Pourquoi et comment favoriser la participation d`adolescents de ZUS
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1. des pratiques peu accessibles un enqu teur adulte elle peut entra ner l adh sion de jeunes ne souhaitant pas initialement r pondre des questions elle vite de recueillir des discours trop format s par les propos que les adolescents ont l habitude de tenir aux adultes Une derni re consid ration g n rale explique l int r t que j ai port ces m thodes Elles sont en ad quation avec ma perspective th orique sur la mobilit des adolescents de ZUS Dans leurs d placements ces adolescents sont confront s des situations probl matiques notamment dans leurs interactions avec des citadins dont ils ne sont pas familiers Ces preuves m me les plus minimes peuvent alors conduire un retour r flexif de l adolescent sur ses habitudes d action et leur modification Le retour des adolescents durant des entretiens sur les preuves qu ils ont rencontr es dans leur mobilit n est alors possible que s ils adoptent sur leurs pratiques un regard r flexif ce qui est un des int r ts de leur implication active dans la recherche Pour conclure cette partie soulignons que l ensemble des consid rations d ontologiques soulev es jusqu pr sent ne sont pas totalement sp cifiques aux adolescents Tout chercheur qui tudie dans la dur e un monde social est confront un moment o un autre ces consid rations notamment lorsqu il travaille sur un monde social domin Lepoutre ibid N est il pas en train de2. est moi qui choisis j te passe une dix Un point c est tout Tr s bien tu as gagn donne moi une Ou bien un autre encore plus jeune essayant de suivre les paroles incompr hensibles pour lui d un rappeur am ricain qu il a soigneusement t l charg es ill galement et mis sur son l Pod vid o troisi me g n ration huit gigas qu il a vol un pauvre homme dans le RER il s en vante tous les jours Sur le mur qui fait face au parking on remarque que le num ro de mon immeuble est le quatre vingt treize ou plut t le trois avec peint la peinture blanche un neuf devant pour rendre le b timent plus beau C est bien c est cr atif comme quoi avec peu on peut faire beaucoup Sur le mur de la gauche un petit d grad de couleurs qui devient de plus en plus fonc C est le jeune qui coutait du rap US qui vient d arriver ici II n habite pas dans ce b timent mais il y reste jour et nuit et il n a aucune honte ou pudeur Ah Je viens de voir un petit gar on seul qui a failli se faire renverser par une Renault 25 qui voulait se garer Le petit courait derri re son ballon N mo en pleurant car il avait t perc par le chien d un jeune qui faisant des tractions l arr t de bus frime avec ses muscles et ses deux b b s Rottweiler Les deux Rottweilers ont les oreilles et la queue coup es aux ciseaux par leur ma tre car comme ces chiens font des combats il vaut mieux qu elles
3. une enqu te sociologique et claire en cons quence leur consentement participer la recherche Dans le champ fran ais ces m thodes de participation active des adolescents la recherche ont t ma connaissance mises en uvre dans peu de travaux Dubet et Martucelli 1996 Lepoutre 2005 Ces travaux mettent en vidence d autres avantages de cette participation que ceux nonc s pr c demment Ils montrent tout d abord comment il est possible d articuler objectifs p dagogiques et production de connaissances scientifiques dans le cadre de projets men s dans des tablissements scolaires Lepoutre ibid La recherche ne conduit alors pas seulement la reconnaissance du travail du chercheur par ses pairs mais donne galement naissance un objet tangible un livre une exposition auquel les adolescents sont fiers d avoir collabor Cela lib re quelque part le chercheur de l examen de conscience sur l utilit de sa recherche pour les adolescents ayant accept d y participer Ces travaux montrent galement qu il est n cessaire de laisser une place dans la recherche la r flexivit des adolescents sur leurs pratiques Le chercheur peut ainsi leur soumettre les interpr tations qu il a tir es leur gard afin d en am liorer la pertinence Dubet et Martucelli ibid La participation des adolescents la recherche favorise ainsi entre autres leur consentement clair elle permet l acc s
4. alisation de questionnaires par les l ves sur des th matiques propres l adolescence qu ils avaient auparavant choisies les relations amoureuses et amicales entre adolescents le rapport des adolescents leur quartier et la ville en g n ral les adolescents et l organisation de leur temps Les l ves ont ensuite distribu ces questionnaires d autres adolescents avant qu une restitution des r sultats ne leur soit faite en classe enti re Cette initiation la sociologie a pr sent e plusieurs avantages D une part elle a permis de faire Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain comprendre aux l ves les enjeux d ontologiques et scientifiques d une enqu te Ces derniers ont ainsi d expliquer d autres adolescents qu ils n avaient parfois jamais vus que des r ponses personnelles par exemple sur leur sexualit taient anonymes et donneraient lieu une restitution en classe sans que leur nom soit r v l Ils ont galement d faire comprendre ces adolescents en quoi leurs r ponses pr sentaient un int r t de recherche Les l ves ont ainsi pu saisir en pratique ce qu impliquait de se pr ter une enqu te sociologique Cette initiation offrait galement des avantages sur le plan scientifique Si les th mes des questionnaires taient divers ils posaient en filigrane des questions propres ma recherche en particulier les disparit s entre fille
5. cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain Cette m diation par les institutions doit alors imp rativement tre int gr e l analyse des r sultats obtenus Elle n est en effet pas sans influence sur la relation d enqu te entre des adolescents et un enqu teur adulte plus ou moins assimil l institution par laquelle il est entr en contact avec eux L enqu teur ne peut alors totalement s manciper des relations asym triques notamment en terme de pouvoir et d autorit qui structurent la relation de l adolescent cette institution De m me cette m diation influence le profil des adolescents auxquels l enqu teur acc de L institution par laquelle le chercheur entre en relation avec les adolescents peut ainsi tre en charge d un public sp cifique Le choix des adolescents retenus pour l enqu te peut tre galement fortement orient par les personnels institutionnels assurant l interface avec le chercheur Sime 2008 Le passage par des institutions pour acc der aux adolescents enqu t s pose donc un certain nombre de probl mes m thodologiques Mais il soul ve galement des consid rations thiques notamment en ce qui concerne le consentement clair participer la recherche Par exemple lorsque la mise en contact du chercheur avec les adolescents se fait par l interm diaire de l institution scolaire il peut exister une confusion aux yeux des adolescents entre la recherche proprement dite et les activ
