Les villes au secours de l`Afrique
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1. cessit est de se comprendre d changer entre voisins Rien que cette n cessit premi re a pour cons quence des changements l int rieur du milieu urbain Dans ce milieu vivant qu est la ville on invente donc beaucoup et pour commencer un langage Les villes ont invent de la langue En R publique Centrafricaine s est d velopp e la langue v hiculaire sango qui n existait pas apr s la Seconde Guerre mondiale En 1948 le sango comptait 200 mots et ce qui ne pouvait tre exprim avec ceux ci tait dit en fran ais En 1965 2000 mots composaient cette nouvelle langue Elle s est tendue par le biais de la radio des chansons la mode Elle est aujourd hui la langue nationale du pays C est l un ph nom ne tout fait extraordinaire et produit par le fait urbain m me La ville invente aussi des rapports sociaux et de nouveaux modes d organisation Les comit s de quartiers par exemple qui se sont multipli s depuis le d but des ann es 1990 sont des regroupement de personnes d un m me voisinage irrit es par quelque chose l absence de reconnaissance de la part du pouvoir officiel l absence d eau courante ou d lectricit les probl mes sont souvent mat riels et qui se regroupent pour protester et pour agir ensemble Ces liens de solidarit aboutissent en quelques ann es la constitution de v ritables lobbies et des r alisations tr s concr tes sont men es bien par exemple avec l aide des ONG2. es et les partants vus comme des marginaux Les choses ont volu Maintenant certaines soci t s africaines incitent carr ment la migration faisant comprendre aux jeunes gens qu ils ne seront des hommes que s ils migrent Certains pays d Afrique de l ouest comptent des soci t s qui vivent fondamentalement des migrations internationales Le S n gal par exemple ne vit plus ni de l arachide ni de la p che ni du tourisme mais bien de son savoir faire en mati re de migrations internationales Il y a aussi des diff rentiels sur lesquels on peut jouer entre le village et la ville La notion classique d exode rural ne fonctionne plus vraiment aujourd hui Les d parts du village vers la ville ne sont plus n cessairement d finitifs Ce sont plut t des allers retours continuels en voiture en bus Si on a quelque chose vendre si on veut rendre visite quelqu un on se d brouille on se d place Idem entre deux tats de part et d autre d une fronti re Les fronti res africaines sont ponctu es de march s qui sont parfois les lieux les plus actifs du pays Un autre diff rentiel est celui qui existe entre les secteurs conomiques formel et informel c est dire non r glement par l Etat Mais en r alit en Afrique la fronti re entre formel et informel est loin d tre tanche Tous ces jeux de part et d autre de multiples fronti res sont facilit s par les relations sociales Ainsi la famille afr
3. Au centre du probl me de ces comit s de quartier on retrouve tout le temps la question de l argent du financement C est autour de l argent que les solidarit s sont les plus difficiles constituer d o l importance de ce r v lateur Par exemple au Tchad Ndjam na un comit de quartier qui avait pris la charge de collecter les ordures a r ussi perfectionner petit petit son syst me de collecte d argent de fa on ce que les habitants de quartier apportent tous r ellement une contribution financi re D abord le comit avait envoy des percepteurs mais ces derniers oubliaient souvent de restituer l argent au comit de quartier On a alors demand aux collecteurs d ordures eux m mes qui ne pouvaient plus tre pay s d aller eux m mes chercher l argent mais ils en gardaient trop pour eux et n en redonnaient pas assez au comit qui du coup ne pouvait plus financer l achat du mat riel Une troisi me alternative a t mise en uvre ce sont les femmes du quartier qui ont t responsabilis es et qui ont commenc g rer la collecte de fonds Cette solution a beaucoup mieux march que les deux pr c dentes De fait les femmes sont porteuses d un certain nombre de valeurs et constituent elles m mes un r seau de solidarit au sein du voisinage un r seau qui les tient Cet exemple est tr s r v lateur Quand on parle d invention en mati re sociale il s agit d un bricolage de rafistolages d un
