RTD Civ. 2007 p. 72 Pascale Deumier, Professeur à l`Université
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1. c commence par un bilan diagnostic par lequel le juge d cide s il est en situation de faire usage ou non de ses pouvoirs de modulation il ne peut s y r soudre titre exceptionnel qu en cas de disproportion manifeste cons quences manifestement excessives S appuyant sur la volont de faire pr valoir des valeurs jug es sup rieures l effet normal de la cr ation par le juge le juge doit tablir cette pr valence d faut de quoi l abus de pouvoir est patent Ce premier et fondamental constat est suivi d un bilan rem de qui vise identifier une solution il ne s agit plus alors de s en tenir une appr ciation du manifeste mais de doser le plus finement possible les avantages et inconv nients des diff rentes formes de modulation envisageables ibid La collecte des diff rents l ments mis en balance par le Conseil d Etat pr conis s par la doctrine ou r v l s par les conclusions rapports et communiqu donne une id e de la vari t des possibles principe de l galit stabilit des situations juridiques pr visibilit du revirement attente l gitime des parties droit un recours effectif droit d acc s au juge int r t g n ral int r ts publics ou priv s imp rieux motif d int r t g n ral continuit du service public respect du droit communautaire d veloppement de la concurrence sur les march s des services de t l communications incidence pour les fin2. f re cantonner le pouvoir du juge par l affirmation de son interdiction ou que l on pense que le pouvoir normatif est une vidence et que le nier revient le renforcer et non le limiter F Melleray pr c 2006 que l on appr cie le pouvoir cr ateur du juge intrins quement ou comme un l ment du syst me parmi d autres Dans cette derni re perspective l absence de pouvoir du juge de se prononcer pour l avenir n est plus pour certains parmi lesquels la Cour de cassation une donn e consid r e comme absolue et ind passable mais un l ment mettre en balance avec d autres exigences et qui peut c der titre exceptionnel face des imp ratifs sup rieurs aux premiers rangs desquels la s curit juridique et le droit d acc s au juge La d rogation au processus naturel de cr ation du droit ne puise donc pas son fondement dans le pouvoir cr ateur du juge qu elle exc de mais dans le refus du syst me des cons quences d une exceptionnelle gravit d une application r troactive Mode d emploi du pouvoir modulateur du juge Pouvoir de modulation et laboration du mode d emploi L exercice du pouvoir modulateur est d ores et d j bien ma tris par les juridictions cr atrices de droit et pour prendre le seul ordre interne par le Conseil d Etat qui l expose dans son nouveau et heureux style p dagogique F Blanco Le Conseil d Etat juge p dagogue RRJ 2003 1513 Le mode d emploi V E Breen note pr
3. son Premier pr sident par le groupe de travail pr sid par Nicolas Molfessis sur Les revirements de jurisprudence Litec 2005 parmi les nombreuses r actions V RTD civ 2005 83 S Amrani Mekki C Atias J L Aubert X Bachellier et M N Jobard Bachellier M A Frison Roche Ph Malinvaud F Melleray J Moneger Y M S rinet A propos de la r troactivit de la jurisprudence RTD civ 2005 293 f V Heuz A propos du rapport sur les revirements de jurisprudence Une r action entre indignation et incr dulit JCP 2005 I 130 C Rad De la r troactivit du revirement de jurisprudence D 2005 988 Th Revet La l gisprudence M l Ph Malaurie Defr nois 2005 p 377 pour la pr sentation des propositions du rapport et des diff rentes r actions doctrinales V rapp du conseiller rapporteur Lacabarats L ann e 2006 marquera la volont affirm e par les juges de franchement assumer leur nouveau pouvoir et travers lui une nouvelle conception de leur office le Conseil d Etat fit preuve de hardiesse pour la modulation des effets de sa d cision dans le temps de prudence pour la modulation des effets de sa jurisprudence dans le temps pendant que la Cour de cassation faisait montre de t nacit en consacrant le revirement pour l avenir en Assembl e pl ni re Le Conseil d Etat marque un peu plus sa ma trise des effets dans le temps de sa d cision dans une figure in dite et symboliquement tr s cha