6. galement participer la d finition des objectifs de la recherche en cours et faire partie de son comit de pilotage Hart ibid alors que certains chercheurs d fendent m me l id e d une participation d adolescents aux comit s d thique des universit s chaque valuation de projet incluant des enqu t s mineurs Sime ibid Cette participation active des adolescents comporte de nombreux avantages thiques et scientifiques La prise de photographies permet ainsi par exemple tout d abord d obtenir des informations sur des pratiques et des lieux non accessibles un enqu teur adulte Elle offre galement l avantage d int grer la recherche des adolescents prouvant des difficult s de verbalisation Cette participation comporte aussi un aspect ludique permettant d entra ner l adh sion d adolescents ne souhaitant initialement pas se pr ter au jeu de l entretien ou de l observation Mais elle offre galement d autres avantages notamment celui d infl chir les probl matiques de recherche du sociologue tout au long de l enqu te en y int grant les capacit s r flexives des adolescents Sime ibid Les adolescents ne sont en effet Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain pas des idiots culturels sans aucun regard r flexif sur leurs pratiques Garfinkel 1967 Cette participation active favorise galement la compr hension des adolescents sur les enjeux thiques d
7. cessait cependant de me tarauder au moment de l enqu te ayant l impression de recevoir 7 Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain des histoires de vie singuli re de la part de ces jeunes sans rien leur apporter en retour C est alors cette insatisfaction qui a nourri mon int r t pour les m thodes favorisant l implication active des adolescents dans la recherche Ces m thodes me semblaient d autant plus int ressantes que certains adolescents de la maison de quartier d veloppaient une vraie r flexion sur leurs pratiques de mobilit Un d entre eux m expliqua ainsi un jour qu il avait plus tendance fr quenter Ch telet que les Champs Elys es car malgr la pr sence massive de policiers il y tait beaucoup moins contr l Interrog sur les raisons de ces contr les plus nombreux aux Champs Elys es il les expliqua par la pr sence plus importante de touristes d finissant au contraire Ch telet comme un lieu de passage o la pr sence des jeunes tait plus tol r e Or malgr tous mes efforts il m a t impossible dans le cadre de mon ethnographie de mettre en uvre ces m thodes Cela tait sans doute d la sp cificit de mon terrain d tude une maison de quartier consid r e par les jeunes essentiellement comme un lieu de loisirs et de retrouvailles l cart des regards des personnes plus g s du quartier J ai ainsi propos certains jeunes avec lesquels j av
8. de nombreux passages qui 11 Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain fournissent un mode d emploi des descriptions sociologiques sur la ville Becker 2010 Figure 2 Texte d un l ve de seconde g n rale mars 2009 Ma rue je dois parler de ma rue tr s bien Comment Le plus platement possible d accord j me lance Tout d abord je n ai pas vraiment de rue C est plut t un grand b timent donnant sur un parking Sur ce parking de 34 places une quarantaine de voitures sont stationn es Il est 19 heures tout est normal comme d habitude Du haut de mes 15 tages je peux apercevoir une grosse flaque d huile se d versant d une voiture sans roue les restes d une voiture br l e volontairement d un acte criminel De chez moi je peux voir pratiquement tout le Bois Saint Denis l a roport Charles de Gaulle et ses trois terminaux ses trois tours de contr le et ses quelques 500 vols par jour une bonne partie du centre ville et son brouhaha l enseigne de Leroy Merlin de Livry Gargan clignotant toutes les trois secondes et demie et le phare de Paris l il de Paris brillant de mille feux la tomb e de la nuit tournoyant et m blouissant vingt quatre secondes d intervalle En bas devant mon hall on peut entendre un jeune murmurer un vieillard J te donne une dix Le vieux r pondit Non je je je veux une trente Ah nan ici c
9. interventions et pour comprendre l impact qu aura la participation la recherche sur leur vie il est parfois plus thique de se baser sur leur consentement clair plut t que de chercher obtenir le consentement crit de leurs parents Une telle approche offre le plus d opportunit s aux enfants d exprimer leur point de vue et leurs exp riences Elle vite galement d exclure des enfants dont les parents ne r pondraient pas aux demandes de consentement ou qui voudraient contr ler les interlocuteurs de leurs enfants Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain peu se diffuser dans le champ des tudes fran aises Danic et al 2006 Elle est beaucoup plus r pandue parmi les recherches anglo saxonnes sur les pratiques sociales des adolescents notamment celles qui sont publi es dans la revue Children s Geography et ou celles qui s inspirent de la Participatory Action Research Hart 1992 Dans cette m thode participative les enqu t s participent activement au processus de recherche ils identifient avec le chercheur les probl mes de leur communaut ils choisissent les outils permettant de mieux comprendre ces probl mes et ils trouvent ensemble des solutions pour changer leur situation Nous avons donc vu que prendre les adolescents comme objet de recherche posait un certain nombre de probl mes m thodologiques comment acc der aux pratiques qui se d roulent en dehors des cad
