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Écrits sur la photographie - Jean

1. 190 VISAGES amp LES AMANTS 192 EXISTENCES 194 ERRES 195 DE TOUS LES JOURS 197 ZONES 201 ARTISTE ET MODELE S 203 Le mod le imit ou le mod le recr 203 Le mod le Muse ou g rie 203 Une relation trois 203 Pygmalion 205 L interdit du mod le 205 La transgression de l interdit mod le ou ma tresse 205 De la peinture la photographie de l imitation l empreinte le corps corps 206 Du jeu sans enjeu autre que l uvre 206 LE SEXE DES ANGES 207 ENTRETIEN DE JEAN CLAUDE B L GOU AVEC DOMINIQUE ROUX AU CH TEAU D EAU TOULOUSE 1E JUILLET 2009 L OCCASION DE L EXPOSITION LA REVANCHE DE LA CHAIR 2 ERUDES PHUMANITES e 215 LES DEUX AMIES HISTOIRE D UN PROJET ABANDONN 217 Et les prises de vues d marrent Automne 2008 217 Secondes prises de vues m mes mod les hiver 2008 2009 217 Troisi me prise de vues l une des mod les change nous sommes en f vrier 2010 219 Quatri me prise de vues l une des mod les change encore juin 2010 221 www belegou org
2. 55 QU UN SANG IMPUR ABREUVE NOS SILLONS 57 LE RETOUR DU CORPS 58 DE CETTE FEMME 72 LA FRAGILITE DE LA PLAQUE ET LA FORCE DE LA PIERRE 74 NOTES POUR UN MANIFESTE 76 MANIFESTE NOIR LIMITE 77 POUR UN TRAVAIL VIDEO 78 la primaut de la photographie 78 nature de limage vid o 78 sur quoi porte le travail vid o 78 Des modes de production 79 Des modes de diffusion 79 Comment filmer la photographie 80 le luxe le temps le noir et blanc 81 pourquoi faire riche quand on peut faire pauvre 81 une minute c est extr mement court 81 Non des assistants r alisateurs mais des ou un une r alisateurs assistants 81 L immense tentation 82 MOTEUR CALE 83 MANIFESTE NOIR LIMITE DIT DE RIVA BELLA 85 CORPS INTIME CORPS SACRE 88 Les voiles 88 Peau 90 Le corps corps 92 La terre
3. VISIONS Une photographie est toujours image d elle m me Ce que le photographe donne voir ces rectangles de papier dans la vitrine de l exposition est bien s r cet analogon cette empreinte d un r el dans lequel il a d coup pr lev choisi privil gi ou d ni Mais cela est n cessairement et simultan ment l expression de sa prise de position dans le champ photographique Cela est vrai depuis 1840 depuis le Daguerr otype Cela est vrai aujourd hui plus que jamais Avec la l gitimation de la photographie comme objet culturel pr sent pour lui m me ind pendamment de toute volont illustratrice pragmatique nous sommes entr s dans une nouvelle re que pour faire court on pourra d signer comme re de la photographie consciente de son histoire Entendons nous l histoire de la photographie existe depuis 1822 depuis les premi res h liographies de NIEPCE et m me somme toute depuis que le QUATTROCENTO incarn par L onard de VINCI sa chambre claire et son fameux sfumato a invent la perspective lin aire qui nous para t si naturelle aujourd hui Mais le fait historique ne suffit jamais la conscience historique De nouvelles technologies en particulier la vid o avec ses usages publics la t l vision et priv s prennent le pas sur la photographie dans les divers usages d information et de m morisation la photographie est en passe de ne plus servir rien ou en tous cas plus
4. Secondes prises de vues m mes mod les hiver 2008 2009 Seconde journ e de prise de vue un mois plus tard c est l hiver il fait tr s froid dans la maison pour des nus enfin tant pis cette maison est inchauffable cependant le ciel est d gag Mais l heure du rendez vous pour la prise de vue est d j pass et L n arrive pas Je la r veille au t l phone tr s en retard elle arrive encore endormie et n mergera pas avant la fin de la prise de vues apr s avoir soigneusement englouti la seule bo te de chocolats de No l des chocolats blancs Elle d jeune elle mange elle cause la lumi re tourne et il y a d j un rayon de soleil depuis un bon moment et nous n avons toujours pas commenc int rieurement a me rend malade Cette lumi re est pr cieuse et on ne fait pas de la photographie autrement qu avec de la lumi re il n y a que l hiver qu elle entre aussi loin dans les pi ces Cette lumi re l nous ne la retrouverons pas au mieux avant un an Enfin nous y sommes un moment de Gr ce les deux mod les se laissent envelopper par la lumi re c est tr s sensuel et elles s abandonnent l une l autre l il se passe quelque chose mais a ne dure jamais longtemps en hiver en Normandie les rayons de soleil et nous avons commenc trop tard et le soleil tourne tourne Retour de la grisaille la lumi re d cline rapidement mais il y a encore quelques images contre jour su
5. Chaque fois que j attends un mod le m me si je suis press par le temps je suis enchant quand le moment approche et je tremble quand j entends la cl tourner dans la serrure Eug ne Delacroix Journal 14 juin 1824 et encore Dimanche 18 Avril 1824 A l atelier neuf heures Laure venue Avanc le portrait C est une chose singuli re que l ayant d sir e tout le temps de la s ance au moment de son d part assez pr cipit la v rit ce n est plus tout fait de m me il m e t fallu le temps de me reconna tre page 68 et toujours Delacroix Mardi dernier c tait le 15 une petite femme de dix neuf ans appel e Marie est venue le matin chez moi pour poser J ai risqu la v role avec elle 22 IEANLON AIDE B t COUr CRITS SUBI D CIOCRBABEIE 206 JEAN CLAUDE BELEGOU ECRITS SUR LA PHOTOGRAPHIE 205 octobre 1822 p 31 Rapha l et la Fornarina th me repris par Ingres puis par Picasso l nigme de L onard de Vinci et de Monna Appelle tombant amoureux de son mod le Campaspe que l empereur Alexandre lui a demand de peindre Pline l ancien Histoires naturelles les th mes du m lange et de la transgression abondent dans l histoire comme dans les textes litt raires celles d Ana s Nin dans les Petits oiseaux appendice V nus erotica par exemple dans des nouvelles comme La Maya Un mod le ou encore Le chanchiquito De la peinture la photographie de l imi
6. Et tout au long de cette histoire par del les s ries les corps de Tr morin se rep rent comme mati re Mati re un peu comme on dirait substance et que l on opposerait une vision narrative litt raire du monde de l art Un peu comme on dirait corps t ches que l on placerait l encontre d un id alisme vaporeux Mati re model e rapport e et liss e jusqu se faire corps ou mati re taill e entaill e t e jusqu ce qu merge forme partout passe manie une main puissante qu il s agisse de courbes de gorges lisser et forcer de l empreinte de la main saisissante pr gnante et pressante qu il s agisse de fissures des chairs peaux et en dedans d coup es par l emporte pi ce par le burin du temps des l ments fossoyeurs des froissures pliures et cassures des rides craquelures de notre vie si fragile Mais je parle de main comme s il s agissait de sculpture quand il s agit d oeil puisque de photographie Pourtant voil ces photographies l j ai envie de les toucher comme j essaie de sentir de ma paume et de l extr mit des doigts le marbre ou le bronze au Mus e Rodin Et si aujourd hui Tr morin froisse ses images ses papiers photographiques n est ce pas un geste de sculpteur Geste nous rappelant d ailleurs que la photographie n est pas surface comme on le dit souvent mais couche s diment et paisseur profonde Dire encore que ceci n a rien vo
7. Lever caf froid c r ales Prises de vues et marche nouveau Le sentier n est plus que franchissement de ruissellements petits rus install s dans le creux du chemin m me rivi res et cascades Sur trois cents m tres d abord le chemin se perd dans la neige puis r appara t sur des rocs merg s Sur cinq cents ensuite D finitivement enfin Dormi la seconde nuit sur le plat de quelques rochers nu Froid et duvet mouill par la pluie malgr la couverture d aluminium d roul e L imper a prot g le sac dos et les chaussures Sur le versant oppos le bruit sourd de multiples coul es de neige petites avalanches Entre les deux les failles larges sous la couche de neige o l on voit l eau affleurer d valer la montagne Rebrouss chemin trop de neige crevasses d eau plus de rep re visible pas de carte Parfois j ai des bouff es d extase de ces mati res neige eau rochers lichens et ces lumi res brouillardeuses Quelquefois des bouff es d ennui et de d sespoir Je suis constamment entre l enthousiasme et la d solation Le temps d une journ e hors de tout et sans nuit r elle est long et lent La solitude est un tel d sert un tel ravage La pens e alors ratiocine et le langage se perd La cr ation est un tel d sarroi l exp rience ultime d une perte Le saisissement d une crise d une motion L motion parlons en Ils leur pr f rent le discours rationnel l
8. veil dans la chambre la lecture dans la biblioth que le petit d jeuner dans le jardin etc Pour chaque situation je la dirigeais pr cis ment tout en demeurant attentif ce qui spontan ment advenait d elle m me Sachant aussi que dans une telle situation o l on rejoue le r el toute spontan it est on ne peut plus relative Ce choix d images compos es m est venu la fois de choix techniques mises au point pr cises faibles profondeurs de champ lumi res d coup es cadres isolant les poses choix soigneux des v tements des objets des gestes toutes choses qui ne s improvisent pas la fois par le dessein d images essentielles pur es denses irr vocables n cessaires et non point hasardeuses contingentes ou anecdotiques Nous avons ensuite retravaill chaque situation au vu des premiers r sultats jusqu obtenir la s rie d images souhait e Nous travaillions des journ es enti res et cons cutives de prises de vues chaque mois entre les deux je d veloppais tirais les preuves et pr cisais le projet Quelle image du quotidien voulais tu offrir Celle d un quotidien digne chaque acte se d roule comme un c r monial Je pr f re la grandeur des rituels la bassesse de l habitude et je ne pens pas que le quotidien soit n cessairement vou tre le lieu d une imagerie condescendante mis rabiliste exotique J ai donc adopt la recherche d un point de vue qui
9. En 1991 tait cr e dans le lieu symboliquement charg des Anciens Abattoirs du Havre l exposition La Mort Le catalogue de cette exposition r unissait des textes de Jean Claude Lemagny Bernard Lamrche Vadel et Jacques Henric qui baptisait le groupe Le Trio infernal de la photographie fran aise Outre le creuset d une confrontation intellectuelle incessante Noir Limite tait galement le lieu d une immense amiti et si aujourd hui le groupe dispara t les oeuvres continuent pour chacun de se construire Jean Claude B l gou exposera prochainement au Mus e des Beaux Arts du Havre son travail Visages cr et publi d but 1992 Il pr pare pour 1994 l exposition de son travail r alis ces derniers mois en Scandinavie gr ce au Prix Villa M dicis Hors Les Murs Yves Tr morin exposera cet t la galerie de la Biblioth que Nationale son r cent travail Catherine cr et publi la GALERIE Joseph Dutertre de Rennes Gr ce la Bourse L onard de Vinci il s journera la m me poque aux Etats Unis Florence Chevallier inaugurera le 4 Mai prochain la Galerie de l Ecole des Beaux Arts de Rouen Le Bonheur en m me temps que sortira aux Editions de la Diff rence son livre du m me titre L exposition sera ensuite pr sent e au Havre Vitr et Villefranche sur Sa ne Bien s r l association Photographies And Co cr e par Jean Claude B l gou d s 1982 et qui a
10. La limite infime de l int rieur et de l ext rieur la blessure comme passage La blessure la gr ce le corps comme ab me L intime est essentiel et int rieur Exacerbation du mental dans le physique L au del l invisible la noirceur L motion et la focalisation mentale le flou La d chirure et le cadre Le plan et la p n tration le voyeurisme Le tragique le deuil le secret le mal le noir Une nuit claustrophobe extrait d Ibidem Les yeux errant sur les murs vides il se souvenait de cette autre chambre form e pour moiti d un long couloir troit termin par un volume peu pr s cubique o tenaient au plus juste le lit l armoire et les deux tables de nuit Sur le mur oppos au lit il n y avait qu une petite fen tre d aluminium glissi re qui donnait sur une sorte de puits pas m me une cour int rieure parall l pip de dont la seule justification paraissait tre l existence incontournable protocole oblig de cette baie aveugle Ainsi on aurait pu concevoir l entr e vers la s pulture d un mort Tout tait calcul au plus juste imbriqu dans la plus radicale troitesse de vue Il avait toujours aim des chambres d h tel ce qu elles comprenaient d absence les draps propres les meubles vides un simple num ro sur une porte semblable aux autres leur anonymat Il n y d ballait jamais ses valises m me si il devait y demeurer longtemps n emplis
11. La photographie est un art propre c est un art purement intellectuel La photographie est tr s proche de la philosophie galement pour cela dans la photographie il s agit de viser il s agit de prendre il s agit uniquement de jugements de valeur d interventions minimales des interventions qui sont des interventions m caniques qui ne sont pas des interventions de manipulation qui ne sont pas des interventions gestuelles la photographie est tr s loign e de la peinture pour cette raison la photographie est une pratique purement intellectuelle il s agit de manier des appareils il s agit d tablir des cadrages de faire des choix d exposition de moments d tablir des jugements de valeur Ainsi la photographie est tr s proche de la philosophie en m me temps que nous soulignions ce paradoxe tout l heure de la tentation et du besoin pour la pens e m ditante de ce bain de r el de ce retour au r el de cette appr hension du r el dont elle ne peut par le truchement de l analyse par le truchement de la m ditation solitaire que s loigner que perdre que perdre la jouissance du r el La photographie est donc aussi cela cette appr hension cette jouissance du r el cependant vou la perte vou la perte dans la chambre noire dans la chambre o il n y a plus d j que des images o il y a nouveau la solitude La photographie est donc l art le plus loign de la m tap
12. des diables J ai longtemps cru aussi que le bonheur tait possible en se tenant aux marges du monde des ambitions des rivalit s des pouvoirs des mondanit s En se tenant dans le secret de l intime dans la force de l amour dans le sublime de l art Pour l amour la vie a eu raison de mes illusions avec ses violences ses d chirements ses haines ses mesquineries Nous sommes incapables d aimer et autant d tre aim s Il faudrait pouvoir ne rien demander ne rien attendre ne rien refuser pouvoir laisser l autre en dehors de soi quand le d sir qui toujours se m le l amour et lui donne son nergie fait que nous n aspirons qu l absorber le d truire le perdre et nous perdre d truire la discontinuit de deux tres Il faudrait pouvoir aimer sans d sirer tre capable de d sint ressement Or il est ainsi que l amour n est absolu que s il d bouche sur la mort Othello Rom o et Juliette Manon Lescault parce qu il n y a que par la mort que nous pouvons r sister la corruption de l amour sa lente ou brutale d gradation n cessaire in luctable Nous ne sommes rien contre le temps Il n y a pas de r demption possible Nous sommes incapables d absolu comme nous sommes incapable de paix de bonheur d harmonie et nous n aspirons pourtant qu cela La plus sordide jeune fille le plus grossier et imb cile jeune homme r vent aussi du grand
13. individualit par rapport aux autres au monde et lui m me ce foss qui nous s pare de l infini et de l universel A notre r clusion C est peu que de parler de tragique quant cette condition d exister n avoir sa place ni en dedans ni en dehors de soi m me Lors en rabattre quant aux pr tentions et aux exigences B cher crire les touches de la machine crire ratisser faire oeuvre semer arroser planter arracher photographier b tonner enduire terrasser aimer ha r d sirer se s parer regarder pousser regarder grandir l oeuvre Vivre en un mot un mot fatal Comment tre au monde Nos joies nos douleurs nos naissances nos deuils nos treintes nos d chirures Immobile mouvement du paradoxe de Z non d El e la fl che ne parvient jamais son but La condition de l existence est une b ante cl ture et je ne peux davantage m atteindre dans la pens e r flexive O cette maigrelette et na ve r ussite du cogito cart sien qui nous enseigne bien le peu que nous puissions savoir de nous m mes que je ne peux atteindre l autre dans l extr me intersubjectivit que sont la guerre et l amour Nous sommes toujours seuls au moment des faits La peau est cette enceinte d o les choses et les id es ne sortent ou ne p n trent qu alt r es xister tre au monde c est tre trange Exist t d est t t Photographier le presque rien le que dal
14. OTS SOTIL O TERES ES PHOTOGR mere Ni ar Le 09 valeur Or au biologique et la vie humaine ne fait pas exception il n y a pas de sens si ce n est celui de la croissance parce que le biologique n est pas le logique Pascal a raison Quelle vanit que la peinture o on admire des copies dont on n admire m me pas les originaux mais il ne comprend rien l art les copies valent mieux que les originaux elles les transcendent Nous r signer au non sens voil ce dont nous sommes incapables Car la raison a aussi produit en nous cette trange perversion du sentiment le narcissisme Narcisse r sume le naufrage de toute l humanit Echo est la voie que nous ne pourrons jamais prendre Il n y a pas de progr s il n y a que de l extension de la croissance terme cher aux conomistes et pas seulement aux biologistes Nous sommes vou s aux terribles passions humaines Van Gogh et ces passions sont autant destructrices et sordides que grandes utiles et g n reuses Les terribles passions humaines Je photographie les terribles passions humaines je les photographie en moi Je photographie le sexe des anges Trop intime me disent mes contradicteurs C est comme si ils disaient Demeurez superficiel Trop int rieur trop en dedans des choses de la chair de la conscience du d sir c est comme si ils disaient Distrayez nous de la r alit des c
15. art et parce que le mod le c est celui qui mat rialise l uvre donc ce n est pas du tout anodin videmment puisque a marche ou a ne marche pas a fonctionne ou pas et que photographier de la fa on dont je photographie c est dire dans des images qui sont extr mement mises en sc ne extr mement fabriqu es peut tre pens es quelquefois c est videmment modeler Modeler une pose je ne sais pas avec une branche d arbre et un rayon de soleil objectivement le mod le et aussi parce que je me situe compl tement l oppos de tout un discours n o structuraliste n opositiviste sur une pr tendue objectivit donc je me situe d lib r ment dans une subjectivit totale et donc m inscrire moi en tant que sujet face un autre sujet le mod le c est effectivement quelque chose de fondateur DR Et donc ce que tu repr sentes pour prendre tes termes c est ce couple trois qui s tablit entre le photographe ou le peintre le mod le et l uvre Et l tu dis justement quelle part y a t il parce que mod le c est effectivement ce qu on essaie d imiter mais en m me temps ce qu on manipule JCB Je dis quelquefois aux mod les poser c est donner son corps l art et que mieux vaut le donner l art qu la science L uvre est le seul enjeu et c est ce qui peut permettre une certaine libert de travail l int rieur d une prise de vue parce qu on sait de part
16. dire jusqu au point o on n a plus d identit jusqu au point o force d tre nul part et d tre sans cesse ailleurs on ne sait absolument plus qui on est et ce moment l la sensation de l appareil que je tourne sur moi n est plus du tout la m me que dans Visages c est dire que a n est plus la sensation de la roulette russe c est la sensation d un appareil qui cherche prendre quelque chose qui n existe plus c est la sensation d une prise impossible parce que la r alit int rieure elle m me et en m me temps j ai dit tout l heure que nous sommes vou s la subjectivit mais qu en m me temps cette subjectivit elle est videmment compl tement d faillante Elle chavire hors de la raison En m me temps videmment le caract re ambigu c est que vous vous voyez des photographies c est dire que vous voyez ces images que un moment donn j ai pu fabriquer du voyage comme si elles taient en elles m mes la trace d un voyage qui aurait pu se d rouler hors la photographie or il n en est rien et je dis souvent que s il n y avait pas eu la photographie c est dire que si je n avais pas eu cette discipline de me dire 1l fait que je fasse uvre et il faut que de cette perte ressorte une uvre d abord je ne serais jamais parti et si J tais parti Je ne serais sans doute jamais revenu C est dire que a n tait pas du jeu je veux dire que quand je d
17. face la mer dont on ne peut bien comprendre l utilit signal caduque Je ne te trace pas ces mots pour te mener t pancher avec moi sur mes tats d me qui sont parfois je l avoue des tats d ne mais parce que peut tre mes images viennent de l et y retourneront cet tat chaotique liquide du monde Pour que tu saches que tu sentes Qu ainsi tu prouves dans quel ensemble lacunaire se situent ces photographies de toi en Juillet de l ann e derni re quel point tu y points tu y clates quelque chose que j ai tout d abord refus quelque chose comme de la joie du bonheur Qu ainsi vraisemblablement tu mesures quel p le ces photographies de toi sont diff rentes de mes autres images et que cela sans doute provient de ce que tu es davantage de ce que je suis et de ce que nous sommes dans cet lan que tu me donnes envie de partager au moment o je suis captatif Mais la r alit est d un monde tellement plus confus et davantage complexe qu on ne le poserait ainsi La mer ressasse rumine ses moutons d cume Urgemment dire Ce qui m int resse d abord et fondamentalement est la beaut Le joli plut t me trouble m inqui te m agace quelque part m est g n rateur de soup ons sur moi m me videmment La beaut serait ailleurs qu la superficialit du joli L manation de cette unit si pr cis ment troublante mouvante du corps et de la co
18. l ment abstractif au m me titre que les autres techniques N est ce pas NADAR qui en 1874 Paris accueillit la premi re exposition des impressionnistes et cet autre photographe STIEGLITZ qui fit p n trer aux Etats Unis partir de 1908 peintres fauves et cubistes Point n est besoin de multiplier exemples et r f rences historiques peinture photographie et faut il ajouter sculpture architecture musique se nourrissent d un m me terreau et lancent leurs fleurs vers des aspirations communes en m me temps que sp cifiques Car videmment ce n est pas par hasard que l on peint que l on photographie ou que l on sculpte dans chacun des cas pour autant que les techniques soient l oeuvre s par ment ce qui n a pas t toujours le cas ces trente derni res ann es l artiste s il y a art choisit un rapport diff rent au r el au r el de la repr sentation du figur comme au r el du mat riau qu il travaille Resterait 1l montrer que la photographie soit un art La question semble mal pos e le d coupage aux ciseaux qu employait MATISSE n tait pas un art en soi pas plus que de manipuler un pinceau sur une toile ne justifie de l art il n y a pas de technique en elle m me artistique l art est une attitude intellectuelle qui d finit son projet en m me temps que son mat riau et ses outils Rien ajouter Combien de temps faudra t il alors pour lever les malentendus d ARAGO
19. Et vingt huit en tabac et timbres poste Je n aurai plus de quoi manger A nouveau devant moi le portrait de Sigismond Malatesta Ta carte est l image de toute ta distance toute ton indiff rence Cette photo l imprim e est indiff rente l homme comme l histoire la subjectivit Elle est trang re Sans densit Cette image l est l inverse du portrait de Piero Della Francesca et du bouquet de C zanne pos c t Je regarde la photo de Boubat Lella Bretagne 1947 Les l gendes sont parfois des hommages Mars 1981 notes Sur ces images papier Blancs Noirs Gris sur tout par dessus tout Les blancs de l image comme des trous Blanc sur la bande son trous dans la m moire Absences Ca s allume et a s teint clignote oscille ne saisit que du vent du vent charg de lumi res Dire j ai tout crit et je n ai plus rien d clarer Tout photographi et plus rien ajouter Laisser dire laisser errer dans ces images l image de l errance La vague divague erreur Voir dans la nuit du monde Souvent fermer les yeux Ne plus qu imaginer ce qu il en sera de l image autre que ce qui bouge encore trop plein de vie encore dans la fen tre Si je vis de la photographie Pen vis j en meurs Je regarde furtivement mes photographies trop de v cu l dedans elles ne peuvent m tre qu insupportables Mon regard sur ses yeux Clairs
20. Images du tourment d licieux supplice de la chair corps id alis mystique chair anim e de souffle et de dernier souffle de d sir d un monde plein dans le constat d une vacuit insoutenable image de l cart l tre de la distance insoutenable qui nous s pare de l tre senti jusqu au plus profond de la peau Etre inaccessible voil mutil bless de lames mutilantes coupantes l Eau l pre sur le corps divin tension d chir e de l ab me de soi la perte de l autre Construire un territoire On comprendra ais ment alors les raisons de l existence de NOIR LIMITE en tant que groupe d artistes travers s de m mes inqui tudes et pourtant chacun d lib r ment original et unique NOIR LIMITE est un groupe non moderne entendez par l au del de la modernit et des post modernit s ni groupe tyrannique comme le furent ceux des Avant Gardes ni groupe d opportunit comme il en est tant mais coh sion d esprit artistique c est dire esth tique et philosophique NOIR LIMITE ayant pour fonction de construire le territoire d une oeuvre nouvelle d une photographie nouvelle en conflit avec des modes dominants dont on ne saurait trop dire la superficialit voire la mondanit vit par l extr me exigence artistique qui l anime et la n cessit de b tir une oeuvre envers et contre tout Groupe d artistes de photographes ni artistes utilisant la photographie lt lt de l ext r
21. Je dis Quelque chose de tr s ambigu tr s d risoire comme des images Qui sans cesse se cogne plafonne au r el affrontement dont personne ne sort vainqueur ni rien la photographie Mes yeux sur ces images d elle Sur son silence Sur leur lumi re De ces images que je voudrais qu elle aime follement Elles sont la n gation de ces images des images d elles Leurs images mes images sans cette tension plate tautologie redondance comme la nature Le naturel la nature est d j bien assez comme a Elle est Trop d existence 28 Juin cahier mauve Comment faire comment vivre Je dis que je vais arr ter de faire de la photo pendant un mois et lire Je dis a parce que j ai besoin de pens e Je dis que j aime Ajouter cela que th oriquement je me sens perdu sans plus aucune r f rence Non pas donner de nouvelles solutions des probl mes anciens ou nouveaux mais cr er des probl matiques sans solution Telle est seule l histoire non t l ologique Doute qui dure m branle me vide me mine Il me semble que j aie envie de faire autre chose 19 Janvier 1982 notes La peur d crire La peur de faire des photographies La peur des images maintenant La peur qu force d crire proclamer ne plus croire aux images je n y crois r ellement plus Peut tre plus intellectualiste encore que jamais Le Designo pas le Colori En quelles images
22. La photographie va alors constituer dans les m dias le support imag ad quat la nouvelle id ologie et ses propres exigences L id ologie va se produire et se re produire travers ce qu elle a tant investi La pratique commune crit re de toute chose Cette id ologie va trouver ensuite avec le d veloppement de la photographie d amateur d veloppement allant au rythme de l industrialisation de la photographie avec le c l bre pisode Kodak du lt lt We do the rest gt gt un tayage original parce que outre ce que nous avons d j mentionn cette pratique va tre v cu comme preuve de la fid lit universelle de la photographie Chacun peut faire l exp rience de l objectivit du naturel du proc d en m me temps que de sa simplicit La foi du r cepteur consommateur d images se nourrit de la production qu il fait pour son propre usage et m me les checs de l amateur vont confirmer ce denier dans le f tichisme de l appareil et de la technique lt lt Ah Si j avais un bon appareil gt gt Le temps de la transgression Cette confiscation id ologique de la photographie ne pouvait qu tre corr lative d une exclusion de la photographie hors du champ de l art Nous voulons pr ciser tout de suite qu en elle m me la question de savoir si la photographie est un art ou non nous appara t aussi d nu e de sens que de se demander si d autres techniques comme la taille de la pierre le dessin
23. Yves Tr morin a photographi un couple dans le rapport sexuel dans l objet du d sir formalisant toutes ces images impr cises et interdites de l inconscient collectif Retour oblig une animalit constitutive de l homme Travail sur l acte acte photographique en coupes instantan es pr cises Jean Claude B l gou a travaill dans une int riorit ce corps corps parlant du d sir S incluant dans l image au del m me de ce qu il est convenu d appeler camera subjective questionnant le rapport au mod le l acte de cr ation dans son d roulement et la relation l autre dans son int riorit A travers ses expositions Noir Limite en 1986 le SITI en 1987 cette cr ation ses performances Chambre Noire Mont Saint Aignan en 1986 les 30x40 Paris ses publications Manifeste Cam ra International cette ann e Noir Limite s est b ti une histoire originale dans un milieu la photographie o l on n est gu re habitu s aux groupes d artistes La construction d une oeuvre est de toute vidence et de fa on incontournable au centre de nos pr occupations Une oeuvre est une radicalit une pens e une construction une r alisation une coh rence Vous comprendrez cette foi cette blessure que nous avons ressentie par cette interdiction notre volont que malgr la censure cette oeuvre vive Texte crit pour la conf rence de presse Noir Limite de Paris 1987 CORPS
24. avec leurs grands mythes du progr s que je n ai envie qu il soit uniquement une collection de photographies qui n aurait pas de fil conducteur Donc dans le livre j ai entrecrois les deux s ries Lorsqu on rentre dans la dimension autobiographique quand on rentre en g n ral dans la dimension de l existence l enjeu c est de donner sens quelque chose qui fondamentalement n en a pas et n aura jamais et ne pourra jamais avoir de sens le fait d exister qu il s agisse de sa propre existence ou de l existence de l autre ou de cette tentative d sesp r e d abolir la discontinuit des vies Cette tentative de donner sens est une tentative compl tement absurde une tentative compl tement compulsionnelle obsessionnelle et compl tement d sesp r e mais je crois que on entre dans cette folie l qui serait de donner sens la fois au r el et la fois ce que l on vit parce qu il est vident que ce que l on vit ne ressemble ni un film ni un livre ni une s rie de photographie a ressemble plut t une esp ce de pur e de pois d cousue o les moments sans aucun int r t abondent bien plus que les autres Comment rendre compte du non sens des choses ne pas abonder dans l illusion du sens Il se trouve qu une des grandes qualit s de la photographie est pr cis ment de toujours tre nigmatique ne jamais trop en dire indice peut tre discours s rement non On parlait ce
25. ce qui est vrai aussi par rapport aux cadrages les d centrements les ouvertures fen tres etc fonctionnent davantage comme appels de lumi re que comme ouverture sur l ext rieur l int gration aux lt lt d cors gt gt voire des vues parcellaires les photographies vues de dos par exemple et aussi beaucoup de choses comme en suspension dans ces images de femmes Ce ne sont pas des images d activisme ou de triomphes Ce sont des femmes consciences Le moment du retour en soi de la dialectique Si je reviens sur le probl me de l absence en ce qui concerne les photographies de lieux C est une troisi me repr sentation de l absence dans mon travail D ailleurs ce sont toujours des lieux dans lesquels je retourne pour y faire des photographies apr s que j y ai v cu quelque chose Si ce ne sont les chambres d h tels parce que ce sont par excellence des lieux vides de vie les lieux du provisoire et du contingent L encore c est un aspect comm moratif de la photographie Ces lieux sont d serts j a1 dit un jour lt lt comme si il y avait eu la guerre gt gt c est dire des lieux soudainement abandonn s Mais en m me temps ils se donnent en analogie avec ce qu au cin ma on nomme photographies de rep rage comme des lieux dans lesquels il pourrait se passer quelque chose ou encore si l on veut tout comme les images de femmes renvoient des pr sences qui sont en m me temps des absenc
26. d tre dans cet ab me l dans ce moment o tout est en jeu o tout peut se casser la figure et non seulement videmment le vie mais galement l uvre elle m me EXISTENCES Suite de la mise en acte deuxi me pisode une s rie dont le livre n a jamais t r alis la maquette existe dont le titre est Existences qui devait en fait faire partie int grante du troisi me projet Noir Limite qui n a jamais vu le jour c est dire qu apr s le Corps Corps apr s la Mort le troisi me projet devait tre Existences Situation de rupture situation de solitude et je d finis souvent ce travail comme un travail sur la solitude et comme en g n ral lorsque je d marre les s ries j cris au moment o je d marre cette s rie du Territoire premi re s rie dans la s rie Existences il y en a trois Le Territoire La Mer Le Corps Photographier le presque rien le que dal du d dale 1727 m tres carr s 12 pi ces couloirs et l escalier 5 chats 11 parterres de fleurs 2 poteaux lectriques 32 arbres des 27 Gilles Mora Visages suivi des Amants pr face milliers de brins d herbes des millions de racines des centaines d oiseaux limaces taupes m tres carr s enclos ceints et pourtant au monde d une cl ture impossible o s accomplit le cercle perp tuel de ce qu il est advenu de la nature Etre solitude mur e de la conscience qui ratiocine ma trise accapare d sire d sire su
27. de l loignement dans cette image de l image Le miroir Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur PHOTOGRAPHIE REIFICATION DES RAPPORTS SOCIAUX ET IDEOLOGIE De fa on globalisante nous d signerons sous le terme photographie toute production d image fixe dont le moyen de base est la technique photographique c est dire l enregistrement sur une surface sensible des diff rences d clairement que viennent produire sur cette surface films papiers ou autres supports des rayons incidents ou r fl chis La production d image par cette m thode peut constituer le produit final ou tre son l ment essentiel simple preuve photomontage photographie colori e solaris e d chir e voil e effac e etc Et il n y a pas de limitation l emploi de cette technique Le plus souvent mais cela n est pas n cessaire ce mode de production inclut la m diation d une chambre noire avec son optique improprement d nomm e objectif Mais cette m diation n est qu une des possibilit s offertes par le m dium Cette d finition n est pas neutre on sait que les pr misses conditionnent le r sultat de l tude au sens o elle refuse toute consid ration sur une pr tendue lt lt puret photographique gt gt qui exclurait autant certains usages du m dium que certains mixages Elle indique encore que l outil lt lt cam ra obscura gt gt n est qu
28. des arrosages de r v lateur Des couples longuement pi s aux journaux furtivement feuillet s il appliquera finalement cette technique des images pornographiques reproduites partir de magazines galement biff es ratur es juxtapos es ou oppos es partiellement voil es Il jetait ainsi des ponts et marquait une quivalence entre les deux ordres de repr sentation du corps la statuaire antique et l imagerie rotique Les trames sur les images pornographiques jouaient chez Poupel un r le analogue mais elles fonctionnaient davantage sur le brouillage et le montr cach sur le raturage et le voyeurisme Ces trames taient aussi des filets avec lesquels on attrapait le corps des grilles rigides d criture ou de lecture ironiquement n o structurales appliqu es aux courbes rebondies des formes On songeait encore au pauvre Pygmalion dont la t te tourn e nourrissait aupr s de la pierre des r ves de chair Le religieux et l art se conjuguaient comme perte de soi de ses limites Dimension esth tique et dimension de l esth sie s alliaient dans une convergente motion L invisible s ouvrait dans cet tat extr me des corps expuls s de leur individualit comme extase vers un ab me et l art se r v lait comme qu te de l informe Car s il demeurait incarn le sacr n en tait pas moins une force fondamentalement insaisissable et transcendante s il tait le domaine de la puissance de la
29. du c t du mod le offrande Celle ci est possible puisque le moment de la prise de vues est celui d une fiction Jean Claude B l gou Consid rations pr alables sur le projet Samedi 14 f vrier 2004 LE SEXE DES ANGES S il Se vante je l abaisse s il s abaisse je le vante et le contredis toujours jusqu ce qu il comprenne qu il est un monstre incompr hensible Pascal Pens es 121 Je ne suis pas un humaniste L homme est celui qui est capable du Stabat mater de Pergol se mais aussi des d fil s nazis sous l ordonnance des musiques de Strauss ou Wagner de la Jeune fille la perle de Vermeer mais aussi des guerres o l on tue pille viole torture de la prostitution de l esclavage de la sublime criture dilat e de Proust mais aussi des tortures et humiliations de la prison d Abou Gra m ou d Auschwitz de la g niale invention de la roue mais aussi de l utilisation de cette m me roue pour supplicier de Tristan et Yseult mais aussi du sordide qui hante le quotidien de tant de couples de la philosophie g n reuse d un Rousseau mais aussi de la Terreur L homme n est en soi en rien v n rable il est ce monstre hybride de corps et d esprit de chair de pulsion et de raison toujours entre deux si ges toujours finalement au service du pire de la jouissance des instinct Tout tre vivant cherche la jouissance les luttes pour le pouvoir la gloire la renomm
30. elle se trouvait exclue du mus e Encore aujourd hui en Europe la pr sence de la photographie dans le Mus e n est pas un ph nom ne entendu elle demeure une exception Mais de quelle photographie s agit 11 Le dessin industriel a t il eu jamais voir avec l art de RAPHAEL Dans l histoire de l art on a coutume de poser la question des rapports entre photographie et peinture en termes d influence positive ou n gative mais n est ce pas l le signe d une superficialit d esprit qui nie l Histoire toute profondeur Ne vaut il pas mieux se demander ce qui dans les bouleversements culturels entam s la fin du XVII me si cle l invention de la photographie date de 1822 catalyse la d couverte de la photographie et engendre une nouvelle peinture Prenons en quelques signes l esth tique future du portrait photographique des daguerr otypistes l esprit m me du clich photographique n tait elle pas d j contenue dans le r alisme positif de Napol on dans son bureau peint par DAVID en 1810 ou le portrait de Monsieur Bertin par INGRES en 1832 L instantan ne s incarne t 1l pas d j dans le tableau de 1800 du Baron GROS Napol on Arcole Les pestif r s de Jaffa ne sont ils pas les images primitives du photo journalisme Nous sommes alors bien loin des repr sentations hi ratiques de Louis XIV et des peintures all goriques de NATTIER le XIX me si cle sollicite une autr
31. homme avait besoin de se faire Christ avait besoin de se faire hostie Pourquoi Dieu parfait pur esprit se suffisant lui m me eut besoin de cr er le monde Pourquoi si l esprit n avait besoin de la mati re Pourquoi est ce que le sens aurait eu besoin de l existence si l existence n tait pas n cessaire au sens pour que le sens se constitue lui m me comme existence La photographie est un moyen brut d appr hender ceci ces apparences moyen intellectuel de viser de cadrer de choisir le grand verbe de la philosophie ce qui d signe l exercice de la philosophie chez Hegel est le verbe Saisir il ne s agit plus de comprendre dans une vaste totalit a priori il s agit de saisir La philosophie vient toujours apr s le monde la m ditation est toujours une saisir a posteriori du monde la photographie de m me Ce qui importe est donc toujours ceci qui n est pas montr le contenu de pens e par del le contenu du monde c est le fait que l image est une de ces repr sentations travers quoi la pens e se saisit comme pens e et se saisit galement comme pens e sensible comme exercice sensible comme pens e travers e de pulsions travers e de mati re travers e de jouissances indissolublement Si la peinture est l affirmation du corps en tant que geste la photographie est l affirmation du corps en tant qu tre l pr sence de ce qui a t pr sence corporelle et corps du photographe dan
32. l qu il conn t l Depuis on ne l teignait plus de tout l hiver chauffant cette pi ce ainsi que la cuisine attenante il tait suffisamment grand pour contenir des b ches d un m tre Le feu omnipr sent ravivait l espace de la morte saison on y lisait le soir les chats y passaient le plus clair de leur temps On y faisait galement quelques grillades Sauf le petit d jeuner qu ils prenaient quelquefois dans la cuisine ils d naient dans cette pi ce Les meubles pr sents table chaises buffet lui provenaient de grands parents Une sculpture chandelier qu un ami artiste avait fabriqu e et lui avait d di e d acier tiges cr nel es t les vernis et perc es boulons et de bois calcin se dressait entre les deux fen tres Elle supportait sept bougies ce qui avec le chandelier de laiton quatre branches permettait d illuminer grandement les trop longues nuits d arri re saison Il en avait particuli rement joui certaines soir es o la f e lectricit lui fut coup e Il y avait en outre sur une table basse un poste de radio et un r pondeur t l phonique Le buffet abritait la vaisselle qu il avait enti rement renouvel e juste avant que son ex mod le ne s install t avec lui dans la maison de m me qu il avait refait les peintures Sauf les int rieurs de fen tres les plinthes et quelques moulures d un jaune paille qu elle avait choisi les deux pi ces salle et cuisine taient bl
33. le caract re typique des contr es des pays leurs costumes leurs habitats leurs coutumes leurs lois leurs commerces leurs coles leurs langues m me Et ce mouvement ne le c derait pas que tout fut identique et tout sous la m me r gle D ailleurs n tait ce pas qu cette condition que les autres voyageaient qu cette condition de se retrouver de s y retrouver comme ils disaient C tait ici qu il devait se perdre ici que les choses devaient glaciales se r v ler pures sans d tour ni concession possible l ab me de l existence dans cette maison qu il avait maintenant trip e d lest e l gal des chambres de voyages de meubl s d h tels qu il avait longtemps cherch s Dans ce lieu o d autres vies avaient pass et tr pass aussi avant la sienne d autres vies m mes d sirer souffrir se distraire g mir r ler danser peut tre Lui seulement ne voulait plus n avait jamais pu tre distrait Toujours les voix taient demeur es pr sentes les cris les viols les peurs la respiration des corps dans les espaces trop clos pris entre le d sir de voir de savoir et celui de ne plus rien entendre plus rien souffrir Et des fen tres qui en appelaient la mort Grand Auditorium De La Biblioth que Nationale De France Conf rence 4 Avril 1995 PHOTOGRAPHIE JE VOUS HAIS Sans doute tout milieu social est menac en permanence de sombrer dans
34. le d coupage ou le collage etc sont en soi des arts La taille de bordures de trottoirs ne remplit pas la m me fonction sociale que la sculpture romane ou les oeuvres de Rodin Et c est l une id e na ve que de croire que c est l usage en soi d une technique qui serait crit re d art Notre probl matique est donc seulement de consid rer d un c t en quoi il y a un usage artistique possible de la photographie de l autre en quoi les sp cificit s du mode de production photographique et celles de l appropriation id ologique de la photographie font que l id ologie de l art rejette a priori la photographie en jugeant qu elle lt lt n invente pas et ne cr e pas la diff rence de l art gt gt Jugement du 9 Janvier 1862 La structure sociale qui au dix neuvi me si cle a produit la photographie comme technique d image la plus m me de satisfaire ses nouveaux besoins et valeurs se trouvait par la m me d tentrice d un pouvoir qui allait assujettir et entraver le d veloppement de la photographie En 1839 l Etat fran ais se porte acqu reur de la d couverte de Niepce et Daguerre et l abandonne la libre initiative de ceux qui veulent l exploiter Il nous faut voir l empressement de l Etat acqu rir et rendre libres les droits relatifs l invention comme un signe vident de l enjeu politique que pouvait constituer une certaine utilisation de la photographie et de la volont de l
35. les flous sont de plus en plus abondants les photographies sont y compris les autoportraits de moins en moins lisibles et il y a une double preuve qui est l preuve physique bien s r et puis il y a l preuve qui est l preuve d un sentiment tr s tragique et d une trag die que je revendique compl tement parce que on a parl de Bossuet ce matin mais mon sens Pascal est aussi un autre grand auteur parce que c est celui pr cis ment qui ne pr tend pas r soudre le tragique qui est la fois un sentiment d enthousiasme pour cette immersion dans ce qu il faut bien appeler pour l appeler d un terme convenu et que je n aime pas la nature disons la mati re enthousiasme d y tre et la fois cette conscience d y tre compl tement d muni vuln rable et d tre non pas dans la pens e car quand on marche ainsi on ne pense pas ou on pense des choses qui sont des choses compl tement terre terre c est dire o je vais dormir ou je vais m abriter qu est ce que je vais trouver manger o est ce que je vais est ce que je suis sur le bon chemin ce n est pas du tout le moment o on a des grandes pens es philosophiques bien loin de l et sans doute cette exp rience de la perte c est aussi une exp rience du terre terre c est dire comment est ce qu on peut se dissoudre et comment est ce qu on peut se perdre jusqu au point o on est incapable soi m me de se d finir c est
36. ment le moment o le viseur cesse d tre op rationnel et o on n y voit plus rien Je photographie galement souvent en aveugle c est dire sans voir ce que je fais d ailleurs sans aucune h te le voir parce que pour moi la photographie est la fois un processus tr s mental et tr s intellectuel il n y a rien de manuel dedans et c est la fois un processus tr s physique tr s physique au sens et c est une des raisons pour lesquelles on avait fait ce travail autour du corps corps avec Yves Tr morin et Florence Chevallier dans Noir Limite car toute photographie est corps corps o c est un travail de prise avec le r el c est dire que la photographie a cet aspect compl tement paradoxal et paroxystique d tre la fois ce qu il y a de plus mental sans doute dans la r alisation d une uvre plastique et d tre en m me temps ce qu il y a de plus physique puisque prise il y a et que prise il faut qu il y ait avec le r el et y compris ventuellement avec le r el de sa propre existence J ai commenc la photographie donc enfin j ai failli la commencer en 1968 mais il y a eu les v nements que vous savez et a a t peut tre un petit pisode o le r el a recommenc m enchanter parce que soudain 1l a commenc ressembler un r ve mais a n a pas dur tr s longtemps vous le savez aussi et dans une p riode o la grande vogue photographique tait une vogue
37. oeil crev et qui saigne ou larmes jaillissantes Et toujours c est o sur une photo des traces de lumi re sur une photo c est quoi des traits qui convergent se croisent une perspective de fuite alignement des briques du mur lignes du trottoir contour de l affiche Obliques C est une plage sombre qui s tend gauche floue sortant du cadre Inlassablement c est o c est une feuille de papier blanc couch de g latine impr gn e du m tal argentique noirci la clart mouill e d une solution alcaline c est quoi trois droites qui coupent la surface une surface sombre les deux autres claires Il y a une quatri me ligne estomp e Toutes au m me point se rejoignent Des reflets des reflets surtout Et toujours C est o C est quoi chemin vers la clairi re fleuves dans le lac trait non tangentiel un cercle s y jetant le sentiment c est quoi de la lumi re qui se ballade brillances quelque chose qui pend Seule pourra vous sauver une photographie o il n y ait plus rien reconna tre que la photographie Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur Correspondances nos rencontres non in luctables mais non fortuites pour autant Confrontation de nos vouloirs Dialectiques de nos d sirs nos vis es d o merge l image Image de toi Image de moi Double absence en cela e
38. s mes quatre volont s Comme dans les contes de Lewis Carroll leur existence est constamment suspendue mon bon vouloir mon lection renouvel e ou ma d cision de m en d barrasser Car ils sont avant tout des signes et l esprit se meut aussi en bouleversant son univers de signes Qu une vie nouvelle survienne en moi ils gagneront le placard le grenier les flammes Par les objets se fa onne mon paysage quotidien celui fait non de montagnes et de plaines d herbe et d eaux mais d une perspective savamment cultiv e l image de mon esprit o chacun d eux a fonction de me renvoyer moi m me et mon labeur LE MONDE EST UNE RUINE SUR HERBERT LIST Le po te ne doit jamais proposer une pens e mais un objet c est dire que m me la pens e 1l doit faire prendre une pose d objet Francis Ponge Naturem piscem doces 1924 Objets Les objets sont une projection de l homme construits pour tre son service un produit de son art Ils ont aussi par les outils qui occupent parmi eux une place privil gi e une fonction pragmatique de transformation de la nature De l artisan l architecte l expansion des choses dit le r ve de l homme d objectiver le monde tout autour de lui de le modeler d emprisonner chaque force vive de la nature chaque mat riau dans une existence singularis e et voulue ma tris e Ceci ne peut se faire aussi qu en d truisant La propensi
39. t pendant ces sept ann es le support d organisation des activit s Noir Limite poursuivra ses activit s de toujours ditions conf rences formations cr ations etc Son conseil d Administration sera prochainement red fini le 9 avril 1993 f ER Tom 5 3 D OBJETS DU VOYAGE Je suis l crivant cet article cette table de travail environn de ces quelques objets dont je ne saurais me passer stylo plume papier ciseaux pipe tabac loupe Ces objets me p sent entendez par l ils m encombrent me privent de totale libert d oisivet de spontan it et m enchantent ils me rassurent me parlent chacun d eux est li mon histoire cadeaux offertes trouvailles rescap s miracul s Ils sont une forme une couleur une odeur une mati re changeantes par la lumi re l ambiance l air qui les baigne Ma main conna t leur empreinte leur poids leur qualit tactile leurs multiples usages En voyage quelques uns m accompagnent lus rares se mariant alors de nouveaux venus cartes de voyage cartes postales valise 1ls poss dent aussi la qualit de se renouveler en eux m mes ainsi le paquet de cigarettes est toujours le m me chaque jour renouvel rouge et or m tallis avec ses inscriptions surann es Paris Londres New York Ils sont l horizon quotidien de ma solitude outils qui me prolongent qualit s fa onn es tranges trangers sourds et muets pli
40. taphore humaine dont les bielles comme des muscles allaient dans un mouvement constant r gulier s amplifiant toujours Comme des coups de boutoir Enfant son lit un divan qui chaque soir ouvert touchait l angle de celui des parents On se lavait dans la cuisine Les toilettes taient dans la cour La soeur il ne parvenait pas s en souvenir Ni quel corps quel visage elle avait ni quelle place elle occupait seulement la voix seulement entendre Morte peut tre depuis Peut tre tait ce lui qui d ailleurs l avait tu e force de coups de casseroles sur la t te chevelue lorsqu il se battait contre elle tant elle l exc dait tant il se vengeait qu il fut pour elle en trop Alors il dormait au plus loin au plus profond enfoui le plus qu il pouvait de son petit corps dans les souterrains du lit les draps clos sur lui et peu peu sa respiration m me s tait ralentie s tait adapt e cette vie sans air Il s enfon ait le plus qu il pouvait se mettait en boule ramenait les couvertures sur ses oreilles le traversin contre l ouverture du drap sur son cr ne pour ne point les couter pour ne plus tre avec eux pour ne plus avoir supporter si cela se produisait encore une fois Il avait toujours prouv cette g ne respiratoire depuis Il ne savait rien ne devinait rien de ce qui se passait vraiment seulement les cris plut t douloureux rauques inconfortables de la m re juste l
41. un rien superflu au dedans de l immense rien de la vie Apr s tout artistes ne sommes nous pas que les bouffons de cette danse macabre et cynique Pourtant jaime voir les autres ainsi quand ils dansent pour a pour se perdre Et c est la sensation que j ai de mon labeur En art il n y a pas d illusion de progr s Faire oeuvre c est faire humble juste l pour ressasser le vertige de cette extr me vacuit Pour tre au coeur du vertige Etre l essentielle naus e Ne plus pouvoir fuir Souvent penser qu il vaudrait mieux d finitivement se taire ne pas en rajouter Mais puisque nous y sommes autant chanter notre chant du cygne La mort n est pas davantage sens e R sister aux cynismes bien portant et bien pensants aux pouvoirs th oriques et pratiques aux mille r currentes totalitaires utopies th oriques d autant totalitaires qu elles pr tendent vous manciper et vous all ger la t che de vivre la d mission mentale Remettre sans cesse les choses sur le tapis leur place l absurde et non moins pr sent d sir alli son contraire la haine L homme n est pas seulement un loup pour l homme il est un homme pour les hommes C est pire Il y a dans les prises de vues une violence intense la fois comme conflit avec le monde le r el la mati re et comme conflit int rieur Une foire d empoigne une treinte extr me Le monde qu il s agit d assujettir sa pens e et
42. vivre En m me temps videmment ce travail peut heurter quelquefois et dans les r sistances que j observe mon travail il y en a deux qui reviennent souvent on me dit quelquefois trop noir et on me dit quelquefois trop intime a peut passer videmment aussi par un travail qui est un travail sur l intimit du corps au sens o l obsc ne a peut tre un moment donn de pr cis ment mettre sur le devant de la sc ne ce que mille distractions pour refaire r f rence Pascal peuvent chercher fuir c est dire remettre sur le devant de la sc ne le tragique la sexualit la mort la peur le d sir la jouissance la souffrance l ennui et donc cette intimit un moment donn peut tre de l ordre du physique Il y a sans doute dans De tous les jours cette tentative videmment compl tement d sesp r e d essayer d enfermer de fa onner une image qui est la fois l image d une femme qui est videmment une image a n est m me pas mon image c est l image telle qu elle a pu un moment donn jaillir de la rencontre entre mon projet et la r alit En m me temps l enjeu ici me semblait tre aussi d affirmer que notre seule r alit en fait c est la r alit de notre quotidien Que la seule r alit ce n est pas la r alit m diatique a n est pas la r alit telle qu on peut l apercevoir travers la photographie pr tention sociale documentaire travers le reportage
43. 95 Les vierges 97 CONFERENCE NOIR LIMITE 98 Du noir de la noirceur 98 La renaissance de la trag die 99 L interdit 100 Ce que c est qu tre 101 Construire un territoire 101 PORTRAIT DE L AMANTE 03 CATHERINE L AURA L INTIME LA BLESSURE 107 VISAGES eee a a ris COMMUNIQUE DE PRESSE DE DISSOLUTION NOIR LIMITE 112 OBJETS DU VOYAGE 115 LE MONDE EST UNE RUINE a 116 Objets 116 Regard 116 Int riorit 117 Paysage 117 Vanit s 117 Epilogue 118 DE DERISOIRES FETICHES 119 ERRES 2 NOIR LIMITE 132 LE CORPS ET LA PHOTOGRAPHIE 133 Consid rations pr liminaires 133 Une nuit claustrophobe extrait d Ibidem 133 PHOTOGRAPHIE JE VOUS HAIS 139 La photographie n est pas un art la peinture non plus 139 L art au del des fonctions pragmatiques 141 L art contre la culture 142 Art et acad misme 143 EXISTENCE
44. Abbaye de Graville du Havre en Juin 1989 ne TS Censur e au nom de la prudence devant le r alisme de certaines photographies Censur e au nom de la crainte de choquer des enfants et des personnes g es Censur e avec lt lt lib ralit gt gt puisque l on nous demandait ni plus ni moins d enlever 25 des 60 photographies pr sentes Censur e dans une des douze Maisons de la Culture sens es mener une politique pilote de cr ation une politique audacieuse ouverte prestigieuse libre Prudence devant le r alisme de certaines photographies Peut on apr s Baudelaire apr s Bourdieu apr s Barthes parler sans mauvaise foi un langage aussi na f Invoquer mille raisons pour censurer et sa lib ralit personnelle en m me temps La censure ne s est elle pas toujours abrit e derri re la prudence le souci de protection Ne se fait elle pas toujours au nom des autres Ce n est pas l la moindre de ses hypocrisies Aujourd hui o le pr judice est port nos oeuvres nous m mes bien s r mais aussi ceux qui sont associ s avec nous dans cette op ration Photographies And Co La Direction R gionale des Affaires Culturelles de Haute Normandie la Ville du Havre le Centre d Action Culturelle de Montb liard Au public enfin Nous oublions la Direction de la Maison de la Culture de Bourges a aussi voqu pas tr s longtemps d ailleurs pour nous la possibilit d une salle close voi
45. Ainsi comme instruments de vision les Lunettes du Lac des Quatre Cantons 1936 renvoient un regard sur le monde et en ce sens peuvent tre per ues comme une m taphore du regard singulier du photographe Ainsi jadis taient signes de la position du peintre et de l homme face l univers la fen tre ouverte de la peinture renaissante ou les miroirs concaves des tableaux de Van Eyck Pourtant l une des paires noire opaque se trouve tourn e de trois quart vers nous et l autre jouant l inverse de la transparence et du reflet n ouvre sur le paysage que tr s partiellement Et autant que de la vision solaires elles sont le signe de la lumi re Pas davantage qu une simple m taphore du regard et de la position de l artiste l objet d Herbert LIST n est pas non plus comme chez beaucoup de ses contemporains un pr texte graphique comme le sont les lames de verres empil es de Willy Zielke ou les verres align s de Renger Patsch Les deux objets sont organis s non comme une structure r p titive mais comme une totalit complexe aux mati res diff renci es incluse dans un milieu existante Mais il y a davantage les lunettes renvoient autant qu elles m mes ce qui ne figure pas dans l image deux pr sences que l on puisse imaginer celle de deux hommes rencontre r elle et inscrite bien davantage importante on le conviendra que celle d une machine coudre et d un parapluie
46. Antoine Poupel Octobre 1993 ERRES La lente ascension du fjord de Narvik sous le ciel blanch tre l eau grise Au dessus le plateau aux cents lacs gel s fig s L aplomb mourant d un long cort ge de pics la procession infinie Enfin la plaine lapone quelques rennes lente et molle aux bouleaux givr s creus e de longs mar cages r p titive linfini Ainsi sept heures pour parcourir ces quatre cents kilom tres trois wagons bien chauff s un caf bouillant la vague pens e soucieuse juste ce qu il faut d attention du paysage Je ne suis pas un voyageur Je ne pars que par cet trange go t mi macabre mi enjou et curieux de m extirper un peu plus de moi m me et du monde de me confronter aux d lices du pire et du plus juste la v rit du vide Ce n est que par violence mon gard et pour me perdre davantage que je vais ailleurs et de pr f rence l o il n y a plus que la r alit d une fin qu une extr mit du monde et de l humain Je ne quitte mon jardin que pour atteindre l acuit de cette perception pre tre un tranger Que pour ressentir au plus pr s cette v rit de notre exclusion et de notre solitude de notre rejet de notre place introuvable pr s des autres et des roches De notre place introuvable au monde Je ne romps avec toute familiarit que pour achever de dissoudre tout semblant indolent d vidence de notre tre l quotidien Que
47. Attacher sa pens e seulement en deviner les signes le d roulement assujetti au poids des roches des vents des pluies et se rassurer seulement qu il y aura toujours quelques lichens se mettre sous la dent l o personne ne vous retrouvera avant longtemps Venir au corps et la terre l eau et la terre sur le corps la lutte du corps au ravalement et l exacerbation des sens cette terre indiff rente au vivant et laquelle jamais on ne puisse se reposer ou s abandonner tout fait Venir la sensation l motion la peur la joie imb cile d un peu de chaleur d un peu de chair vivante comme moi animale comme moi crois e Solitude partag e avec quoi est non humain inhumain La solitude c est le d nuement l extr me de cet erratique voyage cette absence cette humilit ingrates Accul la pauvret de soi A ressasser ce peu qu est vivre et nous attache malgr tout au vivant Retrouver le peu dont nous sommes fait accepter notre impuissance la nommer s abandonner o tout devient gal sans but sans mesure Accepter un d sespoir sans plus de passion Je ne sais o je vais ni si j ai raison d y aller mais je marche Seulement ne plus se faire d illusion sur le sens de ce chemin ou d un autre Accepter de renoncer Accepter l humble le pr caire le fragile Le silence le pesant bourdonnant silence le juste silence de la pens e muette et stagnante l
48. Courbet Corot Millet et qu c t de Monet ou Van Gogh les figurations ont continu de fleurir depuis l acad misme lt lt pompier gt gt jusqu la Neue Sachlichkeit et la nouvelle figuration A l inverse la notion d h ritage portant sur la fonction de solennisation permet de situer les choses sur leur v ritable terrain celui de l id ologie de comprendre que les fonctions sociales d volues la peinture se sont modifi es en m me temps que les rapports sociaux taient l objet d une nouvelle r volution et que l id e de lt lt l art pour l art gt gt faisait son chemin Mati re hasard et contingence Aucune instance ne se lib re jamais d une quelconque fonction sociale pour soudain se mettre voguer dans le ciel th r de l esprit Les fonctions sociales ne font que se d placer d une part tre l objet de transgressions d autre part Cependant quelque soit l usage que l on fasse de cette technique particuli re parce qu elle est n cessairement image d un lt lt avoir t l gt gt non seulement elle a pu tre l instrument privil gi du naturalisme mais aussi a imm diatement contredit la d finition id aliste de l art Cette conception veut en effet que l oeuvre d art soit une cr ation ex nihilo de l esprit ce qui peut prendre au demeurant tant t une tournure religieuse tant t une tournure psychologiste Cette id e de l artiste d miurge h rit e de l a
49. INTIME CORPS SACRE Les voiles Terre eau feu air Les forces cosmiques archa ques r sident dans ces mati res celle dont nous sommes faite carne celles dont la chair est faite et o la chair se nourrit En ce tellurique m tabolisme du vivant et de l inerte vacillent l tre et le n ant produisant en nous ce vertige sismique des grandes catastrophes et des grandes gloires de nos existences Ecran noir sur l ab me de la communion proximit de ma main d miurge sur ce corps distance du divin notre destin e animale La vie est une secousse entre deux ab mes la mort n est ni derri re nous ni devant nous elle est en nous poison de notre naissance germe de nos maux de nos violences nos autolyses nos g nocides notre barbarie Silence et trouble ternit Extase moment sublime de ravissement et de perte de soi r v lation impossible transcendance entrevue transfiguration insupportable de l existence Sacrifice du corps l art mi simple mi feinte mi offerte mi secr te mi ronde mi d li e m dium de mes d mons incarnation de l esprit sujette ma main qui l effleure la touche dans cet accomplissement rituel de la prise Elle implore seulement ces gestes modeler son corps en ployer les membres sur le sol le courber sur le drap l ouvrir fermer le tendre le mouler fa onner sa peau Je r gle sa chair j applique forme d forme tend plisse le voile noir a
