incursions dans la forêt narrative déplacement du centre dans la
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1. 432. le monde narratif et leur rapport avec le monde r el La fronti re entre l l ment authentique r el et Dialogos 9 2004 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE l univers fictionnel d finit l espace de l uvre comme un monde clos ou comme un univers infini de possibles Parmi les tenants ou les continuateurs du nouveau roman nous avons choisi deux auteurs qui ont explor l univers du roman et justifi par leurs techniques romanesques la d construction de la narration traditionnelle Georges Perec et Michel Butor Georges Perec Esp ces d espace 12 est un carnet de r flexions un exercice d criture Le vide semble tre un th me privil gi chez Perec un absolu un id al l espace vide construit la chambre sans destination ni fonction la page blanche une invitation au jeu de l criture d marche al atoire au gr de l inspiration Esp ces d espace est une tentative d inventorier l espace quotidien le contingent d puiser le champ de la r alit anodine En effet Perec fait oeuvre de b tisseur de mots et d espaces Il essaie de combler le vide d abord celui de la page blanche en laissant la pens e voguer sans contraintes et prendre corps au gr des mots les mots surgissent s agencent comme sous dict e automatique C est un jeu de r flexion instantan sur lacte d crire gratuit Ensuite le vide de l existence ext rieure et int rieure A l ext
3. qui voque un espace z ro Les mouvements temporels Les s quences temporelles elles aussi sont identiques le temps conna t un mouvement r tractile j ai abord la roue de la semaine chez M amp S o j ai commenc tourner attach cette meule qui comme tous les lundis a repris le m me mouvement comme si je m tais retrouv tandis que je franchissais le seuil du 62 White Street 8 jours auparavant toujours dans le m me d cor avec pour seul changement la diminution de la lumi re 4 37 de telle sorte que dans mon souvenir toutes ces semaines dont le nombre m pouvante se contractent presque en une seule immense paisse compacte confuse 3 38 Pour la reconstitution du pass dans le journal la m moire de Jacques Revel fonctionne comme un ressort il y a le temps de l criture du l er mai au 30 septembre quand le narrateur consigne son exp rience jour pour jour dans l ordre d une chronologie volutive et d une criture qui progresse et le temps de l histoire octobre septembre mai septembre reconstitu e rebours par incursions r trospectives non lin aires interrompues reprises L histoire est analys e reconsid r e modifi e en fonction de nouveaux indices le r cit est fait contre courant ou plus exactement il superpose deux s ries temporelles les jours de l enqu te qui commencent au crime et les
4. Dialogos 9 2004 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE jours du drame qui m nent lui ce qui est tout fait naturel puisque dans la r alit ce travail de l esprit tourn vers le pass s accomplit dans le temps 3 171 Les nouveaux v nements s imposent l criture par un proc d mn monique Il y a en effet un temps de l criture continu et un temps de l histoire discontinu L image du ressort permet ainsi de sugg rer un mouvement lastique du temps narratif qui comprime ou rallonge une s quence temporelle par les retours et l accumulation des d tails L criture devient alors une mani re d apprivoiser le temps de reprendre possession de tous ces v nements de les voquer un par un dans l ordre afin de les sauver de l oubli le grand ennemi marais poussi re grasse Le narrateur qui a senti son pr sent perdre son trave l amn sie gagner 3 38 se sauve ainsi soi m me de l enlisement de l oubli de sa propre identit Fonctions du roman dans le roman Parall lement le proc d de la mise en abyme est utilis par Butor afin de transmettre au lecteur sa conception romanesque D abord le roman sert de guide Avec le plan de la ville ce dernier constitue dans la narration les supports de la description topographique Dans le discours le roman fonctionne comme rep re esth tique en imposant et en justifiant le choix du
5. autor f rence sur l art de l criture Au centre du roman se trouve une vie subjective le Moi se substitue au monde comme source de perspective narrative 2 39 Tandis que la conscience cr atrice est porteuse chez Flaubert Madame Bovary c est moi chez Marguerite Yourcenar lacte fondateur de la cr ation est l identification par empathie son personnage Je suis Hadrien Le roman est con u comme acte de d couverte d une v rit sup rieure travers une conscience qui per oit cette r alit et y r fl chit centre rayonnant ou foyer d o partent et o reviennent des messages cette v rit est dans la conscience de l observateur nos impressions la cr ent elles s inscrivent sur une immense toile d araign e faite de fils de soie les plus t nus suspendus dans la chambre de la conscience 2 14 15 Symboliquement le centre peut tre Dialogos 9 2004 consid r dans son rayonnement horizontal comme une image du monde un microcosme contenant en lui m me toutes les vertus de l univers 5 190 Dans un monde d pourvu d assises spirituelles et philosophiques rassurantes le monde narratif est remis en question Le roman n est plus centr sur l histoire sur la fable la composition traditionnelle est abandonn e au profit d une construction romanesque novatrice la narration tant coup e de r flexions sur la cr ation de pages de journal de con
