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Le Dictateur / Livret enseignant

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1. Le carton initial du Dictateur se comprend il de la m me fa on avant et apr s qu on a vu le film On pour ra revenir sur le carton habituel qu on lit au d but de certains films contraints de r affirmer leur qualit de fiction face d ventuelles poursuites judiciaires Toute ressemblance avec des person nages r els ne peut tre que fortuite Dans un premier temps la d n gation habituelle ment situ e entre r el et fiction se trouve d plac e dans un univers exclusivement fictionnel Hynkel le barbier mais c est pour mieux renvoyer au mod le bien r el qui sous tend Hynkel autrement dit le carton implique que la ressemblance Hynkel Hitler n est elle pas du tout accidentelle Cette phrase renvoie in vitable ment une ressemblance qui pr existe au film celle entre Charlot et son voleur de moustache Hitler voir CRITIQUE Rire de tout La br ve s quence du camp de concentration 24 a t tourn e bien avant que le monde entier mait acc s aux images d horreur absolue docu mentant le syst me concentrationnaire voir ce sujet ouvrage d Antoine de Baecque l Histoire cam ra les gags et l habit de bagnard rappellent Charlot s vade 1917 ou Les Avatars de Charlot 1918 En 1964 dans ses m moires Chaplin crit Si j avais connu les r elles horreurs des camps de concentration allemands je n aurais pas pu r aliser Le Dictateur je n aurais pas pu tourner
2. 14 Coup de foudre unisexe La s quence 12 montre pour la pre mi re fois le barbier au travail Apr s s tre fait raser M Jaeckel lui propose de coiffer Hannah dans le but d ouvrir un jour un lucratif salon de beaut et parce qu elle ne peut pas deve nir plus moche Sa taquinerie bon enfant il les sait attir s l un par l autre augure de la naissance d un couple dans l humour On tudiera trois plans qui se succ dent quand Hannah cadr e en buste sur le fauteuil renverse sa t te en arri re et s en remet aux mains du coiffeur enfin du barbier Le gag qui suit se fonde sur l tourderie l un de leurs points communs qui selon elle ne manque pas de charme Mais si le barbier la rase comme un homme c est aussi parce que cette h ro ne a des qualit s dites viriles elle r siste aux SA s q 6 et d sob it Schultz s q 22 Le barbier appara t dans ces plans comme un personnage de cin ma muet il b gaie ou r pond par mono syllabes Ce n est qu apr s le rire lib rateur qu il exprimera son amour en embellissant la Cendrillon du Ghetto Cette m tamorphose pr lude la sienne l tourdi interdit se r v lera la fin un proph te prolixe dans une nouvelle adresse Hannah s q 38 LAN Rasage en musique Au d but de la s quence 16 sur le gros plan d une radio un speaker annonce une happy hour Faites de votre travail
3. sont enferm s Hitler et ses hommes Une partie de la critique et des spectateurs a t d rout e par la dimension uchronique de ce film qui transpose dans l Histoire un sc nario de vengeance typique d un certain cin ma d action Mais le cin ma antinazi bon ou mauvais tourne toujours autour du meurtre fantasm d Hitler Dans Chasse l homme de Fritz Lang Walter Pidgeon tient en joue quelqu un au bout de la lunette de son fusil Hitler Le d sir du spectateur est tendu vers la r ussite de son geste mais la r alit historique le film date de 1941 interdit qu il y parvienne Chez Lang c est des r sis tants bien r els de se charger de liquider Hitler m me si le cin ma Hitler un film d Allemagne TMS Film peut cristalliser visuellement ce fantasme l ann e suivante Alexander Korda qui avait donn Chaplin l id e de la ressemblance Hitler Charlot du Dictateur produit To Be or Not to Be d Ernst Lubitsch 1942 Une troupe de th tre polonaise y r p te en 1939 une pi ce antinazie intitul e Gestapo l invasion de la Pologne par Hitler vient troubler ses activit s et conduit l acteur qui interpr te Hitler sur sc ne Bronski usurper son identit dans la vie r elle Aussi le titre shakespearien traduit il dans ce chef d uvre comique loscillation des sosies entre leur l ger ridicule d acteurs la manque et leur lourde responsabilit d acteurs sur la sc ne de la grande Histoire
4. CHARLES CHAPLIN MODE D EMPLOI Les premi res rubriques de ce livret plut t informatives permettent de pr parer la projection Le film fait ensuite l objet d une tude pr cise au moyen d entr es vari es r cit s quence plan associ es des propositions de travail en classe Les derni res rubriques offrent d autres pistes concr tes pour aborder le film avec les l ves Des rubriques compl mentaires s appuyant notamment sur des extraits du film sont propos es sur le site internet wWww site image eu asultaf f a K Le pictogramme indique un lien direct entre le livret et une des l rubriques en ligne S ni a alence Directeur de la publication ric Garandeau Propri t Centre National du Cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l O1 44 34 34 40 R dacteur en chef Simon Gilardi Ciclic R dactrice du livret Charlotte Garson Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2012 Ciclic agence r gionale du Centre pour le livre l image et la culture num rique 24 rue Renan 37110 Ch teau Renault T l 02 47 56 08 08 www ciclic fr Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est juillet 2012 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur Chaplin cin aste Acteur Personnage Vie et mort du Vagabond Gen se Envers et contre tout
5. Charlot sa moustache Deuxi me round Charlot reprend cette moustache mais cette moustache n tait plus seulement une moustache la Charlot elle tait devenue entretemps une moustache la Hitler En la reprenant Charlot gardait donc une hypoth que sur lexis tence m me d Hitler Il entra nait avec elle cette existence il en disposait sa guise Il en fit Hynkel Car qu est ce qu Hynkel sinon Hitler r duit son essence et priv de son existence Hynkel n existe pas C est un fantoche un pan tin dans lequel nous reconnaissons Hitler sa moustache sa taille la couleur de ses cheveux ses discours sa sentimentalit sa cruaut ses col res sa folie mais comme une conjoncture vide de sens priv e de toute justification existentielle Hynkel c est le n ant d Hitler Les rapports de Charlot Hitler sont un ph nom ne exceptionnel peut tre unique dans l histoire de l art universel Charlot a entrepris de cr er avec Hynkel un tre non moins id al et d finitif que ceux de Racine ou de Giraudoux un tre ind pendant m me de l existence d Hitler d une n cessit autonome Hynkel la limite pourrait exister sans Hitler puis qu il est n de Charlot mais Hitler lui ne peut plus faire que Hynkel n existe sur tous les crans du monde C est lui qui devient l tre acciden tel contingent ali n pour tout dire d une existence dont l autre s est
6. criture Danse routine Contexte Des actualit s la fiction D coupage s quentiel R cit Irajectoires crois es Mise en sc ne Le burlesque S quence Terreur au haut parleur Plan Rasage en musique Figure Face la foule Technique Le son Filiations Hitler l cran Pistes de travail Critique Pastiche et postiche S lection bibliographique preuve 12 14 15 16 17 18 20 FICHE TECENIQUE CHARLES CHAPLIN LE DICTATEUR 4 heureuse et galitaire me Affiche cr e pour la ressortie du film en 2002 MK2 Le Dictateur The Great Dictator tats Unis 1940 R alisation sc nario Charles Chaplin Image Karl Struss et Roland Totheroh Son Percy Townsend Meredith Willson Charles Chaplin Musique originale Montage Willard Nico Costumes Wyn Ritchie Ted Tetrick D cors J Russell Spencer Production Charles Chaplin Productions Distribution fran aise 2012 MK2 Dur e 2 h 04 Formats 35 mm couleurs 1 1 33 Tournage septembre 1939 mars 1940 Sortie fran aise 4 avril 1945 Interpr tation Adenoid Hynkel Le barbier juif Charles Chaplin Benzino Napaloni Jack Oakie Schultz Reginald Gardiner Garbitsch Henry Daniell Herring Billy Gilbert Hannah Paulette Goddard M Jaeckel Maurice Moscovich SYNOPSIS En 1918 un soldat tomanien barbier juif dans le civil
7. l ensemble des habitants r unis dans la cour tend son emprise sur la cour enti re La voix a viol l intimit pleine de promesses amoureuses du d but de la s quence l imp ratif d Hannah au barbier teignez la radio marque la fin du dis cours et le passage lacte d Hynkel Les SA prennent le relais sub stituant au hors champ radiophonique le son hors champ de plus en plus rapproch et bient t in du bruit de leurs bottes Tout en proposant une mise en sc ne alternative au discours d Hynkel de la s quence 5 le dispositif de cette s quence analyse avec pr ci sion l utilisation de la radio th oris e par le nazi Goebbels m me si d s Les Temps modernes le patron de lusine disposait d une vid o surveillance avant la lettre La retransmission radio d cuple le volume de la voix et lui conf re une ubiquit surnaturelle Mais cette voix qui envahit l espace public et le transforme en prison quelques plans plus tard l pisode se cl t sur le gros plan d un couple d oiseaux en cage vaut aussi comme m taphore de la technologie du parlant envahissant le cin ma Dans cette d monstration brillante de la puis sance suggestive du hors champ sonore la petite histoire celle du cin ma de Chaplin pers cut par le parlant devenu obligatoire s offre en synecdoque de la grande 1 Cette voix panoptique de surveillance Michel Chion rappelle aussi le dispositif diabolique de Mabuse dans Le
8. anglaise soit d form es D mocracy shtunk Liberty shtunk la d mo cratie et la libert stink litt ralement puent soit intactes soldiers for Hynkel gt D autres sont allemandes ou yiddish Notons que des mots comme Wiener Schnitzel lager Bier Liverwurst ou encore Sauerkraut sont compr hen sibles par le public anglophone carils existent tels quels en am ricain il s agit de clich s culinaires allemands rep rables choucroute bi re saucisse On analysera l effet comique de cette incrustation d une langue dans une autre Mais on s interrogera aussi sur la r duction d un signifi un discours id o logiquement tr s charg son signi fiant le rythme heurt d une langue travers e de sifflantes haineuses Tchuden pour Juden les juifs Quand la charge pulsionnelle des grogne ments remplace les mots le passage l acte manu militari menace En pla ant l accent sur le son pur davan tage que sur le texte Chaplin souli gne qu Hitler vise les affects plut t que la raison de son auditoire Sensible l arriv e du son au cin ma Chaplin reconna t travers cette satire une certaine efficacit la propagande nazie ax e sur la mise en espace et en ondes de la voix 11 12 S QUENCE Terreur au haut parleur la s quence 19 du Dictateur Hynkel furieux que le banquier juif Epstein lui ait refus un pr t d cide d adresser son discours radio
9. entrer dans l re du parlant la fin des ann es 1920 Charlie Chaplin prend le son bras le corps dans Le Dictateur L tymologie m me du titre du latin dicere d signe la parole comme un moteur de l absolutisme Linjonction de Schultz Vous devez parler il le faut s q 38 s entend la fois comme une exhortation s engager politiquement contre le totalitarisme et comme l acceptation totale par Chaplin du cin ma parlant La vari t des utilisations du son fait de ce film un v ritable manuel des effets sonores Les trois cat gories de sons sont explor es plein les bruits g n rent toutes sortes de gags les flatulences de la Grosse Bertha les pi ces indigestes dans le pudding les paroles ont leur propre comique les discours d Hynkel m me la musique fait l objet d un traitement humoristique usage de Lohengrin souligne les r ves m galomanes du dictateur s q 15 Parfois l humour na t d une porosit entre deux cat gories le sabir d Hynkel tient la fois du bruit et de la parole c est une longue onomatop e haineuse dont les variations rythmiques trahissent une instabilit motionnelle Amplifi par les haut parleurs s q 19 le volume de la voix d Hynkel est mis en contraste avec l absence de timbre du barbier l loquence du discours final est d autant plus frappante que le barbier tait jusqu alors mutique mais comme l a remarqu Michel Chion les hoquets m ta