50. Le temps que les valeurs l gitim es se renouvellent N a t il pas fallu attendre les ann es 1500 pour que la peinture r f rence oblig e du mus e se d finisse comme art N est ce pas la m me poque qu au fond a d but l histoire de la photographie vision du monde d j toute contenue dans la Cam ra Obscura de VINCI L histoire de la photographie a cinq si cles au moins il est bien temps qu elle entre au mus e Pr face l exposition de photographies de Guy Hersant Au Mus e De F camp Janvier 1984 QU UN SANG IMPUR ABREUVE NOS SILLONS Fusion mixtion brassage synth tisent au mieux la recherche d Antoine Poupel depuis ces quatre derni res ann es Femme et eau captation et perturbation mer et m re simulacres de religiosit et illusions d rotisme surface sans fond de l mulsion photographique et modelage de la couche humide du Polaro d ou entaille du sillon de la gravure son travail se rep re comme le parcours tortueux d une piste qui nous ram ne l essentiel le m lange Nous y embrassons un en de de la pens e rationaliste ainsi qu Emp docle envisageait l Etre comme trag die cosmique o s allient et s affrontent eau chez Poupel la mer feu le d sir terre le sol des for ts ou la pierre des gisants air ici figures mythologiques anges arches de No en l vation ainsi qu amour et sadisme Or ce qui est m lang est par excellence l impur Affirma
51. Zola le mod le ne peut que devenir jaloux de son image au mod le l artiste pr f re l image du mod le c est dire son image lui l artiste toute uvre n est elle pas un autoportrait Au r el il finit par pr f rer l imaginaire au corps le mental la chair vivante du mod le la chair de la peinture elle m me Claude Lantier le peintre de L Oeuvre finit par ne plus s int resser Christine son mod le qui est aussi sa femme il ne la voit plus il n a plus aucune attention pour elle il naime que la peinture qu il en a faite Dans Le Chef d uvre inconnu Gillette la ma tresse du jeune Nicolas Poussin qu il pr te pour mod le au vieux peintre Frenhofer voit dans ce geste de son amant le sacrifice de leur amour au b n fice de l art de la peinture Elle leva la t te avec fiert mais quand apr s avoir jet un coup d il tincelant Frenhofer elle vit son amant occup contempler de nouveau le portrait qu il avait pris nagu re pour un Giorgione Ah dit elle montons II ne m a jamais regard e ainsi Pygmalion De la femme devenue uvre et s effa ant derri re l uvre on passe l inverse l uvre devenant femme le marbre devenant chair Le pygmalionisme repr sente l extr me du couple trois mod le artiste oeuvre Pygmalion en souhaitant que sa statue Galat e repr sentation de la d esse Aphrodite dans certaines versions du mythe dont il est tomb perdument a
52. banquette oppos e en face c t porti re que je ferme se rouvre au premier arr t la ferme nouveau la claque ne bougera plus Les paupi res s entrouvrent yeux fonc s Une main dans la poche jambes crois es chevilles fines l autre main entre les cuisses cache col nou Vernis noirs Par saccades le soleil r chauffe la couleur de sa peau sur le visage sans couleurs Nez droit bien proportionn au visage l vres seulement un peu paisses Visage quiet vibre avec le train qui freine Pantalon velours bleu nuit L homme c t yeux bleus clairs imperturbables vers la vitre le paysage donc le visage d elle Lair pas franchement hostile quand par clair les paupi res s cartent alors mais passablement g n e toutefois Cheveux tels yeux Quant moi d plac davantage face elle depuis l entr e des deux hommes dans le compartiment Train avance heure progresse jour prend corps Le corps s tire la main caresse le visage la joue gauche c t de la vitre au soleil dans une pression forte rapide tendue doigts fins Paupi res nacr es scintillent Corps nouveau s tire se cambre nouveau se renfonce dans le demi sommeil se cale sur la banquette verte chemin de fer l paule gauche exactement l angle inf rieur gauche de la vitre Et de nouveau main passe sur le visage la m me joue puis tient la t te le coude contre la fen tre frotte enfin la bouche les l vres s
53. chemin des empreintes impossibles de l impossibilit m me de l appr hension de ce que l image offre voir Nous sommes sur le chemin des perturbations images aussi troubles que le souvenir le devient et appelle le devenir qu il y a d sir de le troubler le dissoudre d atteindre l oubli gt gt Mais encore quelquefois tu parles d une lt lt irritation gt gt par rapport aux habitudes de perception de l image photographique Effectivement on ne sait pas encore regarder une photographie les commentaires ne parlent le plus souvent que de ce que l on peut reconstituer ou imaginer voire d lirer de ce qui a t photographi C est o C est quoi C est qui Ceci est bien s r un probl me de culture photographique et se trouve aussi li la fonction sociale dominante de la photographie r f rentielle documentaire anecdotique et aux usages sociaux particuliers qui en ont d coul le scoop par exemple ou l inverse la photo familiale Mais c est vraisemblablement bien davantage le caract re d empreinte pr cis ment En r alit cette lt lt irritation gt gt cette interrogation inqui tude ne se jouait pas seulement par rapport la fa on dont les autres pouvaient recevoir lire une photographie mais galement tait cons cutive mon propre v cu de la photographie c est dire ma propre impossibilit d oublier le r f rent parce qu il a fait partie de m
54. clavier regarder par la fen tre repasser une robe se promener dans le jardin r ver etc A partir de l donc j ai cherch longtemps un mod le que j ai fini par trouver videmment on finit toujours par trouver et la s rie a commenc les prises de vues ont commenc elles ont commenc dans la biblioth que Je crois que ce sont ces trois images qui commencent le livre qui sont trois images de la premi re prise de vue et le texte du livre a t crit au milieu des prises de vues peu pr s Ce texte va raconter en fait ce qu est devenu l histoire de cette mise en sc ne de cette mise en acte de cette imbrication entre la vie et l uvre c est dire la fois comment le projet se transforme c est dire devient du projet que je vous ai lu tout l heure le Corps au quotidien un projet beaucoup plus syst matique qui est celui de photographier pi ce par pi ce lieu par lieu de la maison o j habite o je vis l poque seul de photographier ce mod le dans chacune de ces pi ces se livrant aux activit s qui sont les activit s que j ai pu sc nariser auparavant Et apr s la premi re prise de vue au d veloppement des premi res preuves cette 29 Weegee en est pour moi le plus bel exemple 30 De tous les jours ditions Photographies amp Co 2001 structuration s impose moi la s rie sera faite de plusieurs s ries chaque s rie sera une s rie d images faite dans la pi ce
55. clos quelques l zardes au plafond tout jusqu au mauvais go t de ces lieux tait fait pour le prot ger de ce qui pourrait le distraire de ce face face avec lui m me Et c tait encore v tu qu il s tendit sur les draps malgr la chaleur ses regards parcourant l espace sans me Cet espace l touffait La baie vitr e n tait qu une illusion Il ne put s endormir une musique montait du dancing en dessous une bo te encore o l on pouvait imaginer s battre de mouvements en tr pidations le fourmillement d un samedi soir Jusqu la v h mence des corps leur transpiration qui devait montant avec les notes accro tre la chaleur torride de la chambre o il se trouvait Bien qu assourdie par les plafonds et planchers elle tait forte saccad e r p titive fonctionnelle elle s imposait lui Il ne pouvait s emp cher d imaginer les corps mouvants ondulants masses charnelles qui s adonnaient la s duction la transe aux volupt s des fr lements des effleurements les corps qui s taient group s maquill s convoqu s v tus pour l occasion qui jouaient de plaisir avec le d sir Quelquefois il avait aim voir les formes filer en suivre les intrigues en happer les regards Il s tait laiss fasciner par ces corps qui savaient si bien se mettre en branle s exacerber se cacher et se r v ler au hasard des mouvements De ces sauteries pr nuptiales de ces branles
56. compte l analyse de l objectivit car nous sommes en mesure de comprendre comment dans la photographie un effet d id ologie l illusion d objectivit est lui m me le support privil gi de transmission de l id ologie en m me temps qu il en est un produit C est dire comment l id ologie peut fonctionner comme un cercle capable de rev tir la forme de la tautologie Notre base renvoie donc cette id e que l id ologie en m me temps qu elle masque la r alit masque sa propre nature ce qui est la condition indispensable de son efficacit bien entendu et partir de l nous devons constater qu aucune image fixe ne masque mieux sa nature que l image photographique Cette impression que nous prouvons par rapport toute photographie a fortiori bien s r quand la photographie est utilis e sur un mode naturaliste ou r aliste nous l appellerons impression d actualit Par cette expression nous r sumons non seulement ce fait que la photographie brouille les cartes du temps le rapport du pr sent au pass de l instantan la dur e de l absence la pr sence mais encore qu elle nous donne l impression que ce que nous voyions est effectif Le terme anglais lt lt actual gt gt exprime au mieux cet ensemble de traits puisqu il signifie en premier lieu actuel v ritable positif concret et il est ind niable que la photographie est d s son origine un mode d expression positivis
57. constante de sa solitude au doute aride d une activit dans laquelle n existe aucune recette et dans laquelle savoir et savoir faire sont sans cesse remis en cause le mod le s ins re comme seule pr sence humaine dans l instant vivant de la cr ation Le mod le est seul t moin de la gen se de l uvre seul partager humainement ce moment privil gi de la cr ation Parce que le mod le est aussi une des sources les autres tant innombrables et plut t spirituelles et culturelles de l uvre en accomplissement il ne joue vraisemblablement pas seulement un r le de mod le mais aussi de d clencheur de l acte de cr ation Ainsi rapporte t on Degas ou Rodin laissaient voluer librement les mod les dans leurs ateliers croquant l improviste un geste un mouvement susceptible de d clencher d inspirer le d sir de faire oeuvre Le mod le entre ainsi seul dans l intimit de la cr ation s immis ant dans la relation de l artiste l uvre brisant sa solitude et d s lors devient lui m me objet intime dans le meilleur des cas complice m me momentan m me malgr lui quand bien m me complice illusoire puisque le souci de l uvre reste celui seul de l artiste Une relation trois Mais il y aussi un troisi me terme l uvre Dans Le Chef d uvre inconnu de Balzac meet Cie BEI EGOU IE dont Rivette a livr une tr s libre adaptation dans La belle noiseuse ou dans L Oeuvre de
58. cris en fait je cherche toujours brouiller les pistes c est dire la fois de dire a les images et autre chose la fois l exp rience et une construction fictive Il est vident que si je mets mes photographies en sc ne c est parce que je suis persuad que toute image n acquiert du sens qu en tant construite ceci dit il y a des photographes qui sont capables de construire dans une instantan it extr mement vive et l image sur le vif est videmment une duperie totale parce que toute image de toute fa on est le produit d un syst me mental et esth tique et n a d efficacit que dans la mesure o elle est le produit d une construction Donc ensuite le jeu plastique consiste effectivement retrouver des analogies qui peuvent tre quelquefois des analogies plastiques entre les autoportraits et les paysages Exp rience dont je ne suis pas ressorti indemne puisque j ai t ensuite plus de trois ans sans toucher un appareil photographique et sans pouvoir photographier DE TOUS LES JOURS Derni re exp rience dont j essaierai de vous rendre compte un peu c est De tous les jours Belle mise en acte l encore Le projet s appelle au d part le corps au quotidien et j ai pens qu il n tait peut tre pas sans int r t titre documentaire pour votre r flexion de philosophes d ethnologues de sociologues de linguistes etc de vous livrer le projet de d part c est dire ce q
59. dans cette cl ture que se vivent les vrais enjeux et que se vivent les vrais rapports la r alit Le rapport l autobiographie c est aussi pour moi le rapport la proximit o revenir ce sur quoi on peut avoir un regard ce quoi on peut avoir une relation autre que la relation qui peut nous tre impos e un moment donn par le voile id ologique et par le voile m diatique Quelquefois aussi je fais poindre dans ces images quelques indices de ma pr sence j ai t lev la sauce Brecht Eisenstein et donc l enjeu de la construction des images c est aussi pour moi que jamais celui qui regarde l image ne doit oublier que l image est une image jamais il ne doit tre compl tement absorb dans l image et l artificialit des images et les signes indiciaires de la pr sence du photographe son ombre sa main etc sont l aussi pour rappeler que comme disait Godard c est une image juste une image ZONES Ce travail consacr au paysage industriel peut para tre surprenant dans ton parcours artistique tu es surtout connu comme un photographe du corps Travail sur le corps autoportraits Visages Erres la Gloire du Monde paysages Lieux en 1980 le Territoire la Mer en 1991 Erres Vers le Grand Nord en 1992 et plus r cemment les Paradis perdus paysages industriels aucun des genres traditionnels ne m est tranger si ce n est le reportage parce que je suis un photogr
60. dans des salles de contr les t l surveill s C est la nature m me du travail qui a chang Il y a seulement quarante ans c taient des lieux o abonda it la main d uvre manutentionnaire extr mement peupl s extr mement vivants Aujourd hui ce sont des lieux d serts Et pourtant ils n en sont pas moins vivants Il ne faudrait pas croire qu il ne s y passe rien Les marchandises circulent plus que jamais C est la circulation des marchandises qui est devenue invisible Tu travailles par s ries et il y a toujours dans tes s ries un rapport ton existence non pas autobiographique puisque fictionnel mais se nourrissant d elle Est ce le cas aussi pour Zones Si il y a une relation disons qu il s agit d un retour sur mon enfance mon adolescence Je suis n J ai grandi dans ce paysage mi urbain mi industriel de l poque o les usines taient encore dans les villes cette implantation d avant les grandes zones industrielles Ce paysage qui certes n a rien ni de bucolique ni de romantique m a toujours fascin Nous habitions avec mes parents au Havre rue Demidoff un deux pi ces Une fen tre celle de la cuisine donnait sur le d p t de chemin de fer o sans r pit les locomotives fumaient et haletaient la deuxi me fen tre celle de la chambre sur une scierie industrielle Il n y avait que deux pi ces Mes premi res d ambulations sur le port sont les promenades familiales du dim
61. de tripes effacement apr s coup de ces p les d attraction de la chair o la photo voulait toute enti re nous guider 6 La Flore d Europe occidentale plus de 2400 plantes d crites et illustr es en couleurs Marjorie Bla mey et Christopher Grey Wilson Arthaud 1991 7 Sur la surface d un corps sont inscrites des diff rences c est un corps crit couvert de traces qui s adressent obscur ment notre m moire et qui d signent tel lieu de la peau tel pli telle commissure comme les lieux lectifs du d sir J M Pontevia La peinture masque et miroir crits sur l art et pens es d tach es Editions William Blake and Co 1984 page 107 cit par Marie Domitille Porcheron Catalogue Antoine Poupel images 1982 1985 Villa M dicis et Mus e des Beaux Arts du Havre 8 Prix Villa M dicis en 1985 l artiste fit plusieurs s jours en Italie et en particulier Rome et Naples 9 Catalogue Antoine Poupel images 1982 1985 Villa M dicis et Mus e des Beaux Arts du Havre 10 La photographie tant cette poque videmment la putain l outil du voyeurisme l outil non l gi tim des arts Poupel s adonnait une reprise du r pertoire fantasmatique du sexuel et une organisation savante de la frustration Le corps lui m me tait tritur la chair tait fouill e la fa on de Lautr amont dans le Chant Premier de Maldoror Nous tions loin du naturalisme dans l ordre du rituel La seconde s
62. des proc d s et techniques Pr face au catalogue d Antoine Poupel la Villa M dicis Rome 1984 LE RETOUR DU CORPS Ao t 1980 lettre Je relis pour la ni me fois la lettre en t te des Cahiers Tant de choses me touchent dans cette lettre Nous sommes le cinq Ao t Non le six et mon travail n avance g re Bouff par l angoisse jusqu au fin fond de mes entrailles Diffuse sourde omnipr sente violente Mon travail n avance plus Je te hais parfois parce que j ai pens apr s mon appel au t l phone mon dernier en Juillet dernier que je pourrais bien crever et que cela serait gal J tais au bord de crever d touffer ce jour l et cela t indiff rait L affiche de l exposition est tir e Je la trouve atrocement triste aust re Il me semble qu elle soit un condens de ma noirceur Je me suis mis la lecture de Kant Je fais des prises de vues Peut tre la seule chose que je fais Non je lis parfois Les revues Art Press Les Cahiers Barthes Je ne l ai pas termin De rien Ca n a rien voir avec l an dernier o je br lais de douleur de ton loignement de ton absence Non plus pure l angoisse ind finie et infinie aussi Je sens cela des fois Souvent Entre les deux Tout le temps Je ne t ai pas oubli e encore Tu ne savais pas il y a deux ans que cela serait ainsi Je le devinais Il me semble comprendre avec une clairvoyan
63. du journalisme et c est la raison pour laquelle moi a me g ne toujours d entendre parler de la photographie parce qu il y a toute une photographie dans laquelle je me sens compl tement tranger et laquelle je me sens profond ment hostile toute cette imagerie qui remplit la fonction que jouait la religion autrefois c est dire qu elle ne nous fait pas voir le monde elle nous impose une vision du monde elle nous impose une lecture une id ologie du monde qui est l pr cis ment non pas pour mettre le monde notre port e C est videmment l illusion la plus totale que les m dias nous permettent de savoir ce qui se passe dans le monde c est tout le contraire les m dias font en sorte que d une part nous ne savons videmment pas ce qui se passe dans le monde et que d autre part nous nous int ressons plus non plus ce qui se passe en nous c est dire qu ils remplissent cette fonction qui est cette fonction d ali nation je dirais pour paraphraser Marx que les m dias sont l opium du peuple et que la photographie documentaire pr tention sociale rel ve aussi de cela Les crans des m dias font cran Donc m int resser ce qui est humble ce qui est pr caire ce qui est imm diat ce qui est banal ce qui est sans int r t c tait aussi pour moi l enjeu essentiel dans cette s rie l Comment est ce qu on peut s enfermer dans une cl ture et comment finalement c est
64. du tirage va donc peut tre enfin pour moi se r soudre En outre j aime la couleur j adore voir la peinture par exemple ou les autochromes ou certains travaux de la photographie plasticienne contemporaine Et je n ai jamais tabli de hi rarchies entre le noir et blanc et la couleur Je dirais que le noir et blanc est plus c r bral la couleur plus physique Ce qui m int resse est comment pousser la couleur la fois dans les fins fonds de sa mat rialit son c t extr mement physique et comme je l ai souvent rappel la photographie c est toujours la fois un rapport physique au monde la fois une pratique extr mement c r brale donc comment tirer parti de a dans la plus extr me sensualit de la chair Et en m me temps comment pousser la photographie couleur du c t de l abstraction mentale D o le titre de cette s rie qui d bute l vidence du corps Le corps poss de de lui m me une vidence il est physiquement pos et dispos dans l espace ma port e il irradie de sa pr sence la fameuse aura et l image le rend d autant plus physiquement pr sent le ram ne d autant au devant du papier que la couleur le rend d autant plus pr sent notre regard bonheurs du corps Bien s r 1l y a une chaleur une offrande une palpitation du corps notamment dans la prise Il y a un bonheur donner et un bonheur recevoir Egalement lorsque c est au regard que l on donne ou par
65. encore en cette t l ologie j ai cru galement que la cr ation pouvait galement tre ceci pouvait tre ce qui donnait sens un monde qui n avait pas de sens un peu comme cette musique dans La Naus e de Sartre qui est ce qui seul a une origine ce qui seul a t voulu ce qui seul est n cessaire ce qui sauve tandis que notre propre existence est cet l ment purement contingent et puis je me suis aper u de ceci que cette cr ation elle m me tait aussi contingente que notre existence m me parce que entach e de notre existence mais en m me temps aussi n cessaire l int rieur de cette contingence qu est n cessaire pour que nous puissions survivre pour que nous puissions vivre l existence de notre tre au monde Peut tre parmi les d risions la photographie est un moyen ultime et radical et parce qu il s agit d un moyen radical un moyen l gitime mais en aucun cas un moyen essentiel la photographie est un piph nom ne dans l histoire du monde Il y a eu autre chose il y aura autre chose il y a encore autre chose Ce qui seul peut tre est essentiel ce que nous dit Lascaux ou la t te de femme de Brassempuy c est la repr sentation c est ce besoin que nous avons de repr senter de rendre sensible ce qui est dans notre t te c est dire d tablir des m diations entre ce monde que nous n arrivons pas appr hender que nous n arrivons pas comprendre que nous n arrivo
66. et l laboration de l id ologie n est sans doute pas pour rien dans la l gitimation progressive de la photographie comme art S1 valorisation du photographi et valorisation de la photographie sont contradictoires dans le cadre id ologique du dix neuvi me si cle ceci explique galement le succ s de cette trange id e selon laquelle la photographie aurait lib r la peinture de la fonction naturaliste r aliste voire figurative en assurant la rel ve de ces fonctions Ce faisant on met en effet une pens e na ve car il serait pour le moins curieux qu une instance id ologique en lib re une autre comme si le d veloppement des superstructures n tait pas toujours un rapport l histoire r elle celle des rapports sociaux in extenso du mode de production et non un jeu de relations internes aux diff rentes sph res id ologiques Cette r gression une conception id aliste de l histoire va de pair avec une conception du progr s qui s accommode mal de la r alit si lt lt l id ologie n a pas d histoire gt gt au sens o l histoire effectivement se joue en dehors d elle nous ne pouvons en effet mettre de jugement de valeur inh rents aux termes de progr s ou de lib ration qui pr senterait par exemple la peinture impressionniste ou abstraite comme sup rieure l art classique En outre on oublie que ce fut sur le m me terrain donnant naissance la photographie que vinrent
67. grand chose Devenue presque inutile s mancipant des fonctions sociales premi res qui furent siennes l information la solennisation le souvenir on peut en faire autre chose Ce processus est bien s r un processus en cours la photographie publicitaire occupe encore une bonne place ainsi que la photographie d information dans la presse crite mais ne voit on pas photographes et gens de presse s inqui ter de la concurrence que leur font la t l vision et les artisans passer de l album photo de mariage la bande vid o En m me temps clatent les cloisonnements traditionnels entre les disciplines des arts plastiques celles ci ne peuvent plus tre bas es sur des diff renciations de techniques telles que peinture sculpture photo etc mais uniquement de d marches tandis que s ouvre aux photographes de reportages nostalgiques de LIFE ou de la grande p riode Paris Match la perspective moralement s duisante de l espace culturel les galeries l dition et la presse sp cialis es les festivals et les centres culturels eux m mes Le reportage lui aussi entre en crise D sormais tout peut tre photographi d clarait d j Paul STRAND dans les ann es 1920 bousculant ainsi les limites jadis impos es par la pr dominance des genres Ajoutons L re de la subversion est ouverte Avec l entr e de la photographie dans le march de l art aucun photographe de notre g n ration ne peut maintena
68. groupes d truit les alibis et les r conforts renvoie l cart doute est ambigu trouble pervers constamment hors norme hors jeu il renverse effraie Il est corrosif d cadent parfois Et quand l oeuvre d art s int gre au patrimoine culturel voire touristique ce n est jamais sans y laisser des plumes sans tre st rilis e le mus e agit comme les informations du soir la t l vision il anesth sie galise neutralise la perception des oeuvres Les massacres artistiques ont ceci de commun avec les massacres politiques ce n est qu au prix de ne plus les regarder en face et de ne plus les comprendre que la foule les contemple IIs ont des yeux mais ne voient point Les arts plastiques ont ainsi par opposition la litt rature par exemple une fonction d ordre ormemental qui d embl e pr te les assujettir l ordre du go t ambiant Davantage que la litt rature ou le cin ma et tout comme les arts du spectacle ils ont d sert le champ de l humain et du tragique pour celui de l asepsie objectale et du d calque redondant et conformiste du monde social Somme toute donnant naissance un nouvel acad misme Art et acad misme R sister l acad misme n est jamais acquis L acad misme a pour lui les pouvoirs en place dont on sait la place consid rable qu ils tiennent dans la politique fran aise et les march s les coles d art et celles de communication bref le lt
69. hui plus profonde que jamais Et devenu grand suffisamment pour me pencher sur les choses et avoir les consid rer voil que cet album m arrive sous les yeux et Erik Levilly me dit que toutes ces photographies il les a prises dans un rayon de dix kilom tres sa ronde J ai peine le croire qu il suffise d un ticket d autobus d un appareil n gligemment pendu son cou et d un peu de pellicule pour ce monde l moins que finalement l important soit que les photographes plut t que de visiter la plan te du bout des yeux ne regardent leur r alit du fond des m ninges Celui ci ne dit mot mais il doit avoir une me cependant n en d plaise au R P Malebranche qui battait sa chienne sans scrupule postulant qu elle pouvait crier sans rien ressentir Levilly vrai dire ne crie pas mais ne nous en inqui te pas moins D ailleurs est ce bien Le Havre ma ville et celle des autres avec qui nous la partageons pas n cessairement galitairement comme nous le rappelle le r cit de P Fardeau ou une autre chose que seraient par exemple les visions oniriques du photographe ses fantasmes son id ologie ses obsessions en quelque sorte Il faudrait y retourner voir de plus pr s photos en main car loin que la photographie ne constitue une preuve il reste toujours donner la preuve de la photographie Au fait o est la mer espace utopique de libert et maquette prototype de linfini Peut tre port et plage son
70. images aussi troubles que le souvenir le devient et appelle le devenir qu il y a d sir de le troubler le dissoudre d atteindre l oubli Texte paru pour l exposition Traces en Octobre 1980 Harfleur NAT e eee eee J CLAUDE BELEGO He Er CODIA DIOTOCODADHIEC Q TS SUR LA PHOTOGRAPHIE 8 Nous n avons plus voir que des portraits avant d c s La photographie post mortem du dix neuvi me si cle est pass e de mode de coutume de besoin social Perte de l quivalence du masque lui aussi perdu Cependant Le hasard r siduel dans le processus historique l empreinte d une rencontre toujours compromettante toujours compromise Pourquoi tant s acharner penser la question de la mort ainsi que le font les textes actuels sur la photographie Le cin ma c est la vie La photographie c est la m Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur Eea A Ta IEANLOIL AI IDE r r QIDI PDLOTNPPA JEAN CLAUDE BELEGOU ECRITS SUR LA PHOTOGRAI Rayer le mot objectif de notre nomenclature Seulement une certaine optique Une obscurit s re camera obscura C est dans le noir nuit artificielle que l image se fait jour Jeu des contraires Flux et reflux de lumi re Nouvelle chouette de Minerve au Cr puscule Et cette image manifeste forme et d forme d voile et masque tout jamais la r alit de l image latente Ce
71. imagine volontiers soucieux d ordre et inquiet d harmonie L r side leur esth tique volontaire insistante et fascinante parlant l esprit jusqu au point o ces objets nous coeurent un peu de leur tre l de leur charge physique Ces objets sont un miroir de l esprit fa onn s par l homme et choisis par lui On les imagine pos s un peu m ticuleusement l esprit pensant leur rapport leur espace leur vide les intervalles appr ciant leur transparence ou leur opacit mesurant leur ordonnance jusqu les trouver subitement identiques son propre r ve de clart et sa propre pesanteur d ombre et de d chirement L ombre atteste l existence physique de l objet qui brise le rai de lumi re lui fait obstacle de tout son poids Elle est aussi la part de la noirceur et du silence aveugle Ces images portent m diter les formes et le sens ce qui est la plus haute fonction de l art La m ditation est ici ins parable de l motion que procure cette l g re naus e L motion le trouble est ce qui met en mouvement la m ditation la supporte L espace ouvert sur la mer mais clos par les barri res de collines ou de montagnes est un espace circulaire comme celui de l agora l objet est englob au sens d Husserl dans une totalit m taphysique Vanit s Des photographies d objets celles de ruines Herbert LIST met en exergue jouissance et vanit et d gage une esth tique du
72. immense jardin d une part une ferme qui lui faisait face et ses terres attenantes d autre part Les deux propri t s avaient t dans les ann es qui pr c d rent son installation dans la bourgade divis es en une s rie de parcelles qui avaient t vendues ind pendamment les unes des autres si bien que les terres de la demeure avaient t r duites du tiers et celles de la ferme dont toute exploitation avait cess divis es selon un plan de succession et d h ritage complexe et conflictuel en sept ou huit lots Le pr tait issu de cette derni re division et il en avait r cemment fait l acquisition c dant en cela non seulement l opportunit d tendre le territoire d assurer la proximit d une demeure animale mais aussi se rendant l insistance et aux pri res r p t es de son propri taire de l poque l un des h ritiers qui voulait tout prix disait il s en d barrasser Toutefois le lendemain m me de la promesse de vente sign e ce dernier voulut se r tracter ne cessant d exercer mille pressions sur lui en ce sens jusqu ce que l acte de vente f t de facto et par convocation d huissier signifi et ent rin Il demeurait que le pr ne jouxtait ce qui restait des terres de l ancienne demeure cl ricale que par un angle et il ne dut de pouvoir ouvrir une all e permettant d y acc der directement et que selon les actes notari s il aurait le droit d utiliser
73. inscrivent g om triquement les formes une sorte de tondo ou bien cercle r sultant de l panouissement naturel du v g tal forme boule apr s l ovule l ovale des fruits melon avocat pamplemousse saisis comme des cr nes qui seraient vus du dessus cercle en mouvement l h lice succ de la spirale sorte de propulsion destin e assurer une turbo p n tration ou l inverse fonctionne en mode aspirant La cible enfin surgit variante en quartier du cercle et appel au mouvement Surviennent encore de nouvelles trames r seaux poilus des plantes r seaux de la couche externe de la peau l piderme r seaux des ressorts et des c nes ludions alternativement ascendants et descendants courbes de niveau dissimulent et laissent entrevoir des accouplements singuli rement pervers Le tout devient dynamique la couleur merge domine liminant toute dramatisation du propos de l artiste Le sexe est lib r du morbide il devient force biologique croissance plaisir fondement 20 Catalogue Antoine Poupel R v lations textes de Gilbert Lascault et Marie Domitille Porcheron d Maison de la Culture du Havre 1990 21 On pense aux formes futuristes des Delaunay Robert Delaunay H lice 1923 Ludwigshafen Wil helm Hack Museum ou Rythme n 1 1938 Collections Mus e national d art Moderne Centre Georges Pompidou Paris Mais aussi aux effets de trames de superpositions de plans de La ville tableau peint e
74. l amour La chambre noire Les baies en taient occult es par des volets int rieurs de bois mais afin de ne pas rendre ces ouvertures aveugles des miroirs appos s contre les vitres refl taient au nord le ciel de sorte qu il n y e t aucun regret que le soleil n y p t p n trer La porte prenait en face de l escalier il avait fallu la remplacer pour qu elle f t tanche la lumi re elle tait doubl e c t palier d un pais rideau noir Une seconde porte ouvrant en principe vers la biblioth que avait elle t condamn e on pourrait la rouvrir un jour mais il faudrait alors d placer des mat riels d un c t et des meubles de l autre L essentiel des travaux qui y avaient t faits outre de la rendre rigoureusement occulte et les ouvrages d isolation et de doublage de murs ou cloisons auxquels il avait t proc d dans la totalit de la maison avait consist en quipements de plomberie s agissant d amener l eau chaude et l eau froide et de leur permettre de quitter la pi ce sans pour autant utiliser les tuyaux de plomb puis de Fibrociment traversant m me les quarante cinq centim tres du mur et s coulant librement au coin du pignon qui lorsqu il prit possession des lieux avaient t inconsid r ment pos s par les derniers occupants de l tage et qu il avait aussit t d mont s Elle avait donc t cuisine Les traces d un po le galement subsistaient elle ta
75. l ve ce qui est pr sent dans les gestes les objets la l g re gravit des choses et du visage mais aussi bien s r l esth tique m me des images Pourquoi cette d fiance l gard d une imagerie sociale Ce n est pas une d fiance l gard du social mais bien l gard d une imagerie pseudo sociologiste assez complaisante Je ne pr tends pas riger ma vie en mod le et pas davantage travailler sur une autobiographie mais simplement utiliser des bribes retravaill es de ma vie comme mat riau d un questionnement sur ce qu est exister vivre Je ne suis ni apolitique ni candide mais je crois que l essentiel est dans ce que nous vivons r ellement et non dans ce que les m dias interposent de voile entre le monde et nous Quant au politique Freud dans Malaise dans la Civilisation me semble plus lucide sur les rapports entre l humain et le politique que Marx dans le Manifeste L art contrairement aux pr tentions de la religion ou de la politique ne sauve de rien et n a pr tendre sauver personne ni rien r soudre La justification de l activit cr atrice ne peut r sider que dans ce qu elle est m ditation sensible Donner penser l humain plut t que de s assujettir le nier en demeurant dans le calque des ph nom nes id ologiques et institutionnels qui le nient malgr lui doit tre le destin d un art la fois mat rialiste ath e et pr sent Il y a donc dans ton travail
76. la bonne conscience du d ni des tabous loin de toutes ces images qui font comme si de rien n tait Comme si de rien n tait de l amour et de la mort comme si de rien n tait des interdits qui leurs sont inh rents comme si ce n tait pas toujours du sacr dont il tait question Ce que ne supportent pas les censeurs ce n est pas l image d un sexe ou d une madone c est que cette image donne penser la violence des conflits qui les habite que cette image ne fuie pas dans les facilit s et les futilit s de la duperie de lt lt l humour gt gt de la distance polie voire m me de l exc s de bon ton qui sont ceux des conversations et des oeuvres modernes mondaines Ce que ne supportent pas les censeurs c est cet ab me de la proximit et de la distance ce face face sans fuite o le probl me spirituel serait on tent de dire le probl me moral lui m me n est jamais vacu est sans cesse pr sent dans l esth tique de l oeuvre Car c est bien d oeuvre et d esth tique dont il s agit Autrement dit NOIR LIMITE quand il donne voir une image de la sexualit ou de la mort ne d truit pas les tabous ne les suspend pas m me il les d signe les photographie Car l homme est immens ment demeur pr sent maintenu dans son int grit respect m me objet d un d sespoir Autrement dit NOIR LIMITE vise atteint l tre en l homme l esprit en la chair l interdit
77. la densit obscure irrationnelle de l affect L amante est toujours elle et toujours autre qu elle changeante mobile qui fuit revient consent met son visage nu joue pleure refuse Mais aussi je me photographie Je photographie mon visage dans un regard aveugle sur moi m me l appareil bout de bras comme au jeu de la roulette russe dans une solitude d exil amoureux Je cherche ce qu est cette conscience confuse d exister en soi m me Je me photographie d un dehors qui est limit l extension de mon corps voulant d signer ce qu tait sentir ce lourd tat d tre reclus et inaccessible aux autres et soi m me d un geste r p titif obsessionnel comme on ratiocine Je cherche qui je suis pour elle objet saisi du dehors Je cherche quelle image je photographie d elle absente Je photographie cette cl ture imprenable de la conscience en son for int rieur cette conscience enclose dans mon corps en mes sens dans cette incapacit d tre un objet pour moi m me de me saisir du dehors et par rapport quoi l Autoportrait constitue toujours l image trange d un autre un regard ali n Cette conscience elle m me divis e en r gions h t rog nes discontinues ne se manifestant que par chapp es r p titions r ves transferts oeuvres me demeure close moi m me qui ne puis m appr hender que par bribes et qu avec les mots des autres La conscience est
78. la s rie Juillet 2013 pour l exposition l Immix Galerie paris Table des mati res EMPREINTES TRA CES 5 PHOTOGRAPHIE REIFICATION DES RAPPORTS SOCIAUX ET IDEOLOGIE 19 Le mode de l instantan 19 La r sistance du mat riau 20 L empreinte du r el 21 L impression d actualit 21 Le f tichisme de l appareil et de la machine 22 Fonction sociale de la photographie comme rel ve la fonction de solennisation 23 La pratique commune crit re de toute chose 24 Le temps de la transgression 24 Mati re hasard et contingence 26 L immacul e conception 27 R ification et apparence r ifi e des rapports sociaux 27 LIEUX ne 30 AUTO ENTRET IEN 32 VIFS 38 PREMIERES NOTES POUR UN MANIFESTE 41 LA MADELEINE DES QUAIS 42 VISIONS 45 PHOTOGRAPHIE IMAGE ET METAPHYSIQUE 47 LA PHOTOGRAPHIE AU MUSEE
79. la surface sensible du photographe sont primitivement vierges sur la premi re l image est produite par le travail du peintre l aide d un corps technique particulier la technique ne tient pas davantage de place en photographie qu en peinture elle joue un r le autre et on pourrait tr s bien imaginer de ce seul point de vue que l image peinte soit produite dans le fond d une caverne isol e tandis que l image photographique est en prise directe sur le r el ou plus pr cis ment sur cette partie du r el qui est la lumi re et ses ph nom nes telle qu elle se manifeste comme source ou se trouve r fl chie par des corps Ainsi il fait probl me de se d jouer du r el alors que le probl me du peintre a t longtemps et reste d ailleurs m me s il n est plus assign comme finalit de se rapprocher d imiter par exemple le r el Qu il fasse question de se d jouer du r el revient en outre ce qu il fasse question de se d jouer de l id ologie puisque ce qui appara t n est pas ce qui est On voit l que les caract res du mat riau leurs r sistances sp cifiques jouent contradictoirement dans le cas de la peinture et dans celui de la photographie et que justement ce qui fait probl me pour le denier c est de s loigner de l analogon du r el Ou encore que c est en sens inverse qu op re la r sistance du mat riau L impression d actualit Nous pouvons maintenant reprendre en
80. le regard que l on re oit le mod le Le mod le pose pour l amour de l art donne son corps l art et tout prendre il vaut mieux donner son corps l art plut t qu la science Le mod le incarne le projet de l oeuvre donne corps donne chair agissant comme m dium au monde mental de l oeuvre Ce qui en r sulte l oeuvre est bien s r la rencontre entre une id e et une r alit entre la conscience et le corps mais aussi jeu dialectique entre deux mondes deux consciences celle de l artiste celle du mod le Poser est la fois entrer l int rieur de soi m me et se donner explicitement l image c r monie sacrifice au sens rituel du terme Communion avec soi m me abandon au plus int rieur de soi et dans le m me temps tre chair tre corps se donner Etre soi la surface de sa peau Se donner corps et me Ceci est ma chair ceci est mon sang Version pa enne Tout ceci suppose bien s r une complicit mentale entre l artiste et son mod le La prise de vues est une prise elle est aussi un hors monde un lieu de fiction Le moment de cette rencontre est une f te authentique c est dire une r jouissance de l esprit un moment de gr ce entendue au sens pascalien le beau ce n est pas la beaut qui importe mais la force m me si la force peut quelquefois venir du beau Mais toute recherche qui porte sur le beau en soi est destin e chouer sur les r
81. le corporatisme C est l une tendance inh rente tout ordre par d finition objet d une propension gr gaire De la m me fa on toute cr ation est n cessairement guett e par l acad misme dont le style minimalo conceptuel h g monique et officialis serait en ce moment la figure majeure Insipide et sans saveur sans drame et sans menace prude et propre silencieux sans trouble et sans motion avec sa pl iade de petits ma tres il rev t toutes les qualit s pour servir les pouvoirs il ne peut rien d ranger rien menacer il lude merveille le malaise Les hommes aux vies si ph m res croient que le temps passe vite et qu il y aurait un foss des si cles pass s au notre c est l illusion du progr s La r alit des cultures est bien diff rente elle est horriblement lente et r p titive Il n est qu relire nos antiques grecs ou Balzac pour s en convaincre rien de neuf sous le soleil et toujours les m mes vices les courses aux honneurs aux richesses aux apparats les vessies pour des lanternes L illusion de chaque poque est encore de croire pouvoir viter les tares des pr c dentes or l acad misme n est pas un accident pas davantage que les ph nom nes de modes ph m res ils sont chroniques en tout artiste un bouffon l nifiant sommeille en tout critique un opportuniste l che en tout homme de pouvoir un conformiste en tout universitaire un carri riste en tout
82. le fait appara tre Par ailleurs les rapports entre producteurs d images auparavant les peintres mais ils sont en peu de temps accul s la ruine par la concurrence qu exerce la photographie et ceux qui sont repr sent s vont aussi consid rablement tre affect s par cette r volution conomique et politique Article paru dans la Revue Encrage 1981 LIEUX Dans cette ville je marchais jamais au hasard J allais dans ces lieux o il s tait nou quelque chose avec toi je venais de ces endroits je continuais d aller vers eux En ces lieux o seul je pouvais tre Dans ces endroits qui ne demandaient qu se charger de sens se pr ter au sens Dans cet appartement vide aussi De ce sens d j latent en moi De l image latente qui ne d sirait que se charger de sens du sens de l absence Allant d un point un autre de ces points n vralgiques de notre rencontre non seulement l tape originelle de notre aventure mais plus essentiellement notre lien J avais tout vu auparavant tout v cu Il y avait de dress e une liste d images faire Un go t d abandon de d sert de deuil Du r le comm moratif de la photographie Ce premier jour je t ai crit la fin de la prise de vue crit de ce bar crit que j avais t contraint de terminer avec mes gants et que le moteur sur l appareil tait bien commode en ce froid Lieux en n gatifs C tait une de ces p
83. le jour elle est dans la somptuosit des oeuvres autant que dans la douloureuse inqui tude d tre Elle est dans la sensualit de la mati re la sensualit des corps la sensualit des oeuvres car c est de la palpitation de la respiration du souffle de l tre dont il s agit C est dire photographiquement NOIR LIMITE s attaque ce paradoxe comment photographier le noir l absence de lumi re le n ant alors que la photographie est pr cis ment empreinte de la lumi re r fl chie par les corps Le dedans dans les apparences C est de ce paradoxe de cet cart lement esth tique que brillent ces oeuvres myst rieuses et aussi souvent qualifi es de mystiques que d rotiques La renaissance de la trag die Quinze s ries sont ici accroch es r alis es par leurs auteurs entre 1985 et 1989 et desquelles environ huit images par s rie ont t retenues l origine par nous comme tant ce que nous consid rons comme l essentiel de notre travail Le lt lt corps corps gt gt et lt lt la mort gt gt ont t men s en commun c est dire en confrontant au fur et mesure nos r flexions et nos images pour aboutir une exposition commune D autres s ries les lt lt corps froiss s gt gt puis les lt lt visages froiss s gt gt lt lt la chambre close gt gt d Yves TREMORIN les lt lt autoportraits corps gt gt les lt lt autoportraits visages gt g
84. les longues et patientes journ es pour corriger affiner la palette imprimer les preuves se mettre face ace avec elles choisir les quelques images qui resteront Les plaquer l contre un mur gris une chaise un lit le parquet et attendre esp rer la splendeur de la chair que surgisse la Gr ce Jean Claude B l gou f vrier 2012 LES DEUX AMIES HISTOIRE D UN PROJET ABANDONN Et les prises de vues d marrent Automne 2008 La premi re prise de vues commence la lumi re est terne a ne me d pla t pas la prise de vues est un flux c est un champ d exp rimentation ce moment l je ne pense plus trop tout ce que j ai pr vu avant a et tout ce que j ai regard je me laisse emport par ce qui advient Il y a eu un test de prises de vues avec le nouveau mod le L Celui de droite sur la photo avant a et j ai donc d j une id e de ce que son corps peut donner photographi par moi a ne se passe pas trop mal mais la lumi re d cline vite je suis en num rique et le bruit arrive avec le d clin de la lumi re il n y a rien tirer de la fin de la prise de vues Ceci dit entre les deux mod les nous sommes loin de la fusion et loin de la distance aussi Pai le sentiment de ne pas encore avoir trouv la bonne distance et la bonne fragmentation entre les deux Mais avec encore quelques prises de vues c est un d but plut t prometteur il y a un bon espoir pour la suite
85. leur permanence imposante et moi qui les travaille m en empare comme savent tellement travailler les hommes par cette prise au corps de la photographie Mon combat avec lui pour le soumettre mes fantasmes mes sarcasmes mes obsessions mes destructions mes enthousiasmes mon refus mes itin raires tortueux Etrangers l un l autre bien que d une lointaine parent commune si lointaine si perdue en rivalit irr ductibles l un l autre bien que cette nature en moi dans ces veines liquides ces os min raux et moi en elle la jalonnant Qu est ce alors que ces joies que ces moments ludiques retrouv s o force de pas force de froid force d isolement nous redevenons enfantins que ces soliloques haute voix impromptus et hirsutes que ce ravissement courir sur les lacs gel s cueillir dans ses mains les flocons de neige Si ce n est la force vitale que nous portons au dedans de nous m mes Si ce n est cette folie qui nous guette au milieu de nos errements solitaires Le ciel est blanc Grippe Je me tra ne dans la neige enfi vr Je suis las Je voudrais que l on vienne me chercher Envie de tout abandonner sur place au milieu de la neige tout planter l et moi m me Saturation de la neige perte de vue sur les lacs gel s Le corps combat de chaud de froid du mal au cr ne de la peau s che autour du nez de naus es de fatigue de nerfs L esprit se r volte contre ce te
86. li s tels que plannings de tournages formats standards de dur e et autre dimension donn e notre travail ses modes de production la collaboration avec nos mod les etc Cette diffusion suppose un public d cupl d o son int r t de travail vid o au sein du travail photo Il est impossible de concevoir le travail vid o au sein de nos prises de vues comme quelque chose qui ne les affecterait pas dans leurs processus et leurs r sultats En tant qu il ne porte pas seulement sur l enregistrement de photos finies mais travaille sur des prises vid o live il ne peut pas tre esth tiquement neutre par rapport aux photos que nous allons faire elles m mes En tant que bricolage et intimit une s ance de prise de vues photo tient pour moi en tous cas mais je sais que je ne suis pas le seul largement du happening partir d une id e directrice c est largement improvis c est largement soumis des facteurs al atoires ex la m t o et tr s subjectifs ex l humeur du moment de part et d autre de l appareil La dur e aussi comme le rythme peuvent en tre extr mement variables Comment filmer la photographie Ce qui fait l int r t d une photographie et certes ceci ne vaut pas uniquement pour la photographie mais c est ici l objet en compte est sa r alit physique avec son cadre ses densit s ses contrastes toutes choses bien connues et non la r alit de ce qui
87. lt bon go t gt gt R sister pourrait a priori appara tre comme une figure militaire C est au contraire par excellence une figure civile contre le militaire ou en g n ral contre tout syst me ill gitime d oppression Mais r sister peut aussi tre pris en un sens pist mologique critique Il s agit de s opposer un fonctionnement quasi spontan de la pens e le conformisme id ologique C est en ce sens que le travail du philosophe ou du scientifique suppose toujours une rupture avec le sens commun Car bien que la d marche artistique se situe ailleurs que la d marche scientifique elle r pond la m me exigence morale et un crit re si ce n est de v rit en tout cas de rigueur Ainsi l artiste ne saurait la fois jamais tre trop intellectuel trop critique et trop philosophe ni trop sensuel appr hender la mati re Dire la d chirure de l tre selon la merveilleuse formule de Karl Jaspers tel serait le destin de toute oeuvre radicale refusant tant l aveuglement que l asservissement une id ologie socio politique ou la superficialit m diatique Toute oeuvre ne s affirme que dans l expression de la plus extr me subjectivit la plus extr me solitude la totale assomption du destin du sujet l int riorit L artiste est celui qui r siste au flux non pens du r el en s affrontant cette d chirure de l tre dans une mise en p ril un risque Il est aussi celui qu
88. lui avait fallu jeter bas la poutre de ch ne qui il ne l avait d couvert que les habillages de lambris d mont s balan ait dans le vide incertain de la chambre du dessous son extr mit pourrie par les infiltrations des pluies dans la brique poreuse Une moquette masquait provisoirement la raideur et la froideur de ce mat riau contemporain et anachronique avant qu il ne p t tre de nouveau rev tu d un parquet Mais ce qui habitait cette pi ce tait peut tre plut t ce qu elle ne contenait pas que ce que l on y rencontrait et encore un lampadaire halog ne des angelots napolitains au mur elle tait essentiellement vide et disponible toutes sortes d activit s comme de regards D s lors qu il avait ex cut dans la b tisse tous ces travaux de remise en tat et de confort et s y tait initi en les ex cutant mise en oeuvre de ciments b tons plaques de pl tres isolation remplacement de menuiseries et vitrages lectricit plomberie ses autres activit s la mesure des difficult s et parfois des craintes qu il avait prouv es lui avaient sembl plus faciles y compris ce qui relevait de la cr ation m me et d une certaine fa on plus l g res vivre Le corps avait souffert souvent ces travaux manuels qui ne tol raient ni faiblesse ni erreur la sanction en tait imm diate C tait ici qu il avait noirci les pages des premi res lettres qu il lui adress t apr s leur re
89. matin du rapport l oubli et la perte mes premi res expositions je m en suis souvenu lorsque Fran ois Soulages a parl d empreintes et de traces ma premi re exposition s appelait Empreintes la deuxi me s appelait Traces et toutes les deux disaient c tait en 1980 que la photographie c est un chec elle est vou e l chec c est dire que la photographie ne sauve de rien pas plus que l art ne sauve de rien ou n a jamais soign personne pas plus que la photographie r ussirait sauvegarder quelque chose du pass de la vie et ce qui m a toujours profond ment mu dans la photographie d amateur c est quel point elle choue quel point elle choue lamentablement rendre compte du r el rendre compte du pass et souvent quel point elle ne tient que dans les commentaires qui en sont faits et en m me temps quel point elle est poignante c est dire quel point elle est tellement charg e d affection qu elle reste un objet qui est un objet fascinant mais quand m me un objet qui choue Je ne cherche pas sauver des choses de ma vie d abord parce que je ne pense pas que ma vie soit vraiment sauver et d autre part parce que je suis persuad que de toute fa on tout ceci n est videmment pas la relation telle qu elle a t vraiment v cue Tout ceci est peut tre simplement l image qu un moment donn j ai pu avoir envie de donner de mythes que j ai p
90. me suis mis en sc ne auparavant Ensuite j entrecroiserai les s ries accompagn e d une autre s rie Les Amants d autoportraits de couple dans la mise en sc ne d treintes amoureuses r alis s ensemble l hiver pr c dent Le travail d autoportrait est un travail que je r alise sans aucun tat d me au sens o la question ensuite de savoir si c est quelque part moi ou quelque part pas moi est une question qui ne m int resse pas vraiment et je pense que je m utilise non pas parce que je pense que Jj ai une existence exemplaire ou int ressante mais parce que je suis un mat riau un moment donn un m dium de cette interrogation sur ce que c est que d exister et que c est soit travers la confrontation moi m me et donc l autoportrait soit travers la confrontation ceux que je mets quelque part en p ril dans ma propre vie que ce questionnement peut se faire L galement o il faut que je m explique et o il y a pu y avoir quelquefois des malentendus heureux puisqu ils ont permis de publier les Cahiers de la photographie mais des malentendus quand m me avec Gilles Mora c est que je ne me d finis absolument pas comme un photographe de la photo biographie au sens o Gilles Mora l avait d finie c est dire que je ne photographie pas ma vie sur le vif je mets en sc ne ou en acte vous de choisir et d interpr ter vous d tre analystes je mets en sc ne ou je mets en acte des si
91. mer Insensiblement Inconsciemment Jean Claude B l gou Sausseuzemare juin 2003 ARTISTE ET MODEL S Le mod le imit ou le mod le recr Mod le la fois celui que l on imite analogon et celui que l on fa onne que l on cr e po esis Terme ambigu puisque l on peut tirer soit du c t de l imitation portrait psychologique ou social soit du c t de la cr ation le mod le model mis en sc ne conform ment un imaginaire celui de l artiste Mon travail se situerait plut t du c t de la po sie que de l imitation Le mod le serait donc m diation entre un imaginaire et un r el devenant objet de l empreinte photographique mis en sc ne afin d tre mis en image Autrement dit le mod le est l incarnation d un monde int rieur sur lui sont projet es les id es de l artiste il devient support fantasmatique et la mise en sc ne du mod le est mise en acte Il est m dium entre l imaginaire et le r el Son corps son tre sont recr s Paroxysme de la fusion le mod le devient l alter ego de l artiste Le mod le Muse ou g rie Parce que la cr ation plastique est un acte d une extr me solitude non seulement bien s r physique et sociale mais plus encore mentale d une aridit sans bornes dans la confrontation constante l oeuvre parce qu elle suppose sacrifice d une part de la vie sociale de ses certitudes et de ses distractions parce que l artiste est livr l incertitude
92. mon attirance pour la peinture Ce qui m a d cid est l apparition de nouveaux proc d s de tirages le jet d encre qui a pr cis ment le rendu et la mati re que je n tais jamais parvenu trouver sur les tirages couleurs argentiques d avant Ces photographies sont con ues comme des tableaux d o leur grand format aussi Je ne crois pas dans le m me temps qu il y ait une discontinuit entre mes pr c dents travaux en noir et blanc et ces nouvelles s ries en couleurs l vidence du corps les paradis perdus J y pr serve toujours de grandes zones de noir des d coupes d ombres Mais ce n est pas seulement le recours la couleur qui a chang c est aussi le recours l hyperfocale Je cherche une lumi re dure un ciel uniform ment bleu en aucun cas je ne veux dramatiser ces images je cherche une luminosit et une nettet maximales Je cherche comment le recours aux couleurs peut rendre cette froideur ce vide cette distance tels des chromos Je cherche donc des compositions claires structur es d une grande unit de couleur C est l espace baign de cette lumi re froide et bleue que je photographie De nouveau je me retrouve d ambuler sur le port du Havre ma ville natale comme si je recommencais mon apprentissage de la photographie le lt lt passage la couleur gt gt est un grand moment de joie comme une respiration nouvelle comme l est de retrouver le format carr avec
93. naturaliste photographie au grand angle pr s des masses dans le mouvement illusion de la vie etc j ai commenc la photographie en travaillant dans des studios avec des lampes de Fresnel et avec des mod les c est dire d s le d part la question pour moi a toujours t celle de la construction des images et celle de la mise en sc ne Un des livres qui m a sans doute le plus marqu dans mon apprentissage de la photographie c est un livre auquel il a t fait r f rence ce matin c est Nadja d Andr Breton et ce livre m a toujours paru exemplaire d une part parce qu il est sans doute l un des livres les plus intelligents sur les notions de hasard et de trouvaille Hasard rencontre qui habitent effectivement la photographie qui travaille justement sur la co ncidence entre le mental et le r el et puis d autre part parce que cette id e d Andr Breton de raconter des histoires en se servant aussi des images et en rempla ant un moment donn le texte par des images tait une piste ouverte qui me semblait tout fait passionnante Il est vrai que l exposition n a pas t quelque chose qui au d part m a attir je ne pensais m me pas d ailleurs ce n tait m me pas une question que je me posais exposer a ne me venait m me pas l esprit Par contre l id e de faire des livres tait d s le d part une pr occupation et un enjeu comment est ce qu on peut faire des livres avec des
94. ncider avec moi m me me ressentir Toute vie est ainsi ferm e et coup e d elle m me et des autres Toute pens e assujettie au langage des autres et limit e l exacte distance incoercible l autre Et il y a une folie persister se d figurer ainsi Cependant je travaille avec r gularit et persistance d faut de grand lan moral Cette obstination laborieuse est sans doute ce qui me pr serve du pire en m me temps qu elle alimente l imaginaire du pire et s en nourrit Il y a une volont r solument aveugle et r sign e oeuvrer ainsi sans plus de dessein R ros au sortir du train march jusque vers deux heures du matin En premier lieu les for ts plus loin un plateau immense d sertique triste pleurer sous le vent la pluie Col roul imper puis la capuche d anorak et les gants Des oiseaux gris tres au g missement exsangue monotone comme une plainte Cr puscule rude glacial Deux d entre eux volent de plus en plus bas criaillassant faisant siffler l air en surgissant Frissons Pas rapide De nouveau quelques arbres bas bouleaux malingres J installe l mon duvet la pluie a cess je me calfeutre tout habill dedans Eveil vers sept heures un peu de bleu au ciel Moustiques Vite manger de peu et d camper marcher Lendemain apr s sept heures de marche m endors sur mon duvet terre C r ales et confiture Je me ratatine l int rieur Je suis la fois exa
95. occasion servir de chambres d amis ou permettre de changer de lit au gr des d sirs Il avait voulu ainsi ordonner espace et temps dans la grande demeure diviser les jours et les nuits les heures et les saisons les faces du quotidien Elle n entrait que rarement dans la chambre noire sauf certaines fins de journ es pour y d couvrir les nouvelles images qu il avait faites d elle et l aider les passer dans la grande s cheuse rotative au cylindre de chrome La chambre nord La petite pi ce douze m tres carr s avait la forme d un L son extr mit en tant r tr cie par l alc ve du bureau attenant On y trouvait encore un lit mais celui ci n tait que pour une seule personne c est dans ce lit qu elle avait dormi le premier soir avant qu ils ne fussent amants Mais il n tait pas exactement cet endroit il l avait alors pr cautionneusement exil e au rez de chauss e Il arrivait videmment que les choses eussent boug de son fait depuis les douze ann es qu il tait l Ainsi la biblioth que m me n avait pas toujours t biblioth que mais durant quelques ann es extension diurne de la chambre noire pour les travaux de finition la porte de communication de la cloison de planches ayant alors t rouverte Ce qui tait actuellement le bureau avait alors galement abrit les rayonnages de livres de revues et de catalogues Mais ayant cess pour des raisons diverses et obscures duran
96. par laquelle il se distingue du jeu surr aliste celle d Herbert LIST et d Hoyningen Huen en une jouissance d un lieu d une dur e Ici les objets sont appr hend s dans leur qualit plastique sans pour autant tre dissoci s de leur qualit humaine Int riorit Pourtant l objet n est pas non plus appr hend dans une familiarit intimiste Il se trouve maintenu bonne distance dans son existence singuli re d Alter ego d autre pour moi m me d tranger de borne mon univers Il est reconnu incontournable certes image de l humain puisque fa onn par l homme et pour lui mais autre que l homme Chez Herbert LIST Les objets sont une forme une couleur une odeur une mati re pr sentes par la lumi re l air qui les baigne L paisseur que prennent les objets leur pr sence laura de lumi re dont ils sont rev tus leur procure une force un poids gal celui de l humain l objet est habit du regard qui le vise le met en sc ne l imagine le cadre l ins re dans un arri re plan de mer de montagnes d o provient la lumi re en un contre jour diffus Le regard de ces lunettes l est fondamentalement tourn vers l int rieur leur fonction est po tique et non optique Paysage Les photographies d Herbert LIST sont ainsi des paysages autant que des natures mortes paysages d artifice construits selon une rigueur sans faille l image d un esprit que l on
97. pas les voir juste imaginer les visages et les corps abstraits impersonnels Quoique minces cloisons les murs le vouaient l ignorance ce que subsist t encore quelque secret Ils se laiss rent tomber sur le lit le lit qui crissa et tapa bougeait Le lit comme dans un film de s rie B comme dans un mauvais roman mais r el incontournable que l on ne pouvait ni refermer ni couper Seulement il aurait pu sortir de la pi ce comme on sort d une salle de cin ma marcher dans la nuit chaude seul courir bout de souffle S ext nuer ainsi La chambre des amants tait contenue dans le maigre espace adjacent au couloir de la sienne prise dans la sienne dans ses murs comme encastr e dans sa t te Puis les r les d amour On entendait la femme surtout qui g missait de plaisir chaque fois un peu davantage par intervalles r guliers imm diatement apr s chaque grincement du lit Puis le lit devait taper sur la cloison heurter le mur Et cela continuait prolongement de la danse des corps Elle se laissait prendre l saoule d avoir tant tournoy sans doute Narcisse enivr e du jeu de sa s duction Il s tait approch d elle peu peu sur la piste avait dans de plus en pr s de ce corps qui semblait si pr s de vaciller il avait dessin leur territoire autour de ses pas Insensiblement ils s taient rapproch s accol s l un l autre irr sistiblement Ses mains taient descendues le long du dos le
98. repr sentation de l tant prennent l tant comme mat riau Hegel a le premier saisi que l art la cr ation plastique pouvaient tre autre chose taient autre chose qu une simple copie taient une fa on d appr hender le monde Ca ne veut pas dire que l art puisse remplacer la philosophie et a fortiori la m taphysique L art est toujours du point de vue de la saisie de l essence de la saisie de la pens e en de de la m taphysique mais cet en de est un en de qui est plus proche du r el plus proche du monde donc qui est peut tre aussi un au del c est ce qui peut faire cet autre c t captivant de la photographie S1 nous ne cherchons pas un tre qui soit au del de la vie si nous rompons comme c est peut tre le cas avec la trilogie de notre modernit Marx Nietzsche et Freud si nous rompons avec toute pens e religieuse id aliste de la vieille m taphysique cette qu te du sens de l tre devient la qu te du sens du monde simplement de ce qui est nous l homme la pens e la conscience La m taphysique c est l exercice de la conscience de la conscience se prenant elle m me pour objet Dans l art la conscience prend pour objet la repr sentation du monde ou la repr sentation d elle m me mais c est toujours de la repr sentation ce n est jamais de la saisie directe De cette rupture avec la vieille m taphysique il y a une grande inqui tude parce que cet
