RITES PERSONNELS DE PASSAGE
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1. il restaure un sentiment d identit meurtri En s affrontant aux limites l individu s arrache ses routines et ses rep res par sa propre volont il est en qu te d une autre d finition de soi dont il ignore si l preuve qu il s inflige sera ou non d cisive Il en prouve la n cessit int rieure pour savoir qui il est et o il va Tant qu il est dans cette recherche la limite doit tre touch e et pouss e aussi loin que possible En m me temps elle ne cesse d tre reconduite elle n est jamais donn e une fois pour toute elle implique le renouvellement de l obstacle et l arrachement soi m me tant que l individu ne se reconna t pas dans ce qu il est Le mouvement de la transgression procure de la puissance mais il requiert la limite qui lui donne un sens et une valeur La limite et la transgression se doivent l une et l autre la densit de leur tre inexistence d une limite qui ne pourrait absolument pas tre franchie vanit en retour d une transgression qui ne franchirait qu une limite d illusion ou d ombre Mais la limite a t elle une existence v ritable en dehors du geste qui glorieusement la traverse et la nie Foucault 1963 p 755 L ordalie est une r ponse de l individu la crise qu il traverse Il oppose son propre d fi l adversit qu il croit d celer son encontre HERM S 43 2005 105 David Le Breton Des rites priv s de conjuration de la s2. la jubilation prouv e l estime de soi qu elles mobilisent Loin d tre purement destructrices elles rel vent d une exp rimentation de soi d une recherche t tonnante de limites Si les autres modes de symbolisation ont chou chapper la mort r ussir l preuve administrent la preuve ultime qu une garantie r gne sur son existence Ces preuves sont des rites intimes priv s autor f rentiels insus d tach s de toute croyance et tournant le dos une soci t qui cherche les pr venir Parfois m me elles provoquent un sentiment de renaissance personnelle elles se muent en formes d auto initiation Le Breton 2002 2003 NOTE 1 J Lacan S minaire L angoisse in dit R F RENCES BIBLIOGRAPHIQUES CENTLIVRES P HAINARD J dir Les Rites de passage aujourd hui Lausanne L ge d Homme 1986 DouGLAS M De la souillure Paris Masp ro 1971 FOUCAULT M Pr face la transgression Critique n 195 196 1963 HERM S 43 2005 107 David Le Breton GOGUEL D ALLONDANS T Anthropo logiques d un travailleur social Passeurs passages passants Paris T ra dre 2003 GOGUEL D ALLONDANS T Rites de passage rites d initiation Lecture de Arnold Van Gennep Qu bec Presses de l universit Laval 2002 JEFFREY D loge des rituels Qu bec Presses de l universit Laval 2003 JEFFREY D Jouissance du sacr Religion et postmodernit Par
3. la civilit en cartant les autres de son accomplissement La t che poursuivie parfois linsu de l individu 102 HERM S 43 2005 Rites personnels de passage en crise est de se red finir en reprenant la situation en main tout en en payant le prix Plong dans une situation difficile il a perdu les modes d emploi socialement valid s il est contraint l invention de soi Le rite intime dynamique transitionnel est une tentative de surmonter une tension de r soudre un dilemme d arracher une r ponse sur le sens de la vie et d chapper la liminarit Il ouvre nouveau un temps qui paraissait fig sur lui m me La vie peut se poursuivre Des anthropo logiques du contemporain Ces mises en danger d lib r es sont des tentatives de forcer le passage pour exister Martine aujourd hui g e de 38 ans s est coup e plusieurs ann es autour de ses 20 ans alors qu elle tait tudiante C tait un tat d esprit Une sorte de trop plein de quelque chose Il fallait que je le fasse sortir comme du pus Quelque chose de destructeur C tait une sorte d nergie noire il fallait que je la supprime et je la faisais physiquement sortir de moi peut tre parce que je ne pouvais pas la dire Elle voque d elle m me la qu te lancinante de rep res qui tenaillait alors son existence Il y avait une recherche de limites Mais pas seulement travers le fait de me couper Je voulais trouver le point o je ne
4. la soci t r prouve Pourtant m me si les institutions tentent de les pr venir loin d tre d sordonn es elles participent de la construction du sens elles sont terriblement courantes M me si la fonction de passage n entre pas n cessairement dans les intentions du jeune elle est l une des cons quences possibles de ses actes Ces ritualisations intimes qui naissent d une souffrance sont inattendues elles surprennent parfois l individu qui les met en uvre et n aurait jamais pens le faire Elles naissent souvent d avoir perdu tout autre moyen de sortir d une impasse La n cessit d inventer malgr tout une solution souligne combien l individu en est l artisan combien il doit puiser dans ses ressources personnelles pour s en sortir trouver une issue au mur du temps qu il sent devant lui et le r duit l impuissance Les rites intimes de conjuration de la souffrance s imposent l o les moyens propos s par la soci t sont d faillants l o elle livre l individu lui m me en le laissant face la brutalit de son ressenti et la nudit de ses moyens L existence alors ne se satisfait plus de l institu elle est livr e une exp rience instituante pour le meilleur ou pour le pire exp rience plus ou moins commune m me si elle est toujours d clin e dans l intimit la plus douloureuse La ritualisation se d tache non seulement des institutions en rejetant l institu mais aussi de