10. nourri sans pourtant la lui devoir et qu il an antit en l absorbant Ce cambriolage ontologique repose en derni re analyse sur l effraction de la moustache Consid rez que Le Dictateur e t t impossible si Hitler avait t glabre ou s il s tait taill la moustache la Clark Gable Tout l art de Chaplin n y e t rien fait puisque Chaplin sans sa moustache n est plus Charlot et qu il fallait que Hynkel ne proc d t pas moins de Charlot que de Hitler qu il f t la fois et l un et l autre pour n tre rien que c est l exacte interf rence des deux mythes qui les an antit Mussolini n est pas annul par Napaloni il n est que caricatur il se peut d ailleurs qu il ait assez peu d existence pour tre tu par le ridicule Le cas d Hynkel est dif f rent il repose sur les propri t s magiques de ce calembour pileux Il e t t inconcevable si Hitler n avait pas commis le premier l imprudence de ressembler Charlot par sa seule moustache Andr Bazin Sur Le Dictateur Esprit n 12 novembre 1945 repris sous le titre Pastiche et postiche ou le n ant pour une moustache dans Bazin Qu est ce que le cin ma d du cerf 1962 r d 1976 et 1985 et dans Bazin Charlie Chaplin 2000 pp 32 36 Tr s souvent repris cet article est parfois r duit son anecdote la subtilisation de Pattribut pileux Dans un essai paru en 2010 Jean Narboni rappelle que Bazin voyait Le Di
11. par Herring rev t une noirceur r trospectivement d cupl e par notre connaissance de l utilisation du Zyklon B dans les camps d extermi nation Les noms des personnages du film sont humoristiques par leur trans parence m me Hynkel Hinkel tait un haut dignitaire nazi de l poque dont le pr nom Adenoid d signe un tissu humain mou se rapporte videm ment Adolf Hitler le F hrer comiquement appel Notre Phooey par le commentateur d actualit s interjection am ricaine fooey marque le d go t ce que la VF du film notre chef renonce traduire Quant la croix gam m e elle devient une double croix peu vocatrice en fran ais mais significative en anglais to double cross signifie trahir Benzino Napaloni fait de Benito Mussolini un Napol on moteur Benzin essence en allemand l accent de Chico Marx Herring associe Hermann G ring ministre nazi de l conomie et promoteur de l aryanisation avec le hareng go teux dans la cuisine yiddish et Garbitsch jette aux ordures garbage Joseph Goebbels ministre nazi de la Propagande et principal instigateur de la Nuit de cristal Tomainial l Allemagne souligne dans son tymologie la folie maniaque mania en anglais et l Italie devenue Bacteria serait assainir quant l Osterlich concat nation de Osterreich Autriche en allemand et ostrich autruche en anglais il d signe le pays natal d Hitler qu il a ann
12. phonique aux enfants d Isra l plut t qu ceux de la double croix Ce changement d auditoire et de texte il froisse les notes pr par es pour le discours est aussi un revirement politique il avait d cr t arr t des pers cutions dans le Ghetto ouvrant une parenth se de paix dans laquelle s est bauch e une idylle entre le barbier et Hannah chapitre 8 mais sa rage radiophonique mar quera le durcissement de ses exactions envers les juifs Le fondu encha n passant du Palais la boutique du barbier 01 00 12 pose un contraste entre les humeurs des deux person nages sosies dun c t Hynkel drap dans une cape ridicule mais qui donne son sombre dessein une tonalit vampirique de l autre le barbier en galant tir quatre pingles v rifiant sa mise et se frot tant les ongles sur l appuie t te du si ge de coiffeur avec une pr ci sion gestuelle que tout spectateur conna t Charlot l inverse du bureau d Hynkel film comme un espace herm tique le Ghetto a une architecture taille humaine o tout communique d une volte face le barbier qui embrassait du regard sa boutique se retrouve dans la cour Son rendez vous avec Hannah a d sormais un auditoire de voisins Ce gag plein de douceur les amoureux ne sont pas seuls fait du Ghetto une communaut bienveillante o l intimit passe apr s la fraternit mais o inversement la fraternit politique ne sacrifie ri
13. tre ou ne pas tre Hitler ou Goering telle est la question Au d but des ann es 1980 Woody Allen proposera dans Zelig une variation tout aussi humoristique sur la rencontre entre l homme de la rue et le dictateur entre le juif et son bourreau homme cam l on juif Zelig Allen lui m me est un moment incrust dans une archive film e d Hitler rev tu de l uniforme nazi Dans une autre s quence il si ge la tribune avec Goering et d autres lors d un congr s nazi Derri re Hitler haranguant la foule il gesticule jusqu forcer le F hrer se retourner En s invitant m me l image en plein discours violem ment antis mite Woody Allen prolonge sans limiter le retourne ment final du Dictateur qui substituait le barbier juif Hitler Reconstituer ou d construire Une fois Hitler mort les sc naristes l exception de Tarantino ont d faire avec la r alit peu h ro que de son suicide La com die grin ante Mein F hrer de Dani Levy 2006 le caricature en loser d pressif qui ne croit plus la guerre qu il a commenc e La Chute d Olivier Hirschbiegel 2004 se concentre sur ses douze derniers jours S inspirant du t moignage de la secr taire particuli re d Hitler et du livre Les Derniers Jours d Hitler de l historien Joachim Fest 2002 il vient combler un angle mort celui d une repr sentation Mon F hrer Opening r aliste d Adolf Hitler l cran Autant la banalit d
14. Hynkel L insert qui a valeur de citation du discours un autre fondu encha n ramenant ensuite la cam ra sur les visages du barbier et des pas sants p trifi s produit ici une pure secousse motionnelle qui a un nom la fois psychologique et politique la terreur Cadr en plan am ricain le couple rend ses badges au moment o le dictateur fait entendre des grognements porcins Le passage au plan d ensemble sur la rue s op re par un mot du discours qui d clenche la fuite de tous les vendeurs Ghetto Menac s directement de Blitzkrieg les Ichuden plient bagage la boutique escamotable du vendeur ressemble aux valises de l exode venir Le d cor se vide laissant les deux protagonistes seuls en pleine rue comme interdits Un duel entre muet et parlant C est encore la r p tition d un mot strafen punir en allemand qui d clenche le resserrement du cadre sur Hannah et le barbier partir de la reprise du dialogue ce couple au rythme si diff rent de celui des autres passants se voit lui m me scind Hannah engage le barbier se presser mais il refuse dans un sursaut de r sistance instant furtif o sa d termination le dresse droit comme un i et lui fait perdre canne et chapeau avant qu un autre mot cri off par le dictateur ne le pr cipite dans un tonneau t te la premi re On retrouve l le corps du Charlot des films muets soumis une force centrifuge qui le d mantibu
15. au r verb re anticipe le guillotinage du personnage ponyme de Monsieur Verdoux 1947 Le Ghetto dedans dehors Le ghetto d signe au XVIe si cle un quartier de Venise sp cifiquement assign aux juifs Cette assignation r sidence a pris un tour criminel pendant la seconde guerre mondiale les nazis ayant enferm les juifs dans les ghettos le plus important tant Varsovie avant de les assassiner Dans Le Dictateur on rel vera le travail sur le d cor devantures aux enseignes dans une langue fictive alors que les SA crivent bien le mot juif jew sur les fa ades vendeurs la sau vette haut parleurs qui anticipent sur les disposi tifs de surveillance Mais on notera aussi que les s quences dans le Ghetto sont toutes caract ris es par la circulation des personnages ils passent sans cesse du haut en bas de l immeuble premi re apparition d Hannah s q 6 de la boutique au patio du patio la rue et inversement de la cave au toit En quoi ces trajets dedans dehors carac t risent ils le Ghetto comme un espace de vie Que peut on dire par contraste des d cors du Palais d Hynkel 19 20 CRITIQUE Pastiche et postiche Peu apr s la sortie en France du Dictateur avril 1945 l animateur de cin clubs et critique Andr Bazin fait para tre un article qui fera date Il y distingue le cambriolage ontologique double d tente entre le dictateur et le cin aste pou
16. comique appartient toujours une veine burlesque qui perdure dans Le Dictateur Le burlesque se caract rise par la lutte d un corps contre des objets la grenade d goupill e perdue dans le pan talon lobus puis le canon anti a rien tourbillonnants via un processus de d tournement qui aboutit une suradaptation ainsi d un maladroit qui chute mais dans son habilet se r tablir r v le des talents d acrobate Qu est ce qui est d tourn Des cat gories un objet se m tamorphose en tre humain les glouglous digestifs de la grosse Bertha le micro qui ploie comme s il tait intimid Des fonctions une arme le canon anti a rien voque la cam ra sur grue de Chaplin en une furtive mise en abyme Mais dans la pantomime m me g t l indice d un d tournement pouss jusqu au retournement apr s le canon anti a rien qui visait les sup rieurs hi rarchiques du soldat c est en effet sur une vision du monde l envers que se cl t l pisode de la premi re guerre dans la s quence de l avion Elle pr figure le monde o le barbier reviendra dix ans plus tard un monde o les valeurs humaines sont invers es o le pauvre est pers cut l art esclave du pouvoir et la police criminelle Le pilotage t te en bas qui co te presque sa vie au barbier et lui vaut dix ans d amn sie branche en quelque sorte le principe du burlesque sur la trag die de l Histoire En effet l id e de surad
17. comme telle par le pr sentateur radio phonique s q 16 et l autre non di g tique le pr lude au premier acte de op ra de Richard Wagner Lohengrin 1850 On observera la fa on dont la musique contribue au parall le tabli par le r cit entre le pers cuteur et le pers cut On notera que la chor graphie sur la map pemonde Wagner s q 15 pr c de imm diatement le rasage en musique Brahms s q 16 L opposition des mor ceaux marque un rapport au monde oppos fantasme m galomane vs amour du travail bien fait Mais le m me morceau voque t il les m mes motions chacune de ses occurrences Si l Allemagne nazie a fait grand usage des uvres de Wagner il faut noter que dans Le Dictateur Lohengrin surgit aussi quand c est Hannah qui r ve de paix cette fois s q 13 Apr s la chor graphie d Hynkel le leitmotiv wagn rien revient dans le discours final du barbier s q 38 Cette reprise par le Bien d une uvre appropri e par le dictateur mal fique correspond dans le r cit au r tablisse ment l endroit d un monde mis envers d s le vol en avion s q 3 Indice qu une telle r appropriation est un enjeu crucial pour Chaplin le der nier mot du film coutez adress par Hannah Jaeckel et plus large ment au spectateur fait de la musique le tout dernier mot du film 10 VISE EN SCENE Le burlesque a l preuve de la guerre D s la
18. dans son pudding se sacrifiera Mais Hannah oppos e cet h ro sme st rile a mis une pi ce dans chacun des g teaux Tout le monde rentre chez soi 22 XIV Exils le lendemain Schultz et le barbier fuient par les toits mais sont arr t s La presse annonce Schultz d port 23 Le barbier s en dort au camp de concentration 24 Jaeckel et Hannah gagnent l Osterlich pied ils y vivent paisiblement de la culture des vignes Elle crit au barbier qu elle l attend 25 XV La paix est d clar e Hynkel apprend que Napaloni pr pare aussi l invasion de l Osterlich Il s appr te lui d clarer la guerre mais Garbitsch le convainc plut t de linviter pour l intimider en exhibant sa puissance militaire 26 XVI Arriv e de Napaloni apr s un cafouillage technique lors de sa r ception officielle la gare son pouse et son ambassadeur sont oubli s dans la foule 27 XVII Hynky et son visiteur la bonhomie gros si re de l invit d joue l intimidation pr vue 28 Chez le barbier du Palais il rivalise de hauteur en rehaussant son si ge 29 Lors de la revue mili taire un avion tomanien s crase 30 XVIII Pugilat gastronomique Garbitsch con cocte un plan d invasion de l Osterlich Hynkel passera la fronti re d guis en chasseur 31 Au bal Hynkel danse avec lopulente Mme Napaloni 32 Au buffet les deux dictateurs exigent cha cun que l autre retire ses
19. et la tribune profondeur de champ et travellings qui d plient l espace dans le Ghetto rel ve du montage altern c est dire que les actions s y d roulent simultan ment pendant la convalescence du barbier s q 4 Hynkel galvanise les foules s q 5 pendant qu il s imagine ma tre du monde s q 15 le barbier se remet au travail s q 16 Seul Schultz vo lue dans les deux sph res au point de se tromper de vocabulaire Heil Hynkel Mais qu est ce que je dis s q 20 Cette alternance soulign e par des fondus au noir renforce la sym trie cr e par l interpr tation de deux personnages par un m me acteur Chaplin Une sym trie inverse qui se traduit dans le rythme des gestes et des s quences Hynkel homme press qui a difi une horloge son effigie semble tenir sa h te de la cadence de l Histoire s q 4 Le barbier au contraire effectue ses gestes sans h te qu il soit stup fait devant la poussi re de sa boutique s q 8 ou qu il savoure le travail bien fait s q 16 La sym trie inverse culmine dans leurs discours respectifs dont l auditoire s oppose pantins articul s pour Hynkel s q 5 vrais humains pour le barbier s q 38 qui allie pr sence physique et radiophonique dont le second discours d Hynkel b n ficiait s q 19 Il faut noter que bien qu l origine du projet du film la ressemblance entre les deux protagonistes reste extra di g tique menti