4. tre plus ou moins dissimul e derri re divers artifices Il serait notamment possible de soutenir que le juge n a pas cr mais ressuscit des dispositions transitoires r glementaires priv es d effet par le jeu particulier d un contentieux en annulation afin de leur rendre leur meilleur effet utile d j pour une substitution pour donner le meilleur effet utile une disposition mal codifi e dans le code rural galement publi au JOCE 25 mars 2002 JORF 6 juin 2002 10119 Si l effet utile est encore peu pratiqu dans notre syst me il reste possible d en invoquer au tr s tendance principe de s curit juridique au soutien d une solution qui ne cache pas sa double filiation KPMG qui l impose AC qui le permet F S ners concl sur l arr t Techna SA sur KPMG V R Encinas de Munagorri RTD civ 2006 527 f AJDA 2006 1028 chron Landais et Lenica D 2006 1224 chron P Cassia et point de vue R Dammann Rev soci t s 2006 583 note P Merle RFDA 2006 463 concl Y Aguila l et 483 note F Moderne B Cependant loin de tenter de dissimuler l ampleur de la prise de pouvoir r alis e le commissaire du gouvernement Fran ois S ners assume pleinement cette substitution et la justifie longuement le d clin de la n cessaire s paration entre juge administratif et administration les voeux d Hauriou ou de J ze l absence de formalisation de cette interdiction dans une norme positive l existence
5. annulation d un accord collectif seule semble manquer l occasion La chambre sociale par deux arr ts du 9 novembre 2005 Bull civ V n 320 a maintenu la r troactivit de l annulation d un accord collectif mais la note accompagnant l arr t au BICC apr s avoir fait r f rence la doctrine favorable la non r troactivit en ce cas et l arr t AC pr cise qu en l esp ce l annulation avait t prononc e par l arr t du 9 f vrier 2000 qui n avait pas d cid de diff rer le point de d part de la nullit BICC n 634 15 f vr 2006 V galement la position favorable une telle modulation de P Sargos L horreur conomique dans la relation de droit Dr soc 2006 123 Cette premi re forme de modulation s installe donc et produit des variantes surprenantes lorsqu elle est tendue au rejet d une demande d annulation Fondement du pouvoir de modulation des effets du rejet de l annulation glissement en pouvoir r glementaire Dans l arr t Techna faute d annulation aucune r troactivit ne d coulait de l activit juridictionnelle en revanche l application imm diate de la d cision tait en jeu Reporter celle ci revient pour le juge ins rer de nouvelles dispositions transitoires dans le r glement et donc se substituer au pouvoir r glementaire dans le contentieux de l annulation V F Melleray comm pr c Traditionnellement interdite au juge administratif cette substitution pourrait tenter d
6. bat si tant d efforts sont d ploy s par les auteurs pour tenter de cerner l origine du pouvoir cr ateur du juge c est parce que celle ci dictera tr s concr tement les modalit s de sa mise en oeuvre Fondement du pouvoir modulateur des juges Fondement du pouvoir modulateur des effets de l annulation simple pouvoir judiciaire La modulation des effets dans le temps d une annulation est moins sensible que la question du revirement pour l avenir car en ce cas le juge s int resse aux cons quences de sa d cision et personne ne conteste qu il est comp tent pour rendre des d cisions et non aux cons quences de la r gle qu il pose et beaucoup contestent qu il soit comp tent pour poser une r gle La modulation ouverte par l arr t AC a t appliqu e diverses reprises le Conseil d Etat affinant sans cesse ses crit res de mise en oeuvre not CE 25 f vr 2005 France Telecom Lebon 86 RFDA 2005 802 concl Prada Bordenave l AJDA 2005 997 chron Landais et Lenica E JCP A 2005 1263 note E Breen JCP A 2005 1162 note E Saulnier Cassia RD publ 2005 1643 P Idoux pour le caract re non exceptionnel de l usage de ce pouvoir exceptionnel V J H Stahl An I ap AC les suites de la modulation dans le temps des effets des annulations contentieuses un an apr s l arr t Association AC RJEP 2005 355 En droit priv le raisonnement pourrait trouver s appliquer pour une situation semblable celle de l
7. pour l avenir n est d ailleurs gu re plus symptomatique d un effet obligatoire de la r gle jurisprudentielle que sa r troactivit de principe qui veut qu au lendemain du revirement tous les juges vont appliquer consciencieusement la nouvelle position de droit quand bien m me cette soumission entra nerait des cons quences concr tes d une particuli re gravit on aura connu moins obligatoire et moins g n ral comme effet V P Y Gautier RTD civ 2005 159 W Dross pr c La r troactivit de principe n est donc pas le corollaire d une pr tendue absence de normativit de la cr ation jurisprudentielle elle est le corollaire d une normativit qui ne doit pas s avouer et ne peut donc d cider d interrompre le cours