99. rien Rien n avait subsist du traditionnel jardin de cur que l on e t pu attendre en un tel endroit Seul un vieil if monumental qui faisait face l entr e de l glise et de l ancien cimeti re quelques tilleuls Pour le reste point de haies point de fleurs point d aromatiques Comme si la plaine profane avait tout ras Il lui fallut tout apprendre sans avoir jamais rien appris et tout travailler et semer penser et dessiner m me le sol sans avoir jamais touch la terre Son premier souci fut de clore l espace le prot ger des vents et des pluies du plateau crayeux niveau de falaise mais aussi du monde que ce dehors fut gagn aussi du dedans qu il p t l habiter comme le dedans et s y projeter comme au dedans En faire son territoire une terre lue Il n y voulait rien qui fut utile il d sirait que tout n y f t que pour le seul luxe de la terre des plantes des oiseaux et des chats des pas dans les all es d une vie nouvelle et incontr lable Car si un Jardin ses parfums ses feuillages ses teintes ses volumes ses perspectives se pensait s il se dessinait mais il ne le dessina jamais s il se projetait en esprit et il croyait y reconna tre quelquefois les m andres de sa cervelle les plantes chappaient bien heureusement toute administration il y avait les vari t s qui prolif raient envahissaient et celles qui stagnaient mis rablement les couleurs m mes q
100. sa m re John Berger dans l Air des Choses des tudes la photographie apr s la mort de son p re etc sur lequel je travaille En effet il faut encore parler de cette dialectique de la pr sence et de l absence dans la photographie C est le point nodal de cette probl matique de l illusion que produit l image photographique C est extr mement ambigu on ne peut parler ainsi qu on l a fait pour le cin ma d une impression de r alit le support est toujours pr sent avec les d limitations qu il impose et l image est fixe Ce serait plut t une impression d actualit en face de laquelle je cherche dans mes photographies un contre pied de distanciation c est l mais ce n est plus l la noirceur de l image doit r sister Son arbitraire sa trahison explicite fonctionnent de m me tout comme l immobilit ou les gestes suspendus des personnages Pourtant ces photographies floues la s rie du lt lt voyage Paris gt gt ou les flous de mouvement ou encore les reflets alt r s de cette femme au bain nient cette repr sentation fig e et claire Ici le monument est brouill Ceci m est une autre fa on d aborder cette corr lation de la photographie au r el dans sa sp cificit d empreinte d un c t de l autre dans son inscription au sein de fonctions sociales d termin es Nous sommes dans une autre mise en forme de l absence mise en forme qui joue galement diff r
101. son m dium faire rentrer dans une co ncidence mentale imaginaire Conflit int rieur de d sir d un c t de l autre d app tence et de d sespoir de douleur Le monde il faut faire avec La cr ation est ainsi un moment ultime exacerb de jouissance et d impuissance de volont et de r sistance De heurt o me prenant moi m me comme mat riau d exp rience je m essaie parler de la subjectivit du mental du corps et de l autre C est aussi dans cet effort que se puise nergie et impudeur La douleur l exp rience et la n cessite int rieures il est de bon ton de les vacuer Au point o nous en sommes de la d bandade il est de mise de se taire c est ce qui distingue l homme moderne Automne Voie Royale Une rivi re torrentueuse un sentier La lumi re d cline s effondre et c est nuit noire Les arbres nus le ciel gris le paysage brutal La pur e est aussi froide que le caf qui est aussi froid que l eau qui est aussi froide que lair Comment travailler et vivre de ce temps l Le duvet la tente tout habill Deux degr s ce matin l int rieur sorti enfin la pluie se calmant Premi re neige Depuis le d but de l apr s midi je la guettais sur les cimes alentour Cueillette et r gal de myrtilles Avec le froid les gestes sont moins pr cis un peu gourds Bivouac givr l eau gel e dans la gourde et les lacets L eau ruisselant de la couverture de survie cond
102. t l ologique qui nous m nerait de la barbarie vers les lendemains qui chantent vers les lendemains meilleurs en lesquels nous avons cru apr s la philosophie des Lumi res apr s Hegel apr s Marx apr s Marx m me toutes ces croyances croul es comme primitives croyances th ologiques du Moyen Age croyances positivistes du XIX me si cle nous revenons ceci l errance socratique l interrogation l ironie aux questions sans r ponse aux dialogues apor tiques une inqui tude impossibilit de rester sur place n cessit d aller voir ailleurs de prendre de se confronter au monde nouveau aller et retours va et vient tragique La photographie a t invent e au XIX me si cle elle est une invention positiviste La photographie est contemporaine des autoroutes contemporaine des boulevards Haussman contemporaine de l id e de progr s contemporaine d une foi na ve positiviste scientiste socialiste Arago ne proclame dans la photographie qu un instrument d exploration scientifique qu un instrument didactique la photographie peut tre cela c est vrai peut tre une aide m thodologique toute r serve faite sur la relativit de toutes les aides m thodologiques dans les sciences qui en dernier ressort ne sont que conceptuelles mais la photographie vit aussi sa crise crise des magazines crise de ses enjeux et missions id ologiques la solennisation l ap
103. un territoire embastill Mais aussi je nous photographiais dans notre irr ductible ab me d amants dans un voeu d clat et d ind cence d claboussure au monde t l commandant la prise dans l treinte vol e en un flux sensitif imager la fusion impossible des corps l osmose utopique des consciences Mais toujours leur d sir et leur poursuite la recherche extatique de l tourdissement d un fr lement du vertige d une union Fatalit malheureuse de l utopie du d passement de notre diff rence de notre inscription discontinue dans l espace et le temps Notre r gle tait qu elle se livre et que je la prenne Nous tions l enclos en nous m me pour les images Ces images parleraient de ce furieux d sir de proximit et de cet cart irr ductible de la relation d amour de ce que nous tions l un et l autre autre pour chacun Elles maneraient de notre volont de faire oeuvre de notre intimit Texte crit pour Colloque Le portrait intervention audiovisuelle Biblioth ques de Lyon 1993 CATHERINE L AURA L INTIME LA BLESSURE Ces photographies sont les images d un tre nu autant dans sa chair que dans son esprit tre rev tu d une aura ce rayonnement qui mane au del de l enveloppe corporelle de la peau Ces photographies rec lent la force et la blessure le rire et la lenteur l enfant et la femme Elles parlent de la fragilit de la force mystiq
104. une laboration commune de l image produire comme le lieu d une rencontre confrontant deux volont s et d sirs vitant alors sur l image la chosification inh rente la pratique courante Pour autant on con oit ais ment que ces rencontres entre photographe et photographi ne sont pas le fruit du hasard et son travail comprend une incontestable unit dans laquelle une dimension profond ment humaniste rejoint une h sitation continuelle sur l tre de ce qu elles livrent au regard Mais si le travail est montr dans ces expositions comme un cheminement qui nous m ne des portraits jusqu aux photographies o la reconnaissance devient d risoire photographies de reflets images d une mouvances dont la vivacit dissout la forme visions parcellaires dans lesquelles se donnent reconstituer un manque etc il ne s agit point d une le on ou d une d monstration Chaque image est regarder par sa s duction jusqu au moment paradoxal o on se laisse prendre son pi ge l illusion m me ce qu elle renferme d intimit ouvre au fantasme l imaginaire et ses tirages r sultats d un maniement particulier du Noir et Blanc qui joue sur le contraste et la luminosit de ce support expriment un univers l ambiance intense et tendue Ces textes qui jalonnent les expositions sont eux m mes plus allusifs que didactiques Ils sont lire comme une autre trace comme le plaisir de l cr
105. videmment un synopsis d taill la fois je sais o je vais parce que je crois que si on ne sait pas ce qu on cherche on ne trouve rien mais en m me temps l existence et l uvre vont heureusement bien plus loin et ailleurs elles vous jettent dans une situation bien plus embarrassante et bien plus compromettante et compromettante jusqu au cou Il y a enfin les plans de la maison a fait partie de ce que j appelais tout l heure cette surfictionnalisation des s ries car 1l est vident qu objectivement d avoir les plan n apporte strictement rien la clart des images et que ces plans sont un pur jeu avec l habitat et l architecture Une question qui me pr occupe est videmment celle de l intime J ai toujours pr sent l esprit quand on parle d intime que intimus en latin c est ce qu il y a de plus int rieur c est dire que l intimit videmment a n est ni l intimit de l autobiographie ni l intimit de l autoportrait ni l intimit de la sexualit ni l intimit de la vie priv e encore que cette distinction entre vie priv e et vie publique m a toujours paru assez suspecte mais l enjeu de l intime c est videmment l int riorit elle m me c est la pens e elle m me c est ce travail qui consiste se mettre en Jeu et mettre en jeu ce qu il y a de plus int rieur c est dire sa pens e sa perception et peut tre aussi sa propre capacit
106. vues est toujours prise de vie se donner c est s abandonner l image seule fin et seule justification de toute cette mise en oeuvre de toute cette d bauche de travail d efforts de pens e de d sir et d inqui tude de ma part de technique de savoirs Mais l issue de cette prise l L ne reviendra pas et sans doute sa d cision de ne plus s investir dans le projet son d sengagement est d j l en elle au cours de cette journ e Mais je n ai encore jamais abandonn e une s rie de cette fa on pour ce qu elle se heurte des obstacles pratiques Il faudra donc de nouveau aller la p che au mod le et attendre que le moment opportun de nouveau se pr sente Attendre qu il est long d attendre lorsque l esprit est occup d un projet qu il ne cesse de retourner dans tous les sens pour tenter de lui trouver une voie une issue et qu il y a d j consacr tant d nergie Troisi me prise de vues l une des mod les change nous sommes en f vrier 2010 Changement du mod le N succ de L Impossible de travailler avec un mod le qui arrive quand la lumi re s en va et puis c est stressant et il n y a plus de chocolats Les qualit s physiques d un mod le sont une chose ses qualit s dans le travail sont non moins indispensables De toutes fa ons elle ne veut d j plus poser Le nouveau mod le N arrive avec une journ e de retard encore plus endormie et malad
107. y cantonner Aussi ce sont les cat gories les plus lib rales de la bourgeoisie celles l m me qui ailleurs s incarne dans le scientisme et la la cit qui sous l gide d Arago vont tre la pointe d une conception positiviste de la photographie La promotion de cette fonction de solennisation de la photographie ne pouvait en effet que s accompagner d une d finition stricte et limitative des champs d utilisation de la nouvelle technique afin de gommer au mieux la complexit effective du proc d et d emp cher que n clatent les contradictions id ologiques qui allaient n cessairement d couler d un usage diversifi et singuli rement artistique de la photographie Parce que cette fonction d finissait en m me temps une esth tique directement h rit e de certains d veloppement du n oclassicisme pictural elle ne pouvait que mal s accommoder d esth tiques contradictoire ou m me diversifi es qui quelque soient leurs contenus allaient mettre en vidence tout l arbitraire et la subjectivit que recelait la photographie Il ne devait pas y avoir d utilisation explicitement subjective de la photographie parce qu il tait indispensable sa cr dibilit id ologique qu elle ne puisse tre v cue que comme fid le et neutre Naturalisme et r alisme taient les seules esth tiques admises les autres tant imm diatement condamn es au nom de la puret photographique et du monopole de la peintur
108. y en a sont produites par la photographie elle m me au niveau de l empreinte et non par une destruction de la photographie ou des photographies lt lt n glig es gt gt Par ailleurs cet ach vement esth tique joue aussi comme moyen de distanciation ce qui n emp che pas une ventuelle s duction Cette dialectique aussi est constitutive Quel type de relation entretiens tu alors avec le r alisme La photographie pas davantage que d autres modes de production d images n est n cessairement r aliste et 1l est navrant de le voir aussi souvent confondu avec l anecdotisme ou le lt lt faire vivant gt gt Le r alisme est toujours un parti pris social souvent explicitement politique mais il ne peut op rer que par des artifices Refuser l esth tique parce qu on refuse l acad misme d suet vide de sens est profond ment alogique Le r alisme s effectue dans une mise jour du sens En cela mes photographies sont r alistes et pourtant elles sont toujours construites il ne s agit ni d accident ni d une qu te de hasards ou de rencontres Elles sont toujours faites un moment o je suis l o nous sommes l pour faire de la photographie C est dire de l artifice de la fiction Dans la s rie lt lt le voyage Paris gt gt photographies prises depuis l express le long de la ligne de chemin de fer ou dans le miroir au bain cette vision proc de d une autre ambigu t
109. AIL VIDEO QUELQUES REFLEXIONS GENERALES ET VAGUES A L AME sur quoi porte le travail vid o Le travail vid o porte sur la photographie sur la mise en image vid o de la photographie sur les distances entre le photographe et la vid o sur leurs zones ventuelles de recouvrement Le travail vid o ne porte pas sur les photographes il ne s agit pas de reportages sur eux sur comment ils travaillent ni sur le Corps corps comme sujet d une vid o qui n aurait aucun rapport avec le fait qu il s agit d un travail photographique comme une autre Il est bien entendu cependant que les deux termes le Corps corps le travail du photographe interf rent n cessairement puisqu ils sont les deux bouts de la cha ne qui aboutissent la photographie Seul le travail photographique est un travail sur le Corps corps la primaut de la photographie Le travail photographique est premier est origine Il vient avant pendant et en bout de cha ne Le th me du travail photo est le Corps corps en tant que sujet r f rent et en tant qu il met en jeu une sp cificit photographique qui est la photo comme confrontation physique au r el Ce mode de confrontation a d ailleurs voir avec l ensemble des moyens de cr ation qui portent ou plut t s appuient sur un mode d empreinte grosso modo d enregistrement Nous sommes donc non seulement r alisateur ou cor alisateur ou r alisateur assist cons
110. Ces fleurs sont bel et bien des fleurs artificielles de leur caract re hybride elles tiennent leur trange beaut leur pr cision et leur r gularit inhabituelles Aussi v n neuses que des fleurs de macadam qui r sulteraient de joyeuses et cyniques structures mod lis es 2P Se souvenir ici que la photographie argentique est encore chimique et que son inscription est g lati neuse g latine obtenue partir de jus de viande comme le rappelait Jean Claude Lemagny UNE ALLEGORIE DE LA DIALECTIQUE D finition En un sens originel celui de Socrate dont la m re Ph n rat comme il aime le rappeler tait sage femme et Platon la dialectique est l art de dialoguer dans le but d acc der la v rit de d couvrir l essence Erreur Signet non d fini Erreur Signet non d fini Erreur Signet non d fini Erreur Signet non d fini Erreur Signet non d fini des choses Elle s oppose donc la rh torique qui est l art de s duire donc tromper par de beaux discours Elle suppose le respect du principe de non contradiction ou principe d identit tabli auparavant par Parm nide une chose est ce qu elle est et ne pas tre en m me temps contraire Toute dialectique est donc tripartite affirmation premi re l opinion contradiction je vois que ce que J affirmais n tait qu illusion ou n gation d passement de la contradiction par la connaissance ou n gation de la n ga
111. Clich s mais aussi Pierre Bastin et de nombreux autres critiques prendront parti aux c t s de Noir Limite En 1989 c est l importante performance Noir Limite au Prieur de Graville au cours de laquelle sont tir es en public pendant deux nuits sur quarante m tres de papier photographique d roul s aux murs du choeur de l glise une trentaine d images en un c r monial ritualis qui n a cess de faire galement partie des pr occupations des artistes Les images entrecoup es de graffitis sont d velopp es au pulv risateur et l ponge 1990 voit la naissance de deux expositions composites r unissant la somme des nombreux travaux r alis s par les trois artistes depuis leur regroupement S rie des Femmes Grand m re M re Epouse de Tr morin Corps Sacr l Eau les Vierges de B l gou Visages et Nus de Naples de Chevallier Cette exposition sera censur e en Italie Cette ann e l Noir Limite est galement pr sent dans les deux expositions internationales cr es l occasion du cent cinquentenaire de la photographie La Photographie Fran aise en Libert l initiative de l Association Fran aise d Action Artistique et sous le choix de Jean Claude Lemagny d une part et 20 Ans de Photographie Cr ative en France l initiative de Gilles Mora En 1991 est cr e dans le lieu symboliquement choisi des Anciens Abattoirs du Havre l exposition La Mort Les
112. Erres Vers le grand nord Les Cahiers de la Photographie n 29 d o j aurais tr s bien pu ne pas ressortir L enjeu de ce voyage c est la fois un enjeu plastique pour moi c est dire comment est ce que un moment donn le paysage pouvait tre la suite de l exp rience du Territoire un analogon du mental c est dire que videmment au grand d sespoir des Scandinaves tout comme au grand d sespoir des Napolitains lorsque Visages a t r alis Naples on ne voit pas Naples et on ne voit pas la Scandinavie et on ne voit rien proprement parler c est dire que l enjeu n tait videmment pas de rendre compte d une r alit qui aurait t une r alit ext rieure mais de rendre compte uniquement d une r alit d ordre mental Je photographie immerg dans l exp rience je me photographie en nageant je me photographie en marchant je me photographie comme cela dans les l ments et galement petit petit au fur et mesure de ce voyage o je ne vois rien de ce que je fais c est dire que je suis dans le premier voyage trois mois et demi faire une centaine d images par jour sans rien voir avant les trois mois et demi c est dire avec en m me temps un travail qui est d autant plus mental que je suis bien oblig de sp culer et de compl tement sp culer sur le r sultat effectif de ce que je peux faire Au fur et mesure du travail du voyage l image se d structure
113. Et cette fois aussi je joue les accessoires fragments de dessous couleurs vives l opposition du rouge et du vert Ah les terribles passions humaines Du coup a ressemble plus des sc nes d int rieurs de bordels du dix neuvi me si cle dessin s ou peints par Degas ou Toulouse Lautrec qu Courbet ou aux v ristes allemands Nous devons l origine faire quatre cinq jours de prises de vues Troisi me prise de vues le lendemain matin changement de pi ce grisaille lumi re plate m me contre jour il n y a ni ombre ni haute lumi re Mais je ne vois vraiment plus ce que je peux faire la moiti de la matin e je ne parviens m me plus cadrer Je suis dans le banal plat Ca fr le le d sastre tout est plat Au vu des r sultats de ce troisi me jour je d cide alors d arr ter la prise de vues avec N que je ne sens pas tr s bien et qui pose au mauvais sens du terme La d cision n est ni tr s facile pour moi ni pour les deux mod les N en restera f ch e Et le projet en plan je commence me d courager DLINTOCRADUIIE 99N LA PHOTOGRAPHIE 220 ANTON este Er JEAN CLAUDE BELEGOU A Quatri me prise de vues l une des mod les change encore juin 2010 Pourtant j essaie encore Troisi me mod le A remplace N l aussi j ai fait un test de prises de vues avec ce nouveau mod le quelques jours auparavant qui s est plut t bien pass Elle a un corp
114. Jean Claude B l gou JEAN CLAUDE BELEGOU SUR LA PHOTOGRAPHIE textes publi s photographies et textes Jean Claude B l gou www be egou org EMPREINTES TRACES Empreintes et Traces vestiges de lumi re sur la surface sensible marques d une rencontre d une confrontation au r el qui impliquent des correspondances Les photographies nous saisissent d embl e par ce qu elles expriment de m lancolique et ceci au travers d un maniement extr mement labor et mesur de cette technique d images Il n importe pas tant en effet de consid rer cette particularit comme ce qui serait l manation d une attitude psychique que comme la volont d lib r e et r fl chie d insister sur une des sp cificit s essentielles de la photographie image fixe plane et d limit e interpr tation partiale d une r alit avec laquelle il y a eu effectivement voir elle ne peut qu op rer une sorte de momification de ce qu elle donne regarder de ce quoi elle donne valeur Figures solennelles hi ratiques ces photographies comprennent en permanence quelque chose de construit de pos voire d ostensiblement artificiel et fig Elles s offrent comme le symbole ambigu d une pr sence devenue absence en m me temps que d une pr sence en proie l inaccessibilit o tout reste distant absent Ainsi qu il s agisse de portrait principalement de femmes ou de photographies d o
115. La photographie est contemporaine de la division technique du travail les op rations se d coupent et se suivent dans un ordre s quentiel quand bien m me les photographes n ont pas recours la division sociale de celui ci laquelle suppose une r partition de cette cha ne entre diff rents acteurs preneur de vues laborantin Physique la photographie proc de toujours d un corps corps avec le monde d une rencontre avec le r el d une confrontation Elle est compromettante il faut y avoir t il faut s tre coltin cette r alit l Il faut que quelque chose ou quelqu un ait t devant la camera qui ait jou ou effectu ces actes L expression prendre une photographie ne s approche pas par hasard de la prise amoureuse Comme elle elle est une saisie une captation voire un enl vement et un ravissement Du r el la photographie supporte d embl e le poids et peut s y engluer De l id ologie elle contient ais ment tous les caract res que facilit et semblant de magie f tichisme de la technique et positivisme peuvent susciter L usage artistique de la technique photographique n est par cons quent jamais acquis C est une grande na vet ou une profonde et machiav lique d magogie seulement qui peut soit dans les instances politiques soit dans le discours culturel vouloir rassembler toute la photographie en une seule r alit effective et proclamer d elle qu elle est d embl
116. On pourrait en effet l assimiler une vision r aliste plus r aliste que si elle donnait voir des images nettes parce qu il y a reconstitution d une impossibilit fixer son regard sur quelque chose d un r alisme visuel Pourtant ces images d r alisent pr cis ment parce qu elles fixent cette mouvance Il y a galement la r alit temps l ph m re Enfin quant statuer sur leur nature sociale elles sont sociales dans la mesure o elles sont un travail sur la photographie comme mode social d une part et que d autre part elles visent donner une certaine image du d chirement La grande na vet de quelques uns a t de croire qu en photographie ou ailleurs mais particuli rement en photographie faire du social avait pour crit re le r f rent D o le mis rabilisme Comment est ce que dans ce contexte rends tu compte du fait de photographier des femmes et de la fa on dont tu les photographies La question essentielle par rapport la photographie me para t ici de savoir dans quelle mesure contemporaine des nouveaux rapports sociaux 1ssus de la r volution bourgeoise elle co ncide ou non avec la tendance la r ification des rapports sociaux c est dire des relations ali n es dans lesquelles l un devient un objet pour l autre mais aussi o ces relations d ali nation deviennent en quelque sorte plus subtiles moins apparentes La photographie de lt lt scoo
117. Ordre analytico critique Leur r ve l vacuation du sujet du trop humain leur r alit le refoulement de tout ce qui peut les attacher de pr s ou de loin au bestial au biologique au mourant au vital l insignifiant au pauvre au mis rable au vivant Le mis rable il est l en ces marches en ces sentiers en ces nages marcher photographier n avoir pens e que pour la nourriture trouver l abri o dormir le chemin o aller le soleil ou la pluie les moustiques le torrent o risquer de se perdre On ne voyage pas pour se retrouver mais pour se perdre La marche ne me porte pas de hautes m ditations m taphysiques elle me ram ne au presque rien manger boire dormir sentir la force et la fatigue du corps Elle me ram ne au temps terriblement lent et statique D solation de ce chemin qui se perd dans la neige ivresse d une infinie tendue chaotique Ne pas perdre les traces du chemin trouver le bois pour le feu la rivi re pour laver le corps sortir du duvet tremp par le cr puscule sans nuit de l t bouger les doigts par les cent jours de nuit de l hiver Venir ces choses humbles et presque humiliantes de notre r el d nuement aller marcher sur ces chemins sans but se perdre mais survivre marcher seulement accepter ce semblant de sens du chemin devant soi souvent presque invisible vague trace humaine fragile se perdant sous l herbe la neige l eau le brouillard
118. Religion use des stratag mes du charme et la Philosophie des Lumi res trace le corps humain de la m me fa on dont les plans de la guillotine quelques ann es plus tard seront d taill s au profit de la purification du corps social La science n chappe pas aux machineries morbides l corchement de l humain l cervalage L Oeuvre d Art m me est destructrice ou ab m e inconsid rable au pire Elle n est pas l abri de ces impuret s de ces d lires intellectuels et humains Souvent indistincte du discours id ologique de l effet scabreux du fonctionnement voyeur elle est relique interchangeable f tiche bouffon beaut bris e ray e barr e chafaud e elle est instrument de pouvoir et d ordre Ici encore Antoine Poupel soumet sa manie manipulatrice ce qui aurait pu tre une galerie de portraits mondains s ils n avaient t de la m me fa on d grad s et pervertis d figur s r duits leur essentielle qualit d images non plus seulement pieuses f tichistes ou comm moratives mais d risoires Nous sommes encore dans le royaume des Vanit s Non plus celle du Discours mais celle du quotidien humain Dans leurs tombes ils ont emmen s ces choses qui font une vie autour desquelles on b tit une existence auxquelles on se raccroche Qui petite soldate de 14 sa m daille des Arts et Lettres Qui sourire d pit sa tour Eiffel L un une nu e lact e boutonneuse ses yeux gl
119. S 145 Le territoire 145 Le corps 149 La mer 153 DE TOUS LES JOURS 1 55 La biblioth que 155 Le bureau 156 Le corridor 157 La chambre noire 157 La chambre nord 158 L escalier 158 La salle manger 159 La cuisine 161 Le salon 162 La chambre 163 La salle de bain 163 La lingerie 163 La cave 163 Le jardin 164 Le verger 165 Le pr 166 La Mer 166 L ABIME DES IMAGES L ABIME DES IDEOLOGIES 168 G latine et tripotage 169 L antique macul 170 Le th tre de la mort 171 Libertinages 173 Manipulations g n tiques 174 UNE ALLEGORIE DE LA DIALECTIQUE 176 D finition 176 Interpr tation 176 All gorie 176 QUESTIONS REPONSES AUTOUR DE LA SERIE DE TOUS LES JOURS 178 LEVIDENCE DU CORPS a 182 La fascination du corps 182 La mise nu 182 la pudeur et l impudeur l ind cence 184 la sensualit 184 La sexualit 184 La distinction des genres 185 Approche formelle du corps 185 La fragmentation du corps 186 l obsc ne 186 Les couleurs 186 bonheurs du corps 187 le mod le 187 le beau 187 REPONSES AU QUESTIONNAIRE AS ART 188 MA VIE ET LA PHOTOGRAPHIE
120. Sans plus aucune vuln rabilit Douleur Amour impuissance face l absence radicale Folie ph m re Impuissance ressusciter l autre le sauver Originelle souffrance La mort int rieure L treinte derni re qui rena t Textes crits pour les s ries Rituels CONFERENCE NOIR LIMITE L exposition que vous voyez accroch e aujourd hui au Palazzo Cicogna est la version dulcor e expurg e censur e que la Municipalit de Busto Arsizio a choisi de vous pr senter au prix de multiples pressions exerc es sur nous avant et au moment de l accrochage Sur les 116 oeuvres que nous avions encadr es 88 seulement ont pu trouver leur place sur ces cimaises 28 n ont pu tre accroch es tax es de profanatrices ou irr ligieuses accus es d obsc nit ou par lt lt manque de place gt gt 6 images ont galement t effac es par un habile montage des vignettes du carton d invitation La vid ographie r alis e lan dernier lors de la performance NOIR LIMITE dans le choeur du Prieur du Havre Graville a t refus e dans l exposition pour les m mes motifs Censure subtile insidieuse dangereuse puisque d clench e par l article dilatoire de La Luce elle s est faite par des pressions intol rables allant jusqu modifier le libell du contrat d exposition le jour m me de l installation Cette censure n est pas seulement comme toute censure une l chet une privation de libert un
121. a musique ces choses l Nostalgie de l origine de l unit Ecroulement de la vieille m taphysique la femme a une me elle pense Femmes m ditantes vou es l errance en attente rien du noir des lumi res des choses ponctuelles apparaissant ou au contraire l errance comme cette errance au fil de l eau le corps nu nudit primitive fragilit du monde de l homme dans cet univers chaotique La d rive Nouvelle id e de cette m taphysique que nous ne pouvons pas sortir du chaos qu il n y a pas ce progr s du chaos vers l organis le paradis sur terre ou ailleurs il y a le chaos in luctable il y a le tragique in luctable et au milieu de ce chaos il ne reste plus qu danser mode chor graphique de l expression Il ne nous reste plus qu danser un peu comme on marcherait sur des oeufs ou un petit peu peut tre comme on ironiserait sur cette absence de sens la photographie est aussi cela et en cela aussi elle est proche de l exercice de la m taphysique si la m taphysique aujourd hui ne peut tre que la m ditation de l ab sens de l absence de sens d une qu te de sens qui sait ne jamais pouvoir tre remplie jamais tre satisfaite la photographie est ainsi que toute image mais d une fa on bien plus path tique que n importe quelle autre image la repr sentation de ce qui n est pas de ce qui n est plus de ce qui d une certaine fa on n a ja
122. a vid o est une image abstractive qui ne prend tout son sens que par l ordinateur image num rique et non analogique et les t l communications Elle n a pas d unit fix e en elle m me Elle est clat e ou clatable Elle n est pas une unit organique mais une r alit structurale Elle est un flux L image vid o est imm diate non diff r e en temps r el elle peut tre galement imm diatement m diatis e t l en direct par exemple m me si elle peut aussi tre manipul e travaill e entre deux Des modes de production Notre je dis bien notre et non la photographie industrielle ou publicitaire ou de mode c est dire l entreprise mode de production photographique tient du bricolage un drap tendu dans un coin de pi ce un flood qui se ballade au bout d un fil une large improvisation la large part des bouts de ficelles dans des mises en sc ne et des espaces qui peuvent ne valoir que d un seul et fixe point de vue sont nos modes quotidiens de pratique de la prise de vue et parfois du labo A partir du moment o le point de vue est amen devenir mouvant o le champ est appel varier les choses prennent une dimension autre Notre et je dis encore bien le notre et non celui de toute la photographie mode photographique est un mode intimiste Nous travaillons dans des espaces intimes qu il s agisses d int rieurs nos maisons ou parfois celle des gens que nous photographions o
123. abit s corps de chair vies cartel es entre les deux ab mes de l amour et de la mort NOIR LIMITE photographie des mes photographie l Incarnation c est dire la pr sence de l me dans la chair la violence de l me et celle de la chair la violence de l tre Une oeuvre qui par del des d cennies de lt lt modernit gt gt qui ont reni l Homme et le monde ram ne la question sur le devant de l art de l existence NOIR LIMITE invente une nouvelle esth tique donnant tout son sens la r flexion ph nom nologique une dialectique de l interne et de l externe du dehors et du dedans de l tre et de l apparence Car qu est ce que photographier si ce n est que figer des apparences Mais ces apparences parce qu elles sont prises dans leur derni re extr mit livrent leur int riorit le sentiment int rieur de l tre l esprit Rien n est plus profond que la peau crivait comme propos Nietzsche Une oeuvre qui parle de la violence d tre une oeuvre de la dissolution des apparences du heurt de la lumi re et des t n bres une oeuvre noire une oeuvre qui interroge le sacr une oeuvre de la noirceur des cieux de la d r liction de la confrontation de l homme et de l artiste sa destin e Cette noirceur de la mati re cette noirceur douloureuse de la lumi re qui est celle des tirages ici accroch s est ailleurs que dans un pessimisme du quotidien du jour
124. age quelquefois par l ombre ou le flou C est un corps qui devient nigme pose probl me de lecture d unit Et peut tre m me un corps qui devient blessure l obsc ne Si tre obsc ne c est amener au devant de la sc ne ce qui est normalement i e conform ment aux normes cach il n y a de grandes oeuvres qu obsc nes et obsessionnelles c est dire celles qui sans cesse ram nent le refoul ce qui fait probl me fait malaise fait d sordre formellement aussi bien bref am ne faire entrer en crise ses pens es se questionner En ce sens les autoportraits de Rembrandt sont aussi obsc nes que la naissance du monde de Courbet Et la sexualit a videmment beaucoup voir avec l obsc ne au moins tant qu elle aura encore quelque part voir avec l interdit L obsc ne n est pas la pornographie si on donne ce dernier mot celui d un commerce des corps elle peut tre la description de la part sexuelle du corps Le plaisir de voir est attach aux images tout rapport aux images est par essence voyeurisme Il y a une pornographie de l image m diatique qu il s agisse de t l vision ou de photographie lorsque la mis re devient l image indiff renci e d un spectacle exotique d une jouissance de la violence lorsque l on passe des charniers aux publicit s pour les yoghourts aux jeux aux feuilletons tout cela en un flux indiff renci parce que tout devient un jeu dont la seu
125. ages par cette m thode peut constituer le produit final en soi ou servir son l ment essentiel simple preuve ou photomontage photographie colori e solaris e d chir e voil e effac e il n y a pas de limite l extension ou l inclusion de cette technique Cette d finition mat rialiste n est pas neutre elle refuse toute consid ration sur une pr tendue puret photographique qui exclurait autant certains usages du m dium la mise en sc ne pour certains que certains mixages les tirages manipul s chimiquement peints etc Et si le plus souvent ce travail inclut la m diation d une chambre noire avec son optique cette entremise n est qu une des possibilit s offertes par le m dium L outil camera obscura n est qu un des outils disponibles m me s il est dominant Cette d finition suppose galement que la photographie n est qu une technique parmi d autres et que la fameuse question de savoir si elle est ou n est pas un art est aussi oiseuse ou absurde que de savoir si l criture en soi ou le dessin en soi ou le d coupage en soi sont des arts Ils ne le sont pas lorsque j cris mon percepteur que je dessine les plans de ma maison ou que je d coupe des guirlandes Ils le sont lorsque l crivain est Beckett ou C line le dessinateur Klossovski ou celui qui manipule les ciseaux Matisse L art ne se donne pas de fa on immanente dans une technique Il n est qu un des champ
126. amen aux origines et aux fins Aussi a t on pu parler de s ries mythologiques et de lt lt retour des dieux gt gt propos de ces photographies Car loin d tre une photographie r aliste m me quand elle est au plus pr cis et au plus proche des corps tout en abordant parfois les corps dans ce qu ils ont de plus cru de plus humain cette photographie est surtout tragique et mythique Et que l amour la jouissance la douleur le d sir la mort la d chirure la perte charpentent la destin e de ces oeuvres ne fait que nous ramener la grandeur des conflits premiers de l tre aux conflits de la destin e de la vie Ainsi l art rena t il en l Homme telle une Renaissance de l homme face lui m me tre de chair de sang et d esprit de sexualit et de mort d ternit et d ternel recommencement en l me L interdit Or de toute vidence l oeuvre NOIR LIMITE suscite un malaise Malaise qui peut aller jusqu susciter la censure que cette censure soit brutale insidieuse ou passive Et quand bien m me l oeuvre suscite en m me temps une ind niable fascination Car cette oeuvre se construit sur une corde raide un fil tendu au dessus des ab mes car elle met en jeu l intimit de l tre sa v rit sa fragilit car elle met en sc ne l interdit la sexualit la mort dans une approche qui toujours les d signe pour ce qu ils sont des interdits loin des imageries modernes de
127. amour quand m me elle serait videmment incapable d aimer seulement un chat de donner avec d sint ressement seulement une poussi re d elle m me Toujours nous sommes rattrap s par la violence Quant la culture la plus raffin e quant l art m me si art et culture ne se confondent pas ils n chappent ni la violence ni aux bassesses Le monde de la culture est ni plus ni moins sordide que le reste m me luttes de pouvoir m mes d lirants orgueils m mes forces de l argent m mes servitudes m mes exploitations de l homme par l hommes Michel Ange g nie sublime s rement mais quand m me au service de la jouissance de Jules IT L art d s lors oscille depuis toujours entre l imaginaire le fantasme d une r demption Pergol se Vermeer Chateaubriand et la sordide et inutile r p tition du vulgaire Mais aussi tous moments 1l est menac de se dissoudre dans l acad misme le pompi risme la flagornerie la bouffonnerie la superficialit bref la vulgarit M me la violence dans l art l Enl vement des Sabines les Massacres de Scio le Radeau de la M duse peut y tre r dim e L imaginaire d une r demption est au moins celui d un sens d une totalit suffisante d une BANANE B AN SQI TETE arte A DUT YODA DLIE 16400 JAN OOpa BELEGOU ECRITS SUR LA PHOTOGRAPHIE 208 Va ITAN A ul AN C AA T ONE Ji LL E B L GOU E Era
128. anche que nous faisions pieds mes parents ma s ur et moi j avais alors huit ans au d but des ann es 60 Ces sorties du dimanche taient des moments de joie et de r ve Le port tait cette poque tr s habit Mon p re faisait parfois des photographies Ma m re sujette aux vertiges et aux angoisses craignait par dessus tout que l un ou l autre nous ne tombions l eau D j l angoisse du vide l image de la d pression la d pression qui aspire Rentr e 1969 je suis lyc en je m initie la photographie initiation l g rement retard e par les v nements de Mai 68 auxquels je pris part premi re s ance en chambre noir seul je laisse filer l heure je perds toute conscience du temps je me retrouve enferm en pleine nuit dans la Maison de jeunes de la Porte Oc ane Je suis fascin Tr s vite je multiplie les prises de vues je photographie en studio je photographie parfois mes amis sur le vif mais c est surtout sur le port que je me balade s chant les cours fastidieux du lyc e baladant ma r volte adolescente sur cet espace de libert o je me perds des journ es enti res C est ici que je fais mon apprentissage de la lumi re du cadre de la perspective De la respiration Dans les ann es 75 souvent c est sur la zone industrielle que nous allons avec mon amie nous promener les dimanche pr s de l estuaire de la Seine Mais je n prouve aucune nostalgie l gard de rien Tu t es auss
129. anches Durant les repas elle occupait presque toujours la place en vis vis des fen tres ouvrant l automne sur les arbres vent s du jardin Il s installait l opposite La cuisine Ce qui s appelait maintenant cuisine n avait t qu une pi ce habit e de souris vou es quelque grignotage m thodique nich es dans une cloison de planches pourries et qui la nuit venue migraient de la laine de verre d un lave vaisselle de passage aux pots de terre dans lesquels il essayait de forcer quelques graines clore contre saison Sur le sol d fonc de briques rouges et noires avait repos l embase d un vier ciment encrass sur lequel venait couler le seul robinet qui exist t l coulement se faisant directement par un percement pratiqu au travers du mur de fa ade Au mur d grad tait scell e une pompe japy qui en outre permettait de tirer l eau du puits Outre la plomberie il avait fallu refaire peut on m me parler de refaire dans toute la demeure l lectricit d poser les vieux fils d tain courant dans leurs gaines m talliques les interrupteurs de Bak lite et satisfaire aux normes et exigences du confort moderne honor maintenant par une pl thore d appareils et robots m nagers Les trois chattes que la pr sence de souris avait d cid installer li es entre elles par un singulier lien de naissance puisque l une tait la m re des deux autres y avaient l l
130. ants attard s ses architectures moribondes Mais celle ci n ouvrait sur rien pas m me sur une autre fen tre pas m me sur le ciel ou la terre elle tait un puits de mine il tait coinc l entre d autres chambres empil s qu ils taient les uns au dessus des autres les uns c t des autres devoir entendre les r les les grincements les chasses d eau Il tait l coinc dans la vie ne plus pouvoir respirer devoir s enfouir pour ne plus les entendre pour ne plus avoir peur des cris des gestes des assassins et des victimes des cauchemars des effractions dans les corps Et c tait bien cause de ses immenses fen tres n oclassiques et du silence qu il avait choisi de venir habiter l qu il avait lu cette maison l l cart mais ouverte sur le ciel Alors pourquoi nouveau avait il besoin de partir Pour quelle illusion qu ailleurs ce serait diff rent qu ailleurs il y aurait davantage de lumi re de soleil d amour Que ne s imagine t on pas quand il s agit de partir Ou seulement pour ne plus jamais tre en place chaque fois pouvoir s expulser de lui m me chaque fois se perdre se fuir Non d cid ment il ne c derait pas au leurre des voyages comme il ne l avait que trop fait d j Le monde tait tellement partout le m me tellement uniforme Depuis des si cles les cultures h g moniques avaient tant r ussi gommer les diff rences les individualit s
131. aphe de la construction et non de la prise sur le vif Je ne pense pas en g n ral que le travail d un artiste se d finisse par tel ou tel genre mais par l univers que l on peut retrouver de lui quelque soient les images qu il fasse J ai un certain plaisir parcourir cette diversit des genres Je crois de plus en plus que je pourrais photographier n importe quoi Ou peut tre finalement je ne photographie que la lumi re S agit il de photographie documentaire Je ne cherche ni le descriptif ni l anecdotique ni la couleur locale ni le mouvement Je n ai aucune pr tention ni sociale ni documentaire seulement comme dans l ensemble de mon travail une pr tention parler de cette trag die qu est l homme On n chappe jamais la subjectivit L objectivit est un leurre le leurre par excellence de la photographie Il s agit d images mentales d un tat mental le vide Si l vidence du corps est l image du plein du bonheur zones est l image du vide pas de l inhumain ni m me du non humain mais du vide que tout humain porte en lui Celui qui attirait et effrayait tant Pascal S il n y a personne sur ces photographies c est videmment parce que si quelqu un passe dans le champ j attends qu il soit pass Mais il n y a aucune difficult pour cela il est exceptionnel que quelqu un passe ou alors des vigiles ce sont des lieux inhabit s pilot s de loin
132. aro Naples v n ration de la Vierge de Guadaloupe au Mexique politiques La R volution Fran aise scientifiques L Encyclop die des Sciences et des Techniques de Diderot et D Alembert et sexuelles imageries pornographiques mise en saillie de l effet rotique du religieux se trouvent au coeur de ses mixages et ses associations Il nous dit leur quivalence et leur interp n tration la putain est ador e comme la Vierge les planches anatomiques de l Encyclop die sont sexualis es comme le sera l appareillage technique et ordonn es comme la R publique la R volution Fran aise fut une immense orgie expiatoire le sexuel est une immense machine mener et agiter les masses Toutes sont galement obsc nes Les images sexuelles agissent comme la trame m diatique du Pouvoir elles sont l pour mettre au pas faire agir craser et cumer Elles rec lent une technicisation du corps machine du corps lisse et pro minent marchandise et gage d ordre sexuel Elles sont soucieuses de l efficacit si ch re notre modernit Elles promettent comme l art le plaisir l extase comme le politique le paradis sur terre et telles le religieux le septi me ciel La Politique fonctionne comme la Religion avec les m mes attentes de Miracles les m mes illusions les m mes s ductions id ologiques les m mes charlatanismes et ses Grands Pr tres Fondamentalement elle croit et nous fait croire au progr s social La
133. aspirer le regard d amener le trouble bref de mettre du d sordre et il y a une vertu de la provocation lorsqu elle est authentique provocation c est dire mise en danger mise en question des valeurs C est la vertu du libertinage dans l ge classique Il y a l la force d assumer pleinement le corps la chair La pudeur c est l ordre ou bien c est le secret oppos au public l enfermement Toutes les ligues de vertu sont des rassemblements de l ordre c est dire chacun sa place de la peur du m lange des classes des ethnies des sexes de la s gr gation Amener un certain d sordre c est toujours d ranger Et la chair c est par excellence ce qui menace tout instant d chapper la logique la rationalit Et il y a dans le libertinage un authentique bonheur c est dire une authentique libert ce qui est peut tre aussi la vertu du mat rialisme S1 la sensualit est mergence et garement ce qui se donne voir malgr soi ou avec soi l ind cence malgr le v tement ou gr ce au v tement ou l ombre ou le flou ou le cadre m int resse aussi parce que cacher c est parer et voiler c est encore rotiser C est le jeu de l intime du dedans et du dehors la sensualit En un premier sens on pourrait dire de la sensualit qu elle est l mergence de la mati re la mati re qui devient en elle m me langage La mati re et non la forme La mati re qui dev
134. atin d Octobre sous la premi re neige et l eau gel e aux c t s de soi Il y a une joie in galable comme une tourmente abdiquer ainsi sa doucereuse existence d homme des villes Je me suis pris me baigner dans les lacs les torrents et marcher longtemps Empreindre mes pas dans la neige m assoupir sur les couches de lichens enflammer quelques bouleaux morts Admettre mes racines de terre et d eau de v g tal me frotter cette nature sans commune puissance gale gravit propre et close et lente qui vous r siste de sa force intangible Il y a alors une intimit possible un renoncement possible au combat une mesure du peu qui nous s pare Une conscience du voluptueux glissement infime nouveau pas franchir pour se ramener d finitivement elle s y teindre abandonner toute vell it d finitivement toute pens e abdiquer toute volont et se laisser d finitivement perdre noyer en elle Ne plus en revenir Vivant aucune communion n est possible Nous sommes vou s nous opposer nous m mes ce dont nous sommes faits nous sommes vou s l autolyse lente et progressive Ce qu ils appellent le progr s Il y a l l infini un hiatus une brisure entre le naturel et l humain Car la nature ne console de rien Pas davantage que le reste d ailleurs Clivage d finitif heurt imparable entre ces bouleaux ch tifs ces torrents tumultueux ces mousses gel es ces mers dans
135. ation pure elle m me Je crois que le rapport photographique image et m taphysique il y a un ph nom ne de contigu t ce fait primaire que des photographes des plasticiens viennent de la philosophie J en connais plusieurs et peut tre que s il y a un chemin quelque part qui m ne de la m taphysique la photographie c est d abord un chemin g n ral qui peut lier la philosophie la crise de la philosophie l art la crise de l art et qui peut faire que quelquefois souvent parfois peut tre la philosophie d une part la philosophie en ce qu elle a d ultime c est dire la m taphysique et d autre part la cr ation artistique puissent s engendrer puissent cohabiter chez un m me individu dans une m me histoire Je vous parlerai surtout de la photographie Philosophie et photographie le paradoxe est videmment saisissant la m taphysique est une activit conceptuelle la plus abstraite qu il peut y avoir C est comme la d finissait Hegel la pens e se saisissant en tant que pens e la pens e sp culative C est une activit sans mat riau sans autre mat riau que ceux qu elle se donne c est dire les concepts et sans autre mat riau que celui qu elle utilise pour riger ses concepts c est dire le langage Alors que ce qui fait la sp cificit de la photographie par rapport d autres moyens plastiques c est cette id e d empreinte cette relation s
136. au long cours grues et crocs histoire de prendre l air aussi l air de la mer tout simplement Je ne me souviens pas tr s bien du France que j avais l poque du mal voir tout en entier surtout quand la mar e tait haute mais davantage des chos de la guerre d Alg rie sur les disques Sonorama que nous avions achet au passage sous notre fen tre de la caravane publicitaire du tour de France cycliste Le temps tait rythm par les allers et retours du Chemin de Fer qui nous donnaient l heure et de notre HLM avec ma m re et ma soeur nous saluions quelquefois le passage de notre p re qui pilotait d un oeil averti la 231 G Mon p re faisait galement pendant les vacances de belles photographies que nous accrochions sous verres dans le couloir Je r vais alors de devenir photographe mais pour pouser le clich il aurait fallu comme par ailleurs m y invitaient trains navires gares et ports Voyager Or ma famille cauchoise et terrienne par ma m re bretonne par mon grand p re paternel tait plut t du genre s dentaire Pourtant grand reporter sautant des vues exotiques de T h ran aux images rotiques de Marylin toujours pr t bondir dans une caravelle comme se blottir dans la cale t n breuse d un passeur tha landais l imagination filait Paris Match c tait si exhalant et tellement progressiste Ainsi sans doute r vent encore des milliers de gar ons dans la France d aujourd
137. auques L autre son savant jardin sagement cultiv Tel autre sa voix rocailleuse Son oeil de verre moiti statufi La virilit de son chien loup Tel autre encore ses collections de statuettes et calligraphies ses chers livres Ses accumulations de gambettes et fesses ou sa structure oedipienne ou ses jeux d checs ses admirateurs et son taureau Un tel finira compress une telle aux cieux Une autre encore t te de mort d goulinante Les gamins continuent de jouer comme Poupel de graphiter caricaturer Ils dispara tront aussi Photographies d j plaques fun raires images brouill es des succulentes trames t l visuelles mires et constellations de la perte vanouissement et dilution de nos existences peine ancr es mais avec tant d obstination et de foi ou de d sespoir que nous y mettons de bonne volont nous affairer et y croire Poussi re nous finirons poussi res nos f tiches avec nos pi tres agissements nos grandes passions amours et travaux nos collections ador es nos cultures nos embl mes nos pouvoirs nos folies nos savants calculs nos fiert s nos croyances nos saintes critures G latine photographique viande tout est viande derri re l enveloppe de peau liss e et enjoliv e soigneusement maquill e et bichonn e Pierres tombales les t tes sont d j tomb es d j cribl es d j constell es Pr face au catalogue de l exposition Portraits de personnalit s d
138. bjets ou de lieux nous y avons toujours affaire une mise en image qui ne cherche nullement procurer l illusion de l existence effective de ce qui est pr sent mais exprimer l extinction de vie qui s est jou e dans la photographie laquelle est par d finition empreinte de ce qui n est plus voire n a jamais t point ultime d un vide Nous sommes l oppos de la photographie dite sur le vif qui trop souvent cherche dissimuler ce qu elle contient d arbitraire et de conventionnel jusqu passer pour fid le objective et summum naturelle et vivante Nous sommes aussi au point de confrontation l id ologie en ce que cette derni re vise toujours ce que l on croit naturel ce qui est fonctionnement social Nous sommes dans la trahison explicit e la subjectivit avou e le parti pris d une unit entre le mat riau la photographie et ce qu il sert d signer Images produites en relation une interrogation sur la nature de la photographie et les d marches qui y sont l oeuvre elles sont galement l aboutissement d une mise en cause des rapports habituels de domination qui se nouent entre photographe et photographi e Ces rapports les types sociaux qui s y prolongent trouvent leur pire expression dans l assujettissement complet du photographi et sa transformation en un objet que l on mod le Cette critique conduit penser ces portraits comme le moment d
139. bl matique qui est une probl matique du tableau quand il est la mode de confondre art et communication cr er et communiquer j ai tout fait conscience d une certaine fa on d tre rebours de certains courants dominants DR C est vrai qu on est dans une photographie froide anorexique quand on regarde tes mod les ce sont des plastiques qui correspondent plus des plastiques pass e la JCB Les mod les je les prends comme ils ont c est dire que quelquefois je les choisis a m arrive de demander mais aussi a m est arriv j aime bien a aussi qu il y ait un mod le qui arrive que je ne connais pas qui n est pas entre guillemets dans les canons esth tiques de notre poque et pour moi c est important aussi parce que a fait partie de la v rit que je cherche de prendre les corps comme ils sont donc des corps qui ne sont pas les corps dominants des images d aujourd hui enfin j esp re et tant mieux mais ce n est pas du tout une volont d un corps l ancienne c est une v rit du corps que je veux accepter telle qu elle est sans me poser la question elle est belle quand je fais des autoportraits je ne me pose pas la question de savoir si je suis beau ou pas Et si recherche de beaut il y a elle est dans la couleur elles est dans l uvre DR L nous sommes dans le sous sol du Ch teau d Eau dans le petit cercle central o tu as rassemb
140. ce J en suis donc sorti avec une immense d pression Il y a pourtant eu en 1996 les trois expositions successives la galerie LaLaverie Paris du cycle Existences le Territoire le Corps la Mer les deux s ries de micro paysages le Territoire mon territoire et la Mer ont t faites en 1991 avant que de partir au del du cercle polaire arctique La s rie sur le Corps a t r alis e en 1992 durant le voyage scandinave sorte de parenth se au milieu d un travail sur le paysage et sur l autoportrait Ce n est qu cause de la cr ation d Erres que celle d Existences a t recul e Le montage de l exposition Erres 117 tirages d 1 m chacun que j ai comme mon habitude faits moi m me m a encore pris un an Puis j ai d cid de prendre l criture seule bras le corps criture pr sente dans mon travail photographique depuis ma 1 re exposition en 1980 en me lan ant dans un premier roman Ibidem sorte de d rive nihiliste de nouveau mi roman mi conte philosophique Ce texte n a pas trouv d diteur la proposition du Mercure de France demandait des modifications substantielles de structure que je n avais pas envie de faire De tous les jours a donc commenc sur un fond de crise cr atrice mais aussi personnelle D but 1996 je d cide ou plut t le besoin de nouveau s impose de photographier de nouveau Mes pr occupations s orientent vers le corps au quotidien les ges
141. ce inhabitu e ce que je fais o je vais et cela me p se dans mon travail pendant les prises de vues par exemple Je cuis des tartes aujourd hui Aux groseilles et aux poires Je prends go t ces choses l Ta carte postale en un autre temps m est parvenue Ce bouquet de fleurs J ai invit des gens d ner ce soir Je pense qu il est trop t t pour que je puisse r investir mes sentiments sur d autres Que mon deuil n est pas termin W dit que je cherchais mes racines Que c tait cela que je cherchais dans les livres je disais dans un r ve qu il fallait absolument que je les lise tous Je pensais encore je ne suis de nulle part et c est par concession et ironie que j ai convenu du originaire d Harfleur sur la pr sentation des expositions En r alit je ne viens de nulle part De personne J ai longtemps vogu en ta compagnie Je souffre physiquement de la chaleur Je n aime pas l t Je ne sais o tu es Cela m est peu pr s indiff rent Pai voulu Rennes l d o tu viens C tait il y a deux semaines Je me suis dit jy vais deux jours Photographie Photographier ce lieu l Parce que dans ce lieu l il s est pass quelque chose qui a voir Me touchant J ai mis cette chaise que tu avais bris e dans le d barras Malgr tous mes efforts pour r parer cela Elle se brise Toujours A nouveau Je ne t ai jamais c
142. ces images de leur noirceur leur artifice leur violence leur sensualit Quelque chose comme une obsc nit g n ral qui me fait peur Pourtant savoir qu un jour il faudra aller jusqu corcher les choses tant vivre corch Et je pressens le danger de ma folie 24 Janvier 1984 lettre Etre l face la houle inspire une id e du monde de sa liquidit de son inconsistance de son rythme son mouvement ses pulsations Une certaine id e des autres galement Etre l face la mer ceci ne m arrive jamais en mon pays Je ne m y arr te pas ainsi qu aujourd hui abrit du pare brise de la voiture face la houle Je ne m y retiens plus Il me suffit grandement de savoir que cette mer est l qu elle existe Ce qui est impressionnant pr sentement ce sont les creux Cette fa on qu a la mer de se creuser et s emplir nouveau Cette fa on de se rouler sur soi de ramener du vide en soi vider emplir Les vestiges des brise lames plus au nord semblables aux piquets des rizi res du sud est asiatique Mais cela tu le sais nous ne sommes pas ailleurs qu en Seine Maritime Ici il me faut l imposition d une semblable oisivet en m me temps qu une inhabituelle propension revenir sur ces choses l depuis quelques semaines prouver de nouveau le sentiment confus de l attente du d soeuvrement du ressassement la nostalgie le retour soi Un signal est plant l
143. che bouffon beaut bris e ray e barr e chafaud e elle tait instrument de pouvoir et d ordre La science introduisait des lois dans la nature la politique des lois dans le social la technique des lois dans la praxis la religion de l ordre dans le rapport de l humain au monde Dans la science la politique et la technique que l on songe aux d lires positivistes structuralistes ou plus l mentairement nos famili res prises lectriques comme dans la religion se nicha ent pourtant des fantasmes de jouissance ces disciplines ne pouvaient chapper au d sordre qu elles tentaient compulsivement de refouler comme chose elles ext rieure parce qu elles taient habit es par ce d sordre n en taient que des manations des effluves Ainsi les planches de l Encyclop die tentaient de mettre de l ordre dans la repr sentation du r el en le sch matisant l ordonnant le r duisant des sch mes technicis s Poupel renversait le probl me le remettait sur ses pieds remettant jour ce que ces apparentes froideurs honteusement cachaient et recelaient Ce travail sur l imagerie des planches techniques trouvait son aboutissement en 1995 dans la s rie de la fabrication du verre Entre deux en 1994 Antoine Poupel exposait encore une s rie de Portraits de personnalit s photomontages m lant et superposant imbriquant confrontant les prises des visages pos s avec d autres l ments photog
144. ches et qu il lui avait fallu gagner patiemment sur la p ture le tr fle et la luzerne particuli rement coriaces faire s vanouir pour y tracer all es et parterres c tait d un potager rigoureusement et traditionnellement plant en colonnades monotones et fonctionnelles travers es d une all e centrale align es comme dans un cantonnement r duit l troitesse d esprit du plus utilitaire qu avait toute trace de ces cultures soigneusement expuls es merg lentement le verger Pommiers poiriers framboisiers groseilliers cerisiers pruniers mais aussi quelques arbustes aux baies oubli es tels que sureaux et arbousiers se m laient quelques v g tations ornementales hortensias cytise arbre aux papillons spir es parsem es sur un libre gazon Les gel es blanches aimaient s y r pandre l hiver les corps s y coucher l t On y faisait flotter le linge aussi au gr des claircies et des brises De l autre c t du talus que bordait le chemin de l glise les ang lus rythmaient la mesure des jours et les c r monies la lente cadence des saisons quoique personne ne v nt plus tirer l paisse corde blanche du clocher depuis que le syst me en avait t m canis Cependant contre toute tentative d extension des cultures fruiti res et florales une ch vre animal que l encyclop die dans son dition de 1960 rend responsable de la d sertification de certains plateau
145. chose qui tait important pour toi comme inscription comme empreinte et des s ries dont je me souviens tr s bien comme l amour Le Corps Corps et puis apr s tu t es photographi dans Visages est ce que ce passage la couleur a a t comme pour beaucoup d artistes une sorte de n cessit pour faire rupture avec les ann es 80 90 ou alors a va plus loin JCB D abord ce n est pas un passage la couleur vraiment a t un repassage Puisque j avais commenc travailler dans les ann es 70 en couleurs ce qui pour moi a t d cisif c est le jet d encre le tirage chimique m a toujours paru de qualit m diocre et sans grand int r t et le jet d encre au contraire a compl tement remport mon adh sion et peut tre l id e l on rejoint l enfermement le fait que cette technologie on pouvait s en emparer chez soi puisque maintenant je fais tous les tirages couleurs chez moi comme J ai toujours fait moi m me les tirages noir et blanc y compris d un ou deux m2 et pour moi c est important qu un artiste ce ne soit pas seulement quelqu un qui travaille sur des images la prise de vues mais c est quelqu un qui assume son uvre jusqu au bout m me la limite jusque dans sa diffusion et donc le fait de travailler chez soi avec un ordinateur un traceur a vraiment t d cisif Apr s il y a eu d autres arri re plans c est que je crois conna tre assez bien l histo
146. cle et de la libre propagation des l ments naturels Ses images nous ram nent plut t la Place Danton notamment la rue du peintre Balthus en 1930 ou au Parti pris des choses du po te Ponge qu aux Walkyries h ro ques D autant que bien que prises hormis celle du France ces deux derni res ann es ces photographies semblent nous replonger dix ans en arri re dans un Havre encore tout de briques et de galets de calots de voyeurs chapeau mou ou jumelles de gentille famille nombreuse de travailleurs sociaux et fiers et de femmes aux balcons m diterran ens Les photographies de Levilly sont ici solides et lentes sans cynisme pour l homme mais sans tendresse particuli re non plus Ainsi elles rappellent tous ceux qui ont voulu voir dans la photographie sociale et celle de Levilly l est un instrument r aliste seulement bon au services des grandes causes dignes ou indignes comme des int r ts les plus mesquins qu une photographie est avant tout une image ob issant la logiques des images et ne trouvant que par l sa qualit Ce n est pas le quoi photographier qui tablit le genre mais le comment photographier Je leur dirais enfin en regardant ces figures qui nous sauvent leur fa on d un ouvri risme folklorique et complaisant l homme vit aussi de r ves m me si ses r ves ne laissent esp rer aucune R demption finale Avril 1983 Le Havre Pr face un portfolio d Erik Levilly
