titre Le soleil avait achev plus de la moiti de sa course et son char ayant attrap le penchant du monde roulait plus vite qu il ne voulait Si ses chevaux eussent voulu profiter de la pente du chemin ils eussent achev ce qui restait du jour en moins d un demi quart d heure mais au lieu de tirer de toute leur force ils ne s amusaient qu faire des courbettes respirant un air marin qui les faisait hennir et les avertissait que la mer tait proche o l on dit que leur ma tre se couche toutes les nuits RC 49 L aventure du roman a contrario du mod le inaugur par Les thiopiques commence bien in medias res mais la tomb e du jour plut t qu au traditionnel lever du soleil Au lieu d entreprendre un voyage plein d aventures de rencontres et d preuves la troupe pr f re s arr ter d embl e Scarron renverse le proc d consacr trouble le rituel romanesque et r alise un double retournement D abord on ne se trouve plus en des pays exotiques fabuleux et lointains mais en un rustique arri re pays Ensuite la sc ne d ouverture plut t que de pr senter des personnages en mouvement braves et valeureux montre des com diens puis s et arr t s dans leur qu te Construit sur l cart l agencement du Roman comique chafaude premi re vue une architecture mouvante o certaines c
89. suis souvent tonn depuis comment on avait pu faire par hasard une si haute Pyramide de viande sur si peu de base qu est le cul d une assiette RC 228 Bient t le Destin absolument d contenanc y jeta les yeux et fut bien tonn d y voir presque au niveau de son menton la pile de poulets d pec s dont la Garouffi re et la Bouvillon avaient rig un troph e son m rite RC 228 Devant une montagne aussi effarante le Destin en rougit et ne put s emp cher d en rire la Bouvillon en fut d faite la Garouffi re en rit bien fort et donna si bien le branle toute la Compagnie qu elle en clata quatre ou cinq reprises Les valets reprirent l o leurs Ma tres avaient quitt et rirent leur tout ce que la jeune Mari e trouva si plaisant que s bouffant de rire en commen ant de boire elle couvrit le visage de sa Belle m re et celui de son Mari de la plus grande partie de ce qui tait dans son verre et distribua le reste sur la table et sur les habits de ceux qui y taient assis On recommen a rire et la Bouvillon fut la seule qui n en rit point mais qui rougit beaucoup et regarda d un il courrouc sa pauvre Bru ce qui rabattit un peu sa joie Enfin on acheva de rire parce que l on ne peut pas rire toujours RC 229 404 MAURON Charles op cit p 22 405 Jean Serroy dans son dition du Roman comique pr cise en note qu un bouvillon est un jeune bovin l h ro
90. surtout parce qu elle fait du lecteur un inoffensif pantin dup dans l innocence la plus grande par le po te roublard qui porte seul la faute de g ner les biens ances D Avallon t moigne d ailleurs du go t des lecteurs de cette poque pour ce type de burlesque la fa on scarronienne s il ne l invente pas carr ment parmi le nombre des ouvrages qui sont sortis de la plume burlesque de cet auteur ceux qui peuvent encore plaire sont 1 Son Roman comique 2 Quelques morceaux de son Virgile travesti 3 Deux ou trois nouvelles galantes et tragi comiques 4 Quelques p tres plusieurs sonnets et un petit nombres sic d pigrammes et d pitaphes sic avec cing ou six pi ces fugitives Cette hi rarchie d sormais canonique ne surprend gu re les critiques modernes d j confront s ce classement qui fait du Roman comique l uvre ma tresse de Scarron Le fait que ce catalogage se fonde sur le burlesque et lise sur cette base stylistique Le Roman comique comme ouvrage le plus susceptible de plaire tonne bien davantage Seuls quelques morceaux de son Virgile travesti arch type s il en est du style burlesque tel qu il est con u au XVIIe si cle seraient encore recommandables tandis que Le Roman comique qui ne souscrit pas tout fait au burlesque de d Avallon suscite paradoxalement la plus grande admiration Sans doute cette incongruit est elle l incidence d
91. un imaginaire plus cin tique que pictural Car les corps semblent bel et bien voler de lieu en lieu plus qu ils ne sont d peints avec rigueur et infailibilit Des sc nes comme la com die donc plut t que de statiques tableaux Rares d ailleurs sont les moments de qui tude de repos de r pit dans un texte aussi imp tueux que fringant Les intrigues effr n es sont constamment suspendues ou interrompues par des bagarres des cris des enl vements Rien n est fixe Tout bouge les personnages les objets les identit s Maurice Lever r v le cet gard que le com dien est instable et prot iforme par vocation Scarron en fait un tre hybride la fois h ros de roman et acteur aux masques multiples il est le mouvement m me Ce souci extr me pour la mise en sc ne le mouvement et l usage du corps se r percute l chelle des sayn tes comiques qui 788 Sauf erreur ce mode de division romanesque est assez rare au XVIIe si cle plus port la prolixit qu la bri vet Notons parmi les romans comiques qui adoptent une structuration chapitrale semblable celle du Roman comique de Scarron Le Page disgraci de Tristan L Hermite L HERMITE Tristan Le Page disgraci dans Libertins du XVIIe si cle Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade tome 1 1998 1643 p 383 597 2 WALLIS Andrew op cit p 193 29 VIALLETON Jean Yves Not
92. une impossible parade nuptiale Grotesque et disgracieuse cette tentative de conqu te amoureuse exag rera la bouffonnerie et la maladresse caract risant d j l avocat Dans la mesure o la Rancune se joue malicieusement de Ragotin dans le seul but de se divertir le rire s pare autant qu il r unit Dans ce cas ci le rire n est plus attach l expression harmonieuse et positive d un rire de bon c ur l association du rire une th matique de la tromperie corrobore un principe de discordance qui sape les relations humaines abolissant tout r ve de transparence entre les individus Expert des tromperies sociales manipulateur averti la Rancune se fait le porte tendard d un non rire sournois pervers et factice Un pince sans rire pour le dire en un mot Notons aussi que pendant cette discussion nocturne Ragotin rougit et perd momentan ment l usage de la parole Quand il est g n lui pourtant homme de beaucoup de mots il est la fois avocat p dant et apprenti homme de lettres devient muet comme une carpe Et cela en d pit des copieuses libations cens es lever l inhibition la franchise et l ouverture L attitude de Ragotin rappelle beaucoup l enfance et l incapacit d avouer un amour naissant et d vorant Sans doute devient il possible de dire que Ragotin mi animal et mi enfant est frapp d une double r duction qui l accompagnera au long du roman c est l
93. une faiblesse que nous remarquons actuellement dans les autres ou que nous avions auparavant Ce sch ma sera aussi l uvre dans les sc nes o Ragotin est victime des rires o d ordinaire un groupe de rieurs exprimant leur avantage sur ce petit et d testable caract re se liguent tous contre lui Cet ascendant des rieurs sur l objet de leur ris e sous entend que le rire poss de une fonction sociale qui a une valeur de s paration et de discrimination de ch timent et d inf riorisation Pour injurie sa femme Ainsi nous sommes en pr sence d un comique qui tire sa puissance de situations linguistiques probl matiques Cette cat gorie du comique peut certes s oppose ce qu on nomme g n ralement comique de situation 26 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 55 7 AQUIEN Mich le et MOLINI Georges Dictionnaire de rh torique et de po tique Paris Librairie g n rale fran aise coll La Pochoth que Encyclop dies d aujourd hui 1996 p 645 38 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 55 23 HOBBES Thomas De la nature humaine ou exposition des facult s Arles Actes Sud coll Babel Les philosophiques 1997 16501 p 72 73 48 Bergson le rire est le comportement corporel que la vie utilise pour ch tier le personnage comique et le rappeler la norme que la soci t incarne et impliqu
94. une salutaire distance critique Cette mise en abyme de la structure du roman plac e sous un titre pince sans rire introduit la seconde nouvelle peut tre la plus romanesque du lot Si la premi re nouvelle uvre plagi e et diffus e par Ragotin avait pour fonction principale de parodier les romans h ro ques la seconde semble consacrer plut t qu ex crer cette veine romanesque longtemps honnie Trompeur trompeur et demi est pareillement mise distance par une m talepse ironique mais moins virulente cette fois qui proclame l auteur comme seul ma tre bord elle commen a une histoire non pas du tout dans les termes que vous l allez lire dans le suivant chapitre RC 164 Cette nouvelle est cont e aux com diens par In zilla un personnage pr texte venant colorer le r cit d exotisme mais elle provient en fait des mains de son premier mari un favori de la cour d Espagne Dr le de repr sentation qui fait d In zille une hybride entre la traductrice et l imitatrice qui reproduit le statut m me du narrateur auteur qui adapte sa sauce une nouvelle de Sol rzano Le titre traduit par Scarron renvoie bien une nouvelle de l auteur espagnol mais pas exactement son contenu qui rel ve en r alit d une autre nouvelle du m me auteur Ce proc d de distanciation renforce certes l ind termination auctoriale mais tablit dans la m me foul e que les intertitres un cart affirm entre ce qui
95. 1966 n 18 p 67 78 163 GUION B atrice Un juste temp rament les tensions du classicisme fran ais dans Michel Pringent dir Histoire de la France litt raire Paris Presses Universitaires de France coll Quadrige Dicos Poche 2004 tome I p 131 154 HERMAN Jan Bonne fin mauvaise fin le d nouement comme lieu pol mique l ge classique Th l me Revisita Complutense de Estudios Franceses n 24 2009 p 97 107 ISER Wolfgang L acte de lecture th orie de l effet esth tique Bruxeles P Mardaga coll Philosophie et langage 1985 405 p Jauss Hans Robert Litt rature m di vale et th orie des genres dans G rard Genette et als Th orie des genres Paris Editions du Seuil coll Points essais 1986 p 37 76 KIB DI VARGA Aron Le roman est un anti roman Litt rature 1982 n 48 p 3 20 LEVER Maurice Romanciers du Grand si cle Paris Fayard 1996 1981 301 p MAINGUENEAU Dominique Le discours litt raire paratopie et sc ne d nonciation Paris Editions Armand Collin coll U Lettres 2004 262 p REYNIER Gustave Le roman r aliste au XVIIe si cle Gen ve Slatkine Reprints 1971 393 p ROBERT Raymonde L insertion des contes merveilleux dans les r cits cadres F eries Le recueil 2004 n 1 p 73 94 SCHAEFFER Jean Marie Qu est ce qu un genre litt raire Paris ditions du Seuil coll Po tique
96. 3 59 288 Andrew se confirme entre autres lorsqu on tudie la disposition de l uvre en chapitres courts Wallis d crit aussi ce ph nom ne en le rapprochant du champ social Le Roman comique prouve que le signe th tral ne reste pas herm neutiquement renferm sur sc ne il se transforme et se traduit sur d autres espaces Le genre de l histoire comique tel qu on le pratique au XVIIe si cle se fonde d ailleurs beaucoup plus sur l h ritage th tral de la Gr ce ancienne jusqu la Renaissance que sur l esth tique romanesque diffuse de l poque l histoire comique puise dans l ancien th tre mais plus globalement elle met comme lui en sc ne la personne 0 l occasion de son examen des lieux de priv e et les hommes ordinaires la vie commune la com die classique V ronique Sternberg montre que le comique investit surtout l espace urbain dans un univers social avec ses cloisonnements ses habitudes et ses travers Chez Scarron la plupart des sc nes comiques se d roulent de nuit dans un espace g n ralement clos qu il s agisse de tavernes d h telleries ou d appartements priv s Ainsi le personnage comique n est pas tant une voix qu un corps et le jeu sc nique lui rappelle durement son inscription dans un espace contraignant et r ducteur Claudine N delec en commentant le mouvement des corps dans Le Roman comique fait tat chez Scarron d
97. 4 Peut tre ce mauvais sens de l humour constitue t il un pr requis de la condition de pr tre 363 FROIDEFOND Dominique op cit p 422 4 Ibid 5 Thid 80 de l toile S il est vrai que l espace structure l imaginaire humain alors cette sc nographie h riti re du carnaval n a rien d inopin Non content de la d gringolade de Ragotin la Rancune rajoute la gifle initiale une nouvelle manigance il avertit ses compagnons que le petit homme ne manquerait pas de venir bient t recueillir les louanges de sa galanterie raffin e et ajouta que toutes les fois qu il en voudrait parler il fallait en d tourner le discours malicieusement RC 140 Cette sc ne du chapitre I 16 RC 140 se d roule le lendemain de la s r nade avort e alors que les com diens sont en r p tition Ragotin entre et apr s avoir salu tous les Com diens en g n ral RC 140 s essaie interroger mademoiselle de l toile qui fut alors pour lui une toile errante car elle changea de place autant de fois qu il lui demanda quelle heure elle s tait couch e et comment elle avait pass la nuit RC 140 141 Le d placement r p titif de Ragotin qui suit les errements de la belle com dienne rappelle assur ment la chasse mais une chasse morne et m canique Il tente en vain de la prendre au pi ge qu il lui avait tendu la veille Lass du peu d int r t qu elle lui accorde Ragotin
98. 9 p 362 367 MONTBERTRAND G rard R La personnalit Z de Scarron et la fonction du comique dans les histoires intercal es du Roman comique et dans les Nouvelles tragi comiques PFSCL vol 16 n 30 1989 p 117 129 5 LEDESMA PEDRAZ Manuela Du r alisme au baroque Le Roman comique de Paul Scarron Studium Filologia vol 4 1988 p 99 112 5 LAGARDE Fran ois D sordre et ordre dans Le Roman comique French Review vol 70 n 5 1997 p 668 675 55 CHAUVEAU Jean Pierre Diversit et unit du Roman comique M langes historiques et litt raires sur le XVIIe si cle offerts Georges Mongr dien Paris Soci t d tudes du XVIIe si cle 1974 p 163 176 56 MOREL Jacques La composition du Roman comique L Information Litt raire vol 22 1970 p 212 217 57 CHANTALAT Claude Sur la chronologie du r cit dans Le Roman comique Confronto Letterario Quaderni del Dipartimento di Lingue e Letterature Straniere Moderne dell Universit di Pavia vol 22 n 44 2005 p 395 406 Il peut galement tre pertinent de consulter certaines parties de la th se de VIDALON Isabelle Le temps dans les romans comiques du XVIIe si cle dir Jacques Hannequin Th se de doctorat Universit de Metz 1997 286 p 58 MORTIER Roland La fonction des nouvelles dans Le Roman comique op cit p 41 51 DE ARMAS Frederick A The Four Interpolated Stories in the Roman comi
99. D Dominique op cit p 425 94 faire voir qu il n tait pas mort RC 220 En d finitive l humiliation de Ragotin s av re triple Sa terreur panique au reste parfaitement l gitime lui vaut des r primandes indues la fois psychologiques et physiques L essence du tour de la Rancune et l Olive rel ve d une mesquinerie toute mortif re Le fait que Ragotin en ami fid le s inqui te du tr pas de son compagnon tourne vite au ridicule Cette plaisanterie macabre et de tr s mauvais go t a pour effet de laisser Ragotin si fort mortifi qu il ne parlait plus contre sa coutume de parler incessamment et de se m ler en toutes sortes de conversation RC 221 Le jeu s mantique avec la mort devient quasi total la vue du mort a affectivement tu ce qu il y avait d amical et d humain chez Ragotin plus mort que vif Pendant ce temps l absence du corps de l h te soul ve de nouvelles stupeurs chez l h tesse et ses servantes incapables de le trouver Ces cris effroyables de plusieurs femmes ensemble RC 221 montrent bien la mobilit du mort les choses ou les personnes ne sont pas leur place mais en tat de substitution Au contraire de la r action amorphe et ramollie de Ragotin presque mort lui m me les victimes collat rales de la vilaine amusette de la Rancune et de l Olive n entendent pas subir passivement cet affront On accuse ces sorciers RC 222 d
100. Des sons non linguistiques le rire s av re la manifestation sonore la plus fr quente Sans doute convient il de relever que rire constitue une activit de groupe ayant une fonction sociale pr cise d terminante c est dire qui isole ceux qui rient de celui de qui on rit Selon Ekstein le rire en particulier mais aussi le bruit en g n ral engendrent une dynamique subtile un rythme un mouvement Le rire entre ainsi en comp tition avec le langage il bouleverse la communication Ekstein conclut assez disertement que le rire est symptomatique d une sorte de parasitage Le rire enfin cr e au sein de la narration incoh rence et d sordre Mais dans un m me remous ces incoh rences accumul es et ces d sordres r p titifs finissent par 35 Jbid p 89 56 Jbid p 106 87 Jbid 88 Jbid p 114 Selon Ekstein il y a 65 occurrences du mot rire et 2 du mot ris e EKSTEIN Nina op cit p 42 15 mettre en place un syst me coh rent o s alternent et s quilibrent des moments de rupture et de brouille tudiant la titrologie scarronienne Catherine Spencer dans Des titres la page se fonde aussi sur la notion de communication que d veloppaient Piroux et Ekstein pour restituer l nonc intitulant l int rieur du discours qui constitue le texte dans sa totalit Pr sidant une certaine distanciation Spencer retient des intertitres scarroniens
101. Discussion qui a d ailleurs toutes les apparences d une hi rarchie des genres l inexplicable pi ce de Ragotin laisse froid alors que la nouvelle de type espagnol enflamme La juxtaposition de ces deux chapitres repr sente un important jeu avec l horizon d attente o le d calage g n rique est sciemment mis en sc ne Dans cette dynamique d oscillation le roman tient sans cesse le lecteur sur le qui vive le for ant reconsid rer le texte ici chacun des chapitres la lumi re des textes qui lui sont directement voisins Ainsi la m canique narrative du Roman comique d monte la logique romanesque en la tournant en ridicule le romanesque de la nouvelle se m le la trivialit du burlesque nouvelle d l gu e rappelons le au plus extravagant des personnages du roman Cette tension se transf re parall lement au contenu de la nouvelle Riche en rebondissements et en coups de th tre l Histoire de l Amante Invisible seule nouvelle qui porte 5 Voir pour s en convaincre cet excellent article FORTUNATI Vittorio Pr sence de l Arioste dans Le Roman comique de Scarron Cahiers de l Association internationale des tudes fran aises n 63 mai 2011 p 199 213 122 dans son titre m me les traces d une intention g n rique est centr e sur la mise l preuve de la constance d un amant par sa ma tresse Si la nouvelle s ach ve bien sur le topos conclusif du mariage el
102. Doguin et autres choses m morables Directe 4 R cit cadre 7 L aventure des Brancards Directe 2 R cit cadre Dans lequel on verra plusieurs choses n cessaires savoir pour 8 l intelligence du pr sent livre Directe 3 R cit cadre 10 Comme Ragotin eut un coup de Busc sur les doigts Directe 4 R cit cadre 11 Qui contient ce que vous verrez si Vous prenez la peine de lire Directe 4 R cit cadre 12 Combat de nuit Directe 5 R cit cadre Enl vement du Cur de Domfront 16 moindre cons quence Directe 3 R cit cadre L ouverture du Th tre et autres choses qui ne sont pas de 17 Le mauvais succ s qu eut la civilit de Ragotin Directe 2 R cit cadre Quelques r flexions qui ne sont pas hors de propos Nouvelle disgr ce de Ragotin et autres choses que vous lirez s il vous 19 pla t Directe 5 R cit cadre Le plus court du pr sent livre Suite du tr buchement de Ragotin 20 et quelque chose de semblable qui arriva Roquebrune Directe 2 R cit cadre 21 Qui peut tre ne sera pas trouv fort divertissant Directe 3 R cit cadre 23 Malheur impr vu qui fut cause qu on ne joua point la Com die Directe 4 R cit cadre 134 Deuxi me partie 1657 14 OO Le Destin trouve L andre Combat coups de poing Mort de l h te et autres choses Directe Titre de chapitres Narration Pages Contenu 1 Qui ne sert qu introduction aux a
103. E Bruno op cit p 580 555 N DELEC Claudine Le burlesque au Grand Si cle une esth tique marginale op cit p 439 142 conjointement l appropriation et l adaptation d un h ritage culturel mill naire et sa subversion la fois in vitable inventive et critique 2 Politiques de l ironie L inconduite de Scarron vis vis l ancien roman irrigue de mani re loquente le mod le de communication ironique qui pr side l int rieur du Roman comique Si l ironie est une ivresse de la subjectivit transcendantale encore peut on la rapprocher du concept d intelligence critique avanc e par Jacques Pr vost propos des auteurs libertins mais aussi de la pratique scarronienne de la sanction de la sup riorit et de la disqualification de l objet risible par le rieur Nous avons cependant vu que le rire dans Le Roman comique est tr s souvent tu par la narration cach sous une masse textuelle m tiss e et rendu familier par la r p tition m canique de certains canevas comiques pr tablis Force subtile mais n anmoins op rante l ironie scarronienne prend pour cible non pas ses propres personnages en tant que type universel et identifiable mais interroge attaque et d boussole le lecteur trop confiant en ses capacit s trop certain de l intention du texte ce lecteur b n vole qui ne lit que par divertissement et par identification sans remettre en
104. En se r f rant explicitement au Roman comique Bertrand affirme que Scarron met en uvre un art consomm de la mystification du lecteur Jeu avec le lecteur et mise en place de miroirs narratifs on retrouve l certains param tres dont discutaient d j Piroux Ekstein et Spencer mais en tablissant ici une parent directe avec le rire La mise en abyme du rire des protagonistes av re des strat gies complexes soutient Bertrand qui ne propose cependant pas une typologie op ratoire Telle est d ailleurs la difficult majeure des tudes qui concernent le rire et le comique Nous devons alors chercher caution du c t des th oriciens du rire 16 GRUFFAT Sabine op cit p 121 1 Thid p 123 108 PIROUX Lorraine op cit p 118 10 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler Aix en Provence Presses de l Universit de Provence 1995 p 232 1 Jbid p 234 Hi bid p 232 18 Depuis Bergson et Le Rire beaucoup de th oriciens ont sugg r des classements des diff rentes formes que peut prendre le comique Le risque devant cette pluralit taxinomique est de tomber dans le sch matisme et d essayer de mettre rapidement en case des ph nom nes la complexit pourtant porteuse De ce pataqu s il convient de mentionner le brillant travail de synth se qu a effectu r cemment Jean melina suffisamment souple pour fabriquer pa
105. LEC Claudine Burlesque et interpr tation 46 op cit ROCHE Bruno op cit p 384 508 SCARRON Paul Recueil de quelques vers burlesques Paris Toussaint Quinet 1655 176 p 50 Les Satyres sont des d mons de la nature qui ont t int gr s dans le cort ge de Dionysos GRIMAL Pierre Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine Paris Presses Universitaires de France coll Grands Dictionnaires 2002 p 416 Outre son caract re prodigieusement dionysiaque le Satyre serait souvent associ la figure questre ce qui n est pas sans rappeler le narrateur charretier du Roman comique 510 SCARRON Paul La Relation v ritable de tout ce qui s est pass en l autre monde au combat des Parques et des Po tes sur la mort de Monsieur Voiture Paris Toussaint Quinet 1648 55 p 5I SCARRON Paul Au lecteur qui ne m a jamais vu dans Le Roman comique d Yves Giraud Paris GF Flammarion 1993 1651 1657 p 49 50 512 Cf Annexe 2 p 150 133 diptyque hybride texte image qui tablit corr lativement un jeu de relations subtiles entre la pr sentation cette rencontre avec quelqu un en visite et la repr sentation cette rencontre par la m diation des discours ou des images L estampe montre un Scarron minuscule assis sur une chaise nous faisant dos le cou comme cass et contrefait tandis qu il semble faire la conversation avec les neuf Muses de la cr ati
106. Narr Verlag coll tudes litt raires fran aises 1998 p 207 216 8 DEBAISIEUX Martine Le Roman comique o la mise en sc ne du d voile ment dans Martine Debaisieux d Le labyrinthe de Versailles parcours critiques de Moli re La Fontaine la m moire d Alvin Eustis Amsterdam Rodopi 1998 p 171 183 GAGNON Ingrid Ruse et rus dans Le Roman comique de Scarron dans Elzbieta Grodek d criture de la ruse Amsterdam Atlanta Rodopi 2000 p 187 195 100 WALLIS Andre Le Roman comique r cit sp c tac ulaire Cahiers du dix septi me An Interdisciplinary Journal vol 7 n 1 1997 p 193 203 101 GRUFFAT Sabine Le Ragotin de Scarron ou la vitalit du comique de r p tition tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 115 1 Thid 103 Vos CAMY Jolene Les folies du Roman comique le caract re burlesque et romanesque de Ragotin et Destin Cahiers du dix septi me An Interdisciplinary Journal vol 11 n 2 2006 p 43 57 104 DIKRANIAN N v na Ragotin ou le personnage burlesque dans Le Roman comique dans Isabelle Landy Houillon d Burlesque et formes parodiques dans la litt rature et les arts Seattle Papers on French Seventeenth Century Literature 1987 p 203 211 105 FROIDEFOND Dominique Le traitement de Ragotin dans Le Roman comique de Scarron Papers on French Seventeenth Century Literature vol 20 n 39 p 415 433 17
107. Nous d gagerons donc des repr sentations du rire dans Le Roman comique trois motifs rattach s autant de fa ons de rire l clatement la mort et la folie A clater de rire s emp cher de rire Deux r actions concurrentes se dessinent donc chez les personnages du Roman comique lorsqu ils sont confront s au comique D un c t il y a ceux qui refoulent le rire comme en proie une maladie mauvaise craignant l insolence ou l impolitesse qu une telle inconvenance engendrait De l autre il y a ceux qui la mani re d un geyser explosent d un rire incontr lable et nergique Ces notions adverses de refoulement clatement renvoient de mani re assez directe la psychanalyse Selon la vision psychocritique de Charles Mauron le rire est d abord un ph nom ne conomique Il na t comme une d charge d une diff rence de potentiel entre deux repr sentations Ces deux repr sentations correspondent l une au p le de la vie normale et probable consciemment attendue qui s accompagne d une valuation de l effort fournir selon la situation v cue l autre l v nement r el lui m me Entre ces deux tats il y a un surplus d nergie psychique accumul e mobilis e tort qui doit pour que l esprit maintienne son quilibre fondamental se diffuser physiquement dans ce petit acc s d pilepsie qu est le rire Comme Freud Mauron estime que le rire provient de
108. ROBERT Raymonde L insertion des contes merveilleux dans les r cits cadres F eries Le recueil 2004 n 1 p 73 94 115 r ditions tout comme les s ries de toiles et estampes s par es du texte ne s occupent des nouvelles espagnoles et des r cits ench ss s qu partir de la toute fin du XVIIIe si cle Avant la s rie grav e de Barbier en 1794 la repr sentation picturale du Roman comique est r duite au seul r cit cadre et plus sp cifiquement aux minables aventures de Ragotin ce qui assimile bient t l un l autre Si les nouvelles espagnoles jouissent de fronti res dispositives typographiques et nonciatives plus ou moins closes par rapport au r cit cadre les r cits autobiographiques des personnages sont r guli rement interrompus par de bruyantes algarades ayant lieu dans la di g se puis recommenc s quelques chapitres plus tard une fois le calme et l int r t des auditeurs revenus Les premi res travaillent un espace exotique richissime et pr sentent des personnages domin s par le principe d honneur princiers magnanimes aux antipodes du mat riel narratif plus leste et prosa que du r cit cadre alors que les seconds y correspondent en partie Les personnages sont les m mes bien que portant leur vrai nom plut t que leurs pseudonymes de sc ne et seuls quelques lieux sont gomm s ici et l un d cor romain ou parisien remplace par exemple l arri re plan manceau pour satisf
109. Scarron y appara t alors comme une figure iconoclaste au physique bizarre et grotesque tandis que son uvre constitue une simple curiosit litt raire banale et insignifiante Th ophile Gautier participe galement de ce mythe bien que moins sauvagement lui qui d couvre en Scarron et ses continuateurs quelques perles dans le fumier des crivains de second ordre Charles D d yan plus r cemment r cup re cet a priori et le pose comme un essentiel postulat de lecture Scarron aurait il t Scarron et le Roman comique le Roman comique sans ces ant c dents personnels et historiques qui clairent l crivain et sa peinture romanesque Ainsi plusieurs g n rations de critiques se sont engag es dans la voie biographique recyclant mim tiquement leurs principes p rilleux et pr tant m me foi aux aveux railleurs et ironiques de Scarron qui qualifie lui m me son criture de ramas de sottises RC 72 de badineries RC 95 et de pas grand chose RC 58 Jean Serroy a diligemment remarqu que de telles lectures tendaient enfermer l uvre dans une sorte de r alisme anecdotique qui en limite singuli rement la port e En r action ces d rives biographiques longtemps souveraines dans les tudes scarroniennes un mouvement inverse plus structural et narratologique s est impos avec force La voie biographique qui au plus accordait une valeur documentaire au Roman comiqu
110. Sol rzano 1584 vers 1648 El Marqu s del Cigaral Cette pi ce de l ostentation du clinquant de la triomphante vanit d un extravagant qui se donne en spectacle met en vedette un personnage ridicule un campagnard grossier qui infiltre un monde qui n est pas le sien un Bourgeois gentilhomme avant la lettre qui cultive des ambitions extravagantes mais en ayant un succ s somme toute insignifiant N est ce pas aussi la destin e fantaisiste du fantasque Ragotin loquemment le petit avocat est le seul s ennuyer durant cette pi ce quasi autobiographique lui qui a maille partir avec un colosse la Baguenodi re Car tous savent bien que quand la Fortune a commenc de pers cuter un mis rable elle le pers cute toujours RC 288 Faut il se surprendre que cette irruption intertextuelle survienne au moment m me o le spectacle se d place de la sc ne la salle et inversement Il se met alors en place un imaginaire du double que le jeu intertextuel contribue mettre en abyme Si l intertextualit comique peut tre con ue en termes d cart puisqu elle recherche le contraste entre deux sources textuelles distinctes soit par contact soit par vocation aussi 5277 SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit p 387 513 528 Ce qui nous entra ne donc en 1647 La datation de la pi ce est d ailleurs sujette maintes interpr tations et n est
111. Universit de Montr al La po tique du rire dans Le Roman comique de Scarron Qui contient ce que vous verrez si vous prenez la peine de le lire par Alex Bellemare D partement des litt ratures de langue fran aise Facult des arts et des sciences M moire pr sent la Facult des arts et des sciences en vue de l obtention du grade de M A en litt ratures de langue fran aise Ao t 2012 Alex Bellemare 2012 Universit de Montr al Facult des tudes sup rieures et postdoctorales Ce m moire intitul La po tique du rire dans Le Roman comique de Scarron Qui contient ce que vous verrez si vous prenez la peine de le lire Pr sent par Alex Bellemare a t valu par un jury compos des personnes suivantes Ugo Dionne pr sident rapporteur Antoine Soare directeur de recherche Jean Philippe Beaulieu membre du jury R SUM Cette tude se fixe un triple objectif Il s agira d abord de d crire les repr sentations textuelles du rire dans Le Roman comique de Scarron en tablissant d une part les conditions de possibilit du comique et d autre part en montrant la dette qu a contract e le genre de l histoire comique du XVIIe si cle aupr s de la po tique de la com die classique Nous pr ciserons ensuite la nature et le sens donner aux strat gies dramaturgiques mises en uvre par Scarron pour rendre compte de l humanit comique ta
112. Violence et fiction jusqu la R volution T bingen Gunter Narr Verlag coll Etudes litt raires fran aises 1998 p 217 225 B Th ories du rire du comique du burlesque ARISTOTE Po tique Paris Librairie g n rale fran aise coll Le Livre de Poche 2008 19901 216 p BAKHTINE Mikha l L uvre de Fran ois Rabelais et la culture populaire au Moyen ge et sous la Renaissance Paris Gallimard coll Tel 2006 471 p BATTEUX Les Beaux Arts r duits un m me principe Gen ve Slatkine Reprints 1967 1746 384 p BAUDELAIRE Charles De l essence du rire Paris ditions Sillage 2010 48 p B LISLE Mathieu Le dr le de roman L uvre du rire chez Marcel Aym Albert Cohen et Raymond Queneau Montr al Les Presses de l Universit de Montr al coll Espace litt raire 2010 320 p Pr sentation en qu te du rire romanesque tudes fran aises vol 47 n 2 2011 p 5 20 BERGSON Henri Le rire essai sur la signification du comique Paris Presses Universitaires de France coll Quadrige 2007 359 p BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler A x en Provence Presses de l Universit de Provence 1995 362 p Introduction dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 9 24 158 Les repr sentations du rire da
113. a Rancune celle ci tant l origine de la plupart des disgr ces du petit bourgeois Apr s la d confiture de Ragotin la Rancune lui demande ce qu il disait de leurs Com diennes RC 92 B gayant rougissant et s exprimant tr s mal RC 93 Ragotin r ussit signifier qu il entretient quelque passion pour une des com diennes sans parvenir la nommer Lui venant miraculeusement en aide la Rancune lui sugg re enfin un nom mademoiselle de l toile Ragotin qui avait moins d amour que de vice RC 93 se laisse bercer par cette fantaisie s il eut nomm Ang lique ou sa m re la Caverne qu il e t oubli le busc de l une et l ge de l autre et se serait donn corps et me celle que la Rancune lui aurait nomm e tant le bouquin avait la conscience troubl e RC 93 Bouquin Ragotin une fois encore est raval au r gne animal Quelque temps plus tard la Rancune enrichit de nouveau l isotopie animali re mademoiselle de l toile est une Tigresse et son fr re Destin un Lion RC 93 Dans cette dynamique animali re un bouquin aimant une 8 GIRIBONE Jean Luc Le Rire trange Bergson avec Freud Paris Sandre coll Biblioth que de philosophie contemporaine 2008 p 12 38 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 4 76 tigresse le jeu de s duction que mettra en uvre Ragotin a tout d une chasse absurde d
114. a connu plusieurs r critures apocryphes L inach vement suppose a priori de telles sp culations cr atrices auxquelles s adonnent sans vergogne ces r crivains opportunistes tyrannis s par l id e de cl ture et cherchant se couvrir d une gloire usag e L inach vement serait m me un crit re de premier plan pour l mergence d une litt rature au second degr c est par son statut 9 DIONNE Ugo Le paradoxe d Hercule ou comment le roman vient aux antiromanciers tudes fran aises De l usage des vieux romans vol 42 n 1 p 165 450 GUARDIA Jean de Po tique de Moli re com die et r p tition op cit p 490 ST HERMAN Jan Bonne fin mauvaise fin le d nouement comme lieu pol mique l ge classique Th l me Revisita Complutense de Estudios Franceses n 24 2009 p 97 107 103 d uvre ouverte que l histoire comique se pr sente au lecteur ne serait ce que par la polyphonie qui se d gage du choix de certains nonciateurs et des effets li s au pastiche et la parodie Mort en 1660 Scarron laisse son roman sans h ritage la troisi me partie qu il avait d j annonc e et pour laquelle il prit privil ge peu avant sa mort tant rest e jamais dans l imagination du d funt Cet tat partiel du texte incompl tude corrobor e au moins minimalement par les fils d attente que m nage Scarron dans son roman a t corrig par deu
115. able de d gager quelques unes des tendances majeures qui traversent les travaux des principaux penseurs du rire Au moins trois p les dominent la n buleuse comique le risible le rieur et le lien comique rire Malgr ces figures facilement identifiables mais qui g n rent souvent des relations disharmonieuses le comique pr sente n anmoins des contours opaques parfois ind codables comme le beau le vrai le bien et aussi le sacr avec lesquels il est en troit rapport le comique ne se pose pas en termes de r solution et de solution mais en termes d approximations successives d interpr tations relatives et provisoires Observons maintenant quelques unes de ces tentatives de d sambig isation du gt X r kay PORS 152 ph nom ne comique en consid rant cinq grandes d finitions qui nous suivront de pr s ou de loin durant tout notre travail 1 celle d sormais c l bre de Bergson ce qu il y a de risible c est une certaine raideur de m canique l o l on voudrait trouver de la souplesse attentive et la vivante flexibilit d une personne 2 celle psychanalytique de Freud r sum e sch matiquement par Jean Guillaumin le comique entendu au sens large et sous toutes ses formes consiste dans une pargne psychique soudaine qui aboutit la d charge par le moyen du 54 3 celle distanci e de Jean melina est comique ce que je rire de l
116. aire certains pr suppos s galants et courtois La tonalit diff re galement la distinction du style tant plus appr ciable plus rigoureusement travaill e dans les r cits ins r s qu ailleurs Existe t il toutefois des rapports explicites entre un niveau et l autre La table des chapitres plac e au seuil de l uvre invite penser le contraire Absente de la plupart des ditions modernes omission que l excellente dition de Claudine N delec corrige fort heureusement cette table en plus de souligner l aspect don quichottesque du texte montre avant la lecture la pr sence de composantes quasi d tachables dont les titres le terme histoire qualifie notamment quatre des cinq r cits ins r s de la premi re partie sous entendent d j un d calage Par un effet de brouillage tudi Scarron met ironiquement en pr sence des esp ces romanesques voisines mais conventionnellement hostiles La longueur r duite des chapitres du Roman comique infl chit aussi l ensemble du roman vers un r gime du bref et du fragment en termes d histoire comique outre la parcellaire Premi re journ e de Th ophile de Viau parue en 1623 seul Le Page disgraci publi en 1643 s articule selon un api age semblable La Fontaine et Champmesl qui ont adapt Le Roman comique au th tre avaient aussi suivi cette voie d un Ragotin tout puissant et m ritant le plus d attention ce que confirme d j le titre l
117. aison h sitante mais fondatrice de la mise en d route du roman et qui survient dans un chapitre ouvertement clownesque la raideur romanesque de livres comme le Cyrus colossal et labyrinthique est oppos e la souplesse galopante et impr visible des chevaux de la cr ation Travestie l image du cheval qui participe d un r seau figuratif consacr voquant la gr ce la noblesse et la grandeur est utilis e tr s acad miquement en m me temps qu elle est raill e Ce r investissement burlesque du topos du cheval indique un arrimage entre le th matique et le formel ou autrement dit entre la microstructure et la macrostructure du roman Le cheval symbolise la narration et r gente son mouvement convulsif Les chevaux fous de l incipit s amusent et se d lassent tourdie la narration fonctionnant par digressions successives adoptera un modus operandi semblable plus soucieuse de divertir que d offrir des mod les imitables 3 et de la La mise en parall le du char du soleil conduit par des chevaux d faillants grotesque charrette des com diens tir e par une jument qui allaite son poulain met en relief le passage progressif d une repr sentation all gorique au r alisme comique de la di g se La grandeur pique du cheval affronte l extravagance du poulain le poulain allait et venait 3 DE Vos Wim D faillances de chevaux et crises narratives motifs m tanarratifs dans le Romant comique de Scar