10. quartier de r sidence parfois mieux d crits dans les r cits des jeunes que dans leurs propos L ensemble des textes et photographies r alis s coupl aux r sultats des questionnaires ont ensuite donn lieu des op rations de valorisation afin que les l ves puissent voir le r sultat de leur travail Il leur tait ainsi demand le plus souvent au d but des projets le mode de restitution de leur travail ayant leur pr f rence Cette restitution a alors prise diff rentes formes mise en place d un blog expositions dans les halls des tablissements au centre de documentation ou lors de journ es portes ouvertes r alisation d un petit livret financ par le Conseil g n ral de Seine Saint Denis A la suite de la r alisation des questionnaires textes et photographies des entretiens individuels d une heure taient propos s Il avait t bien expliqu que ces entretiens n taient pas obligatoires bien qu ils aient lieu le plus souvent durant les heures de cours et dans l enceinte des tablissements La quasi totalit des l ves ont accept de se pr ter au jeu en raison sans doute de la bonne r ception du projet dans son ensemble la majorit des l ves se montra ainsi enthousiaste l gard d activit s qui sortaient du cadre scolaire habituel y compris les l ves en difficult et ayant un rapport compliqu l institution scolaire Cela s explique sans doute en partie par le fait que les mo
11. trahir la confiance des enqu t s Ne profite il pas de leur confiance des seuls fins de promotion acad mique alors que le sort des enqu t s ne sera pas modifi par cette recherche Les enqu t s ont ils conscience qu une partie de leurs pratiques m me anonymis es risquent d tre port es sur la place publique Comment d terminer les pratiques qu il 2 RE s Ce recensement n est pas exhaustif Dans son livre D Lepoutre donne ainsi l exemple de trois enseignants ayant men des projets de recherche action avec leurs l ves Il cit galement la th se de H Vieillard Baron dont un des volumes est constitu de r cits de vie crits par des lyc ens Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain convient de r v ler ou au contraire de laisser dans l ombre pour ne pas nuire aux enqu t s L aussi la compr hension par les enqu t s de l implication de leur participation la recherche est essentielle et elle ne peut pas se limiter la signature d un formulaire de consentement participer Les m thodes visant favoriser la participation active des enqu t s afin de r soudre en partie ces probl mes d ontologiques n ont d ailleurs pas seulement t mises en uvre avec des mineurs Citons par exemple dans une perspective th orique proche de la mienne sur la mobilit le projet qu I Joseph menait sur la ligne de m tro 2 Paris Celui ci souhaitait substi
12. Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain Pourquoi et comment favoriser la participation d adolescents de ZUS une recherche sur leurs mobilit s urbaines NICOLAS OPPENCHAIM Observatoire du Samusocial de Paris Laboratoire LVMT Paris Est Sociologie n oppenchaim samusocial 75 fr R sum L objectif de cet article est de pr senter un exemple de participation active des adolescents une recherche de sociologie sur leurs mobilit s urbaines Dans le cadre de cette recherche men e dans des tablissements scolaires les adolescents ont ainsi r alis des questionnaires de sociologie qu ils ont distribu s d autres jeunes Ils ont galement pris des photographies et crit des textes sur leurs mobilit s avant d tre interrog s individuellement sur ce th me par le chercheur Cette m thode a pour premier avantage de favoriser le consentement clair des adolescents en leur faisant comprendre les implications de leur participation une recherche Elle permet galement de cr er une relation de confiance avec les adolescents et de stimuler leur r flexivit afin de les associer l laboration de la recherche Introduction Est ce que prendre les adolescents comme objet d tude suppose l utilisation de m thodes de recherche diff rentes de celles utilis es pour les adultes Quelles sont les m thodes permettant de concilier rigueur scientifique et pr occupations d ontologiques d
13. Plusieurs d entre eux me d clar rent que cet entretien leur avait permis de mieux comprendre que la mobilit n tait pas inn e et qu ils avaient d apprendre se confronter l alt rit Il s agissait n anmoins essentiellement d adolescents ayant des pratiques de mobilit sp cifiques tr s fortement tourn es vers la fl nerie urbaine D autres plus rares me confi rent leur impression d avoir exp riment une s ance de psy leur ayant permis de mieux se conna tre confirmant ainsi que l entretien avait permis un retour r flexif sur les pratiques Enfin une partie des l ves ayant peu l occasion de se d placer en dehors de leur quartier souligna que cela leur avait fait du bien de parler des probl mes de leur vie quotidienne un intervenant ext rieur 13 Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain Ce questionnement imm diat sur leur ressenti n tait pas la seule occasion d change avec les l ves sur les entretiens En effet une fois les entretiens r alis s avec l ensemble des volontaires une s ance de restitution tait organis e en classe enti re suivie d un d bat sur les principaux r sultats obtenus Cette restitution tait guid e l origine par des consid rations d ontologiques Elle eut n anmoins des r percussions importantes au niveau des r sultats scientifiques de ma recherche en particulier sur la typologie des jeunes que j avais effect
14. ais d j r alis un entretien classique de prendre des photographies durant leurs d placements puis de les commenter La plupart me d claraient cependant avoir la flemme et que cela leur rappelait trop le cadre scolaire Cette difficult mettre en uvre ces m thodes tait galement renforc e par le turn over des jeunes fr quentant la maison de quartier qui pour certains ne venaient que pour une heure ou de mani re espac e dans le temps J ai alors compl t cette ethnographie par des projets men s dans huit tablissements scolaires quatre classes de troisi me deux secondes professionnelles BEP vente et deux secondes g n rales Ces projets articulaient trois dimensions d une part une initiation des l ves la sociologie sous la forme de la r alisation et de la passation d un questionnaire d autres adolescents d autre part la r alisation de textes et de photographies autour de leur mobilit enfin quatre vingt quinze entretiens semi directifs d une heure r alis s apr s l initiation la sociologie et donnant lieu dans la majorit des cas une restitution collective de mon enqu te devant l ensemble des l ves Mener une recherche dans des tablissements scolaires suppose tout d abord de nouer une relation de confiance la fois avec les l ves et avec les professeurs La construction de cette relation dans le cadre scolaire ne va pas de soi car un nombre important des adolesc
