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1. Nous nous int ressons aux maladies dont la gu rison est obtenue au moyen des propri t s m dicinales des plantes Dans cette partie l attention sera focalis e sur la pr sentation non exhaustive du r pertoire des plantes m dicinales et leurs usages La reconnaissance de ces plantes passe n cessairement par un certain nombre de proc d s techniques qu il est bon de savoir La reconnaissance des plantes m dicinales Il est vident de constater que la m decine traditionnelle reste le principal mode de soins utilis par les populations surtout les plus pauvres et d favoris es La m decine traditionnelle continue ma triser sa popularit pour des raisons historiques et culturelles Selon les estimations plusieurs personnes d pendent d elle pour la satisfaction de leurs besoins de sant Cependant la pratique de la m decine traditionnelle ne peut tre efficace que si la reconnaissance des plantes m dicinales est ma tris e Au Nord Cameroun cette reconnaissance s apprend au cours des s ances initiatiques par l interm diaire d autres initi s qui ont d j fait leurs preuves sous l ombre de grands ma tres Pendant les retraites d initiation le novice est entra n par son ma tre dans la brousse lieu par excellence des plantes m dicinales Le n ophyte doit donc faire preuve de courage de d termination et surtout de comp tences botaniques Une fois la plante trouv e le ma tre montre son apprenti les partie2. Les formes sonores L art de faire chanter le bois les instruments de musique Chez les peuples du Nord Cameroun comme d ailleurs partout en Afrique et autre part les grands moments de la vie sont marqu s par des chants et des danses que scandent des instruments de musique de diverses formes Depuis les impressionnants tambours d appel au tam tam consoles du spectaculaire Gourna c l bre danse toupouri jusqu aux guitares cordophones des ballets chor graphiques la gamme des g n rateurs de rythme et cr ateurs de m lodie est suffisamment fournie au Nord Cameroun Si l architecture et le petit mobilier d int rieur requ raient des bois dot s de fortes cotes m caniques pour r sister la fatigue et d une durabilit naturelle lev e pour braver les intemp ries et les agents biologiques destructeurs les instruments de musique requi rent des bois aux propri t s acoustiques prouv es L tude des caract ristiques de r sonance des bois tropicaux en percussion ne vient que de commencer Si au Cameroun l organologie qui est l tude de la morphologie des instruments de musique est tr s pouss e l acoustique qui est l tude de la qualit des sons en relation avec le type de bois sollicit n est pas tout fait engag e Alors les donn es inh rentes aux capacit s vibratoires et la r sonance des bois ci dessous voqu s constituent un d but de cette tude amorc e dans la th se de doctorat Nizesete 1992 chap
3. Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun tendre enfance grimper aux arbres Couteaux de cuisine gaule en bois longue de plusieurs m tres prolongent les bras des cueilleurs tant t debout au pied de l arbre tant t couch s sur les branches Les saisons de cueillette de fruits et de feuilles ob issent leurs p riodes de maturation Les produits de cueillette se succ dent en effet pendant toutes les saisons de l ann e Les feuilles de Balanites aegyptiaca par exemple sont cueillies toute l ann e alors que ses fruits ne sont disponibles que de f vrier avril Le baobab Adansonia digitata fournit tout au long de l ann e ses feuilles ses fruits ses corces et ses fleurs aux femmes et aux hommes Les sites de cueillette varient aussi en fonction de la qualit du produit recherch Certains v g taux sont cueillis dans des champs cultiv s d autres en brousse En g n ral les femmes pr f rent aller les cueillir en brousse o disent elles les feuilles et les fruits sauvages sont plus naturels typ s succulents et parfum s Les hommes pensent plut t qu elles pr f rent ces lieux parce qu ils leur permettent de former de petits groupes pour se livrer leur activit favorite qu est le radotage et surtout pour se lib rer pendant quelque temps de la surveillance omnipr sente des maris et des cris des enfants La cueillette comme un temps de libert et un espace
4. tes m caniques et v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 591 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete technologiques lev es et une bonne durabilit naturelle C est dire qu ils ont des aptitudes naturelles pour r sister aux assauts des champignons lignicoles des insectes xylophages et supporter les carts de temp rature Ces caract res sont d ailleurs n cessaires dans la mesure o les piliers fourchus sont directement expos s la nature potentiellement agressive Les troncs ou les branches de Prosopis africana et Terminalia macroptera sont les plus utilis s dans cette op ration La place du grenier dans ces communaut s est si importante que toutes les pr cautions n cessaires doivent tre prises en faveur de sa pr servation contre les incendies l humidit les rongeurs et les voleurs Dans cette zone du Sahel au climat capricieux o les ann es de bonnes r coltes ne se suivent pas o les p riodes de soudure sont longues et les disettes redoutables le grenier se pr sente alors comme une parade contre les impr vus Les vicissitudes de la nature ont ainsi contraint les peuples du Nord Cameroun d velopper un mode de vie o les pr visions le souci du lendemain et l accumulation des grains vont occuper une place non n gligeable Un management efficient des ressources alimentaires conf re d ailleurs tout bon paysan prestige fiert et consid ration sociale Selon un proverbe local un chef de famille dont
5. tre une case ordinaire Le djigal tait la preuve patente de l amour d un homme pour sa femme Pour traduire ce sentiment il construisait la toiture de la case djigal et l offrait sa belle famille C est pourquoi il tait courant de rencontrer dans les ann es 1940 1950 des paysans transportant h ro quement ce lourd cadeau d un village un autre Au regard des exigences techniques de confection savoir faire main d uvre importante norme quantit de mati res premi res transport le djigal tait per u comme la marque de l effort de la solidarit et des comp tences du vaillant Toupouri Il prouvait aux yeux de la belle famille que le gendre tait capable travailleur et courageux Il rassura it les parents de sa femme car celui qui fabriquait le djigal ne pouvait pas ne pas savoir chasser labourer et p cher pour nourrir leur fille et leurs petits enfants et assurer efficacement leur protection Les greniers au Nord Cameroun astucieux m lange de terre de bois et de paille Les peuples du Nord Cameroun grands cultivateurs de mil et de sorgho sont aussi de grands consommateurs de couscous la fameuse boule base de leur alimentation Si un ressortissant du Nord Cameroun vous dit qu il meurt de faim entendez je n ai mang de couscous depuis deux jours m me si je me suis gav de haricot et de tubercules Gormo 2005 p 82 traduction concr te de l importance des c r ales dans la vi
6. 10 et poursuivie dans d autres r gions du Cameroun Gormo 1998 L important n est pas de poss der un excellent bois mais de savoir tirer le maximum d avantage de celui dont on dispose Les meilleurs bois de tambours sont toutefois ceux qui conduisent mieux le son Cette modalit pratique requiert aux mat riaux ligneux un certain nombre de qualit s CTFT 1989 p 69 dont les plus essentielles se d finissent en termes de rectitude des fils durabilit naturelle lev e siccit r sistance la fente densit convenable Rectitude des fils le bois conduit le son suivant la direction des fibres c est dire dans le sens de la longueur de l arbre Plus le fil est droit mieux le son est propag Mais cette propri t peut tre gravement perturb e si le bois poss de au sein de sa masse une tare quelconque notamment de la pourriture due aux micro organismes des n uds ou des tensions internes d o la recherche de l homog n it du bois Durabilit naturelle lev e consid rant que les grands tambours fixes sont souvent expos s aux intemp ries cette propri t est n cessaire pour leur permettre de supporter les agressions naturelles et durer aussi longtemps que possible Siccit les bois secs conduisent le son mieux que les bois humides On observe une forte diminution de la vitesse de transmission du son avec une augmentation de l humidit Elle a 594 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Ja
