analphabetes de tous les pays - Association Française pour la Lecture
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1. Dans la semaine suivante j apprends que la Banque Mondiale financera d s qu il sera achev la diffusion par un grand diteur parisien d un manuel de plus pour apprendre le fran ais aux Africains Je ne doute pas que les conseillers techniques qui entourent cette op ration ne soient tous d j descendus plusieurs fois dans les Hilton de Dakar ou d Abidjan Quant aux n gres qui r digent l ouvrage leur travail est bien leur seul point commun avec l Afrique Pauvres pauvres Pour ne pas d sesp rer compl tement il faudrait parvenir d crire ce qu ont de commun les grands organismes nationaux et internationaux et les projets d alphab tisation d une part et d autre part l in gal partage au sein de chaque pays et d un pays l autre entre une minorit qui accapare toutes les richesses et l humaine humanit contrainte de mourir triste euph misme largement au dessous de ses moyens Ainsi la mis re que les privil gi s imposent au plus grand nombre finance des recherches sur la pauvret nourrit des r flexions lectorales sur la solidarit suscite des productions ditoriales d veloppe des comp tences dans les universit s et multiplie colloques r ceptions et voyages dans des contr es lointaines Et ceci pour les chercheurs les politiques les industriels des pays riches et d autant plus que ces pays sont dominants c est dire responsables de l in galit qu il s agit de transformer C e2. l am lioration de la force de travail Ainsi la richesse des pays d velopp s r sulte t elle d une double exploitation l ext rieur celle des pays pill s et l int rieur celle des couches sociales domestiqu es Si bien qu au del des pays d velopp s et des pays en voie de d veloppement une humanit enti re ce niveau de gaspillage et d in galit s entre les peuples et l int rieur de chacun d eux doit imp rativement faire d autres choix de d veloppement et donc renoncer des syst mes conomiques fond s sur l exploitation et le profit sur l int r t individuel et la comp tition Il est criminel de laisser croire que tous les pays ne se trouvent pas confront s au m me probl me et qu il n y aurait pour les plus riches qu une question de solidarit aucun peuple disait MARX qui en opprime un autre n est lui m me libre aucune classe aucune race aucun sexe aucun ge aucune fonction aucune id e Les pays riches ne disposent pas dans l arsenal de leur histoire des solutions utiles aux pays pauvres tout au plus peuvent ils restituer une partie des richesses d rob es pour obtenir des pays dits en voie de d veloppement qu ils inventent avec eux les solutions indispensables tous En premier lieu il est n cessaire de questionner l id e apparemment insoup onnable d alphab tisation car nous ignorons tout et d abord dans nos propres pays d une alphab tisation qui ne serait pas inscrite dans un
3. pr cipiteraient vers les lieux d alphab tisation L crit ne saurait tre pour eux dans l tat actuel des choses ce qu on conserve l habitude de dire qu il est un moyen de s informer de communiquer ou de se distraire encore moins de trouver un m tier ou de remplir un ch que dans les villages o n existe pas plus d usine que de banque D s lors il ne concerne que les enfants mais dans des conditions qui en font un objet totalement exotique d s qu ils ont franchi les limites de l cole Aussi et paradoxalement la situation impose une approche de l crit beaucoup plus exigeante qui ne peut se contenter de sa pr sentation pour des raisons qui n en sont plus pour personne dans aucun des pays d velopp s Plus la situation est pr caire et plus l crit doit tre abord pour ce qu il a d urgent et de productif donc d irrempla able Et cette sp cificit n est pas pour les habitants jeunes ou vieux de ces pays assi g s par la faim dans une communication distance dans un syst me de marquage des objets dans l vasion l imaginaire ou la r ussite individuelle auxquels le r duisent les nouveaux missionnaires des pastorales alphab tiques mais dans l approfondissement de ce qui se vit collectivement dans la construction d un syst me de pens e pour th oriser l exp rience de survie et contribuer la transformer en exp rience de conqu te collective dans cette fameuse formation intellectuelle qui ne peut se concevoir s pa
4. ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 d une chelle d autant moins contest e que les enfants y r ussiront peut tre mieux apr s tous les sacrifices faits pour eux Confondre l urgence de l effort ducatif avec les d marches d alphab tisation ou consid rer ce qui revient au m me vu la modicit des moyens que l alphab tisation est la premi re tape de l difice ducatif pour des pays dans lesquels l crit est un produit rare et n cessairement venu d ailleurs ou de plus haut c est quelque chose qui ne peut tre innocent quand on sait que m me dans les pays d velopp s une masse grandissante de gens alphab tis s et vivant pourtant dans un environnement d crits perd en quelques ann es l usage des m canismes de base Alphab tisez il en restera bien quelque chose La mani re d enseigner comme de donner est plus importante que ce qui se transmet L alphab tisation correspond un moment du d veloppement du monde dans ses rapports de domination entre pays et entre classes sociales elle est aujourd hui impuissante dans sa philosophie et dans ses techniques r pondre aux besoins de lib ration des peuples quels qu ils soient Aussi l urgence des pays en voie de d veloppement les contraint elle encore plus que les autres d autres choix et beaucoup plus ambitieux que ceux des dispositifs d alphab tisation que leur tendent encore les classes dominantes des pays d velopp s L ducation Nouvelle est vraiment l