20. et m me la menace de mort parce qu l en a d couvert le revers la faiblesse spirituelle la stupidit et la fausset de son adversaire2 1 Note manuscrite Archives Chaplin cit e par C Delage Chaplin la grande histoire p 7 2 Anti fascist Satire Films hiver 1940 repris dans Film Essays and Criticism Wisconsin U P 1977 p 215 ECRITURE Danse routine Dans le sc nario particuli rement fourni de Charlie Chaplin la s quence de la danse du dictateur avec sa mappemonde bau druche intitul e Danse routine num ro de danse est minu tieusement d coup e et d crite en comparant la description des dix mouvements avec les plans de la s quence on appr ciera la part d improvisation Ces plans qui s encha nent avec une fluidi t rendant parfois le montage imperceptible organisent la ren contre improbable entre la gestuelle fantasque de Charlot son c l bre coup de pied de com die et celle d Hitler dont Chaplin imagine le d sir de pouvoir dans ce qu il a de plus intime Hynkel fait d ailleurs sortir Garbitsch avant de grimper au rideau si bien que le plaisir qu il prend ce pas de deux fr le la jouissance ona niste Peut tre inspir e par une pantomime de Chaplin improvis e un jour de f te dans les ann es 1920 pr sente sur les suppl ments du DVD la chor graphie aid e par de discrets trucages ne se contente pas de suspendre le r cit en une parenth se
21. parmi ses ministres parach vent sa trans formation en clown avant sa d gringolade Au pied des gradins Hynkel salue des deux mains en jetant un regard cabotin vers la cam ra l vidence le dic tateur se sait film un d tail historiquement juste concernant Hitler Face au dictateur un gag visuel pointe la complicit gr gaire des masses aux figurants faisant le salut hynk lien lors des premi res acclamations succ dent de simples pantins levant leur bras m canique la fin du discours C est donc d s l entr e en sc ne d Hynkel que Chaplin met l accent sur l importance de la propagande dans le r gime du Reich Rien d tonnant ce que ce discours d arriv e au pouvoir s inspire d un film tourn en 1934 le second discours s q 19 prendra acte des exactions commises depuis Ici la gestuelle poli tique peut encore faire terrain commun avec la pantomime burlesque Plus tard l usage du son on the air2 et les gros plans monstrueux traduiront une v ritable folie meurtri re 1 Look 24 septembre 1940 cit dans C Delage Chaplin la grande histoire p 54 2 Expression qui signifie en anglais sur les ondes et que le th oricien du son Michel Chion emploie pour les sons suppos s tre retransmis lectriquement par radio t l phone t l vision etc 19 16 Mickeymousing Dans la s quence du rasage en musique l humour na t d un usage de la musique appel mickeymousing coutant l
22. phase d criture Chaplin commence Le Dictateur avec une ambition double concilier pertinence politique et puissance comique Que devient le comique la Charlot mis en uvre d s les ann es 1910 par Chaplin une fois pass au double tamis du cin ma parlant et de l urgence politique Chaplin dans le film le plus sc naris qu il ait jamais r alis a pos de front cette ques tion et y a r pondu de plusieurs mani res D abord en conservant une part de franche pantomime la danse avec la map pemonde d Hynkel s q 15 le rasage en musique s q 16 ou le r sum de la situation fait par le barbier Schultz qui ne comprend rien ses gestes s q 23 La longue s quence des puddings fourr s de pi ces chap 13 pourrait m me constituer un court m trage part enti re Du point de vue du r cit c est une op ration blanche le sacrifice d un juif demand par Schultz sera cart par les convives En revanche Charlot s y retrouve en terrain connu la d finition du rire qu a donn e le philosophe Henri Bergson du m canique plaqu sur du vivant fonctionne plein le bruit m tallique des pi ces r so nant chacun de ses hoquets Il s agit d une variation sur l une des seules exp rimentations sonores des Lumi res de la ville o Charlot qui a aval un sifflet est pris de bruyants hoquets pendant un r cital De son c t le personnage d Hynkel h rite aussi des traits de
23. pour seul int r t son sabir o se m lent toux grognements et vocables allemands ou anglais voir p 11 Cette figure famili re aux spectateurs de bandes d actuali t s tend un miroir d formant l histoire europ enne en cours Pour Chaplin l enjeu n est pas seulement de tourner en ridicule Hitler c est aussi de d cons truire l efficace propagande nazie C est de dos qu Hynkel appara t pour la premi re fois apr s avoir t voqu par crit le titre de journal et en voix off Alors que le commentaire dit qu il r gne sur la Tomanie d un poing d acier on l aper oit en plan am ricain le poing lev Changeant d axe 180 degr s une coupe le montre face au public quand il commence parler l arri re plan aussi dociles que la pl be ses ministres l coutent bras crois s Ils ne semblent pr sents que pour arborer les cussons de la double croix une variante de la croix gamm e qui annonce la teneur de l acte de parole imminent to double cross signifie trahir De bout en bout la traduction off dont le speaker radio dira la fin qu il s agit d un script tout pr t dulcore les propos jusqu au contresens complet il n a que la paix dans son c ur D construire le cin ma de propagande C est quand le dictateur aborde les Tchuden que la cam ra devient mobile un recadrage souligne le gag des micros qui ployant sous sa col re semblent malmen s la pla
24. ressemble trangement Hitler Hynkel Le r ve dans lequel s inscrit une partie du r cit de Charlot soldat il s est endormi pendant une inondation et la longue p riode d amn sie qui commence pour le barbier quand il est emmen sur une civi re s q 3 Charlot s efface Bien qu identifiable Charlot par ses v tements et sa moustache le barbier d embl e se distingue du Vagabond connu de tous les spectateurs On pourra relever les tapes successives de cet efface ment qui commence d s sa sortie de l h pital d sign off comme le petit barbier juif il n est plus un marginal mais un artisan connu du quar tier le barbier du Ghetto Sa jud it le d signe comme l opprim par excellence dans le r gime nazi la marginalit de classe s est mue en exclu sion raciale Physiquement le barbier volue ses cheveux ont en partie blanchi la fin Mais sur tout le personnage du muet a peu peu quitt la pantomime pour prendre la parole lors du dis cours final Dans la mise en sc ne m me Charlot est en quelque sorte pi g par la cruaut nazie comme une analyse en d tail de la s quence 9 pourra le montrer alors que la traque des SA sus citerait dans un film de Charlot une course pour suite le montage encercle litt ralement le person nage surgissement d autres SA du hors champ changement d axe 180 degr s Le gros plan sur le barbier pr t tre pendu
25. En trois semaines Chaplin invente au juger la partition du film sugg rant selon son habitude telle ou telle inspiration ici un passage wagn rien Le Dictateur sort New York le 15 octobre 1940 C est le plus gros succ s public de Chaplin Les critiques sont m lang es surtout envers le discours final que Chaplin r citera devant le pr sident Roosevelt en janvier 1941 jug tant t communiste tant t trop sentimental Chaplin r pond dans le New York Times qu il s adresse avant tout aux soldats les victimes m mes d une dictature Apr s 1941 les films antinazis fleurissent Hollywood Mais la post rit critique du Dictateur reste parfois marqu e d un doute tait il encore temps de rire du bourreau le plus sanguinaire du vingti me si cle Si j avais connu les r elles horreurs des camps de concentration alle mands je n aurais pas pu r aliser Le Dictateur je n aurais pas pu tour ner en d rision la folie homicide des nazis Mais j tais d cid ridiculi ser leur bla bla mystique sur les races au sang pur crit Chaplin dans ses m moires Rudolf Arnheim critique allemand r fugi aux USA aurait regrett ce semi reniement lui qui avait pris la juste ampleur du m canisme satirique complexe l uvre dans un film dont il crivit d s la sortie Chaplin est le seul artiste d tenir larme secr te du rire mortel le rire du Sage qui m prise la violence physique
26. Testament du docteur Mabuse de Fritz Lang Sortie du r cit par voie radiophonique Le discours final du barbier d guis en Hynkel peut tre tudi comme un texte part enti re qui dans le pas sage du nous vous au je tu ins re dans la g n ralit du propos le d nouement amoureux et entre en con traste avec les discours d Hynkel les deux gestuelles stylis e et naturaliste s opposent et de Garbitsch Mais cette prise de parole fait l objet d une mise en sc ne singuli re Qui parle Selon Andr Bazin c est Chaplin en une v ritable psychanalyse pho tographique de Charlot Le critique Fran ois Mars sugg re que Chaplin pas plus que son public ne croit la substitution finale entre le petit bar bier et le grand dictateur Sim plement Chaplin sugg re Hitler un retour sur lui m me L enjeu est de d passer la seule con tre propagande par un travail de mise en sc ne Le personnage du barbier est id al pour cela car il tait pr c demment presque muet b illonn par sa hi rarchie comme soldat amn sique amoureux transi Dans cette adresse sans contrechamp Chaplin c l brit internationale plonge le spectateur dans l histoire contem poraine en le privant de r solution narrative et en pulv risant la vraisem blance psychologique Je vous parle d o je ne serai jamais plus r sume Serge Daney et l o vous n tes pas encore 13
27. ais le r cit lui m me endosse sa duplicit dans plusieurs sc narios b tis autour de sosies jou s par Chaplin le vagabond et le mari richissime dans Charlot et le masque de fer 1921 dont le titre original The Idle Class d signe l oisivet comme point commun entre riches et clochards vad de Sing Sing pris pour un pasteur Le P lerin 1922 le g n reux clochard des Lumi res de la ville pris pour un millionnaire par l aveugle qu il a aid e Au tournant des ann es 1930 Chaplin fait partie des cin astes qui craignent qu une r gression esth tique frappe le cin ma somm de passer au parlant trop rapidement Comment le Vagabond reconnu et aim dans le monde entier pourra t il garder son aura assign une seule langue l anglais un seul timbre de voix plut t fluet Ce n est pas un hasard si la fin des Lumi res de la ville premier film sonore de Chaplin il est reconnu par la fleuriste via un change de pi ce et de regards au toucher et la vue donc Dans Les Temps modernes Charlot ne parle pas encore il chante dans un sabir anti cipant celui d Hynkel dans Le Dictateur Comment Charlot a mang le dictateur Il faut Charlot une n cessit historique pour prendre la parole dans une nouvelle histoire de sosies bas e cette fois sur une res semblance dans la vie r elle ce que sugg re en creux le premier car ton Que devient le Vagabond dans Le Dictateur Quand dans le prologue le sold
28. aite faire marcher Napaloni Du Triomphe de la volont r alis en 1935 par Leni Riefenstahl sur ordre d Hitler Chaplin n a pas seulement retenu la pompe architecturale mise en uvre lors du congr s du parti nazi de Nuremberg en 1934 Attentif la sym trie extr me aux di fices monumentaux et la prolif ration de signes divers aigle croix gam m es il comprend aussi combien l ensemble de ce film nazi met en sc ne un v ritable rituel sacr le myst re m di val qu Hynkel promet de mettre en sc ne dans le Ghetto s q 18 souligne lamour du Reich pour les symboles gothiques et les renvoie leur cruaut originaire Radio et nazisme la voix de son ma tre Le Dictateur trop souvent pris pour une satire grossi re fait preuve d une grande acuit perceptive quant l autorepr sentation d Hitler et l art nazi de la propagande qui bouleverse en profondeur le paysage architectural et a lam bition de r viser autant l Histoire que l histoire de l art les statues antiques et classiques corrig es s q 5 ainsi que la langue allemande ce qu analyse l poque le philologue antinazi Victor Klemperer L importance de la propagande pour les nazis recoupe l vidence une pr oc cupation chaplinienne ne serait ce que parce que comme il lui a vol sa moustache en brosse Hitler notoirement cin phile marche encore sur les plates bandes de Chaplin en faisant du cin ma v