15. ans l tude de cette population Ces questions ont t beaucoup plus abord es dans la litt rature sociologique anglophone que dans celle en langue fran aise Danic et al 2006 Or elles se sont r v l es centrales dans le cadre de la recherche que j ai men e sur les mobilit s quotidiennes des adolescents de zones urbaines sensibles ZUS Cette recherche avait pour point de d part l id e que la mobilit constitue une tape importante de la socialisation des adolescents car elle est le support du passage du monde familier au domaine public Breviglieri 2007 Elle permettait ainsi d enrichir les approches statiques de la s gr gation en ne r sumant Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain pas l inscription urbaine des adolescents de ZUS leur localisation r sidentielle et en prenant en compte les interactions qu ils ont avec des citadins d une autre origine g ographique et sociale durant leurs mobilit s Oppenchaim 2009 Lors de cette recherche j ai alors t confront un certain nombre de difficult s m thodologiques et d ontologiques inextricablement li es comment un enqu teur adulte peut il acc der aux pratiques de mobilit des adolescents qui sont un moment privil gi de l entre soi adolescent Comment recueillir et utiliser pour un travail acad mique des informations sur ces pratiques en s assurant que les adolescents comprennent ce qu implique leur partici
16. bilit s ne soient pas un sujet trop intime les l ves pouvant parler de ce th me entre eux Il n est ainsi pas certain que de tels projets aient pu tre men s sur le th me de la sexualit N anmoins une minorit d l ves sont rest s en retrait ne manifestant au contraire de leurs camarades aucun enthousiasme Il s agissait principalement d l ves introvertis ou avec une fr quentation tr s pisodique des tablissements scolaires Ces derniers ont certes accept ensuite le principe d un entretien mais ils me confi rent ensuite que leur motivation principale tait de manquer des heures de cours Je n ai pas sollicit une autorisation des parents pour la r alisation de ces entretiens pour les raisons expos es au d but de cet article L absence d autorisation me semblait d autant moins probl matique au niveau d ontologique que les entretiens taient r alis s apr s que la r alisation et passation des questionnaires aient fait comprendre aux l ves ce que signifiait de participer une enqu te de sociologie Le principe de l enregistrement ayant t toujours accept trois exceptions pr s une version sur CD tait remise au jeune quelques jours apr s la r alisation de l entretien la demande initiale d une grande partie des l ves J ai galement interrog syst matiquement les adolescents la fin de l entretien sur leur ressenti la plupart me confiant cette occasion leur satisfaction
17. colaire j ai donc pu b n ficier des avantages que peut apporter un cadre scolaire par rapport celui de la maison de quartier notamment pouvoir mener des projets dans la dur e en y impliquant activement les adolescents Rappelons n anmoins qu il existe des degr s dans la participation des adolescents dans la recherche Celle ci peut aller de l information des enqu t s sur les objectifs et les cons quences de l enqu te au choix par les adolescents du sujet investiguer Hart ibid Or les l ves n ont pas particip directement au choix du th me g n ral de ma recherche ou celui des outils m me s ils disposaient d une grande marge dans les modalit s concr tes d utilisation de ces outils th mes investiguer dans le questionnaire libert dans la forme d criture des textes rendu des r sultats sous la forme d une exposition ou d un blog Sur l chelle de participation des enfants la recherche labor e par R Hart 1992 8 je me situe donc au sixi me chelon sur huit le chercheur d cide du th me g n ral mais discute avec les enfants des meilleurs moyens de la mener L imposition d un th me g n ral et la r alisation d entretiens classiques la fin des projets m a cependant sans doute permis de ne pas tre per u par certains adolescents comme un simple animateur ce qui a pu renforcer leur s rieux et leur implication dans les projets La premi re dimension de ces projets a t la r
18. ents de ZUS entretient un rapport conflictuel avec l institution scolaire Le principal biais que je devais viter tait d tre consid r par les l ves comme un professeur ou du moins d tre assimil l institution scolaire Chaque prise de contact avec les l ves comprenait ainsi une pr sentation de la sociologie et de ma d marche de recherche en pr cisant bien que je n appartenais pas institutionnellement l tablissement J ai alors cherch casser le cadre scolaire de diff rentes mani res en vacuant lattente de la note c tait chaque fois une des premi res questions qui taient pos es par les l ves ou par la possibilit de tutoiement et d appellation par le pr nom de mani re r ciproque Le fait d tre un jeune chercheur ne partageant pas totalement les codes vestimentaires et de langage des professeurs a sans doute galement particip casser ce cadre scolaire tu n as pas la voix clean comme un prof me confia ainsi un jour un jeune lors d un entretien Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain La familiarisation ant rieure avec les codes notamment de langage des adolescents de ZUS lors de mon ethnographie m a aussi sans doute aid ne pas tre per u comme appartenant l institution scolaire Casser ce cadre scolaire avait pour principal but de renforcer l id e d galit dans la construction de la recherche les l ves m appor