118. ait juch e comme une poule au haut de leur bagage la Caverne Ce nom bizarre fit rire quelques uns de la compagnie sur quoi le jeune Com dien ajouta que le nom de Caverne ne devait pas sembler plus tranger des hommes d esprit que ceux de la Montagne la Vall e la Rose ou l pine RC 51 Ce premier rire est programmatique plus d un gard Il na t de l ignorance voire de la condescendance d un certain nombre de petits bourgeois sans doute les moins sagaces du groupe qui m connaissent tout fait l esprit des noms de sc ne que les com diens de province se donnent De l ignorance d abord puisqu il s agit bien du bizarre du nom de la Caverne qui surprend tonne et stup fait Cette bizarrerie se comprend d une part comme une franget langagi re le nom fait rire et une difformit sociale d autre part la condition de com dien appelle le risible L abb Batteux dans Les Beaux Arts r duits un m me principe pr cise que toute difformit par cela m me qu elle est hors des formes ordinaires attire l attention Celle qui n est que risible nous fait rire avec une sorte de m pris pour la personne difforme c est le plaisir de la marginalit et avec une sorte d estime r fl chie c est pour nous le plaisir de 8 Entre autres la mort sera troitement associ e au rire dans l pisode du corps mort et de la terreur panique de Ragotin RC II 7 218
119. aller retour Le lecteur mal vole se montrera fid le l esprit plut t 7 1 devient int ressant de remarquer que le discours de Destin est impr gn d une rh torique romanesque dont Scarron se moque peut tre Si on rit ouvertement de Ragotin peut tre Scarron voulait il qu on rie aussi de Destin Personne n chappe la foudre du burlesque aucun mod le substitut n est v ritablement propos Au contraire le burlesque implique plut t un d chiffrement et un scepticisme inali nables 126 qu la lettre du texte afin de ne pas tomber dans le panneau d une lecture a priori des diff rents genres qui s y r v lent IIT Les travestissements dans Le juge de sa propre cause La troisi me nouvelle Le juge de sa propre cause sise au chapitre II 14 RC 247 est pr c d e d un chapitre d pourvu d artifices comiques En effet le r cit cadre devient la fois plus grave dans ses p rip ties et plus brutal dans ses bouffonneries Cette mutation marqu e vers l exc s est peut tre autant imputable la distance temporelle qui s pare la premi re livraison de la seconde supposant d incontournables remaniements du projet initial qu une r flexion in situ sur les potentialit s du roman aucunement soumis des lois imparables de constance et d unit Le chapitre II 13 RC 244 servant d appui la nouvelle pr sente deux nouveaut s Aucune m talepse introductive n inte
120. ance critique et d humour La r it ration de ses disgr ces montre bien que le personnage ne tire aucune le on de ses nombreux faux pas C est en usant du st r otype burlesque et en surd terminant sa laideur et son caract re grotesque que s installe la satire sociale 2 Radiographies du corps comique Allen Wood induit de la structure narrative du Roman comique un principe de fonctionnement pour le moins tonnant there is an inversion in the metonymic link between cause and effect so that an event is shown first following the general technique of presenting material in medias res and only later do we learn the cause or true nature of an action Cette particularit du r cit c est dire l inversion m tonymique de la relation cause effet est particuli rement nette dans les passages les plus romanesques du texte scarronien Ce ph nom ne l gitime entre autres la pr sence des r cits autobiographiques des personnages Il permet aussi la cr ation continue de suspense puisque le lecteur conna t la fin avant les moyens l effet avant la cause le drame avant l l ment d clencheur Ce principe s il s applique aux pisodes tonalit tragique ou s rieuse les intrigues les plus proprement romanesques n est pas op rant en ce qui concerne les sayn tes comiques o le rire lorsqu il clate est entendu directement apr s qu un v nement lait d clench Sans doute le couple tragique c
121. ancune Ayant bu jusqu plus soif Ragotin lorsqu il d couvre le corps immobile se mit crier de toute sa force RC 219 Croyant son pauvre ami cet entremetteur hypocrite parti brusquement les pieds devant il alerte bient t toute l h tellerie par des cris abominables et terrifiants Tous se ruent bient t la rencontre de l hyst rique y compris la Rancune qui se promenait dans la chambre en homme qui se porte bien quoique cela soit assez difficile apr s une mort subite RC 219 S imaginant un fant me Ragotin fit un grand cri devint p le comme un mort RC 220 et s enfuit promptement dans le jardin tremblant de peur plus que de froid RC 220 Devant autant de fantastique les r actions se divisent L Olive cependant riait comme un fol RC 220 la Rancune demeurait froid sans parler RC 220 tandis que les autres demeurent interloqu s L andre court rejoindre l exalt pr s des buissons quand se pr sente la Rancune Ragotin prend successivement L andre le Destin et la Rancune pour des fant mes revenus le hanter Fanatique prisonnier des ronces Ragotin perd nouveau l usage de la parole La Rancune prend alors Ragotin partie il l appela cent fois fol et lui dit qu il le fallait encha ner RC 220 avant de lui donner une claque sur la peau nue pour lui 4 Ibid p 93 5 LAGARDE Fran ois op cit p 671 16 FROIDEFON
122. anesque servira d abord mieux circonscrire des ph nom nes narratologiques et structurels souvent peu tudi s Peut tre pourrions nous m me esp rer produire une po tique globale du Roman comique redessin e par la notion du comique 2 Scarron vu en coupe Trajectoires critiques Scarron adore raconter d biter des histoires pour faire rire Pourtant si la critique scarronienne tient volontiers Le Roman comique pour un roman rire elle s est en retour assez peu occup e de cette dimension au sein du texte La relative raret d tudes y renvoyant explicitement s explique peut tre par la pr sence de deux courants critiques concurrents qui ont monopolis les axes de la recherche La critique positiviste du XIXe si cle y a vu un livre sans grande valeur litt raire En r ponse les commentateurs contemporains qui accordent la dominante au texte et sa structure disloqu e se sont donn le mandat de r habiliter un roman longtemps d valoris Sauf quelques efforts r cents le rire dans Le Roman comique s est compris comme ce qui appartient la cat gorie du plaisant du r cr atif ce qui est destin amuser ou On voque presque toujours la triade Sorel Scarron Fureti re sans cependant noter les particularit s de chacun et leur dissemblance po tique et id ologique fonci re De fait un roman comique standard assemblage in gal des uvres du trio devenu canonique a t con
123. aque individu poss de une inclination plus ou moins aigu au rire que le cadre spatio temporel ainsi que les rires d autrui sont d terminants dans le succ s du comique au contraire du cur qui envisage son propre rire comme universel De la part de com diennes plus vuln rables aux mouvements de l me cette description contrast e du ph nom ne du rire ne surprend gu re Aussi le narrateur avait il d j accus la sensibilit quasi infectieuse des com diennes la Caverne et sa fille tr s pitoyables de leur naturel s afflig rent par complaisance ou par contagion et je crois m me qu elles en pleur rent RC 97 La Caverne et Ang lique la suite de l toile qui ne p t s emp cher de r pandre quelques larmes RC 97 apr s avoir pris connaissance 242 des fort mauvaises nouvelles que lui rapportait le Destin se mettent aussi pleurer non pas parce qu elles prouvent elles m mes quelque profond et lancinant chagrin mais bien par 0 BERGSON Henri op cit p 9 241 MOLI RE uvres compl tes Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1995 vol 1 p 1174 242 Le Destin apprend l toile qu il croit avoir vu Tours leur ancien pers cuteur Saldagne Il se cachait le visage dans une foule et c est ainsi que le Destin s est mis un empl tre sur le visage Le Destin raconte ensuite l aventure des brancards Le Destin dit l toile qu ils pour
124. atibles s rieux comique qui sont le fondement m me de toute histoire comique Le comique de Scarron ainsi distribu en couples antith tiques en est un des limites social culturel pour l clatement physiologique pour la mort et moral logique pour la folie Arrim e des enjeux aussi s rieux aussi divers qu existentiels nul ne peut plus tre insensible la puissance et au syst matisme de la r flexion de Scarron sur le ph nom ne du rire qui n a de pendant au XVIIe si cle que la pens e m tath trale de Moli re Ces lisi res du rire scarronien voluent dans un dispositif hybride et innovant tout entier vou la r it ration de sc narios types de figures folkloriques et d intrigues r utilis es qu on rencontre dans la plupart des textes vis e comique de l poque Pourquoi alors accorder Scarron ce m rite qu on retrouverait peut tre identiquement chez d autres auteurs Parce qu il accompagne sa mise en sc ne des rires de ce que nous pourrions appeler un guide raisonn du comique Certes les auteurs comiques de sur un mode s rieux Augustinet enrag de tant d argent perdu et peu ma tre de son premier mouvement frappa le matelot qui avait si mal li les coffres d un furieux coup de poing Le matelot lui en donna un encore plus furieux et qui le fit choir dans la mer Il se prit rien et ainsi accompagna son cher Augustinet qui malgr lui accompagna Dom Marcos
125. ation de contage des r cits ench ss s pierre de touche de l esth tique scarronienne qui ouvre la voie aux multiples romanesques Scarron double l intercalation de la nouvelle et du r cit dans le roman de l insertion contradictoire de l antiromanesque dans le romanesque La m taphore spatiale le r cit cadre d crit par d finition un cadre une zone narrative aux limites connues et souvent infranchissables qui accompagne les rapports entre l englob et l englobant appelle d elle m me une r flexion sur les territoires potentiels du r cit de ses fronti res mais surtout de ses carrefours et de ses impasses A G ographies burlesques Les novelas la marge La diversit des modes d insertion des nouvelles traduites de l espagnol commande presque naturellement une lecture en s rie qui permet en plus de cerner les modulations de l esp ce romanesque dont elles proc dent de rendre sensible la rupture qu orchestrent l h t rog ne et l informe 120 T L Histoire de l Amante Invisible Entre ostentation et dissimulation La premi re nouvelle intercal e l Histoire de l Amante Invisible appara t apr s une s quence de huit courts chapitres tous d di s aux aventures de la troupe de com diens Elle signale d j une incursion du romanesque dans un r gime di g tique sinon r aliste au moins picaresque et qui cr e par sa seule pr sence un effet de contraste et de discordance Tou
126. atuit et d veloppement ludique dans les com dies de Scarron et Moli re Litt ratures classiques vol 27 1996 p 283 32 Ibid p 289 324 Outre les travaux d j cit s il convient de sp cifier que Ragotin figure cardinale du Roman comique a suscit tant de commentaires qu il semblerait peut tre superf tatoire d y ajouter maintenant notre voix Or si les commentaires abondent bel et bien ils demeurent bien souvent rapides et superficiels en ce sens qu on r duit Ragotin la seule figure du double invers de Destin sans nuance ou modulation 325 DEJEAN Joan op cit p 78 32 ROUSSET Jean Insertions et interventions le Roman comique Narcisse romancier essai sur la premi re personne dans le roman op cit p 73 7 DEJEAN Joan op cit p 39 328 GRUFFAT Sabine op cit p 116 71 whom Scarron depends the most for his comic effects Cantonn ce r le de double et de miroir d formant il ne peut gu re s arracher aux interpr tations monolithiques Or Ragotin ne rencontre qu assez peu souvent le Destin dans le roman aucun t te t te digne de ce nom que des sc nes collectives o leur interaction demeure somme toute mineure alors qu il trouve en la Rancune un compagnon constant mais qu il croit erron ment fraternel Ce contact privil gi avec la Rancune tire Ragotin vers l animalier et l enfantin ce que le texte du Roman comique se chargera de confirmer et
127. aux se retrouvent un total de soixante deux fois dans le roman Nous reviendrons plus loin sur la signification de ce partage asym trique et l ambivalence qu il soul ve Note Les donn es ont t pr lev es partir du site suivant http artfl project uchicago edu content artfl frantext 5 Antoine Adam souligne avec justesse que si le Roman comique est par certains aspects une uvre romanesque il offre un autre caract re encore qui ach ve de le d finir Il est un roman divertissant Il veut de propos d lib r nous faire rire par les proc d s du burlesque SCARRON Paul Le Romant comique d Antoine Adam dans Romanciers du XVIIe si cle Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1962 1651 57 p 39 Jean Serroy affirme galement en pr face de son dition de poche du Roman comique qu il s agit d abord d un roman rire et m me un roman fait pour rire du roman SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit p 29 Cette opinion g n ralement admise chez la plupart des sp cialistes fait office de lieu commun plus que d une id e d fendue analys e et d battue Les articles traitant du rire scarronien plus obliquement que directement 24 dans des aventures catastrophiques et extravagantes semble cependant monopoliser la plus grande partie de l attention critique plus ou moins myope au reste du r cit et ses possibilit s comiqu
128. bivalence de la figure de Scarron trop rapidement plac e sous la vignette d un burlesque na f et pratiquement ang lique Peut tre aurions nous tort de perp tuer nous aussi ce lieu commun de la critique qui veut que Scarron ait t plus ludique que d sapprobateur plus railleur que libertin Car bien des gards Scarron souscrit aux crit res d intelligence critique et d individualit qui cadastrent le large ph nom ne du libertinage au XVIIe si cle Et si l on s en tient l Encyclop die le burlesque serait m me un libertinage de l imagination Comme le libertinage impose de prendre le risque de l interpr tation et du 217 d chiffrement de l implicite par le biais de strat gies d criture fond es sur la dissimulation et le secret le burlesque agit semblablement en refusant les raisons claires et distinctes l univocit de la pens e et de l criture il pr f re le doute aux certitudes tablies l enqu te ouverte et l exp rimentation de tous les possibles la confiance en une V rit donn e d avance en ce sens il y a bien un lien entre burlesque et esprit d examen Et si le rire signifiait plus qu une d risoire inclination la bonne humeur Que cache t il que r v le t 1l sur les hommes la litt rature le monde C La po tique du rire Cette mise en place terminologique lexicographique et historique sur le comique le burlesque et
129. c ne un grand Page RC 202 qui joue un petit r le dans une tragi com die de Robert Garnier Roger et Bradamante et qui incapable de retenir les deux seuls vers de son r le d daignable en remplace l original Monsieur rentrons dedans je crains que vous tombiez Vous n tes pas trop bien assur sur vos pieds par une version de son cru Monsieur rentrons dedans je crains que vous tombiez Vous n tes pas trop bien assur sur vos jambes RC 203 Le d faut de m moire du page qui confond pieds et jambes sans se soucier de la rime fait rire l assistance Dans son r cit qu elle transmet l toile la Caverne essaime ses descriptions du mot rire insistant avec obstination et emphase sur le fait que les personnes pr sentes riaient de la m saventure du page de bon c ur et longtemps Elle d taille avec une minutie de romancier la bonne humeur tapageuse de chacun je vous assure qu elle fit bien rire toute la compagnie et que j en ai bien ri depuis soit qu il y e t v ritablement de quoi en 2 Ce combat est symptomatique d un enjeu qui traverse le texte scarronien les combats poings nus abondent et ponctuent tout le roman Les trois premiers chapitres de la premi re partie se soldent en effet par de pareilles bagarres Comme nous le verrons dans le troisi me chapitre les combats coups de poing renvoient des enjeux d ordre identitaire D une part les q
130. cause la fictionalit inh rente au r gime romanesque Sans refaire l exhaustif travail de Dagmar Pichov sur l intimit des rapports ironiques qui s expriment dans le Don Quichotte de Cervant s et Le Roman comique de Scarron notons au moins que le mod le de la communication ironique qu il sugg re pr sente plusieurs points de similitude avec le ph nom ne du comique en litt rature tel que nous l avons balis depuis le d but de cette tude Trois p les se rencontrent syst matiquement sous des formes cependant diffract es le narrateur le personnage l ironiste le sujet l objet du rire l ironis et le lecteur 556 JANK L VITCH Vladimir op cit p 17 5 Voir le chapitre 1 Rire ou ne pas rire Cf p 24 58 T s agit cependant de ce que tente parfois maladroitement de d montrer Lester S Koritz dans un ouvrage qui recense les cibles satiriques de Scarron KORITZ Lester S op cit Bien que nous ne niions d aucune fa on cette inclination satirique nous croyons cependant que l chelle du Roman comique cette satire n est pas aussi effective qu ailleurs dans son uvre particuli rement dans sa po sie et son th tre 55 PICHOV Dagmar La communication ironique dans Le Roman comique de Scarron L tude comparatiste avec Don Quichotte de Cervant s dir Francis Claudon et Petr Kylou ek Th se de doctorat Universit Paris XII Val de Marne Universit
131. chera e l illusione 2007 982 p 21 Notamment SCARRON Paul Les nouvelles tragi comiques Paris Nizet coll Soci t des textes fran ais modernes 1986 371 p 22 SCARRON Paul Un vent de fronde s est lev ce matin Po sies diverses attribu es Paul Scarron 1610 1660 Paris Honor Champion coll Sources classiques 2012 152 p aeternam les m mes lieux communs qui rendent l interpr tation st rile La sp cificit et l originalit du Roman comique Ss tiolent d ailleurs beaucoup lorsqu il est g n riquement cat goris comme histoire comique terme suffisant et autot lique qui invalide l avance toute analyse de d tail aux c t s de nombreux autres romanciers quivalents et interchangeables l envi De plus le biographisme enfl et souvent parasitaire dont Scarron a t la victime a longtemps cantonn son uvre au rayon d gayante curiosit sans le moindre relief esth tique En prenant la question du rire litt raire comme horizon de lecture nous nous proposons maintenant de rendre compte des principaux langages qui ont anim l uvre scarronienne de sa premi re r ception jusqu aux plus r cents efforts de la critique contemporaine La d marche derri re ce travail consiste introduire le rire comme l ment manquant dans la po tique scarronienne pour lui donner souhaitons le un nouveau visage et une nouvelle port e Ce prisme de lecture qu est le rire rom
132. cheval ayant lev la t te pour une furieuse saccade que l imprudent lui donna mais pensant r parer sa faute il lui rendit la bride Le m chant cuyer resserra les jambes et le cheval releva le cul encore plus fort et alors le malheureux se trouva le pommeau entre les fesses RC 159 Ainsi m me si la sc ne invite au plaisant aucune personne pr sente ne s avise pourtant de s esclaffer Et foule il y a tout cela se passa la vue des carrosses qui s taient arr t s pour le Ragotin secourir ou plut t pour en avoir le plaisir RC 160 Mais contrairement son habitude Ragotin n avait fait rire personne cause de la peur qu on avait eue qu il ne se bless t RC 160 Or quelques instants apr s l infortune de l avocat le po te Roquebrune subit un sort analogue en tentant lui aussi de monter ce malencontreux animal RC 160 Nous retrouvons l un ph nom ne d sormais familier au lecteur du Roman comique la dramaturgie de 386 LAGARDE Fran ois op cit p 674 87 RIOU Daniel op cit p 215 86 la r p tition Les proc d s qui r ussissent une fois appellent ipso facto leur reprise Apr s la frousse qu a cr le d sastre de Ragotin on tire la s quence du c t du grotesque du bas corporel le cheval l emporta Roquebrune quelque temps un pied dans l trier l autre servant de cinqui me jambe au cheval et les parties de derri re du Citoyen
133. comique de r p tition devient il le proc d par excellence dans Le Roman comique mais encore contribue t il au brouillage des fronti res g n riques annonc par le titre et la r flexion que m ne l auteur sur les possibilit s de l criture romanesque Traditionnellement et Gruffat n y d roge pas le comique est tout de suite et presque exclusivement associ au personnage de Ragotin Ainsi Jolene Vos Camy qui emprunte le chemin trac par N v na Dikranian distingue t elle les traits burlesque et romanesque qui fa onnent le couple antith tique de Ragotin Destin le premier tant une caricature grossi re du second Dominique Froidefond s int resse quant elle au traitement de Ragotin et son volution entre la premi re et la deuxi me partie du Roman comique et y d c le une amplification violente des proc d s comiques qui m ne sa r ification irr sistible il devient b tement une pure m canique Gruffat reprend son compte ces r flexions sur le personnage de Ragotin la raideur paroxystique et affirme qu il permet Scarron d attirer l attention sur tous les caract res susceptibles de se figer de se reproduire sans jamais se RIOU Daniel La violence comme disgr ce et comme preuve dans Le Roman comique de Paul Scarron dans Martine Debaisieux et Gabrielle Verdier ds Violence et fiction jusqu la R volution T bingen Gunter
134. contraire de la plupart des textes contemporains de Scarron 317 GUARDIA Jean de Po tique de Moli re com die et r p tition Gen ve Droz coll Histoire des id es et critique litt raire 2007 p 55 F8 Thid p 71 319 Nous verrons plus tard que Ragotin est un personnage essentiellement r p titif et que son efficacit comique d coule pr cis ment de ce caract re machinal 320 GUARDIA Jean de Po tique de Moli re com die et r p tition op cit p 367 1 Du moins le dispositif th tral est il exploit dans les pisodes les plus proprement farcesques c est dire les aventures du r cit cadre Dans une moindre mesure les nouvelles espagnoles et les r cits analeptiques des personnages y participent aussi L usage de la th tralit chez Scarron sert un objectif pr d termin l efficacit 70 Malgr tout cela la sc ne du pot de chambre n a nul cho dans le reste du roman et n affecte en rien l intrigue aucun rire ne l accompagne aucune bagarre attendue en pareil d sagr ment n clate entre le trompeur le marchand et le tromp la Rancune Comme d autres auteurs comiques et romanciers du XVIIe si cle Scarron ne peut r sister souvent crire une sc ne amusante m me si elle est parfaitement gratuite et ne fait pas avancer l action Cet univers de fantaisie ludique soumis la gratuit d pisodes comiques sans lien apparent avec l action pr
135. ctacle lecteur voit plus qu il ne lit Voil sans doute la raison d terminante pour laquelle Scarron a autant fait usage du dispositif th tral dans Le Roman comique compos selon une logique de l efficace comique 22 BERGSON Henri op cit p 17 263 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 22 264 Et le cur et la Caverne souhaitaient ardemment le rire d autrui l avaient pens et voulu l annon ant en grande pompe avant m me d avoir racont leurs histoires respectives Ils affichaient ouvertement leur intention de produire le comique d o leur ratage 265 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 24 266 TADI Jean Yves dir La litt rature fran aise dynamique amp histoire Tome 1 Paris Gallimard coll Folio Essais 2007 p 387 7 Ibid 54 3 La po tique de la com die Le caract re intrins quement th tral du Roman comique n est plus gu re d montrer D s le titre s affiche un parti pris dramaturgique manifeste L histoire qui sera racont e au long du roman concerne bien les membres d une troupe de th tre leurs amours leur mode de vie pittoresque et leurs tribulations r p titives m me biscornues Outre la pr sence active de com diens et de personnages discutant de litt rature et de ses codes l intertexte th tral y est aussi prodigieusement f cond Pas moins d une demi douzaine de pi ces sont voqu es par le na
136. d un texte que de 465 Le genre comique se trouvait tiraill comme nous l avons rappel lors de notre premier chapitre entre les gaiet s all gres de la vis comica et les pres duret s de l oratio morata Cf p 24 466 MAINGUENEAU Dominique Le discours litt raire paratopie et sc ne d nonciation Paris ditions Armand Collin coll U Lettres 2004 262 p p 2 9 BARONI Rapha l Genres litt raires et orientation de la lecture Po tique 2003 n 134 p 141 157 BARONI Rapha l et Marielle MAC dir Le Savoir des genres Rennes Presses Universitaires de Rennes coll La Licorne 2007 380 p 8 Entre autres ADAM Jean Michel Les textes types et prototypes Paris Nathan coll Cursus 2004 223 p ADAM Jean Michel Linguistique textuelle introduction l analyse textuelle des discours Paris Nathan coll Cursus 2005 234 p 46 SCHAEFFER Jean Marie Qu est ce qu un genre litt raire Paris ditions du Seuil coll Po tique 1989 184 p 0 Jauss Hans Robert Litt rature m di vale et th orie des genres dans G rard Genette et als Th orie des genres Paris ditions du Seuil coll Points essais 1986 p 42 471 ISER Wolfgang L acte de lecture th orie de l effet esth tique Bruxeles P Mardaga coll Philosophie et langage 1985 405 p ECO Umberto Lector in fabula Le r le du lecteur Paris Le Livre de Poche coll B
137. d coll Folio Essais 1992 1905 442 p GAUTHIER Patricia R p ter pour d niaiser Figures de la r p tition et comique chez Cyrano de Bergerac tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 101 113 GIRIBONE Jean Luc Le Rire trange Bergson avec Freud Paris Sandre coll Biblioth que de philosophie contemporaine 2008 60 p 159 GRANDE Nathalie Le rire galant usages du comique dans les fictions narratives de la seconde moiti du XVIIe si cle Paris Honor Champion coll Lumi re classique 2011 332 p GUARDIA Jean de Po tique de Moli re com die et r p tition Gen ve Droz coll Histoire des id es et critique litt raire 2007 520 p Les trois grincements de la machine Moli re Bergson retour critique tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 13 26 GUILLAUMIN Jean Freud entre deux topiques le comique apr s L humour 1927 Une uvre inachev e Revue fran aise de psychanalyse vol 37 n 4 1973 p 607 654 HIPPOCRATE Sur le rire et la folie trad Yves Hersant Paris Rivages coll Petite biblioth que 1989 128 p HOBBES Thomas De la nature humaine ou exposition des facult s Arles Actes Sud coll Babel Les philosophiques 1997 1650 150 p JANK L VITCH Vladimir L ironie Paris Flammarion coll Nouvelle biblioth que scientifique 1964 199 p JOUBERT Laurent Trait du ris suivi d un
138. d sur les bases de pr jug s moraux et id ologiques impropres l objectivit de l historien ou du litt raire Licences des m urs et licences de l esprit sont pourtant convoqu es dans les textes libertins dans l indiff rence d une hi rarchie morale les s parant La d finition a minima du libertinage suit deux orientations majeures Ou bien il caract rise un positionnement intellectuel d lib r ment critique l gard de la religion ses principes fondamentaux ses dogmes ses croyances ses cultes ou son clerg ou bien il d signe des comportements et des m urs bas s sur la recherche du plaisir Il est vrai que les combats des libertins sont nombreux mais concernent presque toujours l acc s une libert plus grande et la contestation violente de l ordre tabli Dans cette perspective mettre en bo te le fait libertin rel ve de la gageure La diversit du libertinage est telle que les classements apparaissent ou trop l ches ou trop stricts Le libertinage est philosophique pour les uns ou d prav pour les autres mais rarement les deux la fois Si les d finitions trop pointues sont embarrassantes celle qu offre Jacques Pr vost a la qualit de circonscrire deux lignes de force qui traversent l ge libertin le libertin est une intelligence critique appuy e sur le sentiment gt Cette individualit critique se manifeste de fa on parfaitement aigu de son individualit
139. d une rencontre une relation une tension 142 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus Paris ditions du Seuil coll Lettres M mo 1996 p 7 143 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 13 14 14 Essentiellement les tudes qui ont suivi le pas de la philosophie de Bergson qui s il a bien voqu qu il serait chim rique de vouloir tirer tous les effets comiques d une formule simple a aussi statu qu une formule existe bien BERGSON Henri op cit p 28 145 Notre ambition n tant pas de proposer une th orie du rire mais bien d en analyser certains effets litt raires il nous semble plus opportun de travailler le ph nom ne comique dans son ensemble en nous montrant sensible la multiplicit de ses manifestations 6 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 13 14 147 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 17 277 A Les d finitions du comique ric Smadja recense quatre grandes cat gories de th ories sur le rire celle du sentiment de sup riorit et de d gradation de l objet risible les th ories intellectualistes du contraste et de l incongruit la th orie psychophysiologique et la th orie de Bergson Or s il s av re difficultueux de proposer une d finition du comique qui permettrait de saisir la fois sa complexit et son flottement il appara t plus profit
140. dialogue sur la cacographie fran aise 1579 Gen ve Slatkine Reprints 1973 407 p LECLERC Jean L Antiquit travestie et la vogue du burlesque en France 1643 1661 Qu bec Presses de l Universit Laval coll La R publique des lettres 2008 362 p MAURON Charles Psychocritique du genre comique Aristophane Plaute T rence Moli re Paris Jos Corti 1985 188 p M NAGER Daniel La Renaissance et le rire Paris Presses Universitaires de France coll Perspectives litt raires 1995 240 p MINOIS Georges Histoire du rire et de la d rision Paris Fayard 2000 637 p 160 N DELEC Claudine Les tats et Empires du burlesque Paris Honor Champion coll Lumi re classique 2004 506 p Le burlesque au Grand Si cle une esth tique marginale Dix septi me si cle 2004 vol 3 n 224 p 429 443 Burlesque et interpr tation Les Dossiers du Grihl En ligne Les dossiers de Claudine N d lec Le XVIIe si cle mis en ligne le 14 novembre 2007 consult le 4 mai 2012 URL http dossiersgrihl revues org 329 Pour une histoire de la cat gorie burlesque Les Dossiers du Grihl En ligne Les dossiers de Claudine N d lec Le XVIIe si cle mis en ligne le 14 novembre 2007 consult le 9 mai 2012 URL http dossiersgrihl revues org 331 L invention du burlesque de Marc Fumaroli Boileau aller et retour Les Cahiers du Centre d
141. dit moins branl par la mort de Thysb qu effray du lion RC 90 dans la c l bre trag die de Th ophile de Viau C est que l apprenti com dien croit que l on doit juger les choses par l effet qu elles font dans l esprit RC 90 Il pose peut tre sans le savoir l enjeu le plus essentiel de l esth tique th trale de la Po tique d Aristote jusqu aux th ories dominantes de l poque sur la trag die par quel moyen faut il cr er la piti et la crainte Le petit avocat s meut plus de l effet pragmatique du spectacle qu il n est sensible la catharsis psychologiquement provoqu e par les discours N est ce pas pr cis ment ce que cherche produire implicitement Scarron dans son roman Si l on en croit Michel Fournier Scarron labore une nouvelle r ponse au probl me pos par la rencontre des cultures ou plut t par l h t rog n it qui marque la culture de l poque qui consiste d finir un espace symbolique au sein duquel peuvent prendre place dans le cadre d une culture commune des repr sentations appartenant diff rents registres Cet espace symbolique n de la rencontre des cultures est repr sent figurativement aux franges du texte par l entremise du comique Nous avons vu au premier chapitre que l incipit accueillait le premier rire du texte et qu il programmait d j par son instabilit irr ductible ses sens possibles Il n est pa
142. dre naturel et culturellement norm des choses Car comme le remarque Jank l vitch le comble du s rieux ce serait de vivre purement et simplement sans poser aucune question et d adh rer intimement l vidence de ses propres organes Cette question dangereuse l esth tique burlesque l a pos e et de la plus fulgurante mani re l ensemble de l institution litt raire dans un si cle obs d par la mise en ordre et la r gulation des passions Scarron se fait ainsi l indigne repr sentant d un rire dont l ambivalence demeure enti re et m me constitutive d une vision du monde proche d un scepticisme inali nable 561 Comme nous l avons constat durant cette tude aucune terminologie ne se fixe lorsqu il est question de qualifier Le Roman comique satirique comique burlesque dr le etc sont autant de termes utilis s par les commentateurs sans toujours bien les justifier 5 N D LEC Claudine Burlesque et interpr tation 44 op cit 563 JANK L VITCH Vladimir op cit p 20 144 3 Le comique pour le comique Si nous tenons volontiers le vaudevillesque Ragotin comme un personnage sacrifi au comique le plus brut il n est toutefois pas certain qu il soit tout fait incapable de moments d extr me sagesse Au chapitre I 10 RC 85 lors d une discussion sur l adaptation th trale de la nouvelle qu il a vol e dans un livre de contes Ragotin se
143. du Discours En ligne 3 2009 mis en ligne le 15 octobre 2009 consult le 22 juillet 2012 URL http aad revues org 672 168 JEANDILLOU Jean Fran ois Esth tique de la mystification Paris ditions de Minuit coll Propositions 1994 240 p LAFON Henri Espaces romanesques du XVIIIe si cle 1670 1820 de madame de Villedieu Nodier Paris Presses Universitaires de France coll Perspectives litt raires 1997 216 p LOPEZ Denis L animal au XVIIe si cle fond de tableau th ologique mythologique philosophique quelques points d ancrage dans MAZOUER Charles d L animal au XVIIe si cle T bingen Gunter Narr coll Biblio 17 2003 p 11 25 MOLI RE uvres compl tes Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1995 2 vol NASSIET Michel La France au XVIIe si cle Soci t politique cultures Paris Belin coll Histoire sup 2006 320 p PISTER Danielle d L image du pr tre dans la litt rature classique XVIle XVIIIe si cles Berne Francfort Peter Lang 2001 278 p RABELAIS Fran ois uvres compl tes d Mireille Huchon Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 2009 1802 p VOLTAIRE Le si cle de Louis XIV Paris Librairie g n rale fran aise coll Livre de poche Classiques 2005 1751 1213 p
144. du Parnasse fort expos es aux yeux des assistants ses chausses lui tant tomb es sur les jarrets RC 160 La d nudation involontaire de l affable po te qui tentait pitoyablement de galantiser la porti re o tait In zilla RC 160 contraste particuli rement avec ses ambitions amoureuses d mesur es La chute du po te signale un nouveau renversement D lev es les aspirations galantes du po te se concluent en v ritable catastrophe Comme Ragotin Roquebrune renvoie une certaine critique du p dantisme que Scarron pratique diversement dans son uvre Une de ses cibles de pr dilection s av re sans conteste la troupe des po tes rimailleurs beaux esprits et autres insectes du Parnasse Proc d s r p titifs humiliation physique et la d formation des corps et personnages m diocres se relaient pour d noncer d une seule voix cette cat gorie de po tes de circonstances Scarron prenant un instant le visage du moraliste m le habilement esth tique et thique Le comique corporel en effet est mis au service de la nouvelle id ologie de l honn tet Ces dr les de corps l un laid de nature Ragotin l autre tordu par sa m saventure Roquebrune faisant rire spontan ment ne sont pas sans parent avec la d formation des corps de ceux qui exp rimentent le rire le corps qui rit s apparente au corps qui fait rire Cette a
145. e Attachons nous encore un moment sur l erreur du page Si le rire exprime bel et bien une autorit morale intellectuelle qu il rel ve de la goguenardise ou de la punition s v re am ne t il n cessairement une forme de catharsis comique Le rire favorise t 1l vraiment la correction et l puration des vices des d fauts et des passions refoul es Dans la Lettre sur la com die de l Imposteur on associe volontiers le ridicule au m pris qu prouve le rieur le ridicule est donc la forme ext rieure et sensible que la providence de la nature a attach e tout ce qui est d raisonnable pour nous en faire apercevoir et nous obliger le fuir Or aucune op ration de cette nature ne s applique la sc ne qui nous retient Le rire marque seulement l humiliation De surcro t le bafouillage du page tremblant comme un criminel RC 203 est peut tre uniquement d sa nervosit certainement excusable de jouer devant un public Apr s tout 1l ne s agit pas d un com dien professionnel mais bien d un page qui joue un page Le rire qui s apparente plus un jugement tyrannique une sentence violente et sans appel qu une moquerie sans cons quence se charge alors d une agressivit punitive Cela tabli la r flexion de la Caverne et de l toile sur le rire appara t nettement moins tranchante que celle du cur Elle admet en effet certaines nuances par exemple que ch
146. e faire contre l h ritage romanesque mais bien l inventivit de faire autrement l oppos plus qu un d chiquetage en r gle des conventions romanesques le roman scarronien manifesterait une forme de libert cr atrice l imagination comique n est pas un pouvoir empirique et surajout la conscience c est la conscience tout enti re en tant qu elle r alise sa libert Mais n est ce pas d j faire de l uvre de Scarron plus qu elle ne l est v ritablement Le roman selon l option burlesque qu emprunte l auteur de Dom Japhet offre un espace non de libert mais de lib ralisation qui ne remet pas fondamentalement en cause les fondements du syst me hi rarchique tant dans l ordre de l esth tique que dans l ordre du social Il aide tant t supporter le syst me tant t le confirmer tant t le faire voluer Ce laboratoire jubilatoire mais restreint dans ses pouvoirs qu est l histoire comique permet 5I Pensons un moment la triade d sign e facticement par les anthologies et les manuels scolaires comme les auteurs les plus critiques et d risoires de leur poque Cervant s Don Quichotte Rabelais avec Gargantua et Pantagruel et Diderot Jacques le fataliste et son ma tre 52 DIONNE Ugo et Francis Gingras op cit p 6 553 SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit p 29 30 54 Jean Paul Sartre cit par ROCH
147. e irr guli re et boursouffl e une pens e sur le comique qui bouleverse les hi rarchies traditionnelles du champ litt raire dit classique Cette introduction se donne d abord pour t che de situer rapidement l uvre de Scarron et d en souligner la fois l ambivalence et l originalit Seront ensuite examin es les principales tudes sur Scarron et Le Roman comique dans un esprit plus synth tique qu exhaustif Au croisement de ces discours critiques parfois tranchants se dessinera notre propre ambition de travail faire du rire un l ment cl de l herm neutique scarronienne Enfin nous poserons notre fa on le probl me du comique et de son histoire afin de mieux circonscrire ses enjeux particuliers sous l Ancien R gime 10 VAILLANT Alain L histoire litt raire Paris Armand Colin coll U Lettres 2010 p 119 1 VOLTAIRE Le si cle de Louis XIV Paris Librairie g n rale fran aise coll Livre de poche Classiques 2005 1751 1213 p 1 STENDHAL Racine et Shakespeare 1818 1825 et autres textes de th orie romantique d Michel Crouzet Paris Honor Champion coll Textes de litt rature moderne et contemporaine 2006 550 p 5 Guron B atrice Un juste temp rament les tensions du classicisme fran ais dans Michel Pringent dir Histoire de la France litt raire Paris Presses Universitaires de France coll Quadrige Dicos Poche 2004 tome Il p 131
148. e ne savait que faire de ses extravagances de ses fantaisies de ses complexit s Partant les pr occupations ont radicalement SCARRON Paul Le Roman comique d Victor Fournel Paris P Jannet 1857 1651 1657 2 vol 41 CHARDON Henri Scarron inconnu et les types des personnages du Roman comique Gen ve Slatkine Reprints 1970 1876 2 vol 4 FOURNEL Victor La Litt rature ind pendante et les crivains oubli s essais de critique et d rudition sur le XVIIe si cle Gen ve Slatkine reprints 1968 1862 p 321 8 MORILLOT Paul Scarron et le genre burlesque Paris ditions H Lec ne et H Oudin 1888 p 398 Ibid 45 GAUTHIER Th ophile Les Grotesques Paris Fasquelle 1904 p 399 400 6 D D YAN Charles Le Roman comique de Scarron Paris SEDES 1983 p 1 41 SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 438 bifurqu Maintenant seul le texte prime Ainsi consid rant le Roman comique comme un roman structure et Scarron comme un romancier virtuose les analyses f condes et nombreuses se sont attach es parfois avec myopie isoler du texte certains enjeux phares les jugeant en vase clos sans les mettre en dialogue avec le syst me qu impose le roman D cloisonn de ses amarres autobiographiques Le Roman comique a depuis suscit de multiples regards Certains se sont m me hasard s lire Scarron avec un succ s tant t heu