29. aptation burlesque ne d finit elle pas pr cis ment l arc narratif du Dictateur dans lequel un opprim d tourne son avantage et celui de l humanit une ressemblance physique avec son oppresseur Un burlesque double d tente C est dans cette perspective que se justifie l aveuglement des personnages quant la qualit de sosies d Hynkel et du barbier Autant Chaplin la fait imm diatement remarquer au spectateur via le carton d ouverture autant il prive les personnages de cette reconnaissance jusqu la toute fin Si le gag peut se d finir comme le chemin le plus long pour aller d un point un autre plus le d tour est long plus la chute a des chances de faire rire alors la non reconnaissance de la ressemblance fait du r cit dans son ensemble un seul et vaste gag Le retournement final la prise de parole d un homme quasiment muet a d autant plus d impact que le moment de reconnaissance a t retar d La fin du Dictateur ne montre pas seulement le repr sentant des sans voix soudain poss d par une parole elle met aussi en sc ne la transformation du dictateur du monde s q 14 en Petit Vagabond habitu du d guisement en l occurrence une panoplie de chasseur qui singe une c l bre photo d Hitler en short tyrolien Chaplin n a donc pas abandonn le burlesque pour un comique plus adulte ou m r dans Le Dictateur justement parce que son sujet rel ve d une urg
30. at retourne malgr lui le canon anti a rien contre ses chefs s q 1 le Charlot du muet para t intact depuis Charlot sol dat 1918 M me en civil le barbier une fleur la main dans la cour de l h pital s q 4 semble tout droit sorti des Lumi res de la ville Mais son retour la m chancet burlesque habituelle le SA barbouill au pinceau s av re insuffisante voire dangereuse elle lui vaut presque d tre pendu Mais si le barbier ne peut s attaquer Hynkel Chaplin Charlot peut lui entrer dans la peau de celui qui lui a vol sa moustachel C est en effet Hynkel qui doit le plus au personnage de Charlot concupiscent s q 10 sa premi re appari tion dans le film s q 5 le montre sentimental pu ril col rique Dans son manteau trop grand il d gringole l escalier apr s le d r glement de ses circuits corporels eau dans le pantalon et dans l oreille dans son discours au haut parleur s q 19 c est comme s il interdisait au barbier de r cup rer canne et chapeau sa panoplie de Charlot Charlot a ainsi d vor Hitler ce cambriolage ontologique qu a bien analys Andr Bazin est autant la r cup ration d une aura d ro b e par le dictateur l artiste que l offrande l humanit en crise d un personnage artistiquement riche et lucratif pour son cr ateur Sur cette base il n est pas interdit de voir dans les films qui suivent une s rie de liquidations du mythiqu
31. c est elle qui liden tifie ainsi et l Histoire en marche dans son pays Ce double usage a pour effet de raccorder puissamment l actualit politique r elle lunivers fictionnel Chaplin va m me plus loin en mettant en abyme la voix off lors du discours d Hynkel traduit en off puis pr sent comme une retransmission radio par un speaker rappelant au spectateur auditeur le nom de la station lomnipr sence de ce son on the air amplifi par un appareil lectrique souligne l instabilit du statut vocal d Hynkel qui sera accentu e s quence 19 voir pp 12 13 dans la majorit des plans il n est ni in le dictateur a t il d j rencontr un juif En tout cas on ne le voit jamais dans le Ghetto ni off Gl ne r gne pas encore sur le film seulement sur la Tomanie jouant sur le pouvoir imaginai re de sa voix M dium de manipulation des masses la radio fait l objet d un retournement thique lors du discours final L avion et la radio nous ont rap proch s d clare le barbier La nature m me de ces inventions est un appel la bont de l homme un appel la fraternit universelle l unit de tous En ce moment m me ma voix atteint des millions de gens travers le monde Bien que retrans mis la radio ce discours n a pas ici la texture d un son on the air car au del de l appel au monde et Hannah c est Chaplin cin aste qui s adresse intimement chaque spectateur utilisant la proximit
32. caract re du Charlot hargneux et concupiscent des d buts d sirs pressants les grognements de porc avec sa secr taire col res infantiles quand il arrache ses m dailles Herring ou dit Garbitsch qui lui parle des gens Les gens bah si intenses qu elles le font r gresser dans son infra langue borborygmique s q 18 elle m me inspir e du discours d inauguration en sabir qui ouvre Les Lumi res de la ville Bien que son discours s q 5 soit devenu un morceau d anthologie de l histoire du cin ma la majorit des gags associ s son personnage tient du cin ma muet rang e de statues faisant le salut hitl rien enveloppe que le dic tateur fait l cher un gag repris de Charlot la banque 1915 jeu de mots visuel sur la double croix to double cross trahir foule de pantins levant m caniquement le bras manteau trop grand chute due une peau de banane inventions l inefficacit fatale Si les desseins d Hynkel et de ses ministres deviennent de plus en plus sombres le comique ne suit pas cette inflexion au cours du film le long et hilarant pisode avec Napaloni freine cette noirceur Dans son grotesque jubi latoire opposition de corpulence entre les Napaloni et Hynkel les dialogues et l accent italien ou italo am ricain jouent une part non n gligeable tout comme l usage synecdotique de mets associ s leur nation d origine spaghetti vs saucisse La premi re gu
33. ce des juifs Le montage s accorde avec le tempo rh torique deux raccords dans l axe passent d un cadrage serr un plus large au moment o Hynkel conclut un point important ou attend les applaudissements Tout concourt faire de cette s quence un pastiche du film de propagande nazi Le Triomphe de la volont de Leni Riefenstahl voir pp 6 7 Tourn e en 1934 cette uvre de commande montre Hitler immobile comme une statue pendant les d fil s mais anim d une foi en apparence incontr lable pendant ses dis cours Chaplin ne se contente pas d imiter il refuse les contre plong es d i fiantes de Riefenstahl et surtout il m le au sein du seul discours la raideur politicienne et l incontr lable corporel l une est le masque de l autre pen dant les pauses le burlesque reprend ses droits Charlot refait surface sous la panoplie militaire eau dans le pantalon d signe les origines de la libido domi nandi celle bue par l oreille trahit un d r glement organique la s v rit suc c de un sentimentalisme pu ril les larmes essuy es avec la cravate un contraste not par Chaplin partir des images du F hrer Pour moi sous cette apparence s v re et pr monitoire qu il donne de lui dans les actualit s et les photos Hitler est en fait un neurasth nique m chant et mesquin La musique digne d un cirque le manteau trop grand et le plan g n ral en l g re plong e qui nanifie Hynkel
34. ctateur non comme la mise en sc ne d une rivalit mais comme une vraie guerre cin matogra phique d an antissement Narboni prolonge l analyse en soulignant l tranget dans le r cit du remplacement d Hynkel par le barbier d guis Tout conflit et tout affrontement semblent insignifiants au regard d un processus de substitution d autant plus violent qu il s op re dans le calme et sans dire ses raisons L op ration de n antisation du vrai dictateur rep r e par Andr Bazin dans l invention de la figure de Hynkel partir de l interf rence des mythes de Hitler et de Charlot se prolonge et s tend ici avec la disparition de Hynkel lui m me Jean Narboni Pourquoi les coiffeurs Notes actuelles sur Le Dictateur D 1 Bazin orthographie le personnage Hinkel Nous avons rectifi ici S LECTION BIBLIOGRAPHIQ L tendue des travaux sur Chaplin et sur Le Dictateur est vaste Pour davantage de r f rences consulter les rubriques Biblio et Liens du site www charles chaplin net Le Dictateur Jean Loup Bourget L art des transitions dans Le Dictateur Positif n 152 153 juillet ao t 1973 pp 33 sq Michel Chion Le Dictateur et le Collimateur Positif n 499 septembre 2002 pp 96 98 Michel Chion Chaplin trois pas dans la parole in Un art sonore le cin ma Cahiers du cin ma coll Essais 2003 pp 26 32 Christian Delage La fic
35. de choisir des sujets plus l gers Le Dictateur sera s on premier film o l Histoire est plus grande que le petit Vagabond Pour son pouse Paulette Goddard couronn e de succ s la Paramount il crira le r le d Hannah le pr nom de sa propre m re L laboration du sc nario prend deux ans durant lesquels la situation en Europe s aggrave de l Anschluss mars 1938 la Nuit de cristal pr mice de la Shoah 9 novembre 1938 Chaplin est horrifi par le pacte germano sovi tique 23 ao t 1939 ses cosc naristes Dan James et Bob Melzer ouvertement communistes insistent pour qu il te au script tout aspect antistalinien Une fois son projet bruit Chaplin subit de nombreuses pressions pour l interrompre Les repr sentants nazis en Am rique menacent de boycotter le cin ma am ricain s il ose s attaquer au F hrer jusqu l attaque de Pearl Harbor en d cembre 1941 les autorit s am ricaines m nent une politique isolationniste recommandant Hollywood de ne pas d nigrer le r gime nazi le Breens Office bureau de censure interne Hollywood pr vient le cin aste qu une attaque ad hominem d Hitler compromettra toute sortie europ enne Mais Chaplin tient bon et aucun producteur ne peut le b illonner les deux millions de dollars investis sont les siens Le gros de l histoire achev mi d cembre Le tournage film par Sydney Chaplin compl ment du DVD MK2 1938 sera modifi ju
36. e de territoire tant t horizontale train qui ne co ncide pas avec le tapis rouge et oblige Hynkel courir l autre bout du quai s q 27 tant t verticale le bureau sur lev s q 28 les fauteuils de coiffeurs qui anti cipent s q 29 sur la chute d un avion tomanien s q 30 ou encore jouant sur la profondeur l entr e de Napaloni de derri re le bureau d Hynkel d jouant ses plans d intimidation spatiale s q 28 Quand la moutarde anglaise comme l indique un insert s q 33 monte au nez des dictateurs Hynkel signe un accord qu il se promet secr tement de briser on reconna t une allusion aux Accords de Munich 30 septembre 1938 rompus quand Hitler envahit Prague en mars 1939 Pr cision architecturale Dans ses d cors pourtant contraints une certaine conomie vu l investisse ment personnel du r alisateur il r duit leur budget de 80 gr ce des ma quettes Chaplin fait galement preuve d une pr cision qui fait mouche Le Ghetto s inspire du ghetto juif de Berlin les storm troopers des SA sections d assaut hitl riennes et le Palais d Hynkel de la nouvelle chancellerie d Hitler inaugur e d but 1939 mais annonc e d s janvier 1938 folie des grandeurs architecturales avec plafond de verre s q 28 et bureau de quatre cents m tres Le Triomphe de la volont carr s Hynkel a besoin d un clairon pour appeler une secr taire assorti d une enfilade de couloirs Garbitsch souh
37. e dit mot quand la blanchisseuse voque sur le toit son r ve terre terre d acheter avec lui une ferme poulets s q 21 Mais on notera combien Hannah qui porte le pr nom de la m re de Chaplin transf re son esprit de r sistance prouv aupr s des SA sc ne du jet de tomates sur un barbier d abord amn sique puis timide le transf re s op re lorsqu elle lui enjoint de se d p cher de rentrer avec elle dans la cour s q 19 et que soudain il s arr te et dit Non Qui parle Dans Le Dictateur les instances de narration sont multiples Elles peuvent tre crites cartons deux au d but du film puis le carton annonce du Ghetto et manchettes de journaux s q 4 23 Mais la narration est aussi prise en charge par une voix off qui fluctue entre le commentaire de bande d actualit s s q 1 2 4 parfois au carr quand elle commente une traduction en off du discours d Hitler s q 5 On s interrogera sur la fonction de ces relais nar ratifs quelles ellipses temporelles recouvrent ils exactement Lequel de ces proc d s parle t il le plus directement au spectateur du film En quoi la voix off souligne t elle le pouvoir de la radio comme m dia de masse et la propagande nazie Schultz entre Palais et Ghetto Autant Hynkel et le barbier juif sont des sosies autant le commandant Schulz est un personnage politiquement d doubl fervent patriote toma nien penda