5. cessit s plus politiques qu conomiques de leur d veloppement au XIX si cle et affirmer que parents et adultes doivent tre eux m mes en situation de promotion collective pour que les enfants progressent Si elle s av re un moment n cessaire du fait d un clatement des projets et des lieux une d l gation de la responsabilit ducative des jeunes une institution implique bien videmment que la communaut se reconnaisse quelque chose d l guer sinon il y a confiscation par et pour quelques uns des objectifs ducatifs et n gation du potentiel ducatif de la communaut elle m me On pourrait en tirer une sorte de r gle les savoirs instrumentaux et g n raux ne peuvent et ne parviennent tre enseign s aux enfants par un syst me scolaire que s ils sont d j largement ma tris s par la collectivit toute enti re sinon il faut introduire ces savoirs directement au niveau de la communaut travers leur mise en uvre et leur th orisation dans des projets de d veloppement qui en rendent la ma trise n cessaire pour l ensemble de la population y compris les plus jeunes C est seulement au del de ces savoirs de base que des tablissements 3 On sait d j depuis les travaux de FURET et OZOUF que la soci t fran aise tait largement alphab tis e lorsque l cole de J ules FERRY s est mise en place et donc que celle ci n est pas le moyen de cette alphab tisation ASSOCIATION FRAN AISE
6. intervenant dans la communaut ouverte c est aux adultes en train d apprendre utiliser l crit dans les diff rents aspects de leur vie producteurs citoyens parents consommateurs etc que revient la responsabilit d associer les enfants dans un enseignement mutuel et ceci jusqu l ge de 10 11 ans 2 IT n y a de formation intellectuelle que li e directement aux activit s de production On conna t l origine de cette formule revendiqu e par toute l histoire du mouvement ouvrier dans les pays industrialis s et on sait comment l inverse les classes dirigeantes se sont toujours efforc es de prot ger les contenus scolaires de tout contact avec la r alit du monde social dont les activit s li es la production repr sentent seulement la forme la plus significative Mais on ne comprend plus toujours bien en quoi les conditions dans lesquelles s laborent les modes de pens e et d analyse les cadres conceptuels et les outils d exploration et de repr sentation du monde en quoi toutes les circonstances qui contribuent la formation intellectuelle sont l enjeu d une formidable bataille souterraine dont d pendent les effets sociaux de l ducation Les luttes dans nos pays ont port en effet depuis un si cle davantage sur l attribution de moyens pour l ducation que sur la ma trise des modalit s de cette forme particuli re de production qu est la production du savoir lors de l action ducative Apprendre penser en
7. ment int r t les tromper L analphab tisme n aurait 1l vraiment plus aucun rapport avec la mis re l endettement l crasement des uns par les ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 autres avec la logique de syst mes auxquels les banques ne sont gu re hostiles Dont la Banque mondiale La premi re action d une campagne d alphab tisation ne devrait elle pas plut t clairer les analphab tes sur des fonctionnements conomiques et politiques qui les excluent de tout et donc aussi mais pas davantage des r seaux et des raisons de la communication crite Les manifestations que provoque en France l Ann e Internationale de l Alphab tisation t moignent du peu de s rieux que l on accorde ces questions Il s est tenu entre autre exemple sous le haut patronage de l UNESCO au dernier Salon du Livre de Paris un d bat anim par un crivain ambassadeur sur le th me Pour une soci t de lecture Le livre au secours de l alphab tisation Y prit la parole une ditrice italienne qui enviait la France depuis qu elle avait observ que le nombre de baigneurs tenir un livre la main sur nos plages tait sup rieur ce qu elle a l habitude de voir chez elle Puis un professeur de philosophie que l ambassadeur faisait sauter sur ses genoux quand il avait trois ans et qu il avait retrouv par hasard il y a quelques semaines la terrasse d un caf Le professeur a tellem
8. monde construction qui correspond l effort pour s affirmer pour se nommer pour explorer sa situation et r pondre au discours tenu sur soi pour transformer l crit en instrument de sa lutte afin de prendre pied dans la responsabilit et le pouvoir Fran oise PARENT 1982 Aussi ce ne sont pas les pays d velopp s en tant que tels qui aideront le Tiers Monde conqu rir cet crit du moins tant qu ils seront eux m mes dans la logique qui les a fait se d velopper gr ce au 8 Voir ce sujet le bilan que J ean GATTEGNO a donn lors de son d part de la Direction du Livre Actes de Lecturen 2 3 qui ne fonctionne d ailleurs que du haut vers le bas 11 ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 pillage des trois autres quart de l humanit L aide ne peut venir que du combat des classes sociales de ces pays d velopp s qui sont elles aussi victimes de la m me exploitation et tout autant exclues de la ma trise v ritable de l crit Et dans ce cas ce n est pas une aide mais une entreprise commune l union des analphab tes de tous les pays En d autres termes le d veloppement de la lecture est une id e neuve aussi bien pour les pauvres des pays riches que pour les pauvres des pays pauvres et ce d veloppement se heurte aux m mes int r ts et la m me volont de maintenir l in galit entre les pays et au sein de chaque pays Esp rons que le coup de projecteur donn sur les pa