147. comme le furent toutes les poques Quant tre litiste c est aussi une banalit historique Rapha l peignait sur les murs des chambres du Vatican et non dans sur ceux des chaumi res Le m c nat tait une affaire de pouvoir et avec l conomie capitaliste l art demeure une affaire de classe dominante L art et en particulier les arts plastiques n a jamais communi avec le peuple sauf dans les utopies avant gardistes ou celles infiniment plus tristes des sociaux d mocrates Le peuple a presque deux si cles de retard Il commence seulement s int resser aux impressionnistes 4 Quel r le l artiste peut il avoir dans la d mocratisation culturelle Surtout aucun Ce n est pas son r le Quant la d mocratisation culturelle est elle une r alit ou un mythe Que ce soit du c t de l cole ou de la culture massification n a rien voir avec d mocratisation Je crains que la d mocratisation culturelle soit surtout une affaire de consommation de masse de loisir La d mocratisation culturelle c est la t l vision le cin ma am ricain et les hit parades Mais c est aussi que l on vend de la culture comme on vend du voyage On fait le louvre comme on fait la Gr ce Qu il y ait eu autrefois pour Maurice Thor s ou pour Andr Malraux des enjeux politiques la question de la culture c est une autre affaire avec des arri re plans id ologiques tr s platoniciens finalement le r le de l a
148. conservateur menace un fonctionnaire Il n est qu comparer les collections d arts plastiques d centralis es pour s en convaincre elles brillent par leur uniformit Menac e d un c t par le corporatisme de la grande famille des praticiens de l autre par l acad misme au pire singeant les mod les triomphants la photographie n est pas part dans ce man ge ni mieux ni moins bien lotie qu une autre Pourtant de quelquefois s tre sentie exclue du champ des l gitimations d avoir t marginalis e ses tares s en sont renforc es La d magogie avec Arles la presse magazine le rattachement de foute la photographie au Minist re de la Culture sont autant de sympt mes outranciers de ces m langes pervers o l on s acharne faire voisiner tout ce qui touche de pr s ou de loin l usage de la technique photographique quelque il fut pour une grande foire d mocratique et oecum nique Et plus d une fois l envie prend de crier photographie je vous hais avec votre populisme votre servitude aux m dias votre ostracisme vos courtisaneries votre gr garisme vos politesses hypocrites vos mendicit s La photographie n est pas un art la peinture non plus Qu est ce que la photographie Toute cr ation d image fixe dont le moyen de base est l enregistrement chimique sur une surface sensible des diff rences d clairement que viennent produire des rayons lumineux La cr ation d im
149. contourn s L espace n en tait pas pour autant d chir de ces affectations successives il avait r sist de sa force claire et essentielle et avait au moins vit les infamies de travaux d gradants L architecture avait tenu le dessus la demeure tait demeur e habit e par sa seule n cessit int rieure et sa destination premi re La distribution rigoureuse de la brique orange et de la pierre blanche la mesure r guli re et stricte sur chacune de ses fa ades de neuf larges et hautes ouvertures encadrant une porte fen tre elle m me surplomb e d une imposte semi circulaire le caract re videmment n oclassique du b timent avaient continu de s imposer Il ne lui d plaisait pas que cette habitation e t t d une fa on ou d une autre sainte par son pass bien qu il n e t jamais support une seule seconde de subir les offices de l glise qui se dressait quelques m tres puisqu il s agissait pr cis ment d en faire un lieu consacr L difice qui avait travers la r volution fran aise et dont l architecture avait t par quelque chroniqueur local qualifi e de seigneuriale l avait imm diatement ravi Ce qui l tage taient pr sentement la biblioth que et la chambre noire avait t primitivement une chambre coucher courant d une fa ade l autre la cloison de planches instaurant la division des deux espaces n avait assur ment pas plus de trente ou quarante ann e
150. corps machine ou du corps denr e est un d fi qui m a toujours paru essentiel La sexualit est un lieu fondamental parce qu il est celui d un extr me de l tre d une limite et d un fondement D une origine d abord c est l d o nous venons c est l o se reproduit la vie pour le meilleur et pour le pire elle est la sc ne primitive Ensuite elle est le lieu d une tentative d abolition des limites je ne parle pas de la sexualit devenue loisir ou vacance mais de celle dans laquelle l enjeu n est pas seulement le plaisir consum riste mais la p n tration de deux tres finis discontinus qui cherchent sortir d eux m mes pour atteindre l extase le hors limite un bouleversement qui cherchent abolir leur discontinuit sans abolir leurs diff rences Enfin la recherche de la jouissance et encore une fois la jouissance n a pas n cessairement voir avec le plaisir ou en tous cas ne peut se r duire au plaisir sans perdre son enjeu est sans doute le moyen de tenter de sortir de notre condition de notre mis re Bien plus elle est peut tre le seul enjeu des relations entres les hommes pas seulement entre les sexes et l conomie et la politique ne sont peut tre que la formalisation sociale organis e de la lutte g n rale pour la jouissance L est sans doute l essence du pouvoir La distinction des genres La distinction des genres en g n ral ne me para t pas pertinent
151. cors qui soient des lieux r els et non plus de travailler en studio mais aussi travers le visage ce qui n est pas l poque un enjeu compl tement nouveau pour moi de p n trer l tre de p n trer l int riorit parce que je crois que si j ai autant d acharnement travailler sur le corps en g n ral c est parce qu en fait l enjeu n est pas tant la peau que ce qui peut y avoir sous la peau c est dire je suis mat rialiste philosophiquement et je ne pense pas qu il y ait quelque part une me qui soit au del du corps et je suis bien oblig de penser que cette pens e que cette conscience cette alt rit cette conscience de l autre elle est quelque part dans sa peau ou dans ses tripes ou dans sa chair et que l enjeu de cette confrontation obsessionnelle la peau et au corps et la chair c est l existence de l autre et la confrontation de sa propre existence l existence de l autre c est dire qu est ce qui peut se passer quand on frotte des existences comme on frotte des peaux Le projet est d abord un projet qui s aventure comme tous les projets en tentatives exp rimentales ce qui aboutit un moment o le dispositif est fix Pr cis ment ce moment je rencontre Jade une jeune femme qui deviendra ce que j ai appel dans un terme tr s dix huiti miste mon amante et partir de l Visages va devenir le projet du travail sur elle et moi c est dire le p
152. coup e fractionn e suintante mouill e masqu e de transparence Les creux et les pleins image claire de l clat n gatif du noir viol s en leur secret blouissante blancheur des volumes Le corps est jaillissement et criblure palpitation glac e o la chair s absout se d compose et rena t la vie des formes L eau est glace qui se fige l eau est laitance qui enveloppe l eau est l pre qui d vore la peau et chaque goutte porte son ombre noire sur le blanc Atomisation du corps atrophi court d coll ruisselant ab m fascination qui d coupe en gros plans ce corps arr t mutil L eau gratigne le corps Elle est sang Morsure au corps de cette eau en mouvement claire limpide cristalline liquide et glace Bombe La peau perd son lissage comme un torrent de boue LAUDE B L GOU CRITS SUR LA Le corps corps Corps br le d une chaleur qui le hante Corps vibre d une lumi re qui l habite Fr mit circule change cherche sa place Dans l espace bouge S alt re Chaque instant se recompose se refait un visage Se dessille vacille Tombe la renverse Se donne se pr te se r fl chit Larmes de l me Lames de larmes S habille se cache se d v t s ouvre se ferme S ouvrent se ferment yeux bouche sexe mains cuisses bras S articule articule les mots les morts les marques les cicatrices les plaies Br le bascule d un poids qui
153. d accouplements Mais il ne se serait jamais jet dans la danse Jamais il n aurait pu jouer et se jouer ainsi Lorsque des heures eurent pass es ce qu il les fantasma dans une ambivalence de d sir et de m pris car n tait ce pas m prisable de se laisser aller s tourdir ainsi de condescendre se distraire de l horreur du monde et de la lenteur du temps N y avait il pas de la l chet et que l on n entendit plus la musique il eut une bouff e de soulagement le silence enfin venu par del cette journ e en vain agit e bruyante trop humaine telles il les avait en horreur Peu apr s il per ut le moteur de l ascenseur sourdre s arr ter recommencer la porte de la machine s ouvrir brusquement se clore de son poids m tallique puis des pas irr guliers des voix s effor ant de chuchoter mais trop haut trop excit es pour y parvenir qui s approchaient riantes une clef dans une serrure si pr s qu il pensa un moment que ce put tre sa porte qu on allait ouvrir Il arr tait de respirer malgr lui coutait C tait dans la chambre c t qu ils p n traient sans aucun doute Ils taient enfi vr s d avoir trop dans bu aussi peut tre Ils s taient connus toujours et taient amants de longue date ou s taient rencontr s cette nuit l juste pour cette nuit l Qui alors avait pr m dit la chambre l h tel Il ne pourrait pas le savoir il ne pouvait
154. d autres images fixes celles du dessin et de la peinture par rapport d autres modes d expression comme la musique ou l criture Cette mani re dont l id ologie joue sp cifiquement dans la photographie se situe en effet par rapport une imm diatet mais aussi dans le rapport de l image photographique au r el et encore dans l introduction des automatismes Le peintre fut il lt lt du dimanche gt gt et ne fit il que r p ter un n o impressionnisme affadi le musicien le sculpteur l crivain etc m me l o ils disent suivre leur inspiration n ont jamais affaire une production imm diate et se heurtent inlassablement des difficult s d ordre manuel voire corporel habilet force dext rit qui tous moments les interpellent et demandent leur r flexion La peinture est notamment un mat riau qui offre beaucoup de r sistance et tous moments impose de d lib rer sur des choix qui m me s ils sont v cus sur un registre faux par exemple probl mes esth tiques v cus comme techniques sont un lieu privil gi du travail id ologique par lequel cette derni re s labore et se transforme se pense Une des sources essentielles de cette r sistance est la virginit originelle de la toile qu il s agit de couvrir en une succession de touches tout comme les mots sont ordonner les uns apr s les autres Or la technique photographique n offre pas cette r sistance parce que l on a a
155. d objectivit des choses soucieux de l objet et de son chelle on place couramment un bonhomme dans le champ pour situer les dimensions pose face ses pyramides sa pyramide lui son tr pied et face la chambre fun raire ouvre sa chambre noire Les images de l anglais Frith notamment sont extraordinaires de frontalit et d une appr hension monumentale de l espace De par l importance que ce photographe accorde au vide c est dire au ciel tout comme certaines images de Du Camp sont manifestement des t te t te Et ainsi que l crit Pierre de FENOYL dont nous avons le bonheur ces quelques semaines d exposer les images l Egypte est pour moi comme une entr e en mati re car il s agit de mati re plus encore de pierre et de cette mati re qui donne vie et volume la pierre et la photographie la lumi re Images cultiv es ces photographies de Pierre de Fenoyl nous ram nent la monumentalit statique de la photographie primitive mais leur utilisation de la lumi re leur point de vue est bien videmment moderne elles nous am nent dans un jeu de cache cache dans lequel l ombre se taille la part belle Il s agit de surfaces aussi et de b ances Il s agit d une sorte d autre empire des signes d avant la lettre l o l criture tait encore un peu image S y superposent les signes les stigmates du chaos moderne le pillage des arch ologues pour mus e
156. d quate aux exigences de l illusion d une repr sentation objective et tait li e aux nouvelles valeurs en m me temps qu la nouvelle structure conomique reproductibilit de l image par le tirage mais aussi la facilit faire des plaques d imprimerie d industrialisation du proc d dans toutes ses phases Davantage encore de cr er rapidement une nouvelle esth tique et de nouveaux canons de repr sentation le temps de l all gorie Nattier et ses portraits all goriques au dix septi me si cle est r volu et la mode est au r alisme et l action D j les portraits peints de Napol on par Ingres annon aient ces nouvelles valeurs On peut s en tenir une repr sentation fortement codifi e mais ne faisant plus intervenir autre chose que le r el sensible il n y a plus d anges mettre en image On ne solennise donc plus tant en apparat que dans l action ou l apparence d action dans l exercice social Enfin partir de 1885 les publications p riodiques utilisent les photographies Si la photographie est h riti re de la fonction de solennisation ce n est donc pas seulement travers la repr sentation d hommes illustres ou de ces temps forts voqu s plus haut mais encore davantage parce que son essor li celui de l imprimerie comme le fut sa lt lt d couverte gt gt va permettre le d veloppement de l instantan au sens technique du terme et du photo journalisme
157. dans la r alisation d une uvre et est ce qu on l a engag e tel point qu on est bien en mal et bien en difficult de discerner la part de la vie et la part de l uvre J aurais pu commencer comme Freud commence Ma vie et la psychanalyse c est dire vous racontez ma petite enfance en quelques pages vous dire que Jj ai t un l ve brillant jusqu la fin de l cole primaire o soudain et l la similitude avec Freud s arr tera peut tre mais on la retrouvera sans doute ailleurs j ai arr t de m int resser la r alit c est dire que Jj ai arr t de m int resser en particulier l cole mais je crois que j ai arr t de m int resser la r alit en g n ral En quelque sorte la r alit s est bris e a brusquement perdu son innocence Je me d finis donc pour reprendre l expression de tout l heure comme un photographe de la Cosa mentale je dis souvent qu on ne photographie que ce que l on a dans la t te et non pas le r el et le sens de mon travail c est aussi d assumer jusqu au bout de l assumer m me contre les courants id ologiques qui moment donn peuvent tre dominant dans l art contemporain c est d assumer jusqu au bout notre subjectivit c est dire qu il y a un parti pris qui est pour moi d ordre philosophique c est que nous sommes vou s la subjectivit nous ne pouvons pas en sortir et toute pr tention l objec
158. dans le corps Puisque ce ne sont pas tant la sexualit ou l existence ou la mort qui sont repr sent s que le sentiment int rieur de l un ou de l autre et pire le m lange indissoluble de l un ou de l autre Que ceci soit mis en image dans une esth tique une photographie violentes passionnelles mais aussi infiniment pr cise d une pr cision toute photographique mais o la photographie elle m me se trouve subvertie vers sa limite celle du noir du lt lt rien voir gt gt voila ce qu ils ne peuvent supporter d tre confront s l image de leurs conflits de leurs d sirs et de leurs noirceurs Ce que c est qu tre Que cette oeuvre se diff rencie entre trois auteurs la fois indissolubles et diff rents voila qui en met d autres mal laise Que cette photographie soit et dise pr sence au monde v rit optique incarnation de l invisible voici qui les ach ve Car l oeuvre ne r sout rien n affirme rien elle ne fait que ressasser et raviver les plaies ternelles et les espoirs ternels L art est l extr me oppos de la culture et de la communication de la m diatisation l art n existe que dans le vertige le sublime Le vertige de l art et le vertige de l tre ne sont qu un Ce sont ceux encore du n ant Ainsi prend sens le travail de Florence Chevallier travail d autoportraits o r gne avant tout la perte de l identit la n antisation d
159. de l autre la convergence de leurs oeuvres marqu es par une approche exacerb e du corps et de l existence ils se r unissent en Janvier 1986 sous un m me manifeste La photographie est affaire de surface d apparence de donn voir S attacher la surface des choses la peau fleur d nud e tendue vive vif S attacher cette mati re du corps l o s offre la fragilit de ses limites limites du dehors et du dedans de la peau et des entrailles l o elle se met en p ril et met notre ext riorit en crise en d sir Crever la surface Crever le corps Ce manifeste accompagne leur premi re exposition Nus voil s Nus froiss s Nus autoportraits Et d s lors ils m nent ensemble leurs projets r alisant leurs prises de vues s par ment mais dans une confrontation intellectuelle et morale incessante Le groupe associant dans son titre pessimisme et esth tique revendique un travail sur les limites du photographiable l intimit l int riorit la sensation l interdit le sacr comme du photographique la noirceur le flou la coupure l illisibilit le tr s gros plan ainsi qu une prise en compte par l artiste du tragique humain 1987 voit la cr ation du Corps Corps exposition scandaleuse imm diatement censur e qui ne pourra tre montr e qu en 1989 notamment Paris gr ce au soutien de Bernard Lamarche Vadel Jean Claude Lemagny et Pierre Borhan dans la revue
160. du d dale 1727 m2 12 pi ces couloirs et l escalier 5 chats et onze parterres de fleurs 2 poteaux lectriques 32 arbres et des milliers de brins d herbe des millions de racines des centaines d oiseaux limaces et taupes etc M tres carr s enclos ceints et pourtant au monde d une cl ture impossible o s accomplit le cercle perp tuel de ce qu il est advenu de la nature Textes crits pour l exposition Existences 1996 Le corps L t est lourd et br lant d une canicule sans tr ve Cette nuit de chaleur moite dans l appartement abandonn leur seule ivresse enivr e de cet affranchissement de ses treize ans saoule des allers et venues bruyants du contrebas nocturne de la rue criarde et sonore des t s affol s gris e de son propre d sir qui affleure elle parle soudain Brise le silence de leur enfance muette et calme touff e au centre de la simple et irr ductible sc ne familiale ne peut plus ne pas se r pandre en une logorrh e sans fin au milieu du noir juste pris des lampadaires deux doigts de la fen tre sur les trottoirs coup s de cris stridents de ces t s trop chauds o plus rien ne peut contenir le trop plein lentement longuement accumul des vivants D elle aussi la fi vre et la nuit et l appartement o ils sont seuls couch s dans les lits c te c te fait s veiller la folie et se r pandre l exc s bouillon confus du cr ne et de
161. e dans la cr ation d image Art et photographie taient d cr t s comme contradictoires ce que la loi tout comme le discours des peintres ent rinait all grement A ce titre les premiers d veloppements du portrait Nadar Disderi tout comme ceux de la photographie de voyage Les pyramides de Frith le recensement des monuments historiques par Le Gray etc Les d buts du reportage avec Fenton r pondaient aux exigences de l id ologie en m me temps qu ils permettaient la photographie d prouver sa capacit mim tique ce qui du point de vue de son histoire tait un stade aussi n cessaire que le servage dans l histoire des rapports de classes Tout le reste ne pouvait se constituer que par une s rie de transgressions des interdits pos s par cette id ologie Cette difficult pour la photographie merger du cadre strict de fonctions sociales pragmatiques fonction documentaire r f rentielle valorisation de ce qui est photographi et se d velopper autour d une probl matique autonome n est d ailleurs pas sp cifique ce moyen d expression L criture a servi aux registres d esclaves avant qu la litt rature et la po sie la peinture la magie avant qu l tape de la renaissance ne se solidifie son statut artistique Aujourd hui encore les deux fonctions continuent de s affecter contradictoirement tandis que l essor de l image anim e t l vision cin ma dans la diffusion
162. e juste silence hors du bruit des fureurs de pouvoirs et de barbaries de g nocides et de lib rations L effrayant silence min ral celui des b tes couch en chien de fusil seulement sentir la pluie froide vous p n trer malgr le sommeil et n avoir pas en parler Accepter de se taire et ne pouvoir comprendre d tre un corps pesant fatigu et qui lutte obstin ramen l intemporel et la perte une intimit hostile avec le monde Devenir ermite o il n y a plus de transcendance trouver Telles sont les histoires que l on se raconte dans le d lire de solitude Mais partir ainsi est encore marcher sur les traces laiss es par d autres hommes malgr le temps qui me s parent d eux Ces sentiers sem s de cairns ont t trac s jalonn s us s parfois inscrits dans l histoire d autres vagabonds nomades sentes de mille ans qui ignorent le progr s mais savent l obstination Et pour les hommes choisir de faire oeuvre Telle est la dialectique de cette perte Nous ne pouvons aller aux lisi res de l humain que pour en explorer une limite Puisque ce faisant je photographie j endosse d inscrire ceci dans l histoire humaine je m obstine chercher encore le plein Penser que l art n tait plus possible que cela en tait fini a t l ultime effroi de ce voyage Dissout comme le reste comme le quotidien le vivant au plus fort de tout nihilisme Que tout ceci ne soit qu
163. e la richesse ne sont rien d autre que la lutte pour la jouissance sexuelle in fine Tout le reste n est qu habillage d guisement laborations secondaires subtiles strat gies et tactiques Si l homme a triomph si il a impos sa loi la terre aux animaux son environnement au reste du monde vivant et inanim ce n est pas seulement par sa culture et sa brillante raison c est aussi par son extraordinaire agressivit par sa cruaut d brid e Il n a pas domin parce qu il tait le plus raisonnable mais parce qu il tait le plus violent parce qu il a mis sa raison au service de sa violence parce que son intelligence a toujours t davantage au service de sa perversion et de ses crimes que de son l vation Parce que sa raison a toujours t au service de sa recherche de jouissance Ce n est pas en dieu que l homme a trouv la meilleure expression de son image mais en diable C est toujours dans la partie droite du Jugement Dernier que le peintre se pla t d velopper le plus de plaisir d application d imagination et Van der Weyden ne fait pas exception Nature contre nature hiatus dans le monde vivant l homme est la monstruosit accomplie Au milieu de ce terrible tableau j ai longtemps que les femmes sur terre taient l incarnation des anges Victimes face au bourreau machiste Celles par qui la r demption tait possible et les hommes le genre masculin
164. e tout en sachant que l on ne peut ni en sortir ni ne pas chercher s en vader L art en g n ral et les images participent de ce d risoire c est dire de notre condition essentielle C est aussi ce d risoire qu il convient de mettre en sc ne en image Quoi donc mieux que la photographie peut prendre en compte le caract re contingent de toute existence de tout r el de tout fragment d tre elle qui est toujours rencontre Mais l art contrairement aux pr tentions de la religion ou de la politique ne sauve de rien et ne pr tend sauver personne ni rien r soudre Proclamant cette vacuit de l tre la pens e se trouve naturellement vou e l errance et la justification de l activit cr atrice ne peut r sider que dans ce qu elle est m ditation sensible de cet tat lacunaire et tragique Donner penser penser l humain plut t que de s assujettir le nier en demeurant dans le calque des ph nom nes id ologiques et institutionnels qui le nient malgr lui doit tre le destin d un art la fois mat rialiste ath e et pr sent La sp cificit et l int r t de la photographie r sident dans le corps corps tragique avec le r el qui est l essence m me de la photographie en tant que processus de captation de l sa r alit captivante en tant que vou e un tat de choc permanent entre les contingences du monde et l accomplissement de la pens e cr atrice de sens Pa
165. e vexation et une b tise elle est aussi un profond contresens sur la signification de notre oeuvre Elle n est toutefois pas la premi re qui s exerce sur NOIR LIMITE L exposition lt lt corps corps gt gt avait t annul e en 1987 la Maison de la Culture de Bourges en France Parce que l oeuvre NOIR LIMITE ne cesse de parler de l Homme de l tre de l me en la chair de leur violence elle suscite autant d effroi que d attirance et de respect C est donc du sens de l oeuvre NOIR LIMITE dont nous voudrions vous entretenir maintenant cela seul vous importera autant qu nous Quant aux censeurs laissons les leur m diocrit tout en demeurant vigilants aux privations de libert dues aux fanatismes de toutes sortes Du noir de la noirceur Que photographient Florence Chevallier Yves Tr morin Jean Claude B l gou Des corps des corps fragment s d form s mouvement s accoupl s voil s mouill s enterr s brouill s maquill s extasi s paroxystiques des corps dans leurs limites supr mes autant vif que morts autant en jouissance qu en d perdition emm l s extirp s dans leur existence nue Des corps la limite du dehors et du dedans en une vision quasi endoscopique la surface t nue de leur peau avec une pr cision fr quemment de chaque pore chaque goutte d eau chaque structure des membres Corps d hommes de femmes corps au del d eux m mes corps h
166. e bruit et le mouvement qui se r p tent tout le long du film chaque fois que l on change de photo De photo et non seulement d image La photo est une chose L image vid o je ne la tiens Jamais La photographie est corporelle elle fonctionne au mieux comme f tiche La notion d original est pleine Comme toute image mat rielle et fixe la photographie vaut aussi en tant que sa perception est imm diate en opposition la lecture ou bien la perception d un film ou d une vid o Ceci lui pr te un impact propre Je peux voyager sur des d tails de la photo mais sans jamais perdre de vue sa globalit Elle est fixe non seulement parce qu elle ne bouge pas et qu elle a immobilis la fraction de seconde ou de minute mais de toute fa on une dur e ramen e sa qualit propre analytico synth tique elle d compose mais en m me temps elle ram ne une unit du mouvant mais parce que non lin aire totale Par nature toute photo est classique unit de lieu de temps d action Que peut d s lors induire un travail de d composition par mouvements optiques tels que travellings ou panoramiques ou par d compositions informatiques de la photo par la vid o La photo est une dur e durante la vid o une dur e d roulante Avec la photo je prends le temps que je veux je bricole la production puis je la regarde ou non autant de temps que je veux alors que la vid o m impose son temps en quoi elle ne dif
167. e celui de la douche dans la salle de bain ou celui du m nage dans la salle manger partir du travail sur les planches contacts j ai tir un choix d preuves puis chaque photographie a t choisie isol ment d abord pour sa seule r alit intrins que sans consid ration dans ce premier temps de sa capacit former sens avec une autre s assembler s ins rer Ceci pour viter toute complaisance toute facilit l gard d une image Mais en m me temps le choix de la composition en triptyques s est impos d s les r sultats de la premi re prise de vues Erres tait d j compos enti rement en diptyques triptyques polyptyques pour former des sc nes compos es pas tant de fa on s quentielle que le plus souvent comme des variations quasi musicales des points de vues ou des moments sur une m me situation Mais aussi les associations se sont faites partir des lumi res des mati res des compositions des images De nouveau ceci pourrait rapprocher ce travail d une criture cin matographique d autant lorsque les photographies sont superpos es les unes aux autres ainsi que sur des fragments d une bobine film de cin ma Pourtant il n y a nulle lin arit comme dans l criture ou le film o chaque image vient l une apr s l autre seulement lorsque la pr c dente a disparu Ici toutes les images sont donn es d un coup et fonctionnent comme ensembles Chaque pi ce de l o
168. e du tout Parce que la distinction des genres c est finalement la distinction acad mique des sujets et que la question de l art n est pas tant celle du sujet du motif que celle de la forme Que je photographie de l herbe ras du sol allong sur la terre ou un corps l appareil pos sur le corps ou les lignes d un journal on retrouvera les m mes lignes de force du jeu sur l ombre sur la mise au point sur la mati re Si on regarde toute l histoire de la peinture on y trouvera sans cesse les m mes sc nes repr sent es mais qui donnent lieu autant d approches diff rentes et parfois oppos es Ensuite cette distinction des genres r pondait une hi rarchie id ologique de c l bration du monde en haut de l chelle la peinture d histoire religieuse ou civile puis au second rang les peintres de portraits enfin les peintres de genres de paysage de nature morte etc Et ma volont n est vraiment pas de c l brer le monde mais de donner le penser ou le sentir plus profond ment l interroger mettre les pieds dans le plat le couteau dans la plaie et dans la plaie du plaisir m me si l on veut mais ni fournir des discours de glorification ni assujettir une id ologie C est enfin une distinction r ductrice parce qu elle oppose par exemple le visage au corps tablit une hi rarchie entre les deux le haut et le bas l me et la chair Or d abord l image du visage
169. e en parfait souvent les contours la couleur vive chantante a supplant les d goulinades et les r seaux obscurs elle s duit elle s est faite vive l g re innocente parfois Poupel semble prendre l air il herborise nouveau Jean Jacques Rousseau d une nouvelle H lo se fait danser les fleurs Les plantes et les fleurs la peinture de Jan Brueghel Henri Matisse s y tait jadis d lect e dans de gracieux bouquets des natures mortes d coratives et ornementales des vanit s des vases Plus froide la photographie s y tait confront e travers le travail extr mement dense de Karl Blossfeldt L ouvrage de Blossfeldt comportait un nombre cons quent de photographies de plantes vues en tr s gros plan agrandies et visant essentiellement mettre en vidence leur ordonnance leur structure en esth tisant la repr sentation pour les montrer comme fondements naturels des formes architecturales et artistiques Dans les plantes Blossfeldt exaltait la nature et l ordre l organisation parfaite la beaut du monde il cherchait le registre syst matique des formes ancr es dans une r alit objectivement existante Pourtant comme dans toute objectivit apparente ancienne ou nouvelle se cachait une effective subjectivit d lirante d appropriation et de mise au pas de contention de refoulement Mais davantage qu aux natures mortes anciennes ou modernes et qu aux fantasmes objectivistes de la photographie le
170. e fixe sous le menton Juste une bague Encore frotte les yeux puis nouveau le visage le front les l vres revient pos e sur la cuisse Les yeux ouverts regard vitant le mien forc ment mais impossible rester indiff rente comme si de rien n tait ou fait semblant Un doigt se pose en travers des l vres vertical Puis plus rien Puis les jambes sont nouveau tendues peine ouvertes les deux mains la gauche caressant l index de la droite dans un mouvement automatique rejointes sur elle Puis plus rien Mouvement baille croise les mains humecte les l vres Les yeux vacillent ne peuvent plus se clore MANIFESTE NOIR LIMITE DIT DE RIVA BELLA Quant moi te mes lunettes visage plus flou davantage proche encore elle baille Vendredi 27 Novembre nous devions inaugurer la Maison de la Culture de Bourges Cette premi re fois 1l ne s est rien dit P lt FU net l exposition Corps corps dont vous voyez les pi ces ici rassembl es Ni la derni re non plus Cette exposition n a pas lieu annul e la veille par la direction solidaire dans son ensemble de la Maison de la Culture de Bourges avec laquelle pourtant un accord pour cette pr sentation avait t conclu il Texte crit en 1987 lu dans le noir en d but et fin de l intervention audiovisuelle dans y a onze mois les soir es du Mus e Niepce Ch lon Sur Sa ne en 1987 et repris dans le catalogue des nuits Sade l
171. e la cadre je me vise Notre r gle tait qu elle se livre et que je la prenne Nous tions l enclos en nous m me pour les images Ces images parleraient de ce furieux d sir de proximit et de cet cart irr ductible de la relation d amour de ce que nous tions l un et l autre autre pour chacun Elles maneraient de notre volont de faire oeuvre de notre intimit Texte crit pour ma participation la manifestation S LEST ART jeune photographie S lestat COMMUNIQUE DE PRESSE DE DISSOLUTION NOIR LIMITE Le groupe Noir Limite constitu en 1986 par Florence Chevallier Yves Tr morin et Jean Claude B l gou a d cid lors de sa r union des 6 et 7 Avril derniers Saint Malo de sa dissolution Cette d cision m rement r fl chie puisqu inscrite dans le projet m me du groupe et d cid e dans son principe d s Mai 1992 est d sormais rendue ex cutive Elle prend acte de la singularisation des parcours esth tiques de chacun ainsi que de l ampleur grandissante des projets individuels rendant impossible la constitution d un nouveau projet commun d exposition et d dition Jean Claude B l gou Yves Tr morin et Florence Chevallier s taient rencontr s en Arles en juillet 1984 constatant d un c t la sp cificit tant l int rieur du milieu de la photographie que de celui des arts plastiques de leurs travaux et de l autre la convergence de leurs oeuvres et pr occupati
172. e la lumi re telle qu elle se dessine telle qu elle brille autour du corps qu elle rayonne et vibre immobile En cela c est aux images pr c dentes d Y VES TREMORIN de La Mort gros plans de pieds et de mains d oeil ces reliques de l invisible qu il faut relier esth tiquement le pr sent travail comme vision d un au del de la simple pr sence de la simple prise Mais galement cassure et fragmentation il faut le comprendre la suite des nus froiss s lumi res sur le papier pli model sur le corps bris de m me que dans sa s rie du Corps corps l clair du flash violent brutal s av rait comme une coupe sombre oeuvrait comme un scalpel m me la peau r ceptacle de chair d grad Ici au contraire la lumi re mane du corps qui rayonne vibre de la vibration respiratoire incantatoire de l tre Aussi ces photographies sont doublement nues le corps nu est la ligne de partage de l ombre et de la lumi re Hormis cela il n y a rien en cela il y a tout Cette image de la d esse prend force encore dans les courbes dansantes des silhouettes les plus anim es semblables aux figurations indiennes et riches de l abstraction venue d Afrique Alors le corps est entre l animus et l anima symbiose des p les ligne flottante l horizon de l incarnation Et c est de la fragilit de cette ligne de cette pr carit du contour qu mane cette infinie sensati
173. e les artistes d un c t les amateurs cuisiniers les peintres d Honfleur de l autre les cr ateurs L art n est pas un passe temps ni un gagne pain ni de la d coration ni une th rapie Ceci ne veut pas dire l inverse que toutes les techniques se valent et s quivalent non en terme de valeur quantitative ce faux d bat du m dium pauvre mais de qualit s propres La technique photographique est une technique de prise Ainsi les mat riaux et le processus photographiques offrent ceci de particulier d offrir une faible r sistance au projet d inscription du photographe compar e d autres techniques d images celles du dessin et de la peinture ou d autres expressions comme la musique ou l criture Le peintre le musicien le sculpteur l crivain etc m me l o ils disent suivre leur inspiration n ont jamais affaire une cr ation imm diate et se heurtent inlassablement des difficult s d ordre intellectuel manuel voire corporelles habilet force dext rit qui tous moments les interpellent et demandent leur r flexion Or il n y a pas de cauchemar de la page ou de la toile blanches pour le photographe la technique photographique n offre pas cette r sistance angoissante parce que l on a affaire une captation parce qu il y a un appareil C est dire que le processus mat riel des mol cules chimiques r agir la lumi re par exemple ou des rayons lu
174. e mort C est un corps tragique tiraill entre des contraires irr conciliables C est un lieu de trouble d motion de mise en mouvement des sens De fascination ou de r pulsion d rotisme au sens o Georges Bataille le d finissait de transgression Blanchot crivait que face au cadavre on ne pouvait demeurer indiff rent car il tait l nigme de ce qui la fois tait et n tait pas On ne peut pas tre davantage indiff rent au corps vivant Non seulement parce qu il est chair donc mouvement m tamorphose pulsion respiration mais aussi parce qu il nous regarde que face lui nous sommes chair et vie Mais aussi il merge de la chair un immense d sir d y toucher de sentir cette respiration cette chaleur cette capacit se transformer se d rober toute identit Bref sortir de soi m me Mais le rapport la chair c est galement un rapport de regard regard Le corps attire le regard parce qu il voit et sent pense parce qu il regarde Le probl me du corps est donc toujours aussi celui de la solitude de l enfermement Parce que ce corps vivant demeure toujours un myst re pour qui le regarde sa r alit se cache au dedans de lui m me et que quoiqu il fasse il ne peut jamais sortir de lui m me et se livrer tout entier il est une cl ture Ce que je refuse L image d un corps objet dont toute dimension consciente toute libert seraient t es qui serait asservi ou c
175. e ne sens plus le chaud ni le froid ni ne prends dor navant le temps de me nourrir Ce corps est comme mille ans que je tra ne et mille ans pour toi sont pour l esprit comme un jour G W F Hegel A tout jamais il me semble s est rompu le fil de ma pens e Tu vois et cependant plus rien en toi ne bouge ne ressens plus nulle vie Vous tes toute de noir v tue mais je ne vous connais pas pour pouvoir partager votre deuil ou c l brer votre joie 15 Mai journal Je regardais le film dont je n avais pas vu le d but et n y pouvais comprendre rien Mais a t on jamais vu le d but de la vie 5 Juin journal Comme une barre diffuse dedans en travers des yeux Davantage encore quand je regarde la lumi re le ciel Ecrire c est essayer de faire comme si les choses les faits et les gens mon cr ne autant que mes rotules pouvaient nouveau se dire s noncer Comme si il y avait nouveau ce savoir ce pouvoir d noncer les choses comme dans ce langage hach que j ai seulement peine par lueur atteindre Chambre noire antichambre de la mort Caveau o le temps n est plus compt Bouge illumin de sombres lanternes rouges Les voyages d placer du vent du vide 7 Novembre 1985 notes La photographie est affaire de surface d apparence de donn voir S attacher la surface des choses La surface tendue la peau fleur D nud e vive vif L o la surface se me
176. e ou de la pens e et comme telle est finalement une pens e qui se nie elle m me comme niant qu elle doive tre elle aussi son tour d pass e Au logique on pr f rera donc d sormais le bio logique qui lui aussi se d veloppe mais en quelque sorte sans queue ni t te All gorie La dialectique est bien s r une figure en triade Sur une liti re d hommes et de femmes mutil s et mortifi s repr sentant toutes les g n rations pass es une femme accouche et meurt en accouchant se trouvant ainsi ni e par la vie qu elle met au monde Les petits car 1l s agit de jumeaux braillent en s affrontant d j tandis que la m re agonise la sc ne est terrifiante mais aussi d mesur ment sensuelle Les b b s gesticulent en un corps corps furieux entre les cuisses ouvertes et sanguinolentes tandis que le corps renvers et extatique de leur m re encore dans la fleur de l ge est agit de spasmes et que son visage d j vieilli se r vulse En arri re plan les m mes enfants dont l esprit est enfin devenu conforme la raison s loignent r concili s libres le regard haut et heureux ayant atteint les lendemains qui chantent C est la tomb e de la nuit dans le ciel la chouette de Minerve oiseau de la sagesse prend son vol 28 9 99 texte propos Dany Leriche pour sa collection d all gories contemporaines publi dans le catalogue 2000 Dany Leriche Galerie de France prise Toute photographie est ai
177. e personnage invent par l crivain peut tre connu de lui in extenso parce qu il n existe que dans sa t te est un fragment de sa conscience imaginante il n en est pas de m me du mod le du tableau de la peinture ou de la photographie qui lui est ext rieur corporellement Certes l crivain peut avoir des mod les de ces personnes de rencontre ou ces intimes qui l inspirent Et le peintre ou le photographe un personnage id al qui hante leur imaginaire et fa onne autant la repr sentation que le mod le en chair et en os Interf rent dans l oeuvre le mod le r el r f rentiel et le mod le fictif imaginaire Le premier est externe l Artiste le second lui appartient Le premier est dans un rapport de discontinuit mentale le second en co ncidence mentale D une certaine fa on on pourrait dire encore que le mod le r el est transcendant et le mod le imaginaire immanent Entre l crivain et le plasticien c est donc l ordre la pr pond rance et non la nature des cat gories qui va op rer L crivain met en sc ne un personnage immanent le peintre peint son image mentale d un personnage transcendant et le photographe prend un personnage r el dont il rend l image ad quate son image mentale Le mod le du photographe est un m dium charg d incarner son imaginaire Ainsi se confirme que tout Portrait soit aussi symboliquement un Autoportrait Le propos de visAGESs n est
178. e que la pr c dente Premier apr s midi je fais rapidement un test je regarde sur cran ce n est pas tr s bon elle est trop th trale et la photographie ce n est pas du th tre on est dans la proximit l appareil fr le souvent les corps pas dans la distance de la sc ne Il s agit d tre et non de jouer Cependant je me raisonne me dis que tout a doit pouvoir voluer et s am liorer et qu on doit pouvoir faire quelque chose Le lendemain nous commen ons donc avec elles deux De nouveau ce matin l une belle lumi re entre dans la maison Quelle chance j ai d cid ment Mais ces changements de lumi res permanent ne sont pas favorables l unit de la s rie Il fait froid tr s froid elle grelotte litt ralement il faut dire qu il est tomb de la neige et qu il fait effectivement sacr ment froid a ne favorise pas la d tente Mais sit t le soleil parti cause de la neige au dehors la lumi re dans les pi ces est blafarde Je ne sais pas si c est pour a que je pars dans une toute autre direction ou parce que cette fois j avais d cid de jouer la carte de la distance entre les deux corps plut t que de l treinte et de l tendue dans l espace plut t que du plan serr Pour les prises de vues j ai repeint la pi ce d orange je l ai fait devenir grise Et une autre pi ce caf au lait Couleurs plus neutres qu auparavant a m a pris quinze jours
179. e repr sentation du pouvoir en m me temps qu une d mocratisation de la repr sentation Quant l opinion d une photographie rendant caduque la figuration en peinture et permettant cette derni re de s envoler vers le ciel th r de l abstraction regardons autour de nous les expositions de peinture contemporaine celle de BONNARD ou de BALTHUS de CREMONINI ou HELION les avait on refoul s Le photographe Charles NEGRE a t il donc emp ch COURBET et NADAR le peintre MANET En r alit c est qu une id ologie toujours soucieuse d une lin arit du progr s a voulu ignorer la pluralit du mouvement artistique N y avait il pas c t des Impressionnistes les Pompiers dont les tableaux sont si troublants d une proximit photographique et contemporaine Et la peinture de MALEVITCH ne coexistait elle pas avec la peinture m taphysique d un CHIRICO Un tel discours pour r duire la photographie un simple outil un rudimentaire levier permettant enfin aux peintres de faire autre chose n en a pas moins involontairement r tr ci le champ de la peinture L impressionnisme est bien davantage issu d une subjectivit lyrique n oromantique et des balbutiements de la physique et de la psychologie de la perception de la lumi re que d une d sertion de la repr sentation perspectiviste La photographie n est elle pas dans le Bauhaus ou le constructivisme des ann es trente devenue
180. e soi Maquill e travestie d capit e boug e refl t e brouill e corps m l s indicibles du corps corps l artiste donne de soi une image disloqu e o s impose l incapacit de l tre former une totalit int gr e soi au monde et aux autres D tresse d une com die d chue d multiplication des images contradictoires d elle m me les visages ce sont les questions de l identit et de l unicit qui sont pos es jusque dans le c r monial religieux de la mort Dialectique de l harmonique et du dysharmonique Ainsi se construit le travail d Yves Tr morin syncop l extr me m ticuleux pr cis frontal o les corps sont tour tour surfaces miroitantes si lisses la chambre close le corps corps que se lit leur d chirure imminente Ces d chirures de corps de visages sont au coeur des froiss s mais c est galement la photographie qui est atteinte pour tre sauv e dans ce geste int grant et d passant l iconoclasme de la modernit Travail sur ceux qui lui sont proches sur la v rit des tres g n riques la m re la chambre close encore pris dans une vision frontale d tach e violente La chair prise entre un regard froid r pulsif parfois et une fascination oculaire Et tour tour p nombre et silence Ainsi proc de le travail de Jean Claude B l gou corps dissout mais intact de souillure aux contacts des l ments mythologiques l eau la terre l air
181. e un art ou qu elle n en est pas un ce qui est le m me raisonnement qui confond technique et d marche L art n merge pas d embl e n est jamais assujetti une technique en particulier et suppose toujours de transcender les mat riaux La photographie lorsqu elle a cru trouver dans une fonction sociale imm diate un certain reportage engag ou concern le moyen de lier cr ation et r sistance n a fait que d serter le premier champ Car la r sistance ne saurait se contenter de r sider dans le montr le contenu et encore moins servir des id ologies elle doit avant tout tre esth tique formelle On mesure trop aujourd hui les effets pervers de la surench re de l horreur acad miquement photographi e C est sans doute du c t d une s duction perverse d un plaisir entach d une esth tique la fois blouissante et insoutenable que nous devons chercher cette r sistance Sans illusion sur cette capacit de r sistance ne pas tre neutralis e un jour par le Pouvoir Aussi l art n est il pas la culture et encore moins la culture au sens troitement politicien des notables l action culturelle qu elle fut de gauche ou de droite qu elle soit imagin e comme moyen d panouissement des hommes outil de prise de conscience ou outil d int gration sociale et de neutralisation des conflits La culture int gre construit happe syst matise dogmatise l nifie L art dissocie les
182. ec l motion ce qui anime et fait bouger ce qui se meut devant la sensualit de la mati re Je cherche encore viser l intimus ce qu il y a de plus int rieur bannir la superficialit me situer face un mod le dans la perspective d une intersubjectivit on doit sentir la conscience Fuir en cons quence l anecdotique Photographier c est donc toujours soustraire le r el est toujours en surabondance Eliminer et choisir par la mise au point rejeter dans le flou amener sur le plan de nettet par la lumi re rejeter dans l ombre amener dans les hautes lumi res par le cadre s approcher aller l essentiel rejeter hors champ ce qui n est pas n cessaire Enfin 1l faut liminer et choisir par la perspective en creusant ou en ramenant au plan sans craindre de fr ler l illisibilit imm diate Ne pas oublier qu une image n est toujours au fond qu un plan c est aussi par le plan de mise au point les hautes lumi res le cadre que l on construit sa perpective et pas seulement par l optique Photographier c est se soustraire La fragmentation du corps C est d abord une focalisation le corps se parcourt il ne s appr hende pas comme une globalit On ne peut le tenir tout entier Il est inaccessible incompr hensible c est dire qu on ne peut le prendre le tenir toujours il chappe toujours il demeure une distance Il est donc quelquefois fragment par le cadr
183. eill l ensemble des dispositifs est voir de la part vid o mais galement auteurs c est notre th me nos sujets nos fa ons de les aborder nos dispositifs nos poses nos clairages nos approches du r el des corps etc nature de l image vid o La vid o est une image qui bouge Elle bouge d une part comme celle du cin ma en tant qu elle reproduit un simulacre de mouvement mouvements de la cam ra ou et mouvements de ce qui est enregistr Mais elle bouge aussi comme une sorte de scintillement de bombardement de balayages permanents et continus Le cin ma est une suite d images fixes il repose sur une composition cart sienne la vid o est une suite d l ments qui en eux m mes ne sont pas des images elle n est pas une succession d images fixes la bande vid o d file en continu et non en saccades M me un plan fixe vid o est quelque chose qui bouge visuellement ce qui n est vraisemblablement pas tranger au ph nom ne de fascination visuelle que la t l vision exerce optiquement mat riellement L image vid o est impalpable elle ne peut se toucher se tenir comme on tient une photo qui est un objet en soi ou m me un film cin ma L image t l visuelle est une image dont la lumi re vient de l int rieur on ne voit pas l image par r flexion mais par incidence Du point de vue de sa d finition elle est compar e aux images chimiques une image encore pauvre L
184. el de l artiste dans son oeuvre celle ci doit ob ir une n cessit int rieure La finalit d un artiste doit tre de construire une oeuvre un ensemble coh rent On pourrait aussi r pondre l artiste c est celui qui se confronte aux deux dimensions ins parables de l oeuvre d art la pens e et la mati re l intelligible et le sensible et oeuvre sur cette charni re Que la mati re soit musique mots ou peinture Mais je pourrais aussi r pondre c est le bouffon des temps modernes 3 On parle souvent de l art contemporain comme d un art litiste qu en penses tu D abord je ne suis pas s r que la principale caract ristique de l art contemporain soit d tre litiste mais plut t d tre acad mique Il y a un acad misme n o duchampien auquel ont t nourris des g n rations d tudiants artistes et d tudiants conservateurs et qui repr sente l art officiel Comme beaucoup d artistes n ont rien dire et beaucoup de conservateurs aucune conviction d fendre ils s entendent bien ensemble N oublions pas qu en France l Etat et en g n ral le politique intervient norm ment dans le champ de l art Dans ce domaine la r volution fran aise n est pas parvenue gommer tout fait les pratiques versaillaises Mais cet acad misme n est pas propre notre poque quitte humilier le narcissisme de nos contemporains c est une poque banalement acad mique
185. elle du corps marchandise qui se vend ou qui fait vendre ne valant plus que comme spectacle que comme image comme commerce de petits plaisirs celle enfin du corps machine technicis instrumentalis r ifi Bref je refuse toute image du corps d spiritualis c est dire qui deviendrait unidimensionnel redeviendrait simple tendue dans l espace ne serait plus habit de pens e Ce qui plus que jamais nous menace depuis la d sacralisation des prostitu es en passant par l assentiment aux tudes d anatomies et que l on pense au r le de cette sc ne chez Rembrandt jusqu au commerce d organes Une soci t qui ne respecte plus la mort peut elle encore respecter la vie Une soci t qui ram ne la relation sexuelle une consommation de loisir sans enjeu peut elle encore tre vivante Une culture qui ram ne le corps un objet technique interchangeable manipulable ce qui nous attend avec la g n tique ou d un corps support de la pornographie c est dire du commerce vulgaire tymologiquement ce qui traite de la prostitution o le d sir est d spiritualis o le corps ne vaut plus que comme valeur d change n est elle pas menac e de mort Or la vulgarit est toujours une fa on d avilir c est dire de d shumaniser de m priser de normaliser Le r le de l art n est pas de distraire c est dire de faire oublier d amuser pas plus que la sexualit ne saurait devenir une distracti
186. emment sur le probl me du temps Autre figuration de l insaisissable Le mouvement est toujours entrav ici par le caract re fig l parce qu il dissout les formes se dissout En quelque sorte mettre en images la fugacit de l impression photographique en usant des m canismes sp cifiques cette technique d image dans le flou notamment C est ma tentative de mettre en oeuvre cette double dialectique pr sence absence conservation clart oubli perturbation alt ration C est enfin une mani re d insistance sur le caract re d risoire de toute photographie elle ne sauve de rien pas m me de l oubli Dans la pr sentation de la s rie Traces j cris lt lt Traces photographies qui pr sentent par del le d sir d une image claire du pass quelque chose qui les apparente au d risoire Il s agit de vestiges ou de marques davantage que d une impression gard e enti re et intacte Ces traces que laissent un passage de lumi re sur la surface sensible renvoient constamment une inaccessibilit une alt ration ce qu il reste d une rencontre avec le r el demeure incertain boulevers doublement absent Nous sommes en ce lieu o la photographie refuse satisfaire l exigence sociale se d robe remplir le r le qui lui fut assign au dix neuvi me si cle r le de pr cision de clart de lisibilit de m moire fid le voire d objectivit Nous sommes sur le
187. en contradiction de valeurs en abstraction derni re La photographie est proche de l criture le mot graphie dit ceci que la photographie est criture abstraction dessin qu elle n est pas la mati re picturale qu elle est le signe le signe vide par excellence puisque jamais jamais on ne peut savoir si la photographie est purement signifiante de ce qu elle recouvrirait comme signifi ou insignifiante de ce qui s est donn elle comme r el La photographie est ce signe vide ce signe tragique dont on ne peut jamais rien savoir absolument comme il en est du restant du monde dont on ne peut tre s r de rien simplement que a a t l qu il y a eu du corps qui a t l qu il y a eu de la pens e qui a err de la pens e se cognant contre le monde se cognant contre le corps cherchant le saisir cherchant le capter se cognant douloureusement de la pens e errante Intervention audiovisuelle Texte lu pendant la projection d un choix de photographies de 1974 1984 durant le 22 congr s des Gens d Images Image visible amp invisible Toulouse en Avril 1984 LA PHOTOGRAPHIE AU MUSEE La photographie est comme le mus e une invention de la nouvelle re r publicaine de 1789 de la philosophie des lumi res et ses vis es encyclop diques de l historicisme et du d sir d accumuler les vestiges du pass du positivisme et ses versants scientistes Le Palais du Louvre devi
188. ensation de la respiration Dormi par bribes r guli rement r veill par le froid Le paysage morne et d sert Je le photographie toujours sous l impulsion au premier contact Au premier conflit C est lui ou moi l extr me Je l appr hende d une mani re tactile subjective Je photographie le paysage comme l autre Comme un corps Avec les m mes pulsions avec le m me savoir aigu d une osmose d une harmonie d une pl nitude impossibles Je le photographie au dedans de l herbe de l eau de la marche comme dans un corps Vision endoscopique Dans la sensation de la peau et de la pulsion comme mati re forme et lumi re un monde dans sa r serve son hostilit et sa dignit Son ext riorit Son infini d laissement lui m me son extr me indiff rence Par bouff es avant que de retomber dans le plus profond d laissement et m abandonner cette non moins perp tuelle pr sente conscience de la vanit de cet acte Comme la sensation de l herbe ou de la terre et des algues ou de l eau sur soi ou celle de l arbre au dessus de ses yeux ou du chemin qui se d roule incertain et monotone devant soi Non comme une vision mais comme une perception ce point limite de l indiff renciation du physique et du mental de l lan sensuel et de la pens e qui sp cule son naufrage Trouble du r el tourdissement vanouissement c est de cette perte de soi de cette impossible dissoluti
189. ent Museum central des Arts sous la Convention en 1793 En 1799 le peintre J L DAVID proclame en pr face son exposition des Sabines En favorisant le syst me des expositions publiques le peuple pour une l g re r tribution entrera en partage des richesses du g nie Qui emp che donc d introduire dans la R publique fran aise un usage dont les Grecs et les nations modernes nous ont donn l exemple Nos anciens pr jug s ne s opposent plus l exercice de la libert publique Quand le 15 juin 1839 Fran ois ARAGO d put lib ral propose la Chambre que l Etat devienne acqu reur de la d couverte de la photographie et rende libre et public le proc d ses arguments sont l incarnation renouvel e de ce m me id al d mocratique qui voit essentiellement en la photographie un proc d d investigation et de vulgarisation scientifique Et ne s agit il pas tout la fois dans chacun des deux cas mus e ou photographie de conserver d une part de r pandre et faire conna tre d autre part De l il aurait du s ensuivre que mus e et photographie cohabitent inextricablement dans la m me maison symbolis e encore par le Mus e Imaginaire d Andr MALRAUX Pourtant il n en est rien car le malentendu tant patent dans la d claration d ARAGO la photographie ne pouvait int resser l art et la science que dans la mesure o elle m me n tait pas con ue comme un des Beaux Arts Ainsi
190. ent excitante et correspondant tout fait notre volont de travailler sur d autres moyens de diffusion de la photographie que l exposition ce qui nous a tout d abord effray est l entr e de l industrie des machines de l quipe dans nos greniers Florence nos chambres et nos mises nu Il nous faut tout en cherchant travailler sur une image de grande qualit optique maintenir absolument cet tat de fonctionnement quipe minimum et mat riel souple seraient les deux mamelles de notre cr ation Non des assistants r alisateurs mais des ou un une r alisateurs assistants Y a t il un interm diaire viable entre une vid o sur les artistes donc enti rement sign e de l ext rieur et une vid o d artistes Pouvons nous ne pas tre nos propres r alisateurs dans une vid o qui suppose des prises sur du r el et non seulement sur des produits finis que nous abandonnerions volontiers savoir des photos Si dans tous les cas nous sommes auteurs si l extr me nous sommes r alisateurs travaillant avec un cadreur ce qui aurait une nette tendance tre mon d sir ne peut on pas aussi imaginer d tre nos propres r alisateurs assist s par des r alisateurs conseils afin de b n ficier de leur exp rience et leur savoir faire ainsi que de leur conscience professionnelle planning quipe d coupage etc L immense tentation Abandonner l appareil photographique pour la cam ra vid
191. entifier ces empreintes comme autant d in luctables n cessit s d in luctable r conciliation d avec cet autre le monde et les autres m mes Comme l illusion permanente de pouvoir gommer le n ant de pouvoir gommer le hasard Et puis il y a encore ceci il y a encore ceci qui est l errance l errance venue de cet croulement de l Etre absolu venue de cet croulement de la vieille m taphysique id aliste pour une m taphysique o s est abolie l id e de progr s l errance du photographe qui marche dans le monde qui marche dans le r el et qui erre la recherche de ce moment de pl nitude dont je parlais tout l heure Heidegger dans les Chemins qui ne m nent nulle part comparant la m taphysique ces promenades en for t o il y a ces petits chemins de b cheron qui sont des impasses qui sont un r seau touffu de fourvoiements nous ram ne ceci la pens e m ditante est n cessairement une pens e qui erre une pens e qui erre grandement dit Heidegger Il y a une possibilit photographique ainsi pour explorer des chemins la photographie est un instrument d exploration souple une fa on d entrer dans le monde de se projeter dedans et de le faire entrer dedans la chambre noire Cette errance c est l oppos de cette foi qu il y a eu et qui a t contemporaine de l invention de la photographie cette foi dans la route royale du progr s cette foi dans un d roulement de l histoire
192. es ces lieux d serts sont des absences affect es de pr sence en filigrane Les statues emplissent un peu ce r le aussi Toujours jouer des ambigu t s de la repr sentation photographique auto entretien paru dans la revue Nordeste n 1 D c 1992 VIFS Vifs Photographies issues de la confrontation une r alit sur laquelle le photographe n agit pas explicitement r alit qu il n y a pas mettre en sc ne Vifs Autant d images de l histoire telle qu elle se projette dans le quotidien avec les sentiments de banalit et de r p tition dont nous pouvons avoir l illusion en la vivant ou telle qu elle se projette dans les temps forts Vifs Photographies de ces vies publiques reportage Dans lesquelles pourtant l actualit s est perdue dissoute hors de l v nementiel des m dias Vifs Double jeu au sein duquel la pr sence intentionnellement ostensible du photographe affecte le r el et l image qui est produite partir de celui ci Vifs Aller au jour aller au noir ressasser ce mouvement de la photographie s offrir le monde puis les lueurs inactiniques revenir soi ces surfaces de gris de blanc en tous cas aller au charbon Vifs Oscillations de mouvement et de fixit s royaume des apparences oeuvre de faussaire Vifs Vouloir appr hender l intimit de l histoire de ceux qui y agissent la d forment et la transforment Vifs En r alit nous so
193. es bruits du sommier de m tal Et le p re que lui faisait 11 C tait forc ment entre elle et le p re que cela se passait Pourquoi la blessait 1l pourquoi voulait il la tuer Les nuits il apprit les d tester jusqu ce qu il sut ne plus rien entendre qu il atteint un sommeil de plomb qu entre le monde et lui il parvienne tayer cette chape qui le prot geait depuis jusqu ce que son oreille sache l obscurit le coucher venus tre sourde Le jour cela ne semblait pas si terrible pourtant la m re d primait le p re tait en col re parfois mais le miracle de la vie continuait avec aussi ses bonheurs de famille les promenades sur les quais d un port encore vivant et l invention des vacances enfin Les meubl s o en un mot ils taient ailleurs o enfin il avait sa place O tous ressuscitaient Et seulement le bruit incessant rassurant du torrent et de sa cascade ou celui tonitruant de l orage entre les montagnes qui auraient couvert quoiqu il arrive alors tous les autres bruits Tous quels qu ils fussent Son oreille tait toujours tendue pourtant vers le couple voisin Les hal tements se faisaient plus profonds ce n taient plus seulement les cordes vocales qui vibraient c taient les poumons le foie l oesophage les narines le ventre tout le corps nu dilat ouvert exc d qui insensiblement devait couler il aimait l entendre il aurait voulu que cela ne cesse ja
194. es images pornographiques agissaient comme la trame m diatique du Pouvoir elles taient l pour mettre au pas faire agir craser et cumer Elles recelaient une technicisation du corps machine du corps lisse et pro minent marchandise et gage d ordre sexuel Elles taient soucieuses de l efficacit si ch re notre modernit Elles promettaient comme l art le plaisir l extase comme le politique le paradis sur terre et telles le religieux le septi me ciel Le Politique fonctionnait comme la Religion avec les m mes attentes de Miracles les m mes 1llusions les m mes s ductions id ologiques les m mes charlatanismes et ses Grands Pr tres Fondamentalement le politique croyait et nous faisait croire au progr s social et moral La Religion usait des stratag mes du charme et la Philosophie des Lumi res tra ait le corps humain de la m me fa on dont les plans de la guillotine quelques ann es plus tard seront d taill s au profit de la purification du corps social La science n chappait pas aux machineries morbides l corchement de l humain au d cervelage La science devenait le nouvel objet de foi L Oeuvre d art m me tait destructrice ou ab m e inconsid r e au pire Elle n tait pas l abri de ces impuret s de ces d lires intellectuels et humains Souvent indistincte du discours id ologique de l effet scabreux du fonctionnement voyeur elle tait relique interchangeable f ti
195. est pas le portrait c est dire l identification ou la m moire mais en une approche ph nom nologique le rapport entre les peaux entre les surfaces les mati res des corps leurs limites fluctuantes leur fragilit Le propos de visAGEs est l emprise du monde et de la conscience sur ces corps l inscription la fascination et l envo tement des peaux L emprise de l Amante sur le moi L Amante est l autre autonome qui se livre s chappe reporte prend plaisir repousse se donne combat silencieusement de mille combats int rieurs l image que je fais d elle est elle bien diff rente de l image que je ferais d une autre se demande t elle L Amante est celle qui s offre ce que je la d visage qui accepte de prendre le risque que je la d figure Je la photographie la mettant en lumi re modelant guidant son corps son visage avec la volont d en laisser venir ce qui se livrerait d en guetter la mobilit les brusques affleurements fascin par cette affaire de surface et de lumi re cette peau que je creuse du regard ces veinules sur lesquelles je fais le point infime tellement aupr s d elle Je nous voue pour dire l existence elle nous voue pour dire l ab me de l autre L image de l Amante est faite d ombre et de flou autant que de lumi re et de focalisation Floue l image nourrie de la proximit du d sir et ombr e celle port e par la densit obscure irrati