6. rieur alentour L ESPACE est morcel domin par une topographie de la division du cloisonnement englobant un inventaire d objets d actions anodines L organisation concentrique est le fruit d une exploration jusqu l puisement de chaque parcelle de l espace quotidien souvent ignor d pourvu de toute substance de tout symbolisme Topographie gigogne de cette exploration la page le lit la chambre l appartement l immeuble la rue le quartier la ville la campagne le pays l Europe le monde Du contenu au contenant chaque chapitre s efforce de d finir l endroit d en puiser les composantes les actions assis dans un caf ou marchant dans la rue un carnet et un stylo la main je m efforce de d crire les maisons les magasins les gens que je rencontre les affiches et d une mani re g n rale tous les d tails qui attirent mon regard 12 72 Perec combat l id e de narration par une accumulation redondante d actes et gestes par une observation obs dante et patiente du banal Il s inscrit ainsi dans la tendance du roman moderne de lib rer le mode descriptif de la tyrannie narrative 8 156 L espace int rieur celui de la cr ation prend comme source d inspiration l existant Mais pour Perec comme pour Italo Calvino Cosmicomics Dialogos 9 2004 toute cr ation n est qu une herm neutique de signes pr existants si bien que le monde et l
7. sente tude et ambitionnent la repr sentation d une g n ration ou d une poque tandis que d autres privil gient la r flexion sur la cr ation sur l acte cr ateur Michel Butor Georges Perec auteurs mod le de l analyse ci dessous Dans la fili re traditionnelle l omniscience de l auteur rendait v ridicit et coh sion l ensemble romanesque trait comme une unit un univers complet histoire morale esth tique spiritualit humanit D s la troisi me d cennie une r volution s op re dans l esth tique du roman M me si l int r t pour l histoire se maintient la conscience et la perspective narrative changent car le narrateur s identifie avec la conscience du personnage et le centre se d place de la fonction de repr sentation la subjectivit fil directeur de la narration Pourtant l unit de cr ation subsiste comme repr sentation d une conscience Celle ci devient le foyer qui dans un monde fuyant et d raisonnable tente de figer dans une forme les th mes orchestr s par le monde 4 174 L esth tique de Schopenhauer deviendra celle des artistes du XXe si cle esth tique fond e sur la reconstitution de l unit travers l uvre d art en tant qu univers de remplacement L espace et le temps de l uvre s organisent autour du je narrateur romanesque participant la double aventure spirituelle de cr ation d un univers fictionnel et d
8. de la dur e de la narration Cet arr t temporel se justifie par la mort du narrateur le peintre Val ne et du personnage cl Bartlebooth Leur mort qui semble avoir t le d clencheur de l entreprise romanesque ainsi que la raison d tre de la reconstitution des destins qui ont travers leurs existences n acquiert pourtant pas une dimension tragique Elle est dans l ordre des choses un fait divers La conclusion sous entendue de l auteur est que tout se r duit au n ant la vie 39 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE comme la mort des gens et des immeubles Symboliquement ce temps d arr t est celui de la cr ation de la conception de l uvre d art L entreprise narrative de Val ne allias Perec aboutit un tome de 700 pages qui enferme un monde des destins une histoire Toutefois la cr ation est inachev e le cr ateur reste les mains vides et m me s il recommence seule la mort mettra fin son effort La toile tait pratiquement vierge quelques traits au fusain soigneusement trac s la divisaient en carr s r guliers esquisse d un plan en coupe d un immeuble qu aucune figure d sormais ne viendrait habiter 13 602 L ali nation du livre substitut de l oeuvre d s que l criture en est achev e explique la dominante th matique du n ant A ce propos Maurice Blanchot r fl chit dans l avant propos de son essai L espace litt raire l crivain
9. r cit policier la trame un crime romanesque imaginaire comme l ment d clencheur le lieu la Vieille Cath drale l action recueillir les indices sur les circonstances et les responsables du crime les personnages un d tective des t moins type de narration la reconstitution Rep re esth tique et mythologique le vitrail de l Ancienne Cath drale est utilis pour la mise en abyme de la narration Ca n l anc tre de la ville le p re de tous les arts les habitants et m me le d cor de l ancienne ville mais aussi comme discours sur le roman dans le roman allusion au crime de Bleston le titre du roman 3 75 La perfection de la cr ation est ensuite symbolis e dans le vitrail du Meurtrier par la position centrale Le grand cercle o s inscrit la sc ne du meurtre au dessus de la baie centrale Le sang symbolise toutes les valeurs solidaires du feu de la chaleur et de la vie apparent s au soleil On y associe tout ce qui est bon noble g n reux lev 5 843 844 Le sang est g n rateur de vie donc de cr ation Le sang qui se r pand sur la Cath drale ce sang qui semble ruisseler en pluie dans tous les cieux 3 73 qui inonde l espace et les gens est Dialogos 9 2004 chez Butor un l ment r dempteur Perec et Butor privil gient dans l espace du roman la description au d triment de la narration mais tandis que chez le premier dominante est la foncti
10. r currentes se produisant dans leur lieu leur date Enfin le principe esth tique affirme la gratuit du projet l inutilit la r duction z ro de tous les l ments se porteraient garantes de perfection Par une succession d v nements qui en s encha nant s annuleraient 13 157 la vie du personnage arriv e son point final aurait une circularit parfaite La mise en abyme sert en effet r sumer l esth tique du n ant de Georges Perec Les consid rations Umberto Eco sur les dimensions temporelles de la narrative appliqu es la technique romanesque de Georges Perec Dialogos 9 2004 contribuent expliciter le fonctionnement de la temporisation dans La vie mode d emploi 1 95 96 Si l on consid re le temps de la fable l intervalle pr cis par la chronologie des v nements survenus dans l ensemble des romans dont se compose cet ouvrage le temps de la fable serait de 92 ans 1883 1975 Le temps mis par Perec pour l crire est de neuf ans 1969 1978 Dans l espace du livre ce ne sont pas les v nements les histoires qui impriment le rythme de la narration lecture car ceux ci sont presque exp di s un destin une vie sont balay s en quelques pages faisant parfois l effet de faits divers Le temps du discours chez Perec t moigne d une strat gie textuelle qui joue sur des alternances de rythme l acc l ration du temps des fable