19. ion d enqu te Skelton 2008 De m me ils peuvent avoir du plaisir livrer leur point de vue un adulte et r fl chir sur leurs pratiques Au final le positionnement thique du chercheur est fortement influenc par le regard g n ral qu il porte sur l enfance et l adolescence Morrow ibid Si adolescent est consid r uniquement sous l angle de sa vuln rabilit il n est pas per u comme comp tent pour d terminer l influence positive ou n gative qu aura pour lui la participation une recherche Au niveau d ontologique l important pour le chercheur est alors d obtenir une autorisation d enqu ter de la part des parents ou des institutions en charge de ces adolescents D autres chercheurs postulent au contraire que les mineurs poss dent les comp tences pour comprendre les tenants et aboutissants d une recherche et peuvent donc accepter ou refuser d eux m mes leur participation Masson 2004 Skelton ibid Si le chercheur doit s assurer au maximum qu ils comprennent les cons quences de cette participation court moyen et long terme le consentement des adolescents prime sur celui de leurs parents ou des institutions qui en ont la charge Le chercheur ne peut donc se contenter de l autorisation crite des parents ou des personnels institutionnels Au contraire il doit faire primer le droit des enfants s exprimer plut t que sa propre protection juridique vis vis d autres adultes Par exemple lors
20. it des adolescents du quartier Elle m a aid d une part mieux comprendre les interd pendances entre ancrage r sidentiel et pratiques de mobilit des adolescents mais galement qu une des principales preuves que ces derniers affrontaient dans leurs mobilit s tait la confrontation aux autres citadins en raison du triple stigmate sociale ethnique et g n rationnelle dont ils se sentent porteurs Oppenchaim 2011 Je ressentais cependant une insatisfaction thique durant cette ethnographie En effet si la plupart des jeunes acceptaient de me faire partager en partie leur quotidien et de r pondre mes questions cela tait le plus souvent beaucoup plus d une sympathie mon gard qu une r elle compr hension des enjeux et int r t de mon travail de recherche Tr s peu d adolescents comprenaient l int r t de se pencher sur leurs pratiques de mobilit la plupart y voyant malgr leur sympathie une mani re d tourn e des institutions de contr ler leurs moments de libert hors du cadre des diff rentes institutions dans lesquelles ils sont ins r s cole travail social police Cette absence de compr hension me questionnait alors sur le sens de la d marche sociologique notamment savoir pour qui on crit et dans quel but Lepoutre ibid Cette question se pose g n ralement au moment de la restitution de la recherche et du recueil de gains symboliques de la part de l enqu teur Elle ne
21. it s scolaires habituelles La participation la recherche pouvant alors tre per ue comme obligatoire l adolescent risque de ne pas oser refuser la proposition Ce probl me du consentement clair ne concerne pas que les enqu t s mineurs Vassy et Keller 2008 mais il se pose de mani re sp cifique pour les adolescents pour trois raisons Morrow 2008 Ils b n ficient tout d abord d un statut juridique particulier rendant n cessaire au niveau l gal l obtention d une signature de leurs tuteurs adultes Le simple accord des enqu t s mineurs n est ainsi pas n cessairement suffisant pour couvrir le chercheur au niveau l gal D autre part les adolescents forment un groupe social plus vuln rable que les adultes Au niveau individuel ils peuvent se voir impos s lors de leurs interactions avec le chercheur les sch mas d interpr tation de celui ci par manque d habitude de ces situations Au niveau collectif ils ne poss dent pas de repr sentants dans la communaut adulte leur permettant de discuter les r sultats tir s leur gard ou de s assurer que leur parole n a pas t travestie ou retranscrite partiellement Enfin le consentement des adolescents participer la recherche peut tre influenc par diff rents biais comme par exemple la confusion voqu e pr c demment entre activit s obligatoires et activit s de recherche lorsque celle ci a lieu dans un cadre institutionnel La vuln rabilit po
22. ith Police Around Urban Youth Evaluate Strategies of Surveillance in Public Places Journal of Social Issues 59 pp 141 158 FIRDION J M MARPSAT M BOZON M 1995 Est il l gitime de mener des enqu tes statistiques aupr s des sans domicile Une question thique et scientifique Revue fran aise des affaires sociales 2 3 pp 29 51 GARFINKEL H 1967 Studies in Ethnomethodology Cambridge Polity Press 288p HART R 1992 Children s Participation from tokenism to citizenship Florence UNICEF International Child Development Centre 44p KOKOREFF M 1998 Mobilit s et polarisations des jeunes dans la ville in Haumont N dir L urbain dans tous ses tats Faire vivre et dire la ville Paris L Harmattan pp 245 254 LEPOUTRE D 2005 Souvenirs de familles immigr es Paris Odile Jacob 377p MASSON J 2004 The legal context in Fraser S dir Doing Research with Children and Young People Londres Sage pp 43 58 MORROW V 2008 Ethical dilemmas in research with children and young people about their social environments Children s Geographies 6 1 pp 49 61 OPPENCHAIM N 2009 Mobilit s quotidiennes et s gr gation le cas des adolescents de Zones Urbaines Sensibles franciliennes Espace populations soci t s 2 pp 215 226 OPPENCHAIM N 2011 Les adolescents de cat gories populaires ont ils des pratiques de mobilit s quotidiennes sp cifiques Le cas des zones
23. n relation du chercheur avec les enqu t s passe n anmoins majoritairement par ces institutions cole centres sociaux associations d aide aux devoirs car les adolescents y passent une grande partie de leurs temps et que la pr sence d adultes y est tol r e Ce passage par les institutions ne concerne pas seulement les chercheurs s int ressant aux pratiques des adolescents dans ces lieux mais galement ceux qui travaillent sur les pratiques se d roulant en dehors des cadres institutionnels En effet ces pratiques comme les mobilit s constituent des moments privil gi s de l entre soi adolescent Cela rend alors difficile la pr sence prolong e d un enqu teur adulte aupr s des adolescents lorsqu ils r alisent ces activit s Le chercheur peut certes prendre comme terrain d observation les lieux non institutionnels dans lesquels les adolescents se rendent durant leur temps libre comme les centres commerciaux Kokoreff 1998 N anmoins les entretiens avec les adolescents constituent la source d acc s ces pratiques la plus souvent utilis e L tude des pratiques extra institutionnelles des adolescents est alors marqu e par ce paradoxe les institutions constituent une voie d entr e privil gi e voire unique pour le chercheur alors m me que les adolescents souhaitent s manciper de la tutelle de ces institutions et prouvent pour certains une relative m fiance leur gard Carnets de g ographes n 3 d