naturel de la r troactivit V P Morvan pr c Il importe peu que cet effacement du juge dans la cr ation jurisprudentielle soit ou non contenu dans la formulation poussi reuse de l article 5 du code civil il participe essentiellement d une th orie g n rale de la jurisprudence construite pour justifier la part n cessairement cr atrice de l activit juridictionnelle L interpr tation est ainsi cens e s incorporer dans le texte dont elle ne fait que r v ler un sens qui y existait d j de mani re latente Partag e par tous les syst mes et jusqu la pointe extr me du mod le de common law cette th orie de l incorporation explique que partout le principe est la r troactivit de la jurisprudenc
8. que la Cour de cassation a bout hors de sa motivation la moindre trace de pes e des int r ts dont le communiqu r v le pourtant qu elle a t effectu e La m thode de la balance des int r ts est en effet sujette des discussions nourries car elle value des poids g om trie variable Ainsi l int r t tenant la n cessit de la conformit au droit communautaire est appr ci diversement entre l arr t France Telecom et l arr t Techna SA V P Cassia note pr c Surtout le poids des int r ts conomiques priv s va in vitablement tre au coeur de tous les d bats si la concurrence sur les march s de la t l communications a t retenue par le Conseil d Etat dans son arr t France Telecom le commissaire du gouvernement alertait contre une telle consid ration qui impliquerait d admettre qu en mati re conomique votre r le se limite dire ex post le droit mais sans que cela produise d effet r troactif pour ne pas perturber les acteurs conomiques cit par E Breen rappr les critiques de P Sargos pr c Ces craintes semblent partiellement confort es par l arr t Techna SA qui fait franchement peser dans la balance les contraintes de l industrie de la nutrition animale la protection des secrets de dosage et surtout la n cessit d couler les stocks tiquet s selon l ancienne l gislation pour reporter l effet de la d cision de rejet dans le temps V concl comm gouv F S ners Ne pouvan
9. F Melleray AJDA 2004 1183 chron C Landais et F Lenica ni aux d bats en cours devant la Cour de cassation et il s en fallut de peu qu elle ne franchisse le cap Devant r pondre aux inqui tudes suscit es par l application d une nouvelle jurisprudence en mati re de recours administratif pr alable le Conseil d Etat par son arr t Leroy Merlin du 10 mars 2006 choisit de revenir sur sa position pour limiter son champ d application mat riel pr c A priori donc il tait plus question ici de stabilit des revirements de jurisprudence que de leur r troactivit Cependant le commissaire du gouvernement Yes Struillou d fendait dans ses conclusions le maintien de la jurisprudence dans toute sa g n ralit et pour viter l irrecevabilit choquante des actions port es ant rieurement par les tiers devant les juridictions administratives de diff rer ses effets dans le temps Les commentaires ont t nombreux se faire cho de cet arr t et tous font tat de la proposition des conclusions quand ils ne portent pas essentiellement sur cette proposition pour souvent regretter que le pas n ait pas t franchi Pendant que la doctrine administrativiste applaudissait les avanc es du pouvoir modulateur de son juge et regrettait qu il n ait pas t tendu au revirement de jurisprudence la doctrine civiliste conjurait la Cour de cassation de suivre le chemin inverse et pendant ce temps la Chancellerie se consacre un ex
10. RTD Civ RTD Civ 2007 p 72 Evolutions du pouvoir de modulation dans le temps fondement et mode d emploi d un nouveau pouvoir des juges Cass ass pl n 21 d c 2006 arr t n 547 D 2007 835 note P Morvan EJ cette Revue infra p 168 obs P Th ry 4 BICC 656 1 mars 2007 p 26 communiqu rapp A Lacabarats et avis A Legoux CE 10 mars 2006 Leroy Merlin RFDA 2006 550 concl Y Struillou BJ C Landais et F Lenica AJDA 2006 796 BJ Construction Urbanisme avr 2006 comm 101 note M A Renaux F Melleray LPA 27 nov 2006 n 236 D 2006 1237 note H Gelas l CE sect 27 oct 2006 St Techna SA D 2007 621 note P Cassia C Landais et F Lenica AJDA 2006 2385 BJ Proc dures d c 2006 comm 281 S Deygas JCP 2006 I 201 B Plessix II 10208 note S Damarey D 2007 621 note P Cassia JCP A 2007 2001 comm F Melleray Pascale Deumier Professeur l Universit Jean Monnet Saint Etienne wE Office du juge ensemble des pouvoirs n cessaires au juge pour accomplir sa mission juridictionnelle A eu tendance cro tre au d but du XXI si cle C Landais et F Lenica AJDA 2004 1183 B Libre chacun de voir dans cette tendance un mouvement ill gal inconstitutionnel ill gitime abusif ou autre refus de reconnaissance il n en restera pas moins que la jurisprudence est d sormais admise dans la tr s s lective cat gorie des sources de droit