149. e Recherches Historiques En ligne 28 29 mis en ligne le 22 novembre 2008 consult le 6 avril 2012 OLBRECHTS TYTECA Lucie Le comique du discours Bruxelles ditions de l Universit de Bruxelles coll Sociologie g n rale et philosophie sociale 1974 433 p PAGNOL Marcel Notes sur le rire Paris ditions du Fallois coll Fortunio 1990 251 p PERELMAN Chaim Pr face dans Lucie Olbrechts Tyteca Le comique du discours Bruxelles Editions de l Universit de Bruxelles coll Sociologie g n rale et philosophie sociale 1974 p 5 7 PETRIS Loris Rire ou pleurer L homme face au monde de Montaigne Rabelais L Information litt raire vol 58 n 2 2006 p 12 21 PR VOST Maxime Rictus romantiques Politiques du rire chez Victor Hugo Montr al Les Presses de l Universit de Montr al coll Socius 2002 384 p QUESNEL Colette Mourir de rire d apr s et avec Rabelais St Laurent Paris ditions Bellermin Vrin coll Cahiers d tudes m di vales 1991 134 p 161 ROCHE Bruno Le rire des libertins dans la premi re moiti du XVIIe si cle Paris Honor Champion coll Libre pens e et litt rature clandestine 2011 622 p SABBAH H l ne dir Rire pour quoi faire Paris Hatier coll Classiques amp cie 2011 192 p SCHNERB Claude Du rire Comique esprit humour Paris Imago 2003 126 p SMADIJA ric Le Rire
150. e a longtemps incarn dans l imaginaire lexicographique collectif le synonyme absolu et parfait de grotesque 33 notion recoupe des ph nom nes litt raires h t roclites et parfois antinomiques Sans refaire les travaux importants de Claudine N d lec et de Jean Leclerc il est pertinent au moins sch matiquement d interroger les d finitions et les usages du burlesque l poque de son invention Apparu en fran ais pour la premi re fois dans le Discours de l Imprimeur puis r introduit avec La Satyre m nip e en 1594 le terme bourlesque probablement emprunt l italien burlesco est utilis pour qualifier des textes comme comiques et railleurs voire 188 Mais ce bouffons et d signe plus g n ralement un jeu lettr pour des lettr s n ologisme italianisant entre en concurrence directe avec l espagnol burla attest e dans les langues romanes d s 1330 et qui signifie plaisanterie raillerie tromperie La double origine tymologique du burlesque l une ancienne et l autre moderne r v le la logique de r appropriation et d invention qui travaille la notion de l int rieur c est la fois un d riv de plus d un vieux mot fran ais et un mot nouveau l italienne une cr ation et un r veil du neuf avec du vieux D j dans son histoire lexicographique le terme burlesque est source de mystification et commande une int
151. e burlesquement irr guli re chez Scarron mais cette double n cessit indique dans un m me souffle un pillage d lib r des principes l mentaires de la com die qui donne l histoire comique sinon sa finalit thique du moins un bassin non n gligeable de ressources po tiques surtout celles relatives aux effets de r ception Et s il est juste de pr tendre que la com die a exerc une influence d terminante dans la pens e de Baudelaire et de Bergson sur le rire en g n ral il faut en plus ajouter que la com die influe de mani re d cisive sur le rire romanesque en particulier B L nergie farcesque Scarron dramaturge du roman Dramaturgique le texte de Scarron l est plusieurs titres Scarron n est pas uniquement le romancier des com diens itin rants mais il est aussi l un des plus prolifiques dramaturges de son si cle uvre dans laquelle se lit les volutions d une dramaturgie beaucoup plus consciente et travaill e qu on ne pourrait croire Jolene Vos Camy offre une d finition simple mais commode du terme dramaturgie dans son acception scarronienne The term dramaturgy here refers to those theatrical techniques necessary to the playwright who must juggle theatrical theory governing the writing with practical considerations of the play s structure This category includes the writing and structuring of dialogue the play s format in terms of acts and scenes
152. e chose rire Partant Ragotin est d shumanis Les comparaisons animali res se multiplient d ailleurs dans ce chapitre haut en couleur Ses cris sont compar s ceux d un pourceau qu on gorge RC 224 pour ensuite insister que le demi homme RC 224 s est encoffr dans une chausse trape RC 224 c est dire un pi ge animal qui le m tamorphose du coup en m chante petite b te Plus loin Scarron le compare un petit Ours nouveau n qui n a point encore t l ch par sa m re RC 283 D muni de toute libert d action Ragotin voque bien le pantin ficelles de Bergson devenant un jouet que le narrateur manipule comme une poup e qu on maltraite par ennui ou par malice innombrables sont les sc nes de com die o un personnage croit parler et agir librement o ce personnage conserve par cons quent l essentiel de la vie alors qu envisag d un certain c t il appara t 88 comme un simple jouet entre les mains d un autre qui s en amuse Le rire qu engendrent les disgr ces de Ragotin ouvre aussi la porte une interpr tation morale Le petit avocat repr sente une humanit m diocre qui reproduit sch matiquement et avec une certaine sottise des gestes et des attitudes m caniques Il permet aussi de signaler les d fauts qu il faut fuir Sa rigidit physique r fl chit son gocentrisme son impuissance voluer et son absence de dist
153. e de cet auteur le pr facier et diteur Charles Yves Cousin d Avallon surtout c l bre pour ses in narrables et innombrables anas fournit une d finition simplificatrice mais historiquement coriace de la notion de burlesque dont Scarron serait l inimitable inventeur Pour d Avallon le burlesque a pour fonction de d concerter la vanit humaine en pr sentant les plus grandes choses et les plus s rieuses d un c t ridicule et bas et en prouvant l opinion qu elle tient souvent des formes De ce contraste du grand au petit continuellement oppos s l un l autre na t pour les mes susceptibles de l impression du ridicule un mouvement de joie et de surprise si vif si soudain si rapide qu il arrive souvent l homme le plus m lancolique d en rire tout seul aux clats et c est quelquefois l homme du monde qui a le plus de sens et de go t mais qui la folie et la ga t du po te font oublier pour un moment le s rieux des biens ances Nous reconnaissons d j les traits les plus marquants de la d finition du burlesque commun ment admise dans le sens commun et reconnue par la plupart des dictionnaires contemporains Esp ce particuli re de comique le burlesque provoquerait le rire et poss derait les traits diff rentiels suivants l exc s l absurde le grossier le ridicule Le Gradus d finit lui aussi tr s laconiquement le burlesque comme un comique bas et outr
154. e dindon de la farce L analogie animale au c ur de nos derniers commentaires nous renseigne plus forte raison sur le rapport que le rire entretient avec la repr sentation de l homme l ge classique Au premier niveau la m taphore animale livre une image flou e de l homme entre le semblable et le diff rent l exclusion et l assimilation le familier et l trange Ainsi mis dans l tau de ces apories le petit Ragotin donne lieu toutes sortes d ambig it s et de perversions de sens Ni suffisamment humain pour inspirer de la piti ou de la cl mence ni assez loign pour susciter de la froideur et de la m chancet l avocat se situe entre deux tats Cette situation pour le moins particuli re conditionne socialement et esth tiquement les rires auxquels il est en butte Enfin resurgit la c l bre maxime rabelaisienne h riti re de D mocrite et d Hippocrate Mieulx est de ris que de larmes escripre Pource que rire est le propre de l homme Mue par son caract re universel positif et ambivalent la repr sentation renaissante du rire c de maintenant sa place 350 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 62 351 Jbid p 63 352 RABELAIS Fran ois Avis aux lecteurs La vie treshorrificque du grand Gargantua dans uvres compl tes d Mireille Huchon Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade
155. e et amicale lui r pond Il est bien vrai que la chose peut avoir paru plus plaisante ceux qui la virent qu elle ne le sera ceux qui on en fera le r cit la mauvaise action du Page servant beaucoup la rendre telle outre que le temps le lieu et la pente naturelle que nous avons nous laisser aller au rire des autres peuvent lui avoir donn des avantages qu elle n a pu avoir depuis RC 204 Les remarques de l toile r v lent avec une extr me finesse le d calage et les modulations possibles qui existent entre le rire v cu et le rire rapport Deux l ments au moins se d gagent de sa r flexion sur le rire D une part la jeune actrice insiste sur le caract re hic et nunc du rire Le rire est un spectacle Il fallait tre l il fallait voir la sc ne pour en appr cier la dr lerie D autre part la Caverne ponctue son r cit de nombreuses allusions son propre rire ainsi qu celui des spectateurs de la sc ne comique Elle persiste dans cette voie en affirmant que m me un personnage morose et s rieux s est d rid de la f cheuse maladresse du page Lle Ma tre de la maison qui tait de ces m lancoliques qui ne rient que rarement et ne rient pas pour peu de chose trouva tant de quoi rire dans le d faut de m moire de son Page et dans sa mauvaise mani re de r citer des Vers qu il pensa crever force de se contraindre garder un peu de gravit mais enfin il fallut rire aussi fort qu
156. e le langage dramatique La rime masculine minimale qui est attendue tombiez pieds se d traque tombiez jambes Ainsi que la rime a r le de structuration aussi bien du vers que du po me entier rire de l tourderie du page a t il alors pour fonction de sanctionner les maladresses les abus les fautes de raisonnement que le langage permet Celui qui ne ma trise pas les lois du langage s expose au ridicule Dans un XVIIe si cle obs d par les r gles la repr sentation th trale ainsi soumise des imp ratifs formels esth tiques et id ologiques aussi rigides qu ind passables requiert qu on les respecte tout moment au risque de troubler l immersion fictionnelle et l adh sion du public Lorsque la structure de la repr sentation clate lorsque le page contrevient na vement aux principes qui r gissent le th tre voil que les com diens et les spectateurs clatent leur tour mais cette fois d un rire unanime et volcanique L conomie de la repr sentation est mise mal Com diens et spectateurs se mettent rire d une voix Comme l indique Thomas Hobbes les rieurs c est dire tous ceux qui sont pr sents au th tre hormis le page qui a commis l impair dont on se gausse expriment par leur rire la conscience de leur sup riorit la passion du rire est un mouvement subit de vanit produit par une conception soudaine de quelque avantage personnel compar
157. e les autres et ses gens nous avou rent qu ils ne lui en avaient jamais vu tant faire et comme il s tait acquis une grande autorit dans le Pays il n y eut personne de la compagnie qui ne r t autant ou plus que lui ou par complaisance ou de bon courage RC 203 204 La prolif ration du mot m me de rire dans son anecdote doit tre mise en parall le avec sa relative raret dans le reste du texte l instar du cur qui insiste dans ses histoires sur le rire des uns et des autres la Caverne s imagine que le rire est reproductible et transf rable l envi Elle s ent te justifier le caract re farcesque de son r cit en surd terminant les rires qu il a occasionn s Dans cette dialectique du spectaculaire le rire repose bien plus sur un ph nom ne 232 Le terme rire revient au moins dix reprises en tout au plus une page Ainsi Scarron r ussit l o la Caverne choue lamentablement 46 de communion et de contagion qu un groupe de rieurs tend exacerber jusqu l oubli de la cause ayant initialement d clench le rire que sur le v ritable potentiel comique de la grossi re erreur du page Tout porte par ailleurs croire qu on en vient rire davantage de l amusement du ma tre de maison devenu presque hyst rique que de la sottise du page De m me comme le montre Dominique Bertrand l acharnement de la Caverne t moigner du bonheur des rieurs abolit toute possibili
158. e les pleurs sont le sympt me de la douleur quiconque a ri n en doute pas Ceux qui D 133 cherchent des causes m taphysiques au rire ne sont pas gais VOLTAIRE Le terme rire ne compte que quarante trois occurrences dans l ensemble du roman de Scarron Il s impose n anmoins comme une r alit indiscutable et m me constitutive du Roman comique Le caract re prodigieusement burlesque du personnage de Ragotin toujours impliqu 132 FREUD Sigmund Le mot d esprit et sa relation avec l inconscient Paris Gallimard coll Folio Essais 1992 1905 p 333 5 VOLTAIRE Dictionnaire philosophique Paris Garnier Flammarion coll Texte int gral 1994 1764 article Rire 134 La distribution de ces quarante trois occurrences ne s effectue pas quitablement entre les deux parties 1651 57 du roman Le mot rire appara t seulement treize fois dans la premi re partie et trente fois dans la seconde De plus les d clinaisons du mot rire sous sa forme verbale riait riaient rit riant ou adjectivale risible ainsi que ses d riv s nominaux ris e rieur n augmentent pas substantiellement le total Conjugu le verbe rire revient quinze reprises Les mots rieur deux fois et ris e deux fois une fois au singulier et une fois au pluriel accroissent le compte de seulement quatre occurrences Au bilan le terme rire et ses proches parents lexic
159. e lisi res et de l extr me se r percuteront enfin la composition m me du roman Le troisi me et dernier chapitre voque des enjeux directement po tiques et narratologiques Apr s un rapide panorama des diff rents discours sur les genres sous l Ancien R gime notamment les rapports de proximit entre la nouvelle et le roman et une br ve discussion sur la notion de g n ricit nous ferons l analyse des strat gies dispositives mises en uvre dans Le Roman comique Des microlectures appliqu es seront alors propos es L observation minutieuse de l incipit pr cisera le sens des multiples d tournements de l h ritage litt raire qui hantent tout le texte la suite de quoi nous compl terons notre regard par l tude de la mise en texte des quatre nouvelles espagnoles et des effets particuliers qu elles op rent Enfin un court commentaire sur la figure auctoriale et la com die de soi parach vera notre examen du Roman comique 23 CHAPITRE 1 Rire ou ne pas rire La pathologie comique Ce n est point sans appr hension que nous nous risquons aborder le probl me du comique lui m me Il y aurait quelque pr somption de notre part esp rer que nos efforts pussent contribuer de fa on d cisive sa r solution alors que jusqu ici les travaux de nombreux penseurs minents n ont pas fourni d explication qui f t 3 satisfaisante Sigmund FREUD Que le rire soit le signe de la joie comm
160. e marchand lequel n avait point de ruelle et joignait la muraille RC 62 la Rancune qui simule une difficult urinaire des plus f roces r veille plusieurs fois le pauvre bourgeois en lui demandant constamment le pot de chambre Cette tactique le malicieux com dien qui tait homme s borgner pour faire perdre un il un autre RC 62 la r p te trois reprises en jouant de plus en plus fort et avec de plus en plus d emphase son r le d sagr able Il multiplie le temps de sa possession du pot de chambre jure et crie ses atroces mais fausses souffrances Apr s avoir donn un violent coup de coude au creux de l estomac du pauvre marchand la Rancune se mit pisser si largement et si roide que le bruit seul du pot de chambre e t pu r veiller le Marchand RC 63 L hypocrite com dien faisant semblant de vouloir remettre le pot de chambre terre laisse tomber et le pot de chambre et tout ce qui tait dedans sur le visage sur la barbe et sur l estomac RC 63 du dormeur Gagnon tient juste titre que la 313 314 ruse de la Rancune est la feinte Ce qui s orchestre ici a tout de la feinte Or la sc ne d un haut scatologique ne s ach ve pas sur cette copieuse jaculation d urine RC 63 Non content du succ s d bordant de son stratag me la Rancune pousse sa mesquinerie un cran plus loin Il informe la maisonn e r veill e par les cr
161. e ti de reposant dans la pi ce d c t Ce n est pas tant le 43 contenu du conte qui est en jeu que la fa on d en rendre compte Plus encore faire rire rel ve moins d un contenu ou m me d une mani re que d un sens aigu de l propos Il est fort parier que cette m me histoire cont e des spectateurs moins agit s et dans des circonstances moins d sastreuses provoquerait une certaine hilarit Ces histoires d avarice si elles participent d un certain folklore et d un riche r servoir topique sont rappelons le rapport es par un cur de campagne un repr sentant de l glise une figure qui bien qu elle soit souvent associ e au genre comique en est rarement l agent principal Ici le rapport traditionnel entre spectateur et com dien s inverse et m me s opacifie L andre et le Destin des com diens habitu s faire rire sur sc ne semblent pourtant incapables de rire eux m mes loin des planches Mais il se peut aussi que ce manque d entrain soit imputable au cur lui m me Le pauvre pr tre fait preuve sinon d un certain aveuglement du moins d une inaptitude interagir socialement Moli re dirait sans doute son sujet qu il agit en v ritable f cheux Disons d abord que cette sc ne se d roule sous le mode de la contrainte voire de l agression Le cur s impose la table des com diens qui n ont aucune envie d couter ses inqualifiables histo
162. ecy principalement pour la lecture il a fallu descrire tous les accidens et au lieu d une simple Comedie il s en est fait une Histoire comique que vous allez maintenant voir Ce topos consacr du theatrum mundi op ratoire depuis le Si cle d or espagnol fige les dichotomies classiques entre imitation et invention ainsi qu entre repr sentation sc nique et 778 SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit p 15 7 Ibid 280 Le roman de Sorel a t publi sur une p riode de dix ans de 1623 1633 en trois livraisons de longueur in gale 1623 1626 1633 D j au compte des livres qui respectent entre eux un quilibre au niveau de leur ampleur qui composent le roman on remarque une certaine d flation narrative dans le temps Si dans la longue dur e on observe une baisse constante quant la production de nouveau mat riel romanesque un mouvement inverse bouleverse le texte d j crit D dition en dition Sorel s affaire des prolongements des corrections et des censures de toutes sortes autant stylistiques que structurelles Au fil du temps donc le roman sor lien se transforme se travestit et se m tamorphose L incipit du Francion est r v lateur de cette r criture palimpsestueuse 281 SOREL Charles Histoire comique de Francion livres I VII d Yves Giraud Paris GF Flammarion 1979 p 378 379 282 SCARRON Paul Th tre complet d V ro
163. ement justifi e Le rire a cependant t l occasion de nombreuses investigations savantes autant dans le domaine litt raire que philosophique anthropologique que psychologique Depuis les travaux fondateurs mais partiels de Bakhtine sur le rire m di val et renaissant l int r t pour les cultures du comique a v ritablement explos Jean Verdon pour le Moyen ge Daniel M nager pour la Renaissance Dominique Bertrand pour l ge classique ont tous leur fa on ouvert de nouvelles perspectives de recherche sur les dimensions historiques et anthropologiques du rire Tous ces travaux insistent sur la dangereuse ambivalence du rire et des d viances pathologiques qu il d voile La question du rire se place d ailleurs tr s t t sous les doubles auspices de la morale et de la m decine entre un rire punitif qui ch tie les vices et un rire curatif qui d lasse l homme de sa quotidiennet Parall lement aux discours d crivant physiologiquement le rire l opposition violente et d j ancienne qui s pare le 117 GIRAUD Yves Introduction dans SCARRON Paul Le Roman comique d Yves Giraud op cit p 30 M8 Le rire est devenu ces derni res ann es un terrain fertile de l enqu te savante et m me populaire La question a en effet servi de cadre aux preuves officielles du BTS fran ais en Culture g n rale et expression de 2010 2012 DESTAING J r me et Philippe Laba
164. en aucun cas une certitude SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg Paris Honor Champion coll Sources classiques 2009 vol 1 p 387 390 Elle est cependant n cessairement ant rieure la r daction du Roman comique 52 SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit p 390 5 Thid p 394 51 N ologisme form sur le verbe baguenauder qui veut dire faire le badaud s amuser des choses inutiles RC 323 52 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 42 136 peut elle l inverse souligner gros traits la trop grande proximit ontologique qui unit deux personnages presque reproduits l identique Il ne s agit donc pas tant du th tre dans le th tre comn lien imbrication qui d double le dispositif dramaturgique en r fl chissant aux spectateurs une certaine image du monde mais bien du th tre dans le roman Se produit alors un d placement du spectaculaire vers le sp culaire le roman se r fl chit lui m me en m me temps qu il r fl chit sur lui Ce proc d du miroir d formant s illustre par le va et vient de perspective que g n re la Baguenodi re en regardant tant t la sc ne o se joue la com die tant t Ragotin qui ne cesse de lui crier de s asseoir Le spectacle est bel et bien double brouill h sitant tant donn qu il se manifeste la fois dans la fictio
165. enres h riti re d un aristot lisme classique d phas et souvent incommode qui cartelait le genre comique entre deux postulations inconciliables et h g moniques qu aux effets de g n ricit qu tablissent in situ les diff rentes strates g n riques du texte scarronien Le concept de g n ricit mobile historiquement et culturellement dynamique la fois diachronique et synchronique s est impos gr ce aux r cents travaux en pragmatique litt raire et en analyse du discours Des th oriciens comme Dominique Maingueneau Rapha l Baroni Jean Michel Adam et Jean Marie Schaeffer sous une double impulsion bakhtinienne et jaussienne ont d plac la question du genre comme cat gorie exclusive du texte vers une cat gorie de la r ception Si toute uvre suppose un horizon d attente c est dire d un ensemble de r gles pr existant pour orienter la compr hension du lecteur du public et lui permettre une r ception appr ciative le genre cesse du coup de se faire essence immuable et intemporelle statique et normative pour devenir un pacte socialement et textuellement d fini entre les instances auctoriale et lectoriale Nullement organique jamais fixe le genre serait plut t un processus de mise en relation entre les potentialit s d un texte et l interpr tation qu actualise l acte de lecture Ainsi il sera moins question d examiner l appartenance g n rique
166. ent en chiasme de la situation temporelle se I Si le Destin r ussit sortir indemne de ses d m l s retrouve dans le chass crois spatia avec le fou Ragotin lui subit d atroces supplices morsures d insectes peau br l e violences des paysans sont autant d enfers qu prouve Ragotin suite au passage impromptu du fou Ragotin se fait d jouer humilier houspiller mais cette fois par un homme priv de raison Car si le fou tait un fort et puissant homme RC 280 il avait autant d esprit qu une b te de trait Pour Michel Foucault la folie l ge classique est absence de raison et la raison est tout Le classicisme est ce sens du partage pur non dialectique opposition immobile de la Nuit et du Jour la V rit et l Erreur Tout et Rien Partage logique exclusif et sans reste Le classicisme comme sens de l antith se Dans cet horizon social et esth tique le rapport compl mentaire des s quences mettant le fou en sc ne acquiert un sens autrement plus ambivalent L homme d raisonn s attaque aussi bien au noble gentilhomme qu au provincial ridicule La tension tre para tre dans l 1l du fou s radique La mise nu de Ragotin renvoie symboliquement la composition du texte alors que le fou agit comme agent de discontinuit et d incoh rence narrative Comme le fou court d bilement les champs de campagne le narrateur donne lui aussi lib
167. entit notamment par l usage massif et p dagogique de la r p tition 1 L humanit comique Le rire de force Cette distinction de principe entre com die et roman qui repose sur une dichotomie diff rence identit touche de pr s les enjeux du comique de r p tition La s rialit comme moteur comique impose au moins deux directions de recherche Il s agira d abord pour nous de d finir les effets de la r it ration sur l humanit comique telle que mise en sc ne dans le roman 0 Thid 1 Notons en passant que Le Roman comique uvre inachev e et par cons quent ouverte l interpr tation ne se conclut pas sur le mariage suppos entre le Destin et l toile mais bien sur une disgr ce de Ragotin devenu furieux apr s un pugilat cannibalesque avec un b lier Le petit avocat humili presque sadiquement quitte alors la compagnie de l assistance l h tellerie et m me le roman sous les rires d une foule bienheureuse mais ahurie Le lecteur contemporain de l uvre s attendait assur ment un d nouement plus romanesque que cette dr le de fin qui r siste aux conventions tacitement admises par le canevas structural de la com die 3 B LISLE Mathieu Pr sentation en qu te du rire romanesque op cit p 14 303 Toujours selon B lisle qui reprend son compte les th ses de Northrop Frye la trag die nous le soulignons au passage convie quant elle une c l bration n gati
168. erminants mais pas de fronti res dispositives autonomes La courte histoire d Ang lique est quant elle chapeaut e d un titre joyeusement iconoclaste qui ne fait en aucun cas r f rence la jeune actrice Des moins 501 CRE A L encadrement des r cits analeptiques s av re la divertissants du pr sent livre II 11 236 fois moins visible et moins comment que celui des nouvelles Le bornage du roman lentement s efface Malgr leur nature g n rique antagoniste l englob se m lange de plus en plus naturellement l englobant Il nous semble en d finitive que contrairement aux critiques autrefois adress es l auteur du Virgile travesti le romanesque se pr sente moins pompeusement dans les nouvelles espagnoles que par exemple dans l histoire mi larmoyante mi path tique de Destin Les nouvelles romanesques scrupuleusement introduites et longuement comment es deviennent paradoxalement moins romanesques que certains r cits analeptiques plus librement ins r s dans la narration qui leur sert de cadre Nouveau cafouillis qui brouille encore davantage les poreuses fronti res des genres dont il a t question plus haut Plus pr s en ce sens des Nouvelles exemplaires de Cervant s que des nouvelles galantes de Madame de Lafayette les nouvelles 52 Dans scarroniennes neutralisent le romanesque alors que les r cits r trospectifs l exacerbent cette constellation de genres le roman qui acc
169. erpr tation avertie puisqu elle se fonde de sa naissance jusqu sa pratique sur un jeu de connivence intellectuelle Apr s l poque de sa consolidation le terme burlesque est encore superficiellement d fini par Fureti re en 1690 comme plaisant gaillard tirant sur le ridicule ce quoi Charles Perrault dans le troisi me dialogue de son Parall le des Anciens et des Modernes ajoute Quand Achille et Agamemnon se querellent amp s appellent yvrogne impudent teste de chien sac vin n est ce pas du Burlesque de la premiere espece o les grandes choses comme les disputes qui interviennent entre des Rois amp des Capitaines se traitent avec des expressions basses et triviales amp quand il d crit en vers hero ques le combat d Ulisse rev tu de haillons avec Yrus le plus vilain de tous les gueux n est ce pas du 185 N DELEC Claudine Les tats et Empires du burlesque op cit 186I ECLERC Jean L Antiquit travestie et la vogue du burlesque en France 1643 1661 Qu bec Presses de l Universit Laval coll La R publique des lettres 2008 362 p 187 N DELEC Claudine Pour une histoire de la cat gorie burlesque 6 Les Dossiers du Grihl En ligne Les dossiers de Claudine N delec Le XVIIe si cle mis en ligne le 14 novembre 2007 consult le 9 mai 2012 URL http dossiersgrihl revues org 331 F8 Thid 1 Ibid 7 10 Thid 1 Ibid 12
170. ersitaires de France coll Quadrige 1504 p SEGRAIS Jean Regnault de Les Nouvelles fran aises ou les divertissements de la princesse Aur lie Paris S T M F 2000 1657 2 vol SOREL Charles Relation v ritable de ce qui s est pass au royaume de Sophie depuis les troubles excit s par la rh torique de l loquence Avec un discours sur la Nouvelle all gorique Paris N de Sercy 1659 169 p Histoire comique de Francion dans Romanciers du XVIIe si cle Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1962 1623 33 p 61 529 Le Berger extravagant Gen ve Slatkine Reprints 1972 1627 28 755 p De la connaissance des bons livres ou Examen de plusieurs auteurs d de Lucia Moretti Cenerini Rome Bulzoni Editore 1974 1671 400 p Histoire comique de Francion livres I VII d Yves Giraud Paris GF Flammarion 1979 445 p VIAU Th ophile de Premi re journ e dans Libertins du XVIIe si cle d Jacques Pr vost Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1998 2004 vol 1 p 3 26 5 Dictionnaires anthologies et encyclop dies Libertins du XVIIe si cle d Jacques Pr vost Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1998 2004 2 vol 167 AQUIEN Mich le et Georges Molini Dictionnaire de rh torique et de po tique Paris Librairie g n rale fran aise coll La Pochoth que Encyclop dies d au
171. es Les sp cialistes les plus hardis se r f rent parfois au titre qu a choisi Scarron pour marquer l aspect drolatique de l uvre On rapproche alors Le Roman comique tant t de la tradition fac tieuse voire grivoise des fabliaux du Moyen ge tant t de la culture populaire mill naire ou de l h ritage m nip en Bien peu d tudes en revanche s int ressent aux modalit s et aux structures des sc nes bouffonnes qui prolif rent dans le texte et elles omettent le plus souvent leur signification dans le syst me de repr sentation du roman Que dire des orgies de rire qui affleurent dans certaines sc nes d un haut comique Constituent elles de banals et frivoles interm des Servent elles seulement au divertissement du lecteur bon enfant la recherche de plaisirs faciles voire absolument niais Ou bien ces sc nes cocasses occupent elles une fonction textuelle pr cise et pour ainsi dire d terminante Ces premiers questionnements appellent avant toute chose un classement typologique que nous voulons plus souple qu astreignant et qui permettrait de classer d une part ce qui rel ve du dr le ou du s rieux et de d mystifier au passage certaines dichotomies violentes qui leur correspondent naturellement par exemple les couples antith tiques comique tragique l ger grave etc et de distinguer d autre part les diff rents types de comique l uvre notamment le burlesque le carnavalesque et l ironie p
172. es cheveux et qui se d battait sous lui RC 57 58 Ses cris d pouvante ont suffi r veiller toute la maisonn e qui accourt son secours la servante la Rancune et le valet la Caverne le Destin RC 58 viennent effectivement tous son aide suivis enfin de mademoiselle de la Rappini re qui fut bien tonn e aussi bien que les autres de trouver son mari tout furieux luttant contre une ch vre qui allaitait dans la maison les petits d une chienne morte en couches RC 58 L effet comique de la sc ne r side dans un double jeu sur l attente et sur la surprise Le narrateur fait d filer les personnages un un en prenant bien soin d introduire mademoiselle de la Rappini re la toute fin de son num ration On laisse croire jusqu au dernier instant qu il pourrait possiblement s agir de la femme du lieutenant de pr v t et non d une vulgaire ch vre Il y a ensuite une disproportion comique entre la jalousie de la Rappini re qui se croit tort cocu et la ch vre contre laquelle il lutte b tement Un sentiment humain l exc s d amour propre se m le avec lanimalier Pourtant malgr le caract re grotesque et comique de la sc ne aucun des spectateurs y assistant n clate de rire Pire aucun sourire n est m me esquiss Que dire de cette indiff rence l humour Le seul affect qu affichent les personnages s av re l tonnement sa 305 SCARRON
173. es de Scarron Le livre en trompe l il ou le jeu de la d dicace Montaigne Scarron Diderot Paris ditions Kim coll D tours litt raires 1998 p 87 4 FORSYTHE PHELPS Naomi The Queen s Invalid A Biography of Paul Scarron London The Johns Hopkins University Press 1951 289 p 35 MAGNE mile Bibliographie g n rale des uvres de Scarron Paris L Giraud Badin 1924 302 p 36 J RAMEC Jacques La vie de Scarron ou le Rire contre le destin Paris Gallimard 1929 238 p 37 SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle Paris Librairie Minard coll La Tr soth que 1981 p 437 38 Thid 3 MAGNE mile Bibliographie g n rale des uvres de Scarron Paris L Giraud Badin 1924 p 232 expliquer plut t qu interpr ter litt rairement ses textes en y recherchant des clefs de lecture On tablissait avec grande minutie et le plus s rieusement du monde des correspondances directes entre des personnages de fiction et des personnes r elles Fournel r sume bien cette attitude pour tre appr ci justement le burlesque de Scarron doit tre consid r dans ses rapports avec sa personne Paul Morillot embrasse aussi ce mot d ordre et y ajoute m me une pointe de condescendance en se r f rant lui comme tant le petit Scarron ou bien le malade de la reine Deux l ments peuvent se d gager de cette critique biographique
174. es histoires comiques et l poque baroque en France Rire comme un fol c est prendre le r le du fou le temps d un soubresaut d un simagr e Reprenant les th ses d velopp es par les approches philosophiques du rire caract riser un rire de fou s av re une double d valuation du risible et du rieur Dans cette optique disqualifiante le rire prend l aspect d un danger le rire le ph nom ne de la grimace est laid il est indigne des hommes responsables nobles et libres Dans Le Roman comique comme c est d ailleurs le cas chez Sorel Du Verdier et de Claireville un fou fait irruption dans le r cit troublant de sa pr sence un calme somme toute assez relatif Contrairement aux exemples pr c demment cit s le fou de Scarron ne poss de pas de fonction di g tique pr cise Sans nom sans pass et sans voix il occupe narrativement au plus une cinquantaine de lignes Or l intrusion du fou dans le texte scarronien implique les deux personnages les plus souvent rapproch s par la critique le Destin et Ragotin Victimes stup faites ils se retrouvent enfin sur un m me plan Les courtes intrigues des deux personnages aux prises avec le fou rendent bien compte de leur parfaite antith se Le Destin rencontre nuitamment le fou l amorce de la seconde partie alors qu il pourchasse les ravisseurs d Ang lique Le mauvais diable RC 194 saute sur son cheval lui so
175. es le comique voulu et esp r par un personnage ne r ussit pas cr er l effet escompt le rire Ces sc nes t moignent d une pathologie du comique et nous renseignent souterrainement sur les conditions de production du rire Ces param tres ainsi d gag s en creux permettront de confronter positivement les diverses repr sentations du rire dans le texte scarronien et d valuer leurs cons quences fonctionnelles et po tiques Nous traiterons galement de la signification de la pr sence textuelle d un rire dans une sc ne comique donn e qu il soit individuel ou collectif Pourquoi le narrateur pr cise t il par endroits qu on s esclaffe et omet de le faire ailleurs La r ponse originale au XVIIe si cle est peut tre chercher dans l usage soutenu du motif dramaturgique Visant l efficacit du th tre les sayn tes comiques qu architecture Scarron sont plus voir qu lire Devant cette attention constante accord e aux coordonn es de la r ception de l uvre il sera en fin de parcours obligatoire de rapprocher la po tique romanesque de celle de la com die surtout dans l esprit visionnaire d une expression de l imaginaire et de l thique comiques 1 Faire raillerie de tout gt Dominantes et tensions du comique Le ph nom ne du rire litt raire par son caract re prot iforme relatif et ternellement fluctuant se montre r fractaire toute codification absolue et sy
176. es lettres quiproquos et substitutions Usuelles et m me visuelles les nouvelles espagnoles ressemblent en effet des pi ces de th tre narrativis es trompeur trompeur et demi est pr c d par un chapitre au titre particuli rement parlant Qui peut tre ne sera pas trouv fort divertissant Chez Scarron la collection d intitul s ou satiriques ou ludiques compose un corpus la fois disparate et organisateur Fac tieux cet intertitre invite arr ter toute lecture Arrim e aux d clarations inaugurales de l auteur qui conseillait d ores et d j au lecteur de ne pas aller plus loin dans sa lecture cet intertitre la vis e rh matique plus que th matique dans la mesure o il qualifie le chapitre en tant qu unit de narration et non comme r sum de contenu est connot n gativement par un jugement qui concerne autant la fonction que la pertinence du chapitre en question Scarron par le biais de ces pi ges parodiques signale nouveau la r flexion que doit forc ment entreprendre son lecteur D routants ces intertitres le sont surtout relativement une lecture qui se voudrait purement lin aire et sans la moindre escale la fin du chapitre une deuxi me nouvelle interrompt effectivement le fil des v nements manceaux Dans cette dialectique o la sinuosit de la lecture est mise en sc ne le lecteur se trouve d sorient ou au contraire totalement orient L intertitre aux accents satir
177. es sur la pens e du comique au XVIIe si cle Recherches et travaux Rire et litt rature n 67 2005 p 41 291 STERNBERG V ronique Espaces et com die au XVIIe si cle tudes litt raires Espaces classiques n 1 2 20072 p 201 22 Thid p 206 293 SCARRON Paul Le Roman comique d Claudine N delec op cit p 30 31 24 LEVER Maurice Romanciers du Grand si cle Paris Fayard 1996 1981 p 153 60 sont diss min es au gr du texte Cette dramaturgie clownesque configure un imaginaire comique qu il convient maintenant d analyser dans le d tail de ses manifestations 61 CHAPITRE 2 Dramaturgie clownesque Sc nographies et imaginaires du rire Lorsque vous peignez des h ros vous faites ce que vous voulez Ce sont des portraits plaisir o l on ne cherche point de ressemblance et vous n avez qu suivre les traits d une imagination qui se donne lessor et qui souvent laisse le vrai pour attraper le merveilleux Mais lorsque vous peignez les hommes il faut peindre d apr s nature On veut que ces portraits ressemblent et vous n avez rien fait si vous n y faites reconna tre les gens de votre si cle En un mot dans les pi ces s rieuses il suffit pour n tre point bl m de dire des choses qui soient de bon sens et bien crites mais ce n est pas assez dans les autres il y faut plaisanter et c est une trange chose que celle de faire rire les