7. 2012 Aprovado para publica o em maio de 2012 v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 GORMO Jean NIZESETE Bienvenu Denis Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun s lection et mode d emploi du XIX au XX si cle Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 Abstract La polyvalence fonctionnelle des v g taux se mat rialise travers les nombreux usages que les peuples du Nord Cameroun en font Ils ont mis sur place un savoir faire local qui leur a permis d exploiter de mani re efficace leur environnement v g tal La disparition des essences de valeur les oblige d velopper d autres strat gies en relation avec une nouvelle re marqu e par la consommation de produits manufactur s Le pr sent article r capitule les principaux usages des plantes par les peuples du Nord Cameroun value leurs strat gies de mise en valeur des herbac es et des ligneux et interroge sur la validit des dispositions en cours portant sur la pr servation du patrimoine v g tal mis en p ril par l homme et par la nature Mots cl s v g taux Nord Cameroun patrimoine v g tal plantes m dicinales surexploitation Abstract The functional versatility of plants can be seen in their numerous uses by the people of Northern Cameroon They have implemented local know how which has allowed them to effectively exploit their botanical environ
8. Les r coltes ne sont plus absolument gard es dans les greniers Elles sont actuellement conserv es dans les sacs surtout au niveau des centres administratifs On y lit de ce fait une supplantation progressive des greniers par les sacs L introduction de ces soci t s dans l conomie mon taire rend difficile l utilisation des greniers Pour une facilit dans le mode d emploi pour un souci de mesure les sacs deviennent usuels C est pourquoi certains paysans consid rent le grenier comme d valorisant dans un contexte de modernit Pour eux une belle maison ne devrait pas tre salie par un grenier On assiste alors une d valorisation progressive des greniers qui existent n anmoins en zones rurales Suite la raret du Prosopis africana requis pour les piliers de grenier les paysans innovent en les rempla ant par des murs en parpaings qui pr sentent une garantie tout aussi remarquable que le pr c dent bois utilis Cette situation a t observ e dans le village toupouri de Lamtar Les si ges Bien que l utilisation des si ges et des nattes traditionnelles soit encore pr minente il faut noter la pr sence des chaises et nattes modernes L introduction de ces chaises modernes en pays Massa et Toupouri a t l uvre des anciens combattants qui partir des ann es 1960 v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 601 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete ont rapport leurs mobiliers achet s dans la partie
9. davantage l utilisation des teintures Changements dans l usage des plantes m dicinales Jusqu la veille de l ind pendance la m decine traditionnelle constituait le principal recours des populations du Nord Cameroun Elles affichaient vis vis de la m decine moderne un comportement qu on qualifierait de prudent Car l arriv e ou alors l introduction d une nouvelle mani re de faire a toujours suscit de la m fiance et du recul Compte tenu du climat des rapports qui existaient entre l administration coloniale et ces populations propos de l imposition des cultures de rente et leur corollaire la r pression et les diverses condamnations ces derni res nourrissaient l gard des colons une permanente suspicion A cet effet tout ce qui tait de l administration coloniale suscitait la peur et la crainte Ce comportement entra nait in luctablement la non fr quentation des formations hospitali res par les peuples du Nord Cameroun en g n ral C est bien ce qui ressort de ces propos de Courcelle lors d un conseil de notables Maroua en 1958 Rapports politiques et conomiques 1958 Avec le chef de r gion depuis quelques temps nous essayons d obtenir de l argent pour augmenter les formations hospitali res de Ka l et de Maroua mais je suis inquiet Je sais que quand le grand H pital de Maroua et la grande formation sanitaire de Ka l seront install s il n y aura personne dedans Les gens d ici n on
10. fassent d couvrir aux peuples du Nord Cameroun les bienfaits du savon de Marseille au d but du vingti me si cle ces braves et ing nieux paysans exploitaient les propri t s de certaines de leurs plantes pour obtenir une lessive solide ou liquide dont l action contre les graisses la crasse la poussi re et la boue tait efficace au point de justifier encore leur usage dans de nombreux villages camerounais lorsqu il devient impossible de s acheter un morceau de savon moderne D ailleurs beaucoup de ces savons fabriqu s au Cameroun et surtout dans les pays voisins sont souvent de fort mauvaise qualit comparativement au savon traditionnel Les femmes principales utilisatrices se plaignent r guli rement qu ils v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 595 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete ne moussent pas salissent davantage le linge qu ils ne le nettoient intoxiquent la vaisselle au lieu de la d graisser Gormo 1998 p 64 Pourtant des si cles plus t t ces populations utilisaient une lessive naturelle efficace extraite des corces du Balanites aegyptica ou des graines de Jatropha gossypiifolia pour se laver et faire leur m nage Pour garder leurs dents saines elles se les brossaient r guli rement l aide des branchettes pr lev es de nombreux ficus En m chonnant l extr mit du b tonnet les paysans l effilochaient produisant de la sorte une brosse pour dents Ils recherchaient aussi des huiles pour s
11. incultur e doit accueillir les valeurs des diff rentes cultures L Eglise accueillant les valeurs des diff rentes cultures devient la Sponsa ornata monilibus suis l pouse qui se pare de ses bijoux Jean Paul II 1994 p 65 Les instruments traditionnels de musique sont d sormais utilis s pour louer le Seigneur De ce fait on assiste une sorte de transfert de la dimension religieuse traditionnelle des formes sonores vers une autre moderne qui consacre le Christ Ce vaste mouvement 602 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun d incorporation de la culture traditionnelle aux m urs chr tiennes traduit la nouvelle politique vang lisatrice de l Eglise qui vise conqu rir davantage les peuples africains pour le christianisme Cheminement vers une pleine vang lisation l inculturation vise permettre l homme d accueillir J sus Christ dans l int gralit de son tre personnel culturel conomique et politique en vue de sa pleine et totale union Dieu le P re et d une vie sainte sous l action de l Esprit Saint C est surtout par l que l Evang lisation pourra s enraciner solidement dans les communaut s chr tiennes du continent Jean Paul II 1994 p 66 87 Le souci premier qui transpara t de cette nouvelle politique d vang lisation est d viter tout d paysement des Africains dans leur processus d
12. le grenier est rempli de mil peut gronder dans sa famille et en cas de disette il pourrait bien prendre d autres femmes en change du mil et agrandir par cons quent ses champs sa descendance et ses greniers Mobilier d int rieur et ustensiles m nagers Quand l arbre devient pilon et mortier Dans les communaut s o le mil constitue la base de l alimentation le mortier et le pilon jouent alors un r le essentiel Pour ramollir les grains de mil les pices et les l gumes secs ces populations les mettent contribution Au regard de l extr me sollicitude dont ils font l objet et vu l intensit du choc qu ils subissent pilons et mortiers sont produits partir des ligneux durs et lourds Prosopis africana et Afzelia africana fournissent les meilleurs bois de mortier Le Balanites aegyptiaca est une bonne source pour les pilons La morphologie des pilons et des mortiers et leur familiarit avec les hommes ont nourri au Nord Cameroun les adages populaires et les fantasmes les plus divers Le pilon est compar au phallus le mortier est assimil au sexe f minin l action de piler le mil se confond avec les rapports sexuels Chez les Massa et les Moundang par exemple un adage avertit si tu ne veux pas te reposer assieds toi sur un mortier Deux possibilit s d interpr tation de cette observation D abord le mortier tant sollicit en permanence chez les femmes quiconque s y assied n aura aucun r pit Ensuite le mort
13. modernes En outre le port des labrets qui caract risait les femmes Toupouri et Massa est aujourd hui assimil une pratique barbare La suppression des labrets a t difficile car consid r s comme une institution sociale profond ment enracin e dans la mentalit commune Il a fallu y mettre un terme de mani re autoritaire Les femmes ont cess de percer leurs l vres depuis les ann es 1950 Ainsi de nos jours seules les femmes g es d au moins soixante ans les portent encore Pour les jeunes filles le port des labrets rend le visage hideux et est consid r comme une pratique honteuse 604 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun Les jeunes filles des centres urbains n utilisent plus l huile de Khaya senegalensis Elles pr f rent plut t des laits de beaut qui transforment leur peau noire Sous le nom du modernisme elles se d capent la peau afin de ressembler davantage aux blanches des s ries am ricaines et br siliennes Cath rine Coquery Vidrovitch parle de ce ph nom ne en ces termes Ces vaines tentations des n gresses blanches qui ont des visages ou des chevilles br l es Elles ressemblent des monstres d autant plus que la desquamation d figure la beaut naturelle Coquery Vidrovitch 1994 p 134 Le mouvement d ouverture de ces soci t s au commerce accompagn de l introduction des peintures modernes marginalise