11. amen approfondi de la question r p min n 15097 Proc dures juin 2005 alerte 50 Ces publications taient doubl es de positions des diff rentes chambres de la Cour de cassation et des diff rentes compositions de chaque chambre aussi diverses que maintenues dans la discr tion de leur non diffusion certaines ont r it r la position adopt e par la chambre sociale le 17 d cembre 2004 Soc 28 juin 2005 n 03 45 342 Soc 27 sept 2005 n 03 45 753 d autres maintenu l incorporation de la jurisprudence dans le texte interpr t pour justifier sa r troactivit Soc 20 avr 2005 n 03 41 315 ventuellement en reprenant la motivation de l arr t du 9 octobre 2001 Soc 23 f vr 2005 n 02 42 615 au besoin en ne r pondant pas au moyen invoquant la r troactivit dangereuse d une jurisprudence nouvelle Civ 2 9 f vr 2006 n 05 14 469 Toutes les options judiciaires et doctrinales ayant t tenues le temps semblait venu de prendre une position de principe C est d sormais chose faite l Assembl e pl ni re ayant consacr la figure du revirement pour l avenir La question tait en l esp ce identique celle qui avait donn l occasion la deuxi me chambre civile de la Cour de cassation d inaugurer le premier revirement pour l avenir par son arr t du 8 juillet 2004 pr c l action en r paration d une atteinte la pr somption d innocence est elle soumise aux conditions de prescription de dro
12. ances publiques droits de la personne humaine protection du droit d action en justice pour une atteinte aux droit des la personnalit Les crit res ainsi identifi s pour le pouvoir modulateur rejoignent de mani re tr s coh rente bien que partiellement co ncidente les crit res utilis s par les diff rents juges pour caract riser l imp rieux motif d int r t a n ral autorisant le l aislateur d iouer le temps V RTD civ 2004 598 La m thode est affich e dans l arr t Techna SA Reprise par le commissaire du gouvernement Yves Struillou pour la modulation des revirements elle est galement pr conis e par le Rapport Molfessis Elle est videmment naturellement destin e tre utilis e par la Cour de cassation puisqu elle ne tient pas tant au juge qui l utilise mais au pouvoir qui est exerc Elle trouve d ailleurs cho dans l avis de l avocat g n ral et le rapport du conseiller rapporteur ayant pr par l arr t du 21 d cembre 2006 Elle est r v l e par le communiqu accompagnant ce m me arr t qui fait tat d une balance avantages inconv nients Seul manque l appel l arr t rendu en Assembl e pl ni re La Cour de cassation et le mode d emploi cach La Cour de cassation s en tient sa motivation traditionnelle sous forme de pur raisonnement d ductif Ce mode d expression n est pourtant justifi que par la sp cificit de la fonction de cassation et l absence de pouvoir de cr ation de la Cour de c
13. assation qui ne voit que dans l exercice du pouvoir modulateur l alibi ne tient plus Il est impossible de pr senter comme une interpr tation syllogistique l exercice d un pouvoir qui est justement un d passement de la seule activit d interpr tation et doit justifier des circonstances exceptionnelles l autorisant outrepasser ces pouvoirs naturels Telle que pr sent e par la Cour de cassation la solution adopt e toute de v rit r v l e ne peut pas supporter d tre mise en balance avec une ventuelle autre v rit ne figure donc qu un plateau de la balance et le seul poids d terminant du plateau Celui ci est ancr dans un texte de valeur sup rieure l article 6 8 1 de la Convention europ enne des droits de l homme sur sa fonction l gitimante V Ph Malinvaud pr c p 317 La r f rence qui fait office de formule magique est elle seule bien trop g n rale et invoqu e sans autre pr cision pourrait mener la non r troactivit de principe de tout revirement sur le jeu de l art 6 8 1 en mati re de r troactivit jurisprudentielle V A Debet note sous Soc 17 d c 2004 RDC 2005 871 L Assembl e pl ni re apporte donc une unique pr cision l arr t du 8 juillet 2004 en formulant que l atteinte au proc s quitable consisterait ici priver la victime de son droit d acc s au juge Il semble qu il soit surtout question en l esp ce d un droit acquis au juge afin d ter tout doute s