24. onfiance en eux ils se sont rendus peu peu compte qu ils pouvaient r ussir obtenir l attention des adolescents parisiens le statut d enqu teur permettant par ailleurs de suspendre le temps d une interaction le stigmate social dont une partie se sentait porteuse Lien de cause effet ou non ces l ves ont t ensuite beaucoup plus nombreux que la moyenne effectuer leur stage professionnalisant dans Paris intra muros Le but premier de la recherche tait la production de connaissance et non de faire voluer m me la marge les comp tences de mobilit des l ves N anmoins cette distribution du questionnaire dans Paris ainsi que l enthousiasme d une majorit des l ves pour les projets offrait galement l avantage d apaiser mes interrogations sur l utilit imm diate de ma recherche Parall lement ou apr s cette initiation la sociologie les l ves menaient galement des travaux d criture et photographique sur le th me de la ville et des mobilit s Ces travaux permettaient de pr parer les entretiens ult rieurs en donnant un c t ludique la recherche en renfor ant ou en cr ant une relation de confiance avec les adolescents et en favorisant le retour r flexif sur leurs pratiques Ils donnaient galement des informations directes sur les pratiques de mobilit de ces adolescents La prise de photographies des l ves sur leurs mobilit s a t faite selon deux grandes modalit s en rai
25. pation la recherche Ces diff rentes difficult s m ont conduit d velopper une m thodologie in dite dont le but tait de favoriser la participation active des adolescents dans la recherche J ai ainsi mis en place des projets dans des tablissements scolaires combinant initiation des adolescents la sociologie r alisation de textes et de photographies sur leurs mobilit s ainsi que des entretiens individuels semi directifs Afin de mieux comprendre la d marche m thodologique que j ai suivie je proc derai en trois temps Je d velopperai tout d abord les probl mes que soul ve l tude des pratiques de mobilit des adolescents Puis je montrerai en quoi la participation active des adolescents dans la recherche permet de r soudre en partie ces probl mes avant d exposer comment j ai concr tement favoris cette participation Quels probl mes d ontologiques et m thodologiques soul ve l tude des pratiques de mobilit des adolescents La premi re difficult m thodologique sp cifique laquelle est confront un chercheur adulte travaillant sur les adolescents est de mener une recherche malgr la distance g n rationnelle qui existe entre lui et les enqu t s En effet les adolescents se situent dans une p riode de remise en cause du contr le des adultes sur leurs pratiques et d affranchissement vis vis de la tutelle des institutions en charge de leur encadrement Zaffran 2010 Paradoxalement la mise e
26. que les adolescents sont en mesure de comprendre l impact de l enqu te sur leur vie il est parfois plus thique d agir en fonction du souhait de l adolescent de donner son point de vue plut t que de solliciter l accord de parents qui pourraient s y opposer Where the child consents to participate the parent s consent is not required where children can understand enough to distinguish research from other interventions and to understand the impact on them on participating it may be more ethical to act on their consent than to require the fully informed consent of a parent Such an approach gives children the maximum opportunity to have their views and experiences recorded and avoid the risk of exclusion of children whose parents would not respond to a request or would wish to control whom their child speaks to Masson ibid Cette position est en ad quation avec la Convention de 1989 de l Organisation des Nations Unies sur les droits de l enfant dont les articles 12 et 13 mettent en avant non seulement le droit de regard des enfants sur ce qui les concerne mais galement celui d exprimer leur point de vue s ils le d sirent Bell 2008 Cette position commence peu 1 Traduction de l auteur Quand l enfant consent participer la recherche le consentement des parents n est pas requis dans toutes les situations quand les enfants sont assez inform s pour distinguer l activit de recherche d autres
27. res institutionnels et d ontologiques comment faire comprendre aux adolescents ce que signifie de participer une recherche afin qu ils puissent consentir ou non y participer Nous allons maintenant voir que la participation active des adolescents la recherche permet de r soudre en partie ces diff rents probl mes Quels sont les int r ts d une participation active des adolescents la recherche Les ouvrages ou revues de langue anglaise cit s pr c demment contiennent de nombreuses pistes permettant de favoriser le consentement clair des adolescents La principale innovation m thodologique propos e est alors d encourager la participation active des adolescents enqu t s dans la recherche Cette participation est plus ou moins importante selon les recherches Hart ibid Dans sa forme la plus simple elle passe par exemple par la prise de photographies la r alisation de cartes mentales ou la r daction de textes par les enqu t s La participation est plus importante lorsqu un chercheur d finit un th me g n ral de recherche avant de commencer son enqu te mais qu il implique ensuite les adolescents dans la construction des questions de recherche Fine et al 2003 qu ils les laissent juges du choix de la m thode la plus ad quate l expression de leur point de vue Skelton ibid ou qu il les forme au recueil de donn es aupr s d autres jeunes Alderson 1995 Plus largement des adolescents peuvent
