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La mutation des métiers de l`éducation et de la formation

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1. alisent dans les classes alors que tout le monde sait bien que ce n est pas vrai De m me on fait semblant de croire qu un certain nombre d enseignants se transforment en th rapeutes et abandonnent les connaissances transmettre ce qui n est videmment pas vrai heureusement d ailleurs P dagogie du sens et p dagogie de la v rit Nous savons aujourd hui la n cessit de faire merger du sens dans les savoirs non seulement au niveau fonctionnel utilitaire mais galement au niveau anthropologique La p dagogie ne doit pas se limiter permettre des l ves de lire les modes d emploi d appareils lectrom nagers de d crypter des comptes rendus de comit s d entreprises ou de trouver un num ro dans l annuaire de t l phone elle doit chercher d gager un sens qui renvoie aux questions fortes et essentielles que les enfants peuvent se poser Et le savoir et le sens ont quelque chose voir avec la transgression puisque l acc s au savoir repr sente l acc s un pouvoir et la possibilit d acc der un autre statut Dans le rapport au savoir nous nous situons dans une affaire o le d sir est retrouver restaurer et r inventer Mais en m me temps nous sommes aussi dans un monde o il est important de reconstruire des accords sens s entre nous Ceci est parfois contradictoire avec une insistance trop forte sur le caract re subjectif du sens en effet le sens renvoie le plus souvent aux pro
2. ce temps que je construis seul l autre peut d cider d apprendre seul l autre peut s engager dans l inconnu et je ne peux que l accompagner Imaginer que par une am lioration des proc d s didactiques on pourra faire faire l autre celui qui apprend et qui grandit l conomie du d sir de grandir et d apprendre c est se situer dans un registre qui n est pas celui de l ducation mais plut t celui de la manipulation 2 T tonnements et contradictions des p dagogues On peut voquer l volution de la p dagogie contemporaine et des m tiers de l ducation et de la formation travers trois probl matiques La ruse rousseauiste et ses infinies variations didactiques Nous sommes tous les h ritiers de la ruse rousseauiste de l Emile Pour rappel mile est r fractaire l apprentissage des points cardinaux Le pr cepteur d mile ne sait pas comment lui enseigner ce qu mile ne veut pas apprendre jusqu au jour o le pr cepteur d cide de perdre mile dans la for t un moment o il a particuli rement faim La faim montant le pr cepteur en profite pour lui enseigner les points cardinaux et lui faire retrouver son chemin par ses propres moyens Nous n en finissons pas de d cliner la ruse rousseauiste sous toutes ses formes on l appelle situation probl me situation obstacle probl me ouvert Il s agit d une d clinaison l infini qui consiste attraper le d sir l o 1l est mais o l on ne voudrait
3. La mutation des m tiers de l ducation et de la formation Philippe Meirieu Les m tiers de l ducation sont aujourd hui confront s une modernit difficile Celle ci nous place en face de d fis qui se sont rarement pr sent s nous dans l histoire de humanit d une part une acc l ration absolument extraordinaire de la production des connaissances d autre part l apparition d une d liaison transg n rationnelle ce qui tait tabli et qui se transmettait de fa on quasiment naturelle par impr gnation a du mal aujourd hui se transmettre En outre on note une perte de consensus sur les valeurs qu il convient d imposer ou de transmettre aux enfants Mais ne faut il pas revenir ce qui fonde le m tier d enseignant en de et au del de cette modernit pour pr cis ment pouvoir y faire face 1 Enseigner un m tier en soi impossible Avec la psychanalyse et la politique le m tier d enseignant a t d fini par Freud comme un m tier impossible qui ne peut aller que du Charybde du laisser faire au Scylla de la frustration Essayons de rep rer ce qui au c ur de ces m tiers en constitue la dimension ducative partir de quatre paradoxes duquer entre domestication et affranchissement duquer c est accueillir dans la maison et il y a toujours que nous le voulions ou non dans l ducation une part d assujettissement du sujet avec tout ce que cela comporte de cho