11. technique du roman policier et de pr ciser sa conception romanesque la Nouvelle Cath drale un reflet amoindri de l Ancienne imitation vide d un mod le incompris J avais t bien oblig de sentir qu un esprit d une tonnante audace y d naturait violemment les th mes les ornements et les d tails traditionnels aboutissant ainsi une oeuvre certes imparfaite je dirais m me presque infirme riche pourtant d un profond r ve irr futable d un sourd pouvoir germinateur d un path tique appel vers des r ussites plus libres et meilleures 3 121 La cath drale de Bleston est le centre le point de rep re de la narration le foyer source d enseignement livre saint centre rayonnant de l herm neutique du roman de Butor 10 28 42 Dans L emploi du temps le centre spatial symbolique et esth tique est en effet la cath drale m taphore proustienne de la cr ation romanesque Une cath drale n est pas seulement une beaut sentir Si m me ce n est plus un enseignement suivre c est du moins un livre comprendre 14 73 Le terme d architecture justifie plus loin la vis e de l auteur celle de rendre le texte plus complexe travers une conception romanesque nouvelle M taphoriquement le d tective alias le narrateur est tu par l auteur mod le Jacques Revel regarde l horloge de la gare le temps du discours expire entra nant la mort symbo
12. DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE INCURSIONS DANS LA FOR T NARRATIVE DEPLACEMENT DU CENTRE DANS LA STRUCTURE ROMANESQUE nterpr t comme foyer d action dynamique de rayonnement de diss mination et de transfert mais aussi comme principe absolu d harmonisation et d organisation le centre symbole d unit est pris comme rep re dans cette tude dans son acception la plus large Le centre n est donc point concevoir dans la symbolique comme une position simplement statique Il est le foyer d o partent le mouvement de l un vers le multiple de l int rieur vers l ext rieur du non manifest au manifest de l ternel au temporel tous les processus d manation et de divergence et o se rejoignent comme en leur principe tous les processus de retour et de convergence dans leur recherche d unit 5 189 Au c ur de la for t narrative sur les pas d Umberto Eco Nous tentons une incursion dans la cr ation romanesque de quelques auteurs fran ais d clench e par la lecture du livre d Umberto Eco Six promenades dans les bois du roman et d ailleurs 7 Comment se d place le centre d int r t dans l univers romanesque quelles fonctions jouent les personnes de la trinit narrative 7 37 l auteur mod le le narrateur le lecteur quels rapports entretiennent ils De quelle mani re l auteur mod le par sa strat gie narrative b tit il un univers romanes
13. appartient l uvre mais ce qui lui appartient c est seulement un livre un amas muet de mots st riles ce qu il y a de plus insignifiant au monde L crivain qui prouve ce vide croit seulement que l uvre est inachev e et il croit qu un peu plus de travail la chance d instants favorables lui permettront lui seul d en finir Il se remet donc l uvre Mais ce qu il veut terminer lui seul reste l interminable l associe un travail illusoire Et l uvre la fin l ignore se referme sur son absence dans l affirmation impersonnelle anonyme qu elle est et rien de plus 1 16 Michel Butor L emploi du temps Les fonctions du centre et l abolition des l ments de la composition romanesque La conception de Butor sur la trinit narrative de L emploi du temps 3 correspond la fig 1 du livre d Umberto Eco 7 30 auteur empirique Butor personnage narrateur Jacques Revel fabula l exp rience de son s jour d un an Bleston L auteur mod le personnage absent int resse dans ce qui suit En effet la technique de composition l intrigue les rapports temps narration le symbolisme spatio temporel nous conduiront vers l esth tique romanesque de Michel Butor Le livre est pour lui un instrument spirituel un temple 14 73 et tout comme pour Perec le roman est ce prodigieux moyen de se tenir debout de continuer vivre dans un m
14. cit Articles de presse de dictionnaires fragments d un catalogue de ventes de bibliographies faits divers citations l g rement modifi es d auteurs rappel s dans l indice personnalit s v nements tout contribue la v ridicit et l authenticit du roman Le metteur en sc ne le chef d orchestre le coordinateur de leur agencement est un cr ateur de jeux de puzzle Bartlebooth alter ego de l crivain le seul qui d tient l illustration int grale du jeu des pi ces assembl es ce n est pas le sujet du tableau ni la technique du peintre qui fait la difficult du puzzle mais la subtilit de la d coupe 13 16 La mise en ab me les personnages cr ateurs le jeu le projet de vie de Bartlebooth livre au lecteur la possibilit d entrer de plain pied dans la conception romanesque de Perec La substance du projet cr ateur s av re tre le projet d une vie le destin m me de Bartlebooth Le personnage narrateur livre au lecteur les trois principes directeurs du projet d an antissement du destin La vie est n ant par cons quent il ne faut laisser derri re aucune trace Le principe moral r unirait la simplicit la discr tion et la banalit qui gouvernerait dans tous les d tails la vie de celui qui s y consacrerait Le principe logique vise l exclusion de tout hasard ma triser le temps et l espace par une planification rigoureuse d actions identiques