14. d un pouvoir de substitution dans certains contentieux comme celui des tablissements dangereux et dans certaines volutions du contentieux de l annulation le pouvoir d injonction du juge administratif sont autant d arguments avanc s l appui d un pouvoir de substitution port e du juge administratif Assumant jusque dans ses ultimes cons quences cet exercice judiciaire du pouvoir r glementaire l arr t sera publi au Journal officiel La transgression ainsi assum e et facilement accept e doit beaucoup la nature demeur e floue des liens entre l Administration et le Conseil d Etat Dans une conception toute contentieuse on a cru que l adage juger l administration c est encore administrer justifiait le principe de s paration entre juges judiciaire et administratif Il fallait peut tre tout simplement le prendre la lettre B Plessix note pr c Devrait on bient t galement estimer qu interpr ter la loi c est encore l gif rer Fondement du pouvoir modulateur et processus de cr ation jurisprudentielle du droit La modulation des effets dans le temps d un revirement de jurisprudence a donn lieu un d bat houleux aboutissant autant de conclusions qu il existe de conceptions du pouvoir cr ateur de la Cour de cassation L article 5 du code civil a cet gard souvent t plac en cl de vo te de l absence de pouvoir jurisprudentiel Si la r f rence tait d j suspect e d tre tr s his
15. du moins pour les principaux int ress s que sont nos juges sur la question qui semble in puisable V en dernier lieu la publication quasi simultan e de La cr ation du droit jurisprudentiel M l J Bor Dalloz 2007 et La cr ation du droit par le juge Archives phil dr t 50 2007 Cette cons cration ou cet aveu d un statut d j acquis de longue date s est faite par le biais du pouvoir de moduler les effets de son activit dans le temps pouvoir indivisible de la reconnaissance pr alable que cette activit est bien cr atrice d un effet normatif L ann e 2004 avait marqu la fin de la r signation aux m faits in luctables de la r troactivit de l activit juridictionnelle il n aura chapp personne que dans la m me ann e le Conseil d Etat acceptait la modulation des effets dans le temps d une annulation CE 11 mai 2004 AC GAJA n 118 Dr adm 2004 tude 15 O Dubos et F Melleray C Landais et F Lenica pr c RFDA 2004 438 note J H Stahl et A Courr ges l et 454 concl Ch Devys B et la Cour de cassation op rait un revirement pour l avenir Civ 2 8 juill 2004 Bull civ II n 387 rapp p 374 RTD civ 2005 176 obs Ph Th ry f P Morvan Le revirement de jurisprudence pour l avenir humble adresse aux magistrats ayant franchi le Rubicon D 2005 247 JCP 2005 I 143 obs B Beignier et B de Lamy faisant preuve d une audace rapidement confort e par le rapport remis
16. e d appr cier en prenant en compte tant les difficult s susmentionn es que l int r t g n ral qui s attache l entr e en vigueur des nouvelles dispositions s il y a lieu de d cider que sa d cision de rejet en tant qu elle met fin la suspension pr c demment prononc e ne prendra effet qu une date ult rieure qu il d termine et en ce cas de prescrire la publication de sa d cision au Journal officiel de la R publique fran aise Cette nouvelle ma trise des effets dans le temps de ses d cisions n est pas une forme de revirement pour l avenir la note ayant suscit l arr t AC tait sans ambigu t sur cette distinction J H Stahl et A Courr ges RFDA 2004 438 B et le Conseil d Etat s est empress de rappeler la r troactivit de principe de sa jurisprudence une partie ne pouvant se pr valoir d un principe de s curit juridique gt nonc l article 6 de la Convention europ enne de sauvegarde des droits de l homme et des libert s fondamentales pour soutenir que la l galit du retrait de permis n aurait d tre appr ci e qu au regard de la jurisprudence tablie la date o ila t prononc 14 juin 2004 SCI Saint Lazare Dr adm nov 2004 comm 166 note R Noguellou Cependant la juridiction ne devait rester insensible ni aux r actions favorables son nouveau pouvoir modulateur ni aux nombreuses suggestions de son extension aux revirements Dr adm 2004 tude 15 O Dubos et