4. le de la ville comme contact au monde est d autant plus grand et s duisant que l Afrique est pauvre Les villes africaines constituent pour le continent la porte de la mondialisation La plus grande ville de chaque pays est en m me temps sa principale fronti re Cette id e de fronti re doit tre prise au sens propre mais aussi au sens que la fronti re a eu et a encore aux tats Unis l id e d un lieu o on se projette vers autre chose vers le monde et vers l avenir La ville est ainsi un d fi Un premier constat s impose la situation de la ville africaine comme globalement de l Afrique est actuellement impossible Les signes en sont nombreux Depuis plus d un demi si cle en compagnie d ailleurs de la partie septentrionale de l Afrique jusqu ces derni res ann es l Afrique compte les taux de croissance urbaine les plus lev s du monde avec au moins 5 d augmentation par an Il y avait 19 millions de citadins en 1950 il y en a aujourd hui 210 millions Malgr cette croissance urbaine tr s rapide le taux d urbanisation global reste mod r environ 35 de la population totale Mais y regarder de plus pr s on trouve l chelle du continent des situations extr mement in gales Le Rwanda et le Burundi par exemple ont les taux d urbanisation les plus faibles du monde moins de 10 avec un ph nom ne de rattrapage extr mement brutal pour le Rwanda depuis le g nocide En revanche un certain nombre de pa
5. Jean Luc Piermay Colette Schauber 11 octobre 2006 La Victoire 11 octobre 2006 Les villes au secours de l Afrique Jean Luc Piermay est Professeur l Universit Louis Pasteur Strasbourg 1 Il s int resse l Afrique subsaharienne aux villes et aux questions fonci res Un point pr liminaire s impose Il ne s agira pas de faire un pan gyrique de la ville d Afrique sud saharienne ni de pr senter la ville en Afrique comme une solution miracle La vie en Afrique est tr s difficile elle est galement difficile en ville Le d crochage conomique de l Afrique est manifeste le continent ne compte que pour 2 dans les changes conomiques mondiaux Le secteur informel est une illusion conomique il permet la survie par la d brouille mais ne produit pas de d veloppement Cependant il faut abandonner plusieurs clich s Autant la ville n est pas le mal absolu autant les campagnes ne sont pas une alternative r elle ni le refuge d une pr tendue Afrique authentique La ville est une r alit majeure du monde actuel Comme ailleurs aujourd hui en Afrique elle n est pas seulement le centre d un pays ou d une r gion elle constitue surtout le relais du monde le lien entre un ici et un ailleurs qui peut tre chelle plan taire Ce lien passe par le biais de divers r seaux qui fonctionnent d ailleurs bien entre la grande ville et le reste du monde presque toujours beaucoup mieux qu entre la ville et le pays lui m me Le r
6. ala capitale de l Ouganda a montr qu apr s la guerre cette ville avait retrouv ses marques gr ce la soci t autochtone et ses valeurs traditionnelles L Afrique a besoin des villes C est par elles que le continent r pond aujourd hui aux d fis du monde auxquels aucune soci t ne peut d sormais chapper Compte rendu Colette Schauber Les Caf s G ographiques cafe geo net
7. antes Les ph nom nes d exclusion se multiplient avec notamment le ph nom ne des enfants des rues La d linquance la violence sont une r alit parfois des taux record sur la plan te Les maladies comme le sida et des maladies mergentes frappent Sans parler de la corruption des d ficits extraordinaires en mati re d quipements et d infrastructures de la guerre des d chirements des conflits Mais m me lorsque les gens qui viennent en ville ont tout apprendre du fonctionnement urbain ils finissent par s adapter On estime qu environ 10 ans s coulent entre l arriv e en ville et la construction d une maison sur un terrain qu on aura achet ceci au prix de mille difficult s qu il faut apprendre peu peu surmonter La ville demande un apprentissage En Afrique la richesse est plus qu en Europe vue comme une richesse en relations sociales Le riche c est celui qui est dans le bon r seau Le pauvre c est celui qui n a acc s qu une bribe de r seau Mais c est n anmoins en ville que les exclus pourront se d brouiller et les gens auront le plus d opportunit s de tisser des liens avantageux Malgr ces difficult s la ville africaine n en finit pas de durer y compris les villes en guerre les villes qui ont connu les affrontements les plus violents La reprise d une vie y est en grande partie possible gr ce aux cadres sociaux anciens des soci t s qui composent ces villes La th se de Bernard Calas sur Kamp