28. rofondi sur les lieux photographi s durant l entretien individuel Figure 1 Photographie et texte d un l ve de troisi me g n rale avril 2009 Rosny 2 Les week ends je sors avec mes potes on joue au foot ou alors on se livre notre activit pr f r e draguer les filles Donc on va Rosny 2 et puis au passage on passe par Score Game On regarde les nouveaut s et on va aussi Micromania on ne sait jamais et puis comme on aime beaucoup le McDo on y va faire un tour et puis on rentre Au final on n a pas trouv de jeux on a bien mang et sur 4 approches 3 r teaux mais c est pas grave On retentera notre chance le week end prochain Ces prises de photographies ont t compl t es par un travail d criture des l ves soit directement partir des clich s soit en s appuyant sur des descriptions urbaines d crivains Je craignais que cette dimension du projet soit per ue comme trop scolaire mais elle a recueilli l adh sion de la majorit Cela s explique sans doute par la libert de forme dont ils disposaient pour d crire leur quartier et leur rapport la ville criture de slams de po mes description neutre du quartier de r sidence ou des lieux fr quent s en s inspirant des uvres de Georges P rec dans Esp ces d espaces J ai choisi en commun avec les professeurs de Fran ais ce livre comme support d aide aux l ves pour d crire leur quartier car il contient
29. rtement sur le mat riau recueilli D autre part les adolescents sont sans nul doute comp tents pour interpr ter ce que la sociologie dit leur propos Ils ne sont ainsi pas les simples r ceptacles d une socialisation familiale ou dans l apprentissage de normes comme on les pr sente souvent mais galement des acteurs capables et souvent d sireux d avoir un regard r flexif sur leurs pratiques Bibliographie ALDERSON P 1995 Listening to Children Children Ethics and Social Research Londres Barnardo s 130p BECKER H 2010 Comment parler de la soci t Artistes crivains chercheurs et repr sentations sociales Paris La D couverte 320p BELL N 2008 Ethics in child research rights reason and responsibilities Children s Geographies 6 1 pp 7 20 14 Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain BREVIGLIERI M 2007 Ouvrir le monde en personne Une anthropologie des adolescences in Breviglieri M Cicchelli V Adolescences m diterran ennes L espace public petit pas Paris L Harmattan pp 19 59 DANIC l DELALANDE J RAYOU P 2006 Enqu ter aupr s d enfants et de jeunes Objets m thodes et terrains de recherche en sciences sociales Rennes PUR 216p DUBET F MARTUCELLI D 1996 A l cole Sociologie de l exp rience scolaire Paris Seuil FINE M FREUDENBERG N PAYNE A PERKINS T SMITH K WANZER K 2003 Anything Can Happen w
30. s et gar ons sur les horaires de sortie La restitution des r sultats des questionnaires en classe enti re a ainsi donn lieu des discussions tr s fournies et a oblig les l ves r fl chir et argumenter sur certaines sp cificit s de leurs pratiques Elle a galement permis de lib rer la parole de certains jeunes et de pr parer ainsi les entretiens individuels qui ont suivi Le c t ludique de la r alisation et de la passation des questionnaires a galement pu contribuer cr er une relation de confiance avec les adolescents et favoriser leur participation ult rieure ces entretiens Enfin dans certains projets il a t d cid que les l ves ne distribueraient pas seulement le questionnaire aux adolescents de leur quartier mais galement de mani re collective la sortie de grands lyc es du centre de Paris Cela avait pour premier avantage de faire r fl chir les l ves sur les disparit s entre adolescents banlieusards et parisiens Plus largement cela donnait l occasion certains l ves qui ne s y taient jamais rendus de fr quenter les quartiers centraux de Paris Ils taient ainsi confront s lors de la distribution en t te t te des questionnaires l alt rit d adolescents d un autre milieu social Une partie des l ves se rendaient ainsi initialement contrec ur Paris ayant peur que personne n accepte de r pondre leurs questions S ils avaient au d but faiblement c
31. soient coup es car si lors d un combat l un d eux perd une oreille ce pourrait tre tr s emb tant et humiliant pour le ma tre Une bande d adolescents s rement coll giens avec leurs cartables imbib s de Tipex viennent de passer dire bonjour aux jeunes post s devant mon b timent ils prennent sur eux alors qu il ne le faut pas Apr s les avoir salu s ils reprennent leur balade avec ce qu ils appellent une d gaine J appelle a bo ter mais c est leur choix Ils rencontrent deux jeunes demoiselles fashion les adolescents se ruent sur elles comme s ils avaient aper us leur idole Certains leur font la bise et d autres leur serrent la main pour montrer leur indiff rence Ils partent ensemble sur le c t du b timent que je ne peux pas observer Je ferme la fen tre de ma cuisine d o je vous d cris mon environnement quotidien gr ce des jumelles que j ai utilis es pour plus de pr cision La fermeture de cette fen tre permet une coupure entre le bruit assourdissant des klaxons du 619 et le calme r gnant dans ma maison J esp re que cette description vous a permis de plonger au c ur de ma rue 12 Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain Comme pour les photographies ces textes me servaient de support aux entretiens ult rieurs avec lesquels ils entraient bien souvent en coh rence Ils t moignaient ainsi avec finesse de diff rents rapports entretenus au
32. son de diff rentes contraintes financi res Lorsque j ai r ussi obtenir 10 Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain des financements du Conseil D partemental de Seine Saint Denis ou des classes APAC du rectorat les l ves taient accompagn s par un photographe professionnel durant une apr s midi En l absence de financement les l ves prenaient eux m mes des photographies sur leur quartier ou les lieux fr quent s durant leur mobilit l aide d appareils jetables distribu s ou le plus souvent avec leur propre appareil ou t l phone portable Ces photographies permettaient d int grer de mani re ludique des adolescents pouvant avoir des difficult s ou une r ticence initiales verbaliser leurs pratiques La pr sence du photographe professionnel pr sentait l avantage suppl mentaire de permettre une initiation la photographie ainsi qu une familiarisation certains lieux qu ils ne connaissaient pas les d placements se faisant le plus souvent par groupe de trois Au niveau scientifique ces d placements ont permis un retour r flexif des jeunes sur les lieux qu ils fr quentent ces derniers explicitant durant le trajet pourquoi ils choisissaient ce lieu ce qu il leur voquait pourquoi ils insistaient sur tel aspect dans leur prise de vue etc Ils me permettaient galement de renforcer la relation de confiance avec les jeunes et de pouvoir ensuite faire un retour app