17. e les exceptions n tant admises qu avec la plus grande prudence C est aussi dans cette th orie de l incorporation que g t la principale fiction dont est entour e la jurisprudence principalement justifi e par le besoin de neutraliser un pouvoir cr ateur manifeste Cependant il reste possible dans des cas exceptionnels et pour viter des cons quences d une exceptionnelle gravit de lever la fiction et d admettre le temps pour le juge de faire obstacle la r troactivit de sa nouvelle interpr tation qu elle n tait pas toute enti re d j dans le texte mais proc de galement d un acte de volont du juge V D de B chillon De la r troactivit de la r gle jurisprudentielle en mati re de responsabilit in M l F Moderne Dalloz 2004 p 5 sp c p 11 Il semble donc possible de composer avec l ambigu absence de force obligatoire de la jurisprudence ou avec la tr s fictive th orie de l incorporation pour admettre le pouvoir cr ateur du juge Cependant poss der un pouvoir cr ateur ne signifie pas avoir un don d omnipotence comme tout pouvoir m me de fait celui ci doit respecter des limites Or le revirement pour l avenir heurte la source m me du pouvoir du juge et ici se crispe le d bat En effet le juge n est investi d un pouvoir de droit comme de fait qu aux fins de porter une r ponse au cas dans le revirement pour l avenir la r gle n est pas formul e en vue la r solution du cas la meilleure preuv
18. e en tant qu elle ne lui est pas appliqu e ce faisant le juge quitte les canaux de production jurisprudentiels J Rivero Sur la r troactivit de la r gle jurisprudentielle AJDA 1968 15 Evidemment le juge ne se prononce pas pour autant sans la moindre consid ration pour les circonstances de la cause ce sont les circonstances de la cause qui guident la formulation de l interpr tation en ce qu elles r v lent le besoin d interpr tation des textes sur la prescription d une telle action ce sont les circonstances de la cause galement qui dictent la non application de cette interpr tation l esp ce en faisant appara tre l extr me gravit de ses cons quences L arr t formule ainsi pour le cas une premi re norme puis parce que son application concr te va se heurter une valeur sup rieure une norme sur la norme une norme transitoire d terminant sa sph re d application dans le temps Mais rien n y fait quelles que soient les att nuations que l on y apporte le juge qui pose une interpr tation qui n a pas pour raison ultime et directe la solution du cas d passe les pouvoirs qui lui ont t confi s et en d finitive tout le monde s accorde sur cette difficult Le d saccord na tra alors sur la force accord e cet obstacle th orique qui sera plus ou moins surmontable selon que l on craint davantage les pouvoirs du juge ou les m faits de la r troactivit C Landais et F Lenica pr c 2006 que l on pr
19. it commun ou la courte prescription de l article 65 de la loi du 29 juillet 1881 A question identique l Assembl e pl ni re devait faire le choix d une r ponse quasiment identique apr s avoir confirm en formulant plus clairement l application de la courte prescription imposant au demandeur la r it ration de son intention de poursuivre l instance tous les trois mois elle se prononce contre l application de cette interpr tation l esp ce aux motifs que si c est tort que la cour d appel a cart le moyen de prescription alors qu elle constatait que MM X n avait accompli aucun acte interruptif de prescription dans les trois mois suivant la d claration d appel faite par les parties condamn es la censure de sa d cision n est pas encourue de ce chef d s lors que l application imm diate de cette r gle de prescription dans l instance en cours aboutirait priver la victime d un proc s quitable au sens de l article 6 8 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libert s fondamentales en lui interdisant l acc s au juge Deux remarques assez formelles peuvent tre rapidement faites sur cette motivation La premi re est qu il faudrait se d barrasser du pi ge terminologique de l application imm diate dans l instance en cours qui perturbe les juristes nourris la pens e de Roubier pour lesquels l application est soit imm diate soit r troactive il faut choisir Or l application i
20. le de voir dans l ouverture de ces discussions une heureuse perspective V Ph Jestaz et Ch Jamin La Doctrine Dalloz 2004 Mots cl s JUGEMENT Pouvoir du juge Effet dans le temps Modulation Copyright 2015 Dalloz Tous droits r serv s