196. est photographi en soi m me si dans de nombreux cas cet int r t peut jouer Ou vu d un autre point de vue que celui de la photo par exemple celui de la vid o il n est pas acquis que ce r el soit int ressant parlant et en tous cas il est certain qu il ne parlera pas le m me propos que du point de vue de la photographie Ce qui est bon sous un certain angle un certain cadre un certain clairage ou simplement du point de vue d une image fixe peut tre totalement trivial sous un autre angle avec un autre moyen de production d images Le travail vid o doit donc tre un travail vid o avec ses sp cificit s mais il doit en usant de ces sp cificit s rendre compte de concomitances d une unit d univers avec le travail photo ce qui fait un autre int r t de la photographie est sa r alit d objet Le mot photographie couramment employ d signe aussi bien l image que l objet c est dire l image ancr e et indissociable de son support comme l est la peinture La photo est un objet je la touche je la soul ve je passe ma main sur un d tail l approche l loigne l encadre l envoie par la poste Or fr quemment la travail au banc titre occulte cette r alit pour ne retenir que l image en supprimant l objet La film de Raymond Depardon Les ann es d clic qui appara t par ailleurs davantage comme un film sur un photographe que sur les photographies parle un peu de cela par l
197. et accompagneront ces images faites dans la pi ce mises en sc ne mises en sc ne de fa on tr s scrupuleuse o je choisis les v tements les attitudes les positions les actions la lumi re l emplacement dans la lumi re le geste le moment de la prise de vue des prises de vues qui sont bloqu es certains moments qui sont des hors temps qui sont compl tement en dehors de la r alit un texte qui la fois racontera mon histoire avec le lieu de ce lieu o l poque je vis depuis 15 ans et de ce lieu qui en m me temps une histoire puisque cette maison est une maison qui a une histoire et la fois racontera comment petit petit celle qui est au d part le mod le va se mettre effectivement habiter cette maison et en habitant cette maison va se mettre videmment en m me temps m habiter Le texte entrecroise ces deux histoires l histoire qui est l histoire de la fa on dont j habite le lieu et la fa on dont le mod le sort de son r le de mod le et devient celle qui a son tour va habiter le lieu D placement de relations transgression des r les Egalement parce que dans ce rapport autobiographie et uvre il y a une dimension qui pour ma part m a toujours beaucoup pr occup qui est la dimension du rapport que l on occulte trop souvent dans les histoires de l art o dont on parle de fa on tr s allusive qui est la question du rapport de l artiste au mod le et cette question de l artis
198. et d autre que le seul enjeu c est l uvre TUDES HUMANIT S Sans doute la vie et l uvre sont un cercle de cercles que l on sillonne et on finit par revenir l o on a commenc Pour moi ce fut le portrait et il y a sans doute quelque chose dans Humanit s qui renoue avec la procession des mod les du mercredi apr s midi dans les studios aux projecteurs quip s de lentilles Fresnel ou plan convexes de ma d couverte fascin e de la photographie seize ans de ces images que j ai appel es Primitives Mais si c est retour aux origines a l est aussi sans doute la source de la photographie aux premiers daguerr otypes Nadar aux quelques nus de Gustave Legray aux portraits nus de Bellocq Peut tre m me aux origines du dessin que rapporte Pline l Ancien ce contour de l ombre du visage du guerrier sur le d part que trace son amante sur le mur de la villa pour en retenir l esquisse Aux tudes de dessin Car c est bien d tudes dont il s agit c est dire d une exp rience sans cesse recommenc e et remise sur le tapis Et encore s il s agit d un cercle c est sans doute un retour cette langueur caverneuse de mes premi res photographies de celles d Empreintes dans les ann es 80 par exemple Cette teinte m lancolique rompt avec les couleurs vives et ensoleill es avec cette esp ce de jouissance dionysaco tragique et parfois lyrique des s ries couleur
199. ettres de cartes g ographiques de carnets de livres etc Ceci outre bien s r les textes crits sur les photographies des autres Ici le texte rassemble chaque s rie et fait contrepoint aux images spatialement aussi dans l exposition chaque texte est le centre de chaque pi ce Ces partis pris dans ton travail rendent de nouveau les mati res extr mement pr sentes Je cherche travailler non pas dans la surface des choses mais dans leur profondeur de ne pas m int resser qu aux formes et aux couleurs mais aussi ce qui constitue les choses leur chair merge de leur QUESTIONS REPONSES AUTOUR DE LA SERIE DE TOUS LES JOURS De tous les jours est une s rie qui a t d but e en Avril 1996 apr s trois ann es sans toucher un appareil photographique Pourquoi cette longue interruption Le travail sur le Grand Nord en 1992 93 qui a abouti la cr ation de Erres en 1994 et la publication de l ouvrage du m me titre aux d funts Cahiers de la Photographie a t extr mement prouvant On ne travaille pas sur l exp rience de la solitude de la d rive et de la perte on ne voyage pas pour se retrouver mais pour se perdre sans d g ts Il y a une d structuration du mental a fortiori quand une nouvelle fois sur la corde raide des limites le projet photographique lui m me finit par se heurter maintes difficult s anecdotiques de r alisation qui en emp chent la pleine jouissance compensatri
200. eur a t la demande sociale n e de la r volution bourgeoise c est dire non seulement une demande conomique mais surtout id ologique les valeurs positivistes rep rables depuis le naturalisme et le r alisme jusque dans le structuralisme scientiste d aujourd hui Cette confiscation id ologique de la photographie ne pouvait qu tre corr lative d une exclusion de la photographie hors du champ de l art Il nous faut consid rer d un c t en quoi il y a un usage artistique possible de la photographie de l autre en quoi les sp cificit s du travail photographique et celles de l appropriation id ologique de la photographie font que l id ologie de l art rejette a priori la photographie en jugeant qu elle n invente pas et ne cr e pas la diff rence de l art Tout le reste c est dire l art ne pouvait se constituer que par une s rie de transgressions des interdits pos s par cette id ologie Cette difficult pour la photographie merge du cadre strict de fonctions sociales pragmatiques fonction documentaire r f rentielle valorisation de ce qui est photographi et se d velopper autour d une probl matique autonome n est d ailleurs pas sp cifique ce moyen d expression L criture a servi aux registres d esclaves avant qu la litt rature et la po sie la peinture la magie ou la d coration pratique artisane avant qu l tape de la renaissance ne se
201. eur plat de croquettes disponibilit dont on s effor ait de varier les marques de la p t e une fois par jour un saladier d eau et l autre bout de la pi ce dissimul sous l vier leur liti re d argile concass e Patapon tait la meilleure chasseuse T m raire la plus intr pide et Tartinette la plus s dentaire L t elles allaient et venaient du jardin aux lits par les portes et fen tres grandes ouvertes Il n tait pas rare qu elles ram nent sous un meuble un rat mulot ou un oiseau dont elles s amusaient longtemps comme dans une corrida avant qu elles ne les missent mort et parfois ne les eussent mang s ne laissant que quelques plumes ou une t te L hiver elles affectionnaient particuli rement le mouvement d li et la ti deur des flammes Les peintures et am nagements avaient t d abord dans son esprit li s au projet de prises de vues mais ils taient bient t devenus le souci de leur chaleur de leur harmonie que cette maison cessa de n exister que de mani re fonctionnelle et aust re pour acqu rir une douceur une lumi re une aisance Jusqu ce petit repr sentant de cuisines qu au hasard d une prospection t l phonique il fit venir qui leur pr senta comme en chaire sur photographies couleurs de grand format ins r es dans un press book qu il avait pos sur un chevalet tournant un rythme c r monieux les pages une une et qu il retournait
202. euse de pluralit Les grandes oeuvres sont toujours le fruit de parcours esth tiques atypiques et obsessionnels Jean Claude B l gou 25 4 2001 MA VIE ET LA PHOTOGRAPHIE Conf rence lors du colloque photographie et autobiographie Amiens 15 Mai 2003 Freud Ma vie et la psychanalyse j ai donc choisi comme titre ma vie et la photographie je n ai pas comme Freud invent lui la psychanalyse moi la photographie j en ai h rit et c est un bel h ritage mais j imagine que dans le rapport entre la vie et l uvre il doit y avoir quelque parent commune dans l investissement O commence la vie o commence la r alit o commence la fiction je serais bien en mal de le dire dans mon travail je crois que le travail d un artiste et c est la raison pour laquelle je me d finis comme artiste est un travail compl tement imbriqu dans sa vie je dis souvent qu il vaut mieux donner son corps l art qu la science et je le dis quelquefois mes mod les et je me le dis aussi quand je me prends comme mod le c est dire lorsque je fais des autoportraits Pour moi cette dimension autobiographique commence tout simplement et tout radicalement par l et je pense que c est une premi re d marcation dans les travaux photographiques que l on peut voir elle commence par la r ponse la question est ce qu il y a ou non investissement confrontation est ce qu on a quelque part engag toute sa vie
203. euvre ou de la maison est donc un univers autonome mais aussi solidaire En m me temps puisque les prises de vues se sont tal es sur deux ann es une dimension temporelle semble encore s tre install e par ce biais Ceci est minemment vrai de certains triptyques du Verger qui jouent sur la succession des saisons ou celui du Pr tout en hiver ou ceux de la Mer tout en t si on les rapporte celui du pr Mais la temporalit de la s rie De tous les jours est essentiellement circulaire statique suspendue voire hors du temps Le temps du quotidien est r p titif il n est pas vectoriel ou historique ou alors dans une micro histoire lente intime Intimit sensualit mais aussi cl ture Tout comme on est dans une circularit temporelle on est dans une cl ture spatiale le lieu du quotidien est celui de l intime de la captation captive M me les instruments de la modernit t l phone ordinateur Minitel pr sents dans les photographies semblent n ouvrir sur rien Il doit se d gager de toute ces photographies une grande sensation de silence Enfermement pessimiste ou simplement une recherche renouvel e de l intime du plus int rieur du lieu habit d une vie d un corps habit d un langage et livr dans un frottement au monde et au regard de l autre L attention une vie Sans que jamais pourtant ce corps m me lorsqu il se d nude sans r serve ne se donne c est dire ne
204. f re pas d ailleurs du cin ma en ce qui nous concerne plus pr cis ment encore une minute c est extr mement court C est en m me temps suffisamment court et suffisamment long pour qu on en per oive la dur e c est dire la longueur C est un temps qui n cessairement une minute pour une image en plan fixe ou des clips est pertinent le luxe le temps le noir et blanc Le luxe l re de la vitesse c est la lenteur c t du t l phone c est le courrier Les photographes qui passent la cam ra ont souvent dit on tendance trop bouger mouvements de zoom mouvements de cam ra J imagine l ensemble assez subtil au niveau des d placements des mouvances pourquoi faire riche quand on peut faire pauvre Bricolage et intimit tiennent tant nos modes de vies qu nos options esth tiques et artistiques nous avons besoin de cette libert souveraine que nous laissent le bricolage et l improvisation nous nourrissons nos images de cette intimit dans laquelle nous travaillons tous les trois nous photographions en petit format m me Yves ne se sert pas de son Hasselblad ce qui est un choix qui ne peut se justifier que par les raisons qui pr c dent et non par un parti pris de pi tre qualit de d finition d image puisqu au contraire il est reconnu que nous la recherchons Ce qui nous a tout d abord effray et essentiellement cela dans cette proposition par ailleurs absolum
205. ffaire une captation de quelque chose qui existe ind pendamment du photographe et de la surface sensible et parce qu il y a un appareil C est dire qu en r alit et historiquement c est la d couverte de la photographie cette r sistance du mat riau des mol cules chimiques r agir la lumi re par exemple ou des rayons lumineux converger sur un m me plan a t pens e pr alablement l acte photographique au moment de la confection de la fabrication de ce mat riau Par analogie on pourrait se r f rer au moment o on a commenc fabriquer industriellement des peintures huiles gouaches encres etc car partir de l un probl me qui appartenait au peintre trouver puis m ler les pigments et les liants a t pris en charge et r solu en dehors de lui Si on pr f re ce qui tait autrefois une r sistance faisant probl me pour le peintre est devenu un probl me de techniciens que le peintre n a plus penser Mais pour ce qui concerne le mode de production photographique il ne s agit plus seulement de l affectation d une phase du travail mais de toutes les phases Avec l appareil de prises de vues automatique ou semi automatique d s l introduction m me d appareils de mesure le ph nom ne a pris encore davantage d ampleur puisque cette r sistance s exprime simplement sous la forme d une alternative dans la lt lt r ponse gt gt de l appareil photographique comme n gat
206. graphies valable aussi bien pour les lt lt portraits gt gt de femmes que les images de lieux comporte en permanence un caract re mortuaire Toute photographie est sa fa on un monument Mes images ne cherchent nullement procurer l illusion de l existence effective vivante de ce qui est figur mais marquer l extinction de vie qui se joue dans la photographie laquelle est par d finition cette empreinte de ce qui n est plus n a d ailleurs jamais t de cette sorte Mes photographies se pr sentent alors comme le point ultime d un vide Une sorte de momification Ce qui fait souvent dire que tes images sont tristes ou sombres Oui mais ce n est pas int ressant de dire cela parce que c est voir les choses d un point de vue psychologiste lt lt tristes gt gt lt lt intimistes gt gt ou formaliste lt lt sombres gt gt Or il n y a nulle psychologie dans ces images de femmes par exemple Ou alors c est l histoire vue du c t du valet de chambre comme crivait Hegel Ce qui est essentiel c est ce tissu de r f rences dans une utilisation de la photographie qui est une volont r fl chie de renvoyer constamment ses sp cificit s d image photographique son caract re d image fixe partiale ce qu elle est un lieu privil gi de fixations Simplement on peut encore dire qu il y a un jeu m lancolique de deuil Barthes crit son livre au moment de la mort de
207. hoses ou Tenez vous en aux apparences ne d shabillez pas la r alit Ne la mettez pas nu elle nous fait honte voir Ils pr f rent les figures abstraites elles leur sont moins compromettantes Ils ne peuvent pas m me regarder un sexe en face ils ne peuvent pas regarder le d sir en face tandis qu ils ne sont que cela ne parlent que de cela Ils veulent demeurer aveugles Jean Claude B l gou Le Havre Octobre 2004 ENTRETIEN DE JEAN CLAUDE B L GOU AVEC DOMINIQUE ROUX AU CH TEAU D EAU TOULOUSE 1er JUILLET 2009 L OCCASION DE L EXPOSITION LA REVANCHE DE LA CHAIR DR Jean Claude B l gou bonjour Tu reviens au Ch teau d eau tu vais expos en 1999 avec des s ries en noir et blanc c tait un univers pessimiste et tu nous reviens l avec des images en couleurs plus optimistes plus joyeuses comment s est pass ce passage la couleur JCB Plus optimiste je ne pense pas je pense que c est le moment du summum du pessimisme c est dire que finalement dans un monde o il n y a plus grand chose esp rer on peut finalement ne pas se d sesp rer mais rire et chanter Disons que c est le moment du d passement du nihilisme c est dire une fois l tre mort il reste un certain d tachement une certaine ironie et un certain bonheur la fois tr s imm diat et sans illusion comme j ai dit que la s rie Les Paradis Perdus par exemple une des premi
208. hysique du point de vue du rapport au monde du type de rapport au monde et en m me temps proche de la m taphysique du point de vue de sa m thodologie son cheminement m thodologie qui est une vis e purement intellectuelle qu un exercice purement intellectuel et en m me temps il y a cette relation cet autre paradoxe ce probl me du hasard dans la photographie qui semble s opposer tout effort de rationalit tout l effort de n cessit tout l effort d appr hension et de globalit de la m taphysique Le hasard ce laisser aller la contingence et l inanit du monde qu aucune ruse de la raison n a pu encore r duire Le hasard le fortuit le n ant le n ant comme espace n cessaire de l Etre Flottement de la vis e jusqu l expression de ces moments heureux de la conscience reconnaissant ses propres contenus dans le monde ses contenus de conscience d inconscience aussi comme dans ces sc nes que d j on a l impression vague d avoir v cues et qu elles se rejouent nous impliquant nous m mes comme acteurs avec un tel air d vidence La conscience qui fraye entre l Etre et le n ant et r alise parfois sa pl nitude travers la reconnaissance dans le monde de sa r alit de conscience de ses contenus de conscience de ses projets de pens e dans le monde La conscience se reconnaissant alors travers sa propre projection ses propres vides pr te recevoir l empreinte et auth
209. i aujourd hui est s cessionniste En finir avec l humanisme certes refuser les croyances b ates dans le progr s la foi dans le progr s humain etc la barbarie est toujours nos portes et m me l int rieur fascisme exclusion certes encore mais aussi en finir avec les id ologies d lirantes au sens psychanalytique La construction de tes images prend donc en compte une certaine intersubjectivit Dans De tous les jours singuli rement j ai cherch ce que l on sache que cette femme se trouvait regard e et face au regard tait deux fois en sc ne C est une femme regard e par un homme non un vase photographi par une machine Ainsi plusieurs reprises j apparais dans les photographies je fais irruption dans l image ma main sur le corps du mod le le livre que je tiens dans mes mains au 1er plan de l image la fl te de champagne lorsque je trinque avec elle le bol de Pyrex au travers du quel je la vois Ceci quivaut ce qu au cin ma on appelle cam ra subjective Toutes les sc nes sont vues de mon point de vue Jamais on ne peut d finitivement d cider si cette femme est seule ou non Jamais on ne peut sous estimer le hors champ C est aussi une prise en compte de la question de la relation de l artiste au mod le apparue d s 1986 dans ma s rie Noir Limite du Corps corps de la vue au toucher Le mod le est traditionnellement ce que l on tient distance dans une seule conte
210. i int ress dans les ann es 80 aux friches industrielles J avais photographi alors des friches cherchant rendre compte de l tat d abandon g n ralement brutal de lieux vocations industrielles Ancienne Filature des tablissements GrandPr dans le Doubs usine d saffect e de p te papier dite la Cellulose sur le port de Rouen Gare Maritime au havre rendue caduque par la fin du trafic des paquebots demeur s tels qu ayant brusquement cess toute activit les horaires sont encore affich s les vestiaires abritent encore quelques v tements les bureaux les sols jonch s de registres les sacs de fibres de bois et dans le m me temps d grad s Je m int ressais surtout ces mati res de d gradation ces signes de d sertion en m me temps qu aux perspectives immenses de ces grands entrep ts Les fen tres ont comme toujours dans mon univers conflictuellement claustrophobe retenu particuli rement mon attention partiellement bris es toujours macul es leur transparence coutumi re qui les faisait oublier a c d le pas un pr sence opaque et demi close Ce sont des lieux o la mort brutalement est survenue comme une guerre Ce travail a t montr dans deux expositions SOL MUR et VARIATIONS Pourquoi cette s rie est elle en couleurs Juin2000 de nouveau je photographie au 6x6 format carr C est un tr s grand bonheur pour moi de travailler de nouveau en couleurs Sans doute
211. i r siste l institution la corporation au culturel au social l acad misme comme reflet non critique de l id ologie esth tique pr sente L o le structuralisme a voulu vacuer d nier le sujet et l motion le d sir et le trouble la douleur et le corps l art se doit de mettre les pieds dans le plat C est la subjectivit qui aujourd hui est s cessionniste A l re post positiviste mais aussi celle de la d r liction l tat du monde pourrait se r sumer dans cette formule il est vacuit tat de ce qui est inanit vide nu voire absurde L occident franchit de nouvelles tapes de son destin sp culaire Issu des sp culations philosophiques conomiques le monde est devenu spectacle l re des images et des m dias Et l on serait tent bien souvent de se dire qu ce vide il vaudrait mieux ne point en rajouter de plein en remettre au trop pr sent d images d j existantes Pourtant se taire serait se d mettre il faut l artiste sans cesse remettre les choses sur le tapis et de pr f rence celles que chacun et soi m me parfois oublie et cherche taire et se masquer cacher Ou encore pourrait on dire cr er et dire crier l o se taire ou faire semblant est l acad misme tant une autre fa on de se taire accepter la soumission C est de cette vacuit dont nous parle vraisemblablement l art minimalo conceptuel mais au lieu d en travailler
212. ience qui ratiocine ma trise et accapare d sire D sire surtout comme une maladive respiration contraction sortir des os de la bo te cr nienne expulser ses fourmillantes neurones de ce carcan de la pens e se projeter s ali ner Activit d bordante de la conscience qui n a de cesse de cette propension s pancher confession communion oeuvre sp culation m diatisation amour possession Conscience hydroc phale qui pleure se r pand tisse ses toiles b tit d truit p tit d lie Mais seul le corps peut p n trer un autre corps se r pandre en un autre corps La conscience est close sans issue imp n trable aux autres et elle m me La solitude est constitutive de l esprit Territoire ceint embastill soliloque qui ne pense qu avec les mots des autres qu avec la joie meurtri re du langage et des sentiments et ne r ussit pas s appr hender elle m me La figure antique du labyrinthe impasse dont on ne sort plus serait la plus m me de rendre compte de la figure stagnante de l esprit Nuls autres que D dale et Icare ne peuvent mieux procurer l image de cette topographie de l tre au monde Exister est tre d fini dans une solitude spatiale autant que temporelle enferm dans une finitude Aucune continuit de l esp ce de la culture de l humanit de l ternel retour n a pu mettre fin la discontinuit absolue que chacun est en tant que singularit
213. ient sens et vous voyez quel point ce mot sens est ambigu sensation et pens e langage signe Il y a une sensualit de la chair comme il y a une sensualit du sable de l eau etc mais toute sensualit passe par la chair Cette confrontation de la chair aux mati res l eau l herbe la terre etc m a toujours fascin en m me temps que celle la lumi re parce que la lumi re fait vibrer la chair l irradie J aimerais que l image ne s adresse pas seulement au regard mais qu elle soit capable de troubler tous les sens que l on entende le silence d une image ou ses bruits que l on sente la peau au toucher que l on ait le go t de l eau dans la bouche ou sa fra cheur un art de la synesth sie si on veut qui serait tout le contraire d un art qui s agiterait dans tous les sens qui allierait la fois la musique le spectacle etc En un second sens on pourrait dire la sensualit c est ce qui rend confus les sens donc le point extr me du m lange entre la pens e et le corps le corps qui se donne et se fait conscience d tre corps La sexualit Notre chair est sexu e Cacher le caract re sexu de la chair comme l ont fait tant d acad mismes c est mentir sur la chair abstraction faite du traditionnel jeu sur le cach d sign Comment donner une image de la sexualit du sexe des sexes y compris comme peaux comme organes sans sombrer dans l image du corps objet ou du
214. ieur gt gt ni photographes plasticiens qui poussent la photographie dans ses limites extr mes en voulant lui donner son expression ultime celle de l tre l Manifeste noir limite dit du Mont Saint Michel 1990 Texte lu durant la conf rence de presse Noir Limite de Busto Arsizio 1987 PORTRAIT DE L AMANTE Ce qui est douloureux dans la proximit c est la distance qui demeure insiste le manifeste NOIR LIMITE rappelant par l notre cart irr ductible au monde au r el l autre mais aussi pour chacun lui m me C est cet cart ontologique que se confronte la prise photographique affaire de surface d apparence de donn voir Cette irr ductibilit ne tient point quelque question psychologique ou clinique ou m me sociale mais fondamentalement notre inscription discontinue dans l espace et le temps notre mat rialit Car si par l amour ou la violence un corps peut se r pandre en un autre corps le p n trer il ne peut co ncider avec lui ni une conscience entrer en une autre conscience Je ne peux ressentir la douleur physique ou mentale de l autre ni sa joie mais seulement en interpr ter les signes et en imaginer une quivalence La communication de conscience conscience n existe que par la distance qu elle suppose et passe n cessairement par un langage constitu au sens restreint de la langue comme syst me de code ou visuel ou sensitif au sen
215. ion ou affirmation de la possibilit de d clencher dans le rapport des conditions ambiantes aux capacit s techniques du mat riel Sauf dans ce cas d une r ponse n gative la r sistance n est pas du tout ne serait ce qu prouv e par celui qui photographie On peut encore envisager ce probl me de la r sistance sous un autre aspect qui est celui des aptitudes manuelles et intellectuelles sociales donc en derni re analyse A ce niveau il est tout aussi ais pour tout un chacun de photographier que de conduire une automobile Il n en est pas de m me pour le dessin l criture ou la musique Bien s r ceci pourrait conduire croire que la photographie et cette id e est tr s r pandue dans les milieux socioculturels serait plus facile plus lt lt d mocratique gt gt que les autres modes d expression Ce qui est simplement accessible ce n est pourtant que le mode d emploi et la r p tition impens e de l id ologie Cette id e est donc tr s dangereuse L empreinte du r el S il y a quelque part un rapport trouver entre la pratique du portrait photographique et d autres techniques d expression c est bien avec celle du masque et singuli rement du masque mortuaire Comme lui la photographie est empreinte C est l bien s r quelque chose qu elle partage avec son d riv technique mais non id ologique le cin ma lt lt le cin ma c est la vie gt gt S1 la toile du peintre comme
216. ionnement autonome et tre l origine des maux ou bienfaits affectant les hommes Parce que les hommes exercent leur domination sur d autres par l interm diaire de choses essentiellement la possession des moyens de production ce sont ces choses qui semblent tre constitu es autonomement et apparaissent comme dominant les hommes D un autre c t le terme r ification d signe le fait que l homme lui m me devient assimilable une chose qu il devient tranger lui m me s ali ne devient une marchandise pour d autres voire m me servant une machine dans le travail la cha ne par exemple il devient lui m me le sujet d un comportement m canique loin de l unit consubstantielle entre la pens e et l action l outil et l homme L apparence r ifi e est bien entendu directement solidaire d un f tichisme de l objet puisqu on voit en lui l origine de tous les pouvoirs Ainsi affectant la photographie celle ci n appara t pas comme le regard humain regard d un homme le photographe mais aussi d une civilisation qui d s le quinzi me si cle utilise la camera obscura sur des ph nom nes humains mais comme regard d une chose sur des choses avec ce que cela peut laisser accroire de neutralit objectivit etc D autant que la photographie est empreinte non du r el mais de certaines apparences du r el lumi re c est dire du r el non tel qu il appara t mais tel qu on
217. ique pour n tre en v rit ni choix ni acte neutres peut rester totalement inconscient et le demeure dans la majorit des cas la suite de la d cision ou de la mise en condition qui l a engendr Nous pouvons en effet cet gard consid rer que cet acte est la suite directe d une mise en condition sociale stricte la pr sence en tel lieu en telle situation appelle provoque la photographie monument c r monie etc Le savoir photographique en ce sens correspond exactement au savoir d un automobiliste ou d une m nag re pour ses robots et la photographie est contemporaine de ce nouveau type de rapport la r alit qui est l acquisition l assimilation d un mode d emploi et la photographie la simple mise en application en oeuvre de ce mode d emploi La banalit c est dire la r p tition des caract ristiques des valeurs dans les preuves d amateurs comme l indiff renciation de nombre de clich s professionnels est l pour souligner d une part ce caract re de mise en oeuvre a r fl chie d autre part corr lativement du r le fondamental des d terminations sociales dans cet acte En derni re analyse cette part est celle de l id ologie d un v cu sp cifique de l id ologie dans lequel il n est plus m me question d une articulation entre conscience vraie et conscience fausse mais d un fonctionnement inconscient C est dire que l id ologie recouvre cette f
218. ique toujours ailleurs jamais inscrit jamais enracin vivant ce voyage l exact point o je me regarde le vivre reconna tre les paysages depuis si longtemps imagin s et r v s avoir la confirmation exacte de leur topographie projet e et id alis e Je ne cherche ni une r v lation ni un enthousiasme ni un bouleversement je ne pars que pour cette douleur enfin juste douce entreprise d annihilation de d cervelage de perte d identit Voyageur mutique solitaire que pour remuer un peu plus le couteau dans la plaie Le Grand Nord ne me fascine que pour cette limite franchie du cercle polaire du froid et de ses Jours paroxystiques incessants et qui glissent l un sur l autre l t de leur pendant de nuit si longue l hiver Pour cette obstin e r sistance des quelques hommes qui le sillonnent et l habitent nomades ou s dentaires Il n y a aucune pl nitude ces jours Telle est l preuve que je me suis donn e Le chemin grimpe pic l tage verdoyant moutons brebis clochettes suivies de leurs agneaux longeant une cascade grandiloquente Etage des for ts je suis en nage Au sortir de l tage bois de bouleaux les premi res plaques de neige Fourbu Je vais lentement je photographie Aucune crainte de la nuit il n y a qu un vague cr puscule Le chemin tr s imbib et tremp de la neige fondante Je m arr te pour dormir sur place entre les arbres Sol inconfortable et froid
219. ir avec une attitude de photographe mais plus justement de plastique comme la mati re Et il se trouve qu il y a parmi ces images beaucoup de mains images qui renvoient lui m me videmment ses propres vouloirs et pouvoirs son attirance prendre et poss der en m me temps que mettre distance De la m me fa on dont Rodin sculptait tant t la main du diable tant t la main de dieu comme autant de ses organes pa en Mati re en tension avec les formes la forme ne peut tre autre chose que mati re monde dysharmonique tension pr hension torsion sensuelle Les mains s enfoncent dans la chair comme l oeil bute sur l autre Je parle de Rodin quand il s agit d autre chose J cris Rodin ou Matisse ou Canova pour les nus plus anciens je dis autre chose parce que dans le monde qui est toujours un et toujours plusieurs 1l s agit toujours et de la m me chose et en m me temps d autre chose Comment pourrais je taire par exemple le rythme qu impose ma pens e la machine sur laquelle je frappe pour y entailler ces signes Ces photographies sont le heurt l autre l autre chose l autre corps Je n y vois que des creux et des pleins surtout des creux des mains de la chevelure du drap des fleurs des yeux orbit s Mais s il y a cassures pliure entaille il n y a jamais cette faiblesse compatissante de bon ton que l on a trop vue ailleurs dans les clich s Ce
220. ire de la photographie je l ai enseign e je crois l aimer pour une part assez bien pour une autre part la d tester d tester enfin l appellation globale LA photographie comme si la photographie c tait vraiment une unit alors que ce sont le plus souvent des choses qui n ont rien voir ensemble Mais c est vrai que je vais voir plus volontiers des expositions de Salma ira r ele Ve Lo Nr le EE N je Yu EEE CHENE A A E Et Dee ea ANS og M raie IEANLNI A JEAN CLAL peinture que de photographie et que ma logique m me en noir et blanc est celle d un travail sur les valeurs les lumi res la mati re et que prolonger le travail en couleurs c tait effectivement un vrai bonheur c est dire que je pense que le changement de tonalit que les gens ont ressenti qui tait d j un peu pr sent dans la s rie De tous les Jours que les gens ressentaient comme plus apais e moins tourment que le travail fait sur le Grand Nord ce changement a t aussi li au passage la couleur un enchantement formel DR Donc tu parlais de pessimisme un pessimisme enchant quand on regarde tes photographies d abord la r f rence la nature est l la nature du dix neuvi me si cle aussi avec le D jeuner sur l Herbe on sent quand m me une sorte de pessimisme avec les Paradis Perdus et pourtant le titre que tu as choisi pour cette exposition La Revanche de la Chair Qu est ce que tu as vou
221. is que a n tait pas du jeu jy ai laiss une partie de moi m me j ai effectivement failli y rester physiquement mais c tait en m me temps videmment une mise en sc ne de la perte de ce qui peut tre un moment donn et de ce que peuvent tre d autres moments il n y a videmment aucune image parce que videmment derri re tout cela il y a aussi vous l imaginez une mise en fabrication une logistique il faut amener des films il faut amener des appareils et par cons quent c est l encore la fois la r alit bien s r et la fois la fiction A la suite des prises de vues l encore il y a la construction de l exposition et la construction du livre La construction de l exposition est une construction en diptyques triptyques d images qui font corps et il y a la mise en page du livre o la structure est beaucoup plus lin aire et o le texte est l la fois comme pr sence physique c est dire qu il sert d couper des s quences d images et o il est l la fois parce que pour moi le texte est aussi une fa on de je vais employer un n ologisme vous m en pardonnerez surfictionnaliser les images c est dire que l criture en rajoute dans le brouillage des pistes et en g n ral lorsque j cris car ce texte a t r crit bien s r au d part il y a des lettres crites pendant le voyage mais ensuite c est un texte qui a t extr mement r crit quand je le r
222. isible et invisible qu il y a ce qui importe ce qui n est pas l Si l on veut c est le sens derri re le signifiant derri re le r f rent ou l ic ne toutes ces choses l qui sont tr s approximatives que la linguistique moderne a construite de fa on tr s approximative Si l image ne fait que montrer s il n y a rien au dedans s il n y a pas l id e coexistante DE P l COU AO au visible l image ne nous apprend rien qu une satisfaction de jolie image une satisfaction anecdotique artisanale sociologique une satisfaction de jolie image or assur ment il y a quelque chose de plus important que de montrer du doigt Le non dit qui n est pas l ineffable mais est d j au del m me du dit et bien s r par del le montr ce non dit dont on sente la pr sence la s duction La pr sence L image par nature est ce qui est visible est ce qui donne voir ce qui affirme la visibilit du monde la repr sentation du monde travers des conventions travers un code le Quattrocento etc Et ce code m me dans sa repr sentation la plus triviale affirme de l invisible reprend une m taphysique une conception du monde conception de l humanisme de l oeil de l homme comme regard central sur le monde Il y a cette peinture qu on appelle peinture m taphysique la peinture de Chirico de Morandi de Chirico surtout Elle repr sente justement cette vacance elle repr se
223. it demeur un endroit sans vie une sorte de chantier ind termin C est sa vol e mais aussi son envol e que se mesure un escalier La salle manger Durant les ann es qui bien apr s l usage primitif de l difice s par rent l poque de la location en appartements de l ex cution de la vente le rez de chauss e avait en fin de compte t affect par la Commune faire usage de foyer pour les Anciens du village Ils venaient y jouer aux cartes ou aux dominos ce qu attestaient les bancs tables portemanteaux mais aussi l am nagement d un sas avec double porte pour y acc der du dehors qu il avait vus en place lors de sa premi re visite un an avant l acquisition Cette pi ce tait la seule qui re ut la lumi re de trois c t s la fois du sud par ses fen tres du nord car elle n tait s par e de la cuisine que par un demi mur de l est puisqu il avait en fin de compte substitu la vieille porte de planches du presbyt re perc e d un judas une porte vitr e dans sa partie sup rieure Un carrelage d apr s guerre jaune granit et froid l hiver ciment m me le sol d limitait la pi ce L tre lors de son installation m connaissable pour une part ayant fait office de placards pour une autre grossi rement bouch de silex et clos de planches avait d tre repris de fond en comble avant de pouvoir de nouveau en faire usage au premier jour de No
224. it s m diter Le drame des oeuvres d art bouscul es renvers es rendues ce qui serait peut tre leur essentielle nature celle de ruine Celui des architectures n oclassiques l ossature ouverte telles D los Herbert LIST porte sur cet ultime acte humain de barbarie un regard sans complaisance d arch ologue d sabus et essentiellement tranger cette civilisation convulsive ainsi que le fut cet autre allemand en Italie Nietzsche Texte crit la demande de la revue La Recherche Photographique refus Juin 1993 DE DERISOIRES FETICHES le Jugement Dernier d Antoine Poupel Depuis son s jour la Villa M dicis Rome en 1985 Antoine Poupel s est attach travailler au corps l quivalence d risoire de l ordre des grands discours dans un geste la fois ludique exp rimentateur et irr v rencieux Ce sont de grands monotypes macul s tram s noircis mont s volontiers iconoclastes d viant des images d tournant des fragments de r els pr lev s ici ou l dans le tr sor des oeuvres les plus nobles comme dans celui des statuettes de pacotille des dictionnaires ou des magazines populaires La photographie elle m me s y trouve malmen e cass e voil e m l e de citations picturales affect e de gestes destructeurs d plac e Oeuvre noire ricanante semblable aux cr nes des Catacombes joyeuse danse macabre Les id ologies religieuses s rie des Miracles de San Gen
225. it maintenant chauff e par un radiateur lectrique bain d huile c tait la seule pi ce maintenue vingt degr s centigrades pour les exigences des chimies Il ne lui avait encore sembl ni opportun apr s diverses tudes qu il e t fait faire en ce sens ni m me tout fait convaincant apr s en avoir calcul les co ts d investissement puis de fonctionnement de poser dans la b tisse le chauffage central Comme videmment il n avait pu mener de front tous les travaux la fois et bien que l urgence de son usage s en fit sentir une ann e et demie s tait coul e avant que la pi ce ne f t am nag e et que les premi res photographies puissent y voir un jour relatif Ainsi que la biblioth que mais pour d autres raisons doublage des fen tres qui non seulement renfermait la pi ce dans le noir inactinique mais encore l isolait d finitivement de toutes autres sensations pouvant provenir du dehors absence de rep res temporels hormis le rythme m canique du chronom tre mural et de l coulement abstrait du compte pose lectronique espace resserr des murs blanch tres autour des lueurs rouges ou ambres inactiniques et du faisceau blanc intermittent de l agrandisseur jusqu au bruissement sourd de cascade des lavages d preuves dans les bacs et viers de mati re plastique c tait un espace feutr Ainsi l tage englobait l ensemble des pi ces de travail qui pouvaient aussi l
226. iture lui m me Texte paru pour les expositions Empreintes amp Traces en Juillet 1980 Harfleur Traces photographies qui pr sentent par del le d sir d une image claire du pass quelque chose qui les apparente au d risoire Il s agit de vestiges ou de marques davantage que d une impression gard e enti re et intacte Ces traces que laisse un passage de lumi re sur la surface sensible renvoient constamment une inaccessibilit une alt ration ce qu il reste d une rencontre avec le r el demeure incertain boulevers doublement absent Ainsi ces photographies de reflets images d une image o se jouent l enchev trement et la condensation des plans l inversion du miroir l au del et l au devant des vitrages o tout figure en mirage en allusion Traces encore ces marques d une mouvance dont la vivacit dissout la forme ces s ries de photographies oscillant entre latence et r v lation ces visions morcellaires dans lesquelles se donne reconstituer un manque Nous sommes en ce lieu o la photographie refuse de satisfaire l exigence sociale se d robe remplir le r le qui lui fut assign au dix neuvi me si cle r le de pr cision de clart de lisibilit de m moire fid le voire d objectivit Nous sommes sur le chemin des empreintes impossibles de l impossibilit m me de l appr hension de ce que l image offre voir Nous sommes sur le chemin des perturbations
227. ivages st riles de la joliesse et des conventions 4 Avril 2001 Jean Claude B l gou l vidence du corps REPONSES AU QUESTIONNAIRE AS ART 1 Peux tu voquer ton parcours je commence la photographie 16 ans Je fais des tudes de philosophie et d histoire de l art Je me r jouis aujourd hui d avoir chapp au formatage des coles d art m me si on passe beaucoup de temps apprendre par soi m me Je commence exposer 27 ans il ne faut pas montrer trop vite ou trop t t il faut d j tre solide Depuis une centaine d expositions personnelles quelques ann es travailler en groupe au sein de NOIR LIMITE trois livres le Prix Villa M dicis 39 ans Prix New Cosmos Tokyo 41ans Et c t de la cr ation elle m me beaucoup de temps pass chercher les moyens de travailler faire conna tre et diffuser le travail 2 Qu est ce qu un artiste L artiste est celui qui donne sa vie l art N ont leur place ici ni les amateurs ceux qui cherchent un passe temps une distraction ni les professionnels ceux qui fonctionnent sur une logique d efficacit commerciale et font des produits au lieu de faire des oeuvres comme on l enseigne aujourd hui quelquefois aux tudiants Quelque soit le type de rapport intrins que qui transpara t dans l oeuvre et sans n cessairement par exemple aller jusqu une fonction autobiographique Il y a un engagement indispensable et essenti
228. je jetais ces lignes sans que jamais tu ne les lises mais qu en un m me temps il tait n cessaire que a te vienne entre les mains Sachant qu en cela encore vit ma libert d aller contresens de l histoire de m abstenir du pr sent de sa r alit Sans que jamais cela soit une fuite Mais plut t de la force Ma force Comprends tu cela Au moins qui est ma vie Sur ce papier blanc Et lisse Je me prends attacher une tr s grande importance aux papiers Je lis les catalogues des papeteries V lin Arches Centaure Sir ne Kraft Verg Japon nacre Ingres Comme des noms de fleurs J ai envie de leur dire tout cela des fois Je ne le dis qu toi Qui le sais d j 21 Ao t 1980 lettre La carte est arriv e C tait ce matin Froide glaciale chosifi e Ce n est pas vrai tu n as pas trop dans On ne danse jamais trop Toi ton d sir est tel que cela n a pu tre trop Lisse et froide et vide comme le bleu et le jaune sans nuance de la carte postale n 2579 Champ d ajonc en bord de mer Je ne peux non plus croire que ce soient ces couleurs l que tu aurais voulu mettre en image toi et non attrapen Je ne peux penser cela Aller et retour en ville en d but d apr s midi Trouv un livre sold de photographies du dix neuvi me si cle Un livre anglais Sur les cent francs les derniers que je venais de retirer ma banque la moiti sont partis avec ce livre
229. jours affect es d un flou d au boug de l op rateur ou la mauvaise qualit de l optique Je trouve cela tr s s duisant c est le pathos social moderne L encore ces photographies sont consid rer en relation cette analyse des fonctions sociales Mais ce jeu de r f rences s effectue galement travers celles qui sont faites l histoire de la photo et des arts plastiques plus g n ralement Ici on pourra reconna tre un clin d oeil Kertesz l un hommage lt lt L impression soleil levant gt gt de Monet Le travail que tu as men sur les flous dont nous parlions plus haut mais aussi les reflets brouill s par la mati re l eau le sable se place ainsi que tu l as dit dans une volont de se d jouer de la fonction r f rentielle de la photographie donc de ses usages sociaux dominants peux tu encore pr ciser de quel point de vue tu te places dans cette utilisation de la photographie lorsque tu parles de d rision comme photographe ou non photographe Je pense au narrative art Absolument et d embl e comme photographe Mon travail est un travail sur la photographie et non contre elle Il ne s agit pas de la nier en elle m me contrairement ceux qui l utilisent en fait comme une anti image ou au moins une anti peinture ou pr tendent au non art C est pour cette raison que mes images veulent toujours tre parachev es et que les alt rations de la repr sentation lorsqu il
230. l on s acharne non sans contention de d celer derri re les trames des pouvoirs C est en 1990 qu Antoine Poupel a num ris ses premi res images il s en est servi d abord comme d une technique de photomontage passant par l usage d un banc de reproduction ce ne fut pour commencer qu un transfert d outil L une de ces premi res images jet d encres pulv ris s sur une sorte de grand suaire montrait sur fond au motif r p t du bas ventre sculptural du Christ une madone aur ol e entour e par le couple lubrique d un corch aux organes ostentatoires et d une jeune femme luxurieuse le sacr la mort et le sexe et le corps immacul le corps cadav rique et le corps jouisseur la religion la m decine et la prostitution l iconographie n avait pas non plus d embl e boug Une autre image rapprochait les croquis de nus acad miques mutil s et chiffr s la figure centrale du corps d voil d une femme t t e sans bras ni jambes emmaillot e dans une sorte de filet r sille d finissant une mise au carreau r guli re et consciencieuse de ses opulences Manipulations g n tiques Dans cette nouvelle s rie des fleurs Poupel s empare des proc d s de la science pour la construction de ces images il exp rimente manipule d coupe la mati re vivante Des formes nouvelles dominent le cercle oeil ou oeuf ovule et coquille r sultat d une d limitation arbitraire dans lequel s
231. la cause de la nouvelle forme d ali nation et comme la r demptrice universelle De m me nous assistons aujourd hui une nouvelle forme de ce f tichisme prenant pour objet informatique et cybern tique au travers de la croyance na ve selon laquelle ces machines pourraient remplacer l intelligence et la conscience humaines La machine pourrait tout elle est le nouvel objet de glorification en m me temps qu elle est tenue responsable du ch mage ou des conditions de travail au dix neuvi me si cle lors des premi res insurrections ouvri res on d truit les machines A ce niveau de fonctionnement de l id ologie tout comme l ouvrier appara t comme un simple appendice de la machine le photographe va tre vu comme le manipulateur lt lt d nu d me gt gt de l appareil dans cette conception de la photographie le r le du photographe se bornerait d clencher une m canique infaillible et la subjectivit de l homme n est pas prise en compte Mais ce n est pas seulement sous cet aspect de l vacuation du r le de celui qui manie l appareil que l id ologie va trouver sa base objective mais galement dans une foi sans limite dans les capacit s de ce dernier de la science et de la technique Enfin l id ologie op re en occultant la source effective de cette nouvelle technique c est dire encore l homme les rapports sociaux nouveaux qui se sont nou s engendrent le besoin d une nouvelle techniq
232. la chair trop collante trop lourde porter o rejetant les draps on voudrait mettre les os m me nu pour se soulager Le lui en parle sans qu il n y sache rien n en ait jamais rien su Du corps Non plus le corps de leur enfance celui qui joue qui guette qui court se d pense en rires et larmes sans drames ni celui qui se tait aux tables pesantes ou lutte contre le sommeil et l ennui des longues heures d coles Mais du corps qui d sire de la chair qui transpire de l me du tourment S abandonne sa propre turpitude mais sans jamais la nommer sienne parle de celle des autres Lui en qui elle a maintenant suscit le d sir la soif de cet t sans ombre dans la nuit noire la volont mal annihil e de cette enfance d serte des silences touff s Tour tour parole tour tour silence et nigme sans oracle elle n ignore pas davantage le faire attendre atermoie contourne glisse relance En disant peine et jamais l essentiel passe les idoles une une en revue pour en briser les images Mais toujours retient l ultime clef Alors 1l surprend en lui des sentiments qu il ne peut nommer la fascination et la frustration la souffrance de cette mort inconnue d une vie d enfant muet Mais son ivresse d couvre maintenant une nouvelle voie explore de nouveaux chemins elle le sent maintenant en son pouvoir se tait se refuse dire r pondre aux questions qui jaillisse
233. la conscience parce que nous avons t jet s l et que nos yeux tiennent distance respect ce monde Nous sommes dans la civilisation du regard de la ma trise de la distance Crever la surface du corps Crever la surface Crever le corps Dire le corps dire le mal Le mal dehors dedans Dire la distance irr ductible de ma pr sence au monde Dire la proximit pour dire la distance Combien c est loin L en corps Texte pr paratoire au manifeste Noir Limite 7 Novembre 1985 Paris MANIFESTE NOIR LIMITE La photographie est affaire de surface d apparence de donn voir S attacher la surface des choses la peau fleur d nud e tendue vive vif S attacher cette mati re du corps l o nous ne pensons plus l int rieur de nous l o a fond entre nous et le monde l o la surface se met nu o l oeil d rive sur les formes s enfonce dans les plis commissures d vore ce qu il touche o s offre la fragilit de ses limites limites du dehors et du dedans de la peau et des entrailles l o elle se met en p ril et met notre ext riorit en crise en d sir Ce qui est douloureux dans la proximit c est la distance qui demeure Remuer notre chair le seul monde seul r el des corps Crever la surface du corps Crever la surface Crever le corps Texte paru dans la plaquette manifeste Noir Limite Janvier 1986 POUR UN TRAV
234. le fonction est de faire cran au monde et surtout la pens e de saouler Les m dias de masse servent a emp cher de penser bref opprimer La seule vraie question pour l art aujourd hui est comment peut on r sister ce flux d images cette normalisation et banalisation de l image Comment est ce que l art pourrait lui m me ne pas c der ce flux et ne pas proposer des images de plus en plus pauvres de plus en plus superficielles de plus en plus simplistes et rapides lire Comment faire encore des images lentes des images rebours des images qui soient dans le temps de la m ditation Bref des images qui r sistent N est ce pas le sentiment qui aujourd hui est obsc ne Les couleurs Je n ai jamais montr depuis 20 ans que j expose de photographies en couleurs J en ai pourtant toujours fait Il y a m me des ann es o je n ai fait que cela Je me suis toujours heurt un stupide probl me de laboratoire Je con ois difficilement de faire traiter mes images par des tablissements peu ou prou industriels J ai toujours fait moi m me tous mes tirages noir et blanc Si je ne le faisais pas je ne ferais que la moiti de mon oeuvre Avoir un laboratoire couleurs chez soi j entends efficace rel ve de l impossibilit Les perfectionnements r cents de la num risation d images permettent de travailler de fa on autonome et plus fine plus subtile qu autrefois Ce probl me
235. le sens et la mati re il se cantonne d sormais en une attitude de d mission et d abstention l afficher comme un destin totalitaire et univoque la lt lt singer gt gt la refl ter Se contentant de pr lever les objets du social des carrelages de Reynaud aux rayures de Buren ces artistes loin de la fonction insurrectionnelle et critique qui tait celle du Ready Made de Duchamp ou des vides d Yves Klein ne font que mettre en sc ne une pr tendue mort de l art qui serait celle annonc e par Hegel Curieusement romantiques ces modernes mettent la pens e au dessus de la mati re et de la subversion artistique comme Hegel mettait le destin de la pens e conceptuelle philosophique au dessus de celui de l art vou sa mort Mais n o structuraliste l art minimalo conceptuel est aussi dans la n gation la plus absurde du sujet En aucun cas l oeuvre d art sous peine de redondance et de futilit sous peine d en rajouter la vacuit ne peut se satisfaire de reproduire le monde ou s adonner au truculent l anecdotique l v nementiel Pourtant nous ne devons pas perdre de vue que tout ce que nous ajoutons cette vacuit par l oeuvre d art ne peut s apparenter qu la d rision jadis mise en sc ne bien que d un point de vue oppos et moraliste dans les vanit s Accepter cette vacuit de l tre c est vivre une volont tragique de combler la b ance radicale de l tr
236. le une s rie Artiste et Mod les dans laquelle tu fais r f rence la peinture mais aussi la litt rature o tu te poses la question du rapport de l artiste son mod le et le texte qui m a justement peut tre le plus marqu c est ce texte o tu parles de ce rapport tr s ambigu entre artiste et mod le avec des r f rences Pygmalion mais aussi la Belle Noiseuse de Rivette d apr s ce texte de Balzac qui a t adapt au cin ma et c est vrai que ce film parle de cette relation tout fait ambigu la fois d licieuse la fois dangereuse entre le photographe et son mod le Tu peux nous en dire quelques mots JCB En fait au d part il y a toute une tradition picturale d autoportraits d artistes il se trouve que j ai commenc un travail syst matique d autoportrait en 1990 Visages j ai toujours continu a et l artiste dans son atelier l artiste et son mod le taient quelque chose de tout fait attirant Le texte dont GIE i AT C aa ES A ea DE TS SUR LA PHOTOGE tu parles c est aussi un peu comme a que je travaille c est un peu une r flexion sur une histoire qui est l histoire de la fa on dont l art occidental a pu repr senter a pu fabuler galement sur cette relation artiste mod le Pour moi en m me temps c est une relation d cisive pas d un point de vue psychologique mais parce qu elle est constitutive d une grande part des uvres d
237. lequel j avais d but adolescent Il semble qu il y ait dans ton travail en g n ral une dimension po tique Y a t il une po tique des ports Po tique si le po tique consiste chercher aller l essentiel en opposition au roman qui serait du c t de la logorrh e du trop plein de l tendue Toutefois si Zones se nomme ainsi c est aussi cause des souvenirs de mes lectures de Guillaume Apollinaire le fondateur d une po tique de la modernit Pourtant ce n est d abord pas tant le port en lui m me j vite par exemple les bateaux dans le champ que le paysage industriel qui me pr occupe Je reviens sur les pas d une histoire qui me d passe celle de la ville celle des mutations conomiques et industrielles Le Havre est cette ville b tie sur du sable Les villes qui sont des ports sont des villes ouvertes ce n est pas seulement la pr sence de la mer qui en elles respire mais surtout le c ur de communications qu est un port qui est cause de ce souffle Au Havre la partie la plus ancienne du port celle b tie au d but du si cle celle des grands bassins et leurs quais est devenue un espace presque onirique l activit discr te le travail effectif tant maintenant essentiellement concentr sur des places sp cialis es telles qu op rateurs de containers multi vrac ou centres roll on roll off plus enfonc s dans l estuaire L espace s est dilu tendu Sans cesse en voyage je reviens vers les ports vers la
238. les gens et les choses ne me soient d finitivement plus rien et que je ne les concerne plus davantage que pour vivre cette exclusion mutuelle Tel est mon nihilisme nomade Que rien ne me concerne que vu du dehors et que je ne puisse que demeurer dans cette attitude du dehors rejet au plus loin au dedans de moi dans une ultime solitude rejet de tout confort y compris celui d un semblant de paix int rieure Aux autres j ai alors le sentiment tr s violent d une brisure d un clatement jusqu me trouver au bord de les prendre en piti et de les ha r Il y a deux mois au milieu de la mer il me semble respirer tre mon rythme et inexistence glissement d rive le sillage lent silencieux du navire me transporte Eux je les vois br lant sous leurs maillots jonch s sur les transats abandonn s un peu l ches essaim s sur les ponts du ferry immense comme un paquebot Plus tard habits de soir e ils d nent dansent l orchestre joue fran ais Va et vient f brile Comme les serveurs sont affair s Vivre c est cela s affairer Les prendre en piti de notre tique condition et les ha r de leurs faux semblants eux qui font comme si de rien n tait s y essaient avec tant de peine et d efforts maladroits et d aisance quelque fois que ceci en est touchant Comme si de rien n tait de la mort de la maladie de la violence et de la haine en nous de nos incapacit s aimer au bo
239. lier ou la cave laquelle on acc dait par une trappe et une chelle On se servait quelquefois dans les demi saisons de la chemin e saillante sur le mur du fond Cependant une question circulatoire encore non r solue emp chait de l utiliser simultan ment avec l tre de la salle manger ce dernier l aspiration dominante attirant lui toutes les fum es qui couraient alors l horizontale d une pi ce l autre formant un brouillard irritant Le soleil lorsque la traditionnelle dissipation des brumes matinales ou l absence de la couverture nuageuse l autorisaient d coupait p n trant loin la basse saison les ombres des vitrages sur le carrelage et sur les murs Elle avait pass son premier t souvent l assise au seuil des deux marches sans pouvoir ni d sirer les franchir comme pour s habituer lentement h sitante la lenteur silencieuse de la campagne c ti re l cart des villes sans oser s enfouir dans la chaleur du jardin verdoyant h sitante devant l humble d roulement des jours La chambre La chambre conjugale fut la seule pi ce avoir conserv bien qu ils eussent t fort d t rior s ainsi que fen tres et volets travers s de part en part de gros clous sauvagement enfonc s parquets d fonc s et d compos s plafonds fissur s toutes choses qu il avait fallu enti rement remplacer ses lambris de bois moulur s Ils les avaient patiemment repeints l
240. lisation jusque l h sitante et incertaine d une sorte de mise en sommeil La table repasser aussi s y trouvait qu il tait commode d avoir port e de main lorsqu on retirait les v tements des cintres L escalier L escalier est dans une telle b tisse une art re vitale On ne louera jamais assez l tendue de la f licit que procure dans la circulation d une maison l architecture des marches la mesure r fl chie de leur pas le calcul minutieux et savant de l l vation des contremarches la consid ration de l inflexion du virage mi tage et jusqu la contemplation du dessin du nez Celui ci en ch ne avait t construit la fran aise structur par un limon courbe dot d une main courante sans d crochement ni rupture les marches suffisamment larges pour s y croiser sans encombre ou passer meubles ou caisses S il e t pu tre affubl de quelque qualit spirituelle on e t pu dire que c tait un escalier intelligent Mais un escalier n est pas un passage anodin il s pare et organise la r partition des niveaux d habitation il oppose il classe L emprunter est passer d un univers un autre quiconque n est pas admis le franchir toute maison tage suppose un ordre particulier Cette hi rarchie n tait pas ici tout fait celle coutumi re de pi ces utilitaires et d accueil que surmonte l univers plus confidentiel de chambres mais entendait oppose
241. lle qui tre et n ant modification de la mati re invisible encore empreinte imperceptible insensible n est pas m me une image TOUT est retrouver par del la falsification R v ler Trahir Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur D nier l instantan son droit Que vous n ayez l illusion que a vit devant vous Seule existence celle de la photographie Refuser l anecdotique Reflux de la vie Juste de la mati re papier m tal Palluvion d un appara tre ARTIFICE Mouvement pos fixe ou suspendu pr sence toujours h sitante que l image de leur regard vous regarde ne vous regarde pas Mais l on sait que toujours elles savaient Que l image tait avenir Que l image est fin Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur Signes Totalit lire d chiffrer interpr ter Ne pas pr ter l air d vidence de l image photographique ne plus se laisser prendre son pi ge ce pourquoi elle se donne froide lisse claire Faire sombre D pouiller de vie La photographie n est elle pas encore une d pouille Faire aux fronti res de la reconnaissance Aux confins de la perte du noir Que jamais l image ne se laisse oublier Qu elle ne sauve de rien Que vous ne croyiez plus en la photographie Ne plus croire Seulement l affront Juste provoquer cela Texte accr
242. lt et perturb de ces marches Dans les toilettes de la gare je me lave les cheveux les dents me rase s che les v tements et le mat riel au s che mains lectrique Dans cette derni re nuit l eau ruisselant au sol entre les haies je suis devenu ponge sous la pluie drue Je dors dans les salles d attente Il a neig encore Un caf chaud au buffet Je me pr f re nomade en ce voyage l espoir d aller toujours ailleurs peut compenser l ennui d ici de partout qui ne manque jamais de venir Un temps au moins Voyager c est devenir absent soi m me Il suffit de peu pour s exclure des hommes atteindre la lisi re Chaque train chaque bateau vous loigne un peu plus de vous m mes et des autres chaque ville travers e dissout un peu plus votre identit car toutes deviennent gales Les longs trains de nuit entrecoupent les marches et mettent r guli rement fin toute vell it indolente d installation d lection d un territoire born Le puzzle de ce qu il est convenu d appeler la personnalit clate se disloque comme la d rive des banquises force d garements Ils me renvoient sans cesse ailleurs plus loin vers le nord vers d autres reliefs d autres v g tations de nouvelles aires d autres l ments auxquels me m ler et divaguer Les trains me servent aussi d ultime refuge Dans ces lents trajets nocturnes je retrouve les hommes et un semblant de civili
243. lu faire passer dans ce titre l JCB Au d part ce n est pas un titre je veux dire c est le titre que j ai donn l ensemble des s ries qui pour moi constituent un cycle puisqu il y a des s ries l int rieur de cycles et aussi quelques fois des s ries l int rieur des s ries une suite d embo tements J ai r alis les prises de vues des s ries montr es ici entre 2000 et 2004 J ai tout fait conscience d tre un artiste part dans la cr ation contemporaine part pour le meilleur et pour le pire peut tre peut tre je me trompe compl tement en tous cas je fais ce que je crois et c est vrai que l image de la chair du corps vivant du corps fr missant du corps qui Jean Claude Lemagny r p tait souvent cette expression de Nietzsche Rien n est plus profond que la peau ce corps qui est aussi un corps pensant o la pens e est fleur de peau j ai tout fait conscience qu elle est compl tement d cal e et m me maintenant qu elle est compl tement rebours sur le plan moral politique o les travaux dominants aujourd hui sont tourn s vers la ville l urbanisme le social enfin je mettrais beaucoup de guillemets social parce que pour moi c est le plus souvent une imposture le fameux style documentaire et que travailler sur l intime la chair son propre univers la subjectivit c est quelque chose qui est en marge et adopter une pro