9. participant aux entreprises collectives qui transforment le monde tel qu il est dans sa r alit indissociablement physique et sociale ou apprendre penser dans un lieu prot g l abri des probl mes du monde loin des violences des injustices des in galit s des exploitations ce n est pas apprendre la m me chose ce n est pas savoir la m me chose ce n est pas le m me savoir Ce ne sera pas non plus le m me pouvoir Les classes dominantes jouant cyniquement sur la n cessit de prot ger les enfants de l oppression qu elles exercent sur les parents veulent une formation intellectuelle distincte de l ensemble des entreprises de production obtenant ainsi que les outils de pens e forg s dans les humanit s soient sans pouvoir de transformer l humanit Les mouvements ouvriers tenus en chec la fin du XIX si cle et progressivement atteints par les effets de ce projet ducatif dont Jules FERRY affirmait qu il fermerait l re des r volutions et n ayant pas par ailleurs d exp riences o affermir leur th orie ont fait porter leur revendication sur les aspects quantitatifs Les mouvements d ducation Nouvelle ont continu seuls la r flexion en ce domaine et le plus souvent sans r el soutien quand ce n est pas contre l hostilit des organisations politiques de gauche et des syndicats ouvriers et enseignants Si bien que l exigence d une formation intellectuelle ins parable de la th orisation des actions de trans
10. permettre chaque adulte par son travail de transformer le monde mat riel et social et de faire voluer ses savoirs par la th orisation de ses pratiques r elles Se pose alors mais seulement alors la question de l int gration simultan e des jeunes enfants ce processus d ducation communautaire Il est en outre illusoire d esp rer transmettre des modes d action et de pens e des savoirs et des valeurs travers un dispositif scolaire si le milieu social et familial environnant n est pas d j lui m me agit par leur mise en uvre concr te Un dispositif scolaire est on le sait quasiment impuissant faire acqu rir des enfants des mani res d tre qui ne sont pas pratiqu es par les familles et voulues par la collectivit proche Ou alors des co ts exorbitants comme on le voit dans les pays d velopp s o il faut accompagner l apprentissage de la lecture qui est pourtant si simple quand c est l affaire de tous d un dispositif technique psychologique m dical et p dago Logique avec des phases d individualisation de rem diation et de soutien conduites par un personnel dont on n imagine plus qu il puisse tre form moins de 5 ann es apr s le bac tout cela pour que ces savoirs scolairement acquis et socialement absents s oublient en quelques ann es comme le prouve la formidable mont e de l analphab tisme fonctionnel On doit questionner ce processus invent par les pays industrialis s pour les n
11. plut t parce que nous les colonisions Or le pi ge du r alisme et de l urgence poursuit ses ravages dans les pays en voie de d veloppement de la m me mani re qu il frappe les analphab tes des pays industrialis s Le pi ge Croire qu il faut commencer pour les plus d munis par le plus l mentaire D abord apprendre se d brouiller dans le m tro ou comprendre le mode d emploi de la pompe du puits r diger un ch que ou solliciter par crit un droit l mentaire consulter les offres d emploi ou se tenir pr t acheter Le Savanien Lib r le jour o le tam tam refusera de passer de la pub Utiliser l crit pour transformer l ordre d un monde qui vous r duit la mis re et l impuissance ce sera pour plus tard si on en a encore l id e pour quand on aura appris presque rien mais surtout pas n importe comment afin de ne retenir comme seul sens de l crit que la mani re dont on a t enseign l ordre et la discipline le m rite individuel et le respect du savoir la gratitude pour nos bons ma tres qui se sont donn tant de peine la place en bas Lech WALESA n a t il pas toujours d clar qu on ne pouvait raconter n importe quoi aux ouvriers polonais car ils avaient un niveau de formation quivalent au baccalaur at Nous pouvons difficilement en dire autant ce qui permet de raconter n importe quoi aux ouvriers fran ais sans risquer une r volution ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES
12. ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 Dossier 1990 l ann e internationale de l alphab tisation ANALPHABETES DE TOUS LES PAYS QUI NE VOUS UNIREZ J AMAIS Jean FOUCAMBERT Jean FOUCAMBERT apr s une analyse politico historique de la situation de la lecture dans les pays pauvres et les pays industrialis s ainsi que des projets actuellement pr n s pour rem dier la situation catastrophique dans le Tiers Monde en vient proposer qu on tienne compte des r sultats constat s ici pour au minimum ne pas recommencer la m me chose l bas Ce faisant il rappelle quel r le peut avoir l crit dans un r el processus de d veloppement et d mancipation et quelle solution on peut adopter d s lors qu on ne consid re pas l cole comme la seule voie d acc s aux Savoirs Le peu que je sais des actions d alphab tisation dans le Tiers Monde remonte 25 ans lorsque des experts fran ais vendaient la C te d Ivoire un syst me ducatif fonctionnant par t l vision l poque cette entreprise a t pr sent e comme une exp rience originale d aide aux pays en voie de d veloppement d autant plus exp rimentale et originale en effet qu aucun des experts n avait r ussi mettre en place dans son propre pays la moindre action convaincante et durable d audiovisuel ducatif D s ce projet annonc des chercheurs belges se sont vu confier par des instances internationales une mission
13. POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 sp cifiques peuvent prendre en charge avec des enfants de plus de 10 ans des adolescents et des adultes l enseignement de savoirs plus sp cialis s condition que les l ves eux m mes continuent de participer la diffusion de ces savoirs dans l environnement De telle sorte que l investissement dans la cr ation ou le d veloppement d une scolarisation des enfants constitue dans l tat actuel des choses le plus mauvais choix ducatif social culturel conomique et politique sur le plan d une promotion collective dans les pays du Tiers Monde choix qui n existe que parce que les int r ts post coloniaux des pays d velopp s rencontrent ceux des classes dominantes locales ou les illusions que leur propre scolarisation leur a cr es Pour autant l action ducative est de la plus vitale n cessit et les restrictions que le Fonds Mon taire International lui fait subir a les cons quences les plus meurtri res Mais cette action ne devrait pas rev tir de formes scolaires pour les enfants tant qu il s agit des savoirs non sp cialis s dont il est urgent que l ensemble de la population se dote Car ces savoirs dont la lecture n est qu un aspect ne se d velopperont rapidement et en profondeur pour tout le monde y compris pour les jeunes que s ils sont fonctionnellement int gr s chacune des entreprises transformant le tissu social et conomique Avec l aide des enseignants
14. acablement aujourd hui les traites des banques ont remplac la traite des noirs Les pays qu on cite comme mod le de d veloppement sont les pr dateurs des pays dont on dit pudiquement qu ils ne se sont pas assez ou encore d velopp s Et si aujourd hui 20 de l humanit accaparent 80 des richesses ce pillage a moins produit de valeurs humaines nouvelles dans les pays favoris s qu elle n a cr de carences fatales ailleurs L h b tude des analphab tes fam liques du Sahel n a d gal que l abrutissement des Europ ens qu on invite chaque veille de vacances se jeter sur leurs hebdomadaires pour y d couvrir le r gime qui doit les amaigrir Quel que soit le versant de la plan te les lectro enc phalogrammes sont aussi peu escarp s mais pour des raisons diff rentes L alternative ne devrait pas tre de mourir de faim ou de mourir idiot et m me ce choix les individus ne l ont pas ce qui faisait d j dire ROBESPIERRE Je regarde l opulence non seulement comme le prix du crime mais comme sa punition ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 me Car les syst mes conomiques qui ont d s le XVII si cle construit leur opulence sur la mise sac de continents entiers aussi bien de leurs mati res premi res que de leurs ressources humaines ont simultan ment conduit la m me op ration et pour les m mes raisons sur leur propre sol en veillant toutefois profit oblige
15. ans doute mati re formation intellectuelle si les disciplines g n rales ont pour contenu et pour objectif de th oriser l ensemble des pratiques dans ce qu elles r v lent indissociablement des r alit s physiques sociales et humaines Mais tout se passe comme si implicitement on continuait hi rarchiser les productions partir de la s paration actuelle entre le travail manuel et le travail intellectuel Si bien que pour les niveaux l mentaires de la scolarisation on n imagine gu re que des productions mat rielles qui puissent d boucher sur le social plantation levage petits objets r parations ou travaux collectifs Rares sont les cas o ce qui se produit appartient au symbolique ou des domaines difficiles d finir autrement que par une plus forte composante abstraite C est pourtant ces productions qu il conviendrait de songer en priorit Il est certain par exemple que l engagement Cuba des enfants eux m mes dans les actions d ducation et d alphab tisation donc dans la production sociale de biens immat riels sous la forme de savoirs et de processus cognitifs constitue une avanc e consid rable Moins en raison de l efficacit imm diate du dispositif pourtant consid rable qu en raison de la complexit de la situation de production offerte l activit r flexive et qui a eu des effets ducatifs diff r s remarquables La g n ration des alphab tiseurs cubains qu ils soient aujourd hui c
16. cit questionner et transformer notre propre syst me dont l actuelle coh rence est historiquement et fonctionnellement partie prenante du sous d veloppement pass et venir des autres pays Les formidables in galit s intra et inter pays prouvent non pas l avance de d veloppement des pays riches mais leur garement Et donc leur inaptitude servir de mod le pour le Tiers Monde Aussi devons nous douter des id es les plus commun ment re ues PREMI RE PISTE DE R FLEXION L alphab tisation n est pas la r ponse au formidable besoin ducatif des pays en voie de d veloppement L expression pays en voie de d veloppement ne contribue pas claircir le d bat D j elle ne dit rien des pays d velopp s qui sont eux en voie de quoi Mais surtout elle laisse entendre que sur LE chemin que suivent les pays d velopp s les autres pays sont simplement moins avanc s Dans la longue marche de l humanit tout se passerait comme si certaines r gions du monde vivaient d j au XXI si cle et d autres taient encore au XIX ou au Moyen ge On sait combien cette vision paisible de peuples in galement avanc s sur la grande route de l histoire permet de ne rien dire des voleurs de grand chemin L in galit actuelle des d veloppements ne provient pas du r veil tardif de certains peuples elle est le r sultat des relations que les uns ont impos es aux autres depuis plus de 3 si cles et encore plus impl
17. d valuation de l op ration de leurs coll gues fran ais Leurs conclusions n ont port aucune condamnation L encore l op ration tait riche d enseignements pour les universitaires europ ens puisqu aucun d entre eux n avait t appel valuer quoi que ce soit de cette importance au niveau de son propre syst me ducatif Je me suis par la suite peu pr occup de ces probl mes ayant trop combattre les effets de l alphab tisation en France pour concevoir qu elle puisse tre une solution ailleurs Pourtant de nombreux exemples auraient pu d s cette poque alerter sur les connivences entre ceux qui post alphab tisent et ceux qui post colonisent ne serait ce que le cas de ce linguiste qui proposait aux pays du Tiers Monde de tradition orale une langue crite concoct e la Sorbonne en m me temps qu il faisait vivre l cole maternelle fran aise la stup fiante aventure des pictogrammes Puis les v nements se sont acc l r s En fin 1989 un ministre fran ais a solennellement ouvert cette actuelle fameuse Ann e Internationale o pays riches et pays pauvres d couvrent qu ils ont un probl me en commun l analphab tisme Et lors de la s ance inaugurale des gens responsables n ont pas manqu de se r jouir que la Banque Mondiale et le Fonds Mon taire International s int ressent cette affaire Comment ne pas voquer ROBESPIERRE plaignant les peuples d avoir tre instruits par ceux qui ont pr cis