178. etite ville du Mans est un condens de l trange rencontre unissant l id alisme comique et la pompe du romanesque le plus convenu Cette sc ne annonciatrice trouve un cho invers dans les r cits r trospectifs qui inversent non pas le haut et le bas mais bien le pr sent et le pass L nergie burlesque emmagasin e dans le r cit cadre n a plus aucun pouvoir dans les r cits analeptiques des personnages le plus long concerne videmment le h ros le Destin histoire r partie sur trois chapitres se trouvant tous dans la premi re partie du roman L enjeu de ces r cits maintes fois syncop s est d clairer la g n alogie d r gl e de Destin ainsi que ses complexes amours la recherche de son identit viol e que le futur m tier de com dien clivera le Destin orphelin cause d un p re avaricieux est attaqu sur le Pont Neuf et se fait voler le portrait du p re de son amante qu il utilisait comme objet de reconnaissance RC 154 n en pas douter cet v nement est le sympt me d une interrogation globale sur les origines L intrigue familiale de Destin calque bien le manque d origine du genre romanesque ses d licates assises et son crucial manque de racines Le Pont Neuf n est pas le carrefour de l auberge qui accueille bouffonnement les brancards Entour e d eau cette passerelle dangereuse n offre gu re d alternative quant au chemin prendre une voie unique droite sans
179. eur de d s quilibre ou de r quilibre prend ici tr s explicitement consistance Instrument de r gulation sociale le rire devient par ailleurs objet de convoitise faire rire est un pouvoir que l on brigue L Olive conscient et peut tre jaloux du succ s improvis de Destin reproduit avec une sym trie parfaite la situation originale pour obtenir un effet quivalent Si le comique est une imitation comment d finir le comique qui r sulte de l imitation 2 DE GUARDIA Jean Les trois grincements de la machine Moli re Bergson retour critique tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 16 17 3 Rappelons nous la d finition du comique selon Pagnol est comique tout ce qui peut d une part cr er un d sarroi d autre part r soudre brusquement et heureusement ce d sarroi Voir chapitre 1 Rire ou ne pas rire Cf p 27 44 TI y a coups de poing avant et apr s le tour de Destin mais une tr ve est tacitement sign e pendant le comique 5 STEINER George Le rire ou le sourire dans BIRNBAUM Jean dir Pourquoi rire Paris Gallimard coll Folio essais 2011 p 15 101 scrupuleuse d un comique d j exploit Il est assez remarquable de constater que la narration commente la r ception favorable du tour de Destin cela faisait rire la compagnie tout en restant muette sur la copie de l Olive laquelle succ dent de nouveaux coups de poing
180. f rentes d finitions et m thodologies du rire Nous sugg rerons ensuite de placer le rire scarronien sous l gide d un burlesque revu et transform en rh torique de lecture au second degr Ces questions pr liminaires pr cis es nous attaquerons le texte par le biais de deux cas de figure symptomatiques la fois de la mise en sc ne du rire et des commentaires po tiques qu il suscite Enfin la tension r v l e entre le rire v cu et le rire rapport impliquera une r flexion sur l intimit que partagent le roman et la com die classique Notre deuxi me chapitre rendra compte de l humanit comique que Scarron met fac tieusement en sc ne Un int r t tout particulier sera port au personnage le plus iconoclaste du Roman comique Ragotin Ce petit avocat de province anthropologiquement situ entre l enfance et le r gne animal invitera lire le monde classique la loupe du difforme L analyse d taill e de ce personnage burlesque mettra jour un ph nom ne que Scarron utilisera massivement le comique de r p tition Apr s un retour critique sur la notion de r it ration comique nous chercherons extraire de ce principe moteur la philosophie et la p dagogie qu elle sous entend cela s ajoutera en arri re plan une typologie des rires pr sents dans Le Roman comique qui r v lent par leur dialectique de l oxymore une nouvelle et ultime loi du texte les limites Ces jeux sp culaires d
181. gistres du comique Si Jean Duvignaud affirme p remptoire et convaincu que le comique existe en tant que tel qu il est n cessaire de se d pouiller des distinctions arbitraires ou abstraites qui opposent le comique l humour la d rision le grotesque aussi convient il de soulever la cruciale et ineffa able diff rence de port e qui s observe d un registre l autre Le sens qu on accorde l ironie libertine par exemple ne s assimile sans doute pas celui du mot d esprit ou du persiflage De toute la gamme comique utilis e par la critique pour situer l uvre de Scarron dans la constellation litt raire du XVIIe si cle sans doute est ce la cat gorie du burlesque que nous devons les commentaires les plus r v lateurs 172 MELINA Jean Le comique essai d interpr tation g n rale op cit p 29 67 173 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 20 174 SCHNERB Claude Du rire Comique esprit humour Paris Imago 2003 p 7 8 15 DUVIGNAUD Jean Le Propre de l homme Histoire du comique et de la d rision Paris Hachette Hachette Litt rature 1985 p 13 31 T L offensive burlesque Dans Scarroniana un pot pourri d uvres diverses publi au d but du XIXe si cle chez Hedde le Jeune habill du vaudevillesque sous titre recueil d anecdotes bons mots r ponses bouffonnes ga t s et farces de Paul Scarron suivi des meilleurs morceaux de po sie burlesqu
182. hant d glise RC 139 Cette musique grotesque n exerce sur mademoiselle de l toile aucune motion aucune agitation bonne ou mauvaise Au contraire dix ou douze chiens qui suivaient une chienne de mauvaise vie vinrent la suite de leur Ma tresse se m ler parmi les jambes des Musiciens RC 139 La s r nade qui devait conduire des r jouissances et des embrassements entre amants chauff s n attire que des animaux en rut abrutis de pulsions violentes ces Amants immod r s renvers rent une table tr teaux qui soutenait la Machine harmonieuse et je ne voudrais pas jurer que quelques uns de ces maudits chiens ne levassent la jambe et ne pissassent contre les Orgues renvers s RC 139 Les chiens interrompent le concert amoureux de Ragotin et repr sentent d risoirement avec caricature et exag ration l union esp r e par le ridicule avocat Plus explicite encore ces animaux tant fort diur tiques de leur nature principalement quand quelque chienne de leur connaissance a envie de proc der la multiplication de leur esp ce RC 139 L association de Ragotin avec le monde animal ne saurait trouver plus probante illustration Cette s duction savamment orchestr e mais 360 FROIDEFOND Dominique op cit p 422 1 Cette chanson figure dans La Com die des chansons de Charles Beys et se retrouve aussi dans l Histoire comique de Francion de Charles Sorel SOREL Charles Histoi
183. i cle a t aussi le si cle du roman Or lorsque le roman du si cle de Louis XIV est mentionn il s agit presque incontestablement du roman r gulier construit en mod le digne sinon noble tant donn sa proche parent avec l pop e et m me avec la po sie Mais difier L Astr e 1607 1627 d Honor d Urf ou La Princesse de Cl ves 1678 de Madame de Lafayette en parfaits parangons du roman classique tient sans doute de l irr v rence ou d un cumage arbitraire op r a posteriori et selon des pr suppos s dogmatiques institutionnels et politiques qui r sistent assez mal aux enqu tes esth tiques et transhistoriques Nous sommes conscients en outre que le travail de p riodisation est aussi absurde qu in vitable m me si d couper le continuum historique en segments lin aires restera La Fronde Ce qu on appelle la Fronde fut donc la concomitance d agitations politiques qui furent g n ralement divis es et dont les projets taient inconciliables La tentative coh rente des cours souveraines de s attaquer aux probl mes institutionnels a t annihil e partir de 1649 1650 par la Fronde des princes Cette division compl te et pr coce a emp ch la r volte de se donner la radicalit qu a eue la r volution anglaise Il est significatif aussi d observer l cart avec la r volution de 1789 il manquait alors une bourgeoisie ayant une ambition politique conscie
184. i cles 2002 461 p REYNER Gustave Le roman r aliste au XVIIe si cle Gen ve Slatkine reprints 1971 1914 p 268 28 SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy Paris Gallimard coll Folio Classique 1985 p 8 LEVER Maurice Le roman fran ais au XVIIe si cle Paris Presses Universitaires de France coll Litt ratures modernes 1981 p 153 30 Cit par ERSTEIN Nina Noise and In coherence in Le Roman comique Papers on French Seventeenth Century Literature vol 15 n 28 1988 p 33 digressions s arr te pour c der le pas de longs r cits pisodiques Paul Bourget enfin se montre peut tre le plus imp rieux de tous en pr tendant que Scarron ne sait pas encore composer un livre Ces bl mes corrosifs ont en partage une m me cible la composition le fonctionnement r gulier du texte Non seulement cette critique accorde t elle peu de m rite aux efforts romanesques de Scarron encore s amuse t elle non sans ill res n y voir qu une superficielle chronique de la vie de province Dans un pareil contexte o la valeur litt raire du texte semble ni e d avance pour lui pr f rer sa vertu documentaire il n appara t pas particuli rement tonnant que les lectures et interpr tations biographiques de l uvre aient triomph sans partage Les commentateurs qui se basent sur la forme composite du texte sont longtemps demeur s sur cette impression
185. i re s il ne dispara t pas tout fait se dissout pour investir d autres formes narratives en prose d sormais plac es sous l tiquette commode mais pineuse de galante Scarron se situerait m me en marge de l esth tique revendiqu e de 28 En fait l uvre l histoire comique entre l ancien picaresque et le prochain galant scarronienne subit l influence d terminante de la novela et marque un tournant dans l volution des formes romanesques au milieu du XVIIe si cle Qu est ce que le libertinage au XVIIe si cle Le libertinage est une cat gorie historique pour le moins vaporeuse utilis e tout vent et regroupant en masse des crivains et des textes d horizons parfois contradictoires souvent probl matiques Il faut dire que le libertinage ne constitue pas en soi un mouvement stable coh rent organis et il dispose encore moins d une 209 terminologie fixe consensuelle ou m me op ratoire Au moment de sa r apparition dans la langue au XVIIe si cle le terme de libertin d riv du latin libertinus signifiant 207 Voir GRANDE Nathalie Le rire galant usages du comique dans les fictions narratives de la seconde moiti du XVIIe si cle Paris Honor Champion coll Lumi re classique 2011 332 p et VIALA Alain La France galante essai historique sur une cat gorie culturelle de ses origines jusqu la r volution Paris Presses Universitaires
186. i nous pr f rons le mot de Bakhtine en violant les fronti res naturelles de la litt rature IV Hostilit s g n alogiques Les deux fr res rivaux Les deux fr res rivaux derni re nouvelle ins r e du Roman comique se rencontre au chapitre II 19 RC 291 avant dernier de la deuxi me et derni re partie La narration est confi e pour une seconde fois In zille qui ne se fit point prier et tandis que Ragotin fit la cour au magicien Ferdinandi elle lut d un ton de voix charmant la nouvelle que vous allez lire dans le suivant chapitre RC 290 Une fois de plus aucune m talepse ne couronne la mise en lecture de la nouvelle Les nouvelles de la deuxi me partie en sont tout fait exemptes La lecture des Deux fr res rivaux est bel et bien publique tard venue apr s les all gresses d un fort bon et copieux repas Si tard et si bon que Ragotin fatigu et farci est incapable de l couter et s endort la diff rence des deux nouvelles centrales Les deux fr res rivaux semblable en cela l Histoire de l Amante Invisible est encadr par des chapitres qui marquent un retour au comique et aux infortunes de Ragotin Une armature chiasmatique se dessine Au c ur du roman les nouvelles 2 et 3 on trouve des s quences narratives qui voquent th matiquement le tragique et 9 BAKHTINE Mikha l L uvre de Fran ois Rabelais et la culture populaire au Moyen ge et sous la Renaissance op cit p 49
187. iblio essais 2010 320 p 109 472 mettre jour les tensions g n riques qui l informent Chez Scarron ces tensions g n riques g n rent de l incongru qui d payse le lecteur et le fait rire Parler d un simple m lange des genres dans cette perspective d un dynamisme g n rique appara t ou r ducteur ou carr ment impropre Dans le cas particulier du Roman comique l hybridation et l clatement des formes g n riques les plus diverses s accompagnent d une fine mise en sc ne et d un commentaire auctorial sur les effets et les fonctions de la fictionalit et des genres litt raires Nous ne visons donc pas donner aux genres qui infiltrent Le Roman comique une d finition stable et potentiellement d finitive ce qui reviendrait construire une typologie des genres aussi essentialiste qu impure Nous pr f rons plut t jumeler notre r flexion sur Le Roman comique aux concepts connexes comme la reconnaissance de sc narios types et des attentes combl es ou non du lecteur id al concepts qui renvoient de mani re paradigmatique aux id es d fendues dans les chapitres pr c dents concernant la r p tition et la distance comiques que la double notion de genre et de g n ricit pr suppose Le rire scarronien nous l avons vu h site entre un ludisme inoffensif exacerb par le burlesque et la subversion des normes et r gles tablies Le comique des limites sur lequel nous voulo
188. iculi re la grammaire et les strat gies discursives dont il proc de ainsi que les effets textuels qu il op re 2 Rire rapport et rire v cu Les insucc s du discours comique S1 le Roman comique regorge de sc nes divertissantes et farcesques o un rire irr sistible et contagieux surgit d autres pisodes intention humoristique tombent plat ne r ussissent pas susciter l gaiement au mieux parviennent ils ennuyer mettant ainsi nu les dysfonctionnements et les pathologies possibles du discours comique Car si faire rire appara t bien souvent comme un art ing nu grossier et facile le texte scarronien r v le plut t que le 220 TODOROV Tzvetan Qu est ce que le structuralisme 2 Po tique Paris ditions du Seuil coll Essais 1973 1968 p 19 71 Pour Genette la transtextualit du texte se d finit de mani re g n rale par tout ce qui le met en relation manifeste ou secr te avec d autres textes GENETTE G rard Palimpsestes La litt rature au second degr Paris ditions du Seuil coll Essais 1992 1982 p 7 27 GENETTE G rard op cit p 7 40 comique proc de d une d licate et capricieuse m canique dont les composantes diverses s av rent le plus souvent pineuses ma triser tudions deux sc nes particuli rement symptomatiques de ce ph nom ne de dysphorie comique qui consacre d une part la d ch ance d un humoriste amateur mais
189. idicule au moindre geste Les deux personnages h ritent d ailleurs de l adjectif petit signe r ducteur par excellence Le stratag me de Ragotin n a finalement pas r ussi cr er les effets anticip s La Rancune m nage quelque raillerie et tous les Fac tieux de l H tellerie se r jouirent sur la Musique RC 139 Et mademoiselle de l toile Celle qui la s r nade tait destin e ne r agit pas textuellement la narration ne s y int resse pas sinon en mentionnant au passage que l h tellerie fut referm e RC 140 Disons encore que le sch ma du renversement outre le rapprochement homme animal 3 la voix de op re magistralement dans cette sc ne les registres de voix sont renvers s dessus tant d l gu e au petit ch tr pourtant un homme m r et le dessous un Enfant de ch ur qui avait d j mu RC 139 Le mouvement oscillatoire de haut en bas structure non seulement les voix de la s r nade mais il r git aussi les rapports spatiaux Ragotin les musiciens et les chiens se trouvent au sol en bas alors que la Rancune le Destin et les com diennes se trouvent l tage de l h tellerie tout en haut aux fen tres Spatialement la mise l cart de Ragotin reprend figurativement la distance d avec le code amoureux qui le s pare 362 cet gard Ragotin partage le manque d propos du cur qui ne savait pas faire rire RC II 6 21
190. ien donn pour t che principale de rendre compte de la vie de com diens d ambulant loin de Paris de mani re factuelle et documentaire Cette valorisation exacerb e du c t chronique de la vie de province du texte premier contredit l originalit fonci re de Scarron qui souvenons nous pr ne en mati re de composition l alternance et l ind termination des esth tiques romanesque et comique L auteur anonyme de la suite d Offray prend quant lui garde de vouloir rivaliser avec Scarron avouant d entr e de jeu que son g nie est beaucoup au dessous du sien Ses efforts visent surtout donner Ragotin de nouvelles aventures farcesques Or l o Scarron faisait dans la modulation et l ambigu t le continuateur lui ram ne l histoire comique un tat ancien et d pass celui des contes et des fabliaux Pr chac profite encore davantage de la gloire de Scarron en inventant des aventures tr s romanesques voire galantes des personnages secondaires et laisse de c t les p rip ties de Ragotin de Destin et de l toile Plus une variation sur un m me th me qu une continuation en bonne et due forme cette suite traduit bien l volution romanesque telle que l avait amorc e Scarron R sultat les continuateurs du Roman comique n appliquent pas le principe matriciel que s tait impos l auteur original force de varier la mati re jusqu l oubli de l o
191. igieux qu inattendus rient des com diens nouvellement arriv s les d valuent a priori les rabaissent et d couragent la consid ration et l admiration qu on aurait pu ventuellement leur accorder Ces bourgeois en riant du m tier de com dien se distinguent galement d eux les mettent distance et les repoussent au plus bas de la hi rarchie sociale les bourgeois se situent tout en haut les com diens en bas Signe d une sup riorit ou masque d une faiblesse cette premi re repr sentation du rire dans Le Roman comique atteste exemplairement de l ambivalence du ph nom ne comique non seulement parce que le rire des bourgeois est double sup riorit faiblesse mais aussi par le fait que le Destin raille imm diatement ceux qui s taient un instant plus t t moqu de lui et de ses amis le rire est passager et double tranchant Assez significativement ce premier rire d bouche sur une bagarre la conversation finit par quelques coups de poing et jurements de Dieu que l on entendit au devant de la charrette RC 51 Le rire c de aussit t la place des cris des hurlements et des blasph mes Bref le corporel et le primaire r gnent un bruit fort en remplace un autre ce propos Nina Ekstein voque la fonction structurante du bruit dans le texte scarronien noises play an unusually large role in Paul Scarron s Le Roman comique Le 351 BATTEUX Les Beaux Arts r du
192. il y a icy quantit de propos serieux meslez parmy des choses facecieuses et il y a quelques remontrances qui encore qu elles soient courtes ne laisseront pas de toucher vivement les ames pourveu qu elles y soient dispos es La th tralisation du r cit s av re tout aussi visible dans le choix des verbes Il faudra tant t s carter des malheurs que l on verra ou encore jouer le jeu d une histoire comique que vous allez maintenant voir Sorel r actualise l chelle de l histoire comique l id e d une catharsis utilitariste partir d exemples n gatifs ne pas imiter Scarron s en souvient sans doute lorsqu il crit dans Le Roman comique sur le mode de l hypoth se la fois moqueuse et redoutablement s rieuse Peut tre aussi que j ai un dessein arr t et que sans emplir mon Livre d exemples imiter par des peintures d actions et de choses tant t ridicules tant t bl mables j instruirai en divertissant de la m me fa on qu un ivrogne donne de l aversion pour son vice et peut quelquefois donner du plaisir par les impertinences que lui fait faire son ivrognerie RC 95 283 SOREL Charles Histoire comique de Francion livres I VII d Yves Giraud op cit p 378 379 58 Le plaire et instruire anath me d sormais implacable en cette mi si cle d note certainement une inclination la r forme des m urs m me si elle s av re en d finitiv
193. incipale nous l observons particuli rement dans les nombreuses sc nes mettant en vedette ou en disgr ce le mis rable Ragotin Le Rancune entretient d ailleurs avec Ragotin une relation qu on dira utilitaire et instrumentale Le vieux com dien utilise le petit avocat comme une marionnette comique comme un bouc missaire C est bien dans cet esprit qu il a m chamment tromp Ragotin au d but de l aventure en le persuadant de s prendre de Mile de l toile d j promise Destin Ce man ge amoureux minutieusement orchestr auquel nous reviendrons bient t aura la fonction d un v ritable programme burlesque la plupart des actions qu entreprend Ragotin dans le roman visent s duire la jeune com dienne mais se soldent in vitablement par des d b cles B Ragotin l animalier et l enfantin De tous les personnages du Roman comique Ragotin est celui que la critique a le plus abondamment comment Souffre douleur Ragotin semble toujours li Destin Ragotin serves as a comic double for the novel s hero Le Destin Appel contre h ros le h ros comique et parodique a fairy tale hero le pantin de Scarron Ragotin serait donc ins parable de Destin Le premier profond ment burlesque r pondrait sym triquement au second on ne peut plus romanesque D vidence Ragotin is no doubt the one character on 322 GUICHEMERRE Roger Gr
194. ique un recueil de nouvelles traduites et adapt es de mod les espagnols vari s sous le titre de Nouvelles tragi comiques Si la nouvelle 480 mile Magne cit par MOREL Roland op cit p 42 481 Charles D d yan cit par Ibid Raymond Cadorel cit par bid 483 VIAU Th ophile de Premi re journ e dans Libertins du XVIIe si cle d Jacques Pr vost Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1998 2004 vol 1 p 8 484 SCARRON Paul Les nouvelles tragi comiques Paris Nizet coll Soci t des textes fran ais modernes 1986 371 p Il est galement pertinent de remarquer que quelques unes de ces nouvelles ont connu une certaine fortune ditoriale en tant publi es s par ment et de mani re autonome c est dire hors recueil Les ditions Sillage ont r cemment propos une version du Ch timent de l avarice SCARRON Paul Le Ch timent de l avarice Mayenne ditions Sillage 2006 48 p tandis que les ditions Mille et une Nuits ont offert La Pr caution inutile SCARRON 112 existe comme cellule narrative autarcique dans un recueil sa pr sence quasi clandestine dans un roman sous entend une construction volontairement infest e d esp ces g n riques plurielles Les r cits autobiographiques d in gale longueur de Destin de la Caverne de L andre et d Ang lique dont le statut plus stable divise moins la critique scarronienne que celui des nouvelles
195. ique dont nous avons trait plus t t C est bien pour l nergie et l imm diatet de ses effets que ce comique du jeu jeu du comique prend une telle dimension dans l uvre scarronienne Mais la l g ret ne suffit pas caract riser les rires qu on rencontre dans Le Roman comique Parfois le jeu cesse d tre seulement r cr atif et devient acharn dramatique Violent et passionn un rire qu on dira d formant accompagne aussi Ragotin dans quelques unes de ses malchances les plus grandiloquentes De la m me mani re que le processus d animalisation s parait le funeste trublion de l esp ce humaine la violence du rire Pen distancie encore davantage Fran ois Lagarde souligne que Ragotin cr e autour de lui 375 Henri Gouhier cit par ROCHE Bruno op cit p 21 376 Cette id e de mod ration rappelons nous est particuli rement op rante dans l anecdote de la Caverne qui n a pas su temp rer sa bonne humeur en abolissant du coup toute possibilit de dr lerie 377 LAGARDE Fran ois D sordre et ordre dans Le Roman comique op cit p 673 84 l unanimit ne serait ce que parce le rire est une violence unanime Daniel Riou qui fait de Ragotin un nabot qui vit aux crochets de la troupe estime quant lui que la violence advient au regard de la psychanalyse le passage l acte corporel rel ve d une structure fusionnelle excluant toute m
196. iques annon ait cette d sorientation plus qu il ne la cr ait Ce chapitre pr sente par ailleurs une sc ne o deux personnages partagent leurs go ts litt raires Roquebrune un po te malheureux pr tend qu un bon roman doit n cessairement traiter des aventures de grands princes Le Destin un com dien aux go ts 124 litt raires modernes lui demande s il appr cie le Don Quichotte de Cervant s quoi Roquebrune r pond que c est le plus sot livre RC 162 qu il ait jamais lu Le Destin r torque que s il n appr cie pas Don Quichotte c est peut tre davantage sa faute que celle de Cervant s Par cette boutade le Destin met en relief l incapacit de Roquebrune comprendre le code herm neutique qu impose le c l bre roman espagnol Parall lement il indique aussi un mode de lecture privil gier pour Le Roman comique m me Le lecteur doit en effet constamment demeurer en alerte devant cette affirmation hont e de la voix auctoriale La contiguit du romanesque et du comique donne naissance aux modulations et aux contaminations les plus contrastantes Les nouvelles romanesques voisinent avec des pisodes plus farcesques plus temp r s moins rigides Si la nouvelle est tir e du c t du biscornu en c toyant des chapitres o le burlesque r gne il en va pareillement des sc nes bouffonnes qui acqui rent par ces voisinages toxiques une dimension plus philosophique le rire marquant comme
197. is Presses de l Universit Laval L Harmattan coll R publique des Lettres 2000 320 p FOUCAULT Didier Histoire du libertinage Des goliards au marquis de Sade Paris ditions Perrin coll Tempus 2010 553 p PINTARD Ren Le libertinage rudit dans la premi re moiti du XVIIe si cle Paris Boivin 1953 2 vol ROUSSET Jean Peut on d finir le baroque 2 Baroque En ligne 1 1965 mis en ligne le 24 d cembre 2011 consult le 6 mai 2012 URL http baroque revues org 88 STENDHAL Racine et Shakespeare 1818 1825 et autres textes de th orie romantique d Michel Crouzet Paris Honor Champion coll Textes de litt rature moderne et contemporaine 2006 550 p 165 TRICOCHE RAULINE Isabelle dentit s libertine s L criture personnelle ou la cr ation de soi Paris Honor Champion coll Libre pens e et litt rature clandestine 2009 764 p VIALA Alain La France galante essai historique sur une cat gorie culturelle de ses origines jusqu la r volution Paris Presses Universitaires de France coll Les litt raires 2008 540 p E Dramaturgie et th tralit DANDREY Patrick Moli re ou l esth tique du ridicule Paris Klincksieck coll S rie Litt rature 2002 454 p FORESTIER Georges Le th tre dans le th tre sur la sc ne fran aise au XVIIe si cle Paris Librairie Droz coll Titre courant 1996 1981
198. is de terreur du marchand qui se sentit noy de pissat RC 63 que le malheureux bourgeois est bel et bien celui qui a souill le lit et qu il faut qu il ait fait un mauvais songe ou qu il soit fou RC 64 Doublement humili il est compiss et on le fait passer pour incontinent le marchand passe le reste de la nuit se s cher aupr s du feu sans toutefois se venger de la Rancune Malgr son humour ur tral la sc ne n est pas l occasion d un rire collectif La Rancune ne rit pas de sa fac tie ni le marchand non plus lequel est tout fait en col re tandis que l h tesse elle rage et jura son grand Dieu qu il le marchand le le matelas payerait RC 64 Notons que si la Rancune aime jouer des D Ibid 14 La narration insiste d ailleurs sur cet aspect de mani re isotopique hypocrisie de sc l rat RC 63 feignant une grande ing nuit RC 64 etc Sans compter que la Rancune est un com dien d exp rience profession qui table pr cis ment sur la feinte sur la capacit faire croire Peut tre la Rancune n est il jamais aussi bon com dien que dans son existence lorsqu il est loin des planches du th tre 315 Notons qu une certaine circularit caract rise la sc ne Le marchand a pay boire la Rancune la soir e durant tout en lui offrant g n reusement le g te Or cette double charit entra ne non pas des remerciements mais des ma
199. is du rire qu il m nage et de son ambivalence fonci re Joan DeJean r affirme ce parti pris structuraliste dans Scarron s Roman comique A Comedy of the Novel A Novel of Comedy en d gageant du texte selon une double impulsion bakhtinienne et formaliste une construction orale et une carnavalisation du discours Passant un long moment d finir la notion de burlesque ses techniques et ses r currences DeJean pose comme hypoth se principale que les strat gies rh toriques dominantes et la pr sence d un narrateur interventionniste r v lent certains caract res carnavalesques Pr s du texte les analyses de DeJean signalent que les figures de rh torique les plus op rantes dans Le Roman comique sont les oxymores et les hyperboles Le Roman comique serait donc un r cit d bordant hypertrophi et exub rant qui provoque le rire pr cis ment en raison de ses exc s m taphoriques et de ses 7 Ibid p 146 75 Ibid p 147 76 ROUSSET Jean Insertions et interventions le Roman comique Narcisse romancier essai sur la premi re personne dans le roman Paris Librairie Jos Corti 1973 p 77 77 Voir l habile tude de NEDELEC Claudine Les tats et empires du burlesque Paris Honor Champion coll Lumi re classique 2004 506 p 78 ROUSSET Jean op cit p 80 Ibid p 82 13 outrances langagi res qu un difice rh torique subtil amplifie Ces d veloppements parfois ardus
200. is une libert incontr lable et un exc s inqui tant s ajoute pour Scarron et les autres romanciers burlesques la d consid ration traditionnellement associ e la veine comique Variante n gative et outr e du roman r gl pensons par exemple aux grands avatars du roman baroque et h ro que que sont Polexandre de Gomberville Cassandre de La Calpren de ou encore Artam ne ou le 464 2 Grand Cyrus des Scud ry que Scarron caricature nomm ment dans Le Roman comique contre critique du discours qui construit le roman selon une g n alogie retrouv e suite la 3 Voir avec profit ces r cents travaux de synth se sur le genre romanesque au XVIIe si cle CHAMPAIN Pascal op cit ESMEIN SARRAZIN Camille op cit FOURNIER Michel G n alogie du roman mergence d une formation culturelle au XVIIe si cle en France op cit 464 Polexandre de Gomberville RC I 10 78 Cassandre de La Calpren de RC I 21 163 ou encore Artam ne ou le Grand Cyrus des Scud ry RC I 10 78 1 12 95 1 21 163 celui ci tant l ouvrage le plus cit par Scarron 108 r actualisation des romans grecs antiques Les thiopiques d H liodore au premier chef le genre de l histoire comique se propose de travestir les conventions encore neuves d un genre toujours la recherche d un statut plus prestigieux et de r f rences communes Notre lecture du Roman comique renverra moins l incompl te th orie des g
201. it de l homme et de l uvre n est pas tablie Elle est subordonn e une unit plus forte celle entre l uvre et le public HERMAN Jan Image de l auteur et cr ation d un ethos fictif l ge classique 7 Argumentation et Analyse du Discours En ligne 312009 mis en ligne le 15 octobre 2009 Consult le 22 juillet 2012 URL http aad revues org 672 52 HERMAN Jan Image de l auteur et cr ation d un ethos fictif l ge classique 6 op cit 135 B La com die de soi Au chapitre II 17 RC 283 la troupe comique men e par le couple de Destin et l toile repr sente Dom Japhet d Arm nie devant un auditoire form par une Noblesse grosse et menue RC 285 une com die en cinq actes de la cr ation de Scarron qu il a crite au moins quatre ans avant la r daction de la premi re partie du Roman comique Le narrateur prend soin d indiquer qu il s agit d un ouvrage de Th tre aussi enjou que celui qui l a fait a sujet de l tre peu RC 286 Constante de son uvre cette allusion mi larmoyante et mi fac tieuse son tat physique r el puisque biographique ram ne une fois de plus la figure auctoriale sur le plan de la di g se Pour autant Dom Japhet d Arm nie n est pas une uvre tout fait originale puisque comme les nouvelles espagnoles qui pars ment le texte la pi ce est adapt e d une comedia de Castillo
202. it p 114 4 Ibid 8 Fureti re 1681 cit par BERREGARD Sandrine op cit p 114 74 Ragotin lourdaud grossier et m me stupide il est un simple et b te animal parmi les hommes La Rancune a tr s t t profit du caract re impressionnable cr dule et vaniteux de Ragotin Au chapitre I 10 RC 85 alors qu on s amuse tous de la nigauderie de l avocat qui pr tend tre capable de faire une com die dans les r gles sans beaucoup de fautes contre la biens ance et contre le jugement RC 88 la Rancune qui ne valait rien se mit du c t de Ragotin pour aider le jouer RC 90 On interroge Ragotin sur la mani re de r soudre un probl me technique li la repr sentation th trale en lui demandant comment il entend faire tenir sur une m me sc ne une vingtaine de Cavaliers tant plus que moins avec autant de Demoiselles RC 89 La Rancune lui portant fictivement secours sugg re que pour la quantit n cessaire de Cavaliers et de Dames qu on en louerait une partie et l autre serait faite de carton RC 90 Deux rires parfaitement distincts en r sultent ce bel exp dient de carton de la Rancune fit rire toute la compagnie Ragotin en rit aussi et jura qu il le savait bien mais qu il ne lavait pas voulu dire RC 90 Il y a d abord ceux qui rient avec la Rancune de la m connaissance des r gles du th tre de la part de Ragotin Il y a ensuite
203. its un m me principe Gen ve Slatkine Reprints 1967 1746 p 258 2 Situ un premier niveau Ragotin nain niais et difforme invite d j physiologiquement rire 25 ROCHE Bruno op cit p 20 4 Ibid 25 Nous avons d j observ un semblable d placement du rire la bagarre lors de la deuxi me anecdote comique que le cur narre aux com diens Rire n est ni banal ni sans danger puisqu il fait parfois place une violence minemment physique D ailleurs nous traiterons plus loin de la violence m me du rire dirig e essentiellement vers Ragotin 256 EKSTEIN Nina op cit p 33 52 bruit comme un leitmotiv signalant la rupture interrompt l intrigue plusieurs moments dans le roman Isabelle Trivisani Moreau constate galement que les bagarres brouillent les identit s et vont m me jusqu effacer les formes humaines Ce rapprochement entre le rire et le bruit les deux plus ou moins reli s la violence n est assur ment pas fortuit Plus encore le bruit comme le rire entrent en concurrence directe avec le langage avec qui ils partagent un m me espace acoustique Ekstein fait du rire a primitive human sound and thus contributes to the earthy unpretentious atmosphere of the novel Le rire est le signe non linguistique le plus fr quemment rencontr dans Le Roman comique Dans la sc ne o le nom de la Caverne suscite les moqueries le rire appara t comme u
204. jourd hui 1996 757 p DUPRIEZ Bernard Gradus Les proc d s litt raires Dictionnaire Paris ditions 10 18 coll Domaine fran ais 2003 540 p FURETI RE Antoine Dictionnaire universel Paris S N L Le Robert 1978 1690 3 vol GRIMAL Pierre Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine Paris Presses Universitaires de France coll Grands Dictionnaires 2002 578 p VOLTAIRE Dictionnaire philosophique Paris Garnier Flammarion coll Texte int gral 1994 1764 380 p 6 Autres ARISTOTE Les parties des animaux d de Pierre Louis Paris Les Belles Lettres 1956 193 p BARTHES Roland Le plaisir du texte Paris ditions du Seuil coll Essais 1982 89 p CUREAU DE LA CHAMBRE Marin Les Charact res des passions Paris I D Allin 1662 1640 4 vol DELOUINCE LOUETTE Christiane Mourir de rire mourir pour rire dans le Quart Livre Recherches et travaux n 67 2005 p 103 112 FOUCAULT Michel Les mots et les choses Paris Gallimard coll Tel 2005 1966 400 p GAUTHIER Th ophile Les Grotesques Paris Fasquelle 1904 400 p GROS Fr d ric Notes sur quelques sens du classicisme chez Foucault Revue d histoire litt raire de la France Presses Universitaires de France vol 107 n 2 2007 p 307 312 HERMAN Jan Image de l auteur et cr ation d un ethos fictif l ge classique Argumentation et Analyse
205. l spectaculaire le proclame 52 KIB DI VARGA Aron Le roman est un anti roman Litt rature 1982 n 48 p 20 5 Ibid 141 romanciers lus et canonis s par la post rit nous voyons cependant dans le rejet d une po tique conventionnelle une qualit native du roman plut t qu un caract re acquis Le commentaire de Jean Serroy sur le legs litt raire du Roman comique est de ce fait particuli rement marqu par l id e de l affranchissement de l ancienne mani re d crire en roman Reflet d une personnalit et d une vie m lange de p rip ties burlesques et d aventures romanesques t moignage sur la vie de province et sur le monde du th tre Le Roman comique est aussi une uvre qui marque une tape dans l histoire de ce genre neuf qu est en 1650 le roman La ma trise qu il affiche des techniques narratives les plus originales tout comme l ironie qui s y exprime engageant une r flexion sur l art et la mani re de faire ou de ne pas faire un roman sont des l ments qui contribuent ouvrir au romanesque la voie encore incertaine du r alisme Mais ne soyons ni dupes ni trop prompts faire du Roman comique l illustration parfaite du passage d un roman r gl un roman critique qui a sans doute autant d histoire que le genre lui m me Genre gigogne aux diff rentes parties embo tables l antiroman de Scarron n a pas la n gativit d
206. l suffit pour montrer l quivoque du Roman comique La premi re partie publi e en 1651 se divise en 23 chapitres dont 18 exceptionnellement courts et qui proc dent dans l ensemble de la burla sont consacr s au r cit cadre Dans la seconde partie dat e de 1657 15 chapitres sur un total de 20 appartiennent aussi au r cit cadre devenu en g n ral plus agressivement burlesque Proportionnellement moins importants sur le plan du nombre de chapitres les r cits ins r s totalisent cependant pr s de 3 5 de la narration De ce d coupage entre narration directe r cit englobant et narration indirecte r cits englob s se d gage une premi re articulation o un principe d alternance se met en place et qui suppose simultan ment une dissolution du discours romanesque en multiples s quences avort es puis reprises s quences enroul es dans une spirale sans cesse court circuit e par des interf rences intertextuelles et m tatextuelles Dans cette mesure Le Roman comique rel ve autant d une technique du disparate que d une puissante polyphonie C est bien sur cette ligne de bascule et d quilibre p rilleux qu op re l esth tique scarronienne soumise l envahissement de plusieurs discours voix et points de vue Difficile de d terminer en ce sens si le r cit englobant domine les r cits englob s ou vice versa Les programmes iconographiques qui accompagnent mat riellement l uvre au fil de ses 488
207. la critique scarronienne vis vis la source de la mauvaise fortune de Ragotin Froidefond soutient que Ragotin n est plus qu un jouet un godenot que Scarron manipule pour notre plaisir avec toutes les ficelles de son art alors que Vos Camy nuan ant la position selon laquelle Ragotin ne serait pas responsable de ses infortunes affirme que ce n est pas un personnage innocent pers cut par son auteur Sans doute la v rit se trouve t elle au milieu de ces hypoth ses ennemies qui elles renvoient parfaitement aux deux acceptions du terme disgr ce 353 Voir THIELE Ansgar L mergence de l individu dans le roman comique XVIIe si cle Presses Universitaires de France n 215 2002 p 251 261 34 ROCHE Bruno op cit p 23 355 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 71 356 Les disgr ces de Ragotin dans la premi re partie les chapitres 8 10 11 15 16 17 19 20 Dans la deuxi me partie les chapitres 2 7 8 9 16 17 18 20 37 Les m saventures de Ragotin sont au moins au niveau terminologique rapprocher d une autre histoire comique parue en 1644 c est dire Le Page disgraci de Tristan L Hermite L HERMITE Tristan Le Page disgraci op cit 358 FROIDEFOND Dominique op cit p 433 39 Vos CAMY Jolene Les folies du Roman comique le caract re burlesque et romanesque de Ragotin et Destin
208. la nouvelle Le Ch timent de l avarice cette fois 97 pique et en g n ral toute distance hi rarchique facteur d loignement Nous retrouvons ainsi en fin de parcours cette notion cardinale de distance qui a servi de base conceptuelle notre propos sur les repr sentations textuelles du rire Chez Scarron le rire est le sympt me des ruptures de ton et des d sordres narratifs permettant concurremment l accueil et la confrontation des contraires La mise en place de cette typologie des diff rents rires rencontr s dans Le Roman comique ne serait pas bien digne d int r t si elle demeurait ce stade descriptif de l analyse De ce classement th matique deux choses retiennent assur ment l attention D abord il tait de propos d lib r que chaque cat gorie soit construite sous forme oxymorique En effet le texte scarronien plusieurs gards fonctionne par antith ses Jean Serroy ne notait il pas d j que la 3 9 Si notre gen se du Roman comique se trouve ainsi plac e sous le signe du double premier chapitre ambitionnait de regrouper les diverses repr sentations du rire dans le roman et de proposer quelques hypoth ses quant leur signification d ensemble notamment par le biais d une th tralit qui oscille sans arr t entre mim sis et vis comica nous venons de voir que le rire par cette constante dialectique des contraires consacrerait l union de deux traditions incomp