5. long mais dont l individu au moment de l preuve ne soup onnait gu re la virtualit En reprenant le contr le en devenant un acteur plus ou moins lucide de sa souffrance par l immersion consentie dans la douleur ou le danger il s agit de provoquer un change symbolique avec la mort ou plut t avec un signifiant au del du social infiniment plus puissant Sollicitation d une instance m taphysique pour retrouver la l gitimit d exister mais qui passe n cessairement par le risque de se perdre ou de se d pouiller d une part de soi Il s agit de fabriquer de l identit avec la douleur ou la mort en reprenant l initiative sous la forme d une ordalie change symbolique car il faut accepter de perdre ou de se perdre de mourir m me pour pouvoir vivre mais surtout pour gagner une sensation propice de soi se cabrer face un manque tre et s en d livrer en prouvant le sentiment que finalement la vie vaut la peine qu on s y attache Forme extr me du don contre don sous une version que Mauss 1950 m avait pas pressentie puisqu il s agit cette fois d un contrat inconscient avec les limites avec la possibilit de se d truire ou de se mutiler En faisant le sacrifice d une part de soi ou en s offrant au risque non n gligeable de mourir l individu est en qu te d une modification de soi Le sacrifice ignore ce qu il poursuit il s impose l individu son corps d fendant mais il est agissant en ce qu
6. pouvais pas aller plus loin Ces limites l je les ai cherch es dans le risque le danger Je me suis mis sans cesse dans des situations de d s quilibre Je cherchais quelque chose qui allait me ramener l o j tais en s curit Elle conclut avec force Les coupures c tait la seule mani re de supporter cette souffrance C est la seule mani re que j ai trouv e ce moment l pour ne pas vouloir mourir Chlo dit avec finesse combien ces preuves non seulement permettent de faire passer ces pisodes de souffrance mais produisent galement une sorte de savoir sur l adversit rencontr e Je trouve qu on apprend comprendre et accepter sa douleur Pour moi ce moment c est a que a servait Les conduites risque ou les scarifications sont souvent d crites comme des passages l acte ce qu elle sont rarement elles oscillent entre acting out et ce que nous souhaitons nommer des actes de passage Le passage l acte n est pas une modalit de r solution de la tension interne il la maintient au c ur du sujet comme s il se d battait dans une nasse L acting out dans la d finition de Lacan lors de son s minaire sur l angoisse s en distingue malgr l impulsivit qui le caract rise galement Il est une forme de langage destin l autre L acting out dit il est quelque chose qui se montre c est la monstration le montrage voil sans doute mais qui n est v
7. David Le Breton Universit Marc Bloch Strasbourg RITES PERSONNELS DE PASSAGE Jeunes g n rations et sens de la vie Red finir le rite Le rite est un mode d emploi pour agir avec les autres il indique une conduite suivre dans une situation donn e en la r f rant un mythe d origine ou simplement l usage Une trame infinie de rites impr gne la vie quotidienne des interactions courantes des v nements plus rares comme le deuil ou les c r monies religieuses Elle s alimente dans la n cessit de reproduire socialement un mod le commun en prenant en compte les d clinaisons innombrables de l existence individuelle et collective Religieux ou s culaires souvent personnalis s bricol s les rites participent au maintien de identit collective ou individuelle Ils concilient le nous autres et le moi je Ils immergent l individu dans le mouvement incessant du social sans produire de trouble ou de rupture et sans que l individu soit en porte faux avec le monde Les rites int grent et subsument les diff rences individuelles par lesquelles un ensemble se tient et alimente la pr visibilit des conduites ainsi du Code de la route parmi d autres qui permet moindre co t une formidable r gulation collective Chacun y entre avec son style Celui qui ne joue pas le jeu s expose la r probation ou l accident De m me que dans la vie courante impr visible il met les autres en danger de perdre l