244. lui p se S absout se dissout Vomit pleure crache recrache limine Se noue Se d tend frappe Corps s affirme s infirme bo te cloche prend forme difforme s anime se t tanise paralyse Attire attise br le consume transpire s meut s abandonne se dessaisit s ouvre se donne crie palpite appelle se comble s emplit Se ressaisit repose meurt se reprend appelle nouveau se cl t s endort Se laisse aller le retiens toute sa pesanteur l ger souple hal te vacille se donne se reprend se donne S teint assouvi R siste une derni re fois n y tient plus court se jeter dans les bras le vent l antre demande guide se meut dans cette proximit cette concision s accouple se d sarticule se fait se d fait se refait Se liqu fie S che pourrit S enfle des seins des l vres des paupi res du ventre Du ventre corps entre corps sort plus petit infiniment plus entier infiniment Veines art res bleues sous la peau exacerbent la peau saigne se r pand se disperse s meut Veut en terminer en finir avec cette eau ce sang ces tissus en dedans ou cette carcasse qui seule demeurera au mieux La main s inscrit court presse glisse sur ce corps qui transpire perd l quilibre glisse se laisse prendre se laisse clore ses yeux ouvrir ses l vres dilater ses muscles acc l rer son expiration Sous les doigts muscles jouent remuent r flexes vie ins
245. m thodiquement c tait cette fois la face des fa ades contemporaines repassant l envers des feuillets tout aussi lentement sollicitant leur avis leurs go ts leurs envies Mais sentant l arnaque ils n avaient pas donn suite ces propositions Le salon Communiquant autrefois avec l actuelle chambre par une monumentale double porte de ch ne et ayant form avec elle la salle du Conseil Paroissial la pi ce rose ouvrait par une porte fen tre sur le jardin C tait par excellence une pi ce d t lorsque l air au dehors tait trop chaud et que l on d sirait jouir cependant de la pr sence et des parfums de l abondante v g tation On y coutait aussi de la musique assis sur l un des fauteuils de canne qui en formait le rare ameublement Ici encore plus qu ailleurs le vide semblait avoir t l objet d un soin attentif Les hauts plafonds de l difice augmentaient cette respiration et les volumes les consid rant il pensait souvent cette phrase de Ludwig Feuerbach rapport e par Karl Marx lt lt on ne pense pas de la m me fa on dans un palais que dans une chaumi re gt gt I tait persuad que l abaissement progressif des hauteurs de plafonds entre autres lors de la grande vogue des conomies d nergie tait un signe de pingrerie de civilisation et de l sine de l esprit Outre la chambre et le jardin une autre porte permettait de gagner l entr e nord et de l l esca
246. mais t et partant la repr sentation tragique d une perte d une perte de la pr sence d une perte du sens a t l il y a quelque chose qui aurait pu tre l qui aurait pu tre ce monde quilibr ce monde de m ditation ce monde de qui tude et pourtant c est inaccessible distendu inexorablement perdu inaccessible au del du papier il n y a rien il y a ce bout de papier Les photographes me font penser un homme qui voudrait reconstruire en miniature dans le sable d une plage la Muraille de Chine pour en garder une image solide dans le temps Ainsi les photographes primitifs sont all s photographier les pyramides d Egypte pour en ramener des repr sentations mais galement vraisemblablement pour en sauvegarder en ce si cle de restauration et de conservation une image N est il pas d risoire de vouloir conserver une image qui ne se pr serve pas plus de cent ans de deux cent ans de pyramides qui se sont maintenues intactes depuis des mill naires N est ce pas cela la vanit de l image n est ce pas cela le retour de nos vanit s le retour inconscient pr somptueux idiot Dans l histoire de tout cela il y a eu enfin l histoire de la ph nom nologie avec Hegel avec Heidegger en France avec Merleau Ponty et Sartre La r habilitation moderne de l art vient de ceci de ce que la philosophie de ce que la m taphysique a pris conscience que l tre tait ce qui se manifestait et
247. mais cette vie en elle ramen e l essentiel au primaire la tentation Et cet homme anonyme qui oeuvrait obstin ment sans cart Plus tard la loge de concierge au rez de chauss e oblig les n ons toute la journ e qui bourdonnaient tant il faisait sombre dans l unique pi ce dont la seule fen tre donnait sur une cour petite et profonde entre les tages quelques m tres carr s soigneusement pav s et s par s de ceux de l immeuble mitoyen la sym trie parfaite par une grille de fer imposante norme De l autre c t il n allait jamais ceci e t pu tre comme un parloir c tait ailleurs une autre r clusion il ne fallait pas y aller c tait d fendu illicite Il y avait un autre gardien d autres cerb res qui en mena aient l entr e Les dimanches qui n en finissaient pas sous les tubes sombres la femme rude petite autoritaire maladroite la voix qui devenait criarde quand elle s adressait aux visiteurs mielleuse quand c taient les locataires C tait l entr e de l enfer Elle savait tout par le courrier qu elle distribuait par les visiteurs qu elle interrogeait par les bavardages faussement d bonnaires les comm rages ouvertement pervers par les fen tres Les fen tres qui en disaient long la nuit surtout Monde gris sale m me pas noir comme les briques de l immeuble familial macul es du charbon des locomotives d une grisaille sans faille sans accident de
248. merait au mieux en disant que l on vit en la photographie un fabuleux instrument de relev s au sens topographique et arch ologique du terme Pourtant on est frapp que ce soient les Romantiques ou des proches comme Vernet Nerval ou m me Le Gray qui parmi les premiers eurent cet enthousiasme pour la photographie en m me temps qu ils traversaient la mode orientaliste tandis qu acad miques futurs Pompiers et disciples des n oclassiques jetaient l anath me sur elle On ne peut omettre de citer Chass riau et Delacroix parmi ces fous d Orient Certes objectera t on toujours il y a eu Baudelaire mais Baudelaire n a jamais grimac sur ses portraits photographiques comme Ingres et put accepter qu elle fut l humble servante des arts ce qui tait pr cis ment l esprit de ces photographes voyageurs Tandis que les acad miques ceux du designo voyaient bien eux que la photographie ne serait jamais servile mais prendrait vite une place bien en vue pour elle m me Il s agit donc d exotisme et peut tre l accessoire photographique est il tout d abord destin agr menter en rajouter l exotisme et la folie du voyage m me en lui procurant un nouveau piment Egalement parce qu il se donne comme une nouvelle monnaie d change durant le voyage la brillante d monstration d Horace Vernet devant M h met Ali et apr s le voyage par l dition de luxueux albums L accessoire sert encore pr
249. mineux converger sur un m me plan a t pens et r solu pr alablement l acte photographique par des scientifiques et des techniciens Par analogie on pourrait se r f rer au moment o on a commenc fabriquer industriellement des peintures huiles gouaches encres etc car partir de l un probl me qui appartenait au peintre trouver puis m ler les pigments et les liants a t pris en charge et r solu en dehors de lui Mais en ce qui concerne le processus photographique il ne s agit plus seulement de l affectation d une phase du travail mais de toutes les phases A la photographie il n est m me pas n cessairement besoin d un photographe D une mani re particuli rement tangible et bien autrement que dans le maniement d autres m dia la photographie pr te donc suivre la pente naturelle de l id ologie des modes de pens e des mod les et des repr sentation dominants Par pente naturelle nous voulons bien entendu d signer la fa on dont l id ologie sous la forme de codes domine toute pratique d pourvue de travail critique toute pratique spontan e ou pragmatique et ce par un processus irr sistible et inconscient Le savoir photographique en ce sens correspond exactement au savoir d un automobiliste ou d une m nag re pour ses robots et la photographie est contemporaine de ce nouveau type de rapport la r alit qui est l acquisition l assimilation d un mode d e
250. mis alors rev tir plus explicitement une fonction ludique non au sens d un acte gratuit mais d une subversion qui s appuie soit sur un travail de prise de vues minimal constamment l cart de recherches formelles ou d effets esth tisants soit sur des citations mises en ab me en gouffre reproductions d images pieuses ou de bibelots souvenirs des sites religieux reproduction de photographies ou gravures pornographiques scientifiques historiques Il se met user de techniques qui vont chaque fois surprendre car elles laissent place au hasard L op ration de d veloppement men e de fa on s lective et manuelle l ponge ou par une sorte de dripping servait autant dessiner par exemple des croix latines dans la s rie des catacombes qu masquer effacer ou r v ler Le voilage et l oxydation de nombreuses parties de l image mimait le travail de la mort de la corruption corporelle Dans les recherches d Antoine Poupel il y avait quelque chose qui relevait du d licieux supplice non pour mettre mort mais pour arriver inlassablement une renaissance et une jouissance Il y a dans sa d marche une joie de se jeter dans le vide dans une qu te m tiss e d o jaillissaient des hybrides en m me temps qu une violence Gr ce au r v lateur il occultait certaines parties des images et parvenait montrer tout en maculant en cela 1l se rapprochait de la peinture du Caravage qui par son lumini
251. mmes toujours au monde dans nos chambres noires autant qu ailleurs Texte crit pour l exposition Vifs Septembre 1981 PREMIERES NOTES POUR UN MANIFESTE Ne pas partir de la photographie mais de l tat du monde La photographie est un moment un lieu un ph nom ne dans l tat du monde Cet tat du monde peut se r sumer dans cette formule il est VACUIT tat de ce qui est inanit vide nu Partant tout ce que nous y ajoutons ne peut s apparenter qu la d rision une volont d risoire de combler la b ance radicale de l tre L art en g n ral et les images participent de ce d risoire La pens e est n cessairement vou e l ERRANCE La justification de l activit cr atrice ne peut r sider que dans ce qu elle est m ditation sensible de cet tat lacunaire et cat gorique En aucun cas elle ne peut sous peine de redondance et de futilit sous peine d en rajouter la vacuit se satisfaire de reproduire le monde ou se complaire s adonner au truculent l anecdotique ou l v nementiel La sp cificit et l int r t de la photographie r sident dans le corps corps tragique avec le r el qui est l essence m me de la photographie en tant que processus de captation De l sa r alit CAPTIVANTE en tant que vou e un tat de choc permanent entre les contingences du monde et l accomplissement de la pens e cr atrice de sens Par la photogra
252. moureux devienne femme que le marbre s anime abandonne lorsqu il est exauc par V nus le monde de l art pour celui de la vie Galat e n est plus uvre elle est femme L interdit du mod le Relation de contemplation ou relation de d sir Le paradigme dominant de la relation du spectateur l uvre d art comme celui de l artiste au mod le est contemplation et non point d sir Kant Critique de la facult de juger Analytique du beau Contrairement au d sir la contemplation ne consomme ni ne d truit son objet elle le laisse intact hors d elle La vierge d sir e et consomm e cesse par la m me d tre vierge la vierge contempl e sort inchang e de ce regard Tout au plus a t elle pris conscience de ce qu elle pouvait tre objet digne d tre contempl e de sa beaut Entre l artiste et le mod le la distance s impose donc d abord le mod le est sacr prot g par des interdits l interdit d y toucher l interdit du d sir D j il avait oubli la jeune fille il tait dans le ravissement de la neige des seins clairant l ambre d licat des paules Une modestie inqui te le rapetissait devant la nature il serrait les coudes il redevenait un petit gar on tr s sage attentif et respectueux ibidem page 70 note Zola propos du peintre dessinant pour la premi re fois Christine endormie son insu La transgression de l interdit mod le ou ma tresse Pourtant rien n est si simple
253. mplation intellectuelle et le tableau cette fameuse fen tre ouverte de la Renaissance sur ce qui est au dehors C est cette distance qui est franchie puisque ce corps outre que c est pr cis ment moi qui le mod le se livre une int riorit physique leurs mati res C est partir de cette int riorit physique qu mergera sur l image l autre int riorit mentale Bachelard d finissait la sensualit comme appartenant la po tique m me de la mati re le feu l air la terre les eaux de sa physique C est la mati re sp cifique du corps la chair qui irradie et transporte transcende les gestes les plus banals les objets les plus froids ceux en plastique blanc de la cuisine par exemple Ce sont les mati res auxquelles la chair se m le bu e eaux poussi re savon p te tarte viande herbes feuillages laines tissus papiers fards aliments boissons pluchures feu glace paille poudres etc mais ce ne sont plus comme dans les s ries Noir Limite de 85 89 un corps et des mati res dans un parti pris d abstraction Nous sommes cette fois au monde Outre cette structuration par pi ces lieux de l habitat qui fait de cette s rie la fois un travail sur le corps la fois un travail sur l architecture et l arch ologie du lieu chacune des 17 s ries se compose elle m me de plusieurs images assembl es le plus souvent en triptyques mais aussi quelquefois en polyptyques comm
254. mploi L id ologie scientiste et positiviste taye ces sp cificit s en terminant d occulter l id ologie qui non seulement accompagne la d couverte et dicte certains de ses choix mais aussi va r gir son usage et va faire que la d valorisation de l acte photographique est imm diatement corr lative de la sur valorisation de ce qui est photographi Ceci on laura compris ne revient pas dire que l appareil photographique est en lui m me id ologique ou g n rateur d id ologie mais que sa fabrication et son utilisation s inscrivent de plain pied dans les rapports sociaux et leur id ologie Ce serait rester prisonnier de ce f tichisme que de consid rer l appareil comme id ologique en lui m me L art au del des fonctions pragmatiques La fonction pragmatique photographie professionnelle d amateur exclut a priori la fonction artistique La photographie comme tout autre mode d expression est n e d un besoin social et a t assujettie l origine de fa on tr s stricte aux fonctions sociales qui lui taient assign es En cela la mise au point de la technique photographique comme le montre d ailleurs la convergence de diverses intuitions venues de plusieurs pays d Europe n est pas une d couverte spontan e ou hasardeuse ni le fruit d un pr tendu auto d veloppement de la science mais est bien la synth se de multiples recherches aspirations et exp riences dont le catalys
255. mps manqu ce travail interrompu cette perte de soi cette incapacit du corps r pondre aux vouloirs cette incapacit de l esprit m me se concentrer sur un vouloir d cider faire r aliser rendre concret Corps ramen sur sa plainte s prouver dans cette incapacit cette l thargie o merge aussi comme d un frottement du corps sur lui m me un immense d sir d treinte Je me trouve ridicule ici malade au fin fond de la Finlande Se photographier est alors tablir le constat de son erreur de son impersonnalit de son d ficit sa disparition Je me photographie et je ne me sens plus exister Je ne me sens plus prendre ni tre pris Ni compassion ni ressentiment Il n y a plus rien qu un geste qui me d signe moi m me me met en joue s vertue chercher quelque int riorit quelque substantielle densit quelques bribes d intelligente pr sence d moi la vie Je regarde ce geste cette main ce hublot cristallin il n est alors que la volont impuissante et vide de saisir cette ultime co ncidence de l acte la conscience du sujet l objet de l autre soi de ce bras d j autre que soi ext rieur cette sensation diffuse et toute close d tre qui se borne au for int rieur cette bouillie mentale o mon corps est d j un tranger mes yeux Dissolution o je suis incapable de m appr hender dans ma totalit ph nom nale co
256. n avions gu re que Bourdieu et Gis le Freund Aujourd hui Sontag Barthes mais aussi Denis Roche la situation a volu parce que la position globale de la photographie est un point de rupture qualitative elle entre dans la sph re des l gitimit s en tendant merger de son emprisonnement au sein de ses fonctions sociales pragmatiques originelles La Chambre Claire de Barthes est ce propos un ouvrage r v lateur non seulement car ainsi Barthes accompagnait une reconnaissance de la photographie dans une intelligentsia traditionnellement r actionnaire l gard de ce mode de production d images mais surtout parce que Barthes tout en prenant le train en marche et donnant ses lettres de noblesse la photographie a totalement abandonn son analyse s miologique m caniste et r f rentielle de la photographie celle des Mythologies pour pouser une approche lyrique voire franchement affective de cette image c est dire qu il y a aussi de la r gression dans la Chambre Claire Il s agissait alors pour moi de mettre en oeuvre une praxis au sens d une liaison dialectique th orie pratique Il me semblait impensable d agir autrement dans la mesure o ceci aurait t in luctablement suivre lt lt la pente naturelle gt gt de l id ologie dominante Bien s r il peut y avoir des transgressions impens es d un c t et l on ne rompt jamais totalement avec l id ologie de l autre Enfi
257. n est pas n cessairement le portrait entendu en son sens de tirer les traits la psychologie Nadar ou le statut social Auguste Sander Toute pr tention au portrait me semble relever de la fiction pour moi qui suis mat rialiste un visage c est d abord de la peau des yeux des oreilles une bouche avec un cerveau derri re le front dans le cr ne La psychologie ne m int resse pas plus que le statut social dans mes images Ensuite je ne me suis jamais dit non plus par exemple que j allais faire un nu Le nu est un genre codifi le nu ne m int resse pas la nudit m int resse Et je refuse de faire une coupure ou une hi rarchie entre les parties les fragments du corps De m me que je ne fais pas de diff rence essentielle entre la nudit et la presque nudit Les limites de la nudit m int ressent et en cons quence les limites du corps et de ce qui le cache Approche formelle du corps Je cherche ne pas travailler dans la surface des choses mais dans leur profondeur ne pas m int resser qu aux formes et aux couleurs mais aussi ce qui constitue les choses leur chair merge de leur int riorit physique leurs mati res Il faut tre physiquement au plus pr s de son sujet jusqu tre immerg dedans ou le toucher La photographie ne doit pas tre seulement affaire de regard et n tre que point de vue ext rieur aux choses Il me semble qu il faille travailler avec l intelligence mais aussi av
258. n 1910 de la vie telle cette planche de fleurs lutines qui dansent et accomplissent une ronde La manipulation des images change de champ la manipulation devient g n tique La combinaison des codes informatiques qui autorise le d cryptage des codes g n tiques lui donne ici la libert de la reproduction manipul e Reproduction iconique et reproduction sexuelle se s parent et se renvoient l une l autre au travers de la vitre du scanner de la m me fa on dont sexualit et reproduction acqui rent dans la biologie et la m decine leur ind pendance Apr s l re de la sexualit sans reproduction contraception avortement n taient encore que des techniques tr s primitives archa ques vient l re de la g n ration sans sexualit Ainsi l utilisation de la technique des tampons qui consiste pr lever une partie de l image afin de la reproduire en plusieurs exemplaires sur l image initiale s apparente la technique du clonage La math matisation en ramenant la qualit la quantit les sch mas m canistes proc dant par r duction la technicisation de la nature ont ouvert la route la m canisation du vivant la libre circulation des organes Le corps cart sien le corps machine continuent de se disloquer ouvert jadis aux bricolages de la chirurgie demain au commerce des tissus et aux interventions intracellulaires Ainsi les images num ris es se substituent aux images analogiques
259. n qui peut croire encore en la spontan it de la production artistique On ne peut pr cis ment comprendre ton travail que par r f rence une analyse des fonctions sociales de la photographie Absolument Outre ce que j ai indiqu tout l heure comme refus de la redondance de cette photographie anecdotique dont l essor fut li un nouveau type de consommation de masse de la photo en m me temps que se r pandait l usage du 24 x 36 et qu un march tait surgir qu il fallait faire consommer de la pellicule aux amateurs on glorifiait le lt lt faire vivant gt gt L ensemble de mes photographies est voir en r f rence la fonction de solennisation de la photographie Ce caract re fig solennel voire hi ratique et ostensiblement artificiel de mes images d sire rappeler que toute photographie s appuie sur une fonction comm morative et que ce r le de comm moration et de mise en valeur a t d terminant d s 1840 Nadar N gre Hill mais aussi plus tard Atget En cela la photographie perp tuait la grande tradition du portrait peint telle qu elle avait merg chez Van Eyck ou Holbein et s tait modifi e jusqu au dix neuvi me si cle Ingres Mais elle la renouvelait et la renfor ait de par sa sp cificit d tre n cessairement image empreinte de quelque chose qui a effectivement exist de nouer un nouveau lien de l image au r el Ce caract re hi ratique de tes photo
260. n toute la journ e que l on continue parler de la photographie comme si la photographie ce n tait pas une notion qui avait t balay e depuis les d buts de l histoire de la photographie c est dire une notion qui tr s vite avait clat et que la r alit est qu il y a des photographies et non pas la photographie Dans cette photographie de l existence disons que j essaie non pas de r pondre parce que je crois que la grande force des uvres d art contrairement la philosophie justement c est d viter l esprit de syst me et d viter de r pondre d viter le dogmatisme mais de faire penser de confronter cette question qu est ce que c est qu exister Qu est ce que c est qu tre au monde et cela je le fais quelque fois je l ai fait au moins pendant une dizaine d ann es travers une confrontation ma propre existence et aux propres pisodes de mon existence Il y a un concept freudien qui me semble rendre compte assez justement de ce rapport en tous cas qu il peut y avoir dans mon oeuvre c est un concept tr s inqui tant surtout pour moi entre mon travail et la r alit concept qui semble tr s bien rendre compte du rapport entre autobiographie et photographie c est le concept freudien de mise en acte qu il faudrait le cas ch ant articuler avec le concept de mise en sc ne Je vous lis la d finition qu en donne Laplanche et Pontalis car je n ai
261. nce Toute logique de cr ation est une logique sacrificielle Faire travailler la mati re inerte la saisie de la mati re vivante en lui asservissant le fluide dynamique ondulant de la lumi re Reproduire en une germination corpusculaire dans le trou secret de la chambre noire procr ation magique f condation habit e du r ve d terniser ce sublime moment et de prolonger la vie en l oeuvre Terre sable gravier cendres bois calcin enceignent la chair La main et l oeil agissent en ces gestes rituels de mouvoir le corps le modeler le couvrir l ensevelir lui donner forme vie et mort immoler le mod le la destin e de l art puisque aussi bien ensuite ces gestes de ma main accomplis il s agit de prendre Travail poignant accompli de la Toussaint aux P ques sans qu il y ait lieu l pr m ditation jusqu ce que le terreau dans la salle obscure fertilise et germe Herbes pouss es dans cette chambre noire tale d un cosmos miniature de ma cervelle tal e jet e l d un noir d ambre Les vierges Pures les vierges ne sont m l es de rien d autre qu elles m mes Ambigu t du cadavre tre l et d j nulle part insaisissable qui nous chappe Non pas la mort d compos e vieille mort qui d j d truit mais la mort fra che neuve jeune celle que l on ne reconna t pas qui encore vous t tanise paralyse Frais cadavre d licieux intact compos
262. ncontre c tait ici qu elle m me dor navant chaque matin r digeait depuis qu elle s tait mise crire Le corridor Le corridor tait un rectangle blanc juste d form par le passage du conduit de chemin e qui montait depuis le salon en ligne droite espace sombre bien qu clair par une porte vitr e donnant sur le palier et un ch ssis fixe l autre extr mit du m me mur hauteur des marches qui de l autre c t continuaient jusqu au grenier Quatre autres portes permettaient d acc der en se tournant dans le sens des aiguilles d une montre la biblioth que au d barras archives au bureau la chambre nord On acc dait la chambre noire directement du palier de l escalier ce qui renfor ait la conviction que le cloisonnement de cette pi ce obscure n tait pas d origine Il abritait seulement une cr che d glise ronde bosse d un seul bloc de pl tre peint remontant sans doute la fin du si cle dernier sans valeur autre qu affective C tait la seule statue qu il avait gard dans l ancien presbyt re les autres dont une s duisante vierge ayant t r cup r es par les paroissiens peu de temps avant son installation Il demeurait encore les ailes d une colombe du Saint Esprit et quelques uns des rayons divins qui en avaient man en bois dor Le corps m me de la colombe s tait gar C tait la seule pi ce o ils n avaient encore jamais fait
263. ncore Il n y a plus que l impression de ta pr sence et je ne suis pas sur la photo mais on ne se dissimule pas davantage derri re l appareil que devant ni moins d ailleurs IMAGE D ARTIFICE pour laquelle tu as renvoy la lumi re pour laquelle je l ai accapar e distordue Notre artifice non l image de ce que tu serais qui soit sans objet ni sujet ni mod le ni d miurge mais notre travail juste notre travail Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur Trahison Mise en vidence de la position d absence dans ces photographies dans la photographie Perspective arch ologique l image est encore enti re Miroir aux alouettes telle est elle Reflets d un autre d un ailleurs qui ne parviennent pas prendre corps sur le plan se rendre pr sents Surfaces peintes maill es chrom es vitres tendues vides que seules viennent emplir les reflets Les reflets d absence Traces du d c s en ces LIEUX Fausse indiff rence Capture du vide Image en n gatif Ne croyons plus que la photographie sauve de l absence Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur La co ncidence parfaite toujours troublante Au temps unique Temps de la photographie m me O l image est image de son origine Moment de l unit de la r conciliation Retrouvailles En un m me temps double degr
264. nent gu re trop de sentiment Pourquoi cette teinte m lancolique Je serais bien en peine de l expliquer l air du temps peut tre le sentiment d un parcours accompli de l image et de la vie sans doute Une certaine grisaille Toujours cette obsessionnelle qu te de la v rit des corps et des visages des peaux des tres V rit imp n trable et rev che qui se d file sans cesse comme les mod les se d robent et qui pourtant affleure de courts moments privil gi s Certes on ne photographie jamais le dedans l image est vou e au dehors l apparence Il faut donc faire parler le dehors c est dire le corps le mettre dans un tat de pr carit l exposer Mettre les mod les nu c est aussi les sortir d eux m mes sit t nus leur visage se m tamorphose le rempart habituel de l habit ne les prot ge plus Les faire se d shabiller c est les faire s noncer Entrer dans un autre langage Les amener se trahir Je travaille longuement dans le silence juste les mots pour demander une pose un geste une action corriger un mouvement Je travaille dans le dispositif le plus simple possible que l appareillage technique soit le plus absent le plus discret possible r duit son strict minimum lumi re du jour filtres de voiles aux fen tres pour la moduler appareil la main optique constante Rien d autre Une journ e enti re deux journ es enti res pour chacun Suivent
265. nheur au contentement bref la paix Leur paix je sens bien que je la trouble J ai renonc depuis longtemps leur parler je ne puis que les plaindre et les aimer les envier et les d tester les regarder fascin et les quitter dans une douleur extr me Comment peuvent ils ne pas savoir Comment peuvent ils ce point tre ignorants Ou affecter de l tre je n ai jamais su en d cider Comment peuvent ils tre si d lib r ment aveugl s et accepter cette situation l de vivre Comment peuvent ils encore croire et adh rer ce qu ils sont et font leurs petites parcelles de pouvoirs et de savoirs Ou affecter de croire Je ne peux que leur donner une oeuvre Je ne pars que pour cette sensation d tre happ d pass dissout par ce d placement de gare en gare de ville en ville de lits trop troits en chambres trop bruyantes de couchettes de bateau enfonc es sous les flots en couchettes de train happ par les kilom tres lents et rythmiques Que pour voir o la civilisation peu peu se dissout l bas au grand nord au milieu de la toundra et des moustiques du froid hostile et de la nuit incessante comme un couvercle qui ne se l vera plus jamais Je ne pars que pour atteindre ce monde sans hommes ces montagnes ces bois ces lacs aux sentiers rares Cependant je ne serai all nulle part ces montagnes n auront pas exist ni les bois ni les lacs Il n y aura eu qu une travers e fantomat
266. ns lequel l aspect manuel devient extr mement mince si la photographie exige des op rations complexes dans leur mise en oeuvre pr paration des plaques prise de vue op ration de d veloppement des plaques tirage etc elle n exige aucune habilet particuli re L id ologie du don a seulement pu tre r int gr e dans la fiction d un sixi me sens don de la composition etc voir les discours d Henri Cartier Bresson Quant aux r ponses sociologiques toutes ces questions Pierre Bourdieu elles ne peuvent gu re nous satisfaire ressuscitant une v ritable sophistique de la pens e o une chose devient ce que la soci t d finit qu elle est Si l art ne peut tre d fini que comme ce qui est l gitim comme art nous r gressons ce point qui dit qu une chose est ce que l id ologie dit qu elle est Curieuse abstention R ification et apparence r ifi e des rapports sociaux Les d buts de la photographie sont contemporains d un bouleversement fondamental dans la structure sociale la constitution du capitalisme sur la base de la r volution industrielle Le terme r ification res la chose d signe un double ph nom ne d un c t le fait que les rapports entre les hommes les classes cessent de se donner comme tels mais prennent une apparence r ifi e c est dire l apparence de rapports entre les choses ou des choses machines argent crises conomiques apparaissent avoir un fonct
267. ns pas dominer et ce monde qui est galement notre monde m me c est dire notre propre r alit d homme notre propre corps d une part et d autre part le produit de notre esprit le produit de notre conscience Et la possibilit d un art appeler m taphysique est fond e sur cette facult pour l art d exercer cette volont repr senter la pens e pour objet pur de repr sentation sensible Il y a les espaces vides les espaces d serts comme la repr sentation de cette vacance de cette vacuit de cette d r liction cette d sesp rance cette errance Ces lieux Il y a la repr sentation de ces femmes de ces consciences de ces femmes consciences de ces femmes m ditantes de ces lumi res qui sont la conscience de ces femmes m ditantes et conscientes Les femmes sont aussi un sujet traditionnel de la repr sentation picturale de m me que le paysage ce peut tre un retour l essentiel un retour l essentiel en tant que le sujet est tellement charg d histoire qu il puisse s teindre se nier lui m me comme sujet n tre plus que le pr texte autre chose et en m me temps est peut tre cette expression de la nostalgie d un monde d un autre monde de cette nostalgie h g lienne mythique d un monde grec quilibr beau le monde des harmonies le monde des statues grecques le monde des proportions architecturales le monde de l quilibre entre la pens e et le corps l
268. ns une confrontation qui les d passait les emportait les mettait hors d eux m mes tous deux dans leurs passions leurs d mons Les serviettes qui baignaient macul es de sang Puis la m re ne quittait plus la fen tre ni ses yeux les trains dont elle guettait inqui te l heure du passage Elle ne pouvait plus s en d faire ce vide la sollicitait elle disait qu un jour elle ne pourrait plus se retenir qu elle franchirait la rambarde qu elle avait peur de tomber de cet attrait Qu elle redoutait le vertige de ce jour l Les dimanches de promenades sur les quais du port elle criait lorsqu ils approchaient trop de la mer Ses nuits elle enfant coutant les avions survenir Elle attendait dans l obscurit le vrombissement sourd d abord des moteurs puis compl tement distinct les bombes jusqu leur chute imperceptible dans l air les explosions les cris de ceux qui se r veillaient alors Elle avait tout entendu depuis le d but elle entendait toujours la premi re les bombardiers arriver Clos le monde tait clos entre des fen tres ou trop borgnes ou trop b antes et des portes lourdes Mais les murs eux les cloisons les espaces les pi ces uniques n taient jamais assez herm tiques ni les couvertures rabattues sur soi Il aurait voulu ne plus entendre que la rue que les places bruissantes affair es pouvoir ouvrir la fen tre sur la rue sur les lumi res de la nuit ses chiens ses pass
269. nscience de la sensualit et de la pens e Pour ces raisons te photographier est dans mon errance un d fi de cette sorte un peu nouveau Et j aurais je le confesse quelquefois envie de mettre un peu de noirceur l dedans une pointe de douleur Et je r clame de la confiance Sentiment galement l origine de cette criture d aujourd hui besoin d approfondir comme la mer ses creux et ses pleins cette complicit qui doive faire que nous puissions sonner sans fausse note sans faux accord Il fait froid dans le monde pr sentement Tandis que fasse toi me revient le d sir de ces vues douces et lumineuses paisibles et sensuelles de paix et d harmonie De bonheur Post scriptum Tu ne semblais pas tre l aise ce matin pourquoi Paris Avril 1985 Par dessus les banquettes vides des regards se cherchent Mais personne ne parle personne Nine vais vous voir ni ne vous adresse la parole ne m assieds ni vos c t s ni vis vis Seuls mes yeux sur vous se figent en vain Car je n ai rien vous dire Car plus rien je ne sais Ni de ma vie ni du monde Et mon cr ne est un galet Dans lequel le sang irrigue en vain Seulement quelques visages te saisissent et tu es incapable de nulle autre chose pourtant plus propice que te river inerte et fig sur ce regard qui ne peut que te craindre sans que cesse la fascination Une chaleur int rieure te hante et qui t touffe J
270. nsi un corps corps avec le monde Dans les textes qui accompagnent chacune des 17 s ries qui composent de fa on architectonique De tous les jours l histoire de la relation au mod le point encore par br ves touches D s la premi re prise de vues la relation a bascul passant de la seule relation artiste mod le au moment o le mod le s est install pour de bon dans le lieu et dans ma vie Je m tais toujours interdit un tel passage Le mod le est mon sens un m dium son r le est d incarner le projet mental abstrait de l artiste Chacun des textes qui accompagne les 17 lieux pi ces ou abords jardin verger de la maison met donc en parall le deux narrations d occupation des lieux celle du lieu par l artiste quinze ans auparavant celle du mod le qui son tour se l approprie en d bordant du cadre qui tait initialement pr vu Pourquoi ces 17 s ries dans la s rie De tous les jours Assez vite apr s les premi res prises de vue qui furent aussi des prises de vies le choix des situations s est organis par pi ce de la maison Nous avons donc ensuite travaill pi ce par pi ce m thodiquement la fois dans un choix de situations d actions ou d inactions de lumi res La salle de bain la cuisine la lingerie sont au flash dans des coupes fragment es la biblioth que la chambre nord sont en lumi res du jour diffuses couvertes grises quelquefois pesantes le bureau la
271. nt aux mots qui fusent Elle l prouve dans son d sir Et la nuit l approche de l aube se fait plus trouble que jamais Le sexe et l argent le pouvoir et la tentation les rivalit s et la convoitise les rencontres et les ruptures les amours et les haines elle le poss de dans son d sir et jouit de l envie Leurs avidit s ne sont pas m mes mais se tissent cette heure sans heure corps corps Alors soudain envahi de cette parole il parle son tour se r pand sans plus rien y pouvoir Il pose les questions Celles des corps parents Soudain il veut savoir Savoir de quoi de circonlocution en allusion elle ne cesse de dire comme une souillure fatidique des hommes et des femmes sur qui elle m dit maintenant mais qu elle laisse dans une obscurit soigneuse et perverse Se refuse le lui expliquer Pr tend que ce n est pas elle qu il d couvrira bien un jour Brusque enfin qu il n a pas l ge encore Que c est sale ou aussi bien voluptueux tel un d lice sale Plus et sans qu il n ose clairement le dire mais assez pour se faire comprendre il veut voir Il demande voir le corps adolescent qui a veill en lui le tourment Oter ce qu il demeure du drap et de la chemise peine si elle reste malgr la touffeur Se refuse lui montrer mais sans que son opposition ne paraisse jamais sans issue Feint d tre choqu e mais sans que jamais son moi ne puisse emp che
272. nt ignorer se situer dans l histoire de la photographie Aucun ne peut m conna tre la travail de la MISSION HELIOGRAPHIQUE pour le recensement des Monuments historiques en 1850 ou le travail command par la FARM SECURITY ADMINISTRATION aux Etats Unis en 1930 sur la mis re engendr e par la crise NADAR ATGET ou le grand mouvement de la PHOTOGRAPHIE PURE autour des ann es 30 simultan ment en Europe en URSS et aux Am riques Partant nous assistons dans la jeune photographie actuelle et on en trouvera videmment des r sonances dans cette exposition des retours des citations des jeux avou s ou inconscients de r f rences au pass et aux ma tres La conscience historique est l on pourrait s amuser la d celer en maints n ologismes n oclassicismes le classicisme serait pour la photographie les ann es 1930 avec une trilogie WESTON HAUSMANN STRAND n oprimitivismes la p riode 1840 1890 et pourquoi pas les n oavangardismes Man RAY le BAUHAUS MOHOLY NAGY ainsi que les fils spirituels des grands ma tres du reportage contemporain CARTIER BRESSON DOISNEAU Robert FRANCK L importance qu a prise r cemment en France la diffusion culturelle de la photographie ne permet plus m me aux photographes ayant une pratique h doniste vou e au d sir et la sensualit davantage qu une vis e intellectuelle ou critique de faire comme si de rien n tait Il n emp che que ce jeu de r f rence
273. nte une vacance de l Etre Ce sont des places avec des statues ce sont des objets des ombres des g om tries toutes choses qui somme toute appartiennent au domaine du conceptuel c est une peinture conceptuelle m taphysique en tant qu elle renvoie des vides c est la repr sentation de vides des places des trains statufi s dont la fum e monte toute droite une peinture vide sans touche sans clat Ce qui rapproche sans doute galement la photographie de la m taphysique c est la chambre noire non plus seulement la chambre noire comme analogue la chambre claire comme exercice de perspective comme point de vue humaniste dans le monde c est dire comme r alisation math matique et g om trique donc conceptuelle de la repr sentation nouvelle que la m taphysique a du monde partir du XVI me si cle partir du XV me si cle de la Renaissance mais la chambre noire en tant que noire en tant qu espace ferm donc en tant qu espace de m ditation ponctu de lumi res de lumi res ponctuelles de lumi res le faisceau de l agrandisseur la lueur des lampes inactiniques Ce n est plus la caverne de Platon ce n est plus la grotte des apparences ce n est plus ce royaume de la tromperie de l aveuglement de l erreur c est la chambre noire en tant que la pens e se retrouve confront e elle m me se retrouve confront e sur elle m me en dehors de la turpitude du monde en deh
274. ntement il avait caress les reins les fesses sous le tissu mince de la robe Elle avait laiss faire Maintenant chaque coup de boutoir du lit elle g missait sa venue de sa voix aigu peut tre elle irait jouir de cette p n tration qui la fouillait C tait comme une plainte et une caresse venues de ses entrailles L homme on ne l entendait que par le lit Il n avait pas de voix Juste des membres Il faisait effraction Elle le laissait faire encore Elle laisserait faire n importe quoi pour cette nuit l si libre de devoir tre sans lendemain De n tre que cette jouissance ci redevenue animale C tait ailleurs ils dormaient tous dans la m me chambre attenant la cuisine C taient les deux seules pi ces de l appartement tout en haut de l immeuble Le jour de la chambre par la fen tre ouverte on entendait la scierie de planches de l autre c t de la rue pav e M me la fen tre ferm e on l entendait d ailleurs Mais la nuit non c tait le silence de ce c t l le labeur cessait Mais pas de l autre c t la fen tre de la cuisine donnait sur le d p t de chemins de fer les locomotives vapeur dont la chaudi re d eau restait en feu constant la pression toujours contenue dans la machine aux hal tements perp tuels respiraient Jour et nuit Quelquefois l une d elle sifflait le bruit de la vapeur s amplifiait progressivement la masse norme s branlait puissante m
275. o elle m me faire une vid o de photographe et que les photographies soient non le point de d part mais le point d arriv e en r alit peut tre fictif d ailleurs c est dire n existant que sur le support vid o du travail vid o Projet pour le Centre International de Vid o Noir Limite Le Corps corps 1987 MOTEUR CALE Moteur cal radio teinte de l auto mallette aluminium et sac porti res verrouill es traverse les voies niveau d abord puis par le souterrain Salle des pas perdu composte le billet Chef de gare me salue Assise le col de sa veste fourr e relev e l aper ois Connais pas Fais les cent pas quant moi vide la pipe souffle dedans sifflement la bourre de tabac frais flamme du briquet jaune clairante droite br lante fais les cent pas nouveau tirant sur la pipe S est lev e sort marche en direction du quai oppos souterrain abri pour voyageurs vent dans les oreilles Ly suis Assise reste debout quant moi toupine en attendant le train Arrive la sortie de la courbe puissante locomotive BB en t te Wagons passablement anciens compartiments p n tre dans l un d eux fumeurs l y suis Se fiche dans le coin du compartiment assise dans le sens de la marche contre la vitre sur laquelle est projet e l image du paysage demi jour peine petit matin Cl t ses yeux le col rabaiss grande chaleur dans le compartiment m assieds sur la
276. och dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur Forme r solument moderne la photographie comprend en elle cette v rit conscience travers les autres le Monde au dehors de ce qui est soi du cogito de la solitude de l atelier l ex nihilo des peintres Conscience issue de la rencontre la confrontation au r el et le retour en soi l empreinte la trace l image Vous photographier vous compromettre avec moi La photographie est redoutable On peut vous y reconna tre Il y a fort penser que vous avez t l Et l illusion veut encore que vous croyiez que je vous vois quand je ne vois que l image Photographe arch ologue qui fabrique ses propres vestiges ses propres ruines Et vous dites tre en photo Quand vous n tes d j plus Certains de vos discours veulent que le photographe vive le plaisir du voir car vous vouliez que sont attention soit fid le qu il vous sauve de votre ab me et vous garantisse neutralit Il passe son temps d serter Et toujours VOUS serez NOUS serons TRAHIS l un par l autre l autre par l un dans le r sidu falsificateur et dissimulateur de cette falsification m me la finalit de l image seule r alit Texte accroch dans les expositions Empreintes amp Traces en Octobre 1980 Harfleur C est o c est sur une photo du bromure d argent noirci la lumi re c est quoi une pierre l
277. oeuvres de grand format sont accroch es sur des c bles d acier tendus entre les piliers de b ton Le catalogue de cette exposition r unit des textes de Jean Claude Lemagny Bernard Lamarche Vadel et Jacques Henric qui baptise le groupe Le Trio infernal de la photographie fran aise Sans clore apr s le Corps corps amoureux et La mort le troisi me volet de son projet autour de l existence le groupe Noir Limite se dissout en Avril 1993 Cette d cision inscrite dans le projet m me du groupe prend acte de la particularisation des parcours esth tiques de chacun ainsi que de l ampleur grandissante des projets individuels Publications en 1992 de B l gou Visages en 1993 de Tr morin Catherine de Chevallier Le Bonheur L association Photographies And Co cr e par Jean Claude B l gou d s 1982 a t pendant les sept ann es d existence du groupe le support des activit s de Noir Limite Article pour le dictionnaire de la photographie ditions Larousse 1995 LE CORPS ET LA PHOTOGRAPHIE Consid rations pr liminaires Le corps et les corps quelle diff rence Cro tre se reproduire gu rir m tabolisme Le corps et le texte Le corps de la photographie L intersubjectivit la logorrh e l isolement La vue et l ou e La photographie la ph nom nologie et le positivisme Contre le structuralisme la modernit les acad mismes ambiants Le sacrifice le don le p ril
278. oir t sollicit s pour conf rer quelque sens aux choses et pouvaient donner le change lambriss de toute l paisse largeur providentielle de cartolines et de papiers des ouvrages debout les uns au c t des autres procuraient cette pi ce un caract re bienfaiteur C tait donc ici qu il venait crire le plus souvent tapant sur le clavier d un ordinateur dispos sur une petite table de ch ne les lexiques port e de main La machine lui servait galement archiver ses images et faire une menue comptabilit C est dans cette pi ce qu il l avait d abord photographi e le premier jour mais aussi dans celle ci qu ils s taient par une nuit de pleine lune aim s la seconde nuit sur le lit qui occupait le quatri me mur c t de la porte d entr e avant qu il ne la transport t nue dans ses bras jusqu au lit suivant dont le coucher tait meilleur Elle avait t son dernier mod le la premi re qui l e t emport et r ussi le faire basculer hors de la sacro sainte r gle de n y pas toucher Elle venait maintenant souvent y lire tendue Le bureau Face l entr e de la biblioth que les deux pi ces s par es par un corridor adjacent un d barras qui abritait ses archives se trouvait la porte du bureau dont les fen tres vingt carreaux chacune ouvraient l autre extr mit de la fa ade en une ordonnance sym trique Celui ci tait contigu ce qu il
279. on de cette impossible fusion mais sans cesse vis e de soi au monde dont parlent mes images Faire oeuvre de ce vertige cet ab me cette perte de connaissance cette pesanteur cette obscurit La cr ation est un exil Il y a une immense joie r sister ainsi Une infinie sensation de contrainte fragile se savoir en ces lieux premiers et extr mes demeur s si int gres De ces limons ces plaines nous na ssons vers ces tourbes nous allons Monstres biologiques de la vie animale excroissance d esprit b tes contre nature compulsives et d munies Herbes folles arrach s notre sol condamn s d ambuler grattant le ciel mais se d racinant sur une terre toujours appauvrie diaboliques destructeurs premiers pr dateurs sp cialistes des fuites en avant Cette nature indemne du Grand Nord je l ai lue et j en ai t saisi parfois d une immense jubilation Si certains d tours j ai prouv sa menace jamais la peur n a eu sa place car je n ai jamais reconnu l hostilit ou l effroi en elle Il y a des bonheurs certains jalonner ces plateaux gravir ces montagnes y tracer ses pas s y couler se mesurer ses preuves Il y a un ravissement de ce jour unique de l t nordique o le temps stagne comme une ternit sans rel che et sans rep re une exaltation se laisser happer par la rudesse des les atlantiques o la mer et le ciel sont m mes Une ivresse s veiller un m
280. on de fragilit du fr le vouloir vivre Il s agit nouveau d un travail pre s v re difficile approprier en r sistance r sistance qui est le fruit et le prix de l aust rit la fois violente et retenue du travail d Y VES TREMORIN Car le corps est inaccessible dans son enveloppe d ombre de flou de gris pesante lourde figure d une sensualit quasi fraternelle qui unit l artiste son mod le CATHERINE la s rie porte le pr nom elle la nomme Il ne s agit plus De cette femme de l abstraction anonyme mais de l existence d sign e individuelle puisque la femme est la fois mod le universel comme celui de toute oeuvre d art mais encore inscrite dans une histoire particuli re intime qui fait chapper ces photographies aux limites des genres du portrait comme du nu et des codes Aussi est ce d une reconnaissance de la reconnaissance dont il s agit par ce titre c est dire d un don Car elle n est ni mod le ni trang re l oeuvre davantage qu l homme bien que model e et autre car elle est souffle de celle qui partage depuis ses origines l histoire de NOIR LIMITE l oeuvre et le mythe YVES TREMORIN r affirme ainsi sa fascination faite la fois de sacralisation et de violence de d sir et de cassure envers l existence Pr face au catalogue de l exposition Catherine d Yves Tr morin 1992 VISAGES Le propos de visAGES n
281. on de l homme est ainsi d laborer laboration compulsive et obsessionnelle le monde pour s loigner de ce qu il y a de vital et biologique en lui r ifiant ainsi le r el A l oppos du vivant l objet est d embl e un produit intentionnel voulu et culturel soumis Parce qu il a sa cause hors de lui m me qu il est un artefact d l homme l objet est encore d pourvu d int riorit C est un monde opini trement clos nous dit encore Francis Ponge son sujet Le Parti pris des choses L oeuvre d art ce titre est elle m me un objet une photographie est une cartoline situ e dans l espace un tableau est un carr ou un rectangle Mais l oeuvre d art quand elle ne se contente pas de parler de sa nature transcende son inscription mat rielle Si la photographie elle m me est une chose elle est fondamentalement comme image une incarnation de l esprit Regard Herbert LIST s int resse aux objets mannequins cartons lunettes bocal etc Il s int resse aussi aux oeuvres d art statues ruines architecturales de la fa on dont il est concern par les choses mortes en g n ral en ce qu elles poss dent une vie immuable irr ductible L image des choses qu il labore r siste la fonction la plus haute de l artiste est aussi de r sister une appr hension fonctionnelle de l objet au profit d une approche po tique qui ne nie pas la valeur morbide des choses
282. on exp rience En cela cette volont de ne donner voir et de ne conserver pour moi m me que des vues alt r es est une fa on de provoquer l oubli en m me temps que de provoquer le jeu n cessaire une reconstitution du manque C est une certaine organisation de la frustration Il s agit de forcer le spectateur se rendre compte qu il n a voir que cette image et que celle ci bien loin de lui faciliter sa vision vient s interposer en tant que telle avec ses sp cificit s et sa force entre lui m me et la r alit qu il voudrait bien avoir reconna tre Par ailleurs ces images celles du voyage Paris surtout peuvent quelquefois avoir t assimil es des lt lt photos rat es gt gt elles ont effectivement un air de familiarit avec ces derni res Prises au travers d une vitre un peu sale et affect e d une multitude de reflets une vitesse d obturation suffisamment lente pour obtenir des flous elles pr sentent aussi des anamorphoses et un manque de lt lt d finition gt gt En d finitive si on peut les comparer des photos rat es c est parce qu elles ne sont pas des images claires du r el Qu elles trahissent explicitement Il y a l tout un travail par rapport la photographie d amateur laquelle est vraisemblablement l application la plus d sesp r e de la photo Je parle de ces photos lt lt mal cadr es gt gt dans laquelle les t tes sont coup es par exemple ou tou
283. on sans perdre ses enjeux fondamentaux le r le de l art est de confronter de mettre fleur vif La lucidit est gage de grandeur La mise nu C est la fois une force et une fragilit en tous les cas un moment de r v lation un d voilement Ce n est pas seulement une mise nu physique c est aussi une mise nu de l tre On n est pas nu n importe o n importe quand et m me pourrait on dire n importe comment Non que ce soit une sorte de v rit naturelle ou immuable le corps nu est galement inform par la soci t les modes de vie l hygi ne les habitudes d alimentation mais une v rit ontologique une mise en surface Ce n est pas pour rien que la nudit tait chez les anciens l all gorie de la V rit Il s agit d une v rit humaine Or la photographie comme le rappelait le manifeste de 1986 est uniquement affaire de surface de peaux C est en tant le plus superficiel que l on peut tre le plus profond si tre superficiel c est s approcher au plus pr s des apparences des ph nom nes jusqu ce qu ils deviennent parole du dedans C est la surface de la peau qu affleure le dedans Encore faut il que les artistes aient encore quelque chose dire la pudeur et l impudeur l ind cence Il y a une vertu de l ind cence qui est de d voiler ce qui ne devrait pas l tre c est encore un jeu de regards d avec le regard d
284. onnelle de l affect L amante est toujours elle et toujours autre qu elle changeante mobile qui fuit revient consent met son visage nu joue pleure refuse Mais aussi je me photographie Je photographie mon visage dans un regard aveugle sur moi m me l appareil bout de bras comme au jeu de la roulette russe dans une solitude d exil amoureux Je cherche ce qu est cette conscience confuse d exister en soi m me Je me photographie d un dehors qui est limit l extension de mon corps voulant d signer ce qu tait sentir ce lourd tat d tre reclus et inaccessible aux autres et soi m me d un geste r p titif obsessionnel comme on ratiocine Je cherche qui je suis pour elle objet saisi du dehors Je cherche quelle image je photographie d elle absente Je photographie cette cl ture imprenable de la conscience en son for int rieur cette conscience enclose dans mon corps en mes sens dans cette incapacit d tre un objet pour moi m me de me saisir du dehors et par rapport quoi l Autoportrait constitue toujours l image trange d un autre un regard ali n Cette conscience elle m me divis e en r gions h t rog nes discontinues ne se manifestant que par chapp es r p titions r ves transferts oeuvres me demeure close moi m me qui ne puis m appr hender que par bribes et qu avec les mots des autres La conscience est un territoire embastill J
285. onolithiquement dans le champ de l image que je cherche le mien Dans l apr s F cherche se rassurer sur son existence et s insurge de cette distorsion entre son tre et l image ce qu elle d signe comme perversion Perversion isoler une tendance un stade normalement moyen ou moment par rapport une fin en l isolant et le prenant comme fin en soi Qui est pervers 23 Juillet 1983 journal La photographie me tisse ce fil perp tuel mon pass Je suis le perp tuel t moin de ma vie mon propre d tective qui me file moi m me rien de ce que je fais ne peut m chapper Photographe semblable au dyspeptique de Nietzsche je ne peux jamais en finir de rien Tout est constamment remis sur le tapis par ces images que j accumule derri re moi comme un escargot son filet de bave Pass toujours pr sent fix Elles pass es toujours trop pr sentes mon oeuvre actuelle 23 Janvier 1984 journal Souvent l attirance de la mort la mienne Je m tonne toujours de tant de noirceur en moi De tant de peine vivre et au plaisir Ainsi comme l instant dans ma chambre noire au sein m me de mon labeur qui devrait m tre joie pour seul pouvoir me soulager de quelque peine Ainsi cause de quelque d couragement fr quent pour quelque mauvais tirage mauvaise image ou quelque clair de conscience d absurdit Et bien davantage de danger Quoi Jusqu o pourrai je aller de
286. ons ils s taient r unis en Janvier 1986 sous un m me manifeste et une premi re exposition Nus voil s Nus froiss s Nus autoportraits Fin 1987 voyait la cr ation du Corps Corps exposition imm diatement censur e et qui ne pourra tre montr e qu en 1989 notamment Paris gr ce aux soutiens de Bernard Lamarche Vadel Jean Claude Lemagny et Pierre Borhan dans la revue Clich s mais aussi Pierre Bastin et de nombreux autres critiques prendront parti aux c t s de Noir Limite En 1989 c est la grande performance Noir Limite au Prieur de Graville au cours de laquelle sont tir es en public sur quarante m tres de papier photographique d roul s aux murs une trentaine d images du groupe en un c r monial rituel qui n a cess de faire galement partie des pr occupations des artistes En 1990 voyait la naissance de deux expositions composites r unissant la somme des nombreux travaux r alis s par les trois artistes depuis leur regroupement Cette exposition sera nouveau censur e en Italie Cette ann e l Noir Limite tait galement pr sent dans les deux expositions internationales cr es l occasion du cent cinquentenaire de la photographie La Photographie Fran aise en Libert l initiative de l Association Fran aise d Action Artistique et sous le choix de Jean Claude Lemagny d une part et 20 Ans de Photographie Cr ative en France l initiative de Gilles Mora
287. ontation notre affection nos manifestations Les limites dont nous parlons sont fragiles en crise en d sir Elles ne sont pas des fronti res Ce travail sur le Corps corps amoureux qui a t censur nous le menions ensemble depuis deux ans depuis la cr ation du groupe et son manifeste Ce sujet cette mati re s est impos nous comme continuation de nos travaux ant rieurs sur le corps tels que nous l avons voqu tout l heure Comme sujet limite puisque transcendant comme rapport la photographie m me corps corps avec le r el le monde la dur e l autre comme rapport au d sir aux conflits primitifs de l homme l o il se met le plus en p ril dans son rapport l autre son rapport amoureux sensuel Noir Limite n est pas un groupe d Avant garde car les Avant Gardes sont d hier de la modernit Noir Limite n est donc pas un groupe totalitaire et l int rieur de cette sensibilit commune nous avons chacun construit notre oeuvre en continuit de nos originalit s nos histoires Florence Chevallier a continu de questionner l autoportrait en y faisant entrer l autre en demandant comment passer de soi l autre cet autre qui pr cis ment est vacu par d finition de l autoportrait Comment photographier soi et l autre c est dire o s arr te pour l artiste soi Androgynie brouill e macul e m taphore intemporelle et impuret du m lange
288. oques elles sont dans notre histoire les plus nombreuses o tu tais pour moi inaccessible Peu importe que les images signifient pr cis ment ceci ou non qu il y ait une r ussite en ce sens l chec de l empreinte fait partie de cette volont d risoire de sauvegarde car cette volont se joue toujours de pair avec le d sir d oubli Peut tre alors s agissait il de produire les images qui deviendraient elles m me en tant qu images le lieu de l oubli Une mani re froide en m me temps que totalement s re d elle m me En m me temps que totalement en proie au doute Repasser par ces monuments Derni re vue du film le quai de la gare La pendule marque seize heures vingt Sur l amorce du film trois cent quatre vingt un des vues partielles de toi de dos Lieux abandonn s comme si il y avait eu la guerre Puis les chambres d h tel lieux vides de vie par excellence lieux du provisoire et du contingent Vues brouill e enfin Vues du train Texte crit pour l exposition Lieux Rouen avril 1981 AUTO ENTRETIEN L ensemble de ces photographies pr sente une ind niable unit de d marche de climat et en m me temps une mise en oeuvre diversifi e de moyens de directions de travail Comment con ois tu cette unit plurale l origine de mon travail il y a un parti pris qui s imposait pour moi comme une mesure globale celui de la construction des photogra
289. orme souveraine celle de l impens du naturel On peut mieux comprendre cette sp cificit et ses d terminations en consid rant ce qu est le temps photographique Celui ci est dans le cas dominant qui est celui de l utilisation de l appareil photographique celui de l instantan On d signera par l non seulement une r alit physique car il y a toujours instantan lorsque nous photographions lt lt en pose gt gt mais une r alit d ordre social qualitatif qui renvoie une nouvelle ma trise des nergies et un nouveau mode de production une nouvelle fa on d agir et de se comporter La r sistance du mat riau Bien videmment on notera qu il s agit au sein de ce mode de l instantan d une toute autre fa on qu a l id ologie de jouer dans la photographie que dans le cin ma et il faudrait galement longuement nous expliquer sur les fa ons dont on peut moduler ce temps du photographique dans les diff rentes pratiques de la photographie que l on compare August Sander son contemporain Erich Salomon ou les portraits d artistes de Nadar ceux de Kertesz mais nous avons l un l ment constitutif de la photographie Il en est un second et ils ne sont pas trangers l un l autre que nous d nommerons probl me de la r sistance du mat riau photographique surface sensible appareil etc et qui nous permettra de cerner d avantage ce qu est la photographie par rapport
290. ors de la sollicitude dans le solitude il y a ainsi deux temps dans la photographie il y a le temps de la prise de vues o le photographe est au monde nous sommes au monde o le photographe est dans le mouvement o il tablit des tranches o il coupe o il tranche o il saisit o il prend o il vise o il est dissout dans le monde o sa conscience est projet e dans le monde et il y a le temps du laboratoire qui est un temps de m ditation un temps d laboration un temps o l on est en dehors du temps un temps o l on peut prendre tout son temps dans le laboratoire on ne sent pas le temps passer je ne sens pas le temps qu il fait ces lumi res ponctuelles dans la nuit dans la chambre noire sont analogues la lampe du philosophe dont parle Gaston Bachelard dans la Flamme d une Chandelle cette lampe qui est symbole de la conscience du d sir de lumi re de la conscience sur le monde et qui est symbole galement de la solitude de la m ditation de la solitude fatale et in luctable de toute m ditation de tout retour sur soi la chambre noire c est ce moment o l image se prend elle m me pour objet o l image n gative l image positive O tout n est plus qu affaire d images entre elles o il n y a plus que des images o il n y a plus d j que de la repr sentation o il n y a plus d j que du concept que de l id e C est le moment aussi de la r v lation
291. ors de leur premier t ensemble d ivoire en ayant soulign les moulures de vert amande Apr s quoi ils y install rent un lit neuf et de part en part du lit une liseuse Un imposant miroir au cadre dor sur le dessus de la chemin e et les glaces de l armoire creusaient encore l ample volume de la pi ce d multipliaient les rais de lumi re Lorsque les pluies et les vents succ d rent la chaleur estivale elle abandonna les marches de pierre du salon pour se replier l prostr e sous la couette tout le temps que dura le premier hiver ne quittant plus la chambre que pour les b ches en flammes Quelques soirs l un ou l autre lisait haute voix une nouvelle ou le chapitre d un roman le reste de la nuit endormis lov s les corps enroul s les t tes fondues La salle de bain C tait dans l histoire de l difice un espace enti rement nouveau il n y avait pas seulement l eau chaude son installation et juste un cellier de terre battue aux murs et plafond tapiss s de cartons ondul s qu il avait construit et agenc de toutes pi ces L aurait pu se r sumer elle seule toute la figure de l irruption dans l difice de ce qu il tait convenu d appeler confort et hygi ne modernes Il avait choisi avec un soin tout particulier les carrelages polychromes aux murs et la ligne des mitigeurs cartouches c ramique sur le lavabo la douche et la baignoire 1l avait pour ces derniers opt po