8. cial Tr s sch matiquement en le gagnant les jeunes acqui rent un pouvoir alors que les soci t s traditionnelles sont fond es sur le pouvoir des anciens Mais ce puissant d stabilisateur qu est l argent est aussi r cup r par les milieux sociaux ce fut la grave question de l augmentation de la dot A travers cette augmentation ce sont bien les anciens qui r cup rent une partie de l argent gagn par les jeunes Puis en ville la logique d investissement a fini par dominer Mais aujourd hui l argent des villes africaines n est pas vraiment productif On investit dans le commerce le foncier l immobilier car ces secteurs rapportent beaucoup court terme et permettent de conforter une position sociale Mais on n a pas encore appris investir de l argent pour faire encore plus d argent La domestication de l argent est un processus soumis une logique d apprentissage Il importe r ellement de voir l Afrique travers ses dynamiques A ce titre l exploitation des diff rentiels est un tr s important moteur Un diff rentiel est une diff rence de niveau dans quelque chose entre deux lieux L exploitation de ce diff rentiel est une incomparable source d action Les migrations internationales par exemple se basent sur le diff rentiel entre l Afrique et l ext rieur du continent o de meilleurs salaires permettent l envoi d argent au pays d origine Dans un premier temps pourtant les soci t s villageoises taient plut t ferm
9. e construction progressive et certainement pas de quelque chose qui sortirait d une traite d un cerveau g nial L invention sociale est un m lange complexe d ancien et de nouveau Ainsi les comit s sont un ph nom ne r cent apparition dans les ann es 1990 mais ils se fondent sur des ciments beaucoup plus anciens comme des valeurs internes la soci t Dans une tribu du Kenya le Coca Cola est devenu la boisson sacr e rituelle Autre exemple dans les pays musulmans l islam avec ses valeurs est un ciment tr s fort dans l invention d une nouvelle soci t dans la mesure o il v hicule notamment la notion fondamentale de confiance r ciproque entre les individus La religion interdit de se d dire c est un l ment moteur essentiel dans la constitution de ces liens solidaires pour construire quelque chose de solide Mais qu en est il de l invention en mati re conomique M me si ce n est pas la plus vidente elle existe malgr tout Elle est visible partir du moment o l on reconna t qu conomie ne veut pas seulement dire fric ou march mais que c est un tout social En Afrique il n y a pas d conomie pas d entreprenariat sans relations de confiance au sein du groupe Dans le cas contraire on court l chec Or comme l administration ou la justice sont plus ou moins d faillants dans ces tats il y a n cessit de pouvoir se fonder sur des cadres sociaux autres L exemple caract ristiq
10. icaine est tr s large et parfois r partie dans le monde entier une partie en Afrique une partie en Europe une partie aux tats Unis une partie au village et une partie la ville La distance ne rompt pas les relations Le groupe qui s en sort le mieux est celle qui sait le mieux jouer sur tous ces diff rentiels Ainsi les confr ries musulmanes s n galaises tissent elles de puissants r seaux de solidarit dont les membres sont encadr s o qu ils soient Il s agit bel et bien l d inventer de nouvelles mani res de faire du territoire et de faire de la ville On aboutit des soci t s africaines tr s mondialis es m me plus mondialis es que nos soci t s occidentales Comme toutes les soci t s aujourd hui mais de mani re plus consciente que d autres peut tre l Afrique est en train de domestiquer la mondialisation chaque soci t sa mani re Le S n gal en vit m me Nos soci t s auraient m me parfois int r t s inspirer de cet exemple africain Les soci t s africaines touch es par la mondialisation sont en effet beaucoup plus ouvertes beaucoup plus m me de faire percoler des informations en ce domaine la base m me de la soci t Finalement peut tre nos soci t s r sistent elles en fait mieux la mondialisation se laissent moins p n trer par elle Malheureusement c t de cas comme celui du S n gal qui tire plut t positivement parti de la mondialisation d autres soci t s s
11. occasion nombre de soci t s africaines ces donn es sont m me souvent mesurables Mais il y a autre chose Avant toute consid ration conomique la ville africaine est aujourd hui un formidable producteur de quelque chose en mati re de soci t et en mati re de culture Elle l est par la force des choses la ville attire des gens extr mement divers des gens de r gions d ethnies de familles diff rentes des gens aux coutumes et aux habitudes tr s vari es La diff renciation sociale au sein de la ville est facilit e par cette grande diversit qui offre au migrant plus de possibilit s de se d tacher de son milieu d origine Par exemple la place des jeunes volue vu qu ils sont souvent beaucoup moins soumis qu au village aux autorit s traditionnelles La place des personnes g es la place des femmes la place des familles connaissent des volutions extr mement importantes Toutes ces cat gories sociales voient leur statut en ville voluer m caniquement par le fait m me de la masse de la population De plus la ville offre des opportunit s consid rables On peut faire plus de choses en ville qu au village Pour ce qui est de l ouverture sociale la ville a des atouts incomparables Plus anim e plus riche de possibilit s m me de possibilit s de simple d brouille elle attire Les migrants ne viennent pas en ville par lubie il ont tout int r t y vivre Dans une telle diversit la premi re n