18. e influencent les op rations intellectuelles qu il autorise Mais de toutes fa ons les objectifs de formation partir de la production sont plus d cisifs dans l imm diat que le plus ou moins grand pouvoir de communication au niveau national et international de la langue orale laquelle l crit correspond Si bien que ce sujet difficile peut tre envisag dans une autre logique que celle qu autorise l alphab tisation Ce regard sur les rapports l crit du Tiers Monde exprime combien causes et solutions ne lui sont pas sp cifiques L tat d urgence et d extr me pr carit fonctionne seulement comme un appareil grossissant qui r v le les probl mes g n raux de l usage de l crit dans le monde de 1990 et dont les causes d pendent des rapports globaux de d veloppement des peuples de m me que les solutions passent par les transformations de ces rapports que les pays riches s imposeront ou que les pays pauvres arracheront Il n est pas facile sans parfois durcir le trait de faire sentir que la vanit des propos de salon dans les instances internationales ou encore les modalit s savantes de la lecture de ceux qui lisent la nature de la production crite et des instances litt raires l impossibilit d augmenter le nombre des lecteurs ou bien la mont e de l analphab tisme fonctionnel que tout cela est dans les pays riches ce qui accompagne un type de d veloppement conomique lequel est lui m me parfaitement coh rent a
19. ent fait siennes les th ses de FINKELKRAUT que chacune de ses phrases illustre elle seule la d faite de la pens e Il explique pourquoi il oblige ses l ves de terminale on a les analphab tes qu on peut lire Car prend il le risque d affirmer il n est jamais trop tard L crivain en profite pour stigmatiser une sociologie mis rabiliste Car lui non plus dans sa jeunesse n avait pas de livres chez lui Ah Et il ne pouvait pas en avoir puisque sa m re tait trop passionn e de musique classique pour tol rer autre chose que des partitions sur les pianos queue Enfin un historien fran ais de la lecture prend la parole Il commence poursuit et termine par une d nonciation de la d ploration Mais il faut avouer qu il a une mani re tellement charmante de dire ce mot D apr s lui la lecture ne s est jamais si bien port e et il en donne pour preuve le succ s m me du pr sent Salon C est vrai la fin qu on peut douter quand on voit l affluence quotidienne chez FAUCHON qu il y ait vraiment 30 millions d enfants qui meurent de faim chaque ann e dans le monde Pour faire bonne mesure et apporter des preuves scientifiques l o les adeptes de la d ploration n accumulent que des fariboles d stabilisatrices il rappelle que des sociologues ont pendant la crise de 29 Chicago pu observer que les ch meurs avaient tendance lire davantage preuve que la lecture est d abord une question de disponibilit
20. formation du milieu physique et social s est rapidement mu e en vigilance pour que les deux types d activit s au minimum coexistent renfor ant ainsi ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 involontairement la division sociale entre activit s manuelles et intellectuelles Des disciplines fondamentales pour la formation intellectuelle d une part et d autre part des projets pour y r investir les acquis d couvrir le milieu et tirer la le on des choses Les exp riences socialistes n ont pas vraiment r ussi rompre avec cette division En URSS partir de 1926 sous l effet de la comp tition impos e par les pays capitalistes l urgence de transmettre les savoirs dont le d veloppement conomique avait besoin pousse l abandon de la p dagogie des projets exp rience trop r cente pour tre encore autre chose qu une inexp rience et impose avec ce qui va devenir l enseignement polytechnique un retour une juxtaposition de disciplines simplement plus ouverte que ce que connaissent les syst mes scolaires occidentaux Par voie de cons quence les conditions d une transformation de la formation intellectuelle et de la production de nouveaux savoirs n tant pas r unies la R volution doit anticiper ces n cessaires volutions philosophiques par une imposition th orique dont les effets ne sont pas fondamentalement diff rents des cat chismes ant rieurs Ce qu on sait de la r voluti
21. l n est pas possible que quelque chose s entreprenne sans donner naissance une analyse qui pousse la pens e au del d elle m me C est dire que le lieu d ducation c est le projet lui m me dans lequel un groupe h t rog ne en ges et en savoirs s engage avec des aides ext rieures n cessaires dans une activit sociale r elle qui produit une transformation dans l environnement et dans le syst me th orique de chacun des acteurs Mais ce projet ne permet d apprendre que s il est con u pour produire il ne saurait tre un artifice p dagogique Pour autant il ne suffit pas qu il y ait production pour que la formation intellectuelle commence D s lors se pose le probl me de l origine et de la nature des interventions qui vont rendre possible la distanciation de l action sa th orisation et sa mise en relation avec d autres exp riences ainsi que leur organisation progressive et leur diff renciation On d bouche de cette mani re sur la seule raison qui introduit l crit celle des outils dont la pens e a besoin pour se construire TROISI ME PISTE DE R FLEXION L crit doit tre introduit d s le d but pour ce qu il a de plus sp cifique dans son emploi le plus labor un outil dans le processus de formation intellectuelle On a du mal imaginer les raisons pour lesquelles des populations adultes dans le plus extr me d nuement et sans aucune perspective dans la d pendance conomique et la n gation politique se