14. porter des fruits des l gumes et des fleurs se r g n rer sans se lasser Le couvert v g tal est donc vital et essentiel la vie de tous les hommes C est pourquoi des pr cautions sont prendre pour viter tout d boisement sauvage potentiellement cataclysmique Outre les produits qu elle fournit directement la flore exerce un r le important dans la protection de l environnement Elle prot ge le sol de l rosion entra n e par le rayonnement solaire la pluie et le vent Les arbres favorisent la fixation de l azote et font remonter d autres l ments nutritifs des couches plus profondes de la terre Les feuilles mortes en formant une liti re constituent un engrais vert qui nourrit la terre Les feuilles vertes nourrissent les b tes et les hommes Modalit s pratiques de cueillette des feuilles La cueillette loin d tre seulement une survivance des techniques d approvisionnement des nourritures sauvages repr sente de nos jours encore une pratique courante en milieu rural au Nord Cameroun Ici la cueillette des l gumes sauvages utilis s comme ingr dients des sauces de couscous de mil ou de ma s est un sport r serv sp cialement aux femmes et aux jeunes gar ons Pour obtenir les feuilles l gumes du Moringa pterygosperma d Adansonia digitata ou du Borassus aethiopum par exemple il faut parfois se hisser au fa te de l arbre d o l int r t pour tous d apprendre d s leur 588 Hist ria Ci ncias Sa de
15. Hist ria Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos i ncias ISSN 0104 5970 de hscience coc fiocruz br MANGUINHOS Funda o Oswaldo Cruz Brasil Gormo Jean Nizesete Bienvenu Denis Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun s lection et mode d emploi du XIXe au XXe si cle Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos vol 20 n m 2 abril junio 2013 pp 587 607 Funda o Oswaldo Cruz Rio de Janeiro Brasil Disponible en http www redalyc org articulo oa id 386138075013 Comment citer fa gac A Numero compie Syst me d Information Scientifique Plus d informations de cet article R seau de revues scientifiques de l Am rique latine les Cara bes l Espagne et le Portugal Site Web du journal dans redalyc org Projet acad mique sans but lucratif d velopp sous l initiative pour l acc s ouverte Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun s lection et mode d emploi du XIX au XX si cle Plants and their use by the people of Northern Cameroon selection and use in the nineteenth and twentieth centuries Jean Gormo Enseignant l cole Normale Sup rieure Universit de Maroua chercheur au Centro de Estudos Africanos da Universidade do Porto BP 55 Maroua Cameroun gormojean yahoo fr Bienvenu Denis Nizesete Enseignant l Institut Sup rieur du Sahel Universit de Maroua BP 55 Maroua Cameroun nizesete1 yahoo fr Recebido para publica o em janeiro de
16. adoration du Seigneur Cependant cette inculturation bien que difficile et d licate doit tre envisag e en respectant certains crit res Au regard des rapides changements nos Eglises locales devront travailler un processus d inculturation toujours renouvel e en respectant les deux crit res la communion avec l Eglise universelle Dans tous les cas on doit prendre soin d viter tout syncr tisme Jean Paul II 1994 p 66 L inculturation englobe tous les domaines de la vie de l glise et de l vang lisation et l glise d aujourd hui peut disposer de diff rents moyens de communication sociale aussi bien traditionnels que modernes Il est de son devoir d en faire le meilleur usage pour r pandre le message du salut C est bien ce qui explique aujourd hui la pr sence des guitares traditionnelles et des tambours dans les glises Les grands tambours d appel ne remplissent plus totalement leur r le Dans le village de Gona Massa le timna du chef de terre n existe plus Il a disparu lors de la conversion du chef au christianisme Ce grand tambour est aussi absent dans les villages satellites toupouri cr s par la Semry Cependant ces changements ne s observent pas sur l ensemble du pays massa et toupouri S il est vrai que des mutations ont affect la culture massa et toupouri il demeure galement certifi que celles ci n ont pas envahi l ensemble de ce pays Des instruments traditionnels de communic
17. ation subsistent encore en d pit de l envahissement des march s par les nouveaux modes de communication radio bicyclettes etc Malgr la marginalisation des tambours de chefferies par les paysans ceux ci continuent remplir leur fonction dans les villages C est bien l exemple du village de H lek o le chef affirme utiliser toujours son timna pour certaines c r monies rituelles malgr le manque d engouement des paysans Par ailleurs le tambour double membrane garde tout de m me son r le de communication notamment son utilisation pour l annonce des inondations Ce fut le cas en Ao t 1998 la rive gauche du Logone En effet menac s par le d bordement de l eau du Logone les Massa ont utilis leur darina pour demander le secours de leurs fr res Mutations dans l esth tique Dans la mouvance de l volution de l art africain Frank Willet 1990 p 120 affirme que Les anciennes formes d art ont subi ou subissent encore des modifications et les artistes sont entra n s dans le monde cosmopolite de l art du XX si cle Ce constat peut bien s appliquer aux changements esth tiques des peuples Toupouri et Massa du XX si cle qui sont en contact permanent avec les peuples de civilisations diverses v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 603 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete L arriv e des Europ ens dans ce pays co ncide avec l introduction de nouveaux produits de beaut Avec l argent du coton ou
18. bourets Le lit est le meilleur endroit o il est donn de se reposer et de se d tendre dans la concession Il doit tre am nag dans la perspective de procurer le maximum de confort son utilisateur Il est ind cent que le lit s effondre sous le poids de son utilisateur Pour viter une calamit pareille le lit doit tre fabriqu avec des bois durs lourds et de durabilit naturelle lev e Bois durs et lourds pour ne pas se rompre sous le poids des hommes et des femmes en g n ral grands et forts durabilit naturelle lev e parce que le sommier du lit repose sur des fourches fich es en terre Prosopis africana Afzelia africana Bridelia ferruginea Terminalia macroptera sont les plus requis Leurs branches sont coup es et taill es pour fournir des traverses longues et larges d environ deux m tres Li es par des cordelettes elles constituent le sommier du lit qu on d pose sur quatre pieux plant s dans le sol Ainsi se pr sente le lit traditionnel que recouvre une natte en feuilles de Borassus aethiopum Il est pr t pour le repos et peut accueillir selon les besoins d usage plus d une personne la fois Les tabourets pr sentent une grande diversit Certains sont sculpt s d autres ne le sont pas Ils sont aussi tir s des bois les plus vari s Bois durs et bois tendres se m langent comme si cet instrument de la convivialit ne voulait d plaire aucune esp ce v g tale En g n ral les tabourets s
19. de dialogue entre les femmes Au del de ces consid rations fonci rement machistes dont on cr dite souvent les hommes toupouri massa moundang ou alors mousgoum le temps de la cueillette des l gumes sauvages repr sente pour leurs femmes et leurs filles en plus de son utilit alimentaire un moment de libert Partir en brousse c est sortir du sar pour enfin se promener se d tendre et s vader du quotidien monotone du village rythm par les travaux agricoles et m nagers les assauts incessants des hommes et les pleurs des enfants C est donc c ur joie que les femmes vont g n ralement cueillir les feuilles l gumes Pour la jeune mari e g n ralement trang re au village de son mari la cueillette lui donne l occasion de d couvrir l environnement naturel de son nouveau cadre de vie de se faire des amies de conna tre le pays et d apprendre davantage sur la vie secr te des femmes et des hommes du village Pour la fille d aujourd hui et femme de demain c est l occasion d appr hender les miels et cendres qui agr mentent la vie des couples Une journ e de cueillette en brousse correspond une extraordinaire s ance d enseignement m nager Le lieu de cueillette c est aussi celui de rassemblement o les femmes racontent l ambiance qui r gne dans leurs foyers en bien et en mal loin de ces hommes qui les font tant souffrir Les vieilles pouses tr s au courant des histoires et d
20. de leurs parures Les bijoux taient accompagn s de labrets Lebeuf 1977 p 67 Ainsi du XV au XVIII si cle plusieurs objets sont identifi s dans les tombes notamment les labrets qui non seulement sont de plus en plus fr quents mais rev tent les formes les plus diverses Jean Paul Lebeuf 1977 p 67 observe que Parmi les labrets les deux sp ciaux invent s Goulfeil et Logone Birni sont tr s diff rents l un de l autre Le labret de Goulfeil est une pi ce fondue la cire perdue d une ex cution parfaite celui de Logone Birni plus volumineux a t aussi fondu la cire perdue Bien que les th ses esclavagistes de cette pratique soient r futables il est imp rieux de remarquer que l aspect des labrets a d certainement tre dissuasif au cours des razzias esclavagistes En effet les esclaves de valeur taient ceux qui ne pr sentaient aucun signe d anomalies physiques Par ailleurs on sait que les labrets rendaient les femmes ind sirables suscitaient alors et suscitent encore de nos jours une certaine indignation m l e d horreur On suppose donc que cette technique aurait jou un r le non n gligeable dans la soustraction des femmes de l esclavage Selon Feckoua 1994 p 125 tout porte croire que son expansion est un fait relativement r cent dans certaines r gions et semble avoir d abord ob i une esp ce de mode pour devenir ensuite une tradition En effet avant l influenc