12. ont compl tement perdues face au ph nom ne Les situations les plus catastrophiques sont observables dans la r gion des grands lacs dans l est de la R publique d mocratique du Congo au sein de soci t s destructur es par les invasions rwandaises enclav es instables et qui sont touch es par la mondialisation travers les mines de mati res pr cieuses or diamant meraude coltan colombo tantalite entrant dans la composition des t l phones portables de ces r gions Ces mati res pr cieuses qui ont une valeur tr s forte sous des volumes tr s faibles peuvent tre transport es par petits bouts jusqu en Europe ou en Am rique pied v lo puis en avion Mais dans les villages leur r colte est si lucrative que toutes les autres activit s du lieu s vanouissent Il n y a plus d agriculture plus d cole les l ves et leurs instituteurs sont dans les mines plus de dispensaires les chefs des villages trafiquent ou sont dans la poche de trafiquants La faible r sistance de ces soci t s la mondialisation s explique par la d stabilisation r cente de leurs valeurs par la guerre Des valeurs fortement ancr es permettent au contraire de mieux g rer la mondialisation Au final l impression dominante que donnent les villes africaines est celle d une volution tr s rapide d une tr s grande vitalit Ce ne sont certes pas des villes sans probl mes Les in galit s y sont extr mement fortes et m me grandiss
13. ue est celui des grands commer ants du Sahel dont l activit est tr s ancienne et qui s tend aujourd hui l chelle internationale leur organisation est fond e sur des relations sociales tr s fortes soutenues par les valeurs de l islam de la famille par la persistance de relations patron d pendants par des strat gies d alliance plus modernes o se retrouvent m l s des hommes politiques Un autre domaine o la ville a un grand impact est celui de l agriculture La ville a besoin de ravitaillement Or les transports sont tr s difficiles Donc ce ravitaillement doit venir de pr s c est dire d une agriculture p ri urbaine voire intra urbaine C est souvent dans ces secteurs qu on retrouve aujourd hui les formes d agriculture les plus novatrices et les plus efficaces de l ensemble du pays La proximit de la ville joue le r le de stimulant Quelle le on en tirer Gr ce la ville on a des soci t s en situation d apprentissage Et que reste t il apprendre En premier lieu la coh sion sociale Bien qu elle existe elle a encore progresser La coh sion doit aujourd hui tre organis e des chelles de population auparavant inimaginables autrefois le village et la famille aujourd hui de grandes villes et des nations Ensuite la question de l argent demeure centrale c est dire celle de son mode d emploi en quelque sorte Historiquement en Afrique l argent a t un puissant d stabilisateur so
14. ys au sud du Sahara ont vu leurs taux d urbanisation d passer la barre des 50 Gabon Congo bient t l essentiel du golfe de Guin e et la plus grande part de l Afrique australe De toute vidence le reste de l Afrique suivra Ces chiffres induisent de tr s grands besoins en quipements et infrastructures Or si c est dans ces villes africaines qu on a les besoins les plus importants du monde c est aussi l qu on a les budgets les plus faibles Besoins normes et moyens limit s ce m lange explosif est riche de menaces pour les quilibres urbains On approche ici les situations de trouble ou de d stabilisation des villes et donc des Etats entiers Malgr cela il faut reconna tre dans ces villes africaines sud sahariennes une intense production urbaine ce que les discours ambiants ne disent pas suffisamment Quand on parle des villes africaines on les qualifie en g n ral de villes renti res car elle se caract risent par l importance des activit s en lien avec l Etat le tr s grand nombre de fonctionnaires la pr sence d une importante bureaucratie la captation des richesses de l ensemble du pays comme des flux venant de l ext rieur par la ville ainsi que l existence de r seaux de redistribution sociale qui touchent une bonne partie du corps social Ces faits sont vrais m me si les programmes d ajustement structurel du Fonds Mon taire International ont en partie cass ces processus et d stabilis par la m me
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