15. d d crire pour m y retrouver me gu rir pour claircir ce qui m tait arriv dans cette ville ha e pour r sister son envo tement pour me r veiller de cette somnolence qu elle m instillait j ai d cid d lever autour de moi ce rempart de lignes sur des feuilles blanches 3 199 Le narrateur ressent l ali nation de l uvre achev e et d daigne finalement l effort de l criture le manuscrit du journal est trait d amoncellement de phrases de pages empil es 3 258 La seule justification pour sauver le manuscrit de la destruction et pour ne pas lui faire subir le m me sort qu au plan de la ville et qu la ville m me Dialogos 9 2004 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE n est que le temps pass l crire cette cha ne de phrases que j allonge ce qui m a permis de les conserver intactes c est le poids des heures pass es 3 259 Avec le roman de Butor on est en pr sence d une collaboration troite entre l auteur et le lecteur d un v ritable d veloppement dialectique 10 11 du processus d criture et de lecture A nous qui vivons dans un grand cimeti re de mythes le choix nous est offert de la r volte historique au tragique balbutiement beckettien Loin de ces deux p les extr mes soutient Ra llard Butor s installe au c ur du mythe lieu o tout aussi bien que notre enlisement peut se consommer not
16. des crit res propres les histoires par poques par ann es par paliers etc Le r le du lecteur serait en effet de retrouver les fils narratifs les indices de la vie des personnages de reconstituer leurs rapports leurs destins individuels et le faisant d couvrir le destin d une communaut de colocataires microcosme de la soci t des individus de statuts sociaux et professionnels tr s divers certains ayant pratiqu plusieurs m tiers r unis dans un m me espace Les similitudes avec le jeu se retrouvent dans la structure m me de chaque chapitre quivalent d une pi ce de puzzle Le d but aide la localisation spatiale l identification des occupants et la reconstitution visuelle du voisinage le contenu est fait d une ou de plusieurs histoires et la fin introduit d habitude un indice narratif qui ram ne le lecteur apr s le vertige de la plong e spatio temporelle dans le To Eo fig s de l histoire initiale Les rapports entre di g se et description sont similaires dans chaque chapitre Cette technique surprend les personnages qui animent la 38 sc ne finale en action en train d accomplir des gestes qui restent suspendus arr t s L accumulation de ces indices produit une intensification du suspense Le traitement des coordonn es spatio temporelles La mission de d tective du lecteur est d autant plus compliqu e qu l histoire fragment e s ajoute le labyrint
17. ecteur en tant que partenaire fraternel de souffrance Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une le d serte 6 9 Ensuite le je de l auteur empirique associe brusquement le lecteur la joie scripturale 9 10 Quel trange petit bonheur triste et boitillant mais doux comme un p ch ou une boisson clandestine quel bonheur tout de m me d crire en ce moment seul dans mon royaume et loin de ces salauds Qui sont ces salauds Ce n est pas moi qui vous le dirai 6 9 10 Les fragments discursifs alternent avec le r cit o le je est narrateur et personnage la fois L apr s midi du vendredi qui est chez les Juifs le commencement du saint jour de sabbat elle se faisait belle et orn e ma m re 6 14 Soudain elle prit mon bras savoura de s y appuyer et d avoir encore trois semaines passer avec moi 6 70 La strat gie textuelle de Cohen permet la coexistence de ces fonctions distinctes du je ainsi que l interaction auteur lecteur mod le Les allocutions adress es au lecteur les appr ciations ou les jugements caract re g n ral appel es par Genette enclaves discursives ou intrusions du narrateur 8 163 262 sont pourtant encore des r miniscences de la transcendance auctoriale Un univers romanesque d centralis La conf rence Les bois possibles 7 101 128 aborde la v ridicit et la repr sentativit dans
18. espace semblaient tre le miroir l un de l autre l un et l autre minutieusement histori s de hi roglyphes et d id ogrammes et chacun d eux pouvait tre ou ne pas tre un signe une concr tion calcaire sur du basalte une cr te soulev e par le vent sur le sable coagul du d sert la disposition des yeux dans les plumes du paon tout doucement la vie au milieu des signes avait conduit voir comme autant de signes les choses innombrables qui d abord se trouvaient l sans signaler autre chose que leur propre pr sence elles les avaient transform es en signes d elles m mes et les avait ajout es la s rie des signes faits expr s par qui voulait faire un signe 12 76 Ce qui surprend effectivement chez Perec c est malgr l accumulation pl thorique d l ments la vacuit de ces espaces d pourvus de dimension temporelle En fait en crivant un livre sur rien il affirme une nostalgie de permanence de stabilit de rep res bref d un centre et d une coh rence J aimerais qu il existe des lieux stables immobiles intangibles intouch s et presque intouchables immuables enracin s des lieux qui seraient des r f rences des points de d part des sources mon pays natal le berceau de ma famille la maison o je serais n l arbre que j aurais vu grandir 12 122 Conclusion du livre et justification de la d marche artistique pour une humanit perdue dans un univer
19. fessions Confront un carrefour de probl mes clatement de l intrigue multiplication des voix narratives r flexion sur la production du texte le lecteur devient partenaire de l invention narrative mais aussi complice de lacte cr ateur Il tente d une part de recoller le puzzle d informations sur les personnages de reconstituer l histoire et d autre part de relever le d fi d une herm neutique qui lui livre la cl de l effort cr ateur en train de se faire C est lui qui ordonne et rend la coh rence un ensemble apparemment diffus La d construction romanesque se poursuit sur tous les plans contenu univers et structure narrative langage Avec l av nement du nouveau roman l univers romanesque perd son unit et sa transcendance d sagr gation de l intrigue anti h ros clatement du r cit structure ludique puzzle kal idoscope labyrinthe spatial et temporel m lange des formes criture Autant de modalit s narratives de destruction du sens de l Histoire d affirmation de la d gradation de l individu dans un monde d shumanis Cette rupture entre le moi et le monde entra ne la cr ation d espaces narratifs subjectifs et la recherche d un nouveau langage Glissements centrifuges dans la trinit narrative Par ce changement radical de perspective narrative l auteur perd de ses pouvoirs absolus en faveur de la conscience des personnages et du lecteur de tyrann