21. mm diate un proc s en cours est une application r troactive l instance est certes en cours mais la situation laquelle va tre appliqu e la r gle nouvelle les faits est bien pass e sur d autres chausse trappes lorsque les contrats sont en cours V R Encinas de Munagorri RTD civ 2005 83 RTD civ 2006 527 f F Moderne S curit juridique et s curit financi re RFDA 2006 483 8 sp c 491 s La seconde est qu il est r v lateur que tant d nergie d ploy e par la doctrine de propositions de modalit s de crit res de limites durant deux ann es d intense activit aient abouti ni plus ni moins qu la reprise quasi litt rale de la motivation du 8 juillet 2004 Il est possible d imaginer que l Assembl e pl ni re ait surtout voulu ne pas perturber une mati re d j d licate en ne revenant pas sur le choix de modulation fait dans l arr t op rant le revirement en 2004 Cependant cette prudence n est acceptable que si l Assembl e pl ni re adh re en tous points au choix fait par l une de ses chambres en 2004 sauf abdiquer sa fonction unificatrice Ma trise dans le temps des effets de la d cision de justice ma trise dans le temps des effets de la r gle jurisprudentielle juge substitut du pouvoir r glementaire juge concurrent du l gislateur ou juge source sp cifique et incomparable de droit Il faut se garder d estimer que toutes ces tergiversations ne sont qu affaire de doctrine en mal de d
22. rg e Un d cret du 1 ao t 2003 imposant compter du 6 novembre 2003 de nouvelles normes d tiquetage pour l alimentation animale conformes aux exigences communautaires fit l objet d un recours en annulation En principe un acte r glementaire contest doit tre ex cut dans l attente de la d cision Or ici cette ex cution avait t suspendue par le juge des r f r s du Conseil d Etat le 29 octobre 2003 Finalement le 26 octobre 2006 par son arr t Techna SA le Conseil d Etat rejetait la demande d annulation Ce rejet emportant fin de la suspension le d cret redevenait ex cutoire au jour de l arr t Pour viter cette application brutale le Conseil d Etat a accept de reporter l entr e en vigueur de sa d cision au 1 f vrier 2007 et pour faire bonne mesure ordonn la publication de ces nouvelles dispositions transitoires d origine judiciaire au tr s officiel journal du m me nom JO 19 nov 2006 p 17398 aux motifs que lorsque le rejet est de nature compte tenu des difficult s de tous ordres qui peuvent en r sulter et auxquelles l administration ne serait pas en tat de parer imm diatement elle m me porter atteinte au principe de s curit juridique notamment dans le cas o comme en l esp ce la suspension a t prononc e avant tout d but d ex cution d un acte pr voyant une p riode transitoire dont le terme est depuis lors coul il appartient au juge administratif le cas ch ant d offic
23. s parce qu ils peuvent justifier tout et son contraire ne peuvent fonder directement un pouvoir dont le juge est naturellement d pourvu Ils peuvent seulement tre mis en balance avec l absence de principe de pouvoir modulateur du juge et appuyer une d monstration prudente de la gravit exceptionnelle en d coulant On le voit la balance des int r ts risque de mener des d bats sans fin opposant ceux pour qui doit primer la r gle nouvelle et l int r t g n ral qu elle porte et ceux qui adoptent le point de vue de la situation particuli re des parties au proc s l approche du droit objectif ou celle du droit subjectif et l on sait de quel c t penche la faveur contemporaine l approche conomique ou humaniste sur cette derni re opposition V P Sargos Il ne faut pas pour autant diaboliser la m thode tout d abord comme toute m thode casuelle celle ci va s affiner mesure des cas certains l ments ou certaines combinaisons apparaissant d un poids particulier et la pr visibilit augmentera mesure de l exp rience acquise Ensuite la part incompressible d incertitude est celle induite par la souplesse de la m thode et en la mati re mieux vaut une souplesse adaptable qu une rigidit pr d termin e Enfin l on pourrait craindre la teneur des d bats destin s accompagner ces nouveaux pouvoirs et appr ciant les donn es conomiques sociales si ce n est d quit en jeu Cependant il est galement possib
24. t Selon l avocat g n ral cette importance conjugu e la pr visibilit du revirement de 2004 devait mener refuser une d rogation la r troactivit en l esp ce Plus g n ralement Conseil d Etat et Cour de cassation doivent r sister la tentation de la facilit qui consiste mettre dans un plateau de la balance et estimer suffisant un principe aussi vague qu aur ol de toutes les vertus dont on imagine facilement tous les effets pervers Dans l arr t Techna SA l invocation du flambant neuf principe de s curit juridique va suffire elle seule faire pencher la balance pourtant lourdement charg e sur l autre plateau de l objectif de s curit sanitaire et l obligation de pourvoir la transposition d une directive communautaire pour les rapports entre s curit juridique et jurisprudence V X Lagarde Jurisprudence et ins curit juridique D 2006 678 l entre s curit juridique et dispositions transitoires R Encinas de Munagorri RTD civ 2005 85 V F Moderne pr c La Cour de cassation semble pour sa part accorder de semblables super pouvoirs au droit d acc s au juge Pourtant ce droit qui vient ici justifier une modulation des effets de la jurisprudence a t invoqu l au soutien du moyen cherchant viter la modulation des effets de la jurisprudence pos e par la CJCE Com 7 juin 2006 para tre au Bulletin Com 22 oct 2002 Bull civ IV n 147 Ces principe