209. le articule galement l entrelacement du montr et du cach notamment par l utilisation des masques Accabl de ne pouvoir conna tre l identit de son amante dom Carlos prend parti pour la transparence on ne se cache gu re quand on n a que de bons desseins et on peut ais ment tromper une personne qui ne se tient pas sur ses gardes mais on ne la trompe pas deux fois RC 73 R v ler ou dissimuler voir ou ne pas voir telle est la question que le roman pose au lecteur Ce que la nouvelle camoufle est pr cis ment ce que les chapitres courts divulguent c est dire les dessous les rouages trompeurs du romanesque Et s il s av re impossible de tromper deux fois une personne l chement abus e par un univers superlatif et illusoire le roman comme pour donner raison dom Carlos encha ne avec un chapitre qui le tire nouveau vers le pitoyable le minable L effet de la lecture de Ragotin est plut t positif la foule applaudit gaiement Pendant un temps le godenot au corps joyeusement avili s est hiss au sommet de la hi rarchie sociale Son bonheur sera cependant de courte dur e Houspill Ragotin est finalement d couvert Un personnage lui d robe le livre d o il a puis son conte La foule inaugure alors tout un bal On se lance le livre de mains en mains alors que Ragotin dans un va et vient aussi vain que carnavalesque tente de racheter son nouveau statut de plagiaire Le petit homme a
210. le libertinage nous a paru indispensable pour entreprendre une r flexion personnelle et originale sur le rire scarronien N y a t il pas avantage jusqu un certain point uvrer dans l ind fini se demandait juste titre Jean Rousset propos d une autre 71 Cette tude reste encore faire La majorit des travaux r cents traitent le libertinage et le burlesque comme des notions proches mais toujours distinctes Notre intuition est que les rapports d intimit entre le libertinage et le burlesque sont beaucoup plus grands que ne le laissent croire les approches actuelles 216 BERTRAND Dominique Introduction dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand op cit p 21 217 TRICOCHE RAULINE Isabelle Identit s libertine s L criture personnelle ou la cr ation de soi Paris Honor Champion coll Libre pens e et litt rature clandestine 2009 p 28 218 N DELEC Claudine Le burlesque au Grand Si cle une esth tique marginale op cit p 436 219 ROUSSET Jean Peut on d finir le baroque 2 Baroque En ligne 1 1965 mis en ligne le 24 d cembre 2011 consult le 6 mai 2012 URL http baroque revues org 88 39 notion polys mique et lastique le baroque Aussi voulons nous tirer profit de cette ind termination conceptuelle pour crire une po tique du rire qui n a pas l ambition de r soudre le probl me de la comicit du comique
211. le m me et constitue un antiroman D abord Tocanne dans Scarron et les interventions d auteur distingue deux types de narration une premi re impersonnelle ce qu mile Benveniste appelait r cit historique et une seconde personnelle o la pr sence d un je de mani re directe ou indirecte s introduit dans la trame du r cit Sa lecture met jour la pr sence voil e d un observateur amus et met en uvre des proc d s de distanciation comme la parodie et la satire Si Serroy avait sugg r que Scarron tait un technicien habile qui a pens le roman comme un m canisme d horlogerie Tocanne propose plut t que Le Roman comique repose sur l image d doubl e d une improvisation et d une construction r fl chie Voil que SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 519 6 Jbid p 509 S Voir sp cialement GENETTE G rard Morts de rire dans Figures V Paris ditions du Seuil coll Po tique 2002 p 134 225 57 TOCANNE Bernard Scarron et les interventions d auteur dans Le Roman comique M langes Pintard Paris Klincksieck 1975 p 141 68 Jbid p 141 Ibid 7 KORITZ Lester S Scarron satirique Paris Klincksieck 2000 1977 247 p 71 SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 500 7 Ibid 73 TOCANNE Bernard op cit
212. le seul mode de la chose qu on pers cute subit un hypercodage stylistique auquel le narrateur recourt ponctuellement et dans la jubilation la plus grande Cette r p tition inlassable de gestes machinaux et des codes 5 ce sujet il faudrait lire avec profit l important ouvrage de Georges Forestier qui investigue in extenso cette complexe notion FORESTIER Georges Le th tre dans le th tre sur la sc ne fran aise au XVIIe si cle Paris Librairie Droz coll Titre courant 1996 1981 400 p 54 De la m me fa on que nous pourrions galement dire que le comique n existe qu en rapport avec le s rieux et l antiroman avec le roman 137 desquels ils d rivent vise faire rire d une part mais souligne en m me temps la paralysie qui gagne le genre romanesque C Le sourire de la m talepse Le pacte d identification entre l auteur le narrateur et le personnage ne jouit pas d une clart absolue dans Le Roman comique Certains critiques ont cherch faire correspondre Scarron son personnage romanesque le Destin avec le Destin Scarron transforme sa propre vie en destin Ce portrait croient ils demeure cependant incomplet tant que n est pas restitu e l importante place qu y occupe aussi Ragotin projection de ce m me Scarron ou plut t de l autre c t de lui m me Ce serait l prendre des raccourcis qui n aident pas forc ment rendre compte de l a
213. leur donnait pour bon RC 217 Le fiasco du pr tre est suivi d une explication minutieuse et renseign e de la part du narrateur un ph nom ne qui n est pas inhabituel dans le genre de l histoire comique du XVIIe si cle les histoires comiques accompagnent d une glose abondante la mise en sc ne des clats de rire Au moins deux facteurs expliquent cet insucc s retentissant L histoire que le cur trouve pourtant gaie ne suscite pas les r actions esp r es soit parce que les auditeurs ne la trouvaient pas aussi cocasse qu il l avait pr vu soit parce que les mornes com diens ne sont pas dispos s rire malgr la qualit et la valeur de l anecdote D j les v nements troubles que vivent les deux com diens combin s au d c s de l h te cr ent dans l h tellerie une atmosph re morose pesante qui porte plus au recueillement qu l all gresse Le cur comme insensible cette ambiance noire grave et s rieuse se hasarde n anmoins un nouveau conte qu il promet meilleur que le pr c dent Encore moins propos cette histoire relate les derniers moments du d funt tandis qu il s opini tre se faire enterrer avec un vieux drap sale et trou plut t qu avec un tissu neuf et digne de l aust re occasion ne souhaitant pas d penser un sou de trop m me 7 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 10
214. lheurs Il est d ailleurs symptomatique que la Rancune paie sa dette au marchand avec ce qui lui avait t gracieusement offert un temps plus t t Le pissat de la Rancune c est l alcool qu a pay le petit bourgeois qu il rembourse Au sujet de l absence de ch timent envers la Rancune Gagnon observe juste titre qu aucune de ses victimes ne cherche jamais se venger de lui GAGNON Ingrid op cit p 189 69 tours 1l ne s inqui te gu re de leur r ception Il ne les manigance pas tant pour briller en soci t que pour s amuser go stement et sans grande affectivit ou pour en tirer un b n fice concret La structure de la sc ne du pot de chambre rel ve de ce que Jean de Guardia a nomm le syst me de r p tition gradation La Rancune ne fabrique pas de la diff rence il cr e obstin ment de l identique la technique tr s simpliste du r veil impertinent le com dien attend que le marchand s endorme un temps pour le r veiller brutalement est r actualis e trois reprises mais en la modulant selon des intensit s grandissantes les jurons les cris la th tralisation sont exag r s amplifi s de fois en fois Disons tout de suite que la duplication est une mani re de creuser une id e comique d en explorer toutes les virtualit s Il ne s agit certes pas chez Scarron d un d faut involontaire d imagination mais d une recette prouv
215. lit r alisme romanesque ordre d sordre et unit diversit de laquelle proc de le texte scarronien s appuie chez Serroy sur une donn e biographique c est dans cette dualit que r sident sans doute l unit profonde de l homme et celle de son uvre Si Roman et r alit a permis d envisager Le Roman comique sous un jour nouveau force est d admettre qu il r actualise du m me souffle la part biographique la liant intimement l uvre Ce rapport homologique entre l homme et le texte s aggrave lorsque Serroy tablit non sans risque un lien d identit direct entre Scarron figure auctoriale et Ragotin personnage de fiction Aussi la dualit est elle discut e dans une perspective quasi psychologique alors que Serroy assure que Scarron pourtant gravement malade tait un bon vivant d une compagnie plaisante clownesque riante Il assimile m me ce double mouvement son processus de cr ation plus le corps se paralyse plus la douleur est forte et plus par r action le roman sera vif mobile enjou En demeurant prudents devant de semblables propos qui peuvent d river tr s prestement notons que Serroy est un des rares critiques accorder au rire question couramment n glig e une certaine importance et consid rer que Le SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 439 6 Jbid p 470 Tbid p 466 SCARRON
216. lklorique dans l imaginaire culturel la mati re du Roman comique devient universellement accessible et donne lieu des lectures et des interpr tations disparates Ce que Louis Barr sugg re dans la note qui accompagne sa conclusion repose pour l essentiel sur l ach vement obligatoire de l uvre Barr affirme propos des suites d Offray et de Pr chac que part le m rite et l ex cution du style on doit leur reprocher tous les deux d avoir consult des documents inexacts et incomplets touchant l histoire de la 2 ROCHE Bruno op cit p 570 453 Disons encore que d autres suites ont t produites dont celle de M D L en 1771 Cette suite est particuli rement int ressante pour son parti pris nettement plus romanesque que l original illustrant une certaine transformation des pr suppos s po tiques propres chaque auteur du texte On a galement adapt le Roman comique au th tre Champmesl et La Fontaine en 1684 avant de le mettre en vers Le Tellier d Orvillers en 1733 Th ophile Gautier s est aussi tr s largement inspir de Scarron pour son Capitaine Fracasse 1863 Leurs qualit et profondeur toutefois ne sont pas toujours manifestes 104 noble compagnie des com diens du Mans Nous retrouvons l sans grande surprise le topos de l histoire v ritable et du souci de l archive exacte Cependant est ce bien l l esprit du texte primitif Scarron s est il b
217. man est intimement li l expression voire la d couverte d une forme originale de comique ou d humour laquelle les uvres de Rabelais et de Cervant s auraient contribu de mani re d cisive Ce double h ritage nous para t cardinal pour comprendre la production romanesque de l Ancien R gime et particuli rement l mergence de l histoire comique bien des titres le roman critique n est possible qu en miroir du roman r gulier dans l acceptation de son fonctionnement et dans le refus de ses exub rances C est galement cette relation privil gi e entre le rire et le roman que notre m moire s efforcera de d finir KKK Notre r flexion sur le rire dans Le Roman comique se divisera en trois grands moments qui constitueront autant de chapitres Les repr sentations textuelles du rire la th tralisation du rire et les limites du rire seront les principales articulations th matiques de notre tude 128 MINOIS Georges Histoire du rire et de la d rision Paris Fayard 2000 p 322 1 Thid p 331 50 Voir en particulier la deuxi me partie de la monographie de D Bertrand BERTRAND Dominique Ordonner le rire dans Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 87 174 1 B LISLE Mathieu Pr sentation en qu te du rire romanesque tudes fran aises vol 47 n 2 2011 p 5 22 Dans notre premier chapitre seront revues les dif
218. mbigu t entre le r cit personnel auteur r el et la fiction producteur de la fiction L ethos insaisissable du narrateur non fiable et de l auteur implicite du Roman comique commande pourtant la plus grande prudence en ce domaine Les effets d interf rence et d interaction que cr e l intrusion m taleptique informent de l instabilit du r gime romanesque dans son ensemble brouillant genres registres mani res d crire et d stabilisent aussi les rapports entre lecteur et litt rature Si la m talepse au plan narratif manifeste le passage transgressif d un niveau un autre au plan de la repr sentation elle d stabilise le fonctionnement repr sentationnel et pose le probl me de la r f rence Elle transforme le contrat de lecture initialement fond sur un principe de vraisemblance et le situe autour d un savoir partag de l illusion Ce confort de la lecture stable lin aire et sans questionnement tributaire d une po tique romanesque fortement cod e n est plus effectif chez Scarron Enfin 1l est possible de ramener toutes ces confusions instabilit s et incertitudes une m me cause le rire L uvre du rire programme au contraire un au del du roman G n rateur de discordance dans la communication litt raire ce rire de la jubilation et de la profusion qui marque au fer rouge Le Roman comique 535 SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit
219. me en anamorphose inventant un monde indiff renci o se m lent diff rentes cat gories de personnage La Rancune semble sp cialement rapproch du r f rent animal On dit ici qu il est malicieux comme un vieil singe et envieux comme un chien RC 58 l qu il est doux comme un agneau RC 59 Le Roman comique distingue et rapproche constamment l homme de l animal dans une ind termination signifiante On dit de la Rancune qu il est plut t animal envieux qu animal risible RC 92 et de Ragotin qu il est un de ces animaux raisonnables RC 160 Disons qu au XVIIe si cle l animal n est apparemment pas en brillante position D signant toute cr ature dot e d une me pour Nicot le terme animal renvoie chez Fureti re un corps anim qui a du sentiment et du mouvement Plus encore en morale on oppose la partie animale qui est la partie sensuelle et charnelle la partie 345 raisonnable qui est l intelligente C est assez dire du discr dit qui est intrins quement attach 0 BERREGARD Sandrine op cit p 122 1 Thid p 128 2 Lopez Denis L animal au XVIIe si cle fond de tableau th ologique mythologique philosophique quelques points d ancrage dans MAZOUER Charles d L animal au XVIIe si cle T bingen Gunter Narr coll Biblio 17 2003 p 11 343 Cit par BERREGARD Sandrine op c
220. ment curieux et merveill La question du rire litt raire que j ai tudi e dans ce m moire m a peut tre permis de me rapprocher un peu de cet quilibre p rilleux entre la r flexion s rieuse et le plaisir du texte Et comme la plupart de ceux qui se hasardent disserter sur le comique j aimerais aussi prendre la prudence d avertir le lecteur que ce travail n a pas l ambition de faire rire Mais tout rire qui na tra de la lecture de telle anecdote ou de telle caricature sera heureux et puissent r sonner ensemble les rires de rieurs que pr s de quatre si cles s parent Car le rire abolit les distances et rend net le trop grand s rieux de l existence Le rire permet de nous prendre au s rieux sans nous prendre vraiment au s rieux INTRODUCTION Qui peut tre ne sera pas trouv le fort divertissant e Il y a plus affaire interpreter les interpretations qu interpreter les choses et plus de livres sur les livres que sur autre subject nous ne faisons que nous entregloser MONTAIGNE Comment lire la critique Un seul moyen puisque je suis ici un lecteur au second degr il me faut d placer ma position ce plaisir critique au lieu d accepter d en tre le confident moyen s r pour le manquer je puis m en faire le voyeur j observe clandestinement le plaisir de l autre j entre dans la perversion le commentaire devient alors mes yeux un texte une fiction une enveloppe fiss
221. ment un il s identifie via style il est de l ordre relatif voire subjectif du registre ou de la tonalit la burla et la beffa une esth tique L adjectif burlesque qui sert surtout qualifier l octosyllabe caract ristique des parodies piques est il exportable au del du type de vers qu il entend cat goriser Dans l acception tr s restreinte du burlesque au XVIIe si cle tiquette r serv e au domaine po tique l association du Roman comique au burlesque tient davantage du raccourci critique que de l analyse fouill e Le malade de la reine tait il infect au plus haut degr par la maladie du burlesque au point d tre incapable d crire autrement Il est vrai 13 Charles Perrault cit par N DELEC Claudine Burlesque et interpr tation 20 Les Dossiers du Grihl En ligne Les dossiers de Claudine N delec Le XVIIe si cle mis en ligne le 14 novembre 2007 consult le 4 mai 2012 URL http dossiersgrihl revues org 329 1 Marmontel cit par N DELEC Claudine Burlesque et interpr tation 44 op cit 195 N DELEC Claudine L invention du burlesque de Marc Fumaroli Boileau aller et retour 2 Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques En ligne 28 29 mis en ligne le 22 novembre 2008 consult le 6 avril 2012 1 N DELEC Claudine Burlesque et interpr tation 8 op cit 7 BERTRAND Dominique Introductio
222. modifie toute situation individuelle et collective dans laquelle il surgit Ce jeu avec la distance est d terminant dans la cr ation comme dans la r ception du comique d o les brouillages les insucc s et les interf rences que peut cr er la distanciation par le rire Dernier l ment constitutif du comique l innocuit Aristote ne souligne t il pas d j dans la Po tique que le comique tient en effet un d faut et une laideur qui n entra nent ni douleur ni dommage Qu il s agisse de petits d sordres sans cons quence ou encore 164 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 17 165 Jbid p 18 166 Cette id e selon laquelle la relativit du comique a pour point de d part le r cepteur est pr cis ment ce qui distingue les approches essentialistes du rire des approches dites combinatoires 7 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 9 18 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 10 16 JANK L VITCH Vladimir op cit p 19 170 DESTAING J r me et Philippe Labaune dir Rire pour quoi faire op cit p 5 171 ARISTOTE Po tique Paris Librairie g n rale fran aise coll Le Livre de Poche 2008 19901 p 90 1449b 30 d v nements guillerets ne causant ni blessure ni pr judice le comique doit s associer au b nin ou au l ger pour qu il se r alise pleinement Au
223. n dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand op cit p 14 28 L expression reprise l envi est de Bruneti re N DELEC Claudine L invention du burlesque de Marc Fumaroli Boileau aller et retour 13 op cit 35 cependant que Scarron un peu partout dans son uvre et des degr s divers use du burlesque comme d une arme toutes mains une arme perverse dont il use avec l intention maligne de montrer aux puissants du jour qu il est habile donc dangereux qu il peut toujours se mettre de l autre bord donc qu il vaut mieux tre du sien Mais la violence litt raire de Scarron suppos e maligne et perverse n est pas celle de Sorel ni celle de Cyrano Ses armes sont assur ment moins tranchantes Le rapprochement absolu et sans appel entre un style et son auteur est invitant mais requiert quelques claircissements pour qu il soit v ritablement op ratoire 20 selon le mot Le burlesque cette l pre des ann es de la Fronde et qui y survivait c l bre de Sainte Beuve est il plus qu un mal dont il faut trouver le rem de au risque d une pid mie d finitive Non r pondrait Ferdinand Bruneti re qui en visionnaire acerbe et sans nuance consid rait que Paul Scarron ne sera plus dans l histoire qu un bouffon plus ou moins spirituel et plus ou moins r jouissant Le burlesque du Roman comique n est pas uniquement pr sent dans le renverseme
224. n 1597 75 plus en plus glorificateurs pour mieux abuser de sa g n rosit de provincial En buvant un coup de trop Ragotin brise maladroitement un verre Il t cha deux ou trois fois de le redresser pensant l avoir mis lui m me sur le c t Enfin il le jeta par dessus sa t te et tira la Rancune par le bras afin qu il y pr t garde pour ne perdre pas la r putation d avoir cass un verre Il fut un peu attrist de ce que la Rancune n en rit point RC 92 Notons que si Ragotin fait souvent rire ce n est jamais tout fait d lib r ment Quand il pr pare un tour quand il veut faire rire le comique tombe illico plat Jean Luc Giribone dans Le Rire trange observe que le comique est li l inattendu ou l exag ration Rien de tel dans la mauvaise plaisanterie de Ragotin Convenue simpliste elle suscite plut t l c urement que la bonne humeur et son auteur en souffre tant attrist de son ratage Si le comique met en jeu l alternance de la solidarit rire avec et de l exclusion rire de la place de Ragotin se situe assur ment du c t des exclus des marginaux Non seulement Ragotin est il s par du monde des hommes via sa repr sentation animale encore est il vinc du jeu comique mis distance et r duit au statut de victime Le chapitre I 11 RC 91 est galement l occasion de la ruse la plus efficace et sournoise du m chant l
225. n ou son minent r conciliateur n est ni particuli rement convaincant ni m me op ratoire en regard de la pluralit des formes antiromanesques qui explosent du Moyen ge jusqu nos jours Il appara t davantage propos de reconna tre que Scarron exploite ce qui est constitutif du genre romanesque m me c est dire une pratique autor flexive et un d tournement g n ralis 1 Le roman est un antiroman Depuis l article fondateur d Aron Kib di Varga Le roman est un anti roman qui montrait que l histoire du roman serait alors l histoire des d placements mythiques et prouverait cette permanence des mythes dans le monde moderne la fortune du terme antiroman se fait particuli rement sentir dans les plus r cents ouvrages sur l autre roman de l ge classique Dans leur pr sentation au num ro sur De l usage des vieux romans pour tudes fran aises Ugo Dionne et Francis Gingras proposent de r concilier la notion d antiroman en rigeant l insubordination et la subversion des valeurs romanesques comme crit re inn du genre plut t qu une construction critique a posteriori r serv e aux seuls 545 SERROY Jean Roman et r alit les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 520 5 6 Ibid 7 DIONNE Ugo et Francis Gingras op cit p 6 548 Le nouveau roman de Robbe Grillet Sarraute n est ainsi pas aussi nouveau que son intitu
226. n th trale et dans la r alit de la di g se en assimilant bient t la premi re la seconde Si tout le monde s est plu entendre jouer la pi ce la pr sence trouble de Ragotin cr e une vraie temp te la dispute entre les deux se d grade rapidement en chaos g n ral o tout devient d sordre En tant que repr sentation le th tre a bien pour mandat premier de r p ter la vie sur sc ne Qui plus est la querelle entre le petit Ragotin et le grand Baguenodi re proc de d une isotopie de la grandeur et de la petitesse qui est d clin e tout au long de la sc ne et m me du roman Le grand n existe que dans sa relation au petit de m me que les petits bourgeois du Mans qui assistent la com die ne sont qu une image invers e et carnavalis e de la grande cour parisienne exaltant ce faisant leur vacuit et leur mani risme Cette double distanciation implique une position de surplomb qui permet au lecteur de diff rencier le rire gras provoqu par les b vues d sastreuses de Ragotin du rire plus discriminant qui s attache une critique simultan e du social et du litt raire Enfin il appara t plut t significatif que cet pisode grotesque surgisse narrativement lorsque le texte s ouvre sur lui m me et d voile sans pudeur les principes qui pr sident son fonctionnement Ainsi la m canisation de Ragotin s accompagne corollairement d une criture m canique Le petit trublion qui existe sur
227. ncipe de fonctionnement Ce qui g che le comique dans une r p tition facile b te et banale est le sentiment de monotonie qu elle d gage forc ment Soit par une identit trop grande soit par une pr visibilit trop stricte soit par une stabilit trop importante de l intensit comique la r p tition Mais surtout le plus notoire des apprenti com diens Ragotin La r p tition des travers risibles de Ragotin est galement au c ur des brouillages g n riques via le travestissement et la parodie qui fondent le dispositif du Roman comique qui repose sur le contraste le double et la distance Dans cette mesure la raideur de m canique du personnage de Ragotin devient une v ritable cl de lecture Le rire comme proc d de lisibilit du roman t moigne de son parti pris burlesque qui travers Ragotin renverse les fopo pr cieux et h ro ques des romans romanesques consid r s soit v tustes soit scl ros s Tout comme Scarron fait voisiner de chapitre en chapitre des nouvelles romanesques et des pisodes m diocres et comiques il juxtapose des personnages aux caract res antith tiques marqu s Ragotin tant un arch type auquel les autres personnages se confrontent En somme la m canisation du petit avocat et la r p tition de ses aventures disgracieuses mettent en vidence la condamnation auctoriale d une litt rature qui r p te m caniquement et vainement des topiques st riles Le rire ambivalent
228. ncts soient ils dans le spectre motionnel ob issent une m me loi la contagion Comme s duites fascin es et domin es les com diennes reproduisent l lan et l ardeur qu prouvent l une et l autre sans v ritablement avoir ressentir personnellement quelque ferveur que ce soit Si le reflux des discours sur le rire est li la concurrence lacrymale aussi doit on remarquer que le rire au XVIIe si cle appartient au domaine de la passion c est dire de tout ce qui affecte l me et produit un changement dans l apparence ext rieure Nous avons d j dit plus haut que le d calage fait rire lorsqu il branle que c est l association au fait structurel l cart d un effet psychologique la d stabilisation du r cepteur qui est garant du comique Ce d s quilibre caract ristique est m taphoris physiquement par la Caverne je pensai me laisser choir force de rire RC 203 La balourdise du page l a frapp e si fort qu elle en perd presque litt ralement pied La fulgurance irr pressible du rire est une passion qui inqui te la mesure de la sourde fascination qu elle exerce Si la Caverne d faillit tant rire un malheur plus grand guette celui qui tente de dompter cette passion il le ma tre de la 28 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 11 2
229. ne Ragotin Ce mouvement rappelle aussi physiologiquement le rire un mouvement d paules de haut en bas 67 narrateur ait affubl la Rappini re du statut de Rieur de la ville le ma tre de maison est le plus souvent la cible ou la victime du comique et non pas celui qui rit gaiement contrario la Rancune le meilleur homme du monde RC 59 est le concepteur espi gle de plusieurs sc narios comiques Cependant il ne rit jamais des plaisanteries qu il a savamment et minutieusement pr par es Pour Ingrid Gagnon Le Roman comique est un vrai labyrinthe de ruses Ces ruses elle les classe en deux diff rents types les ruses pisodiques concernant les tours et aventures comiques et les ruses programmatiques qui r f rent la trame dramatique du roman Ces ruses sont utilis es autant par les personnages dans la di g se que par le narrateur Et la palme du ma tre du labyrinthe revient tr s certainement la Rancune g nie de la plupart des ruses pisodiques et l entremetteur comique par excellence Gagnon pr tend m me que la Rancune c est sans contredit le personnage le plus int ressant du Roman comique Sans partager cet enthousiasme un peu excessif le narrateur confirme nonobstant le statut privil gi du vieil acteur La Rancune un des principaux H ros de notre roman car il n y en aura pas pour un dans ce livre ci et puisqu il n y a rien de plus pa
230. ne sanction bien qu inarticul e et primitive et interrompt du m me souffle le discours de pr sentation de Destin Du coup les bourgeois signalent leur supr matie non pas intellectuellement par une pointe cinglante ou un sarcasme bien propos comme l aurait fait le Cyrano des Lettres satiriques mais avec leur corps de la plus rustaude mani re Ainsi plac e en t te du roman cette premi re repr sentation du rire inaugure un paradigme comique auquel le reste du texte souscrira il y aurait donc une tendance irr pressible du rire la r bellion voire la subversion des normes Mais cette dissidence railleuse ce d sordre ironique cette distance comique qu orchestre le rire ne sont possibles que lorsqu il est d ment ma tris Car avant de se montrer rebelle aux r gles socialement moralement et esth tiquement tablies le rire semble souvent rebelle sa propre production C Le rire mode d emploi L tude d taill e de ces deux sc nes le cur et la Caverne a fait ressortir au moins quelques l ments g n raux de compr hension du rire que nous pourrons confronter maintenant des sc nes plus riantes D abord un point essentiel doit tre clairci concernant la nature m me des nonc s que nous venons de passer en revue Les trois pisodes consistaient en des 257 TRIVISANI MOREAU Isabelle Au carrefour du romanesque l errance dans Le Roman comique dans Arlette Bo
231. ngea le grand bruit de voix confuses en de grands clats de ris e qui pass rent des Ma tres aux Valets et du lieu o se passa l action dans tous les endroits de l h tellerie RC 232 La violence que Lagarde qualifiait d unanime se transf re maintenant au rire Contagieux par mim tisme le rire transite d une personne l autre et on finit par oublier l origine de l hilarit Toute l assistance en subit les soubresauts et les convulsions Du ma tre au valet la puissance du rire est totale et sans discrimination Il fait abstraction des classes sociales et des lieux on rit partout dans l h tellerie Lagarde parle ce sujet du tous contre un un principe qui sied bien aux disgr ces du m prisable Ragotin En le r duisant au silence Scarron installe son personnage f tiche non pas seulement dans la position de non langage mais dans une radicale impossibilit langagi re R gulateurs socio esth tiques le rire et la violence qu endure Ragotin sont les douleurs et vicissitudes d une victime universelle et sans voix Cette violence acharn e n est toutefois pas sans limites la fin du chapitre I 19 RC 155 Ragotin s essaie monter cheval mais prouve toutes les mis res du monde trouver son quilibre Ragotin serra les jambes le cheval leva le derri re et Ragotin suivant la pente naturelle des corps pesants se trouva sur le col du cheval et s y froissa le nez le
232. nique Sternberg op cit p 15 57 lecture priv e La pr sence chez Sorel de la m taphore dramaturgique s explique sans doute par la recherche d une supr me caution trouv e du c t des anciens Autheurs ind passables de perfection Sorel souhaite rapprocher le roman comique genre somme toute assez neuf et diversement d fini de la tradition mill naire de la com die gr co latine m me si on la tient toujours distance du panth on des genres suspecte et m prisable par d finition qui instruit en divertissant Cette vision dramaturgique du monde dont Sorel fait la promotion travers le roman implique un mode d criture qui fait du visuel son principe phare Mais comment imiter la com die en toutes choses sans importer aussi son l ment le plus sp cifique la sc ne La r ponse cette question se trouve peut tre dans le commentaire moralisant de l incipit du Francion de 1633 Nous avons assez d Histoires tragiques qui ne font que nous attrister Il en faut maintenant voir une qui soit toute Comique et qui puisse apporter de la delectation aux esprits les plus ennuyez mais neantmoins elle doit encore avoir quelque chose d utile et toutes les fourbes que l on y trouvera apprendront se garantir de semblables et les malheurs que l on verra estre arrivez ceux qui ont mal vecu seront capables de nous detourner des vices Ceux qui ont le jugement bon s auront en faire leur profict car
233. nnait pas grande attention RC 218 Notons encore que dans les deux histoires pouvantablement rendues par le cur le d nouement a partie li e avec un rire celui de l h te dans la premi re celui du cur et de son fr re dans la seconde Confin au niveau du r cit rapport ce rire ne se transf re cependant pas aux auditeurs dans la di g se Du coup le fait qu une situation particuli re fasse rire un moment donn ne constitue pas lui seul une condition suffisante pour qu elle provoque nouveau l enjouement c est dire lorsqu elle sera expos e des auditeurs n en ayant pas t t moins Qui plus est comme nous le verrons plus tard au sujet de l anecdote de la Caverne rapporter le rire d autrui agit beaucoup plus comme un r presseur qu un catalyseur du comique Deux dominantes voire deux topo caract risent ces contes farcesques la pingrerie de l h te d une part et la condition eccl siastique du conteur de l autre Revenons la premi re anecdote Rire de la rapacit du cur un d faut de toute vidence condamnable n est pas particuli rement inappropri surtout lorsque ce vice universel et atemporel s l ve jusqu la caricature il se vit contraint de quitter la vie qu il regrettait peut tre moins que son argent mal acquis RC 215 Or la situation s embrouille si l avare dont on se moque sans vergogne vient peine de mourir son corps encor
234. norme implicite et 165 l anomalie observ e La r ception de cette anomalie a partie li e avec le niveau d adh sion ou de d sengagement du r cepteur Ainsi s annonce d j une s paration entre les cat gories du s rieux et du comique Defays affirme que ce qui est comique ne l est pas dans l absolu mais toujours par rapport au s rieux dont il est cens tre le contraire Cette opposition un peu s che entre s rieux et comique revient en r alit trancher assez artificiellement entre comique et non comique Mener plus loin cette dichotomie revient d fendre la th se selon laquelle il existerait un invariant comique capable lui seul de d clencher les rires Or nous tenons le pari dans ce travail que le comique joue sur l entre deux qu il suffit de peu de chose pour le voir appara tre mais aussi dispara tre La notion de distance deuxi me donn e irr ductible du comique prend alors tout son sens dans la mesure o le s rieux constitue la toile de fond sur laquelle se d tachent la dr lerie et le tragique Ainsi le comique serait plus le pendant du tragique que du s rieux Il brise l ordinaire de l existence L euphorie temporaire et unanimement positive qui r sulte g n ralement du comique contraste alors avec le s rieux le moyen et le neutre qui caract rise ce que nous pourrions nommer un certain tat normal des choses Il en va du lieu commun le rire
235. ns 89 B Mourir de rire rire d un mort Le saine Le palme nement 92 CF Leone ler QUO ant nee natale ne nee 94 3 Bis repetita De l original au Seriele steam nt tt ne n e 98 A P dagogies de la r p tition ss nissan nant ndtiedenenls 99 B Les continuateurs recal s Les suites du Roman comique sssseosssseseessssesesee 102 C Des planches du th tre la sc ne du roman sssseessesseesseeessrserrsresseseresresseseess 105 Chapitre 3 Parce que l on ne peut pas rire toujours L esth tique des limites 106 1 Strat gies dispositives et g om trie de interm diaire ssseeseeeeesseeeeeseeereseeesreereeereses 109 A Histoire nouvelle roman Ruptures et renouveau ssesssessssseesseessresserssereeseee 112 B L harmonie tronqu e La composition du Roman comique 114 2 L incipit travesti d RROMONCOMIAUELS En den en aentn et r e ee 116 A G ographies burlesques Les novelas la marge eccessssesresrseseereesrrerrereesessee 119 iv T L Histoire de l Amante Invisible Entre ostentation et dissimulation 120 Il La lecture infid le trompeur trompeur et demi assesses 123 IIT Les travestissements dans Le juge de sa propre cause 126 IV Hostilit s g n alogiques Les deux fr res rivaux ssssssssessssessesse 127 B Les r cits introspectifs comme lieux de m moire 128 3 Ridendo dicere verum Mystifications comiques sses
236. ns maintenant enqu ter se r f re pr cis ment cette instabilit au fondement de l criture scarronienne 1 Strat gies dispositives et g om trie de interm diaire Le Roman comique de Scarron qui participe aussi bien que moins vigoureusement que d autres romanciers critiques de cette tendance antiromanesque terme certes pol mique et sujet des d finitions multiples introduit par Sorel comme sous titre la r dition du Berger extravagant en 1633 illustre exemplairement les difficult s inh rentes la d finition stricte et 42 Dion Robert Frances Fortier et Elisabeth Hagueraert ds Enjeux des genres dans les critures contemporaines Qu bec Nota Bene coll Les Cahiers du Centre de recherche en litt rature qu b coise 2001 p 17 473 Cette question de la place sp cifique du Roman comique dans la n buleuse romanesque du XVIIe si cle sera bri vement d battue en conclusion Le rire l ge de l antiroman Cf p 140 474 Cf Annexe 1 p 148 149 475 Voir entre autres l excellente pr sentation d Ugo Dionne et de Francis Gingras un dossier sur l antiroman Les deux auteurs associent notamment l autor flexivit romanesque l volution du genre c est dire que les vieux romans sont toujours d j des antiromans DIONNE Ugo et Francis Gingras L usure originelle du roman roman et antiroman du Moyen ge la R volution
237. ns l Histoire comique de Francion livres I VID Cahiers Textuel n 22 2000 p 51 65 CHABANNE Jean Charles Le mot burlesque dans les dictionnaires de langue contemporains dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 27 38 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus Paris ditions du Seuil coll Lettres M mo 1996 94 p Le burlesque et la question des genres comiques dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 39 47 DESTAING J r me et Philippe Labaune dir Rire pour quoi faire Paris GF Flammarion coll Etonnants classiques 2010 160 p DUVAL Sophie Une r p tition destin e sugg rer une v rit neuve it ration et r g n ration comique chez Proust tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 27 58 DUVIGNAUD Jean Le Propre de l homme Histoire du comique et de la d rision Paris Hachette Hachette Litt rature 1985 246 p MELINA Jean Le comique essai d interpr tation g n rale Paris SEDES coll Pr sences critiques 1991 209 p Comment d finir le burlesque dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand Paris Honor Champion coll Varia 1998 p 49 66 FREUD Sigmund Le mot d esprit et sa relation avec l inconscient Paris Gallimar
238. nt t disqualifi e toujours remise en question Nous mettrons enfin en vidence l originalit de la structure du roman de Scarron qui accueille contradictoirement des esth tiques ennemies Exp rience de l insubordination et affirmation d une conscience critique le rire de Scarron en m me temps qu il brouille les hi rarchies culturelles litt raires et id ologiques de l ge classique induit une rh torique de la lecture comique et d livre une vision sceptique du monde Innerv e par ce rire prot iforme et ambivalent notre tude propose donc une interpr tation globale du roman scarronien partir de l analyse d taill e de sa po tique Mots cl s Scarron Le Roman comique rire burlesque romans comiques du dix septi me si cle antiroman po tique romanesque ii ABSTRACT The following study has three main goals We will first describe the textual representations of laughter in Scarron s Le Roman comique establishing on the one hand the conditions of possibility of the comic and by showing on the other hand the debt that the seventeenth century s comic novels have contracted towards the poetics of the comedy We will then identify the nature and meaning of the dramaturgical strategies used by Scarron to represent his comical characters sometimes disqualified but always questionned Finally we will highlight the originality of Scarron s novel structure that hosts contradictory aesthetics While