20. he spatio temporel Nous avons essay partir d un exemple 13 chap XI R ol 1 d analyser la technique d garement du lecteur dans le temps comme mod le de strat gie narrative Il y a d abord le plan To Eo celui de la description explicative et symbolique 8 156 par lequel le narrateur fait un d coupage dans la vie de l immeuble Cadre spatio temporel fig ainsi que les personnages surpris dans leurs actes quotidiens Ce plan du livre est semblable un mus e de cire o le temps se serait arr t et aurait glac les personnages et les aurait pargn s de la fuite du temps du changement Ce plan l symbolise l oeuvre d art un tableau en fait le projet d un tableau concr tement l illustration intacte d un puzzle l immeuble du 11 rue Simon Crubellier dont on a enlev la fa ade et surpris simultan ment en d tail personnes actions et objets A les isoler de la narration dans l ensemble on obtiendrait une composition dramatique de tableaux simultan ment pr sents sur une immense sc ne la lev e du rideau Tout y est sc nographie mise en sc ne didascalies Mais la technique narrative de Perec consiste justement cr er un rapport di g se description qui rend une perspective polyvalente temporelle spatiale et intertextuelle l histoire et au monde qu elle fait vivre Il y a d une part les lignes de fuite temporelles qui ram nent par analepses successi
21. ique et omnisciente la conscience devient myst rieuse et ind termin e Fran ois Mauriac tiraill entre ces deux approches esth tiques fournit un exemple de passage graduel et subtil de l objectivit la subjectivit Dans Th r se Desqueyroux l incipit est fait par le narrateur I e personne observateur de l espace ext rieur o voluent les personnages mais aussit t la voix narrative en isole seulement les l ments qui frappent la conscience de Th r se 35 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE L omniscience du Narrateur aide le lecteur mod le pr ciser le cadre r f rentiel topographie du quartier et de la route qui loigne Th r se du Palais de Justice le d placement des protagonistes de la sc ne commentaires Pourtant la sc ne est domin e par l espace subjectif du personnage La transition entre le regard du narrateur et celui du personnage est tr s subtile la dominante sensorielle de l espace le clair obscur du cr puscule l humidit la d solation de la place les voix touff es transmet indirectement au lecteur la suspicion l h sitation ressenties par Th r se graduellement remplac es par la certitude du retour la vie la libert retrouv e le d tachement gr ce l immersion dans le v g tal espace protecteur L odeur de fournil et de brouillard n tait plus seulement pour elle l odeur du soir dans une petite ville elle y retrouvait le parfu
22. lique du narrateur mais le r cit reste inachev la suite de l histoire tant virtuellement possible car dans la conception de Butor les personnages et leurs relations se transforment sous les yeux du lecteur l aspect final sanctionn par l an antissement du coupable par le meurtre pur dans lequel le d tective atteint sa plus haute vie l aspect final n apparaissant qu apr s et au travers d autres aspects de telle sorte que le r cit n est plus la simple projection plane d une s rie d v nements mais la restitution de leur architecture de leur espace puisqu ils se pr sentent diff remment selon la position qu occupe par rapport eux le d tective ou le narrateur 3 161 Au cours de l acte scriptural le narrateur est prisonnier non seulement de l espace temps mais aussi du labyrinthe textuel ce cordon de phrases est un fil d Ariane parce que je suis dans un labyrinthe parce que j cris pour m y retrouver toutes ces lignes tant les marques dont je jalonne les trajets d j reconnus le labyrinthe de mes jours Bleston incomparablement plus d routant que le palais de Cr te puisqu il s augmente mesure que je le parcours puisqu il se d forme mesure que je l explore 3 187 Il a d cid d crire en guise de protection il a b ti une forteresse de mots pour chapper l envo tement de Bleston et maintenir son esprit en veil Alors j ai d ci
23. m de la vie qui lui tait rendue enfin elle fermait les yeux au souffle de la terre endormie herbeuse et mouill e 11 9 En effet l auteur restreint graduellement le champ narratif 8 264 aux perceptions et aux r flexions de Th r se la focalisation se fait par le regard et ensuite par l alternance des voix celle de l h ro ne r agissant au commentaire de son p re par un monologue muet suivie de la voix discursive du Narrateur omniscient qui s adresse au lecteur Il le lui avait assez dit en effet et pouvait se rendre justice Pourquoi s agite t il encore Ce qu il appelle l honneur du nom est sauf d ici les lections s natoriales nul ne se souviendra plus de cette histoire A nsi songe Th r se qui voudrait bien ne pas rejoindre les deux hommes 11 19 Dans une narration clat e o la chronologie lin aire est bris e la transcendance auctoriale 8 163 consiste uniquement faire retrouver la logique interne de la r alit par les yeux du personnage ou par sa conscience explor e jusqu au tr fonds 2 39 Dans Le n ud de vip res le lecteur est mis mal cause de l ambigu t du je hybride entre l auteur le narrateur et le personnage La forme pistolaire choisie par Mauriac permet le passage d un je l autre narrateur scripteur et personnage de l histoire L effet d clatement de la narration est cr par l alternance exemplaire des te