22. la possibilit d en mesurer les effets dans leur propre pays Le moins qu on puisse dire pour n en pas dire davantage c est qu un plan d ducation qui donne la priorit la scolarisation des jeunes et la transmission initiale des rudiments qu il n est pas permis d ignorer deux axes en apparence bien innocents et bien n cessaires est coh rent avec un syst me social in galitaire et entretient des rapports de domination capables de bloquer des choix socio conomiques oppos s comme on l a vu dans l volution des pays socialistes Aussi je voudrais seulement attirer l attention sur deux points dont on ne parle jamais une fois qu on a rappel l importance de l effort ducatif H D 4 1 p dg A ii S qui alimentent les discussions du Grand Caf de la P dagogie mais les Allemands font du sport l apr s midi mais le directeur choisit ses adjoints dans les tablissements anglais mais l cole maternelle fran aise est la meilleure du monde mais Z Je renvoie aux rares livres sur ce sujet ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 1 Plus la situation est urgente et conomiquement catastrophique moins c est aux enfants qu il faut s adresser en priorit Les effets conomiques politiques et sociaux d une scolarisation des enfants de 5 6 ans ne peuvent se faire sentir qu apr s 15 20 ans condition toutefois que tout reste stable ou volue lentement
23. on culturelle en Chine t moigne aussi de la pr gnance de cette juxtaposition symbolis e par le professeur de facult partant faire les foins sans qu on sache tr s bien si son travail est un appoint indispensable l agriculture la punition annuelle qui quilibre d magogiquement un privil ge ou la rencontre salutaire avec une r alit dont l activit intellectuelle loignerait preuve absolue dans ce cas qu elle ne consiste pas en sa th orisation Pourtant la solution de cette question est probablement plus essentielle encore pour le Tiers Monde La formation intellectuelle ne peut tre qu une dimension permanente du quotidien qui conduit de l acte n de la n cessit de transformer le r el la pens e qui le th orise Et cette formation sera d autant plus f conde que l acte r pond une situation complexe offrant l activit r flexive les aspects contradictoires du social de l affectif et du symbolique propos de la ma trise collective que l homme se donne de son environnement et de son destin complexit qu engendre et que r v le seulement toute situation de production condition toutefois de donner son sens le plus large au mot production et ne pas le r duire une simple fabrication mat rielle comme on le voit dans certains exp riences o les tablissements scolaires entretiennent leur propre unit de production g n ralement agricole ou participent celles de la collectivit Un tel dispositif offre s
24. onducteurs de car ou techniciens employ s dans une fabrique ou professeurs t moigne de la valeur ducative de ces productions de biens sociaux en ce qui concerne le niveau de conscience et d analyse de ceux qui y ont particip Il est simplement 4 Autour de l id e qu il n est pas possible d apprendre quelque chose sans imm diatement courir l enseigner d autres faisant de chacun quels que soient son ge et son niveau de savoir un destinataire et un acteur du processus ducatif ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 regrettable que le succ s de ces d marches en att nue la n cessit au fil des ans et qu on en revienne faute d tendre l ducation communautaire au del des savoirs de base une participation la production limit e aux biens mat riels Car cette d faillance outre ses effets sur la d multiplication sociale des savoirs prive la formation intellectuelle de l exp rience de production la plus riche celle qui se confronte aux repr sentations aux id es et aux valeurs Il est certain que les pays du Tiers Monde doivent faire le choix de cette ducation communautaire contre les syst mes sp cialis s d instruction et pr f rer la promotion collective la s lection et la r ussite individuelle condition de ne pas limiter le concept de production aux r alisations mat rielles la formation intellectuelle est une dimension permanente de tout travail social i
25. ordre du jour DEUXI ME PISTE DE R FLEXION L ducation dont les pays en voie de d veloppement ont le plus urgent besoin n implique pas un syst me scolaire sur le mod le de ceux que nous connaissons Aux variations nationales pr s il y a une telle n cessit historique commune aux pays d velopp s qu il nous est impossible d imaginer un syst me ducatif qui ne reposerait pas sur une cole Pourtant ce mod le qui semble aujourd hui universel correspond un projet de d veloppement conomique et social et s est impos contre d autres mod les dont on ne conna t le plus souvent que quelques principes qui n ayant pas pr valu paraissent minemment id ologiques utopiques ou aventureux Mais on peut n anmoins imaginer la stupeur d un ouvrier du XIX si cle oppos jusqu en mourir ce projet d cole pour le peuple que Jules FERRY imposera et d couvrant aujourd hui qu on fait croire aux peuples des pays domin s qu ils vont se lib rer s ils adoptent nos propres syst mes scolaires o sont aussi pass s les neuf dixi mes de leurs potentats locaux Il est pourtant vident que la confiscation ou la d l gation des objectifs et des fonctions dans le domaine de l ducation est li e dans ses causes et dans ses cons quences la domination d une classe sur une autre donc l in galit institu e et reproduite Il y a l un enjeu capital dont les gens de progr s comme on dit devraient se soucier eux qui ont