239. nt de l h ro que et les singeries loufoques de Ragotin En ajoutant la d finition minimale du burlesque ce qui est dr le trivial ou extravagant un principe de d chiffrement des textes le burlesque devient un mode de perception et de repr sentation universel Le burlesque du Roman comique en est un de l interpr tation et de la prise de conscience d une double r f rence Il s agit la fois de montrer les codes de textes mod les ou de genres ou de conventions etc fortement institutionnalis s et de les subvertir par un rire rebelle et triomphant Et c est peut tre parce que le burlesque implique un brouillage d stabilisant des sacro saintes transparence et puret du langage classique qu il est tant honni par les doctes Le burlesque doit d ailleurs tre con u comme un principe de lisibilit et comme une herm neutique de la d mystification plus que comme une simple modalit ou d clinaison du comique La dimension proprement ludique du burlesque scarronien laisse parfois place une 19 N DELEC Claudine Burlesque et interpr tation 43 op cit 200 Sainte Beuve cit par N DELEC Claudine L invention du burlesque de Marc Fumaroli Boileau aller et retour 13 op cit 201 Ferdinand Bruneti re cit par N DELEC Claudine L invention du burlesque de Marc Fumaroli Boileau aller et retour 12 op cit 22 N
240. ntaire et absolu la vraisemblance Cette vraisemblance r investie et difforme ne peut plus incarner le r le f d rateur que l esth tique classique lui assigne dans tous les arts de la repr sentation Mais avant le travail de f d ration entre les acquis de la farce et ceux de la com die humaniste qu a effectu Moli re dans son uvre Scarron avait d j redonn la com die son aspect le plus nominal le rire Deux esth tiques dominent le paysage de la com die avant Scarron celle de Corneille et celle de Rotrou La po tique corn lienne se fonde sur une nouvelle relation la mim sis qui r duit la distance entre le r el et le monde fictif de la 7 DANDREY Patrick Moli re ou l esth tique du ridicule Paris Klincksieck coll S rie Litt rature 2002 p 13 25 Ibid p 18 274 BOILEAU Nicolas Art po tique Paris GF Flammarion 2006 p 99 Notons aussi que l exigence classique selon laquelle une histoire doit comporter un d but un milieu et une fin n est pas remplie par Le Roman comique rest inachev apr s la mort de l auteur ce titre peut tre Scarron a t il fait comme Flaubert plus tard dans Bouvard et P cuchet crire un roman sur rien 275 DANDREY Patrick op cit p 18 276 Ibid p 19 277 Ibid p 20 56 sc ne Rotrou quant lui tablit son esth tique th trale partir de la trame romanesque et galante de ses pi ces selon un
241. nte d elle m me et une id ologie galitaire NASSIET Michel La France au XVIIe si cle Soci t politique cultures Paris Belin coll Histoire sup 2006 p 146 C est sur fond d intenses tensions politiques que s est d velopp e la mode ph m re mais exceptionnellement populaire du burlesque N DELEC Claudine Le burlesque au Grand Si cle une esth tique marginale Dix septi me si cle 2004 vol 3 n 224 p 437 7 ZUBER Roger et Micheline Cu nin Histoire de la litt rature fran aise Le Classicisme Paris GF Flammarion 1990 p 6 8 SERROY Jean Des Histoires comiques au roman comique Cahiers du Dix septi me si cle vol 7 n 1 1997 p 169 Sur la diversit romanesque de l ge classique voir notamment SGARD Jean Le roman fran ais l ge classique Paris Librairie g n rale fran aise coll Livre de poche R f rences 2000 254 p ESMEIN SARRAZIN Camille L essor du roman discours th orique et constitution d un genre litt raire au XVIIe si cle Paris Honor Champion coll Lumi re classique 2008 587 p FOURNIER Michel G n alogie du roman mergence d une formation culturelle au XVIIe si cle en France Qu bec Presses de l Universit Laval coll Les collections de la R publique des Lettres 2006 323 p toujours irrecevable intellectuellement La puret du Grand Si cle proclam e par Voltaire jusqu
242. nth tique Dans sa pr face aux Lettres pseudo hippocratiques Yves Hersant r sume bien l embarras qui surgit de la rencontre laborieuse et probl matique entre l objet comique et son analyse s rieuse toute histoire du rire est ridicule Expliquer une plaisanterie revient souvent l touffer L effet m me du comique tend se volatiliser d s qu on s essaie le commenter Cette contradiction entre sujet et moyen se double d un clectisme de registres et de formes le plus souvent difficile circonscrire et 58 BERGSON Henri op cit 19 MELINA Jean Le comique essai d interpr tation g n rale op cit 140 JANK L VITCH Vladimir L ironie Paris Flammarion coll Nouvelle biblioth que scientifique 1964 199 p Moins pr sent dans la bibliographie active que d autres travaux cet ouvrage n anmoins important accompagnera l esprit g n ral de notre tude 1 Yves Hersant cit par STERNBERG V ronique Le comique Paris GF Flammarion coll Corpus lettres 2003 p 13 26 s parer Jean Marc Defays soutient en effet qu entre l analyse froide et l exp rience convulsive du rire il y a une marge de man uvre qui permet d observer les stimuli leurs fonctionnements leurs interactions leurs conditions qui ont la propri t de d clencher les rires Ce caract re polymorphe instable et incertain du rire V ronique Sternberg le remarque aussi la vari
243. oman comique l enferme dans une binarit souvent intol rable Certes un important r seau d oppositions binaires inonde la sc ne du roman mais il importe de les consid rer dans leur dynamisme foncier plut t que comme des tensions vaguement d finitives Dynamisme qui a partie li e avec le d placement de niveaux g n riques le mouvement l errance des personnages bref avec la lecture de l espace Cette dynamique est surtout une science calcul e du d rapage Deux lieux symboliques dessinent des r gions frontali res le carrefour et la passerelle L pisode souvent voqu par la critique de la rencontre incongrue des brancards I 7 RC 65 th matise bien l id e de croisement dont proc de Le Roman comique Personnages et intrigues convergent dans un chaos g n ral Des halles du Mans lieu de commerce public suscitant les m tissages les plus divers le roman fait bifurquer en un m me lieu quatre brancards transportant autant d intrus autant d intrigues ce qui provoque l hilarit g n rale Le roman par la rencontre en un lieu unique de cette s rie de routes concentriques d m le ce qui tait auparavant 129 enchev tr L usage scarronien de l espace suppose la fois une concentration des intrigues et une rencontre des personnages Cet pisode comique pr figure d j le d phasage qui am nera le texte de la cour d Espagne la luxuriance de jardins romains Lieu infiniment ouvert la p
244. oman comique de Scarron op cit p 131 143 TRIVISANI MOREAU Isabelle Au carrefour du romanesque l errance dans Le Roman comique dans Arlette Bouloumi d Errance et marginalit dans la litt rature Angers Presses de l universit d Angers coll Recherches sur l imaginaire 2007 cahier 32 p 51 68 VIDALON Isabelle Le temps dans les romans comiques du XVIIe si cle dir Jacques Hannequin Th se de doctorat Universit de Metz 1997 286 p Vos CAMY Jolene The Art of the Novel Through Theatrical Lenses Paul Scarron s Romant comique dir Leonard Hinds Th se de doctorat Universit de l Indiana 2000 209 p Theatrical Intersections in the Novel Scarron s Roman comique dans Faith Evelyn Beasley et Kathleen Wine dir Intersections actes du 35e congr s annuel de la North American Society for Seventeenth Century French Literature coll Biblio 17 T bingen Gunter Narr 2005 p 53 58 Les folies du Roman comique le caract re burlesque et romanesque de Ragotin et Destin Cahiers du Dix Septi me An Interdisciplinary journal vol 11 n 2 2007 p 43 5T 157 WALLIS Andrew Le Roman comique r cit sp c tac ulaire Society for Interdisciplinary French Seventeenth Century Studies 1997 vol 7 n 1 p 193 203 Woop Allen Abduction and irony in the Roman comique dans Martine Debaisieux et Gabrielle Verdier ds
245. omique au rang des bizarreries litt raires la qualifiant au mieux de fantaisie saugrenue Ce discr dit prenait racine dans les fondements du classicisme dont les pr suppos s formels d aucuns diront rigides et aust res entraient en contradiction avec le style burlesque adopt par Scarron De cette semonce jaillit corollairement un grief peine voil sur le genre romanesque au XVIIe si cle alors au sous sol de la hi rarchie des genres Moins tranchant que Reynier Maurice Lever soutient que la premi re lecture l uvre semble priv e d organisation et comme abandonn e la seule fantaisie de l auteur Henri Coulet estime quant lui que Scarron s est en effet montr d sinvolte dans la composition de l uvre D autres encore comme Antoine Adam ne reconnaissent tout simplement aucun rincipe pr sidant la structure du roman l action principale se d veloppe travers des dant la struct d Pact l d vel t d 3 Ibid p 21 26 Entre autres CHAMPAIN Pascal Le roman fran ais au XVIIe si cle un genre en question Paris L Harmattan coll S mantiques 2007 318 p D MORIS Ren Le roman la premi re personne du classicisme aux Lumi res Gen ve Librairie Droz coll Titre courant 2002 1975 596 p SERMAIN Jean Paul M fafictions 1670 1730 la r flexivit dans la litt rature d imagination Paris Honor Champion coll Dix huiti mes s
246. omique tient il de cette diff rence de traitement On cache puis on d couvre dans le tragique alors qu on coute voit d abord dans le comique Cette id e d une structure narrative analeptique est reprise par Martine Debaisieux quand elle affirme que la lecture m me du Roman comique constitue une fa on de rem dier aux mystifications du discours Mais les effets du comique s ils sont visibles 6 BERGSON Henri op cit p 59 37 Woop Allen Abduction and Irony in the Roman comique dans Martine Debaisieux et Gabrielle Verdier ds Violence et fiction jusqu la R volution T bingen Gunter Narr Verlag coll tudes litt raires fran aises 1998 p 221 398 Surprendre et suspendre chez Scarron rev tent d ailleurs des valeurs similaires 3 DEBAISEUX Martine op cit p 180 89 physiquement le rire apr s une cause pr cise et identifiable le risible ne sont pas toujours souhait s et les personnages qui y succombent se retiennent parfois de le laisser para tre alors que les autres clatent litt ralement de rire Plut t que de regrouper les rires que Scarron met en sc ne selon une typologie dite classique et qui se r v le parfois inefficace qui sugg re de s parer un peu m caniquement le comique de mot de geste de caract re et de situation en les analysant comme ph nom nes proches mais distincts nous proposerons plut t une approche th matique
247. on qui pr sident la Pens e sous toutes ses formes loquence persuasion sagesse Au loin Pan dieu des bergers et des troupeaux et un Satyre jouent de la fl te Tout en haut se trouve P gase qui fait jaillir la 5I6 Cette all gorie satirique fait l usage d une perspective tout de m me source d Hippocr ne suspecte au moins railleuse Plut t que de repr senter Scarron de face ou de profil la gravure l expose de derri re Tout fonctionne comme si le spectateur tait de trop comme s il infiltrait un espace discursif qui n tait pas le sien Scarron n ayant m me pas la d cence de lui faire face Pire de Scarron il n y a de visible que son chapeau son cou tordu et le haut de son dos L espace pictural qu il occupe est d ailleurs parfaitement marginal et laisse invisible l essentiel de sa personne Cette ind termination du portrait grav culmine avec le portrait textuel Cet autoportrait se donnait d abord le but de rectifier les discours calomnieux et les images diffamantes qui circulaient dans l imaginaire collectif par la bouche de m disants c l bres quelques beaux esprits fac tieux se r jouissent aux d pens du mis rable et me d peignent d une autre fa on que je suis fait Si l estampe mettait au jour une nouvelle dichotomie structurante le devant le 513 TANE Beno t Tourner le derri re la compagnie Trivialit de la
248. on seulement parle du th tre mais l adapte en quelque sorte au roman avec ce sens tr s particulier et tr s rare chez les auteurs du XVIIe si cle de la chose vue qui sait transposer toute action en spectacle SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit p 28 Plus r cemment l article d Andrew Wallis WALLIS Andrew Le Roman comique r cit sp c tac ulaire Society for Interdisciplinary French Seventeenth Century Studies 1997 vol 7 n 1 p 193 203 insiste sur le comique spectaculaire dans Le Roman comique Cette tude pour des raisons d espace ne dressera pas de liens directs entre Le Roman comique et le contenu des pi ces de Scarron 2 Le titre Le Roman comique construit en forme d oxymore doit s entendre la fois comme roman dr le et roman des com diens 27 La Mariane 1637 de Tristan L Hermite RC I 2 53 Le Grand et dernier Soliman ou La Mort de Mustapha 1637 de Jean Mairet RC I 12 95 Roger et Bradamante 1582 de Robert Garnier RC Il 3 202 Dom Japhet d Arm nie jou e en 1647 publi e en 1652 de Paul Scarron RC II 17 286 et Nicom de 1651 de Pierre Corneille RC IL 18 289 71 Entre autres auteurs dramatiques d importance mentionn s par la narration Alexandre Hardy 1569 1632 RC I 5 59 Pierre Corneille 1606 1684 RC I 8 68 Marc Antoine Girard de Saint Amant 1594 1661 RC I 8 68 Jean de Rotrou 1609 1650 RC
249. onfigurations de l imaginaire culturel litt raire et symbolique sont rabaiss es puis humili es dans leur conservatisme m me Ce d calage s inscrit aussi linguistiquement La parodie ne repose pas seulement sur la contrefa on des intertextes mobilis s mais galement sur l affectation du langage romanesque pour parler plus humainement et plus intelligiblement il tait entre cinq et six quand une charrette entra dans les halles du Mans RC 49 Le ton ampoul et grandiloquent de la premi re phrase c de brutalement sa place par juxtaposition et transfert comique un commentaire qui souligne L article de Fran oise L toublon s int resse pr cis ment aux effets de sym trie de ces deux ouvertures Celle d H liodore s entame ainsi Le jour commen ait sourire et le soleil illuminer le sommet des montagnes Des hommes arm s comme des brigands taient en embuscade sur les hauteurs qui s tendent le long de l embouchure du Nil qu on appelle la bouche d H racl s Ils s taient arr t s un moment pour fouiller des yeux la mer qui s talait au dessous d eux L TOUBLON Fran oise La rencontres avec les personnages de roman des thiopiques au Roman comique dans Jean Pierre Dubost d Topographie de la rencontre dans le roman europ en Clermont Ferrand Presses Universitaires Blaise Pascal 2008 p 329 Sans poursuivre plus avant la r flexion sur leurs ressemblances ou
250. opage en s ajoutant lui m me de sorte que la cause insignifiante l origine aboutit par un progr s n cessaire un r sultat aussi important qu inattendu Ainsi Ragotin entra ne dans un escalier exigu la chute de deux com diennes la Caverne et Ang lique qui il tenait courtoisement les mains la Caverne tomba donc sur lui et lui marcha sur l estomac et sur le ventre se donnant de la t te contre celle de sa fille si rudement qu elles en tomb rent et l une et l autre RC 145 Pour comble un valet qui crut que tant de monde ne se rel verait pas de sit t et qui ne pouvait plus supporter la pesanteur de son sac d avoine RC 145 en d verse bien malgr lui tout le contenu sur Ragotin et les com diennes chou es Ces r p titions s entassent en une r action en cha ne L h te y arriva qui pensa enrager contre son valet le valet enrageait contre les Com diennes les Com diennes enrag es contre Ragotin qui enrageait plus que pas un de ceux qui enrag rent parce que mademoiselle de l toile qui arriva en m me temps fut encore t moin de cette disgr ce RC 145 368 Thid 3 BERGSON Henri op cit p 62 82 Rh toriquement le tableau se base sur une anadiplose une figure qui concr tise le paradigme de la r p tition qui gouverne le comique auquel Ragotin est li On assiste figurativement un nouveau renversement Ragotin tenant les mains
251. oquent choisi par le duo d auteurs Ragotin ou Le Roman comique 1684 116 Contemporaine du ph nom ne de raccourcissement des uvres romanesques au tournant de 1660 passage progressif de la luxuriance du roman baroque au petit roman c est dire la nouvelle dans ses dimensions historique et galante la publication du Roman comique probl matise souterrainement la r duction de la taille et la transformation de nature des uvres romanesques concentration de l intrigue r duction du nombre de personnages et des r cits ins r s abolition presque syst matique du d but in medias res importance accrue de la peinture psychologique des personnages Si l histoire comique du XVIIe si cle accueille volontiers le canevas st r otyp des r cits ins r s plus souvent des r cits analeptiques pris en charge par des personnages que des nouvelles tendance romanesque faut il le rappeler rarement sont ils aussi nettement d connect s d racin s de la masse textuelle environnante typographiquement isol s en chapitres autonomes Or selon Roger Godenne m me si l on passe de 2 500 pages 250 la nouvelle ne se d finit pas moins comme un concentr de roman Cette minoration du roman en nouvelle se pr sente contradictoirement chez Scarron alors que la nouvelle devient volumineuse et le roman minuscule De l enflure du roman baroque l hypotrophie de la nouvelle Scarron pratique une inversion g n rali
252. ou moins propos dans ce cort ge bariol On se dit m me choqu par l indiff rence de l auteur du Roman comique en mati re de distinction des genres Rappelons le l intrigue principale effr n e haletante met en sc ne les aventures tant t amoureuses tant t bouffonnes tant t les deux d une troupe de com diens ambulants sillonnant la province fran aise en qu te de succ s et d argent Comme l affirmait Th ophile de Viau avec le r cit cadre nous ne sommes plus au temps des H ros mais bien au temps des bouffons Ce r cit premier est suspendu au moins quatre reprises par la narration de quatre nouvelles qui relatent sur le mode h ro que et sentimental les passions alambiqu es de personnages issus de la noblesse espagnole suivant des sc narios convenus qui modulent le th me de l amour galant Ces nouvelles intercalaires ont longtemps t trait es isol ment arrach es de leur contexte comme si elles voluaient en vase clos tant consid r es comme des fantaisies des interm des surchargeant le roman de pi ces adventices Elles n entretiennent en effet aucun rapport di g tique explicite avec la narration premi re et d un point de vue strictement narratologique elles semblent bien fonctionner de mani re ind pendante ce b gaiement s ajoute la br ve mais importante carri re de nouvelliste de Scarron qui publie en 1655 entre les deux livraisons du Roman com
253. oudres d un vieil et puissant ennemi 78 Aussi le cur blasph me t il en riant d une r plique le refus de la r surrection qui aurait m rit venant d un homme d glise nombre de reproches et de d sapprobations Le rire du cur est en quelque sorte impie et t moigne de son appartenance au monde mat riel et humain plut t qu celui de la d votion de la pri re et de la contemplation que sous entend son statut 44 change de coups de poing D s ce moment il aurait d comprendre que la situation n est pas risible par essence mais qu elle est sujette des lectures plurielles ou s rieuses ou violentes Balourd et trop confiant dans ses qualit s d humoriste le cur ne se doute pas que l histoire qui l avait fait rire ne produira pas n cessairement le m me effet lorsqu il la racontera d autres Un dernier l ment vient parachever sa d confiture plus il s acharne faire rire ses auditeurs plus il s loigne de la condition sine qua non de l humour qu est la spontan it feinte ou r elle B Faire rire les honn tes gens L anecdote de la Caverne Au chapitre II 3 RC 199 trois chapitres avant la d b cle du cur irr v rencieux la Caverne dont la fille Ang lique vient d tre myst rieusement enlev e raconte d j une histoire qui illustre de mani re exemplaire les difficult s inh rentes la narration d une anecdote comique Ce fait divers met en s
254. our ne nommer au passage que ces grandes cat gories discursives Ce premier chapitre se donne d abord la t che de placer la question du rire dans une discussion la fois th orique et m thodologique Nous tudierons moins les th ories du rire r f rent presque tous la notion de burlesque ou de renversement carnavalesque sans d passer ou nuancer ces vidences du roman 56 De nombreux critiques se sont effectivement occup s du personnage de Ragotin souvent en relation avec son double invers le Destin Parmi les plus r cents notons les articles de Dominique Froidefond FROIDEFOND Dominique Le traitement de Ragotin dans Le Roman comique de Scarron op cit de Sabine Gruffat GRUFFAT Sabine Le Ragotin de Scarron ou la vitalit du comique de r p tition op cit et de Jolene Vos Camy Vos CAMY Jolene Les folies du Roman comique le caract re burlesque et romanesque de Ragotin et Destin op cit partagent une vision assez homog ne de Ragotin c est dire qu elles le d peignent comme un personnage clownesque mi homme et mi pantin ayant pour unique fonction de d samorcer le romanesque et de tirer le roman du c t de la com die Ces tudes si elles donnent effectivement lieu des d veloppements f conds et le plus souvent clairants r duisent nonobstant le comique une seule figure sans puiser toutes les potentialit s du farcesque l uvre dans le Roman comique
255. oux dans Le livre en trompe l il entend r pondre cette question Du coup elle renverse le pr suppos selon lequel Le Roman comique s architecture selon une structure d ensemble coh rente Elle s oppose ainsi directement la position de DeJean architecture orale et de Serroy une structure en chass crois Adoptant une perspective adverse Piroux entend probl matiser les incoh rences de Scarron pour ce qu elles sont au lieu de les soumettre au contr le d une structure dominante Lorraine Piroux qui d sirait pourtant s affranchir des analyses purement structuralistes ne renverse pas tant le pr suppos d un roman structure qu elle ne l inverse Du coup la structure de l uvre n est plus un a priori de lecture elle se d couvre elle se r v le au moyen de motifs qui travaillent souterrainement le texte Pour Piroux la po tique de Scarron est fond e sur l erreur et 80 DEJEAN Joan Scarron s Roman comique Comedy of the novel A Novel of Comedy Bern Peter Lang coll Publications universitaires europ ennes 1977 p 47 8 Jbid p 99 82 PROUX Lorraine op cit p 121 8 Thid 34 Thid 14 l exc s Cette po tique de l errata sous entend par ailleurs une communication un pacte de lecture et une nonciation ironique que Piroux examine l aune de l imposant appareil paratextuel pr face d dicace et autres avertissemen
256. p 13 28 Thid 29 Thid 62 com die repr sente travers un couple d amoureux une communaut menac e dans ses possibilit s de renouvellement et son d nouement c l bre par un mariage le triomphe d un ordre retrouv Toute intrigue de com die se fonde ainsi sur une tension n e d une diff rence n cessairement temporaire qu une conclusion heureuse d noue toujours Ce r sum certes sch matique du canevas structural minimal de la com die classique nous informe pourtant bien de sa port e philosophique La diff rence en tant que probl me est le sujet fondamental de 303 Cette diff rence la com die et m me de la trag die quoique diff remment exploit e transitoire est l ordinaire le propre d un personnage bouc missaire qui ignore son exclusion de la communaut laquelle il croit appartenir et qu une conclusion heureuse r sorbe Les deux phases du rire rire contre rire avec rythment donc la repr sentation comique dans un va et vient unanimement positif Pour B lisle le roman est l illustration adverse du th tre pr cis ment parce qu il n agit pas en parfait miroir des aspirations d une communaut mais bien en reflet d une intimit confidentielle et critique Nous croyons cependant que l hybridit du Roman comique la fois roman du th tre et th tre du roman probl matise exemplairement ce conflit jamais tout fait r solu entre diff rence et id
257. p 14 5 Ibid 537 BOKOBZA KAHAN Mich le M talepse et image de soi de l auteur dans le r cit de fiction 2 Argumentation et Analyse du Discours En ligne 3 12009 mis en ligne le 15 octobre 2009 Consult le 22 juillet 2012 URL http aad revues org 671 58 Jbid 9 138 fait la promotion dissimul e et souterraine d une alternative la voie h ro que d j emprunt e par une masse d crivains de l ge classique Par l usage ludique de la m talepse Scarron propose en m me temps une forme d engagement critique sur la fiction et sa po tique Ni pamphl taire et encore moins syncr tique la transgression m taleptique de Scarron permet la fois le plaisir de la fiction et la critique de son artificialit au sein d un dispositif hybride et constamment en tension 5 Ibid 20 50 Bokobza Kahan qualifie la m talepse d Antoine Fureti re Le Roman bourgeois de pamphl taire et celle de Laurent Bordelon L histoire des imaginations extravagantes de monsieur Oufle de syncr tique Ces deux auteurs l aube de la Querelle des Anciens et des Modernes pratiquent tous deux une d nonciation globale de la forme romanesque Bordelon y ajoutant m me une critique de la fiction en tant que fiction bid 21 36 139 CONCLUSION Le rire l ge de l antiroman Au point de vue de l absolu d finitif il n y a plus que la joie Le comique ne peut tre absolu q
258. p 145 12 s orchestre un jeu savoureux subtil et retors de cache cache avec le lecteur La fonction primordiale de ces interventions serait donc de tenir le lecteur en haleine ne sachant jamais si le narrateur se joue de lui ou s il doit participer activement son jeu le roman n est pas seulement comique parce qu il veut faire rire le lecteur mais parce qu il se rit aussi de lui Jean Rousset explore aussi dans nsertions et interventions une modalit implicite du rire scarronien celle de la critique du discours litt raire par le narrateur v ritable trouble f te de la c r monie litt raire sa pr sence dans le livre est faite pour choquer car elle rompt avec les conventions narratives et ce faisant rend dangereusement visibles ces conventions tacitement admises Par l le narrateur burlesque qui fait sans arr t sentir sa pr sence se rapproche de la diction orale Selon Rousset ce caract re oral participe de front la f te comique ce jeu du romancier avec son instrument est bien dans la ligne du burlesque qui esquisse en ayant l air de bouffonner une r flexion exp rimentale sur le roman Cette fine lecture pr cise que la bouffonnerie du Roman comique s av re paradoxale que toute plaisanterie n est jamais qu ambigu Si Scarron prend place dans une tradition de romanciers qui r fl chissent sur le roman dans le roman lui m me aussi est ce par le bia
259. pas tr s dr le et le triomphe involontaire d un com dien patent de l autre Car tous ne poss dent pas la capacit fuyante de faire rire les honn tes gens A Le cas du cur qui ne savait pas faire rire Au chapitre II 6 RC 214 alors que la tension romanesque se trouve son paroxysme 24 _ Je vieux dramatique le Destin retrouve par hasard L andre meurtri lors d une algarade cur du bourg RC 215 excit d tre cout par deux jeunes com diens des inconnus de passage dans une h tellerie peu fr quent e essuie un chec cuisant alors qu il s essaie non sans maladresse et balourdise les d rider avec une histoire qu il s imagine amusante Le bon pasteur RC 215 s est invit d ner la table de Destin et de L andre visiblement ennuy s de sa pr sence parasite et qu il ne conna t que pour les avoir entraper us un moment plus t t Le premier affam tourment et inquiet croule de fatigue ayant parcouru d innombrables villages la recherche d Ang lique disparue alors que le second bless songeur et chagrin de savoir son amante enlev e et peut tre sans vie a le corps tout couvert de contusions RC 209 Impertinent et sans g ne le cur s av re quant lui d une bonne humeur vidente festoyant et buvant avec nergie bien qu il vienne de c l brer un service fun raire l aubergiste de l h tellerie ayant rendu l me
260. personnes du si cle 17 on a compos plusieurs histoires d tach es qu on a appel es des nouvelles ou des historiettes Dans la r flexion de Sorel la nouvelle d tachable semble cependant toujours li e un ensemble textuel f d rateur qui lui servirait de cadre Si l effet de mode incontestable dont jouit la nouvelle est porteur d un renouveau celle ci se mesure toujours l aune du roman En 1655 Segrais sp culait d j sur la diff rence de nature entre roman et nouvelle Il me semble que c est la diff rence qu il y a entre le roman et la nouvelle que le roman crit les choses comme la biens ance le veut et la mani re du po te mais la nouvelle doit un peu davantage tenir de l histoire et s attacher plut t donner des images des choses comme d ordinaire nous les voyons arriver que comme notre imagination se les figure Nul ne peut tre insensible cette diff renciation pr coce mais n anmoins fort suggestive de la nouvelle l invraisemblance des romans h ro ques consid r s comme trop excentriques des novelas espagnoles condamn es pour leur irr alisme et m me des novellas italiennes jug es trop cruelles violentes et contraires aux bonnes m urs la nouvelle la fran aise s assujettira une 485 DU PLAISIR Sentiments sur les Lettres et sur l Histoire avec des scrupules sur le style Gen ve Droz coll Textes litt raires 1975 1683 p 44 486
261. phique interrogeant le degr de fictionalit du discours apte d stabiliser toute certitude Cette interf rence qu engendre le rire dans le discours litt raire nous occupera maintenant Notre troisi me et dernier chapitre embrayant sur ces conclusions pr liminaires se propose de placer la question du rire dans une discussion la fois g n rique roman r cit nouvelle dispositive division chapitrale sous titres avis aux lecteurs et esth tique intertextualit composition burlesque en commentant entre autres les m canismes mis en uvre par Scarron pour d tourner le lecteur d une lecture traditionnelle et lin aire voire trop romanesque Nous essaierons de produire la d monstration d un comique des bordures o le rire n est roi que dans l entre deux 458 GAUTHIER Patricia R p ter pour d niaiser Figures de la r p tition et comique chez Cyrano de Bergerac Etudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 p 112 106 CHAPITRE 3 Parce que l on ne peut pas rire toujours L esth tique des limites Et pos le cas qu au sens literal vous trouvez matieres assez joyeuses et bien corrrespondentes au nom toutesfois pas demourer l ne fault comme au chant des Sirenes ains plus hault sens interpreter ce que par adventure cuidiez dict en gayet de cueur Fran ois RABELAIS Tout lunivers est b ti de pi ces diverses et de l d pend son harmonie et sa pe
262. privil gi il faut par ailleurs constater que les conclusions se rejoignent presque toutes notamment en ce qui concerne son ind passable opposition au personnage de Destin 64 devenue un v ritable fait de soci t Ainsi on c l bre avec un souper bon ou mauvais RC 57 l arriv e des com diens au Mans La Rappini re et la Rancune s enivrent dans la bonne humeur le Destin mange sobrement en honn te homme RC 57 tandis que mademoiselle de la Rappini re en femme qui veut profiter de l occasion se goinfre tellement qu elle en fut d voy e RC 57 Cet exc s de table oblige mademoiselle de la Rappini re apprentie Gargantua se lever en plein sommeil pour se rendre o les Rois ne peuvent aller qu en personne RC 57 La Rappini re qui se r veille seul au lit et croit tort que sa femme le cocufie sort en trombe de sa chambre sa recherche avoir quelque soup on se mettre en col re se lever en furie ce ne fut qu une m me chose RC 57 Aux trousses d une ombre qu il croit tre mademoiselle de la Rappini re Il pensa se jeter sur sa femme et la saisir en criant Ah putain Ses mains ne trouv rent rien et ses pieds rencontrant quelque chose il donna du nez en terre et se sentit enfoncer dans l estomac quelque chose de pointu Il cria effroyablement au meurtre et on m a poignard sans quitter sa femme qu il pensait tenir par l
263. que Chapel Hill University of North Carolina Press coll Studies in the Romance languages and literatures 1971 148 p 10 la structure diffuse et h t rog ne du Roman comique se rapportaient surtout ces excroissances narratives dites inutiles Ces observations ont t la source et le pr texte des tudes structurales qui se proposaient d offrir une interpr tation unifiante du Roman comique Cette mani re de lire le Roman comique a trouv son aboutissement exemplaire dans le monumental essai de Jean Serroy Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle Pivot de cette approche la th se que pr sente Serroy illustre loquemment que le canevas de l uvre n appara t l che et embrouill qu qui ne s aper oit pas que Scarron choisit pour tisser sa toile romanesque et agencer les fils de son intrigue une technique du disparate faite d l ments multiples Structure composition nouvelles intercal es r alisme et burlesque sont autant d aspects de l uvre que Serroy examine la lumi re du double id e ma tresse qui gouverne tout le mouvement de son analyse Ce fil directeur s applique autant la structure en alternance chapitres comiques courts et chapitres romanesques longs qu l intrigue le r cit cadre et les nouvelles espagnoles ou qu aux personnages le couple Destin Ragotin tant envisag comme un parfait contrepoint Cette sensibilit la dua
264. que suscite Ragotin renvoie enfin une r flexion sur la litt rature et aux possibilit s virtuellement infinies du genre romanesque en opposition radicale avec la reprise inf conde d une codification g n rique ayant atteint ses limites La Rancune raconte une anecdote savoureuse au sujet de l identit polymorphe du com dien qui se situe entre le d doublement de la personnalit et la schizophr nie j ai jou une pi ce mi seul dit la Rancune et ai fait en m me temps le Roi la Reine et l Ambassadeur Je parlais en fausset quand je faisais la Reine je parlais du nez pour l Ambassadeur et me tournais vers ma Couronne que je posais sur une chaise et pour le Roi je reprenais mon si ge ma Couronne et ma gravit et grossissais un peu ma voix RC 52 53 4I L o il y a r p tition similitude compl te nous soup onnons du m canique derri re le vivant Cet infl chissement de la vie dans la direction de la m canique est ici la vraie cause du rire BERGSON Henri op cit p 26 100 de type copie carbone souffre de refaire les choses l identique Si l ge classique la r p tition est la marque de la perte de ma trise du langage sous l empire d une passion et en cela elle est la marque du ridicule des personnages r p titifs la r p tition dans Le Roman comique se lit d abord comme une r flexion au second degr sur la forme du roman et par extension sur l
265. que du XVIIe si cle 2011 1651 1657 342 p 2 uvres diverses de Scarron SCARRON Paul La Relation v ritable de tout ce qui s est pass en l autre monde au combat des Parques et des Po tes sur la mort de Monsieur Voiture Paris Toussaint Quinet 1648 55 p Recueil de quelques vers burlesques Paris Toussaint Quinet 1655 176 p Scarroniana ou recueil d anecdotes bons mots r ponses bouffonnes ga t s et farces de Paul Scarron suivi des meilleurs morceaux de po sie burlesque de cet auteur d Charles Yves Cousin d Avallon Paris Hedde le Jeune 1801 138 p 152 Les nouvelles tragi comiques Paris Nizet coll Soci t des textes fran ais modernes 1986 371 p Le Virgile travesti d Jean Serroy Paris Bordas coll Classiques Garnier 1986 685 p La pr caution inutile Paris ditions Mille et une nuits coll La petite collection 2002 79 p Les Hypocrites Paris ditions Mille et une nuits coll La petite collection 2005 78 p Le Ch timent de l avarice Mayenne ditions Sillage 2006 48 p Th tre complet d Barbara Sommovigo Ghezzano Felici editore coll La maschera e l illusione 2007 982 p Th tre complet d V ronique Sternberg Paris Honor Champion coll Sources classiques 2009 2 vol Un vent de fronde s est lev ce matin Po sies diverses attribu es
266. quelques instants plus t t Cette c r monie fun bre n avait d ailleurs rien d auguste ni de solennel ressemblant davantage une mascarade le fr re du mort fit semblant d tre triste ou le fut v ritablement et les valets et servantes s en acquitt rent presque aussi bien que lui RC 216 Les pri res du cur avaient t pr cipit es comme s il voulait s en d barrasser avant de s occuper quelque chose de plus distrayant Ne connaissant pas non plus les circonstances dramatiques qui ont r uni ce soir l le Destin et L andre dans l h tellerie le 223 MOLI RE La Critique de l cole des femme 1663 cit par V ronique Sternberg SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit vol 1 p 14 24 La situation narrative depuis l ouverture de la seconde partie se place r solument sous le signe du romanesque et du tragique embrayant sur le suspense de la finale de la premi re partie une des com diennes Ang lique la fille de la Caverne a t enlev e par des ravisseurs Son amoureux L andre s tait mis sa poursuite ainsi que son ma tre le Destin courageux et superbe L andre ayant rencontr de chemin en chemin les ravisseurs de sa bien aim e s est pris de querelle avec eux et se fait blesser s v rement D errances en aventures les deux amis se retrouvent par hasard dans une h tellerie de campagne sans nouvelle d Ang lique 41 cur d
267. quivoque L o le carrefour du r cit cadre rassemblait le Pont Neuf du r cit analeptique divise Il en est de m me pour le comique et le romanesque dans leur acception scarronienne L insertion des r cits introspectifs dans Le Roman comique n est pas autant glos e par le narrateur que les nouvelles espagnoles tant t mises distance tant t rapatri es Aucune ne b n ficie d un espace textuel souverain Dans la premi re partie deux des trois portions de l histoire de Destin sont orn es de titres s y r f rant tandis que l autre cumule une foule d informations sur le pr sent de l intrigue principale pla ant du coup le r cit cadre et les r cits ins r s sur un m me plan narratif sans correspondance directe avec le pass aventurier du 1 4 00 x com dien Ce rapport op re toujours dans la seconde partie une exception pr s Les histoires 50 Distribu e sur les chapitres I 13 RC 100 Plus long que le pr c dent Histoire de Destin et de Mademoiselle de l toile 1 15 RC 118 Arriv e d un op rateur dans l h tellerie suite de l histoire de Destin et de l toile S r nade et I 18 RC 146 Suite de l histoire de Destin et de l toile l histoire de Destin subit un fl chissement de plus en plus marqu vers le romanesque le plus gonfl Fl chissement qui s accompagne d ailleurs d une 130 de la Caverne et de L andre profitent certes de titres autod t
268. r sentation fait de la fiction un dispositif d hybridation Plus qu une confrontation de discours id ologiques h t rog nes la rencontre met en jeu une culture hybride qui utilise le motif th tral comme principe de m diation V ritable th tre des genres et lieu de rencontres insolites le roman de Scarron a suscit de nombreuses controverses et querelles depuis sa premi re r ception jusqu son r investissement critique r cent Plusieurs g n rations de critiques partir de pr jug s ex g tiques faisant du classicisme un ge d ordre ont autrefois reproch Scarron une composition narrative l che et incoh rente un manque de savoir faire compositionnel tandis 6 Ce chapitre ne s int ressera pas aux nombreux effets de traduction qu a op r s Scarron en rapport avec ses mod les espagnols Sol rzano et Maria de Zayas Beaucoup d tudes s en sont d j suffisamment souci es notamment celle de DE ARMAS Frederick A The Four Interpolated Stories in the Roman comique op cit Disons seulement que Scarron a proc d des manipulations visant la fois l explication et l assainissement des nouvelles espagnoles non pas selon un pr suppos comique mais bien pour assurer la vraisemblance et la coh rence de certaines intrigues par trop inextricables 477 Nous choisissons cependant de s parer Le Roman comique en trois niveaux puisque ces autres esp ces g n riques ne g n rent pas