24. mpagne 12 13 Esp ces d espace abolit la cat gorie temps et fait de l exploration cin matographique du monde r el la substance de ses projets litt raires Par un d coupage subjectif de la r alit l auteur renferme entre les pages de ses livres un espace d fini une place publique un immeuble mais l infinit de l univers de Georges Perec malgr les fronti res impos es est d la projection du monde fictif sur le monde r el La vie mode d emploi 13 poursuit le jeu de l criture le puzzle tout en offrant au lecteur un champ in puisable d investigation dans la mati re narrative Le pacte est explicit dans le pr ambule la description de la complexit du jeu de ses r gles est une cl de lecture et d agencement des pi ces composantes des romans qui s articulent dans La vie mode d emploi Mais pour le lecteur les narrations sont construire patiemment par des retours en arri re des v rifications des relectures parfois en faisant fausse route Il pourrait aussi bien lire 23 histoires diff rentes en sautant des pages et en respectant l ordre num rique indiqu par l auteur lui m me s int resser lui lecteur l un ou l autre des personnages leurs rapports Bref une libert totale de lecture une libert dans l espace du roman mais aussi dans l espace du livre comme objet lire du d but de la fin par fragments se proposer ensuite de r ordonner selon
25. mps du r cit pr sent du discours pistolaire interrompu d analepses et de prolepses Ces ruptures chronologiques suivent de pr s les jeux et les variations de la conscience de Louis en train de reconstituer son existence Les souvenirs d clenchent des r cits qui encha nent d autres souvenirs interrompus leur tour par des remarques sur le pr sent de l criture Le lecteur est t moin des v nements simultan s l acte de 36 l criture Le je garde son opacit et sa libert mais parfois il acquiert des dons d omniscience quand le je narrateur anticipe les r actions des autres personnages moment de l ouverture de la lettre par sa femme les r actions des membres de la famille 11 158 162 Le livre de ma m re d Albert Cohen paru en 1954 nous semble exemplaire pour la relation auteur narrateur personnage illustr e dans deux dessins d Umberto Eco 7 28 35 R dig sous la forme d un journal Le livre ins re des r cits autobiographiques d vocation de la m re Le caract re autor f rentiel du genre pourrait justifier une perspective auctoriale centrale et unique Pourtant d s la premi re page l intervention des l ments discursifs intensifie l aspect subjectif de la narration et modifie la perspective Lorsque le je d signe l auteur mod le la voix qui construit son lecteur le discours impersonnel et g n ralisant inclut les hommes soi m me et le l
26. on repr sentative dans l uvre de Butor c est la fonction symbolique qui l emporte et rend plus dramatique la narrative Ce dernier sauve la cr ation romanesque par la r cup ration des mod les exemplaires de l humanit le mythe devient alors l interface entre l univers r el et l espace du roman y ins rant la dimension symbolique En t moigne entre autres l herm neutique appliqu e aux romans de Butor par Else Jongeneel 9 Le mythe du labyrinthe permet une lecture abyssale du roman et l interpr tation des l ments narratifs un narrateur symbolique Th s e domin par la peur hant par la terreur d une menace non pr cis e comme si quelque chose se tramait autour de moi 3 124 aux prises avec le Minotaure 3 72 la ville de Bleston Celle ci est assimil un organisme vivant mena ant ta face et ton haleine horrible 3 297 m me le plan de la ville prend l aspect d un labyrinthe et devient une norme cellule canc reuse 3 44 symbole organique de la cit moderne l anti ville 5 1016 espace destructeur annihilant d vorateur Condamn devenir victime du monstre le narrateur r ussit vaincre la brume et l obscurit par la lumi re de la cr ation et par l aide spirituelle de l amour Ariane est d doubl e dans les s urs Bailey L abolition de l univers fictionnel l aventure narrative se mue en aventure scripturale Chez B
27. onde furieux qui nous assaille de toutes parts 14 77 L intrigue artificielle pr texte d investigation est la reconstitution minutieuse obs dante de l emploi du temps pour chapper au sentiment de culpabilit d clench par le titre d un roman Le meurtre de Bleston L ambigu it du titre est 40 enti rement voulue par son auteur 3 56 comme acte de vengeance contre la ville et permet plusieurs interpr tations symboliques le fratricide mythologique la mort lente de la cit et des citadins le crime contre l histoire de la ville sous l effet de l urbanisme moderne le crime de l auteur contre la ville En fait les allusions r p t es au titre les jeux de perte de recherche du roman font de l criture romanesque en soi le sujet central du roman Les motifs symboliques spatio temporels l errance concentrique et le ressort La topographie de Bleston met en pr sence d une part l ancienne et la nouvelle cath drale lieux mythologiques qui concentrent l histoire de la cit et l espace la que symbolis par la foire tournante qui gravite autour et menace le centre d autre part La reconnaissance de l espace urbain est domin e par l errance par l impression de tourner en rond Parall lement l activit professionnelle de Revel se d roule dans un cadre spatio temporel fig le m me d cor celui de chez Matthew amp Sons symbolis par la roue la meule