26. passer d une reconstruction de l exp rience partir de la m moire qui con oit le monde sur le mode du chronologique une recr ation sur le mode du simultan o tout est pr sent dans le m me instant et qui pousse la synth se la recherche de ce qui met de l ordre de l unit de la coh rence alors la pens e ne va pas au bout d elle m me et ne peut anticiper la transformation de l exp rience nouvelle C est prioritairement en cela que l crit doit tre introduit non comme l outil d une communication dont les conditions ne sont pas r unies mais comme l instrument de la formation intellectuelle dont l urgence est la mesure des transformations entreprendre Une personne dans ce groupe formateur ou enseignant va donc faciliter et enrichir le travail collectif en utilisant l crit comme il serait utilis si les participants taient eux m mes d j lecteurs Je renvoie l ce que l AFL dit des circuits courts car une telle d marche implique une m thodologie rigoureuse et particuli rement l article du n 17 des Actes de Lecture Madani ira t il Paris Il en va dans cette situation comme pour un groupe d analphab tes adultes ou enfants en France l crit va tre introduit dans la forme complexe o des lecteurs en auraient le besoin et non dans la forme rudimentaire qui seule semblerait accessible des non lecteurs C est dire que d s le premier jour on se trouve devant des textes longs qui constr
27. pendant ce temps Or dans le m me intervalle la population d Afrique par exemple aura presque doubl donc aussi les effectifs scolaires et les co ts entra nant des bouleversements qui ne laisseront pas le loisir d attendre les effets long terme d une scolarisation des enfants dans un monde qui aura chang sans qu ils en soient encore acteurs tandis que les actuels adultes demeureront priv s de ces savoirs sens s donner prise sur le monde Les enjeux sont bien videmment pour aujourd hui et l ducation concerne en priorit les acteurs conomiques et sociaux engag s dans le pr sent et son changement Et d autant plus que l investissement dans une formation des enfants par l cole suppose une id e relativement claire des besoins collectifs et individuels pour l avenir et donc qu un mod le de soci t ait t au moins implicitement entrevu mais dans ce cas par qui Et sur quelle exp rience d un autre d veloppement dont le monde et pas seulement le Tiers Monde a besoin En attendant choisir d utiliser dans l cole les adultes qui ont fait quelques tudes c est donner la preuve absurde que le pays n a pas l usage aujourd hui des savoirs qu ils ont pourtant mission de faire acqu rir aux enfants c est aussi pr tendre qu il n existe pas d autres moyens que l cole de les acqu rir Il semble pourtant vident que ceux qui portent les savoirs existants devraient les investir dans des projets largement communautaires afin de
28. projet de domestication d une classe par une autre Nous en rencontrons chaque jour davantage les effets et particuli rement son impuissance transformer l enseignement d une technique en pratique mancipatrice pour les opprim s Pourtant en Afrique comme dans le reste du monde la simple survie de l humanit passe prioritairement par un formidable effort d ducation tel qu il n a jamais t entrepris et surtout pas dans les pays industrialis s o comme le d non ait d j le m me ROBESPIERRE les hommes d affaires se sont toujours charg s d enseigner eux m mes l arithm tique afin que personne ne puisse v rifier leurs comptes Et qu il n a jamais t r ussi et pas davantage dans les pays de l Est dans lesquels l chec loin d tre d abord conomique compar l tat du monde que g re le capitalisme s explique moins par un d ficit dans la transmission des savoirs ou par un endoctrinement des esprits que par une incapacit du syst me ducatif faire voluer les mentalit s vers moins de superstition et de nationalisme moins d individualisme et de fascination de la consommation l occidentale L tat du monde exige que s ouvre partout un gigantesque travail commun d ducation Nouvelle ce qui est tout fait autre chose que de revendre nos ex pays colonis s les plans d alphab tisation que nous avions con us usage interne au moment o et si on s en r f re Jules FERRY sans doute
29. r e de la production mais qui ne se r duit pas elle et donc exige qu on la travaille avec des outils particuliers Que d artifices d ploy s jusqu ici pour justifier aupr s des pauvres des usages subalternes de l crit alors que sa Ce que Elena Gianini BELOTTI dit de l enfant est vrai aussi de tout humain D s l instant o il vient au monde c est un explorateur insatiable t m raire curieux qui se sert de ses sens et de son intelligence comme un scientifique toute son nergie tendue vers la connaissance ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 fonction premi re est l vidente accessible n cessaire accompagner les prises de pouvoir sur le monde Il s agit donc de se placer dans la dynamique de groupes h t rog nes qui au niveau d un quartier ou d un village s engagent dans le projet de transformer une situation complexe Et qui adultes et enfants ni ne sont ni ne se sentent l cole mais en prise sur le r el la fois physique et social Pas encore d crits dans cette assembl e et pour cause m me si certains participants en sont un peu moins loign s que d autres donc pas d outil pour s engager dans une distanciation et dans une th orisation qui permettent d acc der au structurel partir du conjoncturel que l on travaille Non pas qu il n y ait pas de pens e dans le conjoncturel mais s il n existe pas d outil pour dresser la carte partir du territoire pour