38. e l individu ser vait de carburant aux gags des com dies autant son traitement r a liste met le doigt sur un myst re historique qui relie un individu l ampleur criminelle de ses actes ce que la philosophe Hannah Arendt a appel La Banalit du mal Pour se hisser la hauteur d un tel questionnement tout film qui s en empare se doit de le prolon ger dans l inventivit de sa mise en sc ne Encha nant les s quences avec un acad misme parfois sensationnaliste La Chute ny parvient pas Il se situe ainsi l oppos d un film comme Hitler un film d Allemagne 1977 opus magnum de Hans J rgen Syberberg qui dure sept heures Utilisant entre autres des archives des t moignages cet ovni cin matographique fait d Hitler un corps parl une marionnette faite de mots se demandant hors de l anecdote ce que la figure d Hitler a signifi dans la soci t allemande 1 lodie Dulac La force du st r otype Adolf Hitler dans les s ries B d une Am rique en guerre in Melvyn Stokes et Gilles Menegaldo dir Cin ma et histoire Michel Houdiard 2008 2 Serge Daney La Rampe 1983 Petite biblioth que des Cahiers du cin ma 1996 p 127 17 18 olo DE TRAVAIL Br a 7 Note ANY RESEMBLANCEZBETWEEN HYNKEL THE DICTATOR AND THEJEWISH BARBERJS PURELY CO INCIDENTAL Toute ressemblance Toute ressemblance entre le dictateur Hynkel et le barbier juif est purement accidentelle
39. e little tramp le tueur en s rie de Monsieur Verdoux qui s loigne au fond du plan non pas sur une route comme dans Les Temps modernes mais vers la guillotine le roi Shadov shadow ombre d Un roi New York qui perd litt rale ment la face quand il rit trop fort devant un num ro de pantomime ou encore le clown Calvero des Feux de la rampe chenu et d chu sont tous des avatars vertigineusement ironiques de Charlot Comme le diplomate d sabus de La Comtesse de Hong Kong le clo chard le plus riche du monde a d renoncer changer le cours de l Histoire et non pas en mourir mais vieillir interminablement 1 Voir CRITIQUE p 20 GENESE Envers et contre tout l arriv e du parlant Chaplin a annonc qu il ne tournerait aucun talkie Mais la r volution technologique s est impos e S il sait qu il est temps pour le Vagabond de quitter l cran il s interdit d inter pr ter des personnages lambda comme pour pr server laura mythique de Charlot il pr pare un Napol on puis une vie du Christ avant d y renoncer quand en 1937 Alexander Korda futur pro ducteur de To Be or Not to Be lui donne une id e un film fond sur la ressemblance entre la moustache d Hitler et celle de Charlot Chaplin est s duit d une part parce que Charlot pourra rester quasi muet face un dictateur au jargon invent d autre part parce que sa pr occupation face la guerre qui se pr pare en Europe l emp che
40. e morceau de Brahms la radio le barbier synchronise exacte ment ses gestes sur les changements de rythme de la musique On pourra faire crire puis tourner un plan s quence enregistr au son d un mor ceau diffus pendant le tournage voire en r f rence au mickeymousing d velopp sur le discours d Hynkel au haut parleur d un discours politique emphatique De Gaulle Malraux On choisira une action aussi born e dans l espace et le temps que celle du barbier essayage de chaussures dans un magasin le on de conduite automobile d tective qui pie un mal frat de derri re une porte Le choix d un morceau aux tempos vari s comme l est la Cinqui me Danse hon groise accentuera les effets comiques en permettant acc l rations et ralen tissements Plus le nombre de per sonnages et d accessoires est grand plus l exercice est ardu et plus il exige de pr cision dans l criture pr alable La difficult m me mettre en uvre ce qui l cran para t couler de sour ce souligne l agilit de la pantomime chaplinienne Au vu des r sultats obtenus on se demandera partir de quel seuil de synchronie entre musique et gestes on peut proprement parler de chor graphie On pourra pour illus trer ce questionnement projeter le num ro chant et dans par Natalie Wood et sa doublure voix dans West Side Story intitul feel pretty TECHNIQUE Le son Malgr son refus
41. e pas sur le comique que ce soit dans le r cit l indiff rence d Hynkel la mort des inventeurs de la combinaison pare balles et du chapeau parachute la vengeance du dictateur sur le Ghetto suite au refus de pr t du banquier Epstein mais aussi dans les dialogues les froides d cisions d Hynkel et Garbitsch de tuer les gr vistes et d exterminer les bruns s q 14 ou dans les images Hannah terre salie par les jets de tomates des SA s q 6 le mot JUIF ins crit comme une insulte par les SA sur la fa ade du barbier s q 8 le barbier presque pendu un lampadaire s q 9 sa boutique incendi e s q 21 enfin ultime atrocit le meurtre du jeune juif en pleine rue du Ghetto s q 36 de quoi consti tuer un v ritable diaporama de l horreur Charlot soldat Comment la premi re guerre mondiale est elle mise en sc ne vingt ann es de distance On pourra projeter le moyen m trage Charlot soldat 1918 puis les deux premi res s quences du Dictateur en s attachant comparer notamment La nationalit de Charlot soldat dans l un et l autre films Les marques de la germanit dans les uniformes le Kaiser dans le film de 1919 les armes connues comme des fleurons de l artillerie allemande en 1939 que sont la Grosse Bertha et la DCA et les obus fumig nes l importance du sosie dans les deux films Charlot est pris pour un officier allemand dans Charlot soldat o il
42. en d rision la folie homicide des nazis Davantage que celle du sujet du comique la ques tion n est elle pas celle de sa mise en sc ne Com menter la citation de Chaplin permettra de se poser la question des pouvoirs du comique en des temps o la r alit historique d passe l entendement et plus largement la question d une morale de la mise en sc ne On se souviendra quen 1997 le comique et cin aste italien Roberto Benigni n a pas h sit faire de la vie en camp de concentration un sujet de com die dans La vie est belle Paulette Goddard la gamine Dans Les Temps modernes 1936 Charlot s est trouv un double f minin Paulette Goddard pouse de Chaplin la ville pr te sa fougue juv nile au personnage de gamine qui vole des bananes sur un bateau pour nourrir ses fr res et s urs On pourra relever les traits communs qui font encore de la blanchisseuse un double f minin du barbier comme l tourderie s q 12 et l instinct de survie s q 22 Mais au d but du Dictateur Chaplin et Goddard se r partissent lin vestissement de la parole Chaplin appartient encore au muet amn sie timidit gestuelle du m tier connu jusqu au bout des doigts Il a d l gu Goddard le parlant et m me l exc s de par lant son interpellation virulente des SA lui vaut d tre molest e s q 6 et pendant que le barbier la rase elle parle toute seule s q 12 Le barbier n
43. en au bonheur simple de vivre comme le montrera l pi sode des pi ces dans les puddings Apr s le passage de la porte de la boutique la cour c est la porte du patio qui est franchie en une discr te fermeture au volet Le couple bras dessus bras dessous n est pas sans rappeler celui que les m mes acteurs composent dans Les Temps modernes dans un ultime plan devenu c l bre ils s loignent de dos au fond du champ Loptimisme d bordant de la r plique d Hannah sur Hynkel relay par une musique guillerette culmine dans l achat de deux badges l effigie du dictateur S il surprend politiquement ce geste a toute sa coh rence narrative le barbier fait un cadeau sa bien aim e Mais au moment m me o le barbier semble pr t payer de sa poche pour de la propagande d tat les vocif rations d Hynkel retentissent hors champ C est le mot Ichuden les juifs dans un sabir que l on conna t depuis son premier discours qui fait lever les yeux au barbier et Hannah et cesser le boniment du vendeur Le plan sui vant montre des passants levant les yeux vers un poteau qu un pano ramique vertical r v le porteur de haut parleurs Le fondu encha n sur le gros plan du visage d Hynkel vocif rant est visuellement caract ristique du cin ma muet o ce choix de montage rev tait une fonction informative Mais dans ce film parlant le spec tateur comme les passants a d embl e reconnu la voix d
44. ence absolue et d une gravit sans pr c dent il rassemble ses forces comiques et puise dans son exp rience de gagman Si l chelle d une s quence la pan tomime comique n est plus une arme suffisante les coups de pinceau ou de po le inflig s aux SA par le barbier ou Hannah la structure du gag s av re pertinente pour l arc narratif d ensemble Le comique fonctionne donc diff remment dans le d roulement d une s quence et dans celui du film entier un d calage dont on sent bien qu il repose sur l espoir nonc en d autres mots dans le discours final que selon l expression am ricaine the joke will be on Hitler que l Histoire aura raison d Hitler En attendant ce burlesque deux vitesses insuffle au Dictateur une dissonance renforc e par la vari t rythmique des gags et la part changeante des gestes et des dialogues dans ceux ci Loin de rendre le film bancal cette dissonance traduit cin matographiquement l ironie tragique de l Histoire elle m me 1 Voir la vid o comment e de Jean Fran ois Buir sur LImmigrant http www centreimages fr livretcourts2 EMIGRANT GAGS html 2 Francis Bordat De Charlot aux Charlot la mise en sc ne comme extension du jeu pp 67 et 69 Au del du borborygme Les deux discours d Hynkel s q 5 et 19 ne m lent pas seulement grogne ments et onomatop es On les cou tera attentivement pour y d celer des expressions Certaines sont de langue
45. erre ou le monde l envers Sans tenir de la pantomime louverture du Dictateur fait elle aussi raccord avec l uvre muette de Chaplin avec ses allures de remake de Charlot soldat Shoulder Arms 1918 Dans ce deux bobines tourn et distribu pendant la premi re guerre mondiale le Petit Vagabond soldat am ricain se d guisait un moment en officier allemand Mais si la reprise de gags ant rieurs est chose courante pour Chaplin rien part ce travestissement ne rapproche Charlot soldat de l ouverture du Dictateur Un long travelling prend la mesure d un d cor plus r aliste et dispendieux que celui du court m trage de 1918 nous ne sommes pas au r giment mais au front o le son absent bien s r de Charlot soldat indique que le combat fait rage Le protagoniste ne vise plus avec son fusil il actionne sans regarder un engin norme dou d une port e qui d passe la vision humaine Dernier bout de la cha ne de commandement il ne trouve aucun subalterne envoyer au casse pipe gag qui le d signe comme pure chair canon sacrifi e par sa hi rarchie La voix off de bandes d actualit s qui d crit la Grosse Bertha ajoute la satire de la guerre une satire de la propagande qui se prolonge dans l dulcoration de la traduction du dis cours d Hynkel partir d un script pr tabli s q 5 On laura compris la repr sentation de la m me guerre a gagn en r alisme depuis 1918 mais son traitement
46. et le danger de m canisation du geste est pr sent en germe et avec lui celui du t l guidage de l humain Le synchronisme parfait entre geste et musique exclut aussi la possibilit du parlant une victoire peut tre pour le Chaplin r ticent devant l obligation de passer aux talkies dans les ann es 1930 mais cette fa on de clouer le bec aux personnages a des allures de dictature Chaplin qui a visionn les rituels nazis mis en sc ne dans Le Triomphe de la volont n ignorait pas que le r gime le plus dangereux du monde partageait avec l artiste de pantomime une m me tenta tion chor graphique La beaut de ce plan s quence tient son ambivalence Le barbier peine sorti d une amn sie qui l a tenu l cart du temps social et historique se love avec d lice dans la parenth se musicale Mais ce faisant il r int gre son insu le temps social en adoptant l enjouement sur commande de l happy hour d tat Le raccord son avec la s quence au Palais se fait d ailleurs sur l annonce de la fin de cette happy hour pour Hynkel c en est fini du calme passager dans le Ghetto pendant la pause musicale il aff tait lui aussi ses lames autrement plus blessantes que celles du petit barbier 1 Michel Chion Le Son au cin ma Cahiers du cin ma coll Essais nouvelle dition revue et corrig e 1994 GURE Face la foule Morceau d anthologie le premier discours d Hynkel s q 5 n a pas
47. ex l Allemagne en mars 1938 Le match Hynkel Napaloni Mais au del de la satire onomastique Chaplin a visionn de pr s les actuali t s concernant l Europe Si Le Dictateur se trompe quant la sup riorit des troupes italiennes sur celles d Hitler s q 30 le sc nario s int resse surtout la rivalit entre les deux chefs d tat Il garde trace par exemple d un com mentaire de Mussolini sur son rival venu lui rendre visite Venise en 1934 petit clown fou effectivement prononc devient dans le film fou m di val selon le banquier Epstein s q 18 et petit cheval quand Napaloni confond horse cheval et hoarse enrou s q 26 Ayant visionn Mussolini in Deutschland 1937 Chaplin se souvient sans doute s q 27 que le Duce bouscul pendant un orage dut un jour revenir pied Berlin seul et trem p jusqu aux os Plus g n ralement il souligne les diff rences entre les deux dictateurs le film s est intitul un temps The Two Dictators qui lont orient dans le choix de l acteur comique Jack Oakie engag prendre du poids Hitler est en fait un neurasth nique m chant et mesquin Chez Mussolini on devine un personnage tout fait diff rent voyant bruyant vantard profond ment paysan commente Chaplin la sortie du film Transposant dans l espace r duit des d cors du film la rivalit entre les deux dictateurs il miniaturise ainsi leur querell