4. blissements courent l chec dans la mesure o ils supposent qu existe d j ce que ces dispositifs sont pr cis ment suppos s former Je pense aux conseils de la vie lyc enne aux d l gu s de classe toute une s rie de responsabilit s que l on peut donner aux l ves dans l cole Mais parfois toutes ces structures sont mises en place dans la plus totale improvisation sans tre accompagn es de la formation l mentaire des enseignants et des l ves des techniques aussi simples que celles de la prise de parole par exemple Cela rel ve d une na vet qui me para t extr mement pr judiciable et qui bien des gards est une na vet pleine de bons sentiments les l ves sont responsables capables ils sont d j autonomes On prend ce qui devrait tre l objectif pour d j acquis en s interdisant ainsi de l obtenir on pr pare le retour en arri re sous l il particuli rement content des sp cialistes du statu quo Toujours restaurer la contradiction ducative Certains veulent radiquer toute contradiction dans l acte ducatif au point de croire que l ducation fonctionne par d cret Pour eux 1l suffirait de d cr ter les choses pour qu elles adviennent on d cr te l l ve et l on abolit l enfant On d cr te l abolition de l affectif et l h g monie du cognitif On d cr te que la famille n existe pas on d cr te que l histoire n existe pas on d cr te que la culture d origine n ex
5. conflit d opinions L arriv e de l enfant bolide Dans nos classes nous avons des l ves qui n ont jamais t aussi exasp r s au plan psychologique ils arrivent avec un univers int rieur chaotique avec des pr occupations qu ils ne peuvent pas porter comme par exemple des situations familiales impossibles Et dans cette situation sur affectiv e les classes n ont jamais t aussi vides d objets capables de venir quelque peu lester les relations affectives Francis IMBERT parle de l arriv e des enfants bolides qui dans la classe se l vent amp se mettent crier ou s ils ne sont pas contents s en vont On peut l gitimement se demander si les enseignants sont outill s pour faire face de telles situations N envoie t on pas l au fin fond de la brousse des enseignants sans st thoscope ni aspirine en leur ayant donn le mode d emploi d un scanner dont ils ne pourront sans doute jamais se servir avec tous les manuels de didactique qu ils auront ing r s sans forc ment les dig rer 4 Quatre d fis affronter face la modernit Tout en restant fid les ce qui constitue notre identit d ducateur nous avons aujourd hui quatre d fis relever Ne jamais laisser supposer l ducation d j faite On peut tre frapp aujourd hui par les grandes difficult s auxquelles sont confront s les tablissements qui ont tent de mettre en uvre un certain nombre de nouveaux dispositifs ces ta
6. ertains l ves taient ceinture jaune en comportement ceinture rouge en math matique ceinture marron en grammaire Tout cela tait affich avec des petites pastilles et ainsi on savait o chacun en tait ce qui permettait d ailleurs d aller trouver quelqu un de comp tent qui n tait pas forc ment le ma tre en fonction de la ceinture qu il avait dans l une et l autre discipline Quand un l ve passait les preuves pour acc der une nouvelle ceinture il se donnait un objectif il se donnait un d fi lui m me il se projetait dans le futur Ensuite 1l s imposait une s rie d preuves qui n taient pas faites pour le faire tr bucher mais pour le faire r ussir Et ensuite gr ce ces preuves il gagnait la fois des devoirs et des droits Selon la ceinture obtenue l l ve se voyait confier des responsabilit s de plus en plus grandes Une des cl s qui fait que l ducation fait grandir ou aide grandir c est d installer des dispositifs qui permettent d introduire de la diff rence constructive dans la r p tition mortif re du scolaire Il faut qu travers ce genre de dispositifs l l ve puisse s anticiper diff rent C est le principe m me de l ducation sur lequel devrait tre recentr s tous les m tiers de l ducation et de la formation
7. exigences qui peuvent tre des exigences de transparence de rationalit etc Cette id ologie de la transparence absolue dans la transmission est un d lire technocratique repr sentatif d un sympt me celui d enseignants qui ont besoin de se rassurer de se r tayer dans leur propre d marche ce titre d ailleurs le discours technocratique reste efficace pas du tout avec les l ves mais comme outil de formation pour les enseignants qui veulent faire un travail d investigation sur leur propre savoir l oppos de ce d lire technocratique nous avons vu appara tre un d lire pseudo psychologique sur l coute sur le respect sur la possibilit de transformer l ducation en une sorte d activit jardini re qui consiste entourer l enfant de soins bienveillants pour le laisser se d velopper et s panouir Je ne mets pas en cause des personnes comme Fran oise DOLTO ou Carl ROGERS je parle de la vulgate qui s est d velopp e autour de leur nom Il s agit d un discours qui est plut t prendre aussi comme un sympt me comme une sensibilit qui s exprime et non pas comme une prescription suivre La pr sence de ces discours et le fait que nous n ayons pas lucid leur statut en tant que discours est l origine d un nombre de confusions et de d bats absolument st riles Quand on veut attaquer les p dagogues sous l angle technologique on fait semblant de croire que les belles planifications de la didactique se r
8. ial et lui permettaient ainsi de faire correctement son m tier d l ve Ma m re m avait savamment expliqu comment l cole il fallait que je regarde la ma tresse assez longtemps pour ne pas para tre hypocrite mais pas trop longtemps pour ne pas para tre insolent Il y avait une mani re de poser ses yeux qui tait particuli rement efficace pour tre un bon l ve Nous sommes aujourd hui dans un univers o les connaissances scolaires qui taient construites sur une esp ce de socle assur familialement ont beaucoup plus de mal se transmettre parce que ce socle familial constitu d un ensemble d attitudes acquises est nettement moins stabilis Le triomphe du conflit d opinions Aujourd hui l cole nous ne sommes plus dans un lieu o c est la v rit qui arbitre mais o le conflit d opinions r gne Le ma tre a son opinion l l ve a son Opinion on va voir qui va faire triompher son opinion sur l autre et pour combien de temps Or si nous relisons certains textes fondateurs comme par exemple celui qui a instaur la le on de choses nous voyons que si l instituteur am ne sur sa table un faisan empaill ou une balance poids cela n est pas d abord pour attirer l int r t de l l ve c est pour dire l l ve Ce que je vous dis ne le croyez pas sur parole v rifiez l avenir ce que je vous dis avec ce que je vous apporte La le on de choses tait d j un moyen de sortir du
9. iste pas Il faut peut tre m thodologiquement donner un l ve le droit ce qu on ignore son pass Mais l ducation c est justement la contradiction il faut un certain moment s efforcer de ne pas voir quelque chose mais en m me temps en tre conscient et lucide pour pouvoir accompagner et aider l autre le d passer Il y a des mani res de traiter les questions ducatives qui soit basculent dans la poursuite de la colonisation de l int rieur soit d rivent dans une p dagogie compr hensive relativiste C est toujours le m me refus d articuler la complexit Or l ducation c est de mani re dialectique la prise en compte des cultures vernaculaires la prise en compte des gens tels qu ils sont et aussi le travail avec eux pour acc der l universel Diff rencier la p dagogie La diff renciation de la p dagogie ne constitue pas un gadget Il s agit de prendre en compte l enfant tel qu il est non pour le laisser tel qu il est mais parce que ce principe de r alit est un principe fondamental qui s oppose au principe du d cret La diff renciation p dagogique repr sente simplement l acceptation qu on ne d cr te pas les personnes mais qu on les accepte ce qui ne veut pas dire qu on les accepte telles qu elles sont et qu on les enferme dans ce qu elles sont Instaurer l anticipation au c ur de toute pratique Fernand OURY avait mis en place dans sa classe le syst me des ceintures de judo C
10. ix arbitraires le respect des horaires le respect des rites l adoption du langage toutes choses que celui qui arrive doit s astreindre respecter pour participer la vie de ceux qui l accueillent Mais en m me temps l ducation ne peut se limiter cette domestication Elle est toujours aussi et simultan ment affranchissement c est dire effort pour que l autonomie du sujet s rige progressivement et que quelqu un merge qui diff re de cette diff rence dont parle Jacques DERRIDA qui n est pas la diff rence avec un e celle dont on h rite la diff rence dans laquelle nous ne sommes pour rien diff rence de religion de coutumes ou d habitudes mais la diff rence que l on se forge celle que l on d cide d assumer la diff rance avec un a celle qui est le g rondif du verbe diff rer Diff rer c est oser sa diff rence et indiquer que l on existe comme 1 sujet avec ce petit cart qui fait qu au sein de la domestication nous existons nous m mes autrement Eduquer entre transmission et autodidaxie Tout autodidacte disait Paul RICOEUR est un imposteur parce que nous ne pouvons rien apprendre de nous m mes et que tout ce que nous savons d essentiel nous le savons par la transmission de ce que les autres nous enseignent D autre part comme disait Carl ROGERS on n apprend bien que ce qu on apprend soi m me c est dire ce que l on s est r approp
11. jections personnelles la fa on dont chacun se construit Les accords sens s repr sentent eux ce sur quoi l on s accorde en faisant pour une part sacrifice du sens individuel que l on donne quelque chose de telle mani re pouvoir se mettre d accord sur ce que l on dit ensemble de cette chose Ce n est qu partir du moment o un objet est stabilis qu partir du moment o cet objet est A construit entre nous qu existent les bases d une discussion qui aboutit ventuellement un accord sens 3 les exasp rations de la modernit Effondrement de l alliance strat gique entre les parents et les ma tres Au d part l cole de Jules Ferry s est construite sur l opposition des parents et des ma tres puisque qu il fallait alors lib rer les enfants de leurs parents Pour Jules Ferry l opposition entre l cole et la famille c est l tat contre le local et l int r t particulier c est l galit contre l h ritage des privil ges c est la raison contre la superstition Cette opposition id ologique entre la famille et l cole a en fait cach une tr s grande convergence strat gique si les parents et l cole taient en guerre id ologiquement pour exercer la tutelle sur les enfants strat giquement ils construisaient ensemble un syst me d assujettissement l autorit de l adulte qui faisait que quand l enfant arrivait l cole un certain nombre de choses taient int rioris es dans l univers famil