28. que particulier et c de graduellement la place au lecteur pour le reconstituer ou l interpr ter Bref o placer le centre de l univers romanesque Questions auxquelles nous avons cherch de r pondre d abord par une br ve incursion dans l volution du roman fran ais du XXe si cle pour y cerner les lignes de force et de fuite et d celer les signes d une r volution qui ont fait se d placer le centre de la cr ation romanesque de l auteur Anne Marie CODRESCU omniscient vers le destinataire de celle ci le centre d int r t pour la fable vers le jeu interactif crivain lecteur et finalement vers l acte cr ateur en soi Selon U Eco le Lecteur Mod le est ce lt lecteur type que le texte pr voit comme collaborateur mais qu il tente aussi bien de cr er 7 17 La distinction op r e entre ce qu il appelle l auteur empirique et l auteur mod le est fond e sur la confusion entre les voix de la narration Le je de la narration n est pas l auteur empirique mais la Voix qui narre le Narrateur 7 23 L auteur mod le d fini par Eco en utilisant comme exemplification Sylvie de G rard de Nerval est la Voix anonyme qui commence et cl t le r cit c est aussi une voix affectueuse ou imp rieuse ou cach e qui nous parle qui nous veut ses c t s et cette voix se manifeste comme strat gie narrative comme ensemble d instructions nous tant impartie
29. re lib ration L homme de Butor ne tarde jamais d couvrir que son parcours est moins celui d un terrain vague que celui d une for t le lieu m taphorique de l inspection butorienne est la For t 14 78 L investigation de quelques univers narratifs nous a conduit dans les chemins tortueux et surprenants de la for t romanesque La structure unitaire de l univers romanesque traditionnel se justifie d abord par le rapport au monde et par la fonction de repr sentation du r el ensuite par les rapports tablis l int rieur de la di g se entre narration description et discours La coh rence en est assur e par la transcendance auctoriale Avec la r volution esth tique du nouveau roman les fluctuations de l criture romanesque ram nent au centre de l uvre comme mati re de la narration et du discours le murmure ind fini de l effort cr atif R F RENCES 1 Blanchot Maurice L espace litt raire Editions Gallimard Paris 1955 Borgomano Madeleine Ravoux Rallo Elisabeth La litt rature fran aise du xx e si cle 1 Le roman et la nouvelle Cursus Armand Colin Editeur Paris 1995 ARS Butor Michel L emploi du temps Les ditions de Minuit Paris 1956 Camus Albert Essais Gallimard Biblioth que de la Pl ade Paris 1965 CHEVALIER Jean GHEERBRANT Alain Dictionnaire des symboles Mythes r ves coutumes gestes formes figures couleurs nombres Robert Laffon
30. s incorpor es et la temporisation impos e par l abondance des descriptions Ces derni res impriment la valeur du Temps narratif et entra nent chez le lecteur un temps de lecture diff rent Sa lenteur est due d une part l abondance des passages descriptifs fonction de repr sentation 7 82 d autre part aux digressions historiques encyclop diques aux documents authentiques de l poque affiches couverture d un magazine publicit bibliographies extraits de catalogues articles de dictionnaires mais aussi l effet d garement ressenti par le lecteur attentif combler les lacunes d informations par retours relectures consultation du plan de l immeuble ou du tableau chronologique des v nements Par ailleurs cette intertextualit est source d interaction avec le lecteur et de v ridicit des r cits Chez Perec la temporisation dans La vie mode d emploi est mise en oeuvre par des proc d s vari s la succession al atoire des chapitres portant sur les locataires de chaque appartement l arr t du fil narratif sans aucune transition source de suspenses successifs diff rant l v nement ou le d nouement attendu par le lecteur Pourtant tous ces retards ne seront pas suivis d une solution dramatique spectaculaire et de la catharsis Le moment final ram ne le lecteur au temps initial du roman To l t 1975 celui du d coupage ou de l arr t sur image celui
31. s fuyant inconsistant seul le souvenir aide reconstruire ou reconstituer des fragments d espace significatifs et le seul moyen de les fixer et d en laisser la trace est l criture L espace fond comme le sable coule entre les doigts Le temps l emporte et ne m en laisse que des lambeaux informes Ecrire pour Perec c est essayer m ticuleusement de retenir quelque chose arracher quelques bribes pr cises au vide qui se creuse laisser quelque part un sillon une trace une marque ou quelques signes 12 123 Finalement le th me central est une r flexion esth tique sur la mati re d un roman La d marche de l crivain est justement de donner corps et substance l impalpable au vide qui pr c de la cr ation L objet de ce livre n est pas exactement le vide ce serait plut t ce qu il y a autour ou dedans Mais enfin au d part il n y a pas grand chose du rien de l impalpable du pratiquement immat riel de l tendue de l ext rieur ce qui est l ext rieur de nous ce au milieu de quoi nous nous d pla ons le milieu ambiant l espace alentour Rien par exemple ne nous emp che de concevoir des choses 37 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE qui ne seraient ni des villes ni des campagnes ni des banlieues ou bien des couloirs de m tropolitain qui seraient en m me temps des jardins Rien ne nous interdit non plus d imaginer un m tro en pleine ca
32. s pas pas auxquelles on doit ob ir lorsque l on d cide de se comporter en lecteur mod le 7 25 L auteur tout comme le lecteur mod le sont de pures strat gies textuelles visant la participation l interactivit au jeu narratif La litt rature comme jeu suppose un pacte fictionnel entre l auteur et le lecteur se promener travers un monde narratif remplit la m me fonction que le jeu pour un enfant et dans cette perspective Umberto Eco propose une d finition de la lecture lire un r cit signifie jouer un jeu par lequel on apprend donner du sens l immensit des choses qui se sont produites se produisent et se produiront dans le monde r el 7 117 clatement de la structure romanesque L ambition de toute cr ation est de nature divine elle tente de redonner du sens de renfermer dans le cadre livresque ou plastique une vision du Ma tre de conf rences Facult de Communication et Relations Publiques cole Nationale d tudes Politiques et Administratives Bucarest 34 Dialogos 9 2004 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE monde un monde Dans la perspective de la cr ation romanesque les crivains du XXe si cle ont tent pour la plupart la m me entreprise Sauf qu une partie s inscrit dans la lign e des crivains du XIXe si cle dans un rapport plus troit l histoire Fran ois Mauriac Albert Cohen rep res d analyse textuelle de la pr