48. ia les r alisations comman d es Leni Riefenstahl et d autres l une de ses armes de choix Mais Le Dictateur t moigne aussi d une attention particuli re la radio comme outil de propagande nazi Le passage sur ce m dium dans le discours final du barbier Hynkel est une r ponse directe l usage propagandiste que Goebbels qui fera modifier la voix d Hitler pour qu elle paraisse moins fade et hach e sur les ondes a d velopp d s ao t 1933 dans un discours c l brant la radio comme huiti me pouvoir On voit par l qu avec Le Dictateur Chaplin d fie non seulement Hitler sa m galomanie et sa passion de l autorepr sentation mais plus g n ralement le syst me m diatique de manipulation des masses qu il a mis en place Seul un cin aste acteur qui a lui m me drain de telles masses paisiblement jusqu au cin ma a pu prendre l ampleur de la puis sance mal fique d une telle manipulation 1 Cest pourquoi nous traduisons Tomainia par Tomanie et non Tomainie 2 Look 24 septembre 1940 cit dans C Delage Chaplin la grande histoire p 54 3 LTI la langue du Troisi me Reich Carnets d un philologue 1947 trad Elisabeth Guillot Albin Michel coll Biblioth que Id es 1996 D COUPAGE S QUENTIEL Le r cit est divis en pisodes qui correspondent aux chapitres de l dition DVD Mk2 2002 I G n rique un carton pr cise Toute ressem blance entre le dictateur Hynke
49. ion Sa gestuelle voue son corps une dispersion centrifuge que la sc nographie et le cadre contiennent en un mouvement centrip te Son caract re aussi est fait de contrastes Des courts m trages tourn s entre 1915 et 1917 merge un Charlot pauvre mais insoumis et d termin satis faire ses penchants Le regard de chien battu se transforme instanta n ment en coup d il pr dateur note Jacques Ranci re Jamais avare d un coup de pied lat ral le Vagabond hurle dans le cornet d un sourd Charlot cambrioleur et arrache les ailes des mouches Charlot musicien Contre les plus forts il a parfois recours la ruse ou l hypocrisie Sil se heurte aux objets synecdoques d une lutte contre la soci t les boulons et la machine faire manger des Temps modernes il sait en d tourner l usage en sa faveur livrant ainsi une des d finitions du burlesque Au cours des ann es 1920 et avec le passage au long m trage le per sonnage se leste d une humanit et d une richesse psychologique qui laissent certains admirateurs d us par le sentimentalisme du Kid et des Lumi res de la ville Ils manquent l ambiguit du happy end des Lumi res rien ne pr sage de l union du clochard et de la fleuriste et prennent la critique mordante des Temps modernes o Charlot a trouv son double f minin pour un pur id alisme Quoi qu il en soit ce tournant s accompagne d une complexit accrue de Charlot D sorm
50. l et le barbier juif est purement fortuite Cette histoire se d roule entre deux guerres mondiales un temps o la folie se d cha nait la libert piquait du nez et humanit tait rudement SECOU E II Charlot soldat La Guerre mondiale 1918 Sur le champ de bataille une voix off de bande d actualit s pr sente la Grosse Bertha canon sur puissant point par l arm e de Tomanie en direc tion de Notre Dame et actionn par un petit soldat moustachu s quence 1 Apr s un tir d fectueux celui ci est envoy au front mais il perd sa compa gnie dans la brume et avance avec lennemi qui lui tire dessus 2 III Le monde l envers revenu un poste de tir tomanien le soldat sauve la vie un aviateur Il pilote sa place mais l envers L avion s crase Ils sont saufs mais apprennent que la guerre est finie perdue par la Tomanie 3 IV Discours d Hynkel 1 une voix off nous apprend que le soldat barbier juif passe plusieurs ann es l h pital En parall le la presse annonce l armistice puis la D pression puis l accession au pouvoir du dictateur Hynkel 4 Entour de ses ministres de la Guerre Herring et de l Int rieur Garbitsch celui ci prononce face une foule exal t e un discours nationaliste et antis mite 5 V Terreur dans le Ghetto M Jaeckel propri taire de la boutique du barbier loge Hannah blanchisseuse orpheline qui prend partie les policiers des
51. le tandis qu Hannah est plaqu e face au mur la voix du dictateur par son volume et sa violence expressive fait fuir ou tomber elle traque et fusille alternativement Le travelling sur la course d Hannah et du barbier qui a r cup r chapeau et canne rappelle la figure typiquement burlesque de la course poursuite mais la voix d Hynkel l infl chit d une inqui tude profonde partir du moment o le barbier d cide nouveau de r cup rer canne et chapeau c est un v ritable duel que Chaplin met en sc ne Cette s quence est en effet la seule confrontation certes indirecte entre le barbier et Hynkel le quiproquo final racont en montage altern ne les fera pas se croiser Ici l espace du Palais et celui du Ghetto communiquent les acc s de fureur vocaux du dic tateur t l guident le barbier bondissant Le son dicte ainsi ses gestes l image comme si le corps du juif tait poss d par la parole antis mite Le SA qui s approche dans le dos du barbier est un relais amoindri de la parole toute puissante d Hynkel Face ce grand militaire le petit homme utilise les ressources de sa taille il s esquive dans un soupirail comme un chat dans une chati re Mais si le SA ne semble pas le poursuivre le fondu encha n sur un nouveau gros plan de l orateur enrag ne laisse aucun doute sur l in utilit de cette chausse trappe le fondu encha n suivant qui rac corde le visage d Hynkel
52. lliques de la s q 22 anti cipent cette m tamorphose on voit Chaplin secou par une sorte de parole qui demande sortir de lui et s exprime contre sa volont Si Chaplin brouille parfois les fronti res il peut aussi isoler strictement les cat gories de sons Dans la s quence 16 le mickeymousing synchronie des gestes par rapport la musique semble assigner le barbier l poque du cin ma sonoris transition entre muet et parlant la fin des ann es 1920 Vertu politique du cin ma parlant In hors champ off on the air un grand nombre de gags repose sur la situa tion de la source sonore par rapport aux images Lors du passage en revue des arm es tomaniennes sous l il sceptique de Napaloni le bruit hors champ d un avion est fi rement identifi par Hynkel comme appartenant son arm e F 2 gt Valence nsulilat ou C X Mage y K lt Napaloni conteste ce pourrait tre l avion qu il a fait venir de Bact rie mais lorsque le bruit d un crash se fait entendre le dictateur bact rien se ravise C est bien le v tre l che t il son rival L usage complexe de la voix off lui assigne une double fonction D une part dans l pisode de la premi re guerre elle parodie le commentaire des bandes d actualit s dont le film entier est nourri D autre part elle rev t une fonction narrative faisant le lien entre l amn sie du barbier juif
53. lus connu du muet signe ainsi une com die d une profondeur critique in gal e Le tramp la badine et au chapeau y appara t pour la der ni re fois comme pour s offrir en sacrifice la trag die en cours _ 7 m g y y Le A wrae is the end Cigarette R DACTEUR EN CHEF Simon Gilardi est charg de mission dition p da gogique au sein de Ciclic p le r gional d ducation artistique et de formation au cin ma et l audiovi suel de la R gion Centre R DACTRICE DU LIVRET Charlotte Garson est critique aux Cahiers du cin ma la revue tudes et sur France Culture Auteur des livres Amoureux Jean Renoir et Le Cin ma hollywoodien et des livrets Lyc ens au cin ma sur Adieu Philippine Les Demoiselles de Rochefort et French Cancan Programmatrice au Festival des 3 Continents Nantes CICIIC G LIVRE IMAGE CULTURE MUM RIQUE QD Libert Egalit Fraternit R PUBLIQUE FRAN AISE
54. m galomane berc e par le pr lude de Lohengrin de Wagner Elle compl te le por trait contrast d Hynkel esquiss depuis son discours s q 5 en le repr sentant tant t comme un b b aux fesses rebondies allon g sur le ventre avec un hochet d mesur tant t comme un m le concupiscent Enfin elle proph tise le sort de quiconque se croit capable de deve nir ma tre du monde l clatement du globe ballon sort Hynkel de sa bulle narcissique 1 Hynkel marche d un pas lymphatique vers le globe une main sur la hanche l autre tendue Il le soul ve de son support Il a un moment de concentration magique Le globe devient un ballon Hynkel le fait rebondir d un poignet sur l autre puis sur le sommet de son cr ne Il d couvre qu il peut en faire ce qu il veut Le monde est lui Il rit avec extase tout en jouant nonchalamment avec le globe 2 Maintenant il montre son pouvoir Il treint le globe tape du pied Il modifie sa prise de sorte que sa main droite est au dessus et sa main gauche en dessous 3 Puis il marque une transition devient voluptueux avec le monde qui manque de lui chapper 4 Pour se venger il le serre avec col re lui donne un coup de pied vicieux 5 Le monde revient lui Flatt par son pouvoir manifeste Hynkel se remet jouer distraitement avec le globe avec des gestes idiots Lenvoie promener avec un coup de pied de com die 6 Il attrape le globe il le
55. msay 2002 Autres r f rences Textes Antoine de Baecque l Histoire cam ra Gallimard Biblioth que illustr e des histoires 2008 Jean Fran ois Buir Livret Lyc ens et apprentis au cin ma sur To Be Or Not To Be CNC www site mage ew index php page film amp id 392 amp partie outils Vid o Woody Allen Zelig MGM United Artists 2002 Charles Chaplin Les Courts m trages First National coffret 2 DVD MK2 Charles Chaplin Le Dictateur MK2 Charles Chaplin Les Temps modernes MK2 Charles Chaplin Les Lumi res de la ville MK2 Oliver Hirschbiegel La Chute TF1 vid o 2005 Fritz Lang Man Hunt Optimum Home Entertain ment Royaume Uni Ernst Lubitsch To Be or Not to Be StudioCanal Quentin Tarantino Inglourious Basterds Universal StudioCanal Pour toute information sur les actions d ducation au cin ma on consultera le site du CNC wwwenc fr o les livrets des trois dispositifs cole et cin ma Coll ge au cin ma et Lyc ens et apprentis au cin ma sont en acc s libre depuis 2009 Con u avec le soutien du CNC le site Image wwwsite image eu ou www lux valence com image est le portail de ces trois dispositifs d ducation l image On y trouve en particulier une fiche sur chaque film au programme des trois dispositifs comprenant notamment des vid os d analyse avec des extraits des films et le pr sent livret en ver sion pdf un glossaire anim des comptes rendus d exp rience
56. naturaliste du son diffus en salle 1 M Chion Un art sonore le cin ma p 30 FILIATONS Hitler l cran Si Hitler a vol sa moustache en brosse Charlot voir CRITIQUE il a fait l objet de nombreuses repr sentations l cran commen cer par la vague de s ries B qui fleurissent apr s Le Dictateur quand les tats Unis entrent en guerre contre l Allemagne Dans ces fic tions de propagande antihitl rienne au titre loquent That Nazty Nuisance The Devil with Hitler ou The Strange Death of Adolf Hitler le dictateur est r duit quelques traits physiques imm diatement reconnaissables m che de biais moustache habit militaire bras lev La sch matisation va de pair avec une banalisation identifier Hitler un humain commun le rend atteignable possible combattre Les habitudes qu on conna t au vrai Hitler sont tourn es en d rision dans la droite ligne du Dictateur o son v g tarisme fait l objet d un jeu de mots entre aryen et v g tarien Que la b te meure Avant 1945 seule une s rie B comme Hitler Dead or Alive 1942 ose int grer son r cit la mort du dictateur devan ant la r alit Grand amateur de cin ma bis Quentin Tarantino retrouve des d cennies plus tard ce culot sc naristique dans Inglourious Basterds 2009 il fait fi de la v rit historique puisque ses h ros membres d un com mando antinazi international incendient avec succ s un cin ma o