30. st par milliers quelle que soit la sinc rit de leurs militants que des organismes ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 dans les pays industrialis s re oivent des financements pour intervenir dans les pays en voie de d veloppement Et cette manne distribu e ici ne donne directement ni travail ni ressource ni responsabilit ni pouvoir aux organismes des pays m mes o le sous d veloppement conomique cr e les probl mes auxquels on pr tend rem dier Plus troublant est le constat que les pays donneurs de le ons sont loin d avoir fait dispara tre les probl mes chez eux qu il s agisse de l analphab tisme ou de la mis re quarante millions d habitants des tats Unis vivent en dessous du seuil de pauvret sans parler de la m diocrit des rapports l crit de la majorit de leur population Et en Europe Comment croire des experts impuissants dans leur propre pays et qui participent au pillage des r gions pauvres en y monnayant jusqu leur ignorance Au del de leur cynisme et de leurs co ts ces ing rences ont des cons quences plus dramatiques encore elles imposent comme solution aux pays anciennement colonis s les mod les m mes qui ont permis autrefois aux pays colonisateurs de devenir ce qu ils sont et donc qui entretiennent le syst me in galitaire dont les pauvres sont victimes Aussi le plus urgent concours que nous puissions apporter d pend il de notre capa
31. uisent des points de vue sur ce que le groupe vit en commun qui fouillent les apparences pour chercher derri re elles pourquoi les choses sont ce qu elles sont qui jalonnent les d marches non du projet mais de l activit r flexive et de la formation intellectuelle que cette production rend possibles et n cessaires L crit est un langage qu il faut manipuler pour saisir la r alit et qui se construit dans ce va et vient socialis de l acte la pens e C est dire aussi que d s le deuxi me jour le nouveau texte se construit en r f rence au premier et d s le troisi me jour un r seau d crits se tisse produits au plan local dans le m me temps et la m me n cessit que les lecteurs r seau qui convoque imp rativement des textes crits ailleurs pour th oriser d autres exp riences Qu on ne se m prenne pas sur cette activit th orique la litt rature en est la forme la plus labor e et la plus n cessaire Ainsi d s qu on rend l crit sa fonction confisqu e par un partage social in galitaire d s qu on lui permet d tre m me au niveau le plus modeste partie prenante du travail social de transformation de l exp rience il devient cet outil privil gi gr ce auquel la formation intellectuelle n est pas s parable des activit s de production Cette coh rence pressentie de part et d autres par les forces sociales des pays industrialis s au XIX si cle a donn lieu aux batailles que l on sait auto
32. ur de l id e d ducation dont l issue s est traduite par la g n ralisation des politiques d alphab tisation Il n existe pas d autre solution pour les pays en voie de d veloppement que de reprendre ce probl me avec la plus haute exigence imm diate quant la fonction de l crit qu il s agit de d velopper le rapport l crit doit tre introduit express ment comme un moyen de formation intellectuelle dans tous les projets o s investissent des groupes quels qu en soient l objet et la composition En Repris dans Questions de lecture 1989 d Retz I Chaque projet des O N G devrait pr voir le financement des aspects li s aux actions lecture mat riel et formation 10 ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 30 juin 1990 d autres termes il ne peut surtout pas y avoir entreprise sp cifique d alphab tisation et pas davantage l cole mais participation des enseignants et des formateurs avec les enfants et les adultes la vitalisation des actions de production en ne la restreignant pas aux aspects mat riels De ce fait galement le probl me du choix de la langue qui en particulier divise certains pays d Afrique se pose autrement car si apprendre lire et crire c est apprendre exercer des op rations intellectuelles travers un langage crit alors il est probable qu on n apprend lire qu une seule fois m me si les contraintes propres chaque syst me linguistiqu
33. vec le sous d veloppement conomique des pays pauvres et avec l analphab tisme qui y r gne Et ce n est pas une question de vases communicants la mis re des pays sous d velopp s ne diminuerait pas si les pauvres en France renon aient revendiquer des salaires plus d cents La lecture dans le Tiers Monde s am liorerait elle si les ouvriers fran ais achetaient encore moins de livres Bien au contraire c est le m me ordre c est la m me logique de pillage et d in galit qui aboutit ce que 70 des gens alphab tis s dans les pays riches ne lisent pas et que 80 des habitants des pays pauvres soient hors d tat de rencontrer l crit Les probl mes sont communs et se vivent au m me moment et se combattent de la m me mani re aussi rien n est plus faux que de croire que les strat gies pourraient tre d cal es Ce qui est en jeu au Nord comme au Sud travers la lecturisation c est bien un autre partage de la propri t des moyens de produire du sens des id es et du savoir donc la ma trise r elle de cet outil pour penser qu est le langage crit L alphab tisation avait consist pr cis ment dans les pays qui s industrialisaient doter la multitude d un syst me de marquage et d un moyen de communiquer distance afin d viter qu elle ne s approprie ce qu elle n avait d j que trop commenc faire seule un moyen de construire partir de l action qui le transforme de nouveaux points de vue sur le
34. ys en voie de d veloppement fera mieux prendre conscience de l enjeu que repr sente la lecture dans nos propres pays pour eux comme pour nous Assur ment le plus s r moyen d aider aujourd hui les analphab tes dans le monde est il de faire avancer en France les id es et les pratiques de la lecturisation Jean FOUCAMBERT 12
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