25. t avancer ainsi ces seuls int r ts particuliers l habillage fait tat d une atteinte la s curit juridique en raison d une entr e en vigueur soudaine Curieuse soudainet que voil lorsque l on songe que les nouvelles normes d tiquetage prises dans un contexte de crise de la vache folle et r pondant des consid rations de sant publique suffisantes justifier une application imm diate avaient t officiellement publi es en ao t 2003 auraient d entrer en vigueur d s novembre 2003 et que le rejet du moyen contestant la directive communautaire tait acquis depuis l arr t de la CJCE du 6 d cembre 2005 Les revirements pour l avenir de la Cour de cassation font une suppos e pes e qui n est pas moins l abri de discussions le proc s quitable invoqu ne l est que pour une partie et manifeste peu d gards pour le plaideur qui a provoqu le revirement on n ose plus dire obtenu tant le justiciable se trouve r duit l tat de cas clinique Ph Th ry pr c P Y Gautier pr c Par ailleurs si la pr somption d innocence rapport annuel note ss 8 juill 2004 et la protection du droit d action en justice pour une atteinte aux droits de la personnalit communiqu sont mis en avant pour justifier la non r troactivit du revirement ne peut on estimer la libert d expression fondement de la courte prescription en mati re de presse suffisamment imp rieuse pour justifier la r troactivi
26. torique et d avoir t d pass e par des normes hi rarchiquement sup rieures l un des principaux enseignements de cet pisode sera peut tre qu au surplus l article 5 du code civil n est pas dot dans notre syst me d une acception monos mique ce qui devrait en soi faire douter de la pertinence de l appel cette disposition comme fin et commencement de la jurisprudence comme source de droit Tant l interdiction de disposer par voie de disposition g n rale et r glementaire que la figure honnie de l arr t de r glement sont souvent interpr t es comme interdisant au juge de poser une interpr tation obligatoire pour l avenir Pourtant le caract re obligatoire d j tr s inadapt pour qualifier la r gle de droit y compris l gale J L Aubert Introduction au droit A Colin 11 d 2006 n 20 semble r solument inapte valuer le pouvoir cr ateur du juge parce que l arr t modulateur comme tout arr t de principe n est pas obligatoire en droit il est possible de d fendre l absence de violation de l article 5 du code civil parce que l arr t modulateur comme tout arr t de principe va produire un effet obligatoire en fait il heurte frontalement la prohibition fulmin e ce m me texte Cet effet obligatoire sans l tre propre une autorit de fait est pr cieux et ne doit pas tre d plor d faut de quoi l uniformit de la jurisprudence serait vou e aux oubliettes Le revirement
27. ur la conventionnalit des diff rentes r gles de prescription et recevabilit ce n est pas l obstacle la recevabilit en lui m me qui est contraire au proc s quitable mais sa soudaine apparition en cours de proc s La solution permet d illustrer le lien entre pouvoir cr ateur et r troactivit de la jurisprudence s il y a privation du droit d acc s au juge c est parce que la jurisprudence sur la courte prescription est bien une r gle nouvelle et non la d couverte d une courte prescription pr existant de mani re latente au moment de l introduction de l action La Cour de cassation s en tient donc juste titre une justification du revirement pour l avenir sp cifique l esp ce propre une r gle de prescription nouvelle et puis e dans les circonstances de la cause A priori un sentiment inn de justice refuse effectivement qu un demandeur ayant respect les r gles de prescription du temps de son action se voit d clarer irrecevable Cependant ce bon sentiment n est pas n cessairement m me lui seul d autoriser le juge d roger au cours normal de son interpr tation et ce d autant plus que les m mes circonstances de la cause faisaient appara tre d autres droits et int r ts qui pour n avoir pas emport la balance n apparaissent pas dans la d cision Mode d emploi et pr cautions d usage Est ce parce qu elle a pressenti les difficult s ou les risques de discussion autour des int r ts favoris s
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