8. a face ou d tre d sorient s Mary Douglas d finit juste titre l homme comme un animal rituel Elle poursuit Supprimez une certaine forme de rite et il r appara t sous une autre forme avec d autant plus de vigueur que l interaction sociale est intense Sans lettres de condol ances ou de f licitations sans cartes postales HERM S 43 2005 101 David Le Breton occasionnelles l amiti d un ami loign n a pas de r alit sociale Il n y a pas d amiti sans rites d amiti Les rites sociaux cr ent une r alit qui sans eux ne serait rien On peut dire sans exag ration que le rite est plus important pour la soci t que les mots pour la pens e Car on peut toujours savoir quelque chose et ne trouver qu apr s les mots pour exprimer ce que l on sait Mais il n y a pas de rapports sociaux sans actes symboliques Douglas 1971 p 81 La ritualisation d un v nement ou d une situation conna t maintes formes dans le contexte du monde contemporain o l individu devient l artisan du sens et des valeurs de son existence m me s il puise dans l air du temps L individualisation d mocratique de nos soci t s induit une individualisation du sens Ainsi des jeunes socialement int gr s m me s ils cherchent se distinguer des autres classes d ges se servent des rituels et du comportement ritualis afin de mettre en sc ne leur propre communaut de se d marquer dans une situat
9. e pourquoi l tre est pr f rable au n ant Dans la griserie du danger ou dans l apr s coup le jeune a parfois le sentiment d une mise au monde Dans nos soci t s contemporaines les conduites risque sont l inverse de ce processus social L acc s une nouvelle dimension du go t de vivre n est pas socialement construit par une s rie d tapes concourant un rituel tabli sous le regard unanime de la communaut sociale Aucune progression ne vient jalonner ces preuves en les rendant d sirables et pr visibles Elles sont solitaires et s imposent dans un contexte de d liaison sociale r elle ou v cue comme tel Relevant d actes impulsifs ou d entreprises inconscientes de leur qu te ultime elles puisent dans la souffrance de ne pas trouver signification son existence La r ponse apport e est provisoire insuffisante parfois assurer le sentiment de sa valeur personnelle La soci t leur est hostile et met en place des structures de pr vention pour les juguler elles provoquent la douleur des parents ou des proches La m tamorphose de soi cr e par l preuve quand elle existe n est pas transmissible aux autres et ne rel ve d aucune m moire collective En outre ces conduites induisent infiniment plus de souffrances plus de blessures ou de drames que de jubilation La r ussite de l preuve n est jamais assur e elle se paie lourdement Loin d tre attest e par la communaut sociale
10. e la liminarit Quand le monde ne se donne plus sous les auspices du sens et de la valeur l individu dispose alors d un ultime recours en empruntant des espaces peu fr quent s au risque de p rir En se jetant contre le monde en se lac rant ou en se br lant la peau il cherche s assurer de soi il prouve son existence sa valeur personnelle Il cherche la limite lui permettant de vivre La confrontation au monde s impose travers l invention de rites intimes de contrebande Par le sacrifice d une parcelle de soi il s efforce de sauver l essentiel En s infligeant une douleur contr l e il lutte contre une souffrance infiniment plus lourde porter Sauver la for t implique d en sacrifier une partie Telle est la part du feu Pour continuer vivre il faut parfois se faire mal pour avoir moins mal Le Breton 2003 Na tre ou grandir ne suffit plus pour acc der une place de plein droit l int rieur du lien social il faut conqu rir son droit exister La mise l preuve de soi sur un mode individuel est l une des formes de cristallisation moderne de l identit quand le jeune est en souffrance en suspension avec une impossibilit d entrer dans la vie Il interroge m taphoriquement la mort en passant avec elle un contrat symbolique le justifiant d exister Nombre de ces prises de risque donnent enfin l impression de vivre par le contact qu elles suscitent avec le monde les sensations provoqu es