21. dicinales Khaya senegalensis L huile extraite de ses fruits et son corce bouillie sont purgatives Consid r e comme un antiseptique cette huile soigne les plaies et les gales Tamarindus indica Les fruits r duits en boisson et bouillis sont des laxatifs et constituent galement un rem de pour la bronchite Ximenia americana L huile extraite de son amande et ses racines bouillies soignent les plaies Les racines sont utilis es dans la pr paration du vin de miel chez les Gbaya de l Adamaoua Bauhinia thonningii L corce de cet arbuste pil e constitue un m dicament pour lutter contre les maladies pulmonaires Ses racines soignent les plaies bouillies elles traitent la rougeole la dysenterie les abc s et la toux Ficus vallis Les racines de ce figuier sont des vermifuges Ses feuilles en d coction constituent un m dicament contre les br lures Capparis corymbosa L corce de cet arbre est utilis e comme tisane pour lutter contre la jaunisse Annona senegalensis Ses racines bouillies constituent un m dicament contre la dysenterie Boswellia dalzielli L corce de cet arbre bouillie soigne les furoncles Sterculia setigera L corce de cet arbre en d coction traite la toux Jadis ses grains taient utilis s pour gu rir les maladies de la peau Jatropha gossipiifolia La s ve de cette plante est consid r e par les paysans comme un d sinfectant Ses feuill
22. du riz ces paysans se procuraient les savons de m nage et autres divers produits C est bien ce que r v le cette note Un commer ant libanais de Garoua monsieur ISSAN vient devant l ancienne boutique de monsieur Th vesin devant laquelle chaque jour un grand nombre de clients grouillent et se plaisent acheter diverses marchandises prix r duit Le b timent tant petit monsieur ISSAN envisage de l agrandir afin de permettre un parfait talage de ces marchandises Rapports politiques p riodiques 1961 Cet extrait montre l engouement des populations locales pour les produits manufactur s La forte demande am ne le commer ant agrandir sa boutique D s lors on comprend pourquoi les Toupouri et les Massa ont abandonn leurs anciennes habitudes Les changements sont notables au niveau de la mise vestimentaire Si ces mutations datent du XX si cle dans les soci t s toupouri et massa elles tirent cependant leurs origines au d but du XIX si cle L ouverture du Nord Cameroun au commerce international tait d j effective au d but du XIX si cle Les explorateurs qui sillonnaient cette r gion notamment Dixon Denham 1823 et Heinrich Barth 1849 1851 n avaient pas pour seul dessein l abolition de la traite leur mission consistait aussi ouvrir le territoire au commerce international Avec l implantation effective de l administration coloniale le Nord Cameroun s ouvre au commerce ext rieur Les pagnes impor
23. e musulmane chr tienne et moderne le port de labrets tait le signe de la beaut de la maturit de la femme Il repr sentait la condition sine qua non du mariage de la jeune fille Outre cette valeur esth tique la pratique des labrets avait une valeur culturelle Elle permettait de distinguer la femme massa toupouri mousgoum des autres femmes Elle diff renciait aussi la femme massa de la femme toupouri et m me mousgoum La femme toupouri portait quatre six labrets r duits alors que la femme massa en portait deux mais de grande dimension Les femmes mousgoum quant elles portaient une sorte de cuill re en m tal dans la l vre sup rieure et un petit plateau dans la l vre inf rieure Les plantes m dicinales L utilisation des plantes pour des finalit s m dicinales est un fait majeur qui plonge ses racines dans l histoire D j avant la pratique de la m decine moderne les Europ ens se traitaient avec les plantes qui les entouraient A l instar des soci t s europ ennes les peuples du Nord Cameroun ont longtemps recouru et recourent encore aux plantes pour se soigner ou se prot ger contre les maladies C est dans leur couvert v g tal aux esp ces multiples qu ils pr levaient leurs plantes caract res prophylactiques ou th rapeutiques La m decine traditionnelle n est pas une affaire de profane Certains l ments sont indispensables sa pratique dont les plantes leur vertu et leur utilisation Aux origine
24. e quotidienne et rituelle de ces peuples Aussi pour avoir en permanence de quoi faire la boule qu accompagnent les sauces de l gumes les peuples du Nord Cameroun construisent depuis des si cles des greniers pour prot ger et conserver les r coltes annuelles La technique de construction des greniers est si raffin e qu elle d fie rongeurs et termites de trouver facilement la voie d acc s l int rieur Consid rant les mat riaux de construction on distingue deux types de greniers l un stable et l autre mobile qui n anmoins ont en commun leur configuration architecturale rappelant la case ronde Le grenier stable ressemble une norme jarre col large capable d accueillir un homme Il est recouvert en partie de chaume et coiff de paille base de Andropognon tectorum lui donnant l aspect d une petite case ronde sur pilotis Guillard 1965 p 110 La base du grenier est constitu e de branches et de terre crue ma onn e Le grenier mobile a une paroi ligneuse base de tiges de Guiera senegalensis rassembl es par des cordelettes tir es des corces de divers Ficus sp La base de ce grenier est couverte de paille et de branches de Sesbania pachycarpa Au regard des mat riaux utilis s pour sa construction ce grenier est l ger et ais ment transportable Greniers fixes et mobiles sont soutenus par quatre ou six piliers fourchus fich s dans la terre Ils sont pr lev s des essences dont les bois pr sentent des c
25. es sont utilis es comme pansement pour les blessures L huile extraite partir de ses grains constitue un anti venin Kigelia africana Ses feuilles s ch es sont utilis es contre les ulc res Son corce soigne la dysenterie Prosopis africana Les feuilles de cet arbre au bois dur sont utilis es pour traiter les maux de t te Source Gormo 1998 p 75 Changements intervenus Les changements intervenus au niveau des plantes et habitat Plusieurs facteurs ont favoris les mutations au niveau de l habitat architecture mobilier et ustensiles m nagers La pr sence peule au XIX si cle et l implantation de l administration coloniale au d but du XX ont eu une influence certaine dans le changement de go t des populations locales La d cennie 1960 co ncide avec l arriv e des anciens combattants qui ont donn une impulsion nouvelle la vie des ruraux du Nord Cameroun L architecture L architecture massa et toupouri a connu des influences diverses Traditionnellement rondes les cases prennent des formes rectangulaires et carr es ce propos De Garine 1964 constate qu au contact des Foulb les Massa abandonnent leurs principes de construction et adoptent ceux de l envahisseur foulb Des transformations s observent aussi au niveau des mat riaux de construction Avec l arriv e de l administration coloniale et l apport des nouveaux retrait s l architecture traditionnelle massa et toupouri
26. es secrets du village instruites par leurs exp riences personnelles s rigent g n ralement en rase campagne en conseill res conjugales Assises sous des groupements h t rog nes de Balanites aegyptiaca Anogeissus leicarpus Terminalia avicennioides Acacia sieberiana et Tamarindus indica entre autres dont elles moissonnent les feuilles tendres qui fra ches ou s ch es agr menteront les sauces elles prodiguent aux jeunes pouses mille et une recettes pour maintenir leurs foyers dans la paix et l harmonie Tout ou presque est dit ou redit sur les bonnes m thodes pour rester longtemps f conde et faire beaucoup d enfants et de pr f rence des gar ons si les dieux le veulent sur les recettes pour prot ger son poux des assauts hont s des voleuses de maris sur les secrets pour demeurer longtemps s duisante aux yeux de son homme sur les ingr dients pour soigner les douleurs de femmes le petit rhume et les blessures du petit dernier sur les astuces pour viter les pi ges de la belle m re et m riter la g n rosit du beau p re etc En l espace d une journ e de cueillette les femmes trouvent aussi l opportunit de d noncer les v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 589 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete comportements indignes d une voisine d une co pouse ou d un parent Rien ne les arr te dans ce d ballage Des mots coulent flots pour stigmatiser la gourmandise l avarice la paresse la co