57. nt la Grande Guerre haut grad pen dant le r gne d Hynkel il arbore une loyaut ind fectible envers le barbier quand il reconna t en lui son sauveur s q 9 et l am nera critiquer ouver tement Hynkel quitte tre d port s q 18 Structurellement Schulz est le seul interm diaire entre le Palais et le Ghetto le seul personnage qui c toie Hynkel et le barbier et le seul nommer la ressemblance entre eux qui se cristallise en une phrase d une forte densit comique Tu envahis l Osterlich s q 34 Que r v le son acte man qu de la s q 21 le salut hynk lien Pourquoi se croit il autoris demander au barbier de por ter ses bagages et clubs de golf quand ils fuient sur le toit On pourra comparer Schultz Paris tocratique Capitaine de Boeldieu dans La Grande Illusion de Jean Renoir 1937 qui donne sa vie pour aider ses subordonn s s vader Dans la derni re s quence Schultz d passe son r le de personnage secondaire en enjoignant au barbier de parler Vous devez parler il le faut C est notre seul espoir Schultz qui chez Jaeckel n avait rien compris au r cit mim du barbier s q 23 ent rine le passage au parlant d finitif de Chaplin cin aste en lui reconnaissant une n ces sit historique Images de l horreur Le Dictateur est il seulement une com die On s attachera rep rer les moments o le ton change et o l horreur prend l
58. onn e seulement dans le carton d ouverture Aucun personnage ne la remarque jusqu au moment o les SA saluent le barbier fugitif comme leur leader s q 34 voir pages 10 11 Quand Palais et Ghetto communiquent Le montage altern est cependant troubl de plusieurs fa ons par exemple cet insert pendant que la boutique du barbier br le Hynkel joue du piano dans un plan de quelques secondes s q 21 tel N ron caressant sa lyre pendant l incendie de Rome C est comme si Hynkel au courant de cette exaction samu sait des cons quences de ses pers cutions Inversement le sc nario n h site pas laisser longtemps de c t soit Hynkel en des s quences qui tiennent du court m trage autonome s q 12 22 soit le barbier visite de Napaloni m me si le salon de coiffure du Palais rappelle que celui du barbier a t d truit Parfois c est un lien de cause effet qui remplace le montage altern quand Hynkel cesse la terreur s q 11 la vie au Ghetto s adoucit s q 12 Ce lien inqui te car il intervient juste apr s une modification de la tonalit comique devant l indiff rence d Hynkel face la mort sous ses yeux de l inventeur du chapeau parachute s q 10 notre rire se teinte d un d go t qui va crescendo quand Hynkel et Garbitsch planifient les meurtres de masse Ce n est pas un hasard si l apog e du Mal intervient dans un court circuit entre Palais et Ghetto Quand Hynkel poursuit les juif
59. parte nance la religion juive que malgr leur fausset il refuse de r futer pour ne pas faire le jeu des antis mites s ajoute le soup on de ol ch visme Chaplin est l un des premiers vis s par la Commission des Activit s antiam ricaines d s 1939 C est le d but d une guerre am ricaine contre Chaplin qui culminera en 1952 quand son pays d adoption abrogera son visa de retour Baign dans cette amertume Monsieur Verdoux 1947 d concerte par sa noirceur m lant huma nisme et cynisme S il s inspire de la vie de Landru tueur en s rie fran ais des ann es 1920 le film est con u d s fin 1942 dans le contexte de l atrocit de plus en plus d voil e des meurtres de masse La mort massive cr e une horreur et une peur telles que nous allons tous devenir des n vropathes et des tueurs commente Chaplin Plus cauchemardesque qu autobiographique Les Feux de la rampe met en sc ne un vieux clown d chu Un roi New York 1952 convertit en satire mordante de l Am rique d apr s guerre le ressen timent chaplinien avant une uvre moins appr ci e La Comtesse de Hong Kong 1967 son seul film en couleur Install en Suisse avec sa famille tardivement oscaris et anobli par la reine d Angleterre Chaplin meurt Corsier sur Vevey le jour de No l 1977 Univer sellement salu comme un g nie du grand cran et r guli rement red couvert par des g n rations de jeunes spectateurs il n a pa
60. r mieux les diff rencier de la simple caricature Napaloni mais aussi le discours en mime pho n tique d Hynkel Hitler s est imit lui m me avec plus de g nie crit il dans un passage non cit ici On sait que d s ses premiers succ s Charlot suscita de nombreux imi tateurs Pasticheurs ph m res dont la trace n est conserv e que dans de rares histoires du cin ma Lun d eux pourtant ne figure pas l index alphab tique de ces ouvrages Sa c l brit ne cesse cependant de cro tre partir des ann es 32 33 elle atteignit rapidement celle du little boy de La ru e vers lor 1925 elle l e t peut tre d pass e si cette chelle les grandeurs taient encore mesurables Il s agissait d un agitateur politique autrichien nomm Adolphe Hitler En imitant Charlot il avait commenc une escro querie l existence que l autre n oublia pas Il devait quelques ann es plus tard le payer cher Pour lui avoir vol sa moustache Hitler s tait livr pieds et poings li s Charlot Le peu d existence qu il avait enlev aux l vres du petit Juif allait permettre celui ci de lui en reprendre bien davantage que dis je de le vider tout entier de sa biographie au profit non pas exactement de Charlot mais d un tre interm diaire un tre pr cis ment de pur n ant La dialectique est subtile mais irr futable la strat gie invincible Premi re passe Hitler prend
61. rant furtif mais c est un m lo drame partir de La Ru e vers lor 1925 une s rie de divorces et de proc s en paternit perturbe son appr ciation de ses films comme Le Cirque 1928 pourtant r ussi Le passage au parlant la fin des ann es 1920 lui fait craindre le pire pour l aura universelle du Vagabond Il contourne la contrainte dans l un de ses chefs d uvre Les Lumi res de la ville 1931 sonore mais sans dialogues dont il compose la partition Apr s un tour du monde durant lequel il d cline une invitation de Benito Mussolini Chaplin tourne Les Temps modernes 1936 autre sonore tr s peu loquace inspir par ce qu il a vu de la D pression en Europe Ses convictions confi es la presse la sortie nourriront le discours final du Dictateur Les machines devraient b n ficier l homme et non le jeter dans la trag die du ch mage Une guerre am ricaine Est ce l ge la pudeur il est l un des artistes les plus riches du monde le passage forc au parlant ou l urgence historique Chaplin comprend qu il doit abandonner le Vagabond En 1938 il est encore plus connu dans le monde qu Adolphe Hitler l Am rique isolation niste voit pourtant d un mauvais il son projet du Dictateur qui s attaque de front au nazisme Aux accusations de mauvaises m urs depuis les ann es 1920 auxquelles son mariage en 1943 avec Oona dont na tront huit enfants n a rien chang et aux rumeurs d ap
62. rring lui annonce l invention d un merveilleux gaz toxi que qui tuera tout le monde Garbitsch r ve avec lui d une Tomanie puis d un monde purement aryens v n rant un dictateur brun 14 Transport par ses ambitions plan taires Hynkel le cong die et danse avec sa mappemonde 15 X Rasage en musique le barbier rase un client au rythme de la Cinqui me Danse hongroise de Brahms diffus e la radio 16 Hannah se pr pare un rendez vous galant avec lui 17 XI Solution finale apprenant que le banquier juif lui refuse son pr t Hynkel demande Schultz de se venger sur le Ghetto Devant sa d sapproba tion il l envoie en camp de concentration 18 XII Discours d Hynkel 2 la voix de son ma tre prononc la radio et diffus dans les rues du Ghetto le discours haineux d Hynkel terrorise Hannah et le barbier qui se promenaient gaie ment 19 Les SA envahissent le Ghetto Jaeckel organise la r sistance 20 l annonce de l arres tation de Schultz les SA veulent se venger du bar bier Il fuit avec Hannah sur les toits d o ils voient br ler sa boutique Il leur reste l espoir de s exiler en Osterlich un pays libre Pendant ce temps Hynkel joue du piano Jaeckel cache Schultz fugi tif 21 XIII D ner de minuit Schultz convoque les hommes de l immeuble Pour faire sauter le Palais un kamikaze doit tre tir au sort celui qui trou vera une pi ce
63. s des liens vers les sites sp cialis s dans l ducation l image Enfin la plupart des sites internet des coor dinations r gionales du dispositif Lyc ens et apprentis au cin ma propose des ressources compl mentaires au pr sent livret capta tions de journ es de formation partage d ex p rience Consultez votre coordination ou retrouvez ces liens sur le site Image Charlot face l Histoire Pour son premier film v ritablement parlant Charles Chaplin a d cid de s attaquer l homme qui lui a vol sa moustache Adolf Hitler crite et tourn e une poque o l Am rique n tait pas encore en guerre contre l Allemagne cette satire fond e sur la res semblance entre Charlot et Hitler d passe de loin le portrait au vitriol Son h ros barbier juif du Ghetto d un pays imaginaire ressemble tellement Charlot que sa jud it r sonne en 1940 comme une d fense de ce peuple opprim Mais le c l bre Petit Vagabond pr te aussi ses traits au dictateur dans un film o la pantomime burlesque est mise l preuve des horreurs contemporaines Pourtant connu pour ses r ticences envers le cin ma parlant Chaplin prend bras le corps le discours travers les harangues hitl riennes que les spectateurs connaissent par les bandes d actualit s mais aussi la prise de parole d un anonyme un homme de peu amn sique des titu d port Gr ce un usage novateur du son le cin aste le p
64. s de ses hurlements radiophoniques s q 19 il trouble la qui tude spatiale que garantissait le montage altern et augure de leur an antissement effectif s q 36 Le montage altern souffre une autre exception d autant plus importante qu elle ouvre le film Au del de son statut de remake de Charlot soldat l pi sode initial constitue un prologue significatif Non seulement il rappelle un lien de cause effet connu entre la d faite de l Allemagne en 1918 et la mon t e au pouvoir d Hitler Mais surtout ce pass refoul par le barbier et parfois par le spectateur irrigue sous forme d chos tout le r cit la non reconnais sance du barbier devant Schultz Vous ne me reconnaissez pas s q 9 rejoue celle de Schultz aviateur O suis je s q 3 l exhortation finale aux soldats de ne pas rester esclaves des dictateurs s q 38 rappelle le sol dat chair canon du prologue Enfin comment ne pas entendre le commen taire off sur la port e tr s longue distance du canon tomanien comme le pr d cesseur n gatif de la port e utopique de la voix du barbier qui atteint Hannah jusqu en Osterlich Avec cet usage mystique du montage altern Chaplin nous fait oublier jusqu la n cessit d un d nouement Une reprise musicale Deux th mes musicaux principaux sont employ s dans le film l un di g tique la Cinqui me Danse hongroise de Johannes Brahms 1869 d sign e
65. s tou jours t reconnu comme styliste une partie de la critique m me logieuse r duit son apport de la pantomime film e d plorant le sentimentalisme de ses longs m trages et minorant ses choix cin matographiques une intelligence du cadre et de la dur e du plan qu un sp cialiste comme Francis Bordat a brillamment analys e dans une monographie dont le titre sonne comme une r habilitation Chaplin cin aste AC TEUR PERSONNAGE Vie et mort du Vagabond uvre de Chaplin n est pas du tout un ensemble de films quelconques au milieu desquels un personnage identique serait m l des aventures diff rentes crit Jean Mitry C est un cycle une suite d v nements tra vers s par un tre humain qui comme tout tre humain se forme se transforme se modifie au gr des exp riences v cues Autant le Petit Vagabond invent par Chaplin alors acteur la Keystone est recon naissable un ensemble de traits et de gestes si distinctifs qu ils confinent l abstraction voir les peintures cubistes qui s en inspi rent autant ceux ci doivent leur succ s universel une volution permanente tant t discr te tant t faite de ruptures Charlot lui m me se d finit par un alliage contradictoire un costume serr en haut et l che en bas un chapeau trop petit et des chaussures trop grandes un visage expressif mais dont la moustache et les sourcils barrent tout sentiment par leur stylisat
66. sauve la vie d un aviateur Schultz juste avant larmistice Amn sique il ignore que pendant sa longue convalescence le pays en crise a port au pouvoir le dictateur Hynkel belliqueux et antis mite De retour chez lui dans le Ghetto le barbier fait la connaissance d Hannah la prot g e de son propri taire M Jaeckel l insolence involontaire du barbier face aux sections d assaut SA qui s ment la terreur dans les rues lui fait chapper de peu la pendaison gr ce l intervention du commandant Schultz Pour obtenir un pr t d un banquier juif et envahir l Osterlich Hynkel cesse momentan ment ses pers cutions Dans le Ghetto pacifi une idylle na t entre le barbier et Hannah Mais quand le banquier juif refuse son pr t le dictateur se fait nouveau mena ant Il s appr te envoyer en camp de concentration Schultz contestataire Celui ci se r fugie dans le Ghetto et tente de convaincre le barbier de perp trer un attentat sans succ s Tous deux sont arr t s et d port s Jaeckel et Hannah gagnent l Osterlich Apprenant que Napaloni son rival de Bact rie se pr pare conqu rir lOsterlich Hynkel l invite pour l intimider Peine perdue Le ton monte entre les dictateurs Hynkel signe un trait de non agression mensonger Schultz et le barbier s vadent du camp d guis s en officiers tomaniens Hynkel d guis en chasseur est pris pour le barbier fugitif et arr t Au m me moment des SA prennen