292. ortraits corps qui a t r alis e dans cette solitude Mais je la remplacerai lors de la construction du projet global par une s rie le corps ou Aima faite en 1992 o le corps de l autre de la femme est photographi comme un paysage comme immerg au dedans comme on peut s immerger dans l eau ou l herbe ERRES 1992 je r alise enfin ce qui tait un fantasme d adolescent c est dire partir vers le nord et vers le froid aller me perdre J ai souvent dit et je l ai crit le texte du Grand Nord a t crit partir de lettres que j ai crites pendant le voyage que je n tais pas un voyageur je fais l essentiel de mes photographies sans quitter ma demeure ma cl ture Le texte de Erres s ouvre sur cette phrase je ne suis pas un voyageur je ne pars que pour me perdre l exp rience de ce voyage pour moi tait vraiment celle de me faire violence c tait me faire violence parce que c tait videmment me plonger dans une situation laquelle j tais compl tement impr par psychologiquement et physiquement aussi d ailleurs et pour laquelle je pouvais pressentir qu un moment ou un autre j allais de nouveau me trouver dans une situation de p ril qui n tait pas une situation de p ril symbolique mais qui allait effectivement tre une situation tout fait limite mais ce sont sans doute les situations limites que je cherche dans ces diverses exp riences une situation limite 28
293. ouver au retour que l on a vu et pouvoir oublier comme l criture donn e par le dieu singe Thot permit l oubli et comme nous raconte Gustave Flaubert son compagnon de voyage Maxime Du Camp eut tout vu mais rien retenu de l Egypte Positivisme et exotisme allant n cessairement de pair le second comme le suppl ment d me et d aventure du premier plut t teint d ennui La photographie a peut tre tent encore de se mesurer ses fondements originaires embaumement et momification prise et fixation la photographie apr s d c s tait une pratique courante au XIX me on a ainsi une image tr s id alis e de Victor Hugo sur son lit de mort par Nadar et une autre plus cruelle de Lamarck Une autre chose en ce sens saisit l analogie de la fixit des portraits des ann es 1840 due l imp ratif de poses longues mais aussi un d sir de solennit on pose pour l ternit avec le hi ratisme dont on qualifie justement l art gyptien antique La photographie son tour aide se b tir une mythologie La tension du corps immobilis par maints appareillages l oeil immobile riv sur l objectif des premiers daguerr otypes nous renvoient cette profondeur et cette atemporalit de la statuaire gyptienne Car il s agit surtout de statuaire et d architecture fun raires et non de peinture il s agit de volume il s agit de pierres l appareil puissant Le photographe primitif soucieux
294. p cifique au r el le fait que la photographie capte du r el ou plut t le fait que la photographie prenne des empreintes lumineuses du r el qu elle capte des apparences c est dire on peut penser que la philosophie et la photographie la m taphysique et la photographie sont essentiellement ce qu il y a de plus loign l un de l autre et puis en m me temps c est peut tre ce qui fait justement l attirance des m taphysiciens pour la photographie La photographie est une nouvelle fa on de nouer un rapport au r el rapport au r el douloureusement perdu ou douloureusement probl matique dans l exercice de la m taphysique m me Nous appartenons une g n ration qui ne peut plus concevoir la m taphysique c est dire l interrogation sur la pens e l homme sur l tre l tre en tant qu tre comme une interrogation coup e d une interrogation sur le r el sur le monde sur le sens du monde Heidegger plus tard plus tard apr s Hegel a pos la question de la r alit de l effectivit de la m taphysique Il disait que toute la m taphysique jusqu alors avait interrog l tant ce qui est au participe pr sent les choses et non pas l Etre c est dire non pas la substance premi re c est dire que la m taphysique en fait avait toujours chou s tait toujours fourvoy e ne s tait jamais r alis e comme m taphysique La photographie l art partent de la
295. p gt gt par exemple images dans lesquelles la trag die et le combat humains sont r duits un spectacle une image sensation s int gre parfaitement sur ce sch ma des lt lt apparences r ifi es gt gt C est la majeure partie de l utilisation de la photographie dans les m dias Et c est encore ainsi que proc de la photographie de mode de publicit et non seulement le reportage dans cette r duction de la femme un objet Mais ceci n est pas constitutif de la photographie Cependant toujours parce qu elle est empreinte le probl me du rapport au lt lt photographi gt gt est tout autre que dans la peinture par exemple La fa on dont on faisait poser les mod les dans les ateliers d Acad mies au XVIIe si cle n est pas imm diatement pertinente dans la lecture des tableaux il n en est pas de m me dans la photographie parce qu elle implique directement l autre par son image et aussi parce qu il y a davantage tendance inh rente l outil m me travailler son insu Ainsi m me lorsque je travaille en lt lt reportage gt gt ce qui m arrive quelquefois j agis toujours en sorte que ma pr sence soit ostensible que ceux qui sont photographi s le sachent et adaptent leur comportement en cons quence et si faire se peut que l on sache sur l image qu ils se savaient photographier qu ils taient en repr sentation Dans mes images construites les lt lt portrait
296. parat l information la distillation quotidienne du grand spectacle journalistique Et de m me que jamais la m taphysique la philosophie n ont servi rien n ont servir rien et bien la photographie elle m me est en passe de ne plus servir rien comme la peinture comme la peinture depuis que la peinture ne sert plus orner l glise elle devient cela caduque l image reste profond ment quelque chose d absurde c t de la m taphysique c est une activit activit la seule attitude logique serait une pure attitude de m ditation Or nous ne pouvons pas tre logiques c est ceci que nous d couvrons nous ne pouvons pas tre en dehors du tragique nous ne pouvons pas aller sortir en dehors de ce va et vient entre la pens e et le monde entre la solitude et la jouissance entre la nature et l histoire entre les pulsions et la raison et nous d couvrons cette trag die comme une trag die in luctable retour l antique retour l inconciliable au noir la dialectique La photographie est l exercice ultime de cette d rision de cette d rision qu est tout exercice de l image qu est tout exercice de la repr sentation du monde puisqu il s agit d une empreinte d apparence d une empreinte de lumi re et faire de la photographie c est peut tre une fa on de faire de la m taphysique par l absurde Un temps un temps je croyais encore en l histoire je croyais
297. pas le portrait c est dire l identification ou la m moire mais d une approche ph nom nologique le rapport entre les peaux entre les surfaces les mati res des corps leurs limites fluctuantes leur fragilit Le propos de visAGEs est l emprise du monde et de la conscience sur ces corps l inscription des peaux L Amante est l autre autonome qui se livre s chappe reporte prend plaisir repousse se donne combat silencieusement de mille combats int rieurs l image que je fais d elle est elle bien diff rente de l image que je ferais d une autre se demande t elle L Amante est celle qui s offre ce que je la d visage qui accepte de prendre le risque que je la d figure Je la photographie des jours durant et tout le jour de tous les jours Naples Dinard au Havre Sorrente la mettant en lumi re modelant guidant son corps son visage avec la volont d en laisser venir ce qui se livrerait d en guetter la mobilit les brusques affleurements fascin par cette affaire de surface et de lumi re cette peau que je creuse du regard ces veinules sur lesquelles je fais le point infime tellement aupr s d elle Je nous vouais pour dire l existence elle nous vouait pour dire l ab me de l autre L image de l Amante est faite d ombre et de flou autant que de lumi re et de focalisation Floue l image nourrie de la proximit du d sir et ombr e celle port e par
298. pas retrouv le texte de Freud j en suis d sol La mise en acte est un fait par lequel le sujet sous l emprise de ses d sirs et fantasmes inconscients les vit dans le pr sent avec un sentiment d actualit d autant plus vif qu il en m connaf t l origine et le caract re r p titif et Freud note les d sirs inconscients voudraient en passant par le syst me pr conscient arriver la conscience et au contr le de la motilit Lorsque que je regarde effectivement r trospectivement ces dix ann es disons les ann es qui vont de la r alisation de Visages en 1989 90 jusqu aux ann es qui vont jusqu la fin de la r alisation de la s rie De tous les jours en 2000 je suis oblig de m interroger sur le fait que mon travail d artiste a consist mettre en acte ce que j appelle des exp riences existentielles VISAGES amp LES AMANTS En 1989 Visages est le point de rupture et de sortie hors du travail de Noir Limite qui tait un travail fait dans la cl ture la plus totale avec des fonds noirs des lumi res artificielles des plans extr mement serr s tr s restreints sur des corps fragment s souvent illisibles travail compl tement mis en sc ne compl tement hors monde en m me temps hors d une exp rience d existence que le projet Visages prend jour Le projet Visages se caract rise par le d sir d une part de revenir la lumi re du jour d autre part de revenir des d
299. pe pas seulement travers le portrait d individus sociaux mais aussi par la photographie de groupes dans les diff rents temps de la vie sociale et de ses institutions photographie de classe de communion de mariage de vacances de famille et m me autrefois de groupes d ouvriers etc C est dire de l ordre social tels qu il s incarne dans la vie de tous dans l officiel comme dans la quotidiennet En cela la mise au point de la technique photographique comme le montre d ailleurs la convergence de diverses intuitions venue de plusieurs pays d Europe n est pas une lt lt d couverte gt gt spontan e ou hasardeuse ni le fruit de l lt lt auto d veloppement de la science gt gt mais est bien la synth se soudaine de multiples recherches et exp riences sont le catalyseur a t la demande sociale n e de la r volution bourgeoise A preuve l apparition d s le d but du dix neuvi me si cle de proc d s m caniques comme le Physionotrace ou optiques comme la Camera Lucida ou manuels comme la silhouette permettant de produire des portraits de fa on rapide et conomique ce qui est partiellement li La nouvelle classe en effet n avait pas les moyens de la noblesse pour obtenir une image d elle m me pas la m me disponibilit pour poser et le m c nat tait r volu avec l Acad mie Mais cela va plus loin puisque la photographie comme nous l avons d j entrevu r pondait de fa on plus a
300. phie notre pens e se confronte physiquement aux CHOSES au HASARD au TEMPS aux apparences dont alors elle s empare La photographie est le pathos moderne qui sans cesse renvoie l absence L activit cr atrice indissociable de l activit critique n est plus vou e produire du sens mais signifier le non sens ontologique et la trag die de l humanisme les grands antagonismes et les grands foss s dialectiquement irr m diables la D R LICTION La r alit de l image ne peut tre que la r alit de la pens e et non la r alit du r el nous n appr cions pas une photographie parce qu il s y passerait quelque chose qu elle d note dans le r el mais parce qu elle met au premier plan sa r alit illusoire d image la vacuit du monde et les conflits de l humanit dans son rapport au monde l ACTIVIT DE LA CONSCIENCE les contradictions essentielles entre nature histoire d sir mort etc Et ce parce qu elle est capable d organiser esth tiquement sa r alit d image de rendre la pl nitude son organisation formelle de cr ation plastique de nous poindre de son pathos Notes pour un manifeste texte paru dans la revue l Affiche Culturelle Octobre 1983 LA MADELEINE DES QUAIS Ces dimanches de 58 o il n y avait pas encore la R T F ni la 4L nous allions en famille d j nucl aire longer les quais du port pour y admirer paquebots et cargos dockers et capitaines
301. phies et ceci en fonction d un refus de la vogue lt lt naturaliste gt gt des ann es 70 mon opposition au culte mystifiant du lt lt naturel gt gt du spontan du vivant et tous les discours sur le r le du photographe r duit ce qu il donnerait voir ce que les autres ne trouveraient pas le temps de d noter Ou si l on veut mon refus de l anecdotisme Dans le m me mouvement je voulais que mes images s imposent en tant qu images et que comme telles elles r sistent une lecture de type r f rentiel Cet ensemble s accompagnait enfin d un rejet de l image sensation ma vision sur des visions de quotidiennet Il ne s agit pas d une position qui serait arbitraire mais d un parti pris li une r flexion sur l id ologie et ses m canismes L id ologie vise en effet toujours faire passer pour naturel ce qui rel ve d un fonctionnement social ce qui est vrai non seulement de ce qui est repr sent le r f rent mais aussi de l image photographique elle m me de son processus qui est alors v cue comme objective fid le etc Il me fallait que la trahison apparaisse Implicitement je cherchais donc laborer une image qui aille dans le sens d une conscientisation mais tout en me m fiant de ce qui deviendrait un art didactique c est dire d un terrorisme de la pens e sur le c t sensible le mat riau l laboration esth tique le figur etc de cette e
302. photographies qui soient autre chose que des catalogues d exposition et qui soient la fois des livres d artistes des objets plastiques et qui en m me temps soient des objets qui ont aussi une dimension fictionnelle Je dis souvent quand on me demande ce que je photographie que je photographie l existence car videmment je serais bien embarrass pour dire je photographie des corps je photographie des visages je fais des autoportraits ou je photographie des paysages puisque je peux faire tout cela la fois ou tout cela tour tour et p le m le Photographier l existence pour moi a veut dire photographier non pas le r el mais mon regard sur le monde sur ce que je vis de l int rieur sur ce dans quoi je suis impliqu En somme photographier ma perception intime du r el mes images mentales l existence telle que je la vis la ressens de l int rieur Je me sens extr mement loign de la photographie sociale qui pour moi rel ve plut t de l id ologie que de la pratique artistique parce qu elle appr hende le monde d un point de vue spectaculaire parce qu elle va y voir sans tre dedans vous savez cette image triviale mais pourtant effective du reporter photographe qui va y voir mais sans que ce combat si de combat il s agit ne soit son combat Je photographie mon combat avec le monde avec la vie Cette tentative difficile de vivre puisqu on est l J ai t tr s tonn ce matin enfi
303. pieds cheval et en voiture qu la bienveillance de son voisin imm diat qui accepta de c der cette servitude La traditionnelle formule tait juste propos puisque le pr tait habit par une jument un jeune cheval postier breton d une taille imposante qu il avait voulue confortable pour aller cheminer cru entre champs et for ts et m me l t jusqu la mer o elle aimait nager L animal vaquant librement l herbe l t restreint dans un enclos la morte saison et qu il fallait alors nourrir soir et matin de foin et de grain avait une marche s re un trot r gulier un galop lent mais puissant Il n tait pas exempt de toute fantaisie et de quelques fac ties Il en connut quelques chutes dans les d buts qu il la mont t Son irruption dans le village avait t l origine d une curiosit et d une sympathie communes La premi re fois qu il la photographi t avec l animal elle n en avait seulement jamais approch auparavant mais il n y eut nulle peur que celle que la bouche puissante et fureteuse n engloutft l appareil Depuis elle apprit le d licat m lange de psychologie qui seul dosant savamment persuasion affectivit et autorit pouvait permettre enfin d tablir la complicit rass r nante n cessaire et opportune pour mener sans trouble un animal dou d une robustesse avec laquelle il n tait nullement question de vouloir se mesurer sur le plan d un
304. pier somme toute on ne peut plus fragile Certains d ailleurs comme le po te G rard de Nerval ne ram nent aucune image les conditions m t orologiques ayant semble t il alt r le proc d et la plupart de celles rapport es ne se sont pas transmises jusque nos jours A la m me poque peu pr s on recense et restaure les monuments devenus historiques fran ais en particulier m di vaux sous l impulsion de grands noms comme Viollet Le Duc Les Monuments commandent quelques photographes des vues avant et apr s restauration C est que cette seconde moiti du si cle a d couvert l Histoire l escalier positiviste l id e nouvelle de progr s l amour des ruines de Chateaubriand Hubert Robert et du pass Que l on pense Bonaparte du haut des pyramides Les n oclassiques les encyclop distes bien s r avaient auparavant ouvert la voie de la nostalgie romaine Il y avait donc autre chose que cette vanit l inscription de la naissance de la photographie dans une politique scientiste et encyclop diste une volont du m dia et un d sir de la description fid le du r el entre autres pour ce qui nous int resse ici des inscriptions hi roglyphes ainsi qu y incitait le savant Arago dans son discours d cid ment incantatoire devant l Acad mie des Sciences et la Chambre discours tout entier destin convaincre de l utilit positive de la technique photographique Ce que l on r su
305. ppropriation du point de vue sur le monde la Renaissance s oppose directement la reconnaissance de la photographie image indigne entach e de r el et de mati re puisqu empreinte L id alisme ne peut concevoir la cr ation que comme une cr ation spirituelle comme si l oeuvre et l artiste ne partaient pas toujours d une mati re corps et existence sociale concr te de l artiste place sociale de l art au sein d une soci t donn e technique artistique image de la soci t que vit et per oit l artiste m me s il part d une feuille et d une toile blanches qui sont d j en eux m mes de la mati re au lieu de partir d une surface sensible Ce qui heurte l id ologie est que la photographie soit l image d une r alit toujours d j l avant la pens e s imposant pr existante la conscience et non r sultat d une pure intention voire l id alisme existentialiste de La Naus e de Sartre L image r demptrice celle qui donnerait sens l existence n est plus que l image per ue comme trop pleine d existence Ainsi la photographie nous interpelle en nous obligeant sauf rester sur le terrain de l id alisme donc de l exclusion par d finition de la photographie hors de la sph re de l art comprendre que la libert de toute cr ation r side en la ma trise d un ensemble de contraintes techniques sociales esth tiques et non en une envol e abstraite En ce
306. puis je croire encore En quoi puis je croire encore L est la question Car lorsque je me d fendais ne plus y croire j y croyais donc encore de biais au moins Mais maintenant que cette conviction m emplit au point d tre ma seule conscience L image qui soit sa destruction qui s teigne d elle m me comme latences d o elles ne sortiraient jamais dont jamais plus personne et surtout pas moi ne les extrairaient plus Je risque de devenir trop consciencieux reflets flous fixit trop facile quand on en conna t la mani re B ne comprend pas cela que j aie besoin d entrer en crise Il faudrait en finir qu clate cette chose que se comble ce creux l empreinte et la trace avec 28 Juillet notes Suspension de l action Epoch e Trouver la mesure le sens du Tragique Dire ceci notre tragique notre d rision aussi confidentiellement qu une nuit parler avec une femme Dire cela notre anatopisme M diter le tragique Ame te souvient il Verlaine Entre l attitude philosophique et l attitude du photographe il y a sans doute cela de commun tre contemplatif se tenir ext rieur l action mais y tre et la voir la saisir la penser l avoir Quelquefois je m effraie de me laisser aller au plaisir des images l autre jour ainsi en feuilletant avec B je ne sais plus quelle revue de peinture l admiration puis d un seul coup le sen
307. puisse sortir de sa propre discontinuit de sa propre tranget de sa propre inscription dans un espace d limit Bref de son image de son tre pour l image sa trace sur l image Je crois que jamais pourtant je n ai fait une s rie aussi sereine non point hors d une inqui tude ou d une tension mais comme si cette tension entre l autre et soi entre le vide de l existence et ses pleins entre la solitude la d rive et la pr sence trouvaient un point d extr me quilibre Jean Claude B l gou Sausseuzemare 19 Novembre 1999 L EVIDENCE DU CORPS La fascination du corps D abord il faudrait pr ciser il ne s agit pas du corps mais de la chair Ce ne sont pas les corps au sens cart sien les corps machines ou plus largement encore tout ce qui occupe une tendue dans l espace donc toute mati re mais la chair qui vit palpite respire fr mit est un lieu de bouleversement en permanence balanc e entre deux extr mes sans cesse la souffrance et la jouissance C est la vie Mais la vie c est aussi ce qui est constamment menac de la mort Et c est une chair qui a conscience quelque soit la forme de cette conscience simple sentiment de soi ou r fl chie d elle m me qui donne sentir et qui sent Qui sent parle bouge veut d sire r siste qui meut et qui s meut Bref qui est anim e si on veut bien ter ce mot toute pr tention m taphysique Qui sait qu elle est menac e d
308. que par cons quent nous devions porter un nouveau regard sur ce qui se manifestait On raconte que Kant avait un profond d dain pour le monde pour les hommes pour le r el A partir de Hegel ceci devient impossible parce que Hegel comprend que l Etre est ce qui se manifeste et que nous ne pouvons appr hender l Etre qu travers la r flexion sur ce qui se manifeste C est l la seule raison de l int r t de Hegel pour l art l art en tant qu l ment de ce qui se manifeste et de ce qui saisit ce qui se manifeste La philosophie vient toujours apr s elle peint gris sur gris La photographie aussi est en gris en noir et blanc abstraite on ne m dite jamais assez ce caract re d abstraction de la photographie parce qu elle est en noir et blanc et non seulement parce qu elle est plane et non seulement parce qu elle est cet espace arbitraire cette repr sentation arbitraire d une perspective quattrocentiste La ph nom nologie a l gitim ce nouveau regard sur le monde ce nouvel int r t port la fa on dont le sens se manifeste travers le monde pour aboutir finalement ceci que ce sens est un sens qui ne peut tre que l objet d une qu te ce que d j des mythologies exprimaient mais d une qu te dans laquelle le sens est toujours au del comme la photographie est toujours en de L Etre a besoin d appara tre M me dans la vieille m taphysique Dieu avait besoin de se faire
309. quel ils convergeaient ou duquel ils semblaient s pandre comme si par l toutes les entrailles se vidaient et que ce flot sexu envahissait l image Ces ic nes modernes qu taient les Polaro ds d une facture qui sans ces biffures et d bordements e t t tr s li e l art primitif italien nourrissaient un malaise vis vis de la chair et du d sir humains la fois affirm s violemment et la fois pervertis dans un geste quasi sadique de d composition Femme et eau captation et perturbation simulacres de religiosit et illusions d rotisme surface sans fond de l mulsion photographique et modelage de la couche humide du Polaro d ou entaille du sillon de la gravure dans un Polaro d de 1985 le corps de la femme tait comme martyris sur une croix latine grav e sur l preuve originale et son visage dissout dans le m me dessin Or ce qui tait m lang tait par excellence l impur Affirmation et d n gation m re et putain peinture et photographie Poupel partait d une utilisation plat de l image instantan e pour y dessiner l mergence du d sir c est dire la marche vers un sacr o la jouissance existerait par la transgression des libert s elles m mes Images portant les stigmates de cette perversion de la repr sentation mutilation d t rioration de ces nues travaill es au corps encore fluide symboliquement avec le dos d un pinceau pour y cr er effets de vague et
310. r l envie de poursuivre et sembler sans appel Voire de fa on trouble il voudrait y toucher Mais ne fait que confus ment l prouver n en dit rien et ne s en dit rien ignorant m me ce qu il y aurait toucher ou voir sous les toiles agit es et tourment es des draps et des linges peine support s Par le langage seul par les mots qu elle sait cette nuit de sabbat des mots elle lui fait rendre sa virginit le d pucelle en une vaine issue Viole son enfance en laquelle il sent entrer le flot du tourment le flot du d sir dans l existence jusque l demeur e abstraite et secr te des autres Il questionne appelle de nouveau Et de nouveau elle parle inlassablement les d truisant un un en un jeu de quilles m ticuleux et secr tement hargneux de ce qu elle appelle le mal qui les m ne De la jouissance qu elle n appelle pas de son nom ni ne sait peut tre mais sous entend toujours Sur l enfant elle a ce pouvoir Il ne comprend pas ceci que c est de sa jouissance elle de sa perversit elle dont elle parle De son d sir qu elle prouve comme un mal De son mal Il est la limite de la d sirer Et il y a tant de douleur l instant de cet ab me qu elle a cette nuit sans repos longtemps prolong e jusqu l aurore dissip e jusqu au soleil br lant des rideaux tir s jusqu ce que la voix de retour les appelle de cette douleur creus e en lui dans l in
311. r able Fruit organe v g tal issu du d veloppement de l ovaire la suite de la f condation qui succ de la fleur et contient les semences On ne sera pas surpris de retrouver dans le nouveau travail d Antoine Poupel les mailles trames filets r silles spirales circonvolutions superpositions d images entrelacs qu il ch rit depuis longtemps Pas davantage qu il fasse appel un registre iconographique d un mode encyclop diste paraissant s approprier les classifications savantes se livrant une sorte d inventaire botanique apr s qu il e t us des planches anatomiques Non plus encore de la pr sence savante d images cit es et qu il s approprie pour les d tourner de leur contexte et les rapprocher d autres champs en l occurrence d images obsc nes c est dire par excellence m diatiques Cette cr ation marque pourtant une rupture dans le choix du m dium puisque Poupel abandonne ici totalement la technique photographique analogique pour l image num rique directe obtenue uniquement l aide d un scanner Il n y a plus d optique de regard cyclop en centr mais le r sultat d un point de vue qui balaie fleurs et plantes directement pos es sur la vitre de la machine comme entre les pages d un herbier On s tonnera peut tre aussi au premier abord du ton il y a une atmosph re de joie de gaiet de vivacit L image semble nette propre le cercl
312. r et superposer le lieu de l oeuvre la cat gorie s culi re de l habitation coutumi re L ordre du presbyt re avait t ainsi renvers mis cul par dessus t te C tait en bas qu il vivrait mais en haut qu il travaillerait Ainsi en tous cas s tait 1l formul les choses lorsqu il choisit d acqu rir l difice et c tait pour ne pas que se m lent et diluent les deux espaces l un dans l autre qu il avait voulu ces degr s Il avait m me imagin alors qu il aurait pu se rendre l tage chaque matin et en redescendre chaque soir son ouvrage accompli comme on se rend au travail ou quelque office Certes et par bonheur son caract re plus conflictuel et tourment qu il n apparaissait lorsqu il nourrissait de tels fantasmes d une vie r guli re et rassurante le fit chapper spontan ment un aussi navrant dispositif maniaque et chronique Il n en restait pas moins que toute cr ation se faisait en haut Elle fut la premi re qui boulevers t ce semblant d ordre la premi re qu il photographi t autant en bas qu en haut d sireux de se r concilier peut tre lui m me avec la jadis r v e lt lt belle totalit gt gt Mais ce fut par le haut qu il d but t De l tage l escalier se poursuivait jusqu un vrai grenier mais ce dernier niveau en tait encore rest peu pr s son tat prosa que premier Hormis la charpente que l on pouvait y contempler c ta
313. r la fin sur le ciment brut Elles ont encore bien des r serves se toucher s treindre Mais est ce une treinte que je cherche D cid ment le miracle du D jeuner sur l Herbe ne se reproduit pas sans que je sache comprendre pourquoi tait ce de travailler en ext rieur Etait ce le soleil L t La nudit au contact de l herbe de l eau du vent des peaux qui se fr laient et s effleuraient Etait ce que les mod les avaient alors le sentiment qu elles exprimaient souvent en partant le soir d une journ e de vacances Des corps qui bougeaient ou qui s en sommeillaient je guidais peine les poses Tout tait alors fluide nous encha nions les poses sans difficult je laissais venir les corps et il y avait de part et d autre une joie sereine tranquille et efficace Un bonheur quelque chose qui devait ressembler du bonheur alors que j tais alors dans un des pisodes les plus d pressifs de ma vie Et m me si toute cette m moire que j en ai n est peut tre que fiction de ma m moire c est ce qu il en reste sur les images L il y a un moment ce moment ensoleill o tout ceci aurait pu venir n tait pas loin d advenir de se lib rer se laisser aller l image et au plaisir de poser La prise de vues pour le mod le doit tre un moment d oubli la fois tre soi au plus profond de soi et dans le m me temps fleur de peau et s oublier Une prise de
314. r la photographie notre pens e se confronte physiquement aux choses au hasard au temps aux apparences dont alors elle s empare la photographie est le pathos moderne qui sans cesse renvoie l absence L activit cr atrice indissociable de l activit critique n est plus vou e produire du sens mais signifier le non sens ontologique et la d passant un l humanisme na f qui fut celui de la photographie occidentale des ann es 50 avec the family of man et celui de l cole fran aise injustement baptis e r alisme po tique de Boubat Doisneau m ditant les grands antagonismes et les grands foss s dialectiquement irr m diables La r alit de l image ne peut tre que la r alit de la pens e et non la r alit du r el nous n appr cions pas une photographie parce qu il s y passerait quelque chose qu elle d note dans le r el mais parce qu elle met au premier plan sa r alit illusoire d image la vacuit du monde et les conflits de l humanit dans son rapport au monde l activit de la conscience les contradictions essentielles entre nature histoire d sir mort etc et ce parce qu elle est capable d organiser esth tiquement sa r alit d image de rendre la pl nitude son organisation formelle de cr ation plastique de nous poindre de son pathos Texte publi dans le Bulletin des 30 40 Juin 1995 EXISTENCES Le territoire Etre solitude mur e de la consc
315. rait gard les traces suivant les propres conseils de la Vierge sur un morceau de tissu 18 Avance ta main et la mets dans mon c t et ne sois plus incr dule mais crois Jean XX 27 Libertinages Au si cle des lumi res co ncident imageries libertines culs par dessus t tes et imagerie technique d un corps machine h rit du cart sianisme Chez Poupel alors les id ologies politiques Gravures de la R volution Fran aise et scientifiques L Encyclop die des Sciences et des Techniques de Diderot et D Alembert rejoignirent le rang du religieux et du sexuel et se retrouv rent au coeur de ses mixages et de ses associations Poupel nous disait leur quivalence et leur interp n tration la putain tait ador e comme la Vierge les planches anatomiques de l Encyclop die taient sexualis es comme le sera l appareillage technique et ordonn es comme la R publique la R volution Fran aise fut une immense orgie expiatoire le sexuel tait une immense machine mener et agiter les masses La qu te du pouvoir n tait autre que la lutte pour la jouissance Toutes les images qu Antoine Poupel en donnait taient galement obsc nes blasph matoires comme lorsque les images pieuses de la Vierge taient m l s avec les gravures de sexes de l Encyclop die ou qu il faisait coexister une mise au tombeau avec l image d hermaphrodites qui virevoltaient autour de la sc ne comme l auraient fait des anges L
316. raphiques repr sentatifs de l univers de pr dilection de la personne et que ces personnes avaient elles m mes sugg r s Il y soumettait sa manie manipulatrice ce qui aurait pu tre une galerie 19 Catalogue Portraits Editions M diane Rouen 1993 de portraits mondains si ces repr sentations n avaient t de la m me fa on que ses images ant rieures d grad es et perverties d figur es r duites leur essentielle qualit d images non plus seulement pieuses f tichistes ou comm moratives mais d risoires Nous tions encore dans le royaume des Vanit s Non plus seulement la vanit des grands Discours et des hautes aspirations humaines sciences arts plaisirs pouvoirs mais celles du plus humble quotidien humain Mise en ab me des volumes et des images du sculptural et du photographique du Polaro d et du dessin des sc nographies morbides des Catacombes installation avant la lettre et des macules argentiques des gravures techniques et des images pornographiques poursuivant une pratique d appropriation et de d tournement des images des clich s le travail d Antoine Poupel est cet gard des plus radicaux parce qu il nous fait d embl e ressortir toute l irrationalit qui se cache derri re l ordre apparent des repr sentations et des symboles Il est la fois critique des images et des id ologies de la modernit il a valeur de subversion joyeuse retour du dionysiaque cach et que
317. rapport de force mais seulement d une relation charnelle La Mer La mer n appartenait videmment pas en propre au domaine mais bien que retir e de quelques kilom tres et quoique remplissent leurs offices les haies et les murs elle ne cessait jamais de faire sentir sa pr sence alternant de ses flux et reflux claircies et averses accalmies et bourrasques dictant ses humeurs en ce plateau de craie et d argile littoral qui la dominait mais sur lequel sans conteste elle gouvernait L t on se rendait au pied des falaises de craie empruntant les routes bord es de c r ales les chemins troits descendant les valleuses ravin es gagnant les gr ves de silex polis Puis ayant le temps des premiers bains lutt contre la froidure de l eau s tendre en elle et rompre les corps c te c te au bris des vagues fra ches flotter au gr du sel nager droit vers l horizon nu et dispara tre soudain en son fond pour une br ve plong e s en chapper enfin et reposer sur les plages de galets avant que de regagner les jardins intimes S1 le domaine tait clos l immensit oc ane en tait deux pas qui lui faisait cho L ABIME DES IMAGES L ABIME DES IDEOLOGIES Fleur organe caract ristique des plantes sup rieures ou angiospermes qui contient les organes reproducteurs entour s le plus souvent d un p rianthe dont les pi ces peuvent tre d une couleur brillante ou d un parfum ag
318. re de photographies enferm es dans le bureau du directeur Voici les faits Nous voici qui devons faire vivre ces oeuvres contre la censure qui devons informer r agir emp cher que le silence n accompagne l interdiction qui devons par del le choc continuer cr er et communiquer Nous voici qui nous interrogeons sur ce qui peut faire dans une soci t permissive que l oeuvre d art puisse choquer au point d tre refoul e Sur ce qui a pu faire crire au quotidien local le Berry r publicain Noir limite passe la limite Or leurs limites faut il le dire ne sont pas n tres Noir limite est le noir de la mati re photographique cet attachement la r alit de la photographie le noir d une certaine vision du monde un retour l homme la souffrance la jouissance le tragique la subjectivit une tradition esth tique Le retour au corps au dedans l int rieur La simultan it de profondeur de la surface de la peau et de celle de la photographie Une surface une mati re vif nu une surface qui dise ses entrailles Noir Limite est le refus de la na vet moderniste et le d passement de la d construction conceptuelle Limite n est pour nous que tangente risque fil tendu vers la construction d une oeuvre Ce qui s pare n est pas ce qui ferme Noir Limite est donc pour parler franc un concept intellectuel et artistique qui vit au travers de nous trois notre confr
319. res de mes s ries en couleurs ce sont les illusions perdues et que d une certaine fa on un certain repli le fait que depuis cinq ans enfin depuis quinze ans je ne travaille que chez moi sur mon territoire c est aussi un repli sur un jardin sur un lieu disons le un repli int rieur DR Parle nous justement de ce lieu tu habites dans le nord de la France et tu habites un monast re un presbyt re JCB Oui depuis la s rie Erres en 1992 le travail fait en Scandinavie et mis part Zones en 2002 o ce sont plut t des paysages de mon enfance puisque je suis n au havre entre une scierie et un d p t de chemins de fer Zones c est l univers industriel je ne sors pas de mes 1727 m2 mes sept chats mes onze pi ces et aussi parce que je pense que contrairement beaucoup de discours l important n est pas d explorer superficiellement des choses qu on ne conna t pas qui nous sont trang res mais des choses que l on conna t en profondeur Donc je suis l antipode de la photographie de voyage puisque a reste sur place comme une esp ce de spirale int rieure ce que j appelle la cl ture dont je ressens en m me temps les dangers finir dans une esp ce d enfermement solitaire DR Je me permets de revenir sur ton passage la couleur c est vrai que longtemps tu as t soutenu par Jean Claude Lemagny Noir Limite que tu as fond avec Yves Tr morin et Florence Chevallier et quelque
320. reste Les animaux chiens pieuvre poissons mais aussi les statues et mannequins sont des interm diaires entre la chose et l homme Corps vivant statue de pierre tout a m me statut dans les images d Herbert LIST qui assume la photographie dans sa nature propre de coupe sombre qu op re le scalpel de l esprit L esprit ordonne en tuant Au fond ce que constate l appareil photographique c est le peu de diff rence entre le monde des objets inanim s et celui de l humain Plong s dans un univers au silence pesant dans une dur e immobile et stagnante rien ne transpara t de l illusion du vivant ainsi que chez Descartes l homme au chapeau et l automate vus dans leur mouvement ne se diff rencient pas A la parole de l artiste nulle autre voix s oppose chaque image est un analogon du silence que cherche et respire l esprit sourd ainsi que dans le monde de pantin des oeuvres de Chirico Ainsi le bocal du poisson rouge devant la baie de Santorin 1937 n est pas seulement comme le commente Herbert LIST une image platonicienne de l enfermement du corps Le poisson dans son troit bocal et la vaste tendue de la mer au dehors symbolisent l homme qui du fait de ses attaches avec la terre n est jamais capable de se d tacher compl tement de la mati re qui ne peut que pressentir le grandiose au del mais ne peut y plonger parce qu il est prisonnier de son corps mais l image de l atomisation q
321. rie de Polaro ds a t r alis e en 1984 au Hode Elle pr sentait des images de taillis mar cageux fangeux et de feux sur lesquelles taient grav s des personnages cadav riques squelettiques d charn s comme des all gories de la Mort Cette fois la gravure intervenait pour ajouter un l ment l image photographique primitive et non pour la dissoudre quoique ce faisant elle brouilla la r alit Nous entrions avec ces images dans une sorte d en de magique de la pens e rationaliste nous retournions aux mythologies ainsi qu Emp docle envisageait l tre comme trag die cosmique o s alliaient et s affrontaient eau chez Poupel la mer feu all gorie du d sir terre sol des for ts ou la pierre des gisants air ici travers habit de figures mythologiques anges arches de No en l vation Feux et for ts fant mes au trac primitif des figures anges ou farfadets nous avions faire cette sorte de rituel magique de l intervention sur l image du r el son substitut f tiche ainsi que sur ces l gendaires statuettes piqu es d aiguilles des sorciers vaudous Peinture ou photographie Faire du rien avec du d j l ou du tout avec du rien le m lange tait g niteur eau et argile terre et feu du renversement des mondes et de l insurrection des consciences c est dire de la cr ation seule question qui ait nous pr occuper par del tout crit re pragmatique et quotidien du cloi
322. rie et c est un autoportrait par d l gation c est la photographie d une photographie enfant Ce qui est pour moi aussi important dans ce travail c est que ce jardin tel que j ai pu le photographier c est pour moi un paysage mental d abord parce que c est un jardin que j ai cr de toutes pi ces c est dire que ce qui m est apparu en faisant les photographies en 1991 c est que ce jardin devait ressembler quelque part ma cervelle si on avait mis ma cervelle si on avait r ussi la sortir et qu on l avait balanc e au milieu de l herbe sans doute sa configuration aurait ressembl la configuration des parterres et des corbeilles que j avais dessin s c est dire que c tait faire retour sur une objectivation qui avait t encore de l ordre de l objectivation qui pouvait tre sortie de moi m me projection mentale qui par la photographie redeviendra mentale Comme souvent je fais deux s ries en parall le je me mets l eau je me mets l eau avec l appareil photo je nage et je fais des photographies en nageant avec cette ambigu t de la mer qui est videmment la fois un espace d immensit d ouverture de bonheur et en m me temps un espace dans lequel le corps peut se casser sans cesse et tout jamais peut se dissoudre Images de noyades l y a en m me temps une s rie qui est une s rie compl tement in dite et que vous ne verrez pas qui est une s rie d autop
323. rise de vues commence aussi se lasser d avoir changer constamment de partenaire une s rie qui pi tine ainsi est assez d courageante et elle jette l ponge aussi apr s cet ultime tentative Et puis je ne suis pas s r qu elle soit tr s l aise dans cette s rie Moi de m me la dynamique du projet finit bris e par cette succession d obstacles et d approximations factuelles et si a me semble toujours avoir t une excellente id e en soi je ne suis plus s r du tout que a puisse fonctionner ni d avoir encore envie de m y atteler je ne trouve plus grand sens tout cela Je ne suis plus s r que le format 24 x 36 auquel je suis pass en passant de l argentique au num rique soit le bon format et peut tre le carr aurait mieux ceint les deux corps Ca ne communique pas ne circule pas la mayonnaise ne prend pas et je ne renouvelle pas cette premi re journ e de prises de vues Voil presque deux ans que la s rie est commenc e il y a eu peine cinq jours de prises de vues ce qui est bien trop peu en deux ans chaque prise de vues j ai eu le sentiment non d aller plus loin et de faire mieux non pas de poursuivre une piste qui pass es les premi res esquisses tait une piste fertile mais de battre chaque fois un peu plus en retraite et de m enliser S me dit qu il faudrait que je trouve deux filles tr s intimes l une l autre pour reprendre la s rie Alors j abandonne
324. rit depuis qu en Juillet tu voyages Je n ai m me jamais voulu ou pens le faire Seul aujourd hui je pense t crire et t cris Bien que te sachant ailleurs Mais as tu toujours la clef de ma parole brouill e Je ne me souviens pas tr s explicitement penser toi ces jours d t Les choses sont diffuses profondes dilu es dans ma chair p n tr es en dedans Je te vois Je t aime J ai le tableau de Chardin devant les yeux J ai t tr s impressionn par les raies vues Quai de l Ile un soir de Juin par leur bouche et leurs yeux et cette trange sensation de sourire qu elles donnent il est vrai Ce qui sur un autre registre me fait penser la Joconde Tellement peur lorsque je vivais avec toi que tout ceci ne se brise si s r et si fragile Cette lettre adress e A toi sans qui jamais rien n aurait t possible Rien Toi qui voyages qui aimes qui respires Qui aspires et luttes Toi libre de moi Enfin Peut tre j aimerais alors que mes images corchent les autres leur faire toucher un peu de ce qu ils refoulent d eux en eux de moi la douleur comprends tu ceci J ai toujours le tableau devant les yeux Je crois parfois que je pourrais me passer de la photographie mais ni des images ni de l criture Pas de cela en g n ral Le bien que me fait de t crire Le bien que tu me fais toi Comme quand tu venais ici C est comme si
325. rojet non plus simplement d un travail formel sur ce qu aurait pu tre le portrait mais un travail sur la distance et la proximit des peaux ou des visages un travail sur la relation amoureuse sur cette tentative d sesp r e d abolir l trang it de l un l autre Le mieux est peut tre que je vous lise quelques extraits du texte qui accompagne les photographies dans le livre Visages Les Amants ont t r alis s simultan ment M me femme obsessionnellement photographi e m me homme s autophotographiant seul ou avec elle de l t 89 l hiver 90 91 Elle fut mon amante Visages s tait amorc avant de la rencontrer merg s de fa on spontan e telle une immense respiration ces visages en gros plans close up abord s en lumi re naturelle dans des lieux familiers Images de proximit et d cart l autre o l atteindre dans la profondeur de sa peau de sa chair de ses veines de sa respiration photographi e des jours durant du matin au soir tel un effleurement interminable du regard et des mains sur les d tails de la peau des cheveux des yeux sur lesquels je faisais le point 23 Laplanche et Pontalis Vocabulaire de la psychanalyse Presses universitaires de France Paris 1967 24 Freud l Interpr tation des r ves Presses universitaires de France Paris 1967 25 Noir Limite groupe d artistes fond en 1985 avec Yves Tr morin et Florence Chevallier et qui se disso
326. rps le visage l criture et y lire le recul des signes C tait l avertissement de l Empire des signes de Barthes C est une histoire qui n est pas franchement une histoire et qui commence par un malentendu ainsi que beaucoup d autres histoires finissent Platon fondateur de la m taphysique rejette l image comme antagoniste de toute pens e philosophique c est dire loign e de toute saisie de l essence du monde L image ne prend que l apparence des apparences l apparence de la mati re qui n est elle m me qu une apparence de l Id e et de cette apparence elle ne fournit qu une copie L image au lieu de d voiler masque elle est inutile futile dangereuse elle loigne de la v rit du bien du beau m me Conception moralisante condamnation sans r mission du faiseur d image ce charlatan et r ve d une po sie d une musique d une sculpture au service de l Etat la morale la Raison morale Platon ne con oit pas que l art puisse tre un moyen de r flexion et un moyen critique d appr hension du monde tout en restant sa propre finalit lui m me Et il faut attendre peut tre longtemps attendre Hegel la dialectique de Hegel pas m me Kant Et ce malentendu depuis plus de vingt si cles reste capital car au fond or l exercice de la vie pour elle m me quoi d autre puisse avoir autant de raison aux yeux de la Raison que l exercice de la m dit
327. rtout comme une maladie respiration contraction sortir des os de la bo te cr nienne expulser ces fourmillantes neurones de ce carcan de la pens e se projeter s ali ner Activit d bordante de la conscience qui n a de cesse de cette propension s pancher confession communion uvre sp culation m diatisation amour possession conscience hydroc phale qui pleure s ploie se r pand tisse ses toiles b tit d truit p lit d lie mais seul le corps peut p n trer un autre corps se r pandre en un autre corps la conscience est close sans issue imp n trable aux autres et elle m me la solitude est constitutive de l esprit Exister est tre d fini dans une solitude spatiale autant que temporelle enferm dans une finitude et aucune continuit de l esp ce de la culture de l humanit de l ternel retour n a pu mettre fin la discontinuit absolue que chacun et en tant que singularit individualit par rapport aux autres au monde et lui m me ce foss qui nous s pare de l infini et de l universel notre r clusion C est un travail qui est r alis enti rement dans la solitude de mon territoire c est une s rie que j ai appel Le Territoire en quelque sorte les paysages de mon quotidien le jardin et la maison tels que je les habite chaque jour tels qu ils sont mon horizon sorte de micro paysage sur place il n y a qu un autoportrait dans cette s
328. s celui des arm es conqu rantes pour troph es des marchands aussi Le grillage recouvre ainsi le signe comme une grille absurde de lecture Il s agit enfin surtout pour l auteur de ces images de repr senter le temps Et en cela sans nul doute la monumentalit gyptienne est un des r v lateurs privil gi s l un de ceux qui s imposent dans cette confrontation photographique cette prise au corps avec le monde cette image captive Mars 1985 pr face au catalogue de l exposition de Pierre De Fenoyl NOTES POUR UN MANIFESTE La photographie est affaire de surface d apparence de donn voir S attacher la surface des choses La surface tendue la peau fleur D nud e vive vif L o la surface se met nu se d v t offre voir la fragilit de ses limites des limites du dedans et du dehors de la peau et des entrailles o elle se met en p ril et met notre ext riorit nous sommes si irr ductiblement ext rieurs les uns aux autres et au monde en p ril en crise en d sir S attacher la peau cette mati re du corps la peau pilosit yeux cheveux muqueuse corne L o nous ne pensons plus au dedans de nous l o a fond entre nous et le monde Ce qui reste douloureux dans la proximit la captation c est la distance qui demeure Remuer notre chair le seul monde seul r el des corps Mettre nu le dehors pour que s y donne le dedans que s y dessille
329. s elle n est pas pudique et elle est ponctuelle mais ce n est pas quelqu un qui s abandonne la prise de vues qui s y perd comme dans une vague et c est un peu rigide dans les poses et les visages mo nm me ecoles lens ises sen 1 ul AN CI BD E i COS CLONI I O SUR LA FAROIOGRAPAIE 221 S et A se connaissent un peu mais g ne Cette rigidit gagne rapidement les deux corps Et bien qu il fasse infiniment plus chaud c est encore plus glacial que la seconde Bien que je sois toujours tr s directif sur les poses je ne donne jamais d indications sur les expressions a vient ou a ne vient pas et l les expressions ne viennent pas Et malgr mes indications tout r siste J essaie cette fois de ne pas trop donner dans la mise en sc ne de demeurer plus conome mais j ai vite le sentiment de tourner en rond une tentative en ext rieur dans le verger du D jeuner sur l Herbe est absolument catastrophique Je reviens aux int rieurs en contre jour le lit sous une fen tre Jet gris c est assez monochrome nues aucune ponctuation de v tements trop de couleurs nuit la couleur Mais de ces deux corps jet s ainsi sur le lit j ai vite fait le tour et c est comme si ils taient de marbre et non de chair De nouveau je ne parviens plus cadrer une ultime tentative avec des draps s av rent catastrophique D ailleurs le premier mod le S qui n a pas chang depuis la premi re p
330. s peut tre moins avant que d avoir t une cuisine et une salle manger C taient deux pi ces rev tues son arriv e d un parquet flottant dont on avait un jour recouvert le sol premier de torchis et terres cuites Les deux fen tres de la biblioth que ouvraient plein sud L une de ses fiert s de jardinier tait d avoir r ussi y faire grimper un rosier sabelle d Astr e Un de ses r ves avait t sans doute celui d une pi ce dont les murs du sol jusqu au plafond s tendraient couverts de livres revues et catalogues plus ou moins soigneusement class s en diverses rubriques philosophie sciences humaines litt rature Beaux Arts ou encore d usuels il affectionnait la taxinomie et toutes sortes de dictionnaires et selon les rubriques par ordre historique des oeuvres ou alphab tique des noms d auteurs Les meubles compos s d l ments en bois panneaux pr d coup s du commerce ou planchers usag s de r cup ration qu il avait assembl s et vernis teint s d un m lange d acajou et de ch ne s taient additionn les uns aux autres au fil des ann es et la derni re fois dans le repli laiss par la chemin e jusqu au mur de fa ade lorsqu elle tait venue emm nager C tait en juin dernier En sorte que deux des murs blancs taient couverts de livres le troisi me largement occup par les fen tres Cet espace prot g de mots et d images qui semblaient av
331. s y m lant t tes et torses ventres et fesses Dans un dernier mouvement il s adonnait au voilage ou pseudo solarisations des montages ainsi r alis s C tait un univers la fois irr v rencieux sauvage ludique et parfois morbide partir des images voil es aux teintes violac es ou cuivr es qui s en d gageait Un peu sale aussi Pensionnaire de la Villa M dicis il photographiait galement les couples s battant dans les jardins aux ombrageux bosquets d veloppant les images dans des gicl es des claboussures des aspersions 11 Apprends d abord les racines de toutes choses elles sont quatre Zeus Lumineux H ra vivifiante et le seigneur de 1 Ombre avec Nestis qui de ses larmes gonfle la fontaine de vie pour les hommes mortels propos d Emp docle in Aetius I 3 DK 31 B 6 12 lt lt La jouissance n est pas rien Mais comment peut on la rep rer en peinture sur une toile gt gt Hubert Damisch et l en photographie On la rep rera en termes de surface paroles vocabulaire de jouis sance en discours sur On la mesurera aussi en dimensions de t ches laiss es sur une surface une pein ture de jouissance sur la peinture sur la surface de la peinture qu elle a travers le discours de surface de l image p n tr y laissant sa marque trace t che Marie Domitille Porcheron Catalogue Antoine Poupel images 1982 1985 Villa M dicis et Mus e des Beaux Arts du Havre
332. s ce monde Photographier est donc aussi ceci le retour du corps dans la m taphysique le retour du corps dans une m taphysique au del la scission cart sienne entre l me et le corps retour du corps dans la philosophie nietzsch enne le vouloir vivre retour du corps dans la m tapsychologie freudienne le a retour du corps dans la pens e philosophique marxiste l existence retour du corps dans la ph nom nologie l tre l Affirmation de la corporalit manifestation de la corporalit clairage nouveau sur la corporalit savoir le corps en tant que lumi re la photographie est la saisie de ceci du corps en tant que lumi re de l id e de l in luctabilit du corps Nous sommes au monde nous sommes dans le monde dans lequel nous errons dans lequel nous essayons de saisir d appr hender de nouer des relations autrui mon regard sur autrui et le regard d autrui sur moi ce travers quoi je me construis ce travers quoi la photographie se construit comme image travers le regard du photographe travers ce regard que l homme porte sur le monde et qui fait qu il saisit qu il appr hende le monde fusse dans sa futilit mais fusse aussi quelquefois dans sa dimension juste dans sa dimension effective dans sa dimension vraie c est dire dans sa dimension tragique La photographie comme la trag die se joue en noir et blanc en opposition de valeurs en dilemme de valeurs
333. s gt gt cela va encore plus loin puisqu il s agit de tendre une laboration commune de l image Cette volont se place donc dans une remise en cause des rapports de domination qui op rent habituellement entre photographe et photographi e dans la photographie professionnelle comme d ailleurs souvent dans la photo familiale C est dire que je refuse cette notion de mod le con ue la fois selon l assujettissement du photographi e en un objet que pr cis ment l on mod le et que l on cherche imiter avec tous les types sociaux qui s y investissent alors domination de celui qui poss de les outils de production dominations hommes femmes etc En photographie ceci aboutit toujours une image chosifi e de la personne photographi e telle qu on la rencontre in vitablement dans les m dias la publicit la mode l acad misme Au niveau de ma d marche mes photographies sont donc l aboutissement d une part d un projet con u et discut avec la personne photographi e d autre part d une latitude totale de lt lt mouvance gt gt l int rieur du cadre que nous nous sommes alors fix Cela suppose bien s r une multitude de lt lt correspondances gt gt entre les femmes avec qui je travaille et moi m me Mais aussi comme je le dis par ailleurs une multitude de trahisons mutuelles L image que tu donnes des femmes Il y a une grande passivit gestuelle et de grands vides
334. s images num riques d Antoine Poupel rappellent au premier abord les ouvrages des dessinateurs et jardiniers anglais les planches illustr es 1 Grand Larousse encyclop dique vol 5 1962 2 S1 l on veut bien admettre que l obsc ne donne voir met au devant de la sc ne ce qui devrait de meurer cacher ce vers quoi tend inexorablement le r gne des m dias 3 On se souvient de l exposition simultan e l t 1998 l ancien moulin de Saint Wandrille des des sins d animaux et de v g taux de Myl ne Poupart et des premi res images num riques de fleurs d Antoine Poupel 4 Karl Blossfeldt Unformen der kunst arch types de l art parut en 1928 5 Cette m me ann e 1928 Albert Renger Patzsch publie son livre Die Welt ist sch n Le monde est beau destin es favoriser la connaissance et la reconnaissance Car qu est ce qu une fleur aux yeux d Antoine Poupel A peu pr s ce qu en dit le dictionnaire un organe qui contient les organes reproducteurs et le fruit rien d autre que la complexion issue du d veloppement de l ovaire qui contient les semences Bref une fleur est un sexe dont calice et corolle enveloppent androc e les tamines supportant l anth re organe m le s cr tant le pollen et gyn c e dont le pistil supporte les stigmates g n ralement mamelonn s s cr tant un liquide visqueux et un fruit un ventre pulpeux et charnu l picarpe r ticul destin por
335. s n est pr sent que dans la fa on dont il fa onne le corps dont il l oblige l habiter et dont il l habite dont ils se p n trent mutuellement L espace se refl te dans le corps le visage les gestes En contrepoint la description des pi ces n intervient que dans les textes accompagn s par deux petites photographies des lieux vides le lieu du crime 15 ans d intervalle ce qui est susceptible de documenter le regard et le travail du spectateur mais peut tout autant le d router en lui fournissant le point de d part d autres fictions en contrepoint de celle qui est pr sente dans les mises en sc ne photographi es Il serait na f d y voir la confrontation en face face de la r alit et de la fiction Tout est fiction et l cheveau n en devient que plus complexe d m ler entre celle des images et celle du texte Mais aussi bien tout est r el puisque tout se donne voir puisque la fiction m me existe bel et bien en tant que fiction et s incarne Est ce un nouveau paradigme de ton travail sur le rapport de l image au texte Depuis les premi res expositions ou les premier livres j ai confront les mots aux images textes aux statuts divers manifestes analytiques narratifs fictifs critiques didactiques mat riellement pr sents dans les expositions les catalogues ou les performances encadr s jonchant le sol enregistr s lus haute voix ou encore textes photographi s d tails de l
336. s plus large d une s miotique L int riorit est du domaine de l intime et du clos de l indicible voil qui r pond la r alit de ce que nous sommes comme celle du langage Le langage est gage de solitude L autre est toujours ailleurs Notre solitude qualifie l tre irr m diablement solitude tragique puisqu en contradiction en d chirement avec notre d sir d osmose et de communion avec le monde avec notre d sir d unit solitude mur e de la conscience d un c t d sir insatiable de prendre de l autre c t Nous n avons place ni en dedans ni au dehors de nous m me Cet cart qualifie le Portrait que l oeuvre cherche le nier l effacer le passer sous silence ou bien qu elle cherche l exacerber le dire Que l crivain par exemple adopte la convention de parler de ses personnages comme si tout pouvait se savoir d eux et tout s noncer ou bien qu l inverse il nous rappelle que l autre est avant tout un ailleurs irr ductiblement un inconnu Que l image dise l espace entre le mod le et l artiste entre l autre et le regard sur l autre ou le nie C est de ce d chirement que toute pens e courageuse et clairvoyante est vou e parler L oeuvre d art est une tentative de r pondre cette trag die le langage instable et ambigu sibyllin d une n cessit int rieure en m me temps qu une de ces quivalences mentales Pourtant si l
337. s possibles d utilisation d une technique donn e Il suppose toujours des ruptures tant avec les usages pragmatiques de cette technique qu avec les id ologies qui les soutiennent Inversement il n y a aucune technique qui ne puisse servir l art L art suppose des ruptures il n est jamais acquis Aussi la d finition de l art ne saurait cesser d tre probl matique elle ne peut tre qu un enjeu philosophique vou e au doute et au questionnement L art est un concept faut il donc si souvent le rappeler Et ce concept qu on le ram ne aux r flexions kantiennes ou h g liennes nietzsch ennes ou heideggeriennes ne saurait jamais par nature prendre la forme d une tiquette J aurai beau avoir d fini si merveilleusement et pr cis ment le concept rappel que l art s oppose l artisanat la cr ation au savoir faire assimilable les recettes le d sint ressement au mercantilisme et au pragmatisme que le beau naturel ou utilitaire n est pas l art une belle photo de mode ou de journaliste et que le beau artistique est capable d assimiler l abject et le laid etc la question demeurera toujours aussi d licate de reconna tre l oeuvre d art de son simulacre Au moins j aurai pu cependant couper court et net aux confusions les plus grossi res et les plus courantes et rappeler qu il y a d un c t les professionnels les reporters les modistes les illustrateurs les d corateurs de l autr
338. s pr c dentes celles de mes cycles La revanche de la chair ou de Eloge de l amour Ici la couleur se fait conomique presque monochrome la lumi re sorte de clair obscur de journ es grises et pluvieuses Depuis que j ai abord la couleur de front depuis les ann es 2000 je me suis rapproch plus que jamais de la peinture et j explore ces limites infimes et tremblantes de la photographie et de la peinture Apr s tout pr parer une toile l encoller l enduire y mettre une premi re couche d impression et pr parer une plaque photographique proc dent de la m me logique et du m me m tier et plus que jamais je mesure la r alit de ces premiers photographes de ces pionniers pass s insensiblement dans les ann es 1840 de l une l autre d une toile une plaque d un dessin une empreinte De la colle de peau la g latine La num risation des films couleurs argentiques de l Ektachrome la d couverte du jet d encre puis de la prise de vue num rique ont t ces derni res ann es un bouleversement qui n a fait qu accro tre ma passion de la couleur et sans doute du tableau le travail minutieux de choix d une palette donn e par un fond un d cor un morceau de v tement une nature morte etc Ici lumi re du nord d pouillement traces et marques du temps les poses r currentes et la mise en sc ne sommaire les mod les que je ne cherche pas choisir que je prends comme elles ou ils vien
339. s s accompagne n cessairement de vis es nouvelles flous d cadrages incarnent ici la perversion des usages classiques et de la repr sentation que nous voquions pr c demment Crise des id ologies des valeurs crise de l art pr sence dans le champ photographique de l ensemble de l volution des arts plastiques voire m me du spectacle et de la musique se livrent l une m l e dont nous laisserons aux publics le soin de retrouver les tenants et les aboutissants PHOTOGRAPHIE VISION DU MONDE Tel tait le titre du num ro sp cial de la revue Arts et m tiers graphiques consacr s enti rement en 1930 la photographie La photographie vision du monde de la photographie et d une fa on plus globale de l image voil ce par rapport quoi la Maison De La Culture et Photographies And Caux ont demand sept photographes se situer et que nous vous invitons voir Juillet 1983 Le Havre Postface Au Catalogue De L exposition Visions PHOTOGRAPHIE IMAGE ET METAPHYSIQUE Photographie image et m taphysique Avertissement que je vous lise ceci de Roland Barthes Le texte ne commente pas les images Les images n illustrent pas le texte chacune a seulement t pour moi le d part d une sorte de vacillement visuel analogue peut tre une perte de sens que le zen appelle un satori texte et images dans leurs entrelacs veulent assurer la circulation l change de ces signifiants le co