27. fait des labrets une arme de r sistance contre l esclavage f minin Andr Gide lors de son voyage dans la r gion mentionne la d pr ciation des femmes pour leur permettre d chapper aux razzias Feckoua 1994 p 120 Il est troublant encore de constater que l aire des labrets peut correspondre la zone des razzias op r es par les peuples islamis s que sont les Ouaddaiens les Baguirmiens les Bornouans et les Foulb venus du Nord Cette situation de tension perp tuelle aurait donc donn l id e ces peuples opprim s de percer les l vres de leurs filles et femmes pour les rendre ind sirables et les soustraire ainsi l esclavage Cette th se qui se fonde sur l histoire est tr s s duisante mais elle r siste peu l analyse d un certain nombre de faits La pratique des labrets est tr s ancienne Pour Th ophile Obenga 1973 p 28 les peuples qui habitent le Tchad et l Oubangui taient connus des voyageurs et crivains grecs et latins Diodore de Sicile par exemple d crit une communaut d Ethiopiens qui arment aussi les femmes et la plupart d entre elles portent un anneau de cuivre pass dans une des l vres De l antiquit greco romaine jusqu une p riode r cente 1950 il y a une continuit dans le port des labrets v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 597 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete Par ailleurs les Sao connaissaient aussi les labrets qui faisaient partie int grante
28. ge servait confectionner les bracelets port s par les jumeaux et leurs parents lors de la f te des jumeaux chez les Toupouri Par ailleurs les Massa assimilaient le port de bracelets et des chevilliers base v g tale au statut socio conomique du paysan En effet tous ceux qui les portaient taient consid r s comme des pauvres car les nantis utilisaient plut t les objets m talliques 596 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun Le b ton est la fois une arme et un objet de chasse L utilisation du b ton dans les soci t s toupouri et massa est tr s accentu e au point qu il soit intimement li l homme et s identifie m me lui Le b ton est un fait culturel qui singularise les peuples toupouri et massa des autres peuples du Nord Cameroun Le b ton utilis pour les danses est obtenu partir de Maerua angolensis La couleur blanche de cet arbre rendait jolis les b tons exhib s pendant les spectaculaires danses traditionnelles toupouri et massa Pour se rendre belles et plaire les jeunes filles se per aient les l vres pour y introduire les labrets Cette pratique est attest e par le commandant Lenfant qui arriv au village massa de Djogoydi Yagoua en 1905 affirme La femme Woulia est un tre de souffrance et de labeur forc D s le jeune ge la jeune fille se perce les l vres Lenfant 1905 p 143 En effet le
29. ier tant assimil la femme il est difficile l homme de se reposer tant qu elle est ses c t s du fait de ses bavardages et de ses multiples sollicitations la fois mat rielles et immat rielles Chez les Toupouri il est dit tout jeune homme qui s assied sur un mortier ne sera jamais un roi le mortier tant toujours la merci des femmes et parce qu elles le manipulent volont tout homme facilement accessible et influen able ne pr sente pas les aptitudes d un chef Le chef est inaccessible et influent C est le Cach qui depuis les antres de son palais manipule les femmes et les hommes Le contraire n est pas acceptable Quand les herbes folles deviennent r cipients de transport et de stockage L agriculture repr sente en milieu rural nord camerouna is la principale activit et par cons quent il se pose 592 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun en p riode de moisson le probl me de transport des r coltes Si certains paysans recourent aux nes d autres utilisent les paniers pour contenir les produits agricoles Des gramin es et les tiges d osier fauch es dans les champs et sur les friches sont tiss es par des vanniers De leurs doigts habiles mergent de multiples formes de paniers des plus grands aux plus petits adapt s la capacit de charge des transporteurs et aux besoins d usage Pendant la
30. int gre les parpaings et les briques en terre qui supplantent les murs de torchis Le pays massa est actuellement une r f rence en mati re de fabrication de briques en terre cuite Les toits de chaume d clinent en faveur de la t le ondul e Le recul de la chaume s il s explique par la fugacit de ce mat riau traduit aussi l engouement paysan pour des mat riaux nouveaux durables synonyme d existence mat rielle Les maisons en t le sont aujourd hui la marque visible de la situation conomique 600 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun des paysans Les portes et les fen tres sont aussi en t le ou en f t Ce changement est per u au d but des ann es 1960 comme l atteste cet extrait d archives le probl me de l habitat se r soud peu peu les petites cases rondes sont remplac es par des maisons rectangulaires souvent couvertes Il y a un net progr s dans le domaine de l habitat Rapports politiques p riodiques 1961 En effet l importation des bambous de Poli et de l Adamaoua pour pallier au d ficit en bois et la substitution des fils de fer aux cordes v g tales l inondation des march s locaux par des planches import es du Cameroun m ridional contribuent largement au changement dans le domaine architectural En outre d autres mutations sont visibles et concernent essentiellement les bois utilis s dans la cha
31. ment The disappearance of valuable species has forced them to develop other strategies with a new era marked by the consumption of manufactured products This article summarizes the principal uses of plants by the people of Northern Cameroon evaluates their strategies for extracting value from grasses and woods and questions the validity of the measures currently in place to preserve the botanical heritage at risk due to the actions of man and nature Keywords plants Northern Cameroon botanical heritage medicinal plants overexploitation 587 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete ati re premi re et source d nergie le v g tal est exploit et utilis depuis des si cles M l homme pour r pondre ses multiples besoins C est le cas des peuples du Nord Cameroun En d pit d un environnement faiblement bois fr quemment pris d assaut par les feux de brousse et par les d frichements ces populations ont su tirer le meilleur profit des diff rentes potentialit s de la flore r gionale Les ressources ligneuses et herbac es cultiv es ou spontan es fournissent en effet aux hommes des aliments du bois d uvre pour l architecture le mobilier quotidien et rituel les instruments de musique les armes de guerre et de chasse des outils de p che et des instruments aratoires Elles servent galement de bois de chauffage et de bois de chauffe C est juste titre que Parmentier consid re le bois comme la plus ancie
32. ncupiscence la jalousie de l autre Des sanctions peuvent tre prises contre celles qui refusent de changer les habitudes incrimin es Le ch timent le plus couramment inflig est l isolement du groupe La coupable ira d sormais seule en brousse cueillir ses feuilles Cette situation qui ne manquera pas d attirer l attention du mari et des villageois contraindra alors la femme de mauvaise r putation s expliquer sur cet apartheid Les r parations et le repentir lui permettront de rejoindre nouveau le groupe Le cycle reprendra inlassablement tant qu il y aura des arbres et des feuilles Des bois d uvre l Architecture La charpente un corps de bois coiff de paille Le Nord Cameroun est couvert d une savane tropicale arbor e et de vastes tendues de parcs gramin es parsem es ou d arbustes mis mal par une longue pratique de chasse d agriculture et d levage La flore est constitu e d une gamme h t rog ne d essences dont les diverses potentialit s physiques et m caniques de leurs bois autorisent des usages divers notamment en architecture ext rieure et int rieure en ustensiles de cuisine et en petit mobilier d int rieur en outils agricoles entre autres objets d usage quotidien Les plantes utilis es sont num r es dans le texte au fur et mesure qu elles sont sollicit es Corps de terre coiff de paille la case refl te le paysage v g tal r gional Fruit d une combinaison harmonie
33. neiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun une influence n gative sur les modules d lasticit du bois qui varient dans le sens longitudinal et transversal La vitesse de transmission du son est de 3 5 fois plus faible transversalement que longitudinalement R sistance la fente en particulier pour les tambours fente soumis de fr quentes percussions Densit convenable les bois lourds portent le son tr s loin tandis que les bois l gers absorbent le son et le restituent mal Cependant le volume de l instrument l art de le travailler l paisseur des bords la qualit de la membrane la siccit ou l humidit du bois influencent la r sonance d un instrument de musique Par ailleurs en fonction de la destination d un objet on recherchera soit les bois l gers soit les bois lourds Les tambours de danse devront tre l gers parce qu ils sont transport s de village en village selon le rythme des manifestations et par contre les tambours d appel peuvent tre lourds parce qu ils sont en g n ral immobilis s dans un espace r serv l valuation des propri t s physiques des bois utilis s par les peuples du Nord Cameroun pour fabriquer leurs tambours il ressort que les choix op r s sont judicieux encore que le cadre naturel de s lection soit pauvrement pourvu comparativement au large ventail de choix que pr sente le milieu forestier Les artisans ont retenu Prosopis af