11. ion de seuil d intensifier le sentiment d appartenance la communaut Ils revendiquent leur droit la spontan it la non structure l imm diatet et la libert Wulf 2002 p 1072 Mais dans le contexte des souffrances adolescentes et des conduites qui les accompagnent il s agit moins de jeunes int gr s que de jeunes en suspens mal dans leur peau incertains de leur avenir Leur souci n est pas tant de trouver une place dans la soci t que de trouver un jour une place dans leur existence Mais pour approcher les ritualit s adolescentes qui se jouent de la mort il convient de penser le symbolique comme touchant moins le lien l autre que le lien sa propre existence mise en difficult La ritualisation est une symbolisation elle est alors une entreprise de fabrication personnelle de sens pour pouvoir rejoindre la compagnie des autres Comprendre maintes preuves que s infligent les jeunes g n rations que l on classe g n ralement sous la rubrique des conduites risque d fis vitesses sur les routes tentatives de suicide scarifications troubles alimentaires toxicomanies etc exige de se d prendre des notions classiques attach es au rite Ces actions turbulentes meurtries le plus souvent solitaires mais qui se reproduisent sous des millions de versions dans nos soci t s sont pour ces jeunes des ritualisations des tentatives de transformation de l exp rience mais dans un contexte que
12. is Armand Colin 1998 LE BRETON D La Peau et la trace Sur les blessures de soi Paris M taili 2003 LE BRETON D Conduites risque Des jeux de mort au jeu de vivre Paris PUF coll Quadrige 2002 LE BRETON D Passions du risque Paris M taili 2000 1991 Mauss M Essai sur le don Sociologie et anthropologie Paris PUF 1950 SEGALEN M Rites et rituels contemporains Paris Nathan 1998 WULE C Rituels in Trait d anthropologie historique Paris L Harmattan 2002 108 HERM S 43 2005
13. la mutation ontologique M Eliade quand par chance elle appara t est strictement intime Parler de rite individuel de passage pour les jeunes g n rations d aujourd hui appelle le recours une forme clandestine et solitaire de symbolisation du go t de vivre L acte est singulier il n a de valeur que pour celui qui lose l individu n est pas toujours lucide sur l objet de sa qu te et s il en r chappe son statut social n est en rien modifi C est l tre m me de l homme qui est virtuellement chang mais le recours ordalique peut se r v ler un chec n apportant pas le changement int rieur souhait aggravant encore la situation Il contient cependant une r v lation possible d identit Sa multiplication sous des formes parses et individuelles en fait un ph nom ne sociologique Ce sont des formes de braconnage du sens plut t rites intimes de contrebande favorisant l int gration sociale et le sentiment d tre garanti d avoir 106 HERM S 43 2005 Rites personnels de passage enfin ralli une signification son existence Le comportement ordalique dans sa diversit infinie est une r ponse douloureuse et intime aux failles culturelles et sociales Il est une sorte d ultime recours pour celui qui pense n avoir de toutes fa ons plus rien perdre Dans nos soci t s le rite individuel de passage est une r plique douloureuse l exclusion du sens C est une chapp e belle hors d
14. nir la t te hors de l eau Si ces conduites radicales rel vent du patho logique c est au sens du pathos de la souffrance Les mani res de s y opposer se dressent contre une violence plus sourde qui se situe en amont dans une configuration relationnelle ou sociale Dans nombre de cas l vocation du pathologique surtout en ce qu il implique des mesures institutionnelles est un jugement de valeur redoutable qui transforme en essence ce qui tait sans doute un moment provisoire destin dispara tre si l on n y pr te pas une attention trop s v re Ce qui n tait qu une parade devient alors parfois un enfermement Les modes de d fense d un adolescent n ont pas la gravit de ceux d un adulte La fixation nosographique peut tre lourde de cons quences Contrairement en cela des hommes ou des femmes plus g s les adolescent e s sont encore dans un passage plein de virtualit s avec un sentiment d identit encore labile le recours des formes de r sistance qui paraissent radicales n est pas n cessairement une promesse de pathologie mais une forme d ajustement personnel dans une situation de menace Dans leur immense majorit les conduites risque ou les attaques au corps ne durent qu un moment Cette phase de souffrance est une confrontation au principe de r alit une acquisition des limites symboliques le situant en acteur cr atif au sein du lien social Les souffrances adolescentes se gu rissent
15. oil que pour nous comme sujet Montrant sa cause c est ce reste c est sa chute c est ce qui tombe dans l affaire qui est l essentiel de ce qui est montr L acte de passage est ce caract re d une action sur soi qui fonctionne comme un appui pour s arracher aux anciennes pesanteurs il est un rem de pour s extirper peu peu d une situation sans issue L acte de passage m me s il se r p te est un chemin trac dans le corps en en payant le prix pour se retrouver Il fonde au fil du temps en soi et autour de soi les conditions d une existence propice Les ritualisations intimes participent du franchissement de la barri re de souffrance et elles dessinent u e aire transitionnelle o s enchev trent l exp rience motionnelle et le processus de symbolisation Ce sont des r sistances imm diates ou tal es dans le temps l encontre du malaise prouv Au moment de HERM S 43 2005 103 David Le Breton l adolescence tout est passage tout est provisoire Plut t que de le r duire une nosographie venant trancher entre le normal et le pathologique comme cat gories immuables dans l indiff rence sa singularit propre et aux preuves personnelles travers es par le sujet il importe plut t d en interroger la signification et de comprendre en quoi m me si elles paraissent mettre l existence en danger un autre niveau plus essentiel elle la prot ge aussi lui permettent de se mainte