269. raient chasser leur pers cuteur au risque d une victoire contre leur oppresseur ou d une mort en essayant de s en affranchir 49 mim tisme La Caverne semble particuli rement impressionnable je la sa m re vis pleurer et je me mis pleurer aussi RC 206 Pour la Caverne voir quelqu un pleurer et pleurer est une seule et m me chose Souvenons nous aussi que la Caverne un instant avant de raconter son histoire avait pr venu son auditrice qu elle tait de ceux qui rient de peu de choses RC 203 Cette affectivit violente outranci re et contagieuse travaille aussi l nonciation du conte alors que la Caverne se montre tout fait incapable de contr ler son propre amusement Sit t l histoire de la Caverne achev e les deux com diennes ou rent marcher dans leur chambre ce qui leur sembla d autant plus trange qu elles se souvenaient fort bien d avoir ferm leur porte au verrou RC 207 Le temp rament excitable et fantasque des com diennes se r v le galement dans cet pisode plut t burlesque Elles prennent b tement le l vrier de la maison RC 208 pour le fant me d Ang lique la disparue la Caverne s effraya de n avoir rien vu et l toile s effraya de ce que la Caverne s effrayait RC 208 Le rire con u comme passion entre ainsi en comp tition directe non seulement avec les larmes mais avec la peur aussi Cependant ces trois affects aussi disti
270. ras revu augment et corrig RC 45 Il est certainement possible de d gager deux cat gories de lecteurs concurrents que le texte construit et d veloppe Le lecteur b n vole poss de une vision toute na ve de la litt rature et lit tout texte au premier degr Le lecteur mal vole en revanche est celui qui participe aux jeux ironiques du narrateur et qui se fait complice des d tournements qu il op re Cet avertissement met jour un autre motif structurant celui de l errata sympt me d une interf rence dans le langage suppos ment transparent de l ge classique En marge du texte se m nage d j une conomie de lecture qui invite le lecteur lire diff remment entre les lignes ou dans notre cas entre les genres Le lecteur b n vole est le m me qui se scandalise des fautes d impression ou encore de toutes les badineries qu il a vues jusques ici dans le pr sent livre RC 95 alors que le lecteur mal vole conscient des possibles erreurs d impression ou d interpr tation voit au del du manque suppos de structure et du m lange des genres que les doctes consid rent indigeste Le chapitre final inverse ce que l incipit avait d j pris soin d interchanger C est la toute fin de la premi re partie que les com diens se mettent enfin en mouvement pr ts partir l aventure Le roman se place dans une dynamique infiniment railleuse de va et vient d
271. rd Le Roman comique London Grant amp Cutler coll Critical guides to French texts 1998 115 p PICHOV Dagmar La communication ironique dans Le Roman comique de Scarron L tude comparatiste avec Don Quichotte de Cervant s dir Francis Claudon et Petr Kylou ek Th se de doctorat Universit Paris XII Val de Marne Universit de Brno 2006 318 p RIOU Daniel La violence comme disgr ce et comme preuve dans Le Roman comique de Paul Scarron dans Martine Debaisieux et Gabrielle Verdier ds Violence et fiction jusqu la R volution T bingen Gunter Narr Verlag coll Etudes litt raires fran aises 1998 p 207 216 156 ROSELLINI Mich le La rencontre amoureuse dans Le Roman comique Variations sur l aventure dans Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron op cit p 47 64 ROUSSET Jean Insertions et interventions le Roman comique Narcisse romancier essai sur la premi re personne dans le roman Paris Librairie Jos Corti 1973 p 69 82 SERROY Jean Roman et r alit les histoires comiques au XVIIe si cle Paris Librairie Minard 1981 777 p Des Histoires comiques au roman comique Cahiers du Dix septi me si cle vol 7 n 1 1997 p 169 177 TANE Beno t Tourner le derri re la compagnie Trivialit de la rencontre dans Le Roman comique et dans son illustration dans Fictions de la rencontre Le R
272. re comique de Francion dans Romanciers du XVIIe si cle Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1962 1623 33 p 61 529 Sans doute peut on opposer cette d vote s r nade R 138 aux somptueuses musiques rencontr es dans la derni re nouvelle espagnole du Roman comique Les deux fr res rivaux RC II 19 291 79 qui se solde grotesquement confirme ce que nous avancions un peu plus t t la chasse amoureuse de Ragotin n a rien de la galanterie honn te mais concerne plus sp cifiquement le primaire et les bas instincts Veuf le petit avocat semble au moins plus familier avec le monde eccl siastique qu avec celui des femmes depuis la mort de sa petite femme il avait menac les femmes de la ville de se remarier et le Clerg de la Province de se faire Pr tre et m me de se faire pr lat beaux Sermons comptants RC 70 Il n est donc gu re surprenant qu il ait trouv ses m chants complices dans une glise tudions un moment l organiste un petit ch tr RC 139 ce monstre ni homme ni femme RC 139 Le choix qu a op r Ragotin n est pas accidentel Il l a s lectionn pour ses ressemblances physiques un double donc hi rarchiquement et ontologiquement Comme sont tous les animaux imberbes RC 140 le ch tr se met en col re la vue de ses orgues rompues la mani re de Ragotin l organiste se f che ais ment et se couvre de r
273. re cours sa fantaisie la perte de contr le et l illusion Mais surtout comme Scarron essaie de r concilier deux veines romanesques distinctes s rieux comique le fou met en relation deux entit s de nature incompatible Suivant la th orie bakhtinienne le genre de l histoire comique permet de mettre en rapport des l ments h t rog nes de rapprocher ce qui est loign Dans cet univers la fois carnavalesque et m nip en le rire prend une dimension esth tique probante Si le fou se met rire en se lan ant du cheval aussi Ragotin clate t il de rire quand il r ussit encore nu faire tomber dans l eau un pr tre un cocher et un paysan Bakhtine consid re que c est le rire qui abolit la distance 423 DEBAISEUX Martine op cit p 174 424 GROS Fr d ric Notes sur quelques sens du classicisme chez Foucault Revue d histoire litt raire de la France Presses Universitaires de France vol 107 n 2 2007 p 311 3 Ibid 426 DEBAISEUX Martine op cit p 176 7 Est ce le Roland de l Arioste 8 Thid p 178 Ibid p 181 0 BAKHTINE Mikha l L uvre de Fran ois Rabelais et la culture populaire au Moyen ge et sous la Renaissance op cit p 44 81 Mouvement de domino qui rappelle la sc ne de l escalier Ce mouvement d entra nement irr sistible ne se confine pas au registre farcesque Aussi Scarron l exploite t il dans
274. re en sc ne la folie indissociable de la lecture de romans comme dans le non moins c l bre Don Quichotte de Cervant s ou la folie qu un amour d u d clenche Scarron met en forme une bipolarit qui si elle n est pas double esth tiques concurrentes et po tiques rivales est peut tre m me triple en vertu d une nonciation qu on pourrait parfois qualifier de schizophr nique Ragotin propose d abord de lire aux com diens rassembl s dans un h tel une libre adaptation d une chanson de geste compos e selon les r gles les plus s v res et intitul e Les Faits et Gestes de Charlemagne en vingt quatre journ es Cette annonce provoque chez les auditeurs de vives et sourdes contestations Dans cette proposition aussi d risoire qu absolument inventive la chanson de geste qui manque peut tre de romanesque d consid r e parce que surann e se m lange aux fastes du th tre renaissant monumental dans ses longueurs et ses personnages Ahuri de perdre la vedette Ragotin choisit de conter une histoire tir e d un livre espagnol r cemment publi Paris et qu il esp re bient t adapter au th tre Il est assez r v lateur que la nouvelle du chapitre I 9 RC 71 soit imm diatement pr c d e d une telle mise en abyme de la lecture publique et de ses codes illustrant la r pulsion de la foule pour le pastiche disconvenant de Ragotin et son inclination pour la nouvelle fictionnelle et sentimentale
275. re troisi me chapitre en analysant le motif du cheval Cf p 107 33 SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 512 73 r f rence animali re op rait d j des glissements des m tissages Le premier portrait de la Rancune que peint le narrateur marque en effet l ind cision entre l humain et l animal il portait sur ses paules une basse de viole et parce qu il se courbait un peu en marchant on l e t pris de loin pour une grosse Tortue qui marchait sur les jambes de derri re RC 50 Si comme dans les fables de La Fontaine chaque animal se voit attribuer des caract ristiques bien d finies et permet ainsi de dessiner efficacement les contours physiologiques ou psychologiques d un personnage aussi l exposition de la Rancune engage t elle des probl mes de perspective De pr s on reconna t l aspect de l homme ses traits sa d marche alors que vu de loin il devient indistinct et se m le m me l ordre animal Cette confusion entre l humain et lanimal souvenons nous tait d j passablement active dans la sc ne du combat entre la Rappini re et la ch vre Cette fois c est la noirceur baignant le corridor qui cr e le brouillement et le flou Ce jeu de flottement fait directement appel l 1l le regard qu on porte sur les choses se modifie selon l angle d approche qu on adopte Dans cette optique Scarron repr sente l homme com
276. renouveler Ouvrant sur une interpr tation morale les vestiges de la farce dans Le Roman comique sont rapprocher selon Gruffat d une sorte de didactique o Scarron prescrirait une marche suivre Cette lecture qui prend beaucoup de raccourcis fait du roman une v ritable p dagogie ce que la logique du texte ne corrobore pas toujours Elle a enfin recours la psychanalyse pour expliquer ce que le rire sous entend de plus grave et statue que le rire va toujours plus ou moins de pair avec l agressivit et la cruaut Cette derni re hypoth se nous semble assez heureuse puisqu elle probl matise en creux l in vitable mais bien approximative positivit du rire Hypoth se qui doit se lire en cho avec la piste qu bauchait d j Piroux le rire y est violent et imm diat comme dans l univers de la farce Le rire dans cette perspective de l affect n est plus envisag seulement comme un amusement trivial fade et plat et devient un proc d de lisibilit de l uvre Enfin cette approche du rire comme po tique et rh torique de lecture a t loquemment saisie par Dominique Bertrand dans Dire le rire l ge classique Bertrand s attache d abord poser que dans les romans comiques du XVIIe si cle les clats de rire maillent voire structurent la narration Devenu une topique narrative un trait constitutif du genre le rire est d s lors mis en repr sentation
277. reux tant t difficile partir de la psychanalyse de la critique th matique et m me dans une tentative plut t hardie de l extravagante biocritique Dans ce renouveau critique trois grandes articulations pr valent la composition les nouvelles espagnoles intercal es et les interventions d auteur Ces trois axes d tude ont constitu l essentiel de la recherche structurale R currente la question de la composition ayant subi les foudres de la premi re critique a t diversement abord e On y discerne des lignes de force et des oppositions structurantes On tente par cons quent de mettre en place diff rents principes de composition partir du couple r alisme romanesque de la tension entre ordre et d sordre ou encore de la dichotomie unit diversit D autres tentent de d gager du Roman comique une coh rence narrative ou encore chronologique Parall lement plusieurs se sont pench s sur les 58 nouvelles espagnoles les uns souhaitant montrer leur fonction essentielle au sein du roman les autres s occupant des sources desquelles elles d rivent En effet les remarques qui s attaquent 8 Jbid p 439 Ibid p 438 50 LI BER Jean Claude Les deux fr res rivaux ou le complexe d Esa Dix septi me si cle vol 70 n 146 1985 p 69 78 5 CARTER Nancy B The Theme of Sleep in Le Roman comique Romance Notes n 11 196
278. rf re avec le proc s d nonciation La nouvelle n est pas racont e comme les autres supposant une performance publique mais bien lue platement par la Garouffi re un parlementaire de Rennes Ce conseiller ridicule a galement particip au d bat litt raire qui opposait Roquebrune et le Destin au chapitre I 21 RC 161 attestant en une sorte d art po tique bouffonnement patriotique qu il n y avait rien de plus divertissant que quelques romans modernes que les Fran ais seuls en savaient faire de bons et que les Espagnols avaient le secret des petites histoires qu ils appellent Nouvelles RC 162 Scarron r alise par le biais de la Garouffi re un rapprochement des genres et sans doute m me une fusion momentan e Le roman et la nouvelle ne font maintenant plus qu un Contrairement celle des autres nouvelles la transmission du Juge de sa propre cause intervient dans un d cor intime entre seulement deux personnages la Garouffi re et le Destin sur le ton de la confidence Le texte n offre nul cho de la r ception du conte qui embraye directement sur l intrigue du r cit cadre Ainsi trait e la troisi me nouvelle n est plus autant mise distance que les deux autres L absence de la mise en sc ne de la lecture de la nouvelle entra ne celle ci vers le roman et vice versa Le romanesque et le comique sans ces d chirements et ces pr cautions pr alables s interp n trent et se confonden
279. rfait qu un H ros de livre demi douzaine de h ros ou soi disant tels feront plus d honneur au mien qu un seul qui serait peut tre celui dont on parlerait le moins RC 58 Cette importance la Rancune la conquiert gr ce une m disance qui ne s puisait point et une humeur querelleuse RC 59 Incontournable la Rancune l est surtout en raison de ses mensonges et de ses tromperies Bon vivant il aime bien manger et bien boire et c est ainsi qu il entra dans l h tellerie un peu plus que demi ivre RC 61 une nuit apr s la m chante altercation de la Rappini re avec la ch vre Un Marchand du bas Maine RC 62 ayant appris qu il ne restait plus de lits dans l h tellerie pour accommoder les com diens offrit la moiti de son lit la Rancune RC 62 Dans ces circonstances festives et heureuses la Rancune ne se fit pas prier deux fois pour boire de nouveaux frais RC 62 Contrari cependant de partager sa chambre avec un inconnu pourtant aimable enjou et g n reux le vieil 30 GAGNON Ingrid Ruse et rus dans Le Roman comique de Scarron op cit 310 Nous d velopperons cette id e de feinte auctoriale plus en d tail dans notre chapitre 3 L esth tique des limites Cf p 107 311 GAGNON Ingrid op cit p 189 Ibid 68 et vil com dien recourt un mauvais coup in l gant pour ainsi dire Partageant le m me lit que l
280. rfection on trouve des Qualit s contraires associ es dans les El ments et dans les Corps compos s Que ferions nous de bien nous autres Hommes si dans notre Art nous res l gt b n imitions que la Nature C est ce que nous observons partout faisant para tre le plus de vari t que nous pouvons dans nos 461 ouvrages Charles SOREL La r p tition comme matrice comique analys e partir de sayn tes bouffonnes ponctuelles et selon une perspective dramaturgique semble tre l arbre qui cache la for t Ce ph nom ne r p titif n est en fait que la partie la plus imm diatement visible d un syst me d criture beaucoup plus complexe et qui touche tous les l ments de la composition du Roman comique Or le roman classique a pour mode de fonctionnement la r p tition inlassable et souvent conservatrice de certaines cellules narratives de base autrement dit des topo au sens satorien du terme qu il d cline et module l envi Scarron r cup re puis adapte ces codes r p titifs du roman dans une r flexion la fois originale et agissante sur le genre romanesque et 459 SCARRON Paul Le Roman comique d Claudine N delec op cit II 8 p 229 0 RABELAIS Fran ois uvres compl tes d Mireille Huchon op cit p 6 41 SOREL Charles 1659 Relation v ritable de ce qui s est pass au royaume de Sophie depuis les troubles excit s par la rh torique de l loquence Avec un di
281. rfois troubles entre le texte son narrateur et son lecteur Dans ce rapport entre objet risible et sujet riant au moins trois notions ma tresses reviennent constamment sous la plume des penseurs du rire l anomalie l innocuit et la distance Autrement dit le comique est une anomalie per ue avec distance par le sujet riant et 155 MELINA Jean Le comique essai d interpr tation g n rale op cit p 69 156 PAGNOL Marcel Notes sur le rire Paris ditions du Fallois coll Fortunio 1990 p 9 7 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 8 9 158 STERNBERG V ronique Le comique op cit p 16 15 MELINA Jean Le comique essai d interpr tation g n rale op cit p 11 16 BERGSON Henri op cit p 8 161 GUILLAUMIN Jean op cit p 633 12 BERGSON Henri op cit p 53 16 Voir particuli rement le chapitre 3 L esth tique des limites Cf p 107 29 sans cons quence grave pour l objet la victime du rire Or la r union de ces trois constantes du comique ne conduit pas n cessairement au rire Toute anomalie n est pas forc ment dr le La notion d anomalie renvoie une sorte de d calage ou d cart par rapport une norme qu elle soit sociale logique ou m me esth tique Ce qui int resse ici est moins l anomalie en soi que l effet qu elle provoque le comique se trouverait dans la rencontre entre la
282. riettes Si le cur force le rapprochement s il astreint les com diens souffrir sa pr sence il semble inconscient de la distance et de la retenue qu imposent la fois son tat de cur et la mort r cente qui a eu lieu dans l h tellerie qui suppose normalement du pr tre une r serve une d licatesse et un respect irr prochables Ces deux types de distance apparaissent alors comme un principe structurant Les rapports entre le conteur et son audience d termin s par le statut social du premier et par les circonstances dans lesquelles il fonctionne conditionnent en d finitive la production de l effet comique et son intensit Le cur d ailleurs n a pas pris acte de la r action premi re qu a cr e son rire dans sa deuxi me histoire Le fr re du d funt en effet s est chauff au point de s engager dans un 7 La figure du cur dans la litt rature m di vale par exemple est particuli rement raill e dans les fabliaux Pour le statut de la figure du pr tre l ge classique voir PISTER Danielle d L image du pr tre dans la litt rature classique XVIIe XVIIIe si cles Berne Francfort Peter Lang 2001 278 p 777 Peut tre faudrait il pr ciser que ces deux personnages sont des com diens de circonstance plus que des acteurs de m tier Le premier est un fils de bonne famille perdument amoureux d une com dienne alors que le second se masque au th tre pour viter les f
283. riginal tant jouer dans les franges et les porosit s du r cit nous nous retrouvons en pr sence de textes neufs dont l intimit avec Scarron est beaucoup plus publicitaire qu esth tique Le couple reproduction variation qui pr side au fonctionnement du comique de r p tition cesse subitement d op rer dans les suites apocryphes La po tique scarronienne n est pas le moindrement r p t e son expansion n est pas un d doublement r ussi mais une lecture affranchie et sans commune mesure avec l original Au mieux et encore les continuateurs ressemblent l Olive qui imite sans imagination le Destin dans l espoir d galer un succ s qui ne lui est pas d 454 SCARRON Paul Le Roman comique Suites de Orfray et Preschac Conclusion par Louis Barr d Louis Barr Paris J Bry 1858 p 217 455 SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit p 343 56 Thid 7 Thid p 353 105 C Des planches du th tre la sc ne du roman Les processus de duplication et d expansion comiques l uvre dans le roman de Scarron pr supposent au lecteur des comp tences et des connaissances particuli res En effet la r p tition dans Le Roman comique n a pas la brutalit antip dagogique de la farce crue Le comique de r p tition tel que le pratique habilement Scarron implique le d centrement d o surgit le rire et se pr sente d abord comme une posture philoso
284. rique comme le chatouillement ou une excitation comme celle du champagne qui monte la t te Si le rire monte la t te selon le concept du rire champagne mimant la mont e de l escalier par la com dienne la hargne qui s ensuit tient davantage de la promptitude avec laquelle ces deux motions se sont succ d que de la chute elle m me D gris e Ang lique contemple la m diocrit qui l entoure Bien que le rire puisse enivrer le passage de l euphorie l infortune a de quoi d stabiliser quiconque Le rire comme toute bonne chose doit tre consomm avec mod ration De serviteur RC 144 Ragotin devient en d finitive un improbable pers cuteur Son intention de d part la galanterie qui l ve est compl tement d tourn e la violence de la chute sans oublier que mademoiselle de l toile fut encore t moin de cette disgr ce RC 145 IT thique et violence Mieux vaut en rire qu en pleurer Les disgr ces recens es jusqu ce point s av rent particuli rement b nignes et sans cons quence gravissime pour l odieux Ragotin Ces rires que nous pourrions dire ludiques ont surtout partie li e avec la notion de jeu Les rires r sultent le plus souvent de manigances de badineries qui n engagent pas v ritablement des enjeux s rieux Ces disgr ces plus humiliantes que destructrices confirment du m me souffle le crit re d innocuit propre au ph nom ne com
285. ron dans Jan Herman et Paul Pelckmans d L preuve du lecteur livres et lectures dans le roman d ancien r gime Louvain Editions Peeters 1995 p 89 99 119 Pentour de la charrette comme le petit fou qu il tait RC 49 Le va et vient du poulain en plus de mimer l ind cision g n rique du Roman comique d limite autour de la charrette ce substitut ridiculement caricatural de l illustre et mythique char du soleil des fronti res perm ables puisqu invisibles Ce petit fou cristallise deux traits distinctifs de la narration scarronienne Le substantif fou renvoie au monde renvers aux lubies carnavalesques du narrateur Habill de l adjectif petit qui figure la marginalit du genre romanesque et sa forme nouvellement br ve ce qui rappelle propos l expression petit roman le syntagme s affiche bient t en v ritable programme S il est vrai que les histoires comiques pratiquent toutes une forme de renversement d h ritage rabelaisien o le bas remplace crapuleusement le haut Le Roman comique explore galement d autres axes cette fois ci plus horizontaux de mise distance et de rapprochement L incipit travesti du Roman comique qui orchestre d j des glissements singuliers sur le plan de l horizon d attente configure un dispositif nonciatif lastique fond sur une oscillation perp tuelle permettant au r cit de rebondir l envi Reste maintenant examiner la situ
286. rrateur certaines jou es dans la di g se d autres seulement mentionn es Le roman se place ainsi doublement sous l gide du th tre AJ Castigat ridendo mores Une catharsis burlesque Digne successeur de Plaute et de T rence Scarron ne rejoint que tr s exceptionnellement Moli re dans les rangs prestigieux des r formateurs de la com die l ge classique Si tous reconnaissent que les com dies moli resques constituent une forme d accomplissement original des ambitions et la solution la plus l gamment synth tique des aspirations en partie divergentes Toutes les introductions l uvre romanesque de Scarron en font mention Jolene Vos Camy a notamment consacr sa th se de doctorat sur les aspects th traux du Roman comique Vos Camy Jolene The Art of the Novel Through Theatrical Lenses Paul Scarron s Romant comique dir Leonard Hinds Th se de doctorat Universit de l Indiana 2000 209 p Jean Serroy note par ailleurs que l uvre est frapp e du sceau de la th tralit l ouvrage de Scarron pr sente donc une telle parent avec son th tre qu il n est pas tonnant que nombre de p rip ties de l action apparaissent sous sa plume de romancier comme autant de sc nes dramatiques Le d coupage le rythme les situations les gags l entr e et la sortie des personnages l art du dialogue la progression dramatique tout montre que Scarron n
287. rtir de d finitions g n rales et d observations appliqu es des outils d analyse modulables et commodes melina vite d ailleurs l cueil d accorder trop d importance aux multiples interpr tations morales m taphysiques psychanalytiques sociologiques et ph nom nologiques du rire Deux grandes id es traversent sa recension le rire comme distorsion et anomalie Ces notions qui r glent divers processus de distanciation renvoient de mani re exemplaire l esprit de notre travail qui cherche rendre compte plus de l imaginaire du rire qu la causalit comique rire Si Le Roman comique a pr t le flanc des examens aussi dissemblables que nombreux il faut constater qu on le place encore couramment sous le signe du disparate du fatras et du bigarr Certains estiment juste titre que le roman de Scarron appara t ainsi comme une uvre contradictoire moins que la contradiction ne soit pas tant dans le roman lui m me que dans les lectures diverses auxquelles il pr te Cette tendance lourde n est peut tre pas sans fondement au contraire et semble m me se rallier au parti pris esth tique de Scarron qui chafaude une v ritable vision du monde fond e sur l id e que la r alit est multiforme et que tout art qui veut la saisir se doit par cons quent d tre multiple Ainsi la recherche scarronienne sur le rire s ouvre t elle sur de nouvelles piste
288. s e du haut l h ro que et du bas le comique du long le roman et du court la nouvelle mouvement carnavalesque lui m me parodi par l incongruit burlesque et oxymorique du titre 2 L incipit travesti du Roman comique Le travestissement de l nonc romanesque traditionnel s observe d s sa c l bre ouverture Sans revenir sur l importante glose concernant l incipit de Scarron souvent envisag sous langle de la f te populaire et du comique grotesque il convient au moins de souligner avec Mikha l Bakhtine la fonction r solument transgressive de la troupe clairsem e de com diens qui p n tre le monde r gl d une petite ville bourgeoise et sans histoire la troupe est oppos e l ensemble du monde organis et consolid elle forme un univers mi r el mi utopique soustrait dans une certaine mesure aux r gles entravantes Cette opposition ordre d sordre se r percute enfin l chelle du roman qui en fait son principe de fonctionnement m me comme ses personnages iconoclastes le roman est aussi soustrait aux r gles entravantes d une po tique GODENNE Roger L association nouvelle petit roman entre 1650 et 1750 CAIEF 1966 n 18 p 74 1 BAKHTINE Mikha l Esth tique et th orie du roman op cit p 113 117 romanesque certes diffuse mais d j touffante Les codes et les formes constitutives du roman sont travestis en m me temps qu ils
289. s encore d fricher comment les mises en sc ne du rire travaillent elles en creux la composition la structure et le sens du roman Qu y a t il d quivalent entre un sourire en coin et un rire puissant gras et plein Comment concilier les diff rents niveaux du texte le paratexte les interventions d auteur la relation au lecteur que les chercheurs ont g n ralement scind en morceaux ind pendants Comment le rire sCarronien programme t 1l un mode de lecture particulier la fois antiromanesque et 12 BERGSON Henri Le rire essai sur la signification du comique Paris Presses Universitaires de France coll Quadrige 2007 359 p 13 MELINA Jean Le comique essai d interpr tation g n rale Paris SEDES coll Pr sences critiques 1991 209 p 14 Ibid p 86 15 SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 439 M6 Jbid p 462 19 autor flexif En quoi il excellait surtout disait Gilles M nage propos de Scarron c tait narrer Ce sont ces questions qui effleurent le domaine de la po tique et de la narratologie qui nous retiendront particuli rement au long de notre travail Aussi croyons nous devoir produire cette d monstration sous l empire du rire 3 L histoire du rire et le probl me du comique Chez Scarron comme nous venons de le constater la question du rire est une sorte d vidence automatique tr s rar
290. s du comique 25 A Les d finitions du comig rce E EEE R 27 B L s tesistres du COMIQUE skorsie fre an E rE AE E eee 30 T L off nsive Burl Squ s he eee ee a n a 31 IT Les libertinages du rire Du picaresque au galant ssnnssosessseesseesseessee 36 CLADO LIQUE TES ir nd nds ete TE 38 2 Rire rapport et rire v cu Les insucc s du discours comique seesseeeeeeeseseseeeseeesrseeesee 39 A Le cas du cur qui ne savait pas faire rire ss 40 B Faire rire les honn tes gens L anecdote de la Caverne 44 CL TES MOIS Le MPIORE SEE RE RS ne 52 3 Ea po t g e d COMME rioari eine t EE ane A nn 54 A Castigat ridendo mores Une catharsis burlesque 54 B L nergie farcesque Scarron dramaturge du roman 58 Chapitre 2 Dramaturgie clownesque Sc nographies et imaginaires du rire 61 l Lhumant comique Le rire de forces ed estate ln e 62 A Rira bien qui rira le dernier Les figures du rieur et de l anti rieur 00 00100 63 I Mensonges comiques et impertinences carnavalesques esseere 66 B Ragotin L animalier et l enfant sun ni retiilnete 70 Le rire est le propre de l homme gt 71 IT Physiologies burlesques anus hseninernsenieneineenlesal 72 II thique et violence Mieux vaut en rire qu en pleurer su 83 2 Radiographies du corps COMIQUE LL nn ri te et 88 A clater de rire s emp cher de rire se
291. s indiff rent de relever que Le Roman comique se ferme aussi sur un rire Cette fois l ambigu t initiale de l clat de ris e n est pas tout fait au rendez vous Ou au contraire cette ambigu t n a plus besoin d tre comment e par la narration tant cette culture de l hybridit est devenue force de diss mination absolument int rioris e Le rire est la fois la majuscule et le point de suspension du roman Cette longue phrase comique n a cependant pas la s cheresse de la lin arit Bien au contraire le rire imprime davantage un mouvement circulaire l uvre par ailleurs induite par son inach vement 564 FOURNIER Michel Du travestissement au roman la mise en sc ne de la culture hybride dans Le Roman comique op cit p 129 565 Voir le chapitre 1 Rire ou ne pas rire Cf p 24 145 Cette circularit de la composition scarronienne plafonne au chapitre II 20 RC 311 Nous retrouvons en condens les principales id es mises en uvre par Scarron La nouvelle que l agr able In zille acheva de lire RC 311 a suffi endormir l in narrable Ragotin gorg de viandes Significativement le personnage incarnant le comique le plus cru s assoupit la lecture d une nouvelle qui emprunte son squelette narratif l esth tique de la comedia et de l h ro que Sont alors mises en conflit deux repr sentations de la litt rature La r action de Ragotin n est pas
292. s ont reproch Scarron un manque de savoir faire en mati re de composition romanesque Cette lecture r ductrice et partielle de l uvre repose sur diff rents pr jug s g n riques qui s parent radicalement et absolument roman r cit et nouvelle Le pr sent chapitre se propose au contraire de montrer que la structure tripartite du Roman comique programme m me le texte un mode de lecture relevant du contraste g n rique de la cohabitation des contraires et d une herm neutique des possibles romanesques Cette dispositio inaccoutum e et digressive suppose parall lement un comique des limites qui efface les fronti res g n riques et culturelles conventionnellement admises pour en dessiner d autres plus instables et p n trables encore Mais proposer une lecture g n rique du Roman comique de Scarron pr suppose qu il existe au XVIIe si cle des cat gories narratives tanches et facilement identifiables Or le statut du roman l ge classique s av re souvent difficile tablir tant les formes qu il emprunte sont multiples et fluctuantes Accus par les doctes d exciter des passions dangereuses le genre romanesque au d but du XVIIe si cle consid r comme un b tard sans codification po tique ou autorit l gitimante donne lieu un d bat sur la fiction en g n ral et sur la vraisemblance en particulier Au premier soup on qui p se d j lourdement sur le roman celui d tre la fo
293. s personnages de roman des thiopiques au Roman comique dans Jean Pierre Dubost d Topographie de la rencontre dans le roman europ en Clermont Ferrand Presses Universitaires Blaise Pascal 2008 p 327 341 LI BER Jean Claude Les deux fr res rivaux ou le complexe d Esa Dix septi me si cle vol 70 n 146 1985 p 69 78 155 LOJKINE St phane Introduction dans Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron St phane Lojkine et Pierre Ronzeau dir Aix en Provence Presses Universitaires de Provence coll Textuelles p 5 17 MAGNE mile Bibliographie g n rale des uvres de Scarron Paris L Giraud Badin 1924 302 p MERRY Barbara L Menippean Elements in Paul Scarron s Roman comique New York Perter Lang coll American University Studies 1991 132 p MONTBERTRAND G rard R La personnalit Z de Scarron et la fonction du comique dans les histoires intercal es du Roman comique et dans les Nouvelles tragi comiques PFSCL vol 16 n 30 1989 p 117 129 MOREL Jacques La composition du Roman comique L Information Litt raire vol 22 1970 p 212 217 MORILLOT Paul Scarron et le genre burlesque Paris ditions H Lec ne et H Oudin 1888 402 p MORTIER Roland La fonction des nouvelles dans Le Roman comique Cahiers de l Association internationale des tudes fran aises vol 18 n 18 1966 p 41 51 PARISH Richa
294. scours sur la Nouvelle all gorique Paris N de Sercy p 111 112 4 La SATOR Soci t d analyse de la topique romanesque d finit le topos selon une double perspective narratologique une configuration narrative r currente et po tique une situation narrative r currente et rattache la pr sence de la topique un processus culturel il y a une histoire de la topique romanesque et la fr quence des sc nes de rencontre dans le roman correspond sur un plan m tafictionnel au fait que la circulation de la topique romanesque dans le roman europ en a t l un des lieux majeurs de la rencontre des cultures et des identit s Jean Pierre Dubost cit par LOJKINE St phane Introduction dans Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron St phane Lojkine et Pierre Ronzeau dir Aix en Provence Presses Universitaires de Provence coll Textuelles p 10 107 sur le registre comique Cette autoanalyse critique du roman se place chez lui sous l trange empire du m tissage Car entre deux moqueries entre deux pol miques railleuses Scarron parle d un ton tant t plus grave tant t plus romanesque Il juxtapose de chapitre en chapitre des passages aux tonalit s parfois contradictoires souvent dissonantes Devant ce texte pluriel et diff rents paliers o la nouvelle de tradition espagnole et le r cit saveur autobiographique p n trent l espace du roman plusieurs critique
295. sinvolte jusqu tre inconvenant s adonne cent contes plaisants de l avarice du d funt et leur apprit les plaisants diff rends que cette passion dominante lui avait fait avoir RC 216 Cela dit l anecdote que le cur narre n est pas sans potentiel comique Lors d un voyage Laval le cheval qui portait l h te et l h tesse s est d ferr de deux pieds du fait d une route mauvaise et prouvante Apr s avoir longtemps cherch les deux fers perdus voguant de chemin en chemin et craignant d garer jamais un bien si pr cieux l h te rejoint enfin sa femme mais pieds nus tra nant ses bottes dans ses mains Stup faite sa femme l est encore davantage lorsque l h te lui demande d agir l identique poursuivant ainsi leur route sans chaussure l un devant et l autre derri re moyennant quoi ils auront bient t les pieds si corch s qu ils furent pr s de quinze jours sans pouvoir presque marcher RC 216 Guid par la cupidit l h te justifie finalement ses demandes saugrenues jamais il ne se sut si bon gr de quelque autre chose qu il e t faite et quand il y songeait il disait en riant sa femme que s ils ne se fussent d chauss s en revenant de Laval ils en eussent eu pour deux paires de souliers outre deux fers d un cheval RC 216 217 Peu int ress s se divertir le Destin et L andre ne s murent pas beaucoup du conte que le cur
296. sp cialement l ambivalence de l ethos de l auteur comme image construite sous la contrainte de pressions institutionnelles r gl es dans une large mesure par la doxa Cette doxa Scarron lui tourne litt ralement le dos Gageons m me que sur le visage in abstentia de Scarron se dessine l esquisse d un sourire qu on ne pourrait qualifier que de d formant 5 Disons au passage que Cyrano de Bergerac a crit une de ses c l bres Lettres satiriques contre Scarron qu il trouvait trop affaiss dans ses railleries Son titre prend la mesure du principe d inversion qui caract rise la production litt raire de l auteur du Virgile travesti Contre Ronscar SA TANE Beno t op cit p 132 22 SCARRON Paul Au lecteur qui ne m a jamais vu dans Le Roman comique d Yves Giraud op cit p 49 523 Cette instabilit de la voix nonciative ne se lit pas naturellement dans le frontispice du Roman comique Cf Annexe 3 p 151 La gravure repr sente trois com diens debout sur un tr teau ce qui correspond de pr s l intrigue principale du roman moins que les masques qu ils portent n informent du parti pris ludique et mystificateur l origine du texte 524 SCARRON Paul Au lecteur qui ne m a jamais vu dans Le Roman comique d Yves Giraud op cit p 50 535 Alain Viala cit par Jan Herman L auteur n est pas une n cessit po tique l ge classique L un
297. ssociation entre celui qui rit et celui dont on rit voque donc une laideur que les deux instances ont r solument en partage Peut tre est ce cela qui explique le d go t qu prouve le Destin apr s avoir esquiss un sourire Le rire signale alors le triomphe du corps sur l esprit et s oppose du coup aux nouveaux canons du corps classique Le tous 388 SCARRON Paul Th tre complet d V ronique Sternberg op cit p 12 389 Thid p 47 3 Thid p 48 1 Ibid p 51 392 GRAEBER Wilhelm Un raccourci de la mis re humaine Aspects id ologiques du comique corporel dans l uvre de Paul Scarron dans Eva Erdmann et Konrad Schoell Le comique corporel mouvement et comique dans l espace du th tre au XVIIe si cle T bingen Gunter Narr Verlag coll Biblio 17 2006 p 70 5 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 48 4 Ibid p 51 Ibid 87 contre un dont parlait Lagarde se r invente par le truchement des corps incongrus en un fous ensemble Nous avions tabli plus t t que le comique du discours tombait souvent plat dans Le Roman comique Or les disgr ces de Ragotin sont au contraire physiques Pour que ce corps puisse faire rire loisir sans voquer l id e de la piti il est essentiel qu il s affranchisse des propri t s humaines La chosification de Ragotin entam
298. sssssessesssersseeesseessseesseesseesseeesseee 131 A D formations de l ethos classique at nn tintin ateedeanes 132 B La com die dE SORA Le een a a ne E Ea E E tr Rene 135 Ci Le sourire d la m taleps sense ne i E E R EEE Sa 137 Conclusion Le rire l ge de Pantiroman eesseseesseesoesocsscesoesocsscesoesoosscesceccoesocsseecoesoe 139 1 Le roman est un antiroman essseeseesesssseresseteresressessetsrtssteststtsstesesetestessesstsstesseeseesressee 140 2 LAENE EAE CM ATRO 1E E A ee re E 142 3 Le comique pour l COMIQU serseri ii ee i E E E E tata 144 VNO CAE EEE E E E EEE 147 BD ROSE ADRESSES ne ESSEE enaa e oase estaS 151 vi LISTE DES ABR VIATIONS RC SCARRON Paul Le Roman comique d Claudine N delec Paris Classiques Garnier coll Biblioth que du XVIIe si cle 2011 1651 1657 342 p Sauf indication contraire toutes les citations du Roman comique sont ins r es m me le corps du texte principal et suivent la formule suivante abr viation num ro de page La toute r cente et excellente dition du Roman comique fruit des efforts de la sp cialiste du burlesque Claudine N delec a t pr f r e dans ce travail aux deux autres ditions qui ont longtemps fait autorit dans les tudes scarroniennes pour des raisons qui touchent autant la richesse et l actualit des commentaires et des notes qu la fid lit au texte original Les ditions Antoine Adam