34. nne ressource naturelle de l homme Il lui a fourni chauffage outils nourriture et abri tout au long de son interminable voyage travers les ges Parmentier 1977 p 1 Mais au fil du temps les cataclysmes naturels comme la s cheresse la pratique courante des cultures itin rantes sur br lis la cr ation des plantations permanentes l levage du gros b tail la coupe du bois de feu en particulier dans la savane aux environs des villes et le long des principales voies de communication la construction des retenues d eau l urbanisation la croissance d mographique et l extension du r seau routier vont se conjuguer pour aboutir au d boisement de vastes r gions Cette nouvelle donne va perturber et modifier divers usages et traditions des populations locales et les contraindre adopter des comportements de plus en plus favorables au maintien de la biodiversit v g tale Le pr sent article r capitule les principaux usages des plantes par ces peuples value leurs strat gies de mise en valeur des herbac es et des ligneux et interroge la validit des dispositions en cours portant sur la pr servation du patrimoine v g tal mis en p ril par l homme et par la nature Des l gumes feuilles des champs et de brousse Les peuples du Nord Cameroun per oivent le couvert v g tal comme la matrice nourrici re qui assure la continuit de la vie sur terre Il est ainsi valoris de par son infinie capacit fournir du bois
35. oindre et prot ger ainsi leur corps contre les morsures du soleil sah lien La cr me onctueuse press e des graines de Khaya senegalensis leur rendait ce service Elle tait tr s pris e pour ses vertus th rapeutiques et aphrodisiaques La charge rotique de l huile de karit est encore c l br e et chant e pendant la danse du gourna o la gestuelle met en valeur la beaut des corps Feuilles et corces comme lingerie fine Avant l introduction et l utilisation des pagnes de cotonnade la femme nordiste portait d licatement autour de ses reins un cache sexe Ce v tement servait aussi bien soustraire du regard des hommes cette partie sensible du corps que pour la mettre en valeur Le r le protecteur de ce string tait en effet quasi nul au regard de ses mensurations Le cache sexe f minin tait essentiellement base des larges feuilles de Combretum glutinosum Les corces de Sterculia setigera taient galement sollicit es Pamicum anabaptismum tait cultiv proximit des cases par les Massa les Moundang et les Mousgoum et entrait dans la confection des cache sexes Les Toupouri quant eux connaissaient d j la culture du coton traditionnel utilis pour la fabrication des ceintures pelviennes Chez les Toupouri et les Massa ces ceintures taient la marque visible de la cat gorie sociale de la femme La simple observation de la couleur de la ceinture leur donnait des informations sur le stat
36. ont fabriqu s avec des bois tendres l gers et faciles tailler Les artisans utilisent cet effet Sclerocaya birrea Bombax costatum et Lannea fructicosa Le Koo paala nom d usage du Lannea fructicosa en langue toupouri veut d ailleurs dire l arbre tabouret d nomination r v latrice de la patiente observation des potentialit s des ligneux par les paysans avant de les affecter aux usages particuliers Les peuples du Nord Cameroun se servent fr quemment des troncs d arbres et des branches comme tabourets sans grand am nagement pr alable Dans le cas des branches leur disposition naturelle est ing nieusement exploit e pour obtenir un v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 593 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete mod le unique de si ge Dans certains cas il est difficile d tablir une nette diff rence entre l uvre de la nature et le travail de l homme Les branches trois ou quatre fourches sont les plus sollicit es Elles donnent lieu des tripodes ou des quadripodes tr s pris es par les villageois Les grands arbres du village comme le Ficus platyphylla dont l paisse frondaison fournit une ombre fra che sont exploit s pour le repos et les palabres Leurs racines saillantes progressivement polies par les fesses qui s y frottent quotidiennement deviennent des si ges confortables comme c est le cas du vieux et grand Ficus platyphylla qui abrite le march p riodique de Gu go en pays toupouri
37. ormes sonores et de l esth tique Depuis le d but du XX sicle des mutations sont perceptibles au niveau des formes sonores et de l esth tique massa et toupouri L islamisation la christianisation et la modernisation des soci t s Massa et Toupouri ont fait perdre aux instruments de musique leurs r les d antan En effet au contact des religions monoth istes les chants et les danses de gourna de fun railles et de dilna dilla ont t d fendus aux nouveaux croyants sous l accusation de pratiques mystiques et de paganisme Ce faisant ces instruments perdaient leur vocation religieuse Les danses sont vid es de leur contenu et meublent d sormais les manifestations publiques et officielles f tes nationales r ception des grandes personnalit s dans les villages meeting des partis politiques On assiste alors une instrumentalisation du gourna qui dans le pass avait une mission plut t ducative moralisante C est dans cette m me perspective que Hermenegildo Adala 1993 p 14 constate Avec la modernisation de la soci t africaine notre musique est menac e de vulgarisation ou popularisation de mauvais aloi Nos ensembles traditionnels ne servent plus qu meubler dans tous les sens du mot les manifestations officielles ou publiques Par ailleurs depuis la d cennie 1990 on assiste une officialisation de l int gration des instruments de musique traditionnelle au sein des Eglises chr tiennes L Eglise
38. r colte du mil et du coton hommes femmes et enfants traversent le village courb s sous le poids de ces paniers remplis ras bord des tiges de mil ou de coton Une fois les r coltes termin es les paniers ayant r sist aux preuves de transport sont convertis en mat riel de stockage pour conserver les ustensiles de cuisine et ranger les v tements Avant la modernisation des comportements amorc e pendant la seconde moiti du XX si cle avec l arriv e des Europ ens les peuples du Nord Cameroun se servaient d une gamme vari e de r cipients de facture v g tale pour boire et manger Les calebasses fruits des tiges rampantes de Citrus lanatus taient partout r pandues et constituaient aux c t s de certaines pi ces de poterie la vaisselle de choix r serv e au service des repas au transport de l eau et des grains et de la farine de mil au stockage des semences de l huile et de la poudre rituelle Les calebasses de tr s petite dimension taient utilis es pour recueillir l eau de source ou de rivi re servaient d talon de mesure aux vendeuses de bi re de mil et servaient de louches Les r cipients en bois taient l apanage des dignitaires villageois Seuls le chef et les notables l utilisaient Ils taient taill s dans des bois tendres et ne pr sentant pas de risques de toxicit Les qualit s du Bombax costatum furent retenues ce sujet Quand les arbres donnent du confort au repos des lits et des ta
39. raonique Afrique noire Paris Pr sence Africaine 1973 PARMENTIER Jean Louis Le grand livre international du bois Paris Fernand Nathan 1977 RAPPORTS POLITIQUES ET ECONOMIQUES Conseil des notables du 10 novembre 1958 Maroua C 1958 IIL 3 2 Archives de la Sous pr fecture de Maroua 1958 RAPPORTS POLITIQUES PERIODIQUES Ka le C 1961 III 18 1 Archives de la Sous pr fecture de Maroua 1961 WILLET Frank L art africain Paris Thames and Hudson 1990 D536 lt lt v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 607
40. ricana Khaya senegalensis Terminalia macroptera Sclerocarya birrea et Bombax costatum essentiellement pour leurs bois l gers et la relative facilit de les travailler Le crit re de poids est ici important quand on sait que ces peuples transportent inlassablement les tam tam de village en village pendant toute la dur e de la saison s che pour rythmer les spectaculaires danses traditionnelles qui accompagnent les joyeuses f tes de r colte d initiation de mariage ainsi que les fun railles g n ralement arros es de bi re de mil dont l effet sur la d bauche des gestes est reconnu Lessives v tements et parures venus des arbres De nombreuses f tes rythment l ann e au Nord Cameroun et pour s y manifester avec dignit gr ce et s duction il y a n cessit de se rev tir de ses plus beaux atours Plusieurs plantes offrent par cons quent aux femmes et aux hommes leurs corces leurs feuilles leurs fruits leurs r sines dont un savant usage permet de s offrir des v tements et parures de danse de grande marque traditionnelle Si l introduction des textiles et des bijoux d origine trang re a d tourn les peuples du Nord Cameroun de leurs v g taux dans la qu te de leurs v tements ordinaires ils les sollicitent quand ils doivent se parer et se donner en spectacle pour des prestations ludiques exceptionnelles Lessive et cr mes vertes Avant que les religieuses les infirmi res et les pr tres europ ens ne
41. rpente La charpente de la case est constitu e de sept ceintures circulaires qui voluent de la base vers le sommet Des bourrelets circulaires horizontaux fix s intervalle r gulier de 40 50 cm renforcent sa rigidit La charpente doit tre solide pour soutenir fermement la toiture Solidit requise pour r sister aux tornades aux termites et insectes xylophages C est pourquoi les bois 590 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun de charpente doivent pr senter de bonnes caract ristiques m caniques et technologiques Conscients de cette situation les peuples du Nord Cameroun Toupouri Moundang Massa Mousgoum etc ont op r des choix judicieux parmi les bois disponibles dans leur milieu naturel Les bois utilis s sont lourds durs et de bonne durabilit naturelle C est le cas des Terminalia macroptera Anogeissus leiocarpus Gardenia embescens Combretum aculeatum Acacia hebeclado des Terminalia sp Balanites aegyptiaca La toiture du djigal est base de tiges de Cymbopogon giganteus Andropognon gayanus et de Panicum anabaptismum toutes des gramin es sollicit es pour la r sistance de leurs tiges et leur durabilit naturelle Charg d un important pouvoir symbolique le djigal entendu en g n ral comme la case typique des Toupouri ne se construisait pas partout et n importe quelle occasion Elle tait loin d
42. rpente des cases En effet la raret des essences qui s est fait sentir dans les ann es 1960 am ne les paysans op rer de nouveaux choix Ainsi le Mitragyna inernis et le Vitex doniana qui en d pit de leurs caract res tendres l gers et de leur mauvaise durabilit naturelle sont actuellement sollicit s pour la charpente Depuis le lancement des projets de reboisement et de r g n ration du couvert v g tal en 1961 les esp ces telles que Neem Khaya senegalensis et Cassia siamea ont t vulgaris es dans la r gion Actuellement le neem est utilis pour la construction des charpentes Cette essence est aussi sollicit e pour les hangars malgr sa mauvaise durabilit Des choix nouveaux s observent galement au niveau de la case esth tique toupouri Djigal Les herbes traditionnellement utilis es pour la toiture sont remplac es par d autres suite leur raret En effet Sesbania pachycarpa est davantage sollicit e pour sa disponibilit depuis la fin de la d cennie 1970 Domba Actuellement cette case symbolise la richesse et son transport de village en village n est plus courant De ce fait elle perd la quintessence socioculturelle qui lui tait reconnue il y a de cela plusieurs si cles Et de plus en plus on retrouve cette forme de case en pays Massa o certains nantis s offrent le luxe de la construire dans leur zina Les greniers Le grenier pour sa part perd de plus en plus de sa valeur de nos jours
43. s des conceptions th rapeutiques Avant d exposer les vertus m dicinales des plantes il est important de pr senter les diff rentes repr sentations des maladies chez les peuples du Nord Cameroun Les peuples du Nord Cameroun consid rent les maladies comme des affections aux causes naturelles mais d une complication telle qu on a cru y reconna tre des conceptions 598 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun religieuses alors qu elles d coulent de conceptions culturelles de la nature Si les maladies ne sont pas justiciables d un appel aux anciennes forces de la tradition il en va tout autrement d un ensemble de maux caus s par la magie la sorcellerie les empoisonnements ou les transgressions Chacune est naturellement associ e un type particulier de soins D apr s Fassin cit par Nizesete 1992 p 136 la maladie discipline la soci t et justifie le renforcement de la coh sion sociale par des rituels aussi vari s que les maux retenus par l ancienne classification pour autant les troubles du corps ne sont pas aussi souvent associ s la pers cution ou la sorcellerie qu on l a longtemps cru Selon la nature du mal on avait recours des th rapeutes diff rents Mais avant de s attaquer aux sources du d voiement des forces invisibles et de la sorcellerie il tait envisag dans un premier temps les simples causes naturelles
44. s importantes qui entrent dans la composition du m dicament tant t c est la feuille tant t c est l corce ou la racine ou alors la s ve de la plante Ces d monstrations s accompagnent parfois de rituels que le novice doit tout prix ma triser Il revient donc l apprenti gu risseur d tre attentif et tr s concentr car les noms vernaculaires des essences ne sont pas faciles prononcer et retenir Dans la m me lanc e le ma tre indique les diff rentes maladies qui peuvent tre trait es par ces plantes Cette s ance de reconnaissance peut durer plusieurs semaines ou mois selon les capacit s de l l ve Pendant ce temps et afin de s assurer que son l ve a ma tris les usages des plantes et leurs noms vernaculaires le ma tre envoie de temps en temps ce dernier en brousse la recherche des m dicaments C est aussi pendant cette reconnaissance que le gu risseur donne l apprenant tous les conseils relatifs la cueillette la p riode d utilisation des m dicaments et surtout certains interdits et rites La connaissance des vertus des plantes devient ainsi indispensable v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 599 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete Les principales plantes m dicinales et leurs indications th rapeutiques Dans le Tableau 1 on pr sente les noms de quelques plantes m dicinales les plus utilis es et les diff rentes vertus qui leur sont attribu es Tableau 1 Usages des plantes m
45. s l vres des jeunes filles taient perfor es d s l ge de huit ans Les vieilles femmes utilisaient l pine d Acacia sp pour cette blessure esth tique Le piercing avant la lettre Le trou ainsi obtenu faisait l objet d un traitement minutieux pour emp cher une quelconque infection On y coin ait de pr f rence un objet rondelle de facture ligneuse tir e du Maerua angolensis Il faut reconna tre que la technique des labrets varie tr s peu d un peuple un autre Marc All gret la d crit chez les Mousgoum en ces termes Le premier trou serait perc l aide d une pine L pine est laiss e en place quelques jours puis remplac e par une herbe qui est laiss e en place huit jours et qui progressivement est remplac e par une herbe de taille sup rieure puis par une petite rondelle de bois All gret 1987 p 287 Cette pratique douloureuse est galement r pandue dans toute la zone qui s tend du Sud Soudan jusqu au Nord du Cameroun Feckoua 1994 p 119 Dans cette r gion la cohabitation tait autrefois difficile entre les islamis s marchands d esclaves royaume de Baguirmi et celui de Bornou et les peuples non musulmans dont les Toupouri Mousgoum Moundang et les Massa L ins curit qui caract risait cette zone g ographique a suscit le d veloppement de plusieurs hypoth ses de la part des historiens pour justifier cette pratique En effet l hypoth se la plus commun ment avanc e
46. s mutations intervenues dans ces rapports d exploitation s culaire la disparition des essences de valeur du fait de leur surexploitation et le contact avec d autres civilisations europ enne surtout NOTES 1Le gouvernement camerounais dans sa politique de sauvegarde et de reconstitution du patrimoine v g tal a inscrit les projets de reboisement dans les diff rents plans de d veloppement notamment le 1 plan 1961 1966 le 2 plan 1966 1971 le 3 plan 1971 1976 et le 4 qui commence en 1977 baptis Sahel vert 2 Mot massa qui d signe la concession R F RENCES ADALA Hermenegildo Musiques de l Adamoua In Adala Hermenegildo Boutrais Jean Ed Peuples et cultures de l Adamoua Cameroun Actes du Colloque de Ngaound r du 14 au 16 janvier 1992 Paris ORSTOM p 219 224 1993 ALLEGRET Marc Carnets du Congo voyage avec Gide Paris Centre National de la Recherche Scientifique 1987 DE GARINE Igor Les Massa du Cameroun Paris Karthala 1964 FECKOUA Laoukissam Laurent Les labrets marque de l histoire ou recherche esth tique In Feckoua Laoukissam Laurent L Identit tchadienne l h ritage des peuples et les rapports ext rieurs Paris l Harmattan p 115 134 1994 GORMO Jean COQUERY VIDROVITCH Catherine Les Africaines histoire des femmes d Afrique du XIX si cle au XX si cle Paris Desjonqu res 1994 CTET Centre Technique Forestier Tropical Et
47. sud du pays L utilisation de ces chaises s est g n ralis e gr ce la pr sence des menuisiers dans les villages Il faut remarquer aussi que certains paysans tout en adoptant les formes nouvelles de si ges utilisent n anmoins la mati re v g tale locale Les nattes en mati res plastiques sont galement utilis es par les populations Les retrait s fonctionnaires ou militaires ont jou un r le non n gligeable dans l utilisation des lits modernes En effet avant m me leur retour au village ils rapportaient d j des lits en fer au village qu ils distribuaient leurs parents L attrait de ce mobilier moderne confortable a t sans pr c dent pour les paysans toupouri et massa au point qu ils consid rent aujourd hui les lits traditionnels comme le signe de la pauvret d un manque d ouverture C est pourquoi il est rare actuellement de trouver ces lits traditionnels dans les villages Les ustensiles de cuisine Aujourd hui mortiers et pilons bien que concurrenc s par les moulins lectriques et gasoil r sistent la disparition Ils sont utilis s d sormais pour piler les l gumes secs et les condiments Le ravitaillement des march s par les commer ants europ ens avant les ann es 1960 entra ne un d sint ressement progressif des m nag res pour les ustensiles traditionnels Elles int grent d sormais les ustensiles modernes de cuisine et utilisent les calebasses comme palliatif L volution des f
48. t s d Europe taient disponibles dans les subdivisions administratives o les populations locales s approvisionnaient La cr ation de la Cotonni re Industrielle du Cameroun Cicam en 1965 donne une nouvelle impulsion au processus de mutation dans l habillement En effet le co t tr s accessible des tissus crus de la Cicam permet aux populations toupouri et massa de s habiller en pagne L int r t de ces peuples pour cette esp ce de v tement va croissant Hommes et femmes se plient alors aux exigences du modernisme Au contact des Foulb les hommes ont enfil le boubou la gandoura et la ch chia les femmes quant elles ont adopt le port des pagnes et des mouchoirs de t te Au contact du colon les hommes ont choisi chemises et pantalons tandis que les femmes ont pr f r les robes et les jupes Ainsi les cache sexes se trouvent supplant s et d ni s L importation actuelle des pagnes anglais wax anglais des pagnes hollandais Vlisco et ceux du Nigeria wax nig rian contribue amplement au changement dans la mode vestimentaire Aujourd hui la hi rarchisation sociale se lit non seulement travers la qualit du tissu du pagne mais galement travers les broderies de ces habits Les bracelets en fibres port s par les jumeaux et leurs parents n existent plus ou tout au moins sont rel gu s au second plan Les chevilliers et les bracelets base v g tale des Massa ont disparu et ont laiss la place aux bijoux
49. t de la d cennie 90 et pousse ces peuples s initier aux m thodes ancestrales v 20 n 2 abr jun 2013 p 587 607 605 Jean Gormo Bienvenu Denis Nizesete Cette situation est d autant confort e que lorsqu on entre dans une pharmacie on est ahuri par la hausse des prix des m dicaments m me les plus essentiels Or la d valuation du Franc cfa ne permet pas toutes les couches sociales de se faire soigner dans les h pitaux Cette situation qui constitue l un des effets de la crise conomique am ne les uns et les autres s int resser de nouveau aux plantes qui poussent autour d eux Ce retour vers la pharmacop e traditionnelle ne peut que faire du bien aux tradipraticiens qui voient de ce fait leur pouvoir d achat augmenter Consid rations finales L utilisation du v g tal dans les soci t s du Nord Cameroun est diverse Elle int gre plusieurs secteurs de la vie sociale Les peuples de cette r gion l instar d autres populations d Afrique ont toujours su tirer un meilleur avantage de leur environnement v g tal Que ce soit pour se soigner se nourrir s abriter ou alors se divertir ces populations ont toujours tir de leur environnement v g tal l essentiel de leurs ressources Elles ont cet effet d velopp des strat gies et techniques pour leur faire profiter d une exploitation optimum de la nature Cependant cette harmonieuse relation multis culaire sera remise en cause Plusieurs facteurs expliquent le
50. t pas l habitude de se faire soigner l H pital Il transpara t alors de cet extrait d archive que la m decine traditionnelle jouait encore un r le primordial dans la vie de ces peuples jusqu la veille de l ind pendance Cependant apr s les premi res ann es d ind pendance et surtout gr ce l am lioration des revenus des planteurs par les cultures de rente les habitudes sanitaires des peuples changent Ils d couvrent alors les bienfaits de la m decine moderne et commencent fr quenter r guli rement les centres de sant La gratuit des soins primaires dans ces centres hospitaliers fait basculer le centre d int r t de la m decine traditionnelle vers celle des temps modernes Elle marque alors une nouvelle re celle de la primaut de la m decine moderne Cette premi re place ne sera pas entam e jusqu la fin de la d cennie 80 qui inaugure la crise conomique Avec la crise multiforme et multidimensionnelle de cette derni re d cennie du XX si cle crise nerg tique caract ris e par une augmentation du prix du gaz domestique et du p trole crise sociale hausse des prix des m dicaments ran onnement des malades baisse drastique du pouvoir d achat des populations on assiste une dynamique nouvelle Celle ci est marqu e par un engouement nouveau des paysans du Nord Cameroun pour la m decine traditionnelle qui semblait d j en perte de vitesse Ce regain d int r t est perceptible depuis le d bu
51. ude de relation entre qualit acoustique d un bois en percussion et caract ristiques de r sonance mesur es en laboratoire Fascicule publi par le CTET Nogent sur Marne ESSEM Juillet 1989 606 Des v g taux et des hommes dans la soci t toupouri du Nord Cameroun permanences et changements M moire Ma trise en Histoire Universit de Ngaound r Cameroun 1998 GORMO Jean Les plantes et l homme dans les soci t s Toupouri et Massa du Nord Cameroun du XIX au XX si cle Th se Doctorat en Histoire Universit de Ngaound r Cameroun 2005 Hist ria Ci ncias Sa de Manguinhos Rio de Janeiro Des v g taux et leurs usages chez les peuples du Nord Cameroun GUILLARD Joanny Golonpoui Nord Cameroun analyse des conditions de modernisation d un village du Nord Cameroun Paris Mouton 1965 JEAN PAUL II pape Exhortation apostolique post synodale Ecclesia in Africa Vatican Liberia Editrice Vaticana 1994 LEBEUF Jean Paul Arts des Sao Paris Du Ch ne 1977 LENFANT Eugene La grande route du Tchad Paris Hachette 1905 NIZESETE Bienvenu Denis Les hommes et le bois dans les hauts plateaux de l Ouest Cameroun des l ments pour l Arch ologie l Histoire et la Technologie du Bois dans les Grassfields Cameroun Th se Doctorat en Histoire Universit de Paris I Panth on Sorbonne Paris 1992 OBENGA Th ophile L Afrique dans l antiquit gypte pha
52. use de mat riaux ligneux et herbac s d une grande h t rog n it ce mod le d habitation est la traduction concr te du savoir faire des populations locales dans la ma trise des ressources de leur milieu naturel Si la cueillette tait le domaine r serv des femmes la construction des cases et des greniers est l uvre des hommes qui rivalisent d adresse au chantier pour offrir leurs pouses et leur belle famille la plus belle case du village et le plus solide des djigal cette toiture de paille On rencontre en pays toupouri deux types de cases diff renci es par leurs toitures l une base de chaume uniquement le djigal l autre alliant le bois et les gramin es La construction de la case aligne une s rie d tapes dont les plus importantes sont le d blayage et le nivellement du terrain le creusement de la fondation l l vation des murs avec de l argile crue m lang e aux d graissants v g taux constitu s du Combretum aculeatum et Andropognon pseudapricus La toiture de forme conique la base arrondie et au sommet pointu est un amas de gramin es tiss o les Andropgnon tectorum Echinochlon pyramidalis et Hyparrhenia rufa s associent harmonieusement Les brindilles de paille sont maintenues ensemble par des cordelettes tiss es pr lev es des corces de Bauhinia thonningii d Acacia hebeclado des et de Sterculia setigera Ces cordes d une solidit remarquable accrochent aussi la toiture la cha
53. ut de la femme Lorsqu elle est teint e en rouge le Toupouri sait qu il a affaire une femme mari e Les veuves non remari es portent plut t une ceinture de couleur noire Les jeunes filles non mari es quant elles sont dispens es du port de cette ceinture Cette marque sociale de la ceinture pelvienne tait aussi connue du peuple Massa qui la confectionnait partir des fibres de Vigna unguculata Tout comme chez les Toupouri le Bougana teint l ocre rouge tait port par les femmes mari es massa C est apr s avoir fait entre cinq sept mois de mariage que la jeune fille tait autoris e la porter Contrairement ce qui se passe chez les Toupouri la veuve massa porte un autre type de ceinture plus large que la premi re et grossi rement tiss e base d corce d Hibiscus diversifolus bolla Le port de cette ceinture avait pour but de couvrir la nudit de la veuve et de la rendre moins attirante afin de l loigner de son d funt mari qui pouvait mystiquement la reprendre C est pourquoi dans la soci t massa la femme doit subir un rituel de r clusion moutchawa destin l loigner de son d funt mari L arbre comme coffret bijoux Les peuples du Nord Cameroun poss dent une gamme vari e de parures Celles ci sont faites base de m taux et de mati res v g tales Elles sont port es lors des grandes c r monies rituelles ou lors des march s p riodiques La gramin e Panicum longijubatum cag
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