16. oment peut r clamer son d 104 HERM S 43 2005 Rites personnels de passage Les ritualit s traditionnelles ont d autant moins de valeurs aux yeux du jeune qu il met un jugement d pr ciatif encontre d une soci t jug e hypocrite pourrie nulle discr dit e ses yeux Quant aux personnes affectivement importantes pour lui elles ne le rassurent pas davantage sur la valeur de son existence Puisque la soci t est disqualifi e il interroge une autre instance m taphysique mais puissante s il r ussit chapper la mort apr s avoir t un instant son contact une autre r ponse lui est donn e positive cette fois celle malgr tout de sa valeur personnelle En ce sens l ordalie est un rite oraculaire Elle nonce une pr diction sur l avenir en disant si l existence m rite qu on aille son terme Ces conduites sont une mani re de se jouer de la mort pour donner sens et valeur sa vie Nous sommes face une anthropo logique une logique de condition humaine une mani re ultime de fabriquer du sens quand tout se d robe Le Breton 2002 2003 l tat sauvage dans notre soci t l ordalie est une qu te de signification que le sujet subordonne son insu au risque de mourir en se donnant une chance de s en sortir Sa signification vient apr s elle s me dans le risque non n gligeable de p rir une puissance qui peut clore ensuite pour un temps plus ou moins
17. ouffrance M me s il tait seul dans la mise en danger m me si tous ignorent l preuve travers e l individu en chappant la mort travers les sensations prouv es au contact du danger d couvre en lui m me des ressources inattendues Il s efforce de reprendre le contr le de son existence Sous nos yeux mergent de nouveaux rites de passage individuels largement r pandus Mais ils n incarnent plus la scansion socialement ritualis e du passage de l adolescence l ge d homme ils marquent plut t l acc s possible une signification enfin touch e La question du go t de vivre domine toutes les autres dans les conduites de risque des jeunes g n rations Ces jeunes entendent se r v ler travers une adversit cr e de toutes pi ces recherche d lib r e de l preuve inattention ou maladresse dont la signification est loin d tre indiff rente Le degr de conscience qui pr side au heurt avec le monde est ici indiff rent l inconscient joue un r le essentiel dans l v nement Une n cessit int rieure y domine Si l issue est favorable cette approche symbolique ou r elle de la mort engendre parfois une puissance de m tamorphose personnelle reconstituant le go t de vivre au moins pour un temps Elle r g n re le narcissisme personnel restaure le sens et la valeur de l existence propre lorsque la soci t choue dans sa fonction anthropologique de dire pourquoi elle vaut d tre v cu
18. par l coulement du temps et les exp riences successives Mani re de se plier et de se redresser devant l affect ou la situation sans se briser de manifester une forme d esquive efficace qui vite de se rompre les conduites risque permettent de faire face ce sont des formes de coping des comportements d ajustement une situation personnelle douloureuse Signaler ce fait en insistant sur leur caract re provisoire ne signifie nullement qu il faut laisser l adolescent se meurtrir Si les attaques corporelles ou les conduites risque sont des appels vivre elles sont aussi des appels l aide Elles sollicitent une reconnaissance un accompagnement une compr hension de ce que les scarifications sont les signes d une souffrance intense en amont Les rites ordaliques Il faut se l gitimer d exister et le faire sans l aide des autres Ces preuves que les jeunes s infligent sont des formes in dites de rite visant la mise en question de soi mais dans un contexte solitaire ou parfois avec quelques amis Ces conduites sont un sursaut de conscience une mani re de se d battre et de jouer son existence contre la mort pour donner sens et valeur sa vie En faisant la part du feu le jeune court le risque de son corps pour retrouver sa place dans le tissu du monde et effectuer un acte de passage qui le sorte enfin de la souffrance de cet tat de suspension douloureuse qui para t sans issue Mais la mort tout m
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