340. sait jamais les tag res et s il ouvrait la penderie c tait seulement pour constater qu il ne s y trouvait effectivement rien Cela l eut d rang que quelque chose ait t oubli que des traces subsistent de quelque passage ant rieur Mais de savoir ces passages ne le d rangeait pas le rassurait m me peut tre de cette interchangeabilit des vies qui coulaient se rempla aient en un flux quivalent indiff rent Dans cet espace troit qui l accueillait tout devrait rester intact les gobelets de plastiques dans leur sachet sur la tablette de fa ence de la salle de bain le lit m me qu il d faisait peine Il s y installait le moins possible Et le peu qu il s inscriv t cela le r confortait de savoir que le lendemain en son absence tout serait nouveau gomm et remis en son tat premier Les quelques empreintes d risoires que les vies laisseraient l seraient aussi vite emport es d ni es par la femme de m nage la fille d tage la blanchisseuse Jusqu aux miroirs indispensables trompe l oeil de ces chambres trop exigu s o il vitait de se voir de laisser happer son image R sistant s abandonner il demeurait un tranger et cela lui donnait un temps vivre respirer Il voulait surtout viter que rien de familier ne puisse se reconstituer autour de lui La valise ouvrait gueule b ante sa libert effleur e Les tapisseries surcharg es et pass es les meubles
341. salon la salle manger dans les lumi res pr cieuses du soleil la chambre tant t dans une nuit de lumi re artificielle tant t dans l extr me sensualit des d coupes du soleil Cadrages fragment s serr s au plus pr s du corps jusqu le toucher mises au point sur un seul plan parties enti res de l image plong es dans l ombre profonde on ne voit pourtant jamais l espace Cadrage mises au point profondeurs de champ servent s lectionner ne garder dans l image que l essentiel et mettre de c t ce qui ne ferait pas sens Eliminer et choisir par la perspective en creusant ou en ramenant au plan sans craindre de fr ler l illisibilit imm diate le temps de la lecture sera au moins pour le spectateur celui de la pens e la perspective ne doit pas davantage que le cadre la lumi re la mise au point tre subie Ne pas oublier qu une image n est toujours au fond qu un plan c est aussi par le plan de mise au point les hautes lumi res le cadre que l on construit la perpective et pas seulement par l optique Mais aussi ces proc d s photographiques servent produire l effet de proximit et de respiration du corps son extr me pr sence sensuelle comme si mat riellement il s extrayait de l image il l exc dait Ils accroissent aussi le sentiment de focalisation de fascination qu offre le corps Un corps vivant humain a respire a sent a pense L espace des pi ce
342. sens photographier est reconna tre le r el l histoire leur n cessit en m me temps que ce qu ils comportent de hasard leur donner sens et valeur La photographie n est donc pas seulement signe d un lt lt avoir t l gt gt mais davantage trace d une rencontre l tre l n est pas seulement l tre du photographi mais aussi celui du photographe L id alisme ne peut admettre que ce cheminement historique d une part et l art d autre part puissent aller de pair Cette part des vicissitudes de l histoire ne se reconna tra d ailleurs pas seulement au niveau du temps la trouvaille le moment opportun mais aussi de l espace du corps l image est toujours entach e de particulier d individualisation Il s ensuit un doute permanent sur la r alit du vouloir signifier du photographe de la m me fa on dont nous avons pu d crire qu un doute portait sur l efficace de sa conscience quand l id ologie le percevait comme simple appendice d une machine Ce doute peut plus particuli rement porter sur les hasards techniques ou la fa on dont c est photographi ou encore r duire l int r t port l image la lecture d une rencontre une interpr tation anecdotiste Reconna tre la photographie et ses sp cificit s c est donc devoir reconna tre la n cessit qui se fraie un chemin travers les hasards le g n ral travers le particulier la concept travers la ma
343. sme et son r alisme contribuait donner un caract re dramatique ses sc nes L image tait subordonn e l effet g n ral de la lumi re crue et dirig e clair obscur et n tait visible que ce qui se d tache des ombres profondes sans d tail La lumi re qui n tait que la servante neutre de la fen tre renaissante devint avec le Caravage le moyen de montrer avec une efficacit maximale certaines parties de l image dans leur brutalit de rendre visible c est dire de hi rarchiser la perception de s parer l important de l accessoire Nous tions l oppos de la vision math matique d Alberti ou Brunelleschi qui ramenaient tout au plan normalis de la perspective g om trique Les id ologies religieuses dans la s rie des Miracles de San Genaro dont le sang se liqu fie chaque ann e devant les fid les r alis e Naples ou les images de v n ration de la Vierge de Guadaloupe prises au Mexique tout l attirail baroque de la Contre R forme d j en soi prolif ration d images d multiplication sensuelle taient cit es comme discours sur le miracle et l apparition Bien entendu les miracles taient ici photog niques et la logique du je ne crois que ce que je vois de Saint Thomas d Aquin renvers e 17 Miracle semblable celui du Saint Suaire de Turin gardant la marque du visage du christ La Vierge de la Guadaloupe apparut au seizi me si cle un indien mexicain qui en au
344. solidifie son statut artistique Aujourd hui encore les deux fonctions continuent de s affecter contradictoirement bien que certains cultivent la confusion avec d lice quel dessein C est dans la mesure o la fonction m diatique utilitariste de la technique photographique est transf r e progressivement la vid o et l informatique cam scopes d amateur cirque t l visuel ou multim dias et r seaux que les conditions sociales sont r unies pour que la photographie s mancipe de ses cadres asservis et puisse tre l outil d autres choses Une technique ne peut tre per ue comme artistique qu partir du moment o elle ne sert plus rien L art contre la culture Nous avons insist sur l aisance qu offre le processus photographique et les dangers qu elle entra ne Mais 1l est d autre caract res propres issue de la technologie des machines nullement manuelle la photographie est une pratique la fois extr mement intellectuelle et farouchement physique Intellectuelle elle est essentiellement la mise en application d une technique qui ne requiert nulle habilet manuelle nulle dext rit au sens de ce qui est requis pour dessiner ou jouer du piano mais au contraire exige une pens e une r flexion constantes sur des cha nes permanentes de choix et d actions telles que diaphragmer cadrer faire le point mettre en sc ne choisir des surfaces sensibles introduire une solution etc
345. sonnement des proc d s et techniques La mythologie avait fait son entr e On aura compris que ce n tait ni l instant ni l imm diatet qui int ressait Antoine Poupel dans l utilisation de la photographie instantan e mais sa mati re demeurant un temps ind cis molle mouill e g latineuse sur laquelle il pouvait appliquer son geste C tait en outre le caract re unique monotypes par nature pr cieux des images obtenues L antique macul Lors de son s jour la Villa M dicis Rome en 1984 85 Antoine Poupel a d laiss le support Polaro d pour travailler des monotypes noir et blanc de grand format Le corps de pierre a remplac le corps de chair l oeuvre d art celle de la nature les canons apolliniens et les d rives dionysiaques de la beaut classique les r glements et d r glements de l rotisme moderne Partant de prises de vues de statues antiques drap es ou nues souvent t t es ou mutil es effectu es dans les mus es notamment les mus es arch ologiques de Naples et de Rome il se livrait un travail de montage superposant diff rentes images ou diff rents points de vues ou encore r p tant et multipliant la m me image Puis il entreprit de transposer la technique de la gravure des Polaro ds en dessinant l aide d un pinceau de lumi re appliqu sur le tirage dans la chambre obscure de larges traits noirs sommairement trac s des biffures des t ches des spirales des cercle
346. sques antiques que l on pense la Villa des Myst res Pomp i 16 Catalogue Antoine Poupel Images et hommages 1986 1987 Maison de la Culture du Havre 1987 de poche prises dans les Catacombes de Paris de reliques dans les glises ou des Momies de Palerme affleurait bien entendu un certain go t du morbide C taient de grands monotypes macul s tram s noircis mont s volontiers iconoclastes d viant des images d tournant des fragments de r els pr lev s ici ou l dans le tr sor des oeuvres les plus nobles comme dans celui des statuettes de pacotille des dictionnaires ou des magazines populaires La photographie elle m me s y trouvait malmen e cass e voil e m l e de citations picturales affect e de gestes destructeurs d plac e Oeuvre noire ricanante semblable aux cr nes des Catacombes joyeuse danse macabre Apr s l antique des mus es arch ologiques de la mythologie anthropomorphique du couple tragique Apollon Dionysos c tait l imagerie chr tienne Naples San Gennaro 1987 Mexique 1988 89 qui allait d sormais passer au crible de cette alchimie iconoclaste A partir de 1988 Antoine Poupel s tait attach travailler au corps cette quivalence d risoire des repr sentations et de l ordre des grands discours dans un geste la fois exp rimentateur les techniques utilis es tant sans cesse renouvel es la fois insolent Le travail d Antoine Poupel s tait
347. t d identit d esp ce sourde et muette force tant de constater que le foss sans cesse se creuse mais non sans cette esp ce de contestable faiblesse qui nous pousse chercher un peu de chaleur contre un autre corps dans la d tresse d un autre regard dans la condition d une autre d solation Ces nuits vous hachent un peu davantage chaque fois et font rebondir l extr me le d sir in luctable de s ab mer de nouveau dans l inexorable solitude Chaque train ne sert qu se d router davantage Etre sans domicile est de cette fa on devenir sans esprit Je suis un vagabond Douze heures de marche douze de sac au dos Neige molle quelquefois dedans jusqu l aine pas facile d en sortir quand on s enfonce de l autre pied tremp Naus es Perdu un long moment le balisage de cairns sous la neige march longtemps la boussole Eau de toute part La travers e du torrent entre deux c bles Failli y rester Depuis je n ai gu re boug mon seul d placement ayant t pour trouver de l eau Texte crit pour le n 29 des Cahiers de la Photographie Erres Vers le Grand Nord Septembre 1993 Ile de Noirmoutiers NOIR LIMITE Jean Claude B l gou Yves Tr morin et Florence Chevallier se rencontrent Arles en juillet 1984 Constatant d un c t la sp cificit et la marginalit de leurs travaux tant par rapport au milieu de la photographie que celui des arts plastiques et
348. t nu se d v t offre voir la fragilit de ses limites des limites du dedans et du dehors de la peau et des entrailles o elle se met en p ril et met notre ext riorit nous sommes si irr ductiblement ext rieurs les uns aux autres et au monde en p ril en crise en d sir S attacher la peau cette mati re du corps la peau pilosit yeux cheveux muqueuse corne L o nous ne pensons plus au dedans de nous l o a fond entre nous et le monde Ce qui reste douloureux dans la proximit la captation c est la distance qui demeure Remuer notre chair le seul monde seul r el des corps Mettre nu le dehors pour que s y donne le dedans que s y dessille la conscience parce que nous avons t jet s l et que nos yeux tiennent distance respect ce monde Nous sommes dans la civilisation du regard de la ma trise de la distance Crever la surface du corps Crever la surface Crever le corps Dire le corps dire le mal Le mal dehors dedans Dire la distance irr ductible de ma pr sence au monde Dire la proximit pour dire la distance Combien c est loin L en corps Carte blanche Photographies And Co aux Rencontres de Lorient Novembre 1985 performance audiovisuelle DE CETTE FEMME De Tr morin j ai le bonheur et le tourment de conna tre les premiers nus f minins ces photographies de son a eule et ses plus r centes images de corps froiss s
349. t les lt lt visages tombeaux gt gt de Florence CHEVALLIER les lt lt nue voil e gt gt les lt lt douches gt gt lt lt la mort de l autre gt gt de Jean Claude BELEGOU ont t cr es ind pendamment mais toujours confront es elles sont accroch es ensemble pour la premi re fois En quoi est ce que ce travail s riel est il le pendant de la noirceur de l oeuvre En tant qu il est pr cis ment le mode de la trag die c est dire des unit s de lieu de temps et d action ou si l on veut de sujet qui pr sident ces cr ations Mais encore car il est un travail en dehors de l anecdotique en dehors d une situation concr te quotidienne les corps sont fig s dans l obscurit d une mise en image qui les isole de tout cadre v nementiel temporel conjoncturel Les corps sont pingl s dans la confrontation essentielle leur Destin comme autrefois le destin tait incarn dans le Choeur antique de la Trag die Or s il y a tragique c est parce que le destin offre toujours ces deux traits d tre obscur sibyllin d une part d tre contradiction tiraillement cart lement d autre part Le destin en impose et l homme se d chire Le travail en s rie incarnation obsessionnelle et inlassable tel n est il pas le destin de Sisyphe travail qui transcende l objectivit photographique est un travail sur le sacr en l homme transcend lui m me divin r
350. t re puisque l un de ses murs c t salon tait vo t et sans doute avait communiqu originellement des visiteurs des artisans et des gens du village le lui avaient affirm plusieurs reprises avec une autre galerie souterraine qui pouvait tre une autre cave ou un passage La demeure avait t un haut lieu de la r sistance cl ricale Il n avait cependant aucune h te v rifier ces affirmations et desceller les grosses pierres dont certaines pouvaient sembler avoir t mises l la h te et pr f rait entretenir le myst re du lieu Il tait videmment tentant d imaginer derri re cette ma onnerie grossi re quelques squelettes tr sors ou chambre secr te datant peut tre de l poque d intenses activit s contre r volutionnaires du presbyt re dont le pr tre en cure fut un temps contraint d migrer Londres Pour l instant il ne faisait qu y entreposer ses outils et les fournitures pour les travaux qu il n avait cess s de conduire dans la b tisse Il imaginait quelque fantasme profane avec elle dans cette cave Le jardin Rien ni Lys de la madone Gants de Notre Dame arums hysope purificatrice pour orner les autels et honorer les vierges ni savantes topographies la fran aise orn es de buis dont on d tachait les rameaux ni clairs d dales propices la marche et la lecture des textes sacr s ni stations abrit es vou es la m ditation ou quelque entretien des mes
351. t de tibias clair s la bougie ou la lampe 13 Ce qui est en jeu dans l rotisme est toujours une dissolution des formes constitu es Bien qu elle en soit clairement distincte l exp rience mystique est donn e me semble t il partir de l exp rien ce universelle qu est le sacrifice religieux L exp rience rotique li e au r el est une attente de l al atoi re c est l attente d un tre donn et des circonstances favorables L rotisme sacr donn dans l exp rience mystique veut seulement que rien ne d range le sujet Georges Bataille l Erotisme Editions de Minuit 1957 pp 25 30 14 L ab me est un moment d hypnose Une suggestion agit qui me commande de m vanouir sans me tuer De l peut tre la douceur de l ab me je n y ai aucune responsabilit l acte de mourir ne m in combe pas je me confie je me transf re L ab me n est 1l qu un an antissement opportun Il ne me serait pas difficile de lire en lui non un repos mais une motion Je masque mon deuil sous une fuite je me dilue je m vanouis pour chapper cette compacit cet engorgement qui fait de moi un sujet responsa ble je sors c est l extase Roland Barthes Fragments d un discours amoureux Seuil 1977 pages 16 et 17 15 Que l on songe que cette imagerie rotique ou pornographique occupait une large place dans l ico nographie des vases et des fre
352. t ils fluviatiles et les digues ne servent abriter que des vents d Ouest Alors qu y a t il y voir Ce qui m appr hende l est l irr alisme photographique fondamental la fa on dont la photographie par coupes sombres et clairs lumineux r ussit sur le vif cr er sa r alit la mani re de fiction qu elle noue partir du tissu social quotidien historique mais banal A linsu de tous les l ments photographi s l image secr te des rapports nouveaux ramenant par le cadre et l instantan it gens et objets h t roclites au plan unique d une sc ne organique l o chaque l ment acquiert du sens en se frottant aux autres et la belle totalit En tout ceci Levilly s inscrit dans un mouvement contemporain de photo journalistes qui refusant le choc de l v nement spectacle ont pr f r promouvoir la complexion de cette quotidiennet qui est mienne qui est votre se d siller devant nos jours de tous les jours en somme Mais ce photographe ci ne s assigne pas pour objectif de donner aux choses communes le cachet du coup d clat d en extraire le truculent ou en presser l anecdotique Il parvient m me en une mani re asc tique gommer du Havre ces ciels qui ont la fin du si cle pr c dant tellement fait barbouiller de toile et va jusqu effacer cette architecture de reconstruction que l on dit avoir t la solution enfin trouv e au vieux probl me de la quadrature du cer
353. t quelques ann es d utiliser la chambre noire il avait finalement reconsid r l espace que cette activit occupait dans la b tisse et d cid de le ramener ce qu il estimait de plus justes proportions tandis que la part lib r e allait lui permettre de se r pandre davantage en papiers livres et tables La chambre nord avait t de son fait la r union de ce qui avait envelopp la construction deux plus petites pi ces une premi re dans laquelle on acc dait depuis le corridor qui semblait n avoir toujours servi que de chambre sans qu il s t quel usage et pour qui peut tre un domestique la seconde sa suite dont les lattis semblaient n avoir jamais t habill s de cabinet de toilette ou de petit d barras Il en avait abattu la s paration Le soleil n entrait que rarement et seulement quelques uns de ses rayons les fins de journ es d t On y jouissait en contrepartie d une vue rass r nante sur le verger et plus loin sur ce que les cultivateurs appelaient ici la plaine Depuis qu elle tait arriv e sortant de l auto ses sacs et ses valises la chambre nord parfois d nomm e la petite chambre en opposition la grande chambre coucher du rez de chauss e servait exclusivement de dressing room tout l espace arri re de la pi ce avait r cemment t dot de vastes placards dans lesquels d amples penderies furent am nag es sauvant ces ameublements et la pi ce d une uti
354. tait convenu d appeler la chambre nord les deux pi ces cloisonn es par une vieille paroi de lattis et torchis qu il avait d r parer et en partie cr pir son arriv e Cette distribution m nageait dans le bureau qui avait d primitivement tre une chambre et pouvait encore en faire office puisqu un second lit s y trouvait une alc ve On pouvait ais ment rep rer sur les boiseries restantes qui la surmontait les traces d un cabinet de toilette qui l extr mit d un lit alors plus court avait d primitivement exister On retrouvait contre le mur de pignon une chemin e comme dans la biblioth que un miroir y prenait appui qui avait t rapport l espace la s parant du mur de fa ade tant occup par un placard qui semblait d origine Le restant du mobilier tait constitu par une chaise dactylo une grande table de travail de sa fabrication r sultat progressif de la transformation d une rudimentaire porte pos e sur des tr teaux en un meuble comportant deux tiroirs et un plateau vernis et habill d une parure de cuir vert sous main lampe ph m ride tui ciseaux et coupe papier bo te crayon Un t l phone s y trouvait C tait ici qu il travaillait sur les photographies manipulait les preuves regardait les planches tir es par contact agen ait les dossiers les projets Le sol de cette pi ce tait une dalle de b ton coul e sur des poutrelles pr contraintes car il
355. tation l empreinte le corps corps Si dans la peinture l artiste re pr sente le mod le dans la photographie l artiste prend l empreinte du mod le sur la surface sensible Toute photographie suppose un avoir t l Roland Barthes a Chambre claire une confrontation au r el toute photographie est prise corps corps emprise avec le r el Le travail de Noir Limite en 1988 89 Corps corps tait aussi un travail sur le photographique lui m me Mon choix de travailler avec ma main sur le corps du mod le sur l treinte n ob issait pas seulement la volont de rendre compte de l int rieur de cette treinte c est dire du point de vue d quivalences visuelles de la sensation et de la subjectivit et non d un point de vue ext rieur mais aussi cette volont de reposer la question de l immersion dans le r el photographi toute prise photographique est immersion dans le r el il faut avoir t l s y tre frott La photographie est donc minemment compromettante Et minemment physique De la prise photographique la prise amoureuse m me symbolique il n y a pas d cart fondamental Du jeu sans enjeu autre que l uvre Le projet Artiste et mod le s doit tre ce qu on appelle le projet d une mise en ab me puisque le mod le joue tre le mod le et l artiste tre l artiste mais ils sont effectivement le mod le et l artiste Si il y a prise il y a de l autre c t
356. te au mod le videmment elle est loin d tre neutre on sait tr s bien que a n est jamais si simple une relation d artiste mod le ni dans un sens ni dans l autre et que les enjeux d un c t ou de l autre sont des enjeux existentiels Accompagnent encore ces prises de vues en t te de chacun des chap tres ou de chacune des s ries de l exposition outre le texte deux petites photographies qui sont la photographie du lieu tel que je l ai trouv quand j ai visit la premi re fois la maison et ensuite la photographie du lieu vide tel qu il tait au moment des prises de vues Le texte donc court de chapitre en chapitre travers les diff rentes pi ces de la maison mais il peut tr s bien se lire galement en un seul tenant c est dire comme on lirait une histoire une double histoire A partir de l il y a videmment encore un autre jeu dans la mise en sc ne et qui fait aussi partie de la mise en sc ne de l uvre qui est le jeu de l association des images de la constitution de choses qui d j en eux m mes videmment ont toujours une ambigu t narrative qui sont les assemblages en diptyque triptyque polyptyque Et je dis souvent que je fais des photographies comme on tourne un film c est dire que chacune de ces s ries Visages le Territoire la Mer Erres De tous les jours a ressemblerait sans doute la fa on dont la Nouvelle Vague faisait des films c est dire que je n ai pas
357. te par excellence Cette impression est sp cifique parce quelle n est pas non plus une impression de r alit comme on crit souvent propos du cin ma En effet la photographie image fixe et mat riellement incarn e sur un support dont on ne peut l abstraire moins de la projeter r siste cette impression de vivre quelque chose On peut avoir peur en regardant un film alors que l image photographique sera ressentie comme inqui tante On sait que cette impression est directement li e l h ritage du code perspectif renaissant Vasari Vinci cette vision cyclop enne caract risant le Quattrocento mais en rester cette continuit ne nous permet pas de saisir en quoi l image photographique obtient un cr dit suppl mentaire Le f tichisme de l appareil et de la machine De l apparence r ifi e des rapports sociaux par lesquels les rapports sociaux apparaissent comme un rapport entre choses o se jouerait un fatalisme naturel s ensuit en ce qui nous occupe que le caract re social et id ologique de la pratique photographique est masqu par ce que nous appellerons lt lt f tichisme de l appareil gt gt tout comme largent masque les causes sociales de la mis re g n ralis e Avec la r volution industrielle sur le terrain de laquelle la photographie a t lt lt invent e gt gt la machine prend de plus en plus de place dans la vie des hommes et appara t d s lors contradictoirement comme
358. te place de l Etre elle est vacante Chez Descartes il suffisait de chercher conna tre l Etre il tait vident que l Etre existait qu il y avait de l Etre il y avait un dieu En proie un doute mais un doute somme toute tout fait formel m thodologique Avec la modernit il y a une immense vacance un immense creux et c est peut tre pour s assurer qu il y a quelque chose quand m me qu il y a du monde qu il y a du r el qu on photographie Cependant sans que jamais cela photographier cette preuve puisse se constituer valoir comme preuve Il y a un mode de repr sentation au XVII me si cle r pandu ce sont les Vanit s Le peintre y repr sente l art c est dire repr sente l activit m me de ce qui est le tableau de ce qui est la vanit en tant que tableau en tant que peinture et y m le l image de la mort ce cr ne c est dire l au del la m taphysique et s tablit un rapport de hi rarchie un rapport de valeurs C est une fa on pour l art de se nier lui m me dans sa repr sentation et en m me temps de montrer que dans ce d ni m me l art garde toute son importance toute sa pr tention qu il a ses raisons d tre puisque ce tableau l malgr tout malgr la futilit qu il affiche de lui m me de la peinture il a t peint et il sera regard par des gens Alors aussi cette image nous rappelle ceci que l image est v
359. ter leur terme les graines issues de la f condation G latine et tripotage On pourrait qualifier de bataillenne la p riode initiale des travaux d Antoine Poupel cause de leur registre m lant sexe mort et religion et cause de la mise en oeuvre qu elles ont toujours fait d un m lange impur des techniques et des univers d une approche en forme de flux chaotique l entr e de la transgression l irruption du d sordre Fusion mixtion brassage caract risaient au mieux la recherche d Antoine Poupel qu il a men d abord sur les Polaro ds de 1980 1984 En 1982 une premi re s rie de Polaro ds tait r alis e au Havre et Carteret Le corps nu toujours priv de t te la combinaison ouverte ou au porte jarretelles et bas comme il se faut rotis telle une image conventionnelle de l rotisme un clich de la femme tait couch sur l mulsion couleur qui tait gratt e brouill e travaill e aussit t sortie de l appareil de prise de vue tant quelle tait humide et molle Ces Polaro ds une fois fouill s taient ensuite photographi s nouveau et agrandis C tait tant t le fond sur lequel semblait se dissoudre et flotter le corps qui tait ainsi transform en un oc an parfois sanguinolent tant t la chair m me qui tait attaqu e dissoute d compos e L ensemble de ces mouvements vagues ondulations vitriolages avait toujours pour centre le sexe de la femme vers le
360. tes le rapport aux objets aux activit s banales de la vie quotidienne Je cherche pour cette s rie pendant trois mois un mod le jusqu ce qu au cours d un vernissage je la rencontre qui bien s r n avait jamais pos et apr s avoir ensemble parl du projet elle accepte et nous commen ons Toute la s rie s est faite avec ce seul mod le d o l importance que chacun a remarqu qui a vu De tous les jours qui n est plus celle d un mod le anonyme mais celle de la personne pr sente Ce devait tre une petite s rie rapide l g re En effet apr s Erres je ne voulais plus me retrouver dans des productions lourdes g rer Mais commen aient par d vers moi avec De tous les jours trois ans et demi de travail puisque je viens seulement d achever les derniers tirages 240 images dans la version compl te du travail S rie sur le corps l existence l tre au monde quels furent les nouveaux axes de travail J avais quelquefois dans les ann es 80 choisi de passer des journ es enti res chez des amis les photographier sur le vif dans leur vie quotidienne tels qu ils choisissaient de se montrer c est du souvenir de ces exp riences qu est n De tous les jours mais en mettant soigneusement tout en sc ne et en photographiant chez moi la mani re dont on tourne un film en quelque sorte Nous avons donc d marr avec des grilles de situations dans diff rentes pi ces de la maison l
361. ti re mais aussi que le hasard demeure irr ductible par del la n cessit L immacul e conception On le voit bien la reconnaissance de la photographie comme art s accommode mal d une id ologie de l art voyant en ce dernier une immacul e conception r actualis e dans l oeuvre Cette exclusion accompagne bien entendu celle qui directement trouve sa raison d tre dans la r duction de la photographie une reproduction objective de la r alit mais encore dans l incompatibilit postul e entre l utilit sociale documentaire par exemple d un proc d tel la photographie et la possibilit d utiliser cette derni re dans un travail artistique C est que la photographie servirait toujours quelque chose et en particulier conserver fonction documentaire f tichiste que l on ne serait jamais certain qu elle fut un luxe un lt lt suppl ment d me gt gt Ce n est bien s r qu en se situant dans la logique de l id ologie de lt lt l art pour l art gt gt telle qu elle s est d velopp e partir de la boh me artistique des ann es 1800 qu une telle probl matique peut faire probl me en r alit l art en g n ral joue toujours un r le effectif non pour lui m me mais dans l appropriation par l homme du monde la domination du monde sensible etc Enfin la conception id aliste de l art et l id ologie de la valeur travail d nient tout prestige une technique da
362. timent de la fatuit de la facticit Ainsi cela m arrive dans les mus es me laisser happer par l image la peinture la photographie la gravure puis soudain un terrible foss une naus euse cassure Parfois avec mes propres photographies La musique encore trouve quelquefois gr ce mes yeux si impalpable est elle Je ne pense pas que ce soit hasard si Sartre a choisi dans la Naus e la musique comme noeud salvateur Mais les images Tu veux une image Images pieuses images sales images sages Une image 4 Novembre 1982 notes F est venue Examin les photographies que j ai faites d elle les 17 septembre au Tilleul dans la mer et le 29 Octobre chez elle Parl de sa r volte sa r action cassante lors de notre derni re prise de vues par opposition mon rythme ce que F appelle la ballade c est dire la recherche continuelle et incertaine de poses de points de vue de cadres d expressions qui est mon fonctionnement photographique Double r volte celle de F parce qu elle m a ressenti tyrannique brisant son d sir son plaisir qu en cet acculement r side une part d au del de soi m me et du monde qu il faille souffrir pour atteindre cette pl nitude au d nouement de l image D calage effectif des jeux d int r t c est essentiellement dans le jeu de la prise de vues de la pose la situation v cue que F cherche son plaisir C est rigoureusement et m
363. timit secr te et mensong re La mer Horizon sans bornes Immense et radieuse libert Mer engloutissante O le corps se casse Masse fig e o se d battre Images sans yeux Perdues l horizon Vagues La mer est profonde L ternit n a qu un temps DE TOUS LES JOURS La biblioth que A son arriv e il y aura douze ann es l hiver la vieille et tr s ample b tisse bien que libre de tout occupant depuis quelques ann es qu il avait t d lib r par le Conseil Municipal de la mettre en vente avait h rit de cette poque locative d avoir t divis e en deux appartements superpos s ce qu autorisaient les trois entr es ind pendantes sur les jardins dont l une ouvrant sur l escalier permettait de gagner directement l tage Comme la maison n appartenait alors en particulier personne puisque apr s avoir t propri t paroissiale elle tait devenue un bien public il l avait trouv e dans un tat de d labrement int rieur assez avanc une sorte de pingrerie ou en tous cas une volont expr s d conomie avaient t source d abandon de laisser aller s tant agi d user les murs jusqu la moelle sans jamais avoir en payer le prix N anmoins l tage se trouvait avoir t mieux entretenu que les autres niveaux ou en tous cas pr serv objet de menus travaux incontournables de sauvegarde qui avaient pourtant ailleurs t
364. tinct morale Conscience perdue dissoute perd sa conscience d elle m me se trouble de tous ces afflux venus de la surface de la peau qui transpire n en glissent que mieux les doigts de ce mouvement des muscles de cette coul e des larmes de la sueur de la peur De se perdre jamais de s y laisser l clate demande qu on recolle les morceaux Se fissure appelle efface veut se d sesp re qu il n y puisse rien Expie La terre Mort destin e de nos oeuvres sublimes et derni res vanit s propension futile nous reproduire nous accoupler avec le monde d lire alchimique du verbe et de la mati re copulation monstrueuse du vivant et du mort La mort fertilise le terreau de nos destin es comme l inanit de nos oeuvres dont le tr sor incommensurable est d tre l art union intime du verbe et de la mati re A quoi ressemble un cadavre A quoi ressemble un mort O qu il serait rassurant que vivante et morte se distinguent d embl e comme deux r alit s n ayant rien voir Un bless ressemble un bless un corps disloqu clat des images de guerre un corps disloqu clat de la guerre Mais la mort L indicible mort La mort est invisible l image immobile l image morte La mort est obsc ne pernicieuse perverse perte de conscience et perte de d sir l antre du corps n est plus qu une bouche b e d une extase d finitive et sans existe
365. tinuer v hiculer les valeurs chr tiennes et les conflits qui s y op rent en m me temps que commencer exprimer les individualit s et forces civiles Portraits de Van Eyck ou Holbein par exemple et voir grandir l importance et l id e m me d artiste Nous pouvons regrouper ces diff rentes formes de rapports en les caract risant comme lt lt fonction de solennisation gt gt jouant dans un premier temps par rapport l ordre divin puis par rapport au nouvel ordre social v cu cette fois en tant que tel et non lus sous la coupole de l id ologie religieuse Cette solennisation s effectue toujours en derni re instance par rapport des valeurs qui sont celles de la classe dominante avec les diff renciations qui peuvent se produire dans ses diff rentes strates d une part dans l histoire des rapports entre classes d autre part La photographie comme tout autre mode d expression est n e d un besoin social et a t assujettie l origine de fa on tr s stricte aux fonctions sociales qui lui taient par l m me assign es Bien s r chaque fois la solennisation rev t des aspects et des modalit s diff rentes et la photographie ne va solenniser ni les m mes choses ni de la m me fa on que ne le faisait la peinture En simplifiant les choses on pourrait m me crire que c est justement pour solenniser autrement qu elle a t invent e La fonction solennisatrice de la photographie ne se d velop
366. tion Ainsi la dialectique est elle solidaire d une ma eutique puisque technique ou art d accoucher les esprits En un sens d riv celui de Hegel id aliste puis de Marx mat rialiste elle est la fois loi du devenir historique qui proc de par affirmations contradictions ali nations et d passements successifs la fois fondement de la logique qui remplace les formes statiques de saisie du monde de l entendement par la compr hension dynamique du mouvement de la pens e en progr s A la fin de l histoire l esprit s est r concili avec la mati re avec le monde c est dire finalement avec lui m me Interpr tation Hegel donne de la dialectique dans ses Le ons sur l histoire de la philosophie une image fameuse qui est celle du cycle du bourgeonnement de la floraison puis de la fructification Chaque tat suppose le d veloppement du pr c dent mais en m me temps sa fin tout comme le cycle des g n rations suppose la mort de ceux qui nous ont pr c d La dialectique permet donc de saisir le n gatif la mort les violences de l histoire luttes souffrances preuves douloureuses comme n cessaires au devenir de la vie C est ainsi parce que qui dit dialectique dit finalement optimisme et foi dans le progr s qu elle est aujourd hui pass e de mode et que j ai cess pour ma part de la prendre au s rieux La dialectique historique suppose toujours une t l ologie une fin de l histoir
367. tion et d n gation m re et putain peinture et photographie Poupel part d une utilisation plat de l image instantan e pour y dessiner l mergence du d sir c est dire la marche vers un sacr o la jouissance existerait par la transgression des libert s elles m mes Images portant les stigmates de cette perversion de la repr sentation mutilation d t rioration de ces nues travaill es au corps lt lt symboliquement avec le dos d un pinceau gt gt pour y cr er effets de vague et de tripes effacement apr s coup de ces p les d attraction de la chair o la photo semblerait toute enti re nous guider Poupel s adonne une reprise du r pertoire fantasmatique du sexuel et une organisation savante de la frustration Plus r cemment il fait appara tre sur Polaro ds de feux et for ts des fant mes au trac primitif des figures anges ou farfadets Alors nous voyons bien que nous avons faire cette sorte de rituel magique de l intervention sur l image du r el son substitut f tiche ainsi que sur ces l gendaires statuettes piqu es d aiguilles des sorciers vaudous Peinture ou photographie Faire du rien avec du d j l ou du tout avec du rien le m lange est g niteur eau et argile terre et feu du renversement des mondes et de l insurrection des consciences c est dire de la cr ation seule question qui ait nous pr occuper par del tout crit re pragmatique et quotidien du cloisonnement
368. tivit est un leurre Donc toute pr tention de la photographie tre un document ou toute pr tention de la photographie l objectivit toute pr tention l vacuation du sentiment comme on a pu lire bien souvent dans le discours de certains critiques 1l y a quelques ann es est un leurre c est une nouvelle id ologie a n est qu une id ologie par dessus d autres id ologies id ologie scientiste n o positiviste nous sommes l avec notre regard et nous ne pouvons pas en sortir nous sommes l dans notre t te et nous ne pouvons pas en sortir et nous sommes l vou s interpr ter r interpr ter et nous leurrer constamment sur la r alit Les plus beaux moments de prises de vues pour moi ne sont pas ceux o je rencontre quelque chose je ne rencontre jamais rien et d ailleurs je dis souvent que l on ne trouve jamais que ce que l on cherche mais ce sont les moments o je peux prouver soudain l id e d une co ncidence qui n est pas du tout le fruit du hasard bien s r l id e d une co ncidence entre les id es un peu informes mais pr sentes que je pouvais avoir dans le cr ne et ce qui peut d un seul coup sembler se configurer ce que je peux imaginer qui se configurera sur le tirage final travers la vision travers la sensation que je peux en avoir dans le viseur avec ce moment paradoxal que dans les viseurs photographiques souvent au moment o l on d clenche c est pr cis
369. tte mati re cette chair cette peau qui en ont vu beaucoup et bien d autre encore demeurent inlassablement solides puissants comme l arbre comme le bronze Il s agit de la force de l ge puisque de celle qui tait avant lui La transcendance viendra du corps Texte crit pour la pr sentation de l exposition d Yves Tr morin la Maison de la Culture de rennes 11 Mars 1985 LA FRAGILITE DE LA PLAQUE ET LA FORCE DE LA PIERRE EXCURSIONS PHOTOGRAPHIQUES EN EGYPTE AU XIX me SIECLE Que la photographie un jour ait eu l id e tr s pr coce qui plus est de se mesurer la monumentalit spatiale et temporelle de l Egypte ancienne peut la r flexion sembler r v ler le pendant d une certaine b tise due l engouement et la foi na fs du XIX me si cle pour les nouvelles technologies Les jans nistes parleraient de Vanit s comme on les peignait deux si cles auparavant et leurs dires seraient tay s par le caract re sacr de cet art antique qui sut r sister tant de d pravations profanes Car invention tardivement mise au point en 1839 il ne s coule que quelques mois avant que les photographes europ ens et en particulier fran ais ne partent avec leur prodigieux et encombrant quipement vers l Orient immortaliser en une pose solennelle des figures qui avaient support quelques mill naires en captant l empreinte lumineuse sur des supports de m tal de verre ou pire de pa
370. tuations existentielles comme ici la situation amoureuse qui sont un moment donn le lieu qui sert faire uvre et o d ailleurs je suis extr mement troubl de ce que en g n ral lorsque la s rie s arr te lorsque la prise de vues s arr te l pisode d existence s arr te aussi Je ne fais jamais de photographies sur le vif je ne photographie pas ma vie au quotidien l impromptu ou la d robade tout est mis en sc ne et l aussi il y a videmment toute une partie ludique dans le travail d autoportrait par exemple il me serait bien difficile et la question n aurait pas de sens de savoir quel moment par exemple je suis ceci ou cela dans tel tat d me ou dans tel autre tat d me et quel moment on peut tre amen jouer devant l appareil photographique se prendre au jeu devant l appareil photographique et jouer un pisode du registre qui est le celui de la relation amoureuse Il faudrait encore ajouter quel moment on choisit telle lumi re tel point de vue tel cadrage telle optique qui vont concourir cr er une quivalence d un tat mental A partir de l il y a un travail de construction du livre pour moi le livre photographique est un objet fondamentalement ambigu c est dire que je n ai pas davantage envie qu il soit un r cit qui serait un r cit lin aire un de ces r cits avec un d but et une fin comme dans les conceptions t l ologiques de l histoire
371. u avoir eu envie de fabriquer de cette relation et peut tre que tout ce travail dans le rapport l existence c est la tentative de donner sens son existence en fabricant du mythe et que toute autobiographie par d finition est la tentative de rentrer dans une mythologie fut elle la mythologie de l auteur Dans ces questions donc de l existence il y a videmment des questionnements qui reviennent toujours et qui taient d j pr sents dans le d but de mon travail qui ont t tr s pr sents dans le travail Noir Limite qui sont les questionnements les plus sots et les plus incontournables que l on puisse avoir sur l existence c est dire notamment la question de l amour la question de la mort la question de la sexualit du d sir c est dire les moments o il y a dans l existence des enjeux qui sont des enjeux essentiels enjeux qui alors font que cr er c est s immerger dans quelque chose Je dis souvent que ma photographie n est pas une photographie de l ext rieur a ne m int resse pas de photographier des choses de l ext rieur a ne m int resse pas d tre spectateur Si je photographie de l herbe je mallonge dans l herbe si je photographie de l eau je me mets l eau si je photographie une relation amoureuse a ne m int resse pas de photographier un couple ext rieur moi j ai besoin parce que c est l et Gilles Mora avait parl juste titre de mise en p ril
372. u d ext rieurs dans lesquels nous nous isolons Les mod les avec qui nous travaillons sont avec nous dans une relation de don mutuel d intimit de face face de complicit ce ne sont pas des mannequins comme dans la photographie d entreprise nos rapports ne sont pas professionnels ni non plus amateurs d ailleurs mais ailleurs Notre travail est comme celui de l artisan compar l industrie organique la fois intellectuel et physique moral et mat riel nous sommes la fois producteurs r alisateurs cadreurs monteurs ou tireurs clairagistes je me sers l volontairement de termes relatifs au cin ma et la vid o stylistes etc et souvent diffuseurs Il s en suit galement que nous ne sommes pas li s des probl mes de rentabilit de plannings d quipes etc Du c t de la vid o professionnelle ou m me sans doute institutionnelle nous avons affaire classiquement une division des t ches une multiplication des r les bref un travail d quipe ce qui veut dire compar nos habitudes beaucoup de monde et des gens qui ne sont pas forc ment tous concern s par notre propos celui que nous voulons tenir sur le Corps corps et la photographie par exemple Des modes de diffusion Le travail vid o nous fait entrer dans un mode de diffusion commerciale T V qui n est pas le notre en tant que photographes jusqu alors Il suppose donc des imp ratifs qui lui sont
373. u long de son corps entre ses membres le glisse dans la bouche entrouverte l int rieur des doigts le lisse au creux de la poitrine Le voile seconde peau tritur e que j tends sur son piderme vif nu m andre de tripes autant que suaire d chirure la cicatrice Interstice br che dans la chair sur la peau ouverture en dedans Noir linceul sur notre deuil tout jamais sur notre cart irr ductible l autre et au monde Joie d enfer sur cette mati re charnelle L eau La sensualit ouvre les portes de l invisible et du cach le trouble des sens nous porte hors de nous nous extrait nous arrache notre imm diate plate inscription dans le profane Elle est la porte sur l ab me qui permet d oser et vouloir le contempler Elle est la gr ce qui ouvre la fusion l acceptation de sa propre perte et sa propre n gation La mise nu du sens et du non sens des fragiles limites de l tre La densit de l oeuvre n est autre que l paisseur du gouffre qu entame la symbiose de ces p les clat s de l humain en tant que totalit tragique bien qu indivisible ne sacrifiant ni la pens e au corps ni le d sir l ordre Femme sa toilette solitude cach e p ture du corps intime juste approch entrevu effleur jamais consomm l instant de la prise l instant de l clair L eau appelle une jouissance obsc ne d lictueuse Chair focalis e
374. udra officiellement en 1992 26 Visages suivi des Amants les Cahiers de la Photographie n 26 1992 Photographies cadr es tellement au pr s tellement au contact prises en un flux impens regard sur regard cherchant l quivalence visuelle du plus intime du plus secret du plus profond et du plus rudimentaire de cette existence de chair Auto visages en m me temps qui n taient absolument pas pr vus originellement dans le projet que l aussi j en ai exp riment le dispositif auparavant mise en acte de cette situation d un rendez vous amoureux manqu Naples o je me retrouve seul un mois et o un mois je me photographie dans cette solitude tous les jours syst matiquement o je m oblige me photographier chaque jour et j ai compar souvent l appareil photographique un pistolet et ces autovisages au jeu de la roulette russe au sens o cet appareil que je tiens constamment dirig vers moi bout de bras ach ve de rendre insupportable l exp rience de ce que j ai appel lexil pisode d autant plus insupportable qu il faut assumer dans cette insupportabilit qu il faut assumer d en faire une uvre Il y aura donc deux s ries qui seront r alis es quelques mois d intervalles la s rie d autoportraits d autoportraits visages et la s rie que je referai exactement dans les m mes lieux o je l emm nerai la s rie des visages de Jade que je mettrai en sc ne comme je
375. ue l homme impose la nature la s parant d elle m me comme il s oppose lui m me la plongeant dans un univers clos Le bocal de verre et les lunettes sont aussi des milieux oniriques entre l homme et la nature L objet est per u dans un imaginaire la pr sence ostensible de la lumi re est le milieu o se noue la relation fantasmatique du sujet l objet D gag de toute saisie pragmatique l objet m taphysique est isol pour sa signification et ses qualit s esth tiques propres mis en sc ne clair cadr dans une organisation somptueuse silencieuse et ternelle L oeuvre d Herbert LIST est ainsi empreinte d une nostalgie de ce que nous nous plaisons imaginer depuis Winckelmann et Hegel comme un mod le d harmonie physique intellectuelle et morale l antiquit grecque La magie photographique Celui qui a le sens du supra sensible reconna tra qu en d pit de toute la technique la photographie rec le une profonde magie r v le ainsi la magie des objets La photographie donne corps et pr sence au mental Epilogue Nous sommes seuls m diter dans l ordonnance du monde Les ruines arch ologiques Ath nes etc ou fra ches Munich 1946 sont d gales int r t aux yeux d Herbert LIST d gale ordonnance L homme qui d truit le fait encore en un certain ravissement et une certaine grandeur Ce n est pas directement au drame humain mais celui des objets que nous sommes inv
376. ue d image et on produit un certain type d appareil d ailleurs h rit des rapports de classe de la renaissance conforme la vision du monde de cette soci t L id ologie scientiste et positiviste taye ces croyances en terminant d occulter l id ologie qui non seulement accompagne la lt lt d couverte gt gt et dicte certains de ses choix mais aussi va r gir son usage le portrait surtout dans un premier temps et va faire que la d valorisation de l acte photographique est imm diatement corr lative de la sur valorisation de ce qui est photographi Ceci on l aura compris ne revient pas dire que l appareil photographique est en lui m me id ologique ou g n rateur d id ologie mais que sa fabrication et son utilisation s inscrivent de plain pied dans les rapports sociaux et leur id ologie Ce serait rester prisonnier de ce f tichisme que de consid rer l appareil comme id ologique en lui m me Fonction sociale de la photographie comme rel ve la fonction de solennisation La production d images ou de musique ou de textes en g n ral et l art en particulier on toujours t l enjeu d int r ts sociaux et de vis es id ologiques Ainsi la majeure partie de la peinture occidentale a dans l antiquit un rapport direct la mythologie dans les treize premiers si cles de la chr tient est largement domin e par cette religion avec la Renaissance et le nouvel humanisme va con
377. ue et mythique de celle dont l existence se trouve lev e l essentiel de la fascination qu exercent son existence et son vouloir vivre En ceci elles se relient l ensemble du travail d Yves TREMORIN sur sa grand m re et sa m re images de la femme d esse id alis e quasi religieuse La comparaison s arr te pourtant l les flous et les halos de Catherine s opposent la monumentalit massive et rocheuse de la M re La nudit enfantine du corps abstrait ou presque de tout contexte va l encontre de l importance des signes du quotidien de la Grand M re De la meurtrissure elles parlent sans complaisance humaniste normative et rassurante Si elles disent l usure du corps la blessure cicatrices contractions paralytiques c est toujours pour affirmer qu elles sont indiff rentes l tre qu elles sont la fois notre lot commun existentiel et le signe distinctif d une force transcendante ou biologique Car l aura bien s r est propre la relation la fascination obs dante de celle qui a vaincu une fois la mort et en porte en partie les stigmates de celle dont la s duction continue de s exercer avec les meurtrissures Mais aussi elle tient la nature de la photographie elle m me comme instrument de focalisation et de magie de r v lation Cette aura est l effet la r sultante du travail m me de la lumi re autant que d images du corps il s agit d impressions d
378. ue l on croyait planter taient travers es et affect es par la terre qui les nourrissait le climat qui les surprenait Les floraisons que l on imaginait coordonner s entrecroisaient et glissaient au fil des ans Ici des espaces se creusaient et l des esp ces se bousculaient Chaque printemps chaque t chaque automne tait un tourdissement non seulement une renaissance mais une mutation une inconnue Il y avait des morts et il y avait des vivants il y avait des disparues et il y avait cent nouvelles pousses migr es Il avait souvent imagin pouvoir travailler crire dans ce jardin il en fut toujours incapable ici nulle concentration ne lui tait possible peut tre seulement lorsque tout serait devenu si dense que les ann es en eussent fait une for t de couleurs et de formes pourrait il s y enfermer Elle seule sut en jouir comme en jouissent les bien aim es reposer et lire au soleil dans la fl neuse de toile l inviter des petits d jeuners aux odeurs fra ches et sucr es des matins de leur t partager promise le jardin cultiv Il se d voilait ainsi dans les clos secrets des clats nouveaux qui tant t s ouvraient et riaient tant t se fermaient et boudaient qui taient venues d ailleurs et peu peu lentement avaient p n tr la terre et habit le territoire qu il avait enceint pr cautionneusement Le verger S1 le jardin d agr ment tait sorti d un champ d herbe va
379. ui existait avant m me que les images commencent Le projet au d part s appelait le Corps au quotidien Affronter le quotidien celui de tous les jours des choses banales une femme au quotidien ses gestes le rapport de son corps aux objets au monde des choses ses espaces ses respirations ses situations ses tats d tre sa vie nu la mobilit de son corps son visage leurs moments immobiles ses vides vertiges d sert solitude absence froid ses pleins sensualit aura Le quotidien port haut et digne transcend par cette femme ses silences ses rires ses regards intimit ultime et grave fragile destin l espace habit spirale de la prise lieu clos v rit intime photographie pr cise d taill e imm diate l extr me Le corps et la lumi re telle elle sera et telle qui l irradie Faire la sieste donner la p t e aux chats t l phoner croquer un fruit allumer l tre aimer faire la vaisselle se mirer dormir lire le journal tailler les fleurs s veiller jardiner regarder des images passer l aspirateur bouchonner la jument laver du linge faire sa toilette mettre la table se coiffer se doucher dormir dans l herbe nager pr parer les repas fumer lire le journal presser une orange feuilleter des livres faire un g teau prendre un bain plucher des l gumes tendre un drap crire une lettre se maquiller s abandonner s habiller se d shabiller taper sur un
380. un des outils possibles m me s il est au moins un stade de la fabrication d images dominant Le mode de l instantan D une mani re particuli rement saisissable et bien autrement que dans le maniement d autres moyens d expression c est dire qu il ne s agit pas d une simple variation d ordre quantitatif mais d une diff rence qualitative la photographie pr te suivre la lt lt pente naturelle gt gt de l id ologie dominante Par pente naturelle nous voulons bien entendu d signer la fa on dont l id ologie dominante domine toute pratique a critique spontan e et ce par un processus alors irr sistible comme le ferait une force d attraction Mais il ne s agit donc que d une m taphore Ceci tient ce que l acte photographique peut demeurer un acte totalement irr fl chi ou plus exactement a r fl chi Ceci est vrai pour les millions d amateurs qui usent de la photographie dans le domaine de leur vie priv e c est dire l o se nouent des rapports d individu individu dans une sph re qui elle est toujours sociale famille groupe d amis etc mais non seulement pour eux Cela est galement vrai de l usage professionnel de la photographie ou de sa pratique acharn e dans les clubs photographiques notamment l apprentissage au sein de ces derniers n ayant consist qu acqu rir des normes techniques esth tiques d ordre pragmatique L acte photograph
381. un souci de l imm diat de l humble du simple du r current humain mais aussi de la subjectivit Lorsque je lis dans les discours de certains critiques que la prouesse de tel artiste a t d vacuer de son oeuvre toute subjectivit ou toute motion je m esclaffe D une part parce que je suis atterr des d g ts que la vieille id ologie structuraliste et n opositiviste puisse encore faire comme quoi nous ne sommes pas encore l abri de tous les totalitarismes et d autre part parce qu on est dans l illusion et dans le fantasme pur et simple du monstre froid Le probl me n tant m me pas de savoir si subjectivit et motion sont bienvenues mais seulement qu elles sont des composantes in luctables de l existence et de l humain et ceci m me dans les discours des critiques en apparence les plus froids et les plus th oriques L motion et la subjectivit sont les vrais refoul s de l art en notre poque comme si l art n tait pas que subjectivit et comme si l homme ne vivait que de concepts et de soi disant constats Toute oeuvre ne s affirme que dans l expression de la plus extr me subjectivit la plus extr me solitude la totale assomption du destin du sujet l int riorit L o le structuralisme a voulu vacuer d nier le sujet et l motion le d sir et le trouble la douleur et le corps l art se doit de mettre les pieds dans le plat C est la subjectivit qu
382. ur un mod le allemand Une fen tre ouvrait sur le jardin la salle de bain n tait pas seulement un lieu pratique elle incarnait ce luxe simple cultiv l image de l ensemble de la demeure Non seulement elle abritait la nudit et l appr t soigneux des corps qui s aimaient mais c tait aussi l que dans l augure de la toilette matinale se pr disposaient les journ es que l on s abandonnait quelque m ditation que l on tenait de longues conversations intimes mais aussi que l on jouait L atmosph re qui y r gnait n tait pas sans lien avec celle des thermes antiques Elle aimait le raser Il s abandonnait ses gestes amoureux La lingerie Quel nom eut il fallu donner cette pi ce qui r unissait la machine laver le linge une tente qui ne servait que l hiver les W C un lave mains et enfin l armoire m dicaments Lieu de passage oblig des corps pi ce double porte cette derni re disposition permettant la fois de se rendre directement de la chambre aux toilettes puis la salle de bain sans avoir passer par les couloirs froids de l hiver la fois d y acc der depuis l escalier sans avoir emprunter la chambre Transition oblig e de la salubrit et des rem des cherch s aux maux divers r els ou imaginaires La cave Sans doute cette petite surface id ale pour une cave vins juste de la grandeur de la cage d escalier comportait elle un mys
383. vant garde des sages ou le suppl ment d me Mais aujourd hui dans une soci t social d mocrate il n y a plus d enjeu politique On vend du produit culturel Il ne faut pas non plus comme on le fait presque syst matiquement confondre la question de la culture et celle de l art La culture est int gratrice et normative l art vit dans la subversion des codes et des formes Et c est sur le fond sans doute ce d calage qui explique les foss s entre l art et les classes populaires Finalement nous sommes dans une soci t de classes et il y a des barri res de classe Oui et alors 5 Quelle serait pour toi une politique efficace en faveur de la cr ation Une politique qui d veloppe de r els moyens permettre un artiste de travailler sur une longue dur e un an cinq ans en dehors de toute mis re mat rielle est un outil de choix Et des artistes qui manquent de moyens pour cr er j en connais beaucoup Je ne dis m me pas pour vivre pour manger mais simplement pour acheter des mat riaux Une politique qui soutienne des r seaux de diffusion sans qu elle se traduise par une mainmise sur la cr ation au travers de la mainmise sur les r seaux de diffusion nationale que ce soit celui des Sc nes Nationales pour le spectacle ou des Centres d Art pour les arts plastiques Une politique qui s interdise toute ing rence dans les choix artistiques et qui tout en tant soucieuse de la qualit soit souci
384. venir fou Ils devenaient fous La prison de la Roquette pr s de l Cette d tention des femmes La concierge aussi en savait long sur elles Puis le P re Lachaise Promenades parisiennes du Dimanche La place Voltaire le tierc Le train les ramenait enfin le soir Le m tro six pieds sous terre les grands boulevards clair s la respiration de la locomotive Le ravitaillement en grande eau La vapeur l ch e l arriv e Ce soupir Cette chambre d h tel il ne la supporterait pas il allait repartir le lendemain matin au plus t t trouver se loger ailleurs il allait crier lui aussi non un r le d amour mais un cri en fendre l me Et elle jouissait elle criait hurlait son corps transperc clamait sa fin les sons exhalaient Il aurait voulu voir le visage alors d fait rendu ext nu D visager le corps il devait tre en sueur en nage exsangue Puis le silence Bruits d eau Rien Et ses cris ses cris lui ses col res enfant Le placard o il s enfermait ces jours de col re agrippant du dedans la porte pour qu elle ne l ouvre pas Qu il reste l au dedans au noir avec sa violence avec son d sespoir Mais dans ce combat de la porte il ne l emportait jamais non que la col re ne lui donna pas assez de force mais il n y avait pas assez de prise pour la main au dedans Et la porte c dait Expuls La ceinture de la m re qui le frappait et sa rage qui redoublait Tous deux da
385. virtu force il tait aussi celui de l invisible Aussi le corps apparaissait comme un des lieux privil gi s dans lesquels le sacr pouvait s incarner sous la forme extr me et id alis e de l rotisme L animalit que revendiquait Bataille ou que les surr alistes avaient d cel chez le Marquis de Sade n tait autre que cette primaut du biologique Le travail d Antoine Poupel se caract risait comme le parcours tortueux d une piste qui nous ramenait cet essentiel l accouplement et le m lange Non seulement que l oeuvre f t constamment balanc e entre photographie et peinture ou gravure que la photographie f t toujours affect e a posteriori d interventions manuelles multiples mais encore que la photographie interroge t toujours une imagerie ext rieure et ant rieure elle qu il se fut agi de l imagerie rotique ou pornographique des statues antiques des glises baroques des mosa ques pomp iennes ou des saints empilements de cr nes et de tibias des Catacombes de Paris C tait toujours une oeuvre de citation et de d voiement des r f rences culturelles une sorte de photographie cultiv e pervertie Le th tre de la mort En 1985 dans la s rie des Momies de Palerme puis en 1987 dans la s rie des Catacombes il appliquait cette d marche l ossuaire souterrain dans une imagerie plus morbide et plus proche du religieux que jamais Dans les photographies d empilements de cr nes e
386. x m diterran ens et qualifie de nuisible d une qualit morale et affective par ailleurs irr prochable avait sur cette part du territoire longtemps r gn en ma tre dou e d une qualit certaine d expansion et myst rieusement apte donner une lasticit non n gligeable la cha ne m tallique laquelle elle tait suivant l expression mise au tiers Consacr e dans le principe entretenir l herbe qui avait remplac les alignements de navets et poireaux elle se d lectait surtout corcer les arbres novices nouvellement plant s dans ce qui eut pu tre un jardin d Eden Mais comme elle affectait des mines d ange et nourrissait chacune de leurs all es et venues quelque dialogue non d pourvu d int r t ils prirent le parti r put ardu de continuer de m nager la ch vre et le verger Et ce fut une ardente d tresse que de la surprendre comme en enfer couch e sur le flanc l oeil grand ouvert sur sa longue robe d hiver foudroy e en dedans raide comme la mort l aube d une nuit de d cembre Ils l enterr rent sous un arbre l corce galement claire que son pelage un bouleau du Nord Le reste de la saison n en fut que plus obscur et glacial Ainsi meurent les animaux les plantes et les hommes l ombre des jardins Le pr La portion du village dans laquelle se trouvait la demeure se partageait autrefois entre deux possessions principales le Presbyt re et son
387. xpression plastique Je crois qu il n est pas vain de rappeler que ce travail a t men sur six ann es de 1974 80 et que n cessairement au fil du temps se transformaient la fois ma pratique photographique la fois ma r flexion th orique sur cette technique d image J ajouterai qu il faut prendre en consid ration l extr me souplesse de la photographie qui est une technique qui permet rapidement d explorer des directions diff rentes Cette pluralit d investigations me semble non seulement l gitime mais encore n cessaire au travail de l artiste constitutive de la photographie Enfin errer me para t un cheminement certains moments indispensable Ainsi il y a encore dans certaines de tes photographies une dimension onirique Oui explicitement quelquefois c est dire quasi fantasmatique peut tre implicitement dans toutes C est toujours une fa on de fiction Cette question de l articulation entre la th orie et une pratique plastique ici d images photographiques me para t primordiale Ce choix que tu as fait de mener cette pratique en m me temps qu une recherche th orique philosophie tout en ne les liant d abord que de fa on discr te aurait pu mener des impasses des blocages Il y a peu de recherche th orique sur la photographie En 1975 lorsque j ai men mon travail universitaire sur lt lt Photographie art et id ologie gt gt nous

Écrits sur la photographie - Jean

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