33. tant autant que je pouvais leur apporter en particulier un projet allant l encontre de la routine scolaire J tais ainsi sans doute pour les l ves un objet aussi trange que j avais pu l tre pour les adolescents de la maison de quartier un intervenant ext rieur qui n est pas un professeur et n en partage pas totalement les codes Je ne dis pas que les l ves ne peuvent se confier aux professeurs mais ne pas tre identifi une figure d autorit m a sembl faciliter l implication des l ves Il convient n anmoins de ne pas tre na f comme nous le verrons ult rieurement l implication plus ou moins importante de certains l ves dans le processus de recherche notamment dans l laboration de questionnaires a pu tre motiv e en partie par la pression de leurs professeurs Cette mise entre parenth ses temporaire du cadre scolaire lors de mes interventions tait tol r e par les professeurs d Histoire g ographie de Fran ais de Vente ou d Arts Plastiques qui avaient accept de travailler avec moi Ces derniers devaient combiner les int r ts de recherche du sociologue l adh sion des l ves ainsi que leurs propres objectifs p dagogiques Il s agissait g n ralement m me si cela est difficilement quantifiable de professeurs dynamiques atypiques pour certains mais qui partageaient un bon relationnel avec les l ves Au final sans tre totalement assimil par les adolescents l institution s
34. tentielle des adolescents n cessite donc des pr cautions d ontologiques afin de s assurer que les enqu t s comprennent les implications de leur participation une recherche sociologique Elle ne doit cependant pas conduire ne pas investiguer cette population Les consid rations expos es pr c demment sont ainsi assez analogues aux r flexions qui ont pu tre men es dans le cadre d enqu tes avec des groupes sociaux adultes vuln rables comme les sans domicile Firdion et al 1995 Les trois grandes justifications avanc es lors de la mise en place du programme de recherche de l INED sur cette population peuvent ainsi tre transpos es au cas des adolescents Au niveau scientifique ne pas mener d enqu te aupr s d adolescents reviendrait se contenter du regard port par les adultes sur leurs pratiques Le chercheur n acc derait pas leur point de vue mais celui des institutions qui en sont en charge Au niveau d mocratique ne pas enqu ter sur les adolescents reviendrait Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain ne pas leur donner de statut de personne supposer une discontinuit entre leur monde et celui des adultes et donc les exclure symboliquement de la soci t Enfin au niveau humain les adolescents ne doivent pas tre consid r s uniquement sous langle de leur vuln rabilit Ils peuvent ainsi avoir conscience de la forme de don contre don impliqu par une situat
35. tuer l observation participante traditionnelle une ethnographie participative avec des itin raires comment s d usagers du m tro des auto confrontations entre citadins ayant des conflits d usage ainsi que des forums hybrides compos s de gestionnaires et d usagers Tonnelat Jol et Kornblum 2007 Des projets autour de la mobilit men s dans huit tablissements scolaires Avant de pr senter plus en d tail les projets que j ai men s dans des tablissements scolaires il convient de rappeler qu ils ont suivi chronologiquement une ethnographie d un an avec de jeunes gar ons 13 18 ans fr quentant la maison de quartier d une ZUS de grande couronne J y ai t confront aux difficult s habituelles rencontr es par un ethnographe dans son travail de terrain avec des populations d favoris es Il m a fallu ainsi classiquement faire avec la distance sociale qui me s parait des jeunes afin d acqu rir un savoir tre avec les adolescents Cette distance sociale tait galement redoubl e par une distance g n rationnelle avec les adolescents qui ne me percevaient ni comme un animateur ni comme un chercheur mais me situaient quelque part entre ces deux professions La pr sence quotidienne parmi ces jeunes dans le quartier et dans les trains l accompagnement de sorties la r alisation de vingt entretiens ethnographiques m ont alors permis de recueillir un riche mat riau d information sur les pratiques de mobil
36. u e en fonction de leurs pratiques de mobilit Des jeunes issus de diff rents tablissements scolaires sont venus ainsi me confier la fin de la restitution qu ils comprenaient ma typologie mais qu ils se reconnaissaient en partie dans deux cat gories Ces remarques m incit rent porter une attention plus soutenue aux processus d apprentissage et de socialisation multiple des adolescents Elles me permirent ainsi de complexifier mon approche initiale trop statique et rigoriste de la typologie Conclusion La m thode que je viens d exposer d une co construction d une recherche avec des adolescents poss de donc des avantages thiques et scientifiques Elle tait en tout cas adapt e mon objet de recherche consistant mieux comprendre les diff rentes preuves auxquelles sont confront s les adolescents de ZUS durant leurs mobilit s Elle ne prend sens qu en compl mentarit avec les autres mat riaux ethnographiques et statistiques recueillis Ces diff rentes m thodes s clairent mutuellement et soul vent chacune des difficult s thiques et scientifiques propres J ai cependant tir deux enseignements majeurs de cette m thode relativement originale consistant faire des adolescents des partenaires de recherche et non un simple objet d tude D une part les dimensions thiques et scientifiques d une recherche sur les adolescents ne sont gu re dissociables la m thode de collecte de donn es influant fo
37. urbaines sensibles franciliennes Recherche Transports S curit 27 2 pp 93 103 SIME D 2008 Ethical and methodological issues in engaging young people living in poverty with participatory research methods Children s Geography 6 1 pp 63 78 SKELTON T 2008 Research with children and young people exploring the tensions between ethics competence and participation Children s Geographies 6 1 pp 21 36 VASSY C KELLER R 2008 Faut il contr ler les aspects thiques de la recherche en sciences sociales et comment Mouvements 55 56 pp 128 141 15 Carnets de g ographes n 3 d cembre 2011 Rubrique Carnets de terrain TONNELAT S JOLE M KORNBLUM W 2007 Vers une ethnographie participative in CEFA D SATURNO C dir Isaac Joseph Itin raire d un pragmatiste Paris Economica pp 277 291 ZAFFRAN J 2010 Le temps de l adolescence Entre contrainte et libert Rennes PUR 16
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