33. t Jupiter Paris 1982 6 Cohen Albert Le livre de ma m re Editions Gallimard Paris 1954 7 Eco Umberto Six promenades dans les bois du roman et d ailleurs Traduit de l italien par Myriem Bouzaher Bernard Grasset Paris 1996 8 Genette Gerard Figuri Editura Univers Bucuresti 1978 Gerbod Fran oise et Paul Introduction la vie litt raire du XX e si cle Bordas Paris 1986 10 Jongeneel Else Michel Butor et le pacte romanesque criture et lecture dans L emploi du temps Degr s Description de San Marco et Intervalle Librairie Jos Corti Paris 1988 11 Mauriac Fran ois Th r se Desqueyroux Le noeud de vip res Le sagouin Un adolescent d autrefois Editions du progr s Moscou 1975 12 Perec Georges Esp ces d espaces Editions Galil e 1974 13 Perec Georges La vie mode d emploi Romans Hachette Paris 1978 14 Raillard Georges Butor nrf Gallimard Paris 1968 BIBLIOGRAPHIE 1 Berton Jean Claude Histoire de la litt rature et des id es en France Angoisses r voltes et vertiges Hatier Paris 1983 i cp 1971 Dialogos 9 2004 Coll Le xx e si cle en litt rature Collection Perspectives et confrontations Hachette 1989 Coll Dictionar de termeni literari Editura Academiei Bucuresti 1976 Eliade Mircea Mythes r ves et myst res Gallimard Paris 1957 Eliade Mircea La nostalgie des origines M thodologie et histoires des religions Gallimard Paris
34. u roman l auteur du roman est le personnage de L emploi du temps George Burton sur lequel il y a tentative d assassinat les autres personnages apparaissent l auteur comme des fantasmes en trompe l oeil l ambigu t enfin sur le narrateur Jacques Revel personnage de l histoire et incarnation symbolique renvoient la mort du roman comme genre litt raire D pays tranger lui m me victime et criminel Jacques Revel la fois Th s e et Ca n presque dans la m me attitude que Th s e un pied pos sur la poitrine de sa victime prend l auteur du Meurtre de Bleston pour un sorcier complice 3 57 Le rapport narration description d finitoire pour l auteur mod le de L emploi du temps se r v le dans la structure phrastique Une phrase de Butor est en elle m me un labyrinthe spatio temporel le d but de la phrase continue le fil narratif interrompu tout de suite par des incises qui apportent des pr cisions descriptives spatio temporelles ou qui les reprennent de fa on redondante pour encha ner nouveau l histoire en fin de phrase Finalement la d construction de l univers fictionnel est compens par l explication sous jacente de la po tique de l crivain dans la m taphore de la cath drale Celle ci lui permet de prendre ses distances par rapport la nouvelle litt rature de type traditionnel oeuvre d un singe radotant de se d limiter de la
35. utor l obsession de l espace urbain comme espace clos Alors j ai eu l impression qu une trappe venait de se fermer 3 35 entra ne graduellement une abolition de l espace A force de tourner de r der de voguer le narrateur perd tout rep re spatial C tait comme si je n avan ais pas 3 35 Il revient toujours aux m mes points et en effet la fin du roman abolit l espace physique du roman Ce n est plus que le point d arriv e de d part d une ville fant me produit de l imagination cr atrice Hamilton Station le point de non retour L abolition topographique est doubl e de l annihilation de l espace physique par la violence des incendies symboles de l intensit cr ative Au fur et mesure que la cr ation avance les incendies se multiplient mais l univers fictionnel s vanouit L espace l action les personnages le narrateur ne sont que les fruits de la fantaisie de 41 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE l imagination cr atrice de l auteur il mwa fallu de plus en plus lutter contre l impression que mes d marches taient condamn es d avance que je tournais autour d un mur mystifi par des portes en trompe l 1il ou des personnages en trompe l il 3 50 L ambigu t sur l auteur du Meurtre de Bleston un pseudonyme J C Hamilton un nom sans visage un rectangle blanc l ambigu t sur les personnages d
36. ves l histoire des occupants de chaque appartement multipliant le nombre des personnages et leurs r cits compliquant ainsi le jeu Chaque nom chaque individu ins r dans l histoire sert de pr texte un nouveau r cit Imbriqu e dans la narration la description topographique d taill e de lendroit se complique par la technique d exploration spatiale le regard focalis sur un objet le remet au premier plan et insiste sur un menu d tail Perspective spatiale abyssale puisque au lieu de l loigner du regard la focalisation fait du d tail un l ment principal le grandit et le substitue au contenant Les choses comme les hommes ont une histoire sont sujet de r cit c est pourquoi le Dialogos 9 2004 DISCOURS PARCOURS DE LA QU TE DU CENTRE livre de Perec par cette technique de perspective Spatio temporelle en entonnoir livre un champ d inspiration presque infini La technique kal idoscopique alterne premier plan et arri re plan anime la surface du retable initial y distribue la lumi re les tons le clair obscur bref donne une profondeur abyssale l ensemble C est gr ce cette technique que le lecteur devient conscient de l infinit de possibles du monde narratif qu il est en train d explorer L intertextualit est l un des subterfuges de Perec pour effacer la fronti re entre le monde narratif et le monde r el ouvrant le premier vers linfini et lui conf rant authenti
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