299. struit en mod le universel par une critique soucieuse de conformit et de rep res faciles GIRAUD Yves Introduction dans SCARRON Paul Le Roman comique d Yves Giraud Paris GF Flammarion 1981 p 18 divertir Cette conception du rire scarronien repose cependant sur un a priori de lecture n cessairement simplificateur Le rire l ger et all gre n engagerait rien sinon le d lassement et la f te Or la critique contemporaine sur le roman d Ancien R gime place la question de la communication et des effets de lecture au pinacle de ses pr occupations Plusieurs observent d sormais dans Le Roman comique un jeu un d calage et une ambivalence auxquels le rire renvoie de mani re embl matique On rit grassement du burlesque des personnages mais on rit aussi de connivence avec le narrateur qui se moque des codes romanesques Terrain certainement fertile de la recherche le rire souvent implicitement convoqu comme argument pour tayer certaines positions d ensemble n a pas encore t tudi comme une cl d interpr tation de l uvre C est bien dans cette zone d ombre que se situe notre travail Quand Gustave Reynier propos du Roman comique affirme que chacun sait quel point la composition en est l che et incoh rente il rige en fait tabli un jugement critique r ducteur et connot esth tiquement En effet la critique positiviste du XIXe si cle comptait le Roman c
300. t 8 Seule nouvelle qui n est pas issue du recueil de Sol rzano Cette nouvelle hispanisante est galement une paraphrase d une nouvelle espagnole El juez de su causa du recueil Novelas amorosas y ejemplares de Maria de Zayas recueil paru en 1634 127 La nouvelle s articule th matiquement autour du travestissement les genres sexu s sont travestis auquel s ajoute le travestissement des genres litt raires la Garouffi re a bien lu quelques vers Destin avant de lui faire la lecture de la nouvelle Le juge de sa propre cause pousse le r cit cadre du c t du romanesque Ambivalence g n rique que reprend figurativement le motif r current du masque pr sent dans les trois niveaux du texte Peut tre les com diens sont ils d j les plus grands travestis portant tous les masques jusqu l oubli de leur propre identit Bakhtine souligne ce sujet que le masque traduit la joie des alternances et des r incarnations la joyeuse relativit la joyeuse n gation de l identit et du sens unique le masque est l expression des transferts des m tamorphoses des violations des fronti res naturelles La joyeuse n gation du sens unique n est ce pas l exactement l effet que les nouvelles intercal es produisent Le texte polyphonique du Roman comique en contournant la rigidit romanesque reproduit ce jeu de dualit et de reflets en alternant pisodes comiques et pisodes s rieux ou s
301. t de rire davantage de l v nement la Caverne pressent qu trop souligner des clats de rire pass s elle a pu priver ses actuels auditeurs d un sentiment de E L toile avait d j signal l importance surprise indispensable au jaillissement de l hilarit du cadre spatio temporel dans le succ s d une narration comique La maladresse du page se produit lors d une repr sentation th trale l assembl e tait fort belle la salle bien clair e le th tre fort commode et la d coration accommod e au sujet RC 202 Partant une distance s installe entre spectateurs et com diens qui les pr dispose naturellement au comique L ambiance tant a priori sous l empire du spectacle il est presque attendu qu un clat de ris e aussi sauvage qu incontr lable s empare de l auditoire Or il en va tout autrement pour la Caverne qui quelques instants avant son conte s essuya les larmes qui lui mouillaient le visage en grande abondance RC 199 Comme le cur inopportun la Caverne qui pleure encore la fra che disparition de sa fille affiche un cruel manque de compr hension des distances que suppose la situation dans laquelle elle se trouve le s rieux ne peut laisser aussi prestement place au comique sans d router Cette opposition entre le s rieux et le risible si elle est travaill e habilement peut pourtant donner lieu d amusants brouillages comme le prouve justemen
302. t des tons et des formes celle des proc d s dans lesquels on peut voir la source de tout comique la diversit des enjeux affectifs thiques philosophiques du rire rendent toute th orie 143 attaquable Ainsi entendu le comique met en relation de multiples facteurs dont on ne peut faire l conomie Beaucoup de th oriciens du rire ont n anmoins cherch isoler une formule capable de d crire elle seule tous les effets comiques Cette pr tention pr suppose au rire une essence certainement plus facile postuler qu d montrer Pour des raisons la fois pragmatiques esth tiques et rh toriques nous faisons n tre le prudent parti pris m thodologique de Defays nous ne nous mettrons donc pas en qu te du d nominateur commun du m canisme qui d clenche le rire mais tenterons de d crire le concours indispensable de circonstances plus ou moins n cessaires dans lequel il surgit Rejetant l approche essentialiste qui m ne l analyse dans un cul de sac improductif et lui pr f rant une analyse combinatoire notre propos se construira sur la base des diff rents rapports enjeux et dynamiques que cr e la pr sence du comique dans un texte litt raire du XVIIe si cle reconnu pour son caract re ostensiblement plaisant Notre acception du terme comique tout au long de ce travail appara t alors beaucoup plus g n rale que restreinte il le comique est d abor
303. t le conte de la Caverne le com dien qui faisait le personnage d Aymond s en clata de rire et ne put plus repr senter un vieillard en col re RC 203 Le contenu de l anecdote de la Caverne cristallise quant lui les enjeux discursifs et rh toriques du discours comique Chaim Perelman sugg re que le comique du discours attire notre attention sur ce que l on pourrait consid rer comme une pathologie qui permet de mieux cerner les limites de l usage normal et s rieux du langage Le conte de la Caverne et un moindre niveau ceux du cur fait effectivement une utilisation atypique du langage Ce 233 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit p 231 234 PERELMAN Chaim Pr face dans Lucie Olbrechts Tyteca Le comique du discours Bruxelles ditions de l Universit de Bruxelles coll Sociologie g n rale et philosophie sociale 1974 p 5 Le premier conte du cur n est v ritablement dr le que lorsque l h te d clare les raisons pour lesquelles il a astreint sa femme se d chausser Aussi la deuxi me histoire ne prend elle tout son sel qu au moment o l h te 47 comique qu on pourrait dire rh torique renforce la connivence entre les usagers du langage qui se r jouissent de ma triser ses ressources La d faillance m morielle du page se double d une m connaissance des codes qu impos
304. t y est invers Le sujet le style la forme divergent D concertantes les premi res lignes saveur h ro que g n rent d j un transit entre le monde quelconque des Manceaux et la r verie magique et myst rieuse des nouvelles Narrativement cette nouvelle ne surgit pas ex nihilo puisqu elle a t introduite au chapitre pr c dent On y tablit qu elle sera cont e par Ragotin un personnage capital du roman qu on rencontre au chapitre I 8 RC 67 pour la toute premi re fois Si c est bel et bien l odieux Ragotin qui se charge de la nouvelle le narrateur extradi g tique via une m talepse s ing nie le disqualifier en s immis ant dans l univers de ses personnages Vous allez voir cette histoire dans le suivant chapitre non telle que la conta Ragotin mais comme je la pourrai conter d apr s un des auditeurs qui me l a apprise Ce n est pas Ragotin qui parle c est moi RC 71 L auteur se met en sc ne et reprend toute son autorit aupr s de ses personnages Cette immixtion produit un nouveau contrat de lecture qui instaure avant m me la nouvelle proprement dite une distance d clar e entre ce que le lecteur vient de lire dans les chapitres pr c dents et ce qu il lira maintenant Cela dit le fanfaron Ragotin incarnation hyperbolique du ridicule m me cristallise le parti pris burlesque du Roman comique Pantin et antih ros il provoque les rires les plus accablants et les plus uni
305. tion de comique de r p tition a quant elle connu une fortune critique difficilement contestable de nos jours Elle a pourtant donn lieu d infinis catalogues de proc d s plus qu la discussion appliqu e de ses effets Et si comme le pense Proust la r p tition tait destin e sugg rer une v rit neuve Nous nous approprions le pr suppos qui guide pareille assertion ce qui compte en d finitive est moins la r p tition en elle m me que les indices de variation qui l accompagnent toujours Autrement articul e la r p tition file figurativement la m taphore qui oppose la diff rence la ressemblance et qui a constitu un leitmotiv surplombant toutes nos analyses pr c dentes La r p tition n est elle pas d j inscrite dans les g nes du com dien vedette prot iforme du Roman comique qui r p te les m mes r les les m mes textes les m mes gestes de 35 MELINA Jean Le comique essai d interpr tation g n rale op cit p 171 6 Andr Jolles cit par DEFAYS Jean Marc Le burlesque et la question des genres comiques dans Po tiques du burlesque dir Dominique Bertrand op cit p 41 7 Un num ro d tudes litt raires tudes litt raires vol 38 n 2 3 2007 tait r cemment consacr aux diff rentes figures de la r p tition comique partir d un corpus allant de Moli re jusqu Proust 48 Marcel Proust cit par DUVAL Sophie
306. tions ou d attitudes En fin de compte il ne suffit pas d avoir une bonne histoire pour faire rire Sans doute est ce pourquoi les rires qu on rencontre dans le Roman comique ne r sultent pas tellement de discours mais presque toujours de situations Dire le rire ne fait pas rire Mais comment parvient on alors faire rire dans un roman Bergson voque cet quilibre pineux que doit atteindre l artiste comique le comique se balance entre la vie et l art Le comique de la vie se fonde le plus souvent sur le spontan et l accidentel alors que le comique de l art s essaie avec plus ou moins de r ussite le recr er Cette reproduction suppose une relation triangulaire entre un metteur l artiste un objet comique et un r cepteur Dans l id e m me de reproduction se cache d j la notion d intentionnalit comique Or comme nous venons de l analyser la force de l art est 25 Dans cependant de cacher cette intentionnalit et de faire comme si le comique se trouvait cette dialectique le comique se manifeste plus qu il n est soulign il s offre la vue il se produit comme s il s agissait d un v nement arrach la vie Nulle forme litt raire ne semble en effet mieux adapt e cette illusion de r alit que le th tre Litanie du voir toute puissance du 6 le texte scarronien agit bien comme un v ritable t moignage oculaire Le spe
307. tiques Cette absence de cadre herm tique seuls des guillemets marquent la transition d un type de r cit l autre rapproche significativement les r cits ins r s du r cit cadre L histoire d Ang lique RC II 11 236 dernier r cit analeptique introduit dans le r cit cadre ach ve de fondre le romanesque dans l ordinaire de l intrigue principale Aucune strat gie d autonomisation n est mise de l avant pour signaler la rupture des registres 502 ROSELLINI Mich le La rencontre amoureuse dans Le Roman comique Variations sur l aventure dans Fictions de la rencontre Le Roman comique de Scarron op cit p 62 63 131 La fonction qu occupent les nouvelles espagnoles et les r cits analeptiques intercal s au sein du Roman comique est donc r solument herm neutique puisqu ils tablissent un mode de lecture qui repose sur la discorde et la cohabitation des contraires Le sens se r v le dans la confrontation des deux esth tiques oppos es et presque cannibales que sont le comique et le romanesque Il devient clair que ni le roman ni la nouvelle ni le r cit ne poss dent de sp cificit tanche Aucun genre n est issu d une quelconque essence cat gorielle Tout autrement ils se d finissent les uns par rapport aux autres dans leur contexte de mise en rapport Dans cette dialectique de coexistence chaque partie informe le tout d un v ritable principe de composition Si le romanesque est la th se
308. tours La m taphore simiesque accompagne d ailleurs le d veloppement de l histoire comique L exemple le plus frappant demeure les singeries du Francion de Sorel tr s souvent comment es 336 BERREGARD Sandrine Les animaux dans trois uvres de Scarron Jodelet ou le ma tre valet Dom Japhet d Arm mie et Le Roman comique Papers on French Seventeenth Century Literature vol 30 n 58 2003 p 113 37 Jean Serroy a relev la pr sence des animaux suivants Le plus souvent cit est tout naturellement le cheval 40 fois puis viennent le chien 21 fois le mulet 5 fois le li vre le serpent et la mouche 4 fois le loup le cerf le singe et le poulet 3 fois le b lier l ne et le cochon 2 fois la ch vre le bouquin l ours le b uf le taureau le chat la couleuvre le coq le paon le perroquet le pigeon la perdrix le hibou le sansonnet le grillon le moucheron et la tortue 1 fois SERROY Jean Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 511 338 Pour Berregard le r f rent animal remplit deux fonctions principales Il contribue au r alisme de l uvre les animaux familiers attestant du monde rural ainsi qu son caract re burlesque par le biais des animaux mythologiques et du renversement des valeurs qu on accorde g n ralement aux animaux dits nobles Nous reviendrons d ailleurs plus amplement cette deuxi me fonction du bestiaire dans not
309. trement s il y a apparence de cruaut d agression ou d acharnement rapidement le rire c de la place l inqui tude ou la compassion Cet quilibre p rilleux entre petite plaisanterie et attaque assassine nous le constatons tient plus de l exception que de la r gle Ces trois grandes notions du comique l anomalie la distance et l innocuit nous serviront plus de principes de base que de directives absolues elles ont l avantage d offrir un premier cadre d analyse ni trop restrictif ni trop g n ral lesquelles orienteront notre r flexion sur le rire scarronien Le Roman comique construit un dispositif textuel qui met savamment en sc ne le comique sous plusieurs formes tout en offrant au sein m me de la narration une analyse redoutablement s rieuse et tout fait originale de ses conditions de possibilit Faut il croire alors Claude Schnerb lorsqu il affirme que le comique se situe ainsi au del de tout jugement esth tique ou moral ce qui r duit le rire une manifestation essentiellement physiologique et aucunement r fl chie Cette question pr suppose au comique sinon des niveaux au moins des variations Tout rire n a pas la m me valeur ni la m me intensit Le sourire discret le rire gras et g n reux l humour d bonnaire ou m me l esprit espi gle ne s tudient pas selon les m mes principes et exigent d essentielles nuances B Les re
310. ts au lecteur que d ploie profus ment Scarron Les seuils du Roman comique apparaissent d s lors comme un lieu privil gi o se s dimentent la confusion et le trouble Il serait vain selon Piroux d y chercher un message en bonne et due forme Le paradigme de la communication chez Scarron se caract rise donc par une impasse textuelle revendiqu e et travaill e Dans cette dialectique le rire se fait roi et d range la lecture tout en introduisant sans cesse des interf rences dans la communication entre narrateur et lecteur Minutieuses et alertes les th ses que propose Piroux qui convoque tant t Derrida tant t Bataille montrent bien la fonction herm neutique du rire dans Le Roman comique le v ritable lecteur de Scarron est celui qui sait lire autrement Ainsi le rire comme strat gie discursive motive cette autre lecture Le v ritable lecteur se doit d tre sensible au chaos organis du texte pour s parer la pens e de son nonciation Dans cet espace flottant mouvant se loge la possibilit d un rire assourdissant Dans un lan semblable Nina Ekstein dans Noise and Injcoherence in Le Roman Comique note que le bruit est un motif r current au noyau des querelles que le couple coh rence incoh rence orchestre En effet Le Roman comique est bruyant cacophonique Le bruit rappelle Ekstein entre directement en conflit avec le langage dans les th ories de la communication
311. u cirque et du carnavalesque Le premier contact du lecteur avec le petit avocat signale d j sa fonction de bouffon D s sa pr sentation et jusqu son nom Ragotin s associe donc au monde animal au bas au grotesque En effet la lecture du Roman comique on peut tre frapp par le grand 336 337 nombre d animaux qui s y rencontrent Chez Scarron le recours ce bestiaire la fois impressionnant et diversifi sert surtout tablir des rapports comparatifs r duisant les hommes eux m mes la taille de ces animaux Avant l entr e en sc ne de Ragotin la 1 Pensons seulement aux noms des com diens au premier rang celui de Destin qui renvoie au sujet m me du roman 332 Pour Fureti re qui se dit des chevaux qui ont les jambes courtes la taille renforc e et large du cost de la crouppe On appelle aussi en termes de chasse ragot un sanglier qui sort de compagnie quand il a deux ans On l a dit aussi autrefois des hommes quand ils estoient nains engoncez et trappus FURETI RE Antoine Dictionnaire universel Paris S N L Le Robert 1978 1690 article Ragot gt 333 SCARRON Paul Le Roman comique d Jean Serroy op cit p 389 334 FURETI RE Antoine Dictionnaire universel op cit article Godenot 335 On peut aussi remarquer que Ragotin est un calque d riv de Fagotin le c l bre singe qui d lectait les Parisiens de ses
312. u scandale nocturne et une bagarre aussit t clate laissant la Rancune seul contre plusieurs RC 222 Le cur en homme d ordre r ussit enfin mais non sans mal pacifier le diff rend RC 223 en bl mant les deux auteurs de la blague qui passait la raillerie RC 223 Souvent dans Le Roman comique les personnages fougueux et alertes r agissent il pour il dent pour dent Si la Rancune et l Olive jouent aux plus effront s avec le corps mort alors ils m ritent eux aussi la mort les assa llants ne se souciaient gu re du d savantage num rique de la Rancune et auraient t encore plus loin si le cur n avait interrompu l offensive De mort de peur mort de rire en passant par vouloir donner la mort les personnages du Roman comique pr sentent une affectivit que nous pourrions presque qualifier de l tale C Le fou rire le rire du fou Cette sc ne du corps mort informe en filigrane d un certain rapport la folie Non seulement y affirme t on que l Olive riait comme un fol RC 220 mais encore que la Rancune appelle Ragotin cent fois fol RC 220 en le mena ant de le faire interner s il ne 40 Ibid 18 LAGARDE Fran ois op cit p 671 95 s apaise pas s ance tenante P joratif et insultant le titre de fou que re oit Ragotin s inscrit dans une tradition de longue date le personnage du fou et de l extravagant parcourt librement l
313. ue relativement l humanit d chue BAUDELAIRE To move wild laughter in the throat of death It cannot be it is impossible Mirth cannot move a soul in agony SHAKESPEARE Par cette tude sur Le Roman comique nous avons cherch montrer que le rire plus qu un jeu social doucereux et sans cons quence construit plut t une rh torique de lecture qui construit une vision ambivalente distanci e et sceptique du monde de l ge classique Nos trois chapitres ont t organis s th matiquement selon la triple perspective qu chafaudait d j Dominique Bertrand propos du rire la marge du classicisme d crire le rire lui imposer un ordre le faire signifier Nos d monstrations forc ment subjectives ne constituent en d finitive qu un chantillon parcellaire de l uvre du rire sous l Ancien R gime et ne rendent peut tre pas assez justice la diversit des formes qu emprunte le comique en litt rature Cependant l chelle de l histoire comique o le positionnement de Scarron est la fois original et cliv nous avons r ussi clairer l intime relation qui unit le rire la critique des m urs et des passions mais plus largement le lien incontestable qui associe le comique l mergence d un nouveau roman autocritique et ouvert Ces constatations dites faut il d un m me geste se rallier Jean Serroy qui fait de Scarron un parfait novateur
314. ueille simultan ment plusieurs esp ces romanesques rivales f d re plus qu il ne s pare L originalit de Scarron est pr cis ment de montrer les m canismes du roman ses contradictions et ses pi ges tout en mettant en sc ne sa d sarticulation r duction notable du cadre d insertion La derni re tranche de son histoire proc de en effet d un encadrement minimal Sans compter que cette histoire en trois morceaux est toujours racont e un public f minin les trois com diennes La Caverne Ang lique et l toile qui r agit diff remment de lecture en lecture La fatigue interrompt la premi re partie de l histoire la s r nade de Ragotin la seconde et des larmes la derni re La nature des interruptions de lecture et des actions qui en d coulent forc ment forment un sch ma contraire celui d j voqu propos des nouvelles espagnoles le centre est ludique et la p riph rie grave 501 L histoire de la Caverne RC IL 3 199 L histoire de la Caverne racont e dans l intimit l toile et dans un registre moins dramatique est suspendue par une sayn te comique o l on s inqui te de possibles fant mes L histoire que L andre RC IL 5 211 Histoire de L andre raconte Destin s arr te cause de la rumeur d un combat coups de poing contrario des nouvelles espagnoles le narrateur poursuit le r cit cadre l int rieur de chapitres pourtant consacr s des r cits analep
315. uerelles brouillent et confondent les identit s telle enseigne qu on ne parvient plus distinguer l un de l autre et d autre part l usage du poing nu marque un contraste avec le duel l ge classique traditionnellement aristocratique et opposant deux combattants maniant l p e 230 Cette mise en rapport du grand et du petit participe d un r seau isotopique fort riche et souvent associ e au comique classique Nous reviendrons sur cette isotopie notamment lors de la discussion de l pisode qui oppose le petit Ragotin et le grand Baguenodi re Disons aussi que la petitesse du genre de la tragi com die d forme la grandeur tonitruante de la trag die Voir chapitre 3 L esth tique des limites Cf p 107 1 Pi ce du po te Robert Garnier qui met en sc ne une jeune h ro ne Bradamante personnage pique issu de la tradition du Roland amoureux de Matteo Maria Boiardo et du Roland furieux de l Arioste Cette r f rence au th tre de Garnier participe aussi d une isotopie entourant la figure de Roland surtout associ e Ragotin RC I 8 67 45 rire ou que je sois de ceux qui rient de peu de choses RC 203 Remarquant assez tard que sa seule auditrice l toile une autre com dienne ne trouve pas dans ce petit incident grande mati re rire la Caverne comprend bien que l effet comique se voit diff r et att nu par sa regrettable mise en r cit L Etoile qui se veut rassurant
316. uffle au visage ce qui ach ve d effrayer le Destin Apr s une br ve chevauch e et une angoisse terrible ce grand homme nu se laissa tomber terre et se mit rire RC 194 Terrifiant le fou s assimile tant t la figure du diable tant t celle du fant me Cette pr sence mal fique et nuisible a pour effet de glacer d effroi le com dien pourtant courageux Le chapitre IT 16 RC 276 met de nouveau en sc ne cet homme sauvage RC 278 Par contre l pisode se d roule maintenant de jour le malheureux Ragotin tant ivre mort malade et endormi sans monture au milieu du chemin RC 278 Ainsi l ivrogne est il d pouill de ses v tements par le fou qui tait le m me fou qui avait fait si grand peur au Destin RC 279 Le corps nu de Ragotin se couvre vite de piq res multiples et des paysans passant par cette m me route le prirent pour le fou DEBAISEUX Martine op cit p 172 0 Notamment HOBBES Thomas op cit 1 DEFAYS Jean Marc Le comique Principes proc d s processus op cit p 16 2 Dans l ordre SOREL Charles Le Berger extravagant Gen ve Slatkine Reprints 1972 1627 28 755 p DU VERDIER Le Chevalier hypocondriaque Paris Pierre Billaine 1632 709 p CLAIREVILLE On sime Sommain de Le Gascon extravagant histoire comique Abano Terme Piovan Editore 1984 1637 335 p 96 endormi RC 280 Selon Debaisieux l agencem
317. uloumi d Errance et marginalit dans la litt rature Angers Presses de l universit d Angers coll Recherches sur l imaginaire 2007 cahier 32 p 61 2358 La th se que d fend Ekstein dans son article est que le bruit se trouve au c ur d une polarit coh rence incoh rence dans le roman c est dire que le bruit agit comme une strat gie discursive marquant la rupture entre diff rents niveaux qu il s agisse des trois paliers narratifs r cit cadre r cit des personnages et nouvelle intercal e de la tension romanesque comique des interventions du narrateur etc 2 EKSTEIN Nina op cit p 35 260 BERGERAC Cyrano de Lettres satiriques et amoureuses pr c d es de Lettres diverses d Jean Charles Darmon Paris ditions Desjonqu res coll Dix septi me si cle 1999 256 p 21 ROCHE Bruno op cit p 20 53 changes verbaux c est dire des actes de communication privil giant la relation entre un locuteur et un allocutaire Le premier qui cherche impressionner et faire rire exerce par son discours une action concr te sur le second Peut tre faut il prendre partie les m diocres talents de conteur du pr tre et de la Caverne pourtant une com dienne de m tier ayant l habitude de faire rire sur sc ne incapables de reproduire les signes physiques qui auraient pu appuyer et bonifier les anecdotes rapport es qu il s agisse de mimiques de gestes d intona
318. une dir Rire pour quoi faire Paris GF Flammarion coll tonnants classiques 2010 160 p SABBAH H l ne dir Rire pour quoi faire Paris Hatier coll Classiques amp cie 2011 192 p Le rire a aussi t le th me du 22 Forum Le Monde Le Mans en 2010 qui rassemblait autour de la question Pourquoi rire des intellectuels de diff rents horizons disciplinaires BIRNBAUM Jean dir Pourquoi rire Paris Gallimard coll Folio essais 2011 244 p 9 BAKHTINE Mikha l L uvre de Fran ois Rabelais et la culture populaire au Moyen ge et sous la Renaissance Paris Gallimard coll Tel 2006 471 p 12 VERDON Jean Rire au Moyen ge Paris ditions Perrin coll Pour l histoire 2001 270 p 121 M NAGER Daniel La Renaissance et le rire Paris Presses Universitaires de France coll Perspectives litt raires 1995 240 p 122 BERTRAND Dominique Dire le rire l ge classique repr senter pour mieux contr ler op cit 123 Notons aussi au passage la publication r cente de deux th ses de doctorat centr es sur le probl me du comique partir d un corpus moderne B LISLE Mathieu Le dr le de roman L uvre du rire chez Marcel Aym Albert Cohen et Raymond Queneau Montr al Les Presses de l Universit de Montr al coll Espace litt raire 2010 320 p PR VOST Maxime Rictus romantiques Politiques du rire chez Victor Hugo Montr al Les
319. ur e Perversit de l crivain son plaisir d crire est sans fonction double et triple perversit du critique et de son lecteur l infin Roland BARTHES Le malade de la reine est mort Vive le malade de la reine Paul Scarron l un des trois romanciers comiques pl iadis s du XVIIe v ritable cons cration pour un polygraphe tant d abord et surtout reconnu comme l inventeur du SCARRON Paul Le Roman comique d Claudine N delec Paris Classiques Garnier coll Biblioth que du XVIIe si cle 2011 1651 1657 1 21 p 161 MONTAIGNE Michel de Les Essais d Villey Saulnier Paris Presses Universitaires de France coll Quadrige III 13 p 1069 3 BARTHES Roland Le plaisir du texte Paris ditions du Seuil coll Essais 1982 p 27 4 Avec Charles Sorel et Antoine Fureti re Romanciers du XVIIe si cle d Antoine Adam Paris Gallimard coll Biblioth que de la Pl iade 1962 1508 p Notons que le choix significatif du titre Romanciers du XVIIe si cle sugg re implicitement une ad quation quasi parfaite entre le genre romanesque au XVIIe si cle et l histoire comique telle que pratiqu e par Sorel Scarron et Fureti re rapprochement aussi insolite qu inexact puisqu il ne tient pas compte de l extr me diversit du roman classique seule Madame de Lafayette y compl te le panorama du roman au XVIIe si cle Reste que cette valorisation de l
320. urs sa suite qu un regard foncier sur le dispositif C est une mani re de voir par et dans le roman Le burlesque scarronien loin de constituer une philosophie syst matique prend plut t les apparences d une exp rimentation infinie des possibles romanesques et des chemins ouverts par la cr ation Comme certains revendiqueront plus tard l art pour l art Scarron pourrait bien faire du roman pour du roman et du comique pour du comique 568 SERROY Jean Roman et r alit les histoires comiques au XVIIe si cle op cit p 437 521 147 ANNEXE 1 Contenu et disposition chapitrale du Roman comique selon SCARRON Paul Le Roman comique d Claudine N delec Paris Classiques Garnier coll Biblioth que du XVIIe si cle 2011 1651 1657 342 p Premi re partie 1651 Titre de chapitres Narration Pages Contenu 1 Une Troupe de Com diens arrive dans la ville du Mans Directe 2 R cit cadre 2 Quel homme tait le sieur de La Rappini re Directe 2 R cit cadre 3 Le d plorable succ s qu eut la Com die Directe 3 R cit cadre Dans lequel on continue parler du Sieur de La Rappini re et de ce qui arrive la nuit en sa maison Directe 2 R cit cadre 5 Qui ne contient pas grand chose Directe 3 R cit cadre L aventure du Pot de Chambre La mauvaise nuit que La Rancune donna l h tellerie l arriv e d une partie de la troupe 6 Mort de
321. utre les nouvelles intercalaires et les r cits analeptiques beaucoup de s quences se fondent sur le discours de locuteurs aussi divers que suspects par exemple les r cits du cur qui ne savait pas faire rire ou encore les harangues de la Rappini re Les exemples sont si nombreux qu un inventaire serait la fois lourd inutile et peut tre improductif 504 C est par exemple la position g n rale que d fend Jean Serroy dans Roman et r alit Les histoires comiques au XVIIe si cle op cit Par ailleurs notons que la r flexion sur le dispositif de l nonciation romanesque constitue pour bien des critiques le crit re minimal de la d finition du roman dit moderne c est dire du roman critique de lui 132 projette bref une auto parodie Dans ce contexte d ostentation d brid e du m canisme romanesque n est il pas tout fait naturel que l auteur burlesque participe aussi fi vreusement au jeu de la litt rature Si tout texte burlesque implique une proc dure de d cryptage il en va pareillement de l ethos irr gulier de son auteur puisque le burlesque implique une fa on d interpr ter le monde un ethos sceptique Ce scepticisme revendiqu prend au moins deux formes compl mentaires chez Scarron D une part il se peint lui m me assez r guli rement et pas toujours positivement tout en m nageant a et l des r f rences tant t subtiles tant t violentes sa vie et son uvre
322. utres Directe 2 R cit cadre 2 Des Bottes Directe 4 R cit cadre 2 R cit cadre 12 Qui divertira peut tre aussi peu que le pr c dent Directe 6 m morables Directe 4 R cit cadre Terreur panique de Ragotin suivie de disgr ces Aventure du corps mort Orage de coups de poing et autres accidents 7 surprenants dignes d avoir place en cette v ritable histoire Directe 7 R cit cadre 8 Ce qui arriva au pied de Ragotin Directe 5 R cit cadre 9 Autre disgr ce de Ragotin Directe 2 R cit cadre Comment madame Bouvillon ne put r sister une tentation et 10 eut une bosse au front Directe 4 R cit cadre 4 R cit cadre 13 M chante action du Sieur de La Rappini re Directe A R cit cadre 20 De quelle fa on le sommeil de Ragotin fut interrompu Directe 15 Effronterie du sieur de La Rappini re Directe 3 R cit cadre 16 Disgr ce de Ragotin Directe 8 R cit cadre 17 Ce qui se passa entre le petit Ragotin et le grand Baguenodi re Directe 5 R cit cadre 18 Qui n a pas besoin de titre Directe 2 R cit cadre 2 R cit cadre 123 Proportions accord es aux diff rents modes de narration pages et pourcentage Premi re partie Pages Deuxi me partie Pages R cit cadre 57 43 R cit cadre 58 47 R cit autobiographique 46 34 R cit autobiographique 18 15 Nouvelles 31 23 Nouvelles 47 38
323. ux grandioses aspirations litt raires qui a pris en charge la narration de la nouvelle sublime et lev e est ridiculis outrag et avec lui tout le genre romanesque Mais cette manipulation du livre reproduit le processus m me de la parodie un travail de seconde main m me de quatri me main dans le cas qui nous int resse le narrateur raconte une histoire qui lui a t relat e par un auditeur qui a entendu Ragotin la narrer qui a lui m me plagi traduit une nouvelle extraite d un livre la fois emprunt du texte et empreinte presque digitale dans le texte le plagiat de Ragotin en plus de rendre manifeste le dialogue entre l oral et l crit met en relief le caract re 6 La mise en spectacle de la narration se rencontre aussi dans cette sc ne du livre vol qui sollicite un vocabulaire de la dramaturgie par le biais d expressions comme repr sentez vous et voyez RC 87 et suiv Ces interpellations du lecteur visent surtout rendre visuelles les d b cles de Ragotin Dans cet univers th tral c est bien la vision qui triomphe Il est assez symptomatique de noter que plus tard dans cette sc ne Ragotin devient aveugle quand on lui enfonce son chapeau sur sa t te Les spectateurs c est dire la fois la foule qui assiste cette d convenue et le lecteur qui la lit voient pr cis ment ce que Ragotin ne peut pas voir son ridicule Le fait que le petit avocat ne se rende pas compte de
324. ve de la vie communautaire dans le d cha nement du malheur l occasion de ce qui rev t les apparences d un sacrifice expiatoire la Cit se trouve purg e de ce qui mena ait son quilibre et sa p rennit la loi du p re une loi qui peut tre celle du destin celle des dieux ou celle du plus fort triomphe sur la loi du fils bid 63 de Scarron Nous analyserons ensuite deux figures concurrentes qui voluent en parall le dans le roman le rieur et l anti rieur et qui d finissent les extr mit s des attitudes possibles face au rire Le rire bienveillant des uns et le non rire anesth si des autres pourraient d signer les deux p les de cet axe d intensit du ph nom ne comique maximale au p le rieur minimale au p le anti rieur Passage critique oblig nous tudierons les particularismes des disgr ces en s rie de Ragotin en insistant cette fois ci sur son caract re m dian qui le situe entre l animalier et l enfantin Nous avons au chapitre pr c dent cibl le principe moteur qui r git la plupart des sc nes comiques le motif dramaturgique Nous proc derons donc une analyse dramaturgique de quelques sc nes particuli rement embl matiques du comique l uvre dans le texte d apr s le sens sp cifique que nous avons donn la th tralit du Roman comique Cette analyse d bouchera naturellement sur un classement th matique des diff rentes mani res de rire che
325. versels Se moquer de Ragotin plac sous le signe de la d gradation et de la r duction quivaut r prouver ses aspirations po tiques insister sur le peu de mesure qui unit ses espoirs h ro ques et ses checs retentissants Cette destin e tragi comique du bouffon sans devenir fait th matiquement cho au brouillage des fronti res g n riques d j actif dans le domaine esth tique Son caract re outrageusement grotesque et ridicule se fige dans une formule qui depuis les sautillements du poulain de l incipit nous est devenue famili re c tait le plus grand petit fou qui ait couru les champs depuis Roland RC 70 Antith se qui rappelle l oxymore du titre et qui installe Ragotin dans un intertexte d clar le Roland furieux de Cette nouvelle se retrouve dans le recueil Los Alivios de Cassandra de Castillo Sol rzano 1640 Le recueil a t traduit en fran ais sous le titre Les Divertissements de Cassandre et de Diane en 1685 c est dire pr s de trente quatre ann es apr s la reprise originale de Scarron Les deuxi me et quatri me nouvelles sont galement tir es du recueil de Sol rzano Alivios de Cassandra 121 l Arioste Si Roland le fou court tout nu dans les champs Scarron fait de Ragotin un d s quilibr qui d note la mise nu du fonctionnement romanesque et le d s quilibre qu occasionne le mariage conflictuel de l h ro sme et du trivial Plut t que de mett
326. vocat au del de sa maladresse crasse et de son corps grotesque s av re son obstination vouloir int grer la sph re des hommes imiter leurs faits et gestes aspirer leurs plus nobles id aux Ragotin en somme n appartient pas au domaine des hommes mais bien celui des bouffons des animaux des enfants Un autre renversement r v lateur est finalement observer ce qui avait commenc dans l esclaffement s ach ve dans l bullition Ang lique qui riait comme une folle RC 145 fit la guerre RC 146 au petit impertinent Le rire d Ang lique n exprime rien Il s agit d une pure Joie il 370 Une anadiplose est une figure macrostructurale vari t de r p tition Elle consiste utiliser les m mes mots ou groupes de mots la fin et au d but de deux phrases ou de deux membres de phrase m me si cette reprise n est ni absolument contigu ni rigoureusement parfaite AQUIEN Mich le et Georges Molini op cit p 54 71 Ragotin ne troque pas que ses ma tresses Dans la sc ne du livre vol le caract re profond ment changeable de ses adversaires est mis en valeur par des qualit s qu ils partagent tous le grandissement pique 372 BERGSON Henri op cit p 61 Ibid 374 N est ce pas l le syndrome du Bourgeois gentilhomme avant la lettre 83 y a un rire qui correspond un plaisir d origine purement psychique que ce soit une excitation p riph
327. x suites parues dans les deux premi res d cennies suivant la mort de l auteur des Mazarinades puis par une conclusion qui arr te d finitivement le texte deux si cles plus tard La suite d Offray de 1663 et celle de Pr chac en 1679 t moignent exemplairement de la r ception multiple de l uvre et surtout renseignent sur son legs litt raire L int ressante dition du Roman comique publi e chez J Bry en 1858 o se c toient en deux tomes les deux premi res parties du roman crites de la main de Scarron les suites d Offray et de Pr chac ainsi que la conclusion qu ajoute tardivement l diteur Louis Barr probl matise en creux la notion de s rialit partir de laquelle nous venons d tudier le comique scarronien Cette dition mixte con ue pour offrir au lecteur du XIXe si cle un texte d finitif du Roman comique soul ve effectivement plusieurs probl mes quant l efficacit comique des diff rents auteurs s tant essay s parler en diff r dans la voix de Scarron Cette criture plusieurs mains et plusieurs ann es de distance met tr s clairement jour les particularit s po tiques et narratologiques de chaque actualisation du texte original mais lacunaire Louis Barr dans l dition composite de 1858 commente avec fermet et avec un exc s d amour propre les deux suites des principaux continuateurs en relevant leurs faiblesses et d fauts d imagination Envisag e en mythe fo
328. z Scarron l clatement la mort et la folie Ces cas limites d un rire devenu dangereux pour ceux qui en font l exp rience feront l objet d une r flexion sur la s rialit du comique et son implicite p dagogie A Rira bien qui rira le dernier Les figures du rieur et de l anti rieur Parmi les pisodes les plus minemment comiques du texte se retrouvent deux sc nes o aucun rire textuel aucun personnage ne rit malgr le risible frappant de la situation ne sanctionne ou n assure le comique l uvre Au chapitre I 4 RC 56 la Rappini re un Lieutenant de Pr v t RC 50 aussi vicieux qu inique accueille chez lui la troupe morcel e des com diens que pr side d risoirement le Destin Le chapitre I 2 RC 51 avait d j st r otyp ce vil personnage le Sieur de la Rappini re tait lors le Rieur de la ville du Mans RC 51 De plus sa femme d un temp rament pourtant sec tant qu elle n avait jamais mouch de chandelle avec les doigts que le feu n y pr t RC 56 aimait la Com die plus que Sermon ni V pres RC 51 Fortement int ress par l univers th tral go t qui rivalise m me chez mademoiselle de la Rappini re avec celui de la religion ayant un naturel ainsi pr dispos la chose comique le couple embl matise bien la vogue du th tre qui au XVIIe si cle est 304 Si la critique scarronienne fait de la figure de Ragotin un objet

La poétique du rire dans Le Roman comique de Scarron

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