67. sections d assaut SA lorsqu ils ter rorisent les commer ants 6 VI Retour et rem moration le barbier quitte l h pital 7 Toujours amn sique il s tonne de voir des SA inscrire juif sur la devanture de sa boutique Hannah le cache dans sa cour quand la police vient en renfort 8 Plus tard les SA le retrouvent dans la boutique et s appr tent le pen dre un lampadaire Leur commandant Schultz les en emp che il reconna t l homme qui l a sauv pendant la guerre et lui assure sa protection Le barbier retrouve la m moire 9 VII Hynkel en son Palais dans la machine de guerre architecturale d Hynkel celui ci dicte une lettre pose pour des uvres son effigie observe des inventions militaires inefficaces joue du piano assaillit une secr taire 10 Garbitsch annonce une vague d arrestations de dissidents Hynkel d cide d envahir l Osterlich avant son rival Benzino Napaloni Contraint d emprunter un grand ban quier juif pour financer l invasion il va cesser momentan ment ses pers cutions 11 VIII Calme suspect dans le Ghetto Hannah et le barbier qui l a coiff e dans son magasin apr s l avoir machinalement ras e comme un homme sympathisent sous l il attendri de M Jaeckel 12 Devant l attitude courtoise des SA dans la rue Hannah esp re la fin de la terreur 13 IX Le monde port e de main Hynkel peste contre l incomp tence de ses secr taires He
68. semblent inqui ter son client inaugurent un rasage assez rude Chaque coup de lame pousant la vivacit du morceau fait sursauter le client larrachage du drap protecteur suit celui douloureux d un cheveu rebelle La Danse hongroise achev e le spectateur oublie l tranget du blanc radiophonique qui s vit sur les ondes et laisse le temps au barbier de demander son d Ondes n gatives Par del l effet comique d une certaine brutalit induite par les attaques des phrases musicales on peut se demander pourquoi le client d tale la fin sans un mot Qu est ce qui l a effray dans cette synchronie entre musique et gestes entre son et image Le regard dans le vague du barbier et ses gestes m ca niques encouragent une hypoth se en ob issant aux injonctions du speaker de la radio n est il pas devenu un bon petit soldat du r gime ou pour reprendre l image un autre film de Chaplin une sorte de machine raser comme la machine manger qui s emballe et blesse Charlot dans Les Temps modernes L happy hour radiophonique tient en effet non seulement de la r clame mais de la propagande et au gros plan du poste de radio correspondra trois s quences plus tard celui sur les haut parleurs d o sortiront les menaces d Hynkel Le discours final du barbier transmis sur les ondes fera nouveau r f rence au pervertissement d une technologie magnifique Mais d s ce plan a priori guille r
69. squ au 1er septembre 1939 deux jours avant la d claration de guerre du Royaume Uni et de la France l Allemagne Premier sc nario dialogu de Chaplin The Great Dictator compte deux fois plus de pages que la norme hollywoodienne Parmi des l ments abandonn s l pouse am ricaine et d mocrate d Hynkel que Chaplin aurait fait interpr ter par l actrice comique juive Fanny Brice Le rire mortel Apr s un an de pr paration le tournage d bute le 9 septembre et dure jusqu fin mars 1940 des retournages seront effectu s jusqu la sortie Les menaces de mort perdurent mais de d conseill par les autorit s le film est d sormais attendu Chaplin perfectionniste comme jamais multiplie les prises montrant par exemple Goddard les gestes faire comme au temps du muet Il tourne ses deux per sonnages s par ment d abord le barbier dans le Ghetto puis lac cident d avion les sc nes avec Hynkel le champ de bataille avec une r plique de Grosse Bertha en bois de trois tonnes et trente m tres de long et la chasse au canard D avril juin il monte tout en tra vaillant au discours final du barbier sur lequel le sc nario pr voit de monter des sc nes dans divers pays o des militaires jettent les armes touch s par la gr ce S il ne retient pas la s quence Chaplin conserve ce discours de six minutes contre l avis des cosc naristes et des distributeurs qui craignent un effet de pi ce rapport e
70. t Charlot est content de lui centr autour du personnage qu il a cr le Petit Vagabond Little Tramp Le public comme la presse couronnent de succ s son perfectionnisme et son obstination des qualit s habituellement attribu es la mentalit de l immigrant La Chaplinmania na t presque en m me temps que Charlot sur nom que lui donne un distributeur fran ais en 1915 reconnais sable sa badine de jonc sa moustache en brosse son chapeau melon sa silhouette et ses chaussures En trois ans Chaplin d cuple son salaire Gagnant en libert cr atrice il travaille pour la Essanay puis la Mutual avant d ouvrir son propre studio en 1918 Tout en soutenant l effort de guerre il signe plusieurs grands films d affil e dont Charlot soldat et Une idylle aux champs distribu s par la First National Il ach vera son contrat avec ce distributeur par un long m trage poignant Le Kid en 1921 apr s avoir fond en 1919 avec Douglas Fairbanks Mary Pickford et D W Griffith United Artists une structure de distribution qui garantit l ind pendance des artistes producteurs dans un syst me hollywoodien peu enclin la leur accorder En dix ans le personnage de Charlot a gagn en humanit et sa popularit a inspir le monde artistique des peintres Fernand L ger aux crivains Aragon Colette Cendrars Cocteau En 1923 L Opinion publique surprend doublement non seulement il ny joue pas on l aper oit en figu
71. t le barbier pour Hynkel lOsterlich conquise les SA malm nent Hannah et Jaeckel L arm e conduit Schultz et le barbier toujours pris pour Hynkel la tribune il doit parler au peuple conquis D abord h sitant il fait preuve d un humanisme fougueux appelant la foule r tablir la d mocratie distance Hannah entend son message d espoir R ALISATEUR Chaplin cin aste La travers e des continents et des classes sociales ancrage dans la sc ne th trale et l engagement politique l emprunt au m lodrame comme la pantomime sont autant de facettes qui ont permis cet acteur sc nariste cin aste producteur et compositeur de g nie de rendre compte de ce que vivre au vingti me si cle a pu signifier N le 16 avril 1889 dans un quartier mis reux de Londres Charles Spencer Chaplin Jr comme son demi fr re Sidney doit compter tr s t t sur ses propres ressources ses parents artistes de music hall ont sombr respectivement dans l alcoolisme et la folie Em bauch avec Sidney dans la troupe de Fred Karno il part en tourn e aux tats Unis de 1910 1912 Lles gratte ciels les lumi res gaies et tincelantes les extraordinaires enseignes lumineuses m emplirent sou dain d espoir et d un sens de l aventure Fin 1912 il y est remarqu par Mack Sennett qui vient de fonder la Keystone un studio de cin ma burlesque En 1914 il s installe aux USA et appara t dans trente cinq films don
72. tapote autoritairement entre ses deux poi gnets debout devant son bureau 7 Il se penche gracieusement en arri re au dessus du bureau et prend un air tr s grec Il balance le globe de son orteil sa t te puis sur son derri re Sa beaut le transporte 8 Il va de l autre c t du bureau a un lan mystique envers le monde le lance haut en l air bondit apr s lui sur son bureau o il le rattrape 9 nouveau il le lance en lair bondit du bureau pour le rattraper mouvement lent 10 Il le rattrape brutalement col re Rire d moniaque Le globe clate Il prend la peau d un air morne et clate en sanglots Extrait du sc nario d cembre 1939 Cit par David Robinson dans Chaplin pp 315 316 Traduction de Jean Fran ois Chaix tr s l g rement modifi e par nos soins CONTEXTE T Des actualit s la fiction Ancr dans l inqui tude face la mont e du nazisme en Europe et dans la res semblance entre Charlot et Hitler le projet m me du Dictateur en fait une fic tion clefs La voix off d actualit s qui se substitue bient t aux cartons relie l intrigue au pr sent et usage de termes aujourd hui associ s exclusivement cette p riode comme camp de concentration m me si l expression est n e au d but du vingti me si cle en font un film passionnant sur une Histoire sai sie au pr sent et m me au futur le gag du gaz merveilleux qui tuera tout le monde propos
73. tion contre l histoire Le Dictateur Vertigo n 13 1995 pp 89 91 Christian Delage Chaplin la grande histoire Jean Michel Place 1998 Jacques Mandelbaum Recouvrement in J M Frodon dir Le Cin ma et la Shoah Un art l preuve de la trag die du 20 si cle Cahiers du cin ma coll Essais 2007 pp 37 54 Jean Narboni Pourquoi les coiffeurs Notes actuelles sur Le Dictateur Capricci 2010 Adolphe Nysenholc Charles Chaplin ou la l gende des images M ridiens Kincksieck 1987 pp 111 LI Charles Tesson et al dossier sur Le Dictateur Cahiers du cin ma n 572 octobre 2002 Chaplin et Charlot Andr Bazin Charlie Chaplin 1973 Petite biblio th que des Cahiers du cin ma 2000 Francis Bordat Chaplin cin aste Cerf 1998 Francis Bordat De Charlot aux Charlot la mise en sc ne comme extension du jeu in Jacques Aumont dir La Mise en sc ne De Boeck univer sit 2000 pp 59 72 Charles Chaplin Ma vie 1964 trad par Jean Rosenthal Presses Pocket 1989 2003 Jo l Magny et No l Simsolo Chaplin aujourd hui Petite biblioth que des Cahiers du cin ma 2003 Jean Mitry Charlot le personnage et le mythe LAvant sc ne cin ma n 219 220 janvier 1970 Jacques Ranci re Charlie Chaplin la machine et son ombre Trafic n 65 printemps 2008 pp 34 44 David Robinson Chaplin sa vie son art 1985 trad par Jean Fran ois Chaix Ra
74. troupes de la fronti re de l Osterlich Escalade coups de spaghetti et de sala mi Hynkel signe mais sait qu il se d dira 33 XIX Tu envahis l Osterlich Schultz et le bar bier vad s du camp de concentration en habit d officiers marchent vers l Osterlich Les SA pre nant le barbier pour Hynkel les m nent l tat major clandestin 34 Hynkel d guis en chas seur est arr t par les SA qui le prennent pour le barbier 35 Pendant ce temps dans le Ghetto les Juifs sont spoli s Un jeune homme qui protes tait est tu en pleine rue 36 En Osterlich Hannah et M Jaeckel voient arriver chez eux les soldats tomaniens qui les maltraitent 37 XX Discours d Hynkel 3 devant les foules d Osterlich Hynkel est attendu pour un discours la tribune Garbitsch plaide d abord contre la d mocratie et les juifs Le barbier n ose pas se lancer Vous devez parler lui enjoint Schultz S adressant au peuple aux soldats puis Hannah il pr ne la paix et de la d mocratie Le public lac clame Depuis l Osterlich Hannah entend sa voix Elle l ve les yeux pleine d espoir 38 Fin R CIT Trajectoires crois es Le r cit du Dictateur se caract rise par une r partition en deux lieux princi paux le Ghetto et le Palais annonc e d s le g n rique Les gens du Palais Les gens du Ghetto Le va et vient entre ces lieux film s diff remment plats frontaux au Palais
75. un plaisir bougez au rythme de la musique C est peu de dire que le barbier suit son conseil dans le plan s quence qui suit il rase un client au son de la Cinqui me Danse hongroise de Johannes Brahms avec une pr cision calqu e sur le tempo musical Dans la s quence qui pr c de la danse d Hynkel avec la mappemonde rendue a rienne par de discrets trucages pousait elle aussi le rythme du pr lude de Lohengrin de Wagner Mais la synchronie se rompait avec l clatement du monde au visage du dictateur Le rasage en musique au tempo principalement rapide substitue l nergie du labeur artisanal aux envol es m galomanes d Hynkel La co ncidence entre musique et mouvement correspond ici la d finition du mickeymousing Ce terme emprunt au dessin anim d signe une musique accompagnant les actions et les mouvements survenant dans les images du film par des figures et des actions musicales exactement synchrones qui peuvent r aliser en m me temps le bruitage stylis et transpos en notes musicales Le proc d a la pr cision d une partition gestuelle h rit e du Charlot muet l introduction musicale correspond la pr paration du savon aux aigus des violons le vigou reux essorage des mains au ralentissement du tempo l aiguisage soigneux de la lame Mais les gestes d passent bient t la seule utilit du m tier une fois le barbier pass droite du fauteuil ses genoux pli s en cadence qui

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