12. ni travers une logique de comp tences et il y a l un danger privil gier d une mani re excessive les comp tences au d triment de l intention Jules FERRY a d fini le m tier d enseignant comme un m tier de r sistant une triple emprise l emprise du patronat des trangers et de la religion Il resterait se demander aujourd hui o la famille et la religion ne sont plus des emprises majeures de quelles emprises nous avons lib rer nos l ves on pourrait citer la drogue la t l vision les emprises des fonctionnements groupaux de type tribal ou clanique duquer entre les conditions et le passage l acte duquer former c est r unir des conditions pour que l autre grandisse pour qu il s approprie des savoirs Je peux r unir autant de conditions que je veux je ne ferai jamais faire l autre l conomie du passage l acte Seul lui in fine d cidera d apprendre Il y a l quelque chose de tout fait d terminant d une part cette acceptation d un pouvoir presque infini d explorer les conditions qui facilitent les apprentissages et d autre part une sorte d impouvoir radical que je dois assumer relatif ce qui d clencherait m caniquement les apprentissages J ai toujours le 7 pouvoir de cr er les conditions qui facilitent ces apprentissages apporter des ressources cr er des stimulations enrichir le milieu am liorer l accompagnement mais au sein de cet espace que J am nage de
13. pas qu il soit pour l amener l o il n est pas mais o l on voudrait qu il soit Dans cet exercice il nous incombe de faire la diff rence entre la ruse et la manipulation Accompagnement th rapeutique et contr le technologique Dans notre univers mental p dagogique se sont d velopp es deux grandes sensibilit s qui ont donn lieu l une et l autre des discours qui ne doivent pas tre pris comme des discours scientifiques mais plut t comme des discours caract re litt raire ou pique ils insistent sur la mani re de d cliner la ruse rousseauiste d une part sous l angle de l accompagnement th rapeutique et d autre part sous l angle du contr le technologique Le contr le technologique c est la d clinaison de la ruse rousseauiste par les didacticiens patent s c est l organisation de situations probl mes labor es avec des taxonomies particuli rement bien faites des batteries d objectifs et de sous objectifs ayant chacun leurs r f rences dans le domaine psychosocial sensori moteur et cognitif des pr requis fonctionnels et structurels qui sont n cessaires dans la mise en place d une progression de telle mani re que chacun acc de in fine l objectif final que l on s est fix Cette esp ce de d lire technologique en ducation est la p dagogie peu pr s ce que 1984 d ORWELL est la politique c est dire une 2 sorte de r verie totalitaire qui pousse leur terme un certain nombre d
14. ri ce qui r pond des questions que l on se pose Et la difficult de l ducation c est de tenir ensemble ces deux affirmations c est de r sister radicalement la simplification qui voudrait que l on en carte l une ou l autre Aucun l ve de terminale m me bien encadr m me avec un suivi th rapeutique le plus bienveillant qui soit ne retrouvera jamais en quelques heures et avec une bonne m thodologie de travail de groupe la relativit g n rale d Einstein Mais de la m me mani re aucun l ve m me s il a un excellent cours magistral et dispose des plus beaux manuels scolaires m me s il a sa disposition les multim dias les plus sophistiqu s ne pourra jamais se passer d une d marche personnelle d appropriation que lui seul peut mettre en actes que lui seul peut effectuer dans un travail sur lui m me qui l implique forc ment et qui met en Jeu ce que PIAGET et ses successeurs ont appel les conflits socio cognitifs Eduquer entre comp tences et intention duquer c est toujours faire acqu rir des comp tences Mais au del de ces comp tences il est important d accepter l id e qu aucun apprentissage ne peut se r duire la somme des comp tences n cessaires pour l exercer On pourrait d ailleurs cet gard r fl chir au m tier d enseignant et montrer que celui ci a longtemps t d fini comme un art travers une logique de l intention Il est